Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 66 - Témoignages du 10 septembre (matin)
OTTAWA, le mardi 10 septembre 2002
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 07 pour examiner le document intitulé «Santé en français — Pour un meilleur accès à des services de santé en français».
Le sénateur Yves Morin (président suppléant) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président: Nous allons ouvrir la séance. J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je rappelle aux sénateurs que le but de cette séance est de poursuivre l'étude du rapport sur les soins de santé aux francophones hors Québec, suite à une résolution du Sénat. Il s'agit de deux rapports: un rapport de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada sur les soins de santé aux francophones en situation minoritaire et un deuxième rapport présenté au ministre Rock et qui reprend largement les résolutions du premier rapport.
Vous vous souviendrez qu'il s'agit d'un sujet prioritaire pour les communautés francophones hors Québec, priorité qui a été reprise par le ministre Dion récemment à Whitehorse et qui a été exprimée à plusieurs reprises par le ministre Rock lors de la création du comité.
Nous avons entendu, lors d'une séance précédente, les représentants de Santé Canada qui ont fait état des travaux réalisés de leur côté et d'attribution de fonds qui doivent être versés de façon ponctuelle en vue d'une solution du problème.
Ce matin, nous entendrons des témoins qui nous feront part de la situation des francophones hors Québec. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Paul d'Entremont, de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, Mme Yseult Friolet, de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, M. Alcide Gour, de l'Association canadienne-française de l'Ontario et enfin M. Jean-Guy Rioux, qui représente la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
Je vous rappelle qu'il y aura une première présentation de votre part d'une durée de six à sept minutes et, par la suite, il y aura des questions. Un certain nombre de sénateurs doivent se joindre à nous un peu plus tard et participeront au débat.
Monsieur d'Entremont, nous vous écoutons avec plaisir.
M. Paul d'Entremont, coordonnateur du secteur santé, Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse: C'est en tant que coordonnateur du secteur santé de la FAN que je me présente devant vous aujourd'hui. La FAN est un regroupement d'organismes régionaux, provinciaux et institutionnels et le principal porte-parole de la communauté acadienne et francophone.
Laissez-moi vous dire un mot sur la communauté acadienne de la Nouvelle-Écosse. Nos origines remontent au XVIIe siècle, alors qu'une centaine de familles françaises s'installèrent sur les rives de la baie de Fundy et autour de Grand-Pré. De nos jours, et selon le recensement de 1996, les quelque 36 300 francophones constituaient, à cette date, 4 p. 100 de la population totale de la province, qui s'élevait à près de 900 000 habitants. C'est une communauté dont les effectifs sont stables depuis 50 ans, mais dont le pourcentage tend à diminuer. C'est aussi une communauté bien enracinée puisque 70 p. 100 des francophones sont nés ici et que peu d'entre eux se déplacent vers d'autres provinces.
Notre poids démographique est faible, mais nous sommes concentrés dans les régions rurales assez homogènes, ce qui nous confère un poids politique. Par exemple, dans les régions d'Argyle et de Clare, au sud-ouest de la province, les Acadiens forment la majorité. Deux concentrations de population acadienne et francophone se situent aussi dans les centres ou les régions urbaines, soit celles de la région d'Halifax-Dartmouth et de Sydney, au Cap-Breton. Les Acadiens forment plus de 15 p. 100 de la population, dont 4 des 18 comtés de la province.
En Nouvelle-Écosse, il n'existe pas de loi ni de politique provinciale d'offre de services en français. Ceci explique pourquoi les services de santé en français sont si peu accessibles et, là où ils existent, ils y sont offerts en raison de l'acharnement des individus et des organismes communautaires. Les acquis dans la prestation des services en français sont très souvent le résultat du hasard et la communauté en craint la perte. Les propos recueillis lors des récentes consultations tenues auprès de la population acadienne et francophone dans nos huit régions acadiennes, comme par exemple l'étude récente de la FCFA, attestent du fait que les services en français sont peu accessibles.
Tout de même, à Chéticamp, au Cap-Breton, on compte un centre de santé communautaire qui offre à peu près toute la gamme de services de soins primaires. À l'île Madame, toujours au Cap-Breton, on trouve un centre qui offre des services plus limités. Quelques cliniques médicales offrent des services en français dans cinq régions de la province. Enfin, dans l'ensemble, les services en français sont à peu près inexistants dans le milieu hospitalier ou communautaire.
En plus de la barrière linguistique, la réalité rurale de nos communautés pose de nombreuses difficultés quant à la prestation des services. Par exemple, les femmes acadiennes doivent voyager plus de trois heures, à partir de Chéticamp ou de Pubnico-Ouest, pour avoir accès aux services spécialisés de la capitale.
La présence d'institutions francophones dans nos communautés affirme notre présence et contribue à une plus grande identification des éléments qui la composent. C'est ainsi que la présence de centres de santé communautaires francophones dans les régions acadiennes renforcerait le sens d'appartenance des Acadiens à leur communauté tout en contribuant au développement culturel, économique et communautaire. Ce désir fut fortement exprimé lors des consultations.
La Régie régionale de la santé «Capital», située à Halifax-Dartmouth, est désignée comme chef-lieu pour les services tertiaires et les soins spécialisés pour toute la province ainsi que pour les autres provinces atlantiques comme pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Malheureusement, des services en français n'y sont pas offerts. On compense cette lacune en offrant parfois des services d'interprétation aux patients et utilisateurs des services francophones et à leurs familles, ce qui est, vous en conviendrez, insuffisant.
Je vous parlerai maintenant d'un projet lancé dernièrement par notre organisme, soit «Les services de santé en français». Grâce à l'appui financier de Santé Canada et du ministère du Patrimoine canadien, la FANE, avec ses partenaires, a consulté la communauté acadienne et francophone, les professionnels de la santé, les dirigeants et décideurs du domaine de la santé au sujet des stratégies d'action en matière de services de santé en français. Pour ce faire, une tournée de consultations publiques dans huit régions de la province ont eu lieu au mois de mai. C'est en décrivant la situation telle qu'elle se vit dans chacune des régions et en profitant de l'expertise des professionnels de la santé que les participants ont identifié les enjeux, les problématiques, les préoccupations, les initiatives existantes et les besoins d'intervention et stratégies d'action pouvant améliorer l'accès aux services de santé en français.
Un forum provincial a suivi en juin, et des initiatives ou stratégies d'intervention et des pistes de solutions possibles pouvant influencer les politiques en matière d'accès et de prestation des services de santé en français y furent proposées afin de déterminer comment pourraient agir les dirigeants politiques pour améliorer l'accès aux services de santé en français aux niveaux régional, provincial et national.
Les initiatives proposées favorisent le renforcement des capacités communautaires dans l'élaboration de stratégies et de politiques pour la prestation des services en régions rurales et urbaines, la prévention des maladies, la promotion de la santé, les soins spécialisés, les soins de longue durée, le dépistage tant chez la petite enfance que chez les aînés, le recrutement, la formation et la rétention dans les professions de la santé, la sensibilisation auprès des autorités et dirigeants politiques quant aux besoins des services, une formule de financement utilisée par les gouvernements fédéral et provincial pour les services de santé fondée sur les besoins démographiques et, en dernier lieu, la formation d'un comité sectoriel de la FANE en vue de l'élaboration et de la surveillance d'un plan de prestation des services de santé en français. Elles accordent une attention particulière aux déterminants de la santé et proposent l'implication de la communauté dans la structure décisionnelle.
La langue est une question de qualité, d'efficacité et de gros bon sens. Les services de santé sont de meilleure qualité et sont souvent plus efficaces s'ils sont offerts dans la langue du patient. La communauté acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse ne diffère pas des autres communautés acadiennes et francophones en situation minoritaire au Canada à cet égard. Une prestation de qualité étroitement liée à la capacité des professionnels du domaine de la santé de soigner, aider, informer, conseiller, orienter et éduquer les utilisateurs des services. La capacité de comprendre et d'être compris est essentielle à une relation efficace entre un professionnel de la santé et l'utilisateur du service.
En plus de démontrer un respect pour la culture de l'utilisateur, la langue est étroitement liée à l'amélioration des conditions de la santé, de la promotion de la santé et de la santé de la population. Elle favorise la capacité communautaire à s'approprier des mécanismes et des structures d'accès aux services de santé en français et permet à l'individu de vivre en français jusqu'à la fin de ses jours.
Santé Canada a déjà démontré sa volonté de s'ouvrir à cette question. En septembre 2001, le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire a remis son rapport au ministre de la Santé. Ce rapport décrivait de façon assez précise les cinq leviers qui doivent être créés et utilisés en vue d'assurer le développement des services de santé en français en milieu minoritaire. La FANE souscrit au plan d'action proposé pour ces cinq milieux d'intervention dans le but de faciliter les initiatives des communautés et d'améliorer le niveau d'accessibilité des services de santé en français.
Nous sommes prêts à aller de l'avant afin de permettre aux autres membres de nos communautés de vivre en français jusqu'à la fin de leurs jours. Nous désirons toutefois soumettre à votre attention l'importance de la formation des professionnels de la santé en français et ce, près de nos milieux. Un accès facile à la formation favorisera davantage le recrutement et la rétention.
J'aimerais enfin rappeler l'importance du rôle que doit jouer le gouvernement fédéral en matière de soins de santé en français. En tant que protecteur des minorités de langues officielles, le gouvernement fédéral doit contribuer de façon évidente à leur développement. Le rapport final de ce comité doit le lui rappeler et lui indiquer la voie à suivre dans le secteur de la santé. J'aimerais formuler à votre intention les deux recommandations que le comité pourrait faire au gouvernement dans ce dossier.
Premièrement, que le gouvernement fédéral crée un programme conjoint fédéral-provincial comparable au programme des langues officielles dans l'enseignement pour soutenir le développement des services de santé en français en milieu minoritaire. Deuxièmement, que le gouvernement fédéral ajoute un sixième principe à la Loi canadienne sur la santé, touchant la dualité linguistique. Le temps de parole qui m'était alloué étant écoulé, des témoignages sont présentés en annexe.
Le président suppléant: Nous aurons sûrement des questions à vous poser tout à l'heure. J'aimerais maintenant poursuivre avec M. Gour, président sortant de l'Association canadienne-française de l'Ontario.
M. Alcide Gour, président sortant, Association canadienne-française de l'Ontario: Monsieur le président, l'Association canadienne-française de l'Ontario a pour but de promouvoir le développement et l'épanouissement d'environ un demi-million de francophones en Ontario qui représentent 50 p. 100 de la francophonie en milieu minoritaire au Canada. L'ACFO est le principal organisme porte-parole de la population franco-ontarienne.
Le rapport intitulé «Santé en français: Pour un meilleur accès à des services de santé en français», préparé par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada en juin 2001, présente l'état de la situation des services de santé en français pour les populations francophones en situation minoritaire. Je tiens à féliciter votre comité d'examiner en profondeur ce rapport très important pour les francophones en situation minoritaire.
La section traitant des francophones de l'Ontario révèle, comme ailleurs au Canada, de très sérieuses lacunes en ce qui concerne leur accessibilité aux soins de santé dans leur langue.
L'ACFO soutient, comme mon collègue vient de le mentionner, que l'accessibilité aux services de santé en français pour les personnes vivant en situation minoritaire dans notre province est un dossier fondamental.
La commission Romanow et votre comité devrez considérer la question de l'accès linguistique au moment de vos réflexions et rapports finaux. Il s'agit d'une question d'accessibilité à des services auxquels nous devrions avoir droit.
Les données montrent que, dans la moitié des cas, les francophones vivant en situation minoritaire ont peu ou pas accès à des services de santé dans leur langue. Il reste donc un long chemin à parcourir avant d'atteindre l'équité linguistique dans les services de santé aux francophones en milieu minoritaire.
Il faut reconnaître qu'il s'agit autant d'une question d'efficacité que d'équité. La capacité de communiquer et d'être compris est primordiale tant de la part de l'intervenant professionnel que du client. Une relation plus fonctionnelle entre ces derniers permet une meilleure efficacité, mais évite également de placer le client en situation dangereuse. Nous devrions avoir droit à des services de qualité. Si les services sont offerts dans une langue autre que la langue maternelle, une langue étrangère qui peut être mal comprise dans plusieurs cas, cela pourrait constituer un danger pour le client. Ce n'est certes pas une façon d'obtenir des services de qualité.
Le mémoire que nous avons soumis à la commission Romanow démontre également que la capacité de former des professionnels francophones dans toutes les disciplines de la santé est indispensable pour offrir des services de qualité en français en milieu minoritaire. Par conséquent, l'ACFO provinciale endosse la recommandation du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire, visant la mise sur pied d'un consortium pancanadien pour la formation des professionnels de la santé pouvant s'exprimer en français. Notre association appuie pleinement les huit autres recommandations que le comité a présentées en avril 2001 dans son rapport à l'honorable Allan Rock, ministre de la Santé de l'époque.
Ce mémoire a cherché à sensibiliser la commission Romanow au besoin urgent d'améliorer l'accès aux services de santé en français en milieu minoritaire par le biais de cinq mécanismes de développement, soit le réseautage, les lieux d'accueil francophones, la formation des ressources humaines et la recherche. Nous possédons très peu de renseignements sur l'état de santé des francophones en situation minoritaire, et il y a peu de recherche qui se fait dans le domaine. Nous croyons également que l'utilisation des technologies de l'information et de la communication permettant de rejoindre les populations très dispersées est essentielle et constitue un des leviers de développement importants.
Pour soutenir ces initiatives et ces leviers de développement, nous avons proposé la création d'un programme intergouvernemental fédéral, provincial, territorial de soutien à la prestation des services de santé pour les minorités linguistiques. Il existe un programme de soutien aux langues officielles dans le domaine de l'éducation, qui est de juridiction provinciale, et un programme de ce genre devrait exister également dans le domaine de la santé, composante aussi importante que l'éducation. Il se dépense d'ailleurs au Canada beaucoup d'argent tant dans le domaine de la santé que dans le domaine de l'éducation, et cette disproportion existe toujours.
Enfin, nous avons recommandé une modification à la Loi canadienne sur la santé dans le but d'y ajouter un sixième principe, soit celui de la dualité linguistique et de la protection des minorités, ce qui assurerait aux minorités linguistiques du pays le droit aux services de santé dans leur langue. Ces deux principes ont d'ailleurs été reconnus par la Cour suprême du Canada. Ils existent mais, dans plusieurs secteurs et protocoles d'entente intergouvernementale, ils ne sont pas encore mis en vigueur alors que ce devrait pourtant être le cas. Le respect de la dualité linguistique et l'engagement à l'égard de la protection des minorités devraient faire partie intégrante des efforts de votre comité et de la commission Romanow afin de conserver et d'améliorer le système de santé publique au Canada. Sans services en français pour les francophones, il n'existe pas de qualité de services dans le domaine de la santé. C'est une question d'efficacité et d'équité.
Lors du discours du Trône, le gouvernement avait identifié les minorités linguistiques comme étant une de ses priorités. Nous sommes persuadés que l'adoption des recommandations qui suivent assurera une pérennité des services de santé en français en Ontario comme ailleurs et appuiera aussi les valeurs canadiennes fondamentales que sont un système de santé universel, accessible à tous, mais qui respecte la dualité linguistique et la protection des minorités.
Les recommandations que nous vous proposons d'appuyer et que nous avons demandé à la commission Romanow d'appuyer sont les suivantes:
- que le gouvernement reconnaisse la responsabilité de Santé Canada en matière de dualité linguistique et de protection des minorités dans son effort pour conserver et améliorer le système de santé publique au Canada;
- que Santé Canada joue un rôle de leader en adoptant les stratégies proposées par ce comité francophone sur la santé en situation minoritaire;
- que le gouvernement fédéral crée et mette en oeuvre un programme fédéral, provincial et territorial de soutien aux services de santé en français similaire à celui qui existe dans le domaine de l'éducation;
- que le gouvernement fédéral modifie la Loi canadienne sur la santé afin d'y ajouter un sixième principe, tel qu'il apparaît dans notre Constitution, soit celui de la dualité linguistique et de la protection des minorités, ce qui assurerait aux minorités linguistiques du pays le droit à des services de santé dans leur langue.
Le président suppléant: Je vous remercie, M. Gour. Nous aurons l'occasion de vous poser des questions sur votre témoignage. Je donne maintenant la parole à Mme Yseult Friolet, de la Fédération des francophones de la Colombie- Britannique.
Mme Yseult Friolet, directrice générale, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique: J'aimerais d'abord vous donner un bref aperçu de notre communauté. En Colombie-Britannique, on pense souvent aux montagnes et à la mer, mais on oublie qu'il y a 61 000 francophones dans cette belle province.
Sans entrer dans les détails statistiques, j'ai demandé que l'on vous distribue de la documentation sur notre communauté, que vous pourrez consulter à loisir. Nous sommes 61 000 francophones en Colombie-Britannique, mais, fait intéressant, selon les dernières statistiques de 1996, le ministère de la Santé a extrapolé que nous étions 63 000 francophones.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que la Colombie-Britannique est la troisième communauté francophone en importance, après l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. On oublie souvent que, selon Statistique Canada, la côte du Pacifique compte plus de 61 000 francophones. Nous comptons également une grande communauté de gens qui parlent le français comme deuxième ou troisième langue. Ainsi, près de 250 000 personnes peuvent s'exprimer en français, ce qui représente environ 7 p. 100 de la population.
Notre Fédération a été fondée en 1945. Elle est l'organisme porte-parole des francophones de la province et compte en ce moment 35 membres associatifs qui représentent les francophones dans divers secteurs et dans toutes les régions de la Colombie-Britannique.
Nous sommes une communauté non pas dispersée, mais qui se trouve sur l'ensemble du territoire de la Colombie- Britannique.
Nous avons le bonheur, ou le malheur, d'avoir plus de 50 p. 100 de notre population qui vit dans le Vancouver métropolitain. Le fait de se développer dans un grand centre urbain en communauté fait que nous ressemblons un peu à la communauté francophone de Toronto. Notre communauté rurale n'est pas si grande, ce qui constitue une particularité de notre communauté francophone.
Nous sommes plus urbains que ruraux. Je ne vous apprendrai rien de nos racines. Vous êtes sûrement au courant de l'histoire du Canada. La présence des francophones remonte à l'arrivée de Mackenzie. Nous sommes sur la côte du Pacifique depuis 1793. Les Canadiens français, ou les Canayens, ont bâti les forts Manley, Victoria et Nanaïmo. En 1860, 60 p. 100 de la population d'origine européenne était francophone. Après 1860 et suite à l'adoption de la Loi sur les langues officielles, nous avons perdu énormément de services. Peut-être que ce fut le Moyen Âge pour la communauté francophone en Colombie-Britannique, pas un Moyen Âge heureux mais plutôt ténébreux.
Par contre, la communauté a continué de se développer et à être présente. Je voudrais vous parler des grands enjeux auxquels nous faisons face aujourd'hui. Nous avons des projets en ce qui concerne l'enseignement postsecondaire. La Colombie-Britannique n'a toujours pas d'institution secondaire de niveau universitaire. Nous travaillons au dossier de l'immigration pour les nouveaux arrivants. Ce qui nous intéresse aujourd'hui est le dossier de la santé.
Le dossier de la santé est d'une grande importance pour notre communauté. C'est la raison pour laquelle on nous a donné le mandat, il y a déjà six ans, de nous assurer que les francophones de la Colombie-Britannique auraient accès à des services en français. Quelle tâche, me direz-vous, mais quand même! Je voudrais vous rappeler un petit fait historique. Ce sont les Canadiens français et les Canadiennes françaises qui ont créé les premiers hôpitaux en Colombie-Britannique, soit l'Hôpital Mont Saint-Joseph et l'Hôpital Saint-Paul. Les gestionnaires des hôpitaux étaient les communautés religieuses. Elles venaient de la grande région de Montréal. Lorsque l'Hôpital Saint-Paul a fêté son anniversaire, les archives étaient toutes en français. Il a fallu payer pour les faire traduire et faire connaître cette histoire à la communauté anglophone. On n'a pas voulu reconnaître ce fait mais les mots ne s'effacent pas si facilement. Il y a donc une présence.
La communauté francophone de Colombie-Britannique est donc méconnue. Nous avons commencé à travailler et nous appuyons totalement les travaux réalisés par les communautés francophones et acadienne du Canada. Les recherches qu'elles ont réalisées nous ont permis de monter dans le train du développement des services en français. Nous appuyons leur initiative et nous en sommes très contents. Vous savez que lorsqu'il s'agit d'être soigné, il est important de l'être dans sa langue si on est malade. Je n'ai pas à vous en convaincre. Mes collègue en ont parlé. M. d'Entremont a quelques témoignages à ce sujet.
Je voudrais parler du rapport intitulé «Pour un meilleur accès à des services de santé en français». Nous estimons qu'il est très éloquent et représente bien ce qui se passe chez nous. Ce rapport parle surtout du réseau public de la santé. Nous n'avons qu'une seule institution publique en Colombie-Britannique, soit le foyer Maillard, une résidence pour personnes âgées.
Vous connaissez tous la communauté de Maillardville, qui s'est constituée autour de 1905. Cette communauté a obtenu cette résidence. C'est notre seule institution désignée comme étant bilingue et elle est financée par notre gouvernement provincial. Nous n'avons aucun autre service de santé en français. Sinon, nous pouvons obtenir des soins par le biais du secteur privé.
Nous souhaitons changer cette situation. Nous avons mené une recherche — j'ai d'ailleurs demandé qu'on vous la distribue — qui identifie les besoins des francophones et nous voulons développer deux initiatives. Tout d'abord, les soins de santé sont souvent offerts par des professionnels. Nous avons créé un répertoire et nous tentons de convaincre beaucoup de gens qu'ils ont accès à des services en français, à un dentiste, à un psychologue, et cetera. Nous avons besoin d'un réseau d'institutions, comme par exemple de cliniques communautaires. Cela prendra un peu plus de temps.
Ce sont donc les deux aspects que nous devons améliorer pour enfin avoir accès à des services de santé en français. Nous avons mené une étude qui nous a permis d'identifier les besoins des francophones et de participer aux travaux du comité consultatif. Nous sommes prêts à entreprendre la première étape des recommandations qui ont été faites par le comité consultatif, c'est-à-dire à mettre en place un réseau.
Chez nous, il s'agit d'une table sectorielle en santé où nous pourrons réunir les «Health Board», le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral et nos institutions. Nous avons aussi en main un répertoire d'environ 120 francophones ou professionnels de la santé et nous en faisons la distribution. C'est une initiative que nous poursuivrons afin d'inciter les gens à utiliser les services en français. Ce sont des choses que nous faisons pour les francophones, sans aide aucune. Nous avons besoin de fonds pour structurer toutes ces initiatives. Nous avons déposé une demande et nous remercions M. Stéphane Dion de la somme de 1.9 million de dollars qu'il nous a promise. Nous aurons donc notre table sectorielle en santé et nous pourrons commencer à dialoguer avec le gouvernement provincial et nos régie régionales de la santé et mettre en place un début de système public en santé.
Nous sommes conscients que cette somme de 1.9 million de dollars et les 8 millions de dollars annoncés pour les francophones en situation minoritaire seront vite dépensés dans le domaine de la santé. J'abonde donc dans le sens de mes collègues. Il faut que le gouvernement du Canada aide les gouvernement provinciaux et à mettre en place un programme dans le secteur de la santé similaire au programme des langues officielles dans l'enseignement. Nous appuyons cette recommandation. Nous pensons que ce mécanisme nous permettra d'avoir accès à plus long terme à des services de soins de santé.
Nous avons aussi témoigné devant la commission Romanow. Nous avons demandé l'inclusion d'un sixième principe qui touche la dualité linguistique. Nous parlons d'une seule voix. Vous pouvez l'entendre. Quand on est fragile, quand on est malade, les communautés francophones ont intérêt à se souder et à travailler de concert.
Le président suppléant: Je vous remercie de votre présentation, cela a été un petit cours d'histoire. Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Jean-Guy Rioux.
M. Jean-Guy Rioux, vice-président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada: Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de discuter de l'étude intitulée «Santé en français — pour un meilleur accès à des services de santé en français». J'aimerais vous dire qu'en mon nom, à titre de vice-président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, et au nom des précédents témoins venus de diverses régions, que le travail que nous accomplissons actuellement s'inscrit fortement dans la démarche du ministre Dion, coordonnateur du dossier des langues officielles au gouvernement fédéral. Les soins de santé en français sont une priorité pour les communautés minoritaires francophones et acadienne du Canada. Cette étude fait partie de notre plan de développement global et de celui que le ministre Dion nous a présenté lors de notre rencontre à Whitehorse, en juin dernier. Il est bon d'avoir cette trame de fond dans les discussions que nous tenons. Le travail du ministre Dion est très important au plan fédéral, même s'il ne s'effectue pas au niveau de la santé. Le dossier dont nous parlons actuellement traite des langues officielles mais aussi de l'accès aux soins de santé pour les milieux minoritaires francophones au Canada.
J'aimerais d'abord vous présenter les grandes conclusions de cette étude que la Fédération des communautés francophones et acadienne a coordonnée pour le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire. Plus de 300 personnes oeuvrant dans le domaine de la santé ont contribué directement ou indirectement à cette grande consultation. Il s'agissait d'une première. En effet, c'était la première fois qu'on tentait d'établir un portrait national de la situation des soins de santé en français pour les communautés francophones en situation minoritaire.
Cet exercice constitue donc une contribution unique à la description du vécu des francophones en situation minoritaire. Pourtant, les services de santé ne sont-ils pas essentiels au bien-être des personnes? Comme le disait l'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor, alors qu'il comparaissait devant le Comité mixte des langues officielles: «Il n'y a aucun doute dans mon esprit que les moments où vous avez le plus besoin de faire quelque chose dans votre propre langue sont lorsque vous êtes malade et avez besoin d'être soigné, et lorsque vous êtes éduqué.»
Chaque année, des dizaines de milliers de francophones de nos communautés en situation minoritaire ont l'occasion de confirmer cet énoncé de M. Massé lorsqu'ils se heurtent à la pénurie généralisée des services en français qui prévaut à l'extérieur du Québec. Le rapport dresse un portrait préoccupant de la situation des soins de santé en français au pays. La moitié des francophones de l'extérieur du Québec n'ont que rarement accès à des services de santé en français et cette proportion varie grandement d'une province à l'autre. Par exemple, près de 25 p. 100 des francophones du Nouveau-Brunswick et du Manitoba n'ont aucun accès à des services en français à leur centre de santé communautaire, alors que cette proportion est 59 p. 100 en Ontario, 80 p. 100 en Nouvelle-Écosse et 93 p. 100 en Alberta.
Le fait que les services médicaux de base ne soient disponibles qu'en anglais, et ce dans une proportion aussi grande en ce qui concerne des régions où vivent des communautés francophones est pour le moins inquiétant. Pour de nombreux francophones, il y a pourtant bien pire. Des services spécialisés dont dépendent parfois leur vie y sont presque totalement absents, même dans les cas où une bonne communication entre patients et professionnels est primordiale.
Par exemple, 84 p. 100 des communautés francophones ne bénéficient d'aucun service de santé mentale en français — peut-être n'en avons-nous pas besoin!
Parmi les 58 régions retenues pour l'étude, moins de 25 p. 100 ont accès partiellement ou totalement à des services de santé en français. Si certaines régions s'en sortent mieux que d'autres, il y a des besoins partout. Un francophone a de 3 à 7 fois plus de chances de ne pas avoir accès à des services de santé dans sa langue qu'un anglophone de la même région. Si la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés nous garantissent le droit d'être éduqués en français, si la Cour suprême nous garantit le droit d'obtenir justice en français, il va sans dire que nous devrions également avoir le droit de naître, d'être soignés et de mourir en français. C'est une question de dignité fondamentale. C'est aussi une question de simple équité. La qualité des soins implique nécessairement une bonne communication entre le client, le médecin ou le professionnel. Lorsqu'un Canadien français doit s'exprimer en anglais pour se faire soigner, il obtient des soins de qualité inférieure à ceux offerts à la population du pays. Il est inacceptable que l'on oblige nos francophones, dans leur plus grand moment de vulnérabilité, à obtenir des services de santé dans une langue qui n'est pas la leur.
Comment peut-on aider une jeune femme aux prises avec l'anorexie lorsqu'on lui répond: «I am sorry, I do not speak French»? Comment peut-on aider un enfant qui a des difficultés à s'exprimer lorsqu'on lui répond: «I am sorry, I do not speak French»? Comment peut-on aider un homme ou une femme de 50 ans qui doit choisir entre différentes options de traitement pour son cancer lorsqu'on lui répond également: «I am sorry, I do not speak French»? Comment peut-on aider une personne âgée ayant besoin de soins à domicile lorsqu'on lui répond aussi: «I am sorry, I do not speak French»? Personne n'offre de l'aide lorsqu'elle dit cette phrase: «I am sorry...». Vous savez très bien que lorsque quelqu'un commence une phrase par ces mots, c'est qu'il vous refuse quelque chose. Les francophones le savent aussi.
Pour la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, les soins de santé sont un dossier de première importance, un service essentiel dont est présentement privée plus de la moitié de la population francophone qui vit dans des régions où le français n'est pas la langue de la majorité. Bien que les communautés francophones en situation minoritaire disposent parfois de services de santé en français, grâce aux efforts qu'ont déployés plusieurs administrations, des améliorations quant à l'accès à ces services sont possibles dans toutes les provinces et tous les territoires. À cet égard, nous avons été heureux de collaborer aux travaux du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire mis sur pied par le ministre fédéral de la Santé en avril 2000. Ce comité a remis un rapport au ministre en septembre 2001, soit il y a un an. Le travail réalisé par ce comité est exemplaire, mais il ne faut pas que ce rapport demeure sur les tablettes. Ce rapport constitue un excellent plan d'action. Son contenu a été entériné par le forum «Santé en français», qui a réuni plus de 250 personnes à Moncton en novembre 2001. Il est maintenant temps de passer à l'action.
Les gouvernements peuvent oeuvrer ensemble à l'amélioration des soins de santé en français en milieu minoritaire. Le secteur de l'éducation nous montre la voie et trace l'exemple. Suite à l'adoption de la première Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral a voulu contribuer à l'égalité d'accès à une éducation en français et en anglais pour les minorités linguistiques en mettant en place un programme d'appui aux langues officielles dans l'enseignement. Il s'agit d'un programme où les deux paliers de gouvernement agissent en partenaires afin de permettre aux provinces et aux territoires d'assumer les coûts de l'enseignement de la langue de la minorité. Aujourd'hui, plusieurs gouvernements sont conscients de la nécessité d'offrir des services de santé en français à leur minorité et ils sont prêts à collaborer avec le gouvernement fédéral pour ce faire. M. Robichaud, ministre de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick, nous écrit:
Nous anticipons une collaboration continue avec Santé Canada en ce qui a trait à l'amélioration des services de santé en français en milieu minoritaire.
M. Greg Selinger, ministre responsable des Services en langue française du Manitoba, est aussi explicite.
Je suis d'accord que l'élaboration de la mise en oeuvre des stratégies de l'acheminement du dossier et de la prestation des services de santé en français doivent se faire en collaboration entre les gouvernements provinciaux et territoriaux et leur communauté d'expression française. L'appui du gouvernement fédéral est essentiel et il a donc un rôle important à jouer. Les moyens qu'il a à sa disposition lui permettent d'appuyer les provinces et les territoires qui sont prêts à passer à l'action.
À plus long terme, il importe de garantir les acquis actuels et ceux qui suivront. Nous ne devrions pas avoir à mener des batailles coûteuses en énergie humaine et en argent, comme nous avons dû le faire récemment dans l'Est ontarien et au Nouveau-Brunswick pour obtenir ou conserver des services de santé dans l'une des deux langues officielles du pays.
C'est pourquoi nous vous demandons aussi de recommander l'ajout d'un sixième principe à la Loi canadienne sur la santé qui reconnaîtrait l'obligation pour les gouvernements d'offrir des services de santé dans les deux langues officielles du pays, comme cela se fait pour l'éducation. Nous vous convions à oeuvrer dans le même sens afin d'assurer que le système de santé canadien reflète l'une des valeurs fondamentales de notre pays: l'existence de deux communautés de langues officielles. Offrir des services de santé uniquement en anglais aux francophones, comme on le fait actuellement dans la plupart des régions du pays, va à l'encontre des droits fondamentaux de plus de 1 million de Canadiens et de Canadiennes. Cela va également à l'encontre du bon sens. Soigner les francophones en anglais s'avère inefficace et coûteux. Nous vous invitons à en prendre compte lorsque vous ferez des recommandations au gouvernement canadien. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président suppléant: Avant d'inviter mes collègues à vous poser des questions, je vous rappelle que la traduction simultanée est disponible.
Le sénateur Pépin: Le sénateur Losier-Cool et moi avons assisté à la réunion des parlementaires francophones hors Québec qui a eu lieu en Nouvelle-Écosse cette fin de semaine et, évidemment, l'un des sujets soulevés fut les soins de santé en français.
Un des témoins a mentionné le manque de données fiables sur l'état de santé des francophones. Cela complique énormément les choses et nous ne pouvons pas nous y référer. Quelle est la raison de ce manque de données? Des démarches ont-elles été entreprises avec les instituts de recherche afin de leur demander d'effectuer des recherches fiables dans ce domaine? Parmi les instituts de recherche du Canada, certains ont-ils été sensibilisés à cet égard?
M. Gour: Cela me surprendrait qu'ils n'y aient pas été sensibilisés. On reconnaît toutefois certains facteurs, dont le facteur culturel, qui jouent sur le plan des sexes masculin et féminin. Il y a des facteurs de risques et des facteurs déterminants pour la santé. Le domaine culturel, les croyances générales et les habitudes alimentaires jouent un rôle. Pourtant, nous croyons fermement que les francophones ont des particularités sur ce plan. Par exemple, Santé Canada veut élaborer des programmes visant des populations spécifiques à risque. Il devrait y avoir plus de données disponibles. Nous estimons qu'il en est de la responsabilité de Santé Canada. Sur le plan des instituts de recherche, on parle en général de projets quelconques. Les francophones n'ont pas d'infrastructure dans le secteur de la santé et n'ont pas de sous pour contribuer à des initiatives de recherche. Il n'existe à peu près rien, spécifiquement, par rapport aux francophones en situation minoritaire. Nous croyons qu'il doit y avoir des influences importantes sur les déterminants de la santé à cause de ces situations, surtout en ce qui concerne le au manque de services dans notre langue. En quoi cela affecte-t-il la situation? Cela signifie des soins de santé de piètre qualité pour les francophones, mais nous ne disposons pas d'autres données sur ce plan.
Mme Friolet: Je peux parler pour ma province. Le gouvernement fédéral a lancé une initiative, soit les fameux 8 millions de dollars pour les communautés minoritaires. Le gouvernement provincial nous a contactés et nous a dit que si nous voulons avoir accès à ces fonds, nous devions parler de déterminants de la santé. Est-ce l'oeuf avant la poule ou la poule avant l'oeuf?
Comme le gouvernement n'a amassé aucune donnée sur le fait qu'il n'y a pas de services en français, il ne s'est jamais posé de questions sur les problèmes que pourraient éprouver les communautés francophones. On se retrouve avec 8 millions de dollars, ce qui est quand même intéressant. Avant d'avoir accès à cet argent, nous devons effectuer une étude. Croyez-vous que le gouvernement provincial nous donnera des fonds pour effectuer cette étude? Non. Le gouvernement fédéral le fera-t-il? Non, cela ne fait pas partie de son programme. L'initiative mise en place par M. Rock, la mise sur pied du comité consultatif, voulait pallier ce problème. La recherche que l'association a faite concluait qu'il existait très peu de données sur la santé des francophones. Comment participer aux programmes de prévention, et cetera?
M. Rioux: Cela figure dans les recommandations.
Le sénateur Pépin: J'aimerais que nous discutions de la formation en français des médecins et des infirmières. À l'Université de Sherbrooke au Nouveau-Brunswick, il existe un centre pour l'enseignement et les stages et à l'Université d'Ottawa, il y a la formation en sciences de la santé. Pensez-vous qu'il existe d'autres établissements au Canada qui auraient les capacités ou les infrastructures nécessaires pour accueillir des francophones et former des médecins, infirmières, travailleurs sociaux, et cetera?
Le président suppléant: Sénateur Pépin, je vous rappelle que demain matin nous recevrons des intervenants des milieux universitaire et collégial.
Le sénateur Pépin: Cela m'amène à ma deuxième question. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que ce soit des universitaires, il faut des gens qui travaillent sur le terrain. Comment encourager les jeunes des régions à recevoir une éducation en français afin qu'ils puissent retourner chez eux, dans leur région, pour y travailler?
Le président suppléant: Le sénateur Pépin soulève un point extrêmement important. C'est tout de même inciter les jeunes francophones à se destiner à des carrières dans le domaine de la santé. Vous savez que les Premières nations ont fait des efforts importants et que des quotas ont été établis dans les facultés de médecine, des efforts importants sont accomplis auprès des communautés pour recruter des jeunes pour les professions de la santé. Finalement, si les jeunes ne se destinent pas à ces professions, on a beau demander des soins de santé, il n'y aura personne pour les dispenser. Je pense que le recrutement des jeunes et l'intérêt que les jeunes francophones doivent manifester à l'égard des professions dans le domaine de la santé constituent une solution importante. C'est ce que le sénateur Pépin vient de souligner. Cela n'a rien à voir avec les institutions d'enseignement, mais avec les communautés. Comment favoriser le recrutement pour ces professions chez les jeunes francophones?
M. d'Entremont: Si l'on prend l'exemple de la Nouvelle-Écosse, soit celui de Chéticamp et celui de l'île Madame en partie, deux régions du Cap-Breton, il faut réaliser qu'à Chéticamp, si on va les sortir, il faut le faire quand il fait beau, car c'est une région vraiment isolée. Étant éloignée, à une heure et demie de route de Sydney et à six heures de Halifax, la communauté s'est prise en main et a décidé que, pour le faire et pour réussir, il fallait le faire petit à petit. Il faut amener les patients à l'unité familiale de professionnels et de médecins de famille. Si je les amène dans la communauté où j'habite actuellement, il y a trois médecins pour plus de 6 000 personnes. Ils disent: «Je n'ai plus de vie», et la première chose qu'ils font peu après, c'est de faire leur valise. Ce n'est pas attrayant d'arriver là: les trois médecins ne veulent pas travailler ensemble. Ils sont dans trois bureaux à l'intérieur d'un demi-kilomètre, tandis que dans les autres régions, les services de santé étaient disponibles et que dans ces cas-là, la communauté leur a offert un centre. Est-ce un modèle à suivre partout? C'est aux autres témoins de s'exprimer. Il y a les deux extrêmes.
Le problème est quand même la formation. Le sénateur Pépin et le sénateur Morin ont parlé d'encourager les jeunes à se destiner à ces professions. J'ai parlé plus tôt de Chéticamp qui est isolé en Nouvelle-Écosse, mais la Nouvelle- Écosse est quand même isolée de certains des plus grands centres de formation en français. La réponse semble se situer du côté de l'utilisation des technologies. Nous sommes heureux de dire que l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle- Écosse, fait partie du groupe pour la formation. Qui va faire le recrutement? C'est à notre communauté de s'en occuper et d'encourager les autres à le faire. Là où on le fait, cela semble réussir.
Le président suppléant: Je suis un peu surpris de constater que, malgré le fait que vous soyiez la troisième communauté en importance, vous êtes l'une des rares provinces à ne pas avoir d'institution d'enseignement postsecondaire dans le domaine des sciences de la santé comme la Nouvelle-Écosse, l'Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. Vous nous annoncez que vous êtes la troisième province au point de vue du nombre de francophones et vous ne disposez d'aucun lieu de formation pour les francophones, cela me paraît étonnant.
Mme Friolet: On doit cela à l'histoire. Il faut prendre en compte l'histoire du Canada. En Alberta, il y a le Collège Saint-Jean, qui vient des communautés religieuses. Quand ces gens ont pris leur retraite, ils ont laissé une institution.
Quand la Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération, nous, francophones, n'avions pas droit à notre religion, cela ne faisait pas partie de l'entente, donc l'école a toujours été publique. La reconnaissance de la langue ne s'est pas faite comme dans les autres provinces. Cette situation s'explique par une immigration très britannique. C'est un fait historique.
Il y a un projet à cet égard dans le du plan d'action de M. Dion. Nous sommes peut-être la dernière province au pays à avoir obtenu l'accès à un conseil scolaire, en 1996. Nous avons dû nous battre pendant 25 ans, nous sommes intervenus auprès de toutes les cours du pays pour obtenir ce droit reconnu par la Constitution, mais nous nous rattrapons assez vite.
Pour répondre à la question du sénateur Pépin, je pense que ce que le comité consultatif a amené comme solution, quand on parle des cinq leviers, c'est qu'on ne pourra pas faire de la formation sans faire de l'information. Ces cinq initiatives doivent marcher de front. C'est la raison pour laquelle il faut des fonds et un engagement importants. Je ne pense pas que nous faisions face à des difficultés différentes de celles vécues par la communauté anglophone. Les anglophones ont autant de difficulté à convaincre les gens d'aller exercer leur métier dans les régions éloignées et à travailler fort. C'est la même chose. Pour convaincre notre communauté ou les gens dans nos communautés de se diriger vers les professions du domaine de la santé, il faut en faire la promotion. Peut-être en a-t-on trop fait pour envoyer les gens dans des professions plus libérales comme l'enseignement ou le droit. Il faut faire de la promotion pour aller chercher des professionnels dans le domaine de la santé. Il faut le faire en même temps que nous formons un consortium de la santé avec les universités. Il faut aussi disposer de lieux d'accueil. Si on n'a pas de lieux d'accueil pour ces professionnels de la santé, on aura beau avoir des gens formés dans ce domaine, cela ne servira à rien. Cela prend un échange et il faut utiliser la technologie.
J'étais très satisfaite quand j'ai lu le rapport du comité consultatif parce que ce qu'il amenait comme solution, c'était comme les dents dans une roue. Tout cela s'intègre et il ne reste plus qu'à obtenir l'appui du gouvernement et pas nécessairement de nouveaux fonds, mais une meilleure utilisation de ces derniers et profiter de ce qu'il y a sur place à ce moment-là pour la formation ou la mise en place de réseaux, et cetera.
M. Gour: Par exemple, nous avons en Ontario un regroupement des intervenants et intervenantes dans le domaine de la santé et des services sociaux communautaires. C'est un organisme qui a décroché des fonds pour faire la promotion dans les écoles primaires et secondaires pour attirer plus de personnes dans le domaine de la santé. Prenons l'exemple d'un médecin francophone à Hamilton. Les francophones y représentent 2 p. 100 de la population. Si le médecin y établit sa pratique, il servira seulement 4 p. 100 des francophones de la population, il est donc raisonnable de penser que 4 p. 100 de ses patients seront francophones. Il passe donc 96 p. 100 de son temps à travailler auprès de sa clientèle anglophone. Oui, il y a une pénurie, il ne faut pas le nier. Il y a aussi une sous-utilisation dans certains cas. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas d'infrastructure francophone.
Pourtant à l'Hôpital Montfort, par exemple, tout le personnel est francophone. À l'Hôpital Général, est-ce le cas? Pourquoi l'hôpital Montfort a-t-il recruté des médecins et un personnel bilingue ou francophone et qu'il y a tant de difficultés dans d'autres hôpitaux? Je ne vous cite pas la pire, c'est la meilleure institution bilingue en Ontario. Je vous donne l'exemple des cinq centres de santé communautaire, des institutions francophones de santé communautaire. Ils ont trouvé des médecins francophones, alors que l'hôpital à côté mentionne que «it is practically impossible, there is such a lack of professional...». On les importe de l'Afrique du Sud. On me dit qu'en Colombie-Britannique, dans le nord, une importante proportion des médecins a été importée de l'Afrique du Sud parce qu'il y a des problèmes là-bas.
Il y a 5 ou 6 ans, j'ai rencontré une psychiatre française. Pour qu'elle puisse obtenir un visa elle avait dû jurer que jamais elle ne demanderait de pratiquer en français au Canada. On a tellement besoin de professionnels en santé mentale. Il y a des problèmes d'accessibilité. Il ne faut pas seulement penser à la formation à partir de zéro. Il faut penser aussi à importer du personnel formé.
Si seulement on pouvait attirer des Québécois dans les institutions francophones! On n'embauche pas de médecins québécois unilingues francophones dans nos hôpitaux bilingues de l'Ontario. À Montfort, oui, pas de problème; dans nos cliniques communautaires francophones, pas de problème. Nous irons faire du recrutement là-bas. Alors que les autres disent:
[Traduction]
Nous n'avons que 5 ou 6 p. 100 de la population. Ce serait splendide si ces personnes étaient bilingues, mais nous avons une excellente personne compétente d'Afrique du Sud.
[Français]
Voyez-vous le problème? Il faut que ces cinq leviers travaillent de concert. Il y a des professionnels. On peut en trouver. Il faut y voir et être convaincu qu'il nous faut des infrastructures francophones qui prendront les décisions quant à l'embauche. C'est absolument essentiel.
M. Rioux: Je ne répèterai pas ce que les autres viennent de dire. Il reste aussi à voir où sont nos priorités. Lorsqu'on disait que la recherche reste à faire en ce qui concerne notre situation, je pense que c'est très important. M. Hubert Gauthier qui fait maintenant partie du conseil d'administration de l'institut, qui justement effectuer cette recherche. C'est énervant car lorsqu'on commence à regarder les statistiques, lorsqu'on effectue la recherche, on s'aperçoit — je parle pour le Nouveau-Brunswick — que l'on exige plus de policiers per capita que de médecins. Cela dépend de nos priorités. Quand on a besoin d'un policier pour 600 habitants et d'un médecin pour 900...
Le président suppléant: Cela signifie qu'on a plus de criminels que de malades.
M. Rioux: On ne sait pas qui va faire soigner qui. Je donne l'exemple du Nouveau-Brunswick. L'accès aux écoles de formation est limité et au Nouveau-Brunswick, lorsqu'on regarde le nombre de francophones qui ont accès aux universités québécoises pour la formation durant une année, c'est 25 étudiants. Cela vient d'augmenter. C'était 20 avant, cela vient d'augmenter à 25. Pour les anglophones, la province réserve 40 places. Reste que sur les 25 places par année, 70 à 85 p.100 des médecins retournent travailler au Nouveau-Brunswick. Chez les anglophones, c'est moins de 50 p.100. Pourquoi? Parce que les anglophones peuvent aller faire des stages partout. Ils s'installent où ils vont faire leur stage. Au Nouveau-Brunswick, on exige qu'ils reviennent faire leurs stages dans les hôpitaux francophones où ils ont la chance d'obtenir des emplois par la suite.
Le sénateur Pépin: Quand ils viennent faire leur formation, vous exigez au départ qu'ils reviennent chez vous.
M. Rioux: C'est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes opposés, lors de l'adoption de la nouvelle loi sur les régies régionales et de celle sur les langues officielles au Nouveau-Brunswick, à ce que Georges Dumont maintienne son caractère francophone. C'est l'hôpital par excellence pour les stages des étudiants qui vont faire des études au Québec.
Le président suppléant: Vous faites référence aux 25 postes d'entrée dans les facultés de médecine?
M. Rioux: Oui.
Le président suppléant: Est-ce que vous nous dites qu'il y a beaucoup plus de demandes proportionnellement de la part de francophones que d'anglophones?
M. Rioux: Il y a plus de demandes que les 25 places accordées.
Le président suppléant: Toutes les facultés de médecine reçoivent plus de demandes. Avez-vous l'impression que le taux d'accès est plus grand du côté anglophone que francophone?
M. Rioux: La province réserve davantage de places.
Le président suppléant: Vous avez à peu près 50 p. 100 de la population.
M. Rioux: Trente-quatre pour cent.
Le président suppléant: Est-ce que cela correspond à 50 et 25? Est-ce juste pour la population?
M. Rioux: Par contre, les étudiants peuvent étudier dans d'autres universités. Ce sont des places que la province réserve, mais l'étudiant peut aller à l'Université de Montréal, à Sherbrooke ou à Laval.
Le président suppléant: La raison pour laquelle je pose cette question, c'est que demain, nous allons rencontrer les représentants des universités. Est-ce que vous avez l'impression que l'accès pour les francophones acadiens est plus difficile que pour les anglophones des Maritimes dans les facultés de médecine? Si c'est la réalité et que vous pouvez étayer cette affirmation par des chiffres, c'est un point sur lequel notre comité pourrait se pencher. Il est certain qu'il y a toujours plus de demandes. Il n'y a pas une faculté de médecine au monde qui ne refuse pas des étudiants. Est-ce plus sérieux du côté francophone? Si c'est le cas, je pense que c'est une recommandation importante que le comité devra formuler.
M. Rioux: Oui, c'est le cas, parce qu'on a moins de médecins francophones per capita que chez les anglophones et le docteur Schofield pourra vous en dire plus long demain. Il a tous les chiffres et il pourra vous les expliquer .
Le sénateur Losier-Cool: Je remercie le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, qui a jugé bon de recevoir les témoins. Je remercie le docteur Keon et le sénateur Pépin. J'ose croire que d'ici la fin de la journée demain, d'autres membres permanents du comité se joindront à nous pour entendre les témoins et les représentants des différentes provinces.
Ceci étant dit, je vous souhaite la bienvenue. Monsieur Rioux, j'ai bien aimé quand vous avez dit que 84 p.100 des communautés francophones ne bénéficient d'aucun service en santé mentale en français, cela nous a tous fait sourire. J'ai en mémoire une chanson de la Bolduc acadienne, qui s'appelait Lorraine Diotte. Elle chantait, il y a plusieurs années, une chanson qui voulait dire qu'elle ne comprenait pas comment, dans les hôpitaux psychiatriques, le fou pouvait en parler en anglais, mais le psychologue ou le psychiatre, qui avait toute la formation, n'avait jamais été capable d'apprendre la deuxième langue. C'est pour cela qu'il n'y a pas plus de services en santé mentale au Nouveau- Brunswick. Les fous apprennent à parler anglais. C'était la chanson.
J'ai une question précise pour Mme Friolet. Je reviendrai ensuite avec une des recommandations appuyée par les quatre témoins au sujet de la création d'un programme semblable à celui des langues officielles.
Madame Friolet, est-ce que vous bien avez dit que la Loi sur les langues officielles n'a pas aidé les francophones de la Colombie-Britannique?
Mme Friolet: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le sénateur Losier-Cool: C'est pour cela que je voulais une clarification.
Mme Friolet: J'ai essayé de répondre au sénateur Morin, qui disait pourquoi, à l'opposé des autres provinces, nous n'avions pas d'institutions d'enseignement postsecondaire, par exemple. Chez nous, cela a pris la déclaration des langues officielles et la Charte des droits et libertés pour revendiquer l'école française.
Le sénateur Losier-Cool: C'était plutôt pour clarifier. J'aimerais revenir à la création d'un programme similaire au vôtre. Un tel programme impliquera sans doute des dépenses. La SCFA a-t-elle considéré les moyens de financement d'un programme comme celui-là? Ce programme serait-il la responsabilité d'un ministère, du Conseil du Trésor ou encore des langues officielles? La question d'ingérence provinciale se poserait dans l'application d'un tel programme, compte tenu de l'expérience des programmes de langues officielles en éducation, surtout en Nouvelle-Écosse. Je suis d'accord avec l'idée et le principe, mais comment pourrait-on recommander ce programme comme étant applicable?
M. Rioux: En ce qui concerne l'ingérence, la santé, tout comme l'éducation, relève des provinces. Si on a créé un programme comme celui-là au niveau de l'éducation, on devrait être en mesure de le faire pour la santé. On devrait même pouvoir le faire encore mieux pour de la santé, car on peut se servir de notre expérience des succès et des échecs dans le secteur de l'éducation.
L'imputabilité des provinces à l'égard des sommes d'argent qu'elles reçoivent devrait être plus grande au niveau de la santé que de l'éducation. Par exemple, on n'aurait pas à aller devant les tribunaux pour justifier les sommes d'argent allant aux provinces directement pour les milieux minoritaires francophones plutôt qu'à partir d'un budget global. Ce sont des choses qui pourraient être corrigées.
L'argent est toujours le nerf de la guerre. Il n'en demeure pas moins qu'au départ des sommes considérables devront être versées afin de mettre sur pied le système. Toutefois, il y aura par la suite une continuité. Dans le secteur de l'éducation, ce n'est pas parce qu'on a à la fois des minorités francophones et anglophones que l'on en évalue les coûts. Le bilinguisme est pour nous une valeur fondamentale au Canada et c'est le prix que nous devons payer.
Il est également évident que les soins de santé coûtent cher. Cependant, à la lumière de ce que révèlent les études et commissions, comme la commission Romanow ou l'étude du sénateur Kirby, on constate que le même montant d'argent pourrait être mieux employé si on ciblait davantage où il est investi. En d'autres mots, avec le même montant, on pourrait en faire plus que ce que l'on fait actuellement, et je crois que les gens en sont conscients.
Nous avons, au Canada, des structures qui permettent d'apporter des changements assez rapidement, car nous ne sommes pas enracinés dans des siècles de structures. Nous avons des structures qui sont assez jeunes, ce qui nous permet de faire des revirements assez rapides. Je crois que lorsque l'on constate les sommes d'argent attribuées, les communautés francophones et acadiennes à travers le Canada ont appris à être plus responsables avec l'argent qu'elles reçoivent et à essayer de faire mieux avec les mêmes montants. On nous a donné des leçons depuis dix ans, je crois que nous les avons utilisées à bon escient, et les gouvernements pourraient faire de même.
Le président suppléant: Le point que vous faites valoir est très important, et c'est la question que soulevait notre collègue. Finalement, si l'on n'a pas accès aux soins de santé en français, on se fera soigner de toute façon en anglais et les coûts ne sont donc pas plus grands. Si par exemple quelqu'un tombe malade, il obtiendra des soins en français ou n'en obtiendra pas, et dans ce cas il ira se faire soigner en anglais. Quoi qu'il en soit, il y aura de l'argent dépensé.
Lorsqu'on parle d'argent, ce n'est pas un programme nouveau. Tout ce qu'on dit, c'est que la personne est soignée soit dans sa langue maternelle, soit dans l'autre.
Je crois que c'est là un point important. Lorsqu'on parle de nouveaux coûts, il est important de dire que ce n'est pas de l'argent nouveau, mais de l'argent destiné à une fin, et que l'on demande qu'il soit réutilisé de façon plus efficace et moins onéreuse.
M. Rioux: J'ai déjà dit au ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, M. Robichaud: «Ce n'est pas un ministère de la Santé que vous avez, c'est un ministère de la Maladie». Il y a 80 p. 100 des gens qui se font soigner pour une maladie, mais combien pour la prévention? Chez les francophones du Nouveau-Brunswick, on regarde de plus en plus, avec le ministère de l'Éducation, du côté de la prévention. On commence très tôt du côté de la prévention ce qui, avec le temps, contribue à réduire les coûts.
Encore aujourd'hui, dans les écoles du Nouveau-Brunswick, on permet malheureusement aux élèves de fumer, sachant comment cela affecte la santé des individus, mais personne ne veut prendre la décision d'interdire de fumer dans les cours d'école.
Le président suppléant: Et bientôt, ils vont pouvoir fumer du cannabis. Soyez assuré que le Comité des affaires sociales est orienté vers la santé et non dans cette direction.
M. Gour: J'aimerais ajouter un commentaire sur la collaboration. On a parlé d'un programme intergouvernemental et non d'un programme unilatéral de Santé Canada qui viendrait s'ingérer dans ce secteur. Vous savez qu'il y a beaucoup de collaboration en ce qui concerne le programme d'appui aux langues officielles en éducation. Pourquoi en serait-il autrement en santé?
Mon collègue a mentionné quelques provinces qui montrent déjà un intérêt envers un tel programme. D'ailleurs, notre association a tenu des discussions avec le ministre de la Santé Clement à cet égard.
Il se dépense des sous à Montfort, mais comme le sénateur le disait, mais ce ne sont pas des coûts supplémentaires, parce que l'Hôpital Montfort est un des hôpitaux les plus efficaces dans la province. Il a même mérité un cachet additionnel du ministère de la Santé pour cette grande efficacité. Il coûte moins cher de donner des services en santé à Montfort qu'il en coûte à l'Hôpital Général d'Ottawa.
Il en va de même pour les centres de santé communautaire. Vous savez que les provinces revendiquent plus d'argent du gouvernement fédéral pour les soins de santé. Le problème est qu'il n'y a pas de principe d'attribution.
On ne parle peut-être pas d'argent supplémentaire. Oui, les infrastructures initiales vont coûter un peu plus cher, mais éventuellement il n'en coûtera pas plus cher. Il y aura plus d'efficacité car les services seront de plus grande qualité.
Il ne vaut pas la peine de dépenser pour des systèmes en santé mentale, par exemple, francophones ou anglophones, qui ne donnent aucun résultat. Dans le domaine de la santé mentale, la communication est encore plus importante. On peut dépenser beaucoup d'argent et cela ne donnerait aucun résultat à ce niveau.
Il faut donc bien investir, et c'est pourquoi nous revendiquons un sixième principe d'attribution. Malgré le fait que, dans la Constitution, il y a un principe non écrit en ce qui a trait à la protection des minorités, une des valeurs fondamentales au Canada est la dualité et l'égalité linguistiques. On devrait évoluer vers l'égalité, mais ce n'est pas le cas pour ce qui est des soins de santé.
Par exemple, il est vrai que les communautés religieuses offraient un peu partout à travers le Canada des services de santé. Il existait plus d'un hôpital francophone en Ontario. Aujourd'hui, il n'en existe qu'un. Les autres ont disparu.
L'éducation, les paroisses, la religion et la santé étaient fondamentales pour les Canadiens français en situation minoritaire. Ces services étaient toujours offerts par des communautés religieuses francophones, mais on les recevait en français. Ils n'existent plus en français. Ils ont existé et n'existent plus. Nous avons donc régressé. Ce n'est pas une évolution vers l'égalité dans le domaine dans la santé mais le contraire qui se produit à travers tout le Canada. Je pourrais vous citer plusieurs exemples.
Le président suppléant: Le temps passe et certains points importants n'ont pas été touchés. Avant de donner la parole à Mme Friolet, j'aimerais demander à M. Rioux et aux autres témoins de nous brosser un tableau des attitudes de la part des provinces face aux soins en français pour leur minorité, à l'exception du Québec. Pour que ce soit clair, j'aimerais connaître la situation de la province: est-elle favorable, neutre ou défavorable? En étudiant les lettres des différents ministres de la Santé, il était intéressant de voir la réaction de ces derniers, car on pouvait constater qu'il y avait vraiment une grande différence entre les provinces. Je vais commencer par M. Rioux, mais si d'autres témoins veulent parler de leur propre province, faites-nous part de la situation.
M. Rioux: Au Nouveau-Brunswick, nous avons une écoute de plus en plus favorable. Au tout début, lorsqu'on a commencé à parler de réorganisation des services de santé, on laissait tomber la corporation hospitalière au profit des régies régionales de la santé.
On disait qu'il y aurait un système de santé pour tout le Nouveau-Brunswick. De plus en plus, nous faisons valoir le fait qu'il peut y avoir un système de santé et que, dans ce dernier, il peut y avoir un système pour les francophones et un autre pour les anglophones. Le Nouveau-Brunswick basait surtout l'accès au système de santé sur la proximité du lieu et la proximité des hôpitaux afin qu'ils aient la possibilité de travailler entre eux, comme, par exemple, faire travailler les employés de l'Hôpital Georges-Dumont, à Moncton, avec le City Hospital. Nous tentons actuellement de faire comprendre au gouvernement — et il y a une écoute là-dessus — qu'il serait plus intéressant d'avoir un réseau pour les francophones avec l'Hôpital Georges-Dumont — où on a les soins tertiaires — et la régie régionale à Edmundston, à Bathurst, à Campbellton et à Moncton, qui travailleraient ensemble dans un même réseau francophone pour partager les services et les spécialités.
L'orientation se fait dans ce domaine et si elle ne se fait pas, on a toujours l'épée de Damoclès qui dit qu'on aura une poursuite.
Le président suppléant: Il faudrait pas passer trop de temps sur chaque province. Pouvez-vous nous donner la situation dans les autres provinces? Celles que vous connaissez.
M. Rioux: Je ne pourrais pas parler des autres provinces à ce moment-ci.
Le président suppléant: Peut-être que vous pouvez nous faire un rapport?
M. Rioux: Le rapport est fait.
Le président suppléant: On nous dit qu'une province est hostile et refuserait que le gouvernement fédéral s'insurge. Il serait important de savoir si des initiatives comme celles-là seront bien reçues des provinces ou s'il y aura des réactions hostiles. Faudra-t-il mettre des mécanismes en place pour que les provinces accueillent ces recommandations à bras ouverts? Cela me paraît un point important.
Mme Friolet: Vous savez qu'en Colombie-Britannique, il n'y a aucun service. Toutefois, depuis l'annonce du fonds de huit millions de dollars pour les soins primaires, notre gouvernement provincial nous a approché. Ils veulent voir comment ils pourraient y avoir accès.
Les provinces disent que le gouvernement fédéral nous a laissé un problème et a limité ses transferts. Je ne veux pas vous mentir. Le gouvernement provincial voit d'un très mauvais oeil le fait qu'il doit s'occuper des francophones. Il a fallu 25 ans avant que nous puissions avoir un conseil scolaire francophone. Je veux en appeler à la compassion: lorsqu'on est malade, on devrait avoir ce service dans notre langue.
Le président suppléant: Vous dites que la Colombie-Britannique accueillerait favorablement un programme qui inclurait un financement et qui permettrait de donner des soins aux francophones.
Mme Friolet: Oui. Vous savez qu'il y a des représentants dans la liaison francophone au niveau des gouvernements provinciaux et au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales de chaque province. On examine présentement la possibilité d'avoir une ligne d'accès d'urgence. Cela veut dire que les quatre ministères de la santé se parlent. Je réponds donc que c'est favorable.
M. d'Entremont: Aux mois de mai et juin, on a découvert en Nouvelle-Écosse que cette réponse dépend de ceux à qui on pose la question. La réponse de la population et la réponse des dirigeants n'est pas la même. Nous avons posé la question à la population: «d'après vous...? que pensez-vous...? comment voyez-vous...? Est-ce mieux, stable ou pire qu'il y a cinq ans?» et 60 000 personnes ont participé à nos consultations. La réponse, à 95 p. 100, dans toutes les régions a été que la situation semblait se détériorer.
Lors de la discussion, même lors de la consultation, les dirigeants des régies ou des autorités régionales étaient présents. Malheureusement, ils ont dit: «Nous offrons de la traduction». Et ils ont posé la fameuse question qui a causé tant de chagrin à l'éducation: est-ce que le gouvernement fédéral va payer?
Au niveau des régies, des autorités régionales, au niveau de la province — moi, je compose non pas avec le ministre mais avec ses hauts fonctionnaires — encore là, il y a la question à savoir si le fédéral va payer ou encore si cela n'enlève rien à ce qu'ont les anglophones ou les autres.
Scientifiquement, on ne peut pas le prouver car les réponses données à des questions lors des consultations sont basées sur les émotions. En Nouvelle-Écosse, nous souhaitons ne par revivre les mêmes cauchemars vécus pendant trop d'années en éducation. Nous pourrions avoir un programme semblable et même meilleur.
Le président suppléant: Je vais soulever deux points qui ont un impact sur les recommandations que nous allons faire. Deux événements survenus après le dépôt de votre rapport me paraissent importants et ils vont sûrement influencer les décisions du comité.
Le premier est la question de l'Hôpital Montfort. Ma question s'adresse à M. Gour. La décision rendue par la Cour d'appel au sujet de l'Hôpital Montfort a élaboré un ensemble de principes très importants en ce qui a trait à la question de l'accès aux soins de santé des francophones. Quelles sont les conséquences de cette décision de la Cour d'appel sur les recommandations que vous avez faites?
Ce jugement peut-il influencer favorablement la prise de position de votre groupe? Si oui, de quelle façon voyez-vous cela? Dans tout le débat ou la lutte que Montfort a menée, avez-vous eu un appui de l'Université d'Ottawa?
M. Gour: L'Université d'Ottawa a joué un rôle important pour ce qui est de la documentation qui a été préparée au sujet des données. Elle appuyait et indiquait que, pour permettre à son programme en médecine d'être efficace, il fallait un milieu de placement francophone. Il est certain que l'Université d'Ottawa a appuyé, a joué un rôle dans la preuve que l'hôpital Montfort était une institution essentielle à la protection de notre communauté minoritaire.
L'ACFO est aussi impliquée dans le dossier. Je suis au courant du dossier puisque notre association était l'une des intervenantes dans le dossier présenté devant la Cour d'appel à ce niveau. Cela a-t-il une signification particulière? Oui. Vous savez que le ministre de la Santé de l'Ontario a décidé de ne pas poursuivre à la Cour suprême du Canada sachant sans doute qu'il allait perdre. Ils l'ont fait honorablement. Ils ont reconnu par la suite que l'Hôpital Montfort est l'un des hôpitaux les plus efficaces de la province. Ils ont même reçu des fonds additionnels pour maintenir cette efficacité. Le gouvernement de l'Ontario n'a aucune réticence à subventionner l'Hôpital Monfort de façon adéquate. Cela a-t-il des répercussions? Je crois que oui, mais pas au niveau du développement nécessairement. Vous savez que la décision, c'est la protection. Une fois que nous avons accompli quelque chose, nous retirer nous met dans une situation encore plus vulnérable.
Avons-nous alors droit à des services de santé par rapport à cette protection? Si le gouvernement voulait retirer les cinq centres de santé communautaire francophones en Ontario, on se retrouverait encore une fois devant les tribunaux. Je crois que nous gagnerions sur la base des mêmes principes. Ce qui importe, c'est que la Cour d'appel de l'Ontario et la Cour de révision sur la cessation du Québec ont reconnu un droit à la protection des minorités. C'est un principe non inscrit dans la Constitution.
Même les avocats ont demandé à la province de l'Ontario si elle revendiquait le fait que ce droit n'existait pas. La province de l'Ontario a été muette sur cette question. Elle n'a pas débattu le fait qu'il existait un droit à la protection. Cela avait déjà été décidé par la Cour supérieure. C'est la raison pour laquelle nous croyons que dans ces protocoles d'entente, dans ces autres lois comme la Loi sur la santé, il faut prendre du recul. Ce droit existe déjà. Est-il moins important que celui de dire que ce sera l'accessibilité universelle, et cetera? Ce droit est reconnu par la Cour suprême, par cette révision de la cessation du Québec. Les minorités ont un droit fondamental à la protection et on devrait évoluer vers l'égalité. Ce n'est pas encore dans ces protocoles. On sait que le gouvernement fédéral va probablement attribuer davantage de fonds aux provinces — l'Ontario est d'ailleurs la province qui se plaint le plus de ne pas recevoir suffisamment de fonds.
Si le gouvernement fédéral disait que pour bien reconnaître un appui aux langues officielles, il faut donner plus de services au francophones, que ce serait plus efficace, et cetera, seriez-vous prêts à participer? Nos discussions préliminaires avec le gouvernement de l'Ontario et le ministère nous disent que oui, mais il faut y attribuer plus de fonds. L'Ontario le fait. La Loi sur les services en français a été un tournant très important.
Ce qu'on a gagné à Montfort, c'est que la Cour d'appel a dit que gouvernement doit respecter la Loi sur les services en français, que cette loi sur les services en français est une loi quasi constitutionnelle. Cela a été reconnu. Les services de santés sont livrés selon la Loi sur les services en français. Oui, cela a un impact, parce que cela donne du mordant à la Loi sur les services en français. Le gouvernement doit offrir ces services.
Le président suppléant: Cette Loi sur les services en français est une loi ontarienne?
M. Gour: Oui.
Le président suppléant: Existe-t-il des lois semblables dans d'autres provinces?
M. Gour: Le Nouveau-Brunswick a une meilleure loi.
Le président suppléant: Deux provinces ont des lois sur les services en français?
Mme Friolet: Il y a également l'Île-du-Prince-Édouard et le Manitoba.
Le président suppléant: Il s'agit de quatre provinces donc. La loi du Nouveau-Brunswick est-elle la plus généreuse pour les francophones?
M. Rioux: Oui, parce qu'elle respecte l'égalité des deux communautés linguistiques tel que cela s'inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Le sénateur Pépin: Si jamais le sixième principe qui consiste à offrir des services de soins de santé en français doit s'appliquer, il y a déjà quatre provinces où cela serait accepté plus facilement. Dans les autres provinces, on ne sait pas comment cela va s'appliquer. Faudra-t-il encore que le gouvernement fédéral injecte plus de fonds afin que les provinces mettent ces services en application? Peut-être y a-t-il d'autres façons de faire?
M. Gour: Si on inclut un principe sans qu'il y ait un programme, on devra se battre longtemps devant les tribunaux. Il est absolument essentiel d'avoir ce programme. En Ontario, il y a déjà une infrastructure. Les cinq centres de santé communautaire coûtent au gouvernement, par exemple, 10 millions de dollars. Il se dépense donc déjà 10 millions de dollars à ce niveau. Le gouvernement pourrait dire que s'il y a un programme moitié-moitié — il existe déjà une institution additionnelle dans leur esprit, l'Hôpital Montfort —, on pourrait comptabiliser facilement la contribution de l'Ontario envers un programme.
C'est un programme, après tout, qui s'obtient par la négociation. Il n'est pas obligatoire. C'est difficile d'imaginer une province qui ne voudrait pas accéder à ce programme, qui refuserait des fonds du gouvernement fédéral pour la santé. Toutes les provinces et tous les territoires réclament plus de fonds. Le gouvernement fédéral attribuera probablement plus d'argent. Le gouvernement fédéral aura-t-il le culot de respecter les principes fondamentaux constitutionnels et d'encourager les provinces, par un programme incitatif, comme le programme en éducation, pour aider les provinces à mettre en place leur loi? L'Ontario représente 5 p. 100 des francophones en situation minoritaire.
Le sénateur Losier-Cool: Je voudrais aborder la question de la responsabilité ministérielle dans la création de programmes similaires au PLOE. Il n'y a pas, au niveau fédéral, de ministère de l'Éducation. On a donc donné cette responsabilité au Patrimoine canadien, et cetera. Croyez-vous qu'il serait plus efficace de donner cette responsabilité au ministère de la Santé, lorsqu'on parle d'un programme similaire pour les services de santé en français?
Mme Friolet: Je vous donne un exemple qui répondra peut-être à votre question. Le ministère de la Santé, en ce qui a trait aux soins de santé primaires à la population, a demandé à chaque gouvernement provincial de lui soumettre des propositions. Cela se passe de la même façon pour ce qui est des programmes des langues officielles. Toutefois, vous avez raison, à ce niveau, il ne s'agit pas du Conseil des ministres. On pourrait cependant très bien imaginer les ministres de la Santé provinciaux et fédéral négocier et échanger des idées sur ce programme. Ils pourraient très bien le faire pour un programme visant à aider les communauté minoritaires. Quant au montant d'argent, dans la proposition que le comité consultatif a faite — et lorsqu'on a constitué l'équipe de la francophonie —, on parlait de 250 millions de dollars sur cinq ans.
M. Rioux: Au niveau de la responsabilité, pour répondre à la question du sénateur Losier-Cool, la Loi sur les langues officielles n'appartient pas seulement à Patrimoine Canada. Tous les ministères devraient être imputables de faire respecter la Loi sur les langues officielles. De la même façon qu'on négocie actuellement avec différents ministères des programmes avec les provinces, le ministère de la Santé pourrait le faire tout en respectant la Loi sur les langues officielles. On a créé le programme de Parternariat inter-ministériel pour les programmes des langues officielles. Des mécanisme existent déjà et on n'a pas besoin d'en créer d'autres. Cela serait une bonne occasion de démontrer que les langues officielles au Canada, ce n'appartient pas seulement à Patrimoine canadien.
Le sénateur Léger: J'aimerais dire un mot à propos de la formation. Prenons l'exemple d'une personne qui reçoit des traitements en oncologie, disons, une Ukrainienne qui ne peut pas s'exprimer en anglais, est-ce que cela peut entrer dans vos grands dossiers immédiatement? Vous avez parlé de la communauté qui a besoin de fonds. Que faire pour aider cette personne, pour ne pas que ce soit le concierge qui soit le traducteur? Car cela arrive dans nos hôpitaux: lorsqu'on ne comprend pas les français, on va chercher quelqu'un.
Le président suppléant: Souvent, c'est une personne d'entretien ménager qui vient faire la traduction.
Le sénateur Léger: En d'autres mots, dans tous ces grands projets du gouvernement fédéral, est-ce que le malade bénéficie de fonds pour lui assurer cette traduction?
Mme Friolet: Non. En Colombie-Britannique, si vous allez au Vancouver General Hospital, il y a des services de traduction en punjabi, en vietnamien, en mandarin, en cantonais, mais pas en français. Le précédent existe et ce sont des services payés par notre province. Je suis convaincue que dans d'autres provinces, il y a des services de traduction si le personnel ne parle pas la langue en question. Mais en Colombie-Britannique, cela n'existe pas. Comme ils le font pour toutes ces langues qui sont assez difficiles à parler, merci, je pense qu'un petit incitatif aiderait à créer le précédent.
Il faut réveiller notre gouvernement fédéral afin qu'il joue son rôle et l'inciter à offrir le service.
Le président suppléant: Sénateur Léger, aviez-vous d'autres commentaires?
Le sénateur Léger: Non, ça va.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Il me semble, étant donné que j'ai déjà rencontré ce problème dans ma carrière en tant que PDG de l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa, qu'il y a d'excellentes installations pour l'éducation des francophones, tout particulièrement ici à Ottawa. Le problème fondamental, c'est le manque d'infrastructures une fois qu'ils ont reçu leur diplôme. Les cliniques communautaires qui ont été mises sur pied et le fait que Montfort ait survécu sont d'importants pas en avant. Il est également très utile que l'Université d'Ottawa soit bilingue. Il y a une masse critique de gens au Québec que l'on peut engager, du moins des médecins, et j'ai constaté que nous avons été en mesure de recruter chez les francophones 50 p. 100 de notre personnel médical au fil des ans. Nous avons dû aller en France pour notre chef de la chirurgie cardiaque, mais nous avons pu le faire.
Le problème pour les jeunes qui sortent du réseau, c'est qu'ils n'ont aucune infrastructure dans laquelle ils peuvent travailler. Vous avez parlé d'un médecin francophone qui travaille à Hamilton. Il est un peu comme un poisson hors de l'eau. S'il y avait davantage de cliniques communautaires francophones, des réseaux pourraient naître de ces cliniques.
Nos médecins francophones ont d'excellents réseaux dans le nord et l'est de l'Ontario, dans l'ouest du Québec et ainsi de suite parce qu'ils apprennent à connaître les jeunes diplômés francophones de l'Université d'Ottawa. Ils peuvent faire un excellent travail, mais pour ce qui est du reste de la province, un tel réseau n'existe pas vraiment.
Et il y a un autre énorme problème. À l'Institut de cardiologie, nous offrons cinq services qui ne sont pas offerts ailleurs au Canada. L'Hospital for Sick Children de Toronto assure des services qui ne sont pas offerts ailleurs au Canada. Cependant, il n'existe aucun soutien ni aucune infrastructure de quelque sorte que ce soit pour financer une composante francophone de ces services. L'institution doit puiser dans ses propres ressources pour ce faire.
Avez-vous songé à une véritable infrastructure francophone pour l'ensemble du pays, car elle peut aller au-delà des frontières provinciales? Selon vous, quel genre de recommandation faudrait-il de la part de notre comité pour mettre en place une telle structure?
M. Gour: Je suis heureux que vous parliez de l'importance des infrastructures car elles sont critiques.
En Ontario, les francophones favorisent la notion de centres de santé communautaire où l'on retrouve un ou deux médecins qui prodiguent des soins primaires.
[Français]
Je crois qu'il est absolument essentiel, comme vous l'indiquez, de développer cela. Cela pourrait être fait par l'intermédiaire d'un programme intergouvernemental où le gouvernement fédéral assure une partie des fonds, soit par l'intermédiaire de Santé Canada, même si nous avons une certaine réticence, parce que ce ministère n'a aucun programme qui vise les francophones.
Je vous donne un exemple. Je siège au comité du Centre de santé communautaire de Hamilton-Niagara où on a une clinique, un centre de santé communautaire francophone avec deux médecins. Les demandes de fonds pour les programmes que l'on soumet au gouvernement de l'Ontario sont en français et peuvent être reçues en français. À Santé Canada, notre administrateur les soumet en anglais parce qu'il a peur que cela prenne trop de temps au gouvernement fédéral! Il n'y a pas d'infrastructure ou de personne qui peut recevoir ce document en français. C'est un peu bizarre! Le conseil d'administration dit à notre administrateur: écoutez, c'est le gouvernement fédéral, soumettez-le en français. On est mieux reçu par le ministère de la Santé en Ontario que par Santé Canada. J'hésite à dire que cela devrait être Santé Canada qui administre ce programme.
Pour répondre à votre question, oui, il nous faut des services tertiaires. C'est compliqué parce qu'en Ontario, on représente quand même seulement 4 p. 100 de la population. Bâtissons en premier lieu notre réseau de santé primaire, car cela est essentiel. C'est sur cela que nous devrions d'abord dépenser nos sous.
Le président suppléant: J'aimerais que le comité soit saisi de la question des services dits «nationaux», à l'effet qu'il y en aura de plus en plus. L'intervention diagnostique ou thérapeutique est fort complexe, demande beaucoup d'équipements et de personnel spécialisé. Elle s'adresse à une population restreinte et c'est pourquoi il n'existe qu'un institut de ce genre au Canada.
Mais il y aura de plus en plus de ces centres uniques au pays et ce que le sénateur Keon recommande, c'est la possibilité d'accueillir des patients de partout au Canada. Il recommande surtout que les patients provenant de l'extérieur du Québec aient accès à des soins de santé en français.
Il s'agit d'un point important car cela ne s'adresse pas seulement aux francophones hors Québec mais aussi aux francophones de l'ensemble du pays et c'est important.
M. Rioux: Je crois que suite aux discussions des deux prochains jours, vous obtiendrez certainement des éclaircissements de la part des différents groupes, plus spécialisés que nous, qui se présenteront devant vous.
L'essentiel, ce qui est au cœur même du rapport intitulé «La santé chez les communautés minoritaires», c'est que les centres de santé communautaires existent pour permettre l'accès aux premiers services. Par la suite, on commence à tomber dans les spécialisations et le travail accompli par les membres du comité vous éclairera davantage là-dessus.
Je ne voudrais pas tomber dans des spécialisations où des personnes plus compétentes que nous peuvent répondre à des questions spécifiques puisque ce sont eux qui ont fait le travail.
Mme Friolet: À titre d'exemple, en Colombie-Britannique où il n'existe en ce moment aucun service institutionnel public, — à part peut-être Maillardville, un centre pour personnes âgées — on peut avoir recours aux services d'un médecin en français.
Nous avons répertorié des professionnels de la santé et nous avons encouragé une initiative de création d'une clinique communautaire. Cela relève du domaine privé et rien n'empêche un médecin, un psychologue ou une infirmière d'être bilingue et d'offrir des services.
C'est à ce niveau que nous voulons commencer et, par la suite, il faut convaincre les régies régionales de santé à travailler avec ces individus. En Colombie-Britannique, où il n'existe rien en ce moment, il y a deux endroits où on peut le faire. En Ontario et au Nouveau-Brunswick, on se sert de leur exemple tout en regardant ce qui se passe en Alberta, où dans de petites régions, un médecin se déplace tous les mercredi vers une petite localité, qu'il y ait des malades ou pas.
En Colombie-Britannique, nous ne sommes pas fermés à l'idée parce qu'il n'existe rien en français. On veut utiliser ce qu'il y a sur le terrain pour avoir accès à des services en français. Je pense qu'on peut le faire en collaboration avec les professionnels de la santé.
Le président suppléant: M. Rioux, le comité aimerait recevoir les documents qui ont été publiés depuis le dépôt du rapport, dont le Forum de Moncton de novembre 2001. Le comité aimerait en recevoir les conclusions. M. d'Entremont, vous avez fait allusion à un forum qui a eu lieu en Nouvelle-Écosse. Les résolutions populaires de ce genre aideraient beaucoup aux délibérations du comité.
Il ne me reste qu'à remercier tous les témoins. Nous avons vraiment apprécié vos commentaires qui, certes, aideront aux délibérations du comité. Il est possible que nous nous adressions à vous dans le cas où nous aurions besoin de détails supplémentaires.
La séance est levée.