La santé des Canadiens Le rôle du gouvernement fédéral
Rapport intérimaire
Volume quatre – Questions et options
Chapitre: Un, Deux, Trois, Quatre
En décembre 1999, lors de la Seconde session du 36e Parlement, le Sénat a donné pour mission au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’étudier l’état du système de soins de santé canadien et d’examiner l’évolution du rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine. Le Sénat a renouvelé le mandat du Comité lors de la Première session du 37e Parlement. Le mandat adopté aux fins de la présente étude est le suivant :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner pour en faire rapport l’état du système de santé au Canada. Plus particulièrement, que le Comité soit autorisé à examiner :
- Les principes fondamentaux sur lesquels est fondé le système public de santé au Canada;
- L’historique du système de santé au Canada;
- Les systèmes de santé publics dans d’autres pays;
- Le système de santé au Canada – Pressions et contraintes;
- Le rôle du gouvernement fédéral dans le système de santé au Canada.
En mars 2001, en réponse à ce mandat aussi ambitieux que complexe, le Comité a relancé son étude pluriannuelle polyvalente comprenant cinq grandes phases. Le tableau 1 présente des informations sur chaque phase et sur sa durée respective.
TABLEAU 1
ÉTUDE SUR LES SOINS DE SANTÉ :
PHASES ET CALENDRIERS PROPOSÉS
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Phase |
Contenu |
Calendrier |
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Un |
Contexte historique et aperçu |
Hiver/automne 2000 |
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Deux |
Tendances : Leurs causes et leurs effets sur le coût des soins de santé |
Automne 2001 |
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Trois |
Modèles et pratiques dans d’autres pays |
Automne 2001 |
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Quatre |
Élaboration d’un document consacré aux questions et aux options |
Automne 2001 |
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Cinq |
Audiences portant sur le document consacré aux questions et aux options et élaboration du rapport final et des recommandations |
Automne 2001/hiver 2002 |
Le présent rapport constitue le volume 4 d’une série de cinq rapports rédigés par le Comité sur la santé des Canadiens et sur le rôle fédéral dans le domaine de la santé et des soins de la santé. Dans ce rapport, le Comité définit les questions clés touchant la politique gouvernementale relative au rôle fédéral et présente une série d’options possibles pour régler ces questions. Le Comité estime qu’il est indispensable que les décideurs fédéraux et provinciaux, les intervenants dans le domaine des soins de santé et le public canadien examinent les diverses questions et options, car elles sont liées à la viabilité à long terme du système de soins de santé au Canada.
En octobre et novembre 2001, le Comité a l’intention de tenir dans tout le pays de nombreuses audiences publiques qui porteront sur les questions et options présentées dans le présent rapport. Plus précisément, le Comité tiendra des audiences à Vancouver, Edmonton, Regina, Winnipeg, Toronto, Montréal, Fredericton, Charlottetown, Halifax et St-Jean (T.-N.). En janvier 2002, le Comité présentera son cinquième et dernier rapport dans lequel il résumera les principales conclusions dégagées de ces audiences publiques et il soumettra ses recommandations concernant le règlement des questions de politique gouvernementale présentées dans le présent rapport.
Les questions et options examinées ici sont inspirées des témoignages présentés devant le Comité au cours des trois premières phases de son étude sur la santé. Les données recueillies grâce aux interventions des témoins-experts ont été présentées de manière très détaillée dans les trois premiers rapports du Comité sur le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et des soins de santé :
- Le premier rapport explique comment le gouvernement fédéral a aidé les provinces à financer les soins hospitaliers et médicaux au fil des ans. Il met en particulier l’accent sur les objectifs initiaux de l’intervention fédérale dans le domaine des soins de santé et soulève un certain nombre de questions au sujet du rôle futur du gouvernement fédéral, compte tenu de l’évolution du contexte des soins de santé (p. ex., recours croissant à la pharmacothérapie, aux services de consultation externes, aux soins à domicile et aux soins communautaires). Ce premier rapport retrace également l’évolution des dépenses de soins de santé et des indicateurs de santé au cours des dernières décennies. Il se termine par un examen d’un certain nombre de mythes qui ont cours encore aujourd’hui au sujet de la prestation et du financement des soins de santé au Canada, et fait une mise au point sur chacun. L’objet du premier rapport était de fournir des données de fait et de faire un sort aux principales idées fausses qui reviennent constamment dans le débat sur les soins de santé au Canada.
- Le second rapport passe en revue les principales tendances qui influent sur le coût et la méthode de prestation des services de santé et sur les conséquences de ces tendances pour les futures mesures de financement public. En particulier, le rapport met en relief les pressions liées à l’évolution démographique de la population canadienne, le coût et l’utilisation croissants des médicaments et de la technologie, et l’évolution des méthodes de prestation des services de santé (p. ex., le recours croissant aux services extérieurs, aux soins à domicile, à la télémédecine). Le rapport traite également des questions liées à la recherche médicale, de la planification des ressources humaines dans le même domaine (y compris la pénurie de fournisseurs de soins de santé), de la santé rurale, des tendances de la maladie et de la santé de la population autochtone du Canada. Enfin, il explique comment une infostructure dans le domaine de la santé pourrait contribuer à améliorer la prestation des services de santé à l’avenir.
- Le troisième rapport décrit et compare la manière dont les soins de santé sont financés et fournis dans plusieurs autres pays (Australie, Allemagne, Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni et États-Unis), et énonce les objectifs de la politique nationale des soins de santé dans ces mêmes pays. Il met particulièrement l’accent sur les politiques et les réformes dont le Canada pourrait s’inspirer. Le rapport contient également un bref examen du fonctionnement des systèmes des comptes d’épargne santé (CES) à Singapour, en Afrique du Sud, aux États-Unis et à Hong Kong.
Le Comité a beaucoup appris au cours des trois premières phases de son étude et a présenté ses constatations dans les trois rapports mentionnés ci-dessus. Il espère que l’on consultera ceux-ci, car ils offrent un contexte utile à la discussion des options de politique gouvernementale qui font l’objet principal du quatrième rapport.
Le Comité estime cependant qu’il est utile de souligner certaines des conclusions qu’il a tirées jusqu’à présent de son étude, car elles aident à préparer la prochaine étape de ses travaux. La section qui suit résume certaines des principales constatations et observations des trois premières phases de l’étude.
Résumé des principales
constatations et observations
des phases un, deux et trois
2.1 Principales constatations et observations de la phase un
- La définition des « services médicalement nécessaires » qui ne garantit aux Canadiens que l’accès aux services de santé fournis par les médecins ou dans les hôpitaux, ne permet plus de dispenser des services de santé qui correspondent aux besoins réels en matière de santé et de mieux-être de la population canadienne au XXIe siècle. Cette définition ne reflète pas non plus toute la gamme des services qui sont couverts dans la pratique par les différents régimes d’assurance-santé provinciaux.
- Plus nous incluons de services dans la définition de « services médicalement nécessaires », plus le système de soins de santé public devient coûteux. L’élargissement de cette définition soulève la question de savoir comment ces services devraient être payés, et comment il serait possible d’éviter des coûts excessifs. Un débat public s’impose pour déterminer les services qui devraient être pris en charge par le gouvernement, les services qui devraient être payés par les employeurs et les services qui devraient être payés par les individus eux-mêmes, partiellement ou totalement, directement ou par le biais d’une assurance privée.
- Les Canadiens ont opté pour un régime d’assurance-santé public universel pour des motifs de compassion, d’équité et de justice. Les principes axés sur le patient énoncés dans la Loi canadienne sur la santé continuent d’être une expression fondamentale de la société canadienne. En fait, la Loi a maintenant acquis un statut d’icône.
- Le mécanisme qui consiste à avoir un seul responsable de l’application des quatre principes axés sur le patient de la Loi canadienne sur la santé paraît valable. Le principe sous-jacent d’administration publique est cependant moins bien compris et mériterait peut-être d’être revu étant donné l’évolution de la prestation des services de santé.
- À trois occasions seulement, le gouvernement fédéral a imposé des sanctions financières et réduit ses transferts à certaines provinces qui pratiquaient la surfacturation ou exigeaient des frais d’utilisation. Cependant, il n’a jamais usé de ses pouvoirs discrétionnaires pour imposer des sanctions en cas de non-observation de la Loi, en dépit de plaintes périodiques concernant la transférabilité, l’intégralité et l’accessibilité.
- Les dépenses privées, déjà importantes, représentent une part croissante (environ 30 %) du total des dépenses de santé au Canada. Le Régime canadien d’assurance-soins médicaux, qui est uniquement axé sur les coûts hospitaliers et les coûts liés aux honoraires médicaux, a nettement contribué à cette situation.
- Les gouvernements provinciaux consacrent déjà en moyenne plus du tiers de leur budget global aux soins de santé; c’est la raison pour laquelle les provinces ont insisté sur la nécessité de pouvoir compter sur des paiements de transfert fédéraux stables et prévisibles. Les experts reconnaissent cependant que si une aide financière plus stable est indispensable, il faut également tenir compte de la suffisance, de la capacité financière et de la viabilité, qui ont des répercussions pour les deux ordres de gouvernement. De plus, des dépenses publiques plus élevées en soins de santé pourraient signifier moins d’argent à consacrer aux domaines non médicaux qui influent aussi beaucoup sur la santé.
- Les Canadiens demeurent profondément attachés à leur système de soins de santé et veulent que les gouvernements, à tous les niveaux, répondent à leurs préoccupations croissantes au sujet de la viabilité à long terme et de la pérennité du système. Ils veulent en particulier que le gouvernement leur garantisse un accès plus rapide aux soins de santé.
- Le gouvernement fédéral a joué un rôle crucial dans le domaine de la santé et des soins de santé, et il continue à le faire. Il ne s’agit pas de savoir s’il a un rôle à jouer, mais de déterminer de quelle façon ce rôle devrait changer afin de s’adapter à de nouvelles réalités dans ce domaine et de contribuer ainsi à la viabilité à long terme d’un système de haute qualité.
- L’évolution des attentes du public a déjà eu un effet très marqué sur la forme du système public d’assurances médicales. En effet, celui-ci est passé d’un régime d’assurance public contre les coûts médicaux exorbitants à un régime qui subit constamment des pressions pour élargir la gamme des services « gratuits » auxquels s’attend le consommateur. Quiconque veut réformer le système sera donc confronté à une tâche énorme : satisfaire aux attentes croissantes du public.
2.2 Principales constatations et observations de la phase deux
- L’effet de la tension des coûts sur le système est réel et prend des formes multiples. Il est probable que cette tension continuera d’augmenter avec l’avènement de médicaments et de technologies nouveaux et plus coûteux, en particulier pendant les 20 à 30 prochaines années, au cours desquelles le gros de la génération du baby-boom prendra de l’âge. Il est donc important de tenir compte des tensions créées par les coûts lorsqu’on étudiera la manière de soutenir et de renouveler le système de soins de santé du Canada.
- On a estimé que le fardeau économique de la maladie avait atteint 156 milliards de dollars au Canada en 1998 (coûts directs et indirects). Les tendances dans le domaine des maladies et des blessures peuvent donc avoir un effet marqué sur les coûts actuels et futurs des soins de santé. On a beaucoup insisté sur le fait qu’une augmentation des efforts de promotion de la santé et de prévention des maladies, particulièrement en ce qui concerne les Canadiens à faible revenu et à faible niveau d’instruction et d’alphabétisation, devrait être un des éléments clés de la politique gouvernementale si l’on veut vraiment améliorer l’état de santé général et contenir les coûts des soins de santé.
- Bien que de nombreux Canadiens jouissent d’une excellente santé, et bien que le Canada se classe nettement au-dessus de la plupart des autres pays pour ce qui est de la majorité des indicateurs de l’état de santé, il reste indiscutablement des progrès à réaliser. Des disparités demeurent sur le plan de la santé en ce qui concerne l’âge, la situation socio-économique, le sexe, la situation géographique, etc. La santé et la situation socio-économique de la population autochtone au Canada sont particulièrement déplorables.
- Pour améliorer la santé des Canadiens, il ne suffit pas de guérir la maladie. Il y a une interaction constante entre de nombreux déterminants complexes de la santé, et pour promouvoir le mieux-être, il faut trouver des moyens de tenir compte de tous ces déterminants. Comme la santé d’une population est déterminée par une multiplicité de facteurs, la collaboration et l’action intersectorielle s’imposent de toute évidence.
- Bien que les femmes assurent plus de 80 % des soins de santé, rémunérés ou non, elles ne constituent qu’une minorité des décideurs en matière de politique et de gestion. Il importe donc, en particulier, d’évaluer les conséquences de la réforme des soins de santé pour les femmes.
- Le système de soins de santé du Canada a déjà bien des difficultés à attirer le personnel dont il a besoin dans bon nombre de disciplines et à en assurer la formation (dans le contexte d’une pénurie mondiale croissante de ressources humaines dans ce secteur). Étant donné que le secteur des soins de santé est relativement exigeant en main-d’œuvre, le problème de ressources humaines est plus critique que n’importe quel autre problème auquel le système est confronté. Par ailleurs, nous éprouvons de réelles difficultés à suivre le rythme d’introduction de médicaments et de technologies nouveaux mais très coûteux auxquels les Canadiens s’attendent légitimement à avoir accès afin de répondre à leurs besoins en matière de santé.
- Le Canada a besoin d’un secteur de la recherche médicale dynamique, intégré et proactif. Pourtant, sur le plan de l’importance du financement public qu’il accorde à la recherche dans ce domaine, il ne soutient pas la comparaison avec ses principaux concurrents. Exprimé en termes de parité des pouvoirs d’achat (PPA) par personne, le rôle du gouvernement central aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Australie est beaucoup plus important qu’il ne l’est au Canada.
- Il est généralement reconnu que les progrès rapides réalisés dans le domaine de la génétique et de la génomique vont provoquer une révolution sans précédent de la prestation des soins de santé. Cela montre combien il est indispensable de faire une place à la recherche multidisciplinaire qui permettra d’examiner les coûts sociétaux, les avantages, les préoccupations d’ordre éthique et les répercussions involontaires possibles des progrès de la recherche génétique et génomique.
- Il faut que nous cessions de tenir compte uniquement des dollars et des intrants investis dans les soins de santé et que nous nous efforcions plutôt de relier ces intrants aux résultats dans le domaine de la santé. Il faut que nous commencions à mesurer la qualité et l’efficacité du système de soins de santé en fonction de ses extrants, au lieu de le faire exclusivement en fonction des intrants. Il est indispensable de le faire si nous voulons savoir comment dépenser plus sagement les fonds gouvernementaux à l’avenir.
- L’élaboration d’une infostructure pancanadienne de la santé permettrait de jeter les bases d’un processus de prise de décisions fondé sur l’expérience dans les domaines qui influent sur la prestation des soins de santé et le bien-être de la population. Une infostructure contribuerait également à une meilleure responsabilisation de tous les intervenants dans le système de soins de santé : les gouvernements, les fournisseurs de soins, les patients. À l’heure actuelle, on note d’énormes lacunes dans ce domaine au Canada; il est essentiel d’améliorer et de maintenir notre capacité de gérer l’information sur la santé.
2.3 Principales constatations et observations de la phase trois
- Il est peu probable que les propositions en faveur d’une « approche de choc » à la restructuration du système de soins de santé au Canada fassent l’unanimité. Des changements importants pourraient cependant s’imposer, si l’on veut répondre aux espoirs et aux aspirations des Canadiens.
- Aucun modèle international ne peut être considéré comme un système de référence pour résoudre les difficultés auxquelles le système de soins de santé canadien est confronté. D’ailleurs, les experts ont déclaré au Comité qu’il faudrait faire extrêmement attention aux répercussions au Canada de l’adoption fragmentée de changements apportés dans d’autres pays. Cependant, les systèmes de soins de santé ont des points communs et font face à des problèmes et à des pressions similaires. Le Canada pourrait tirer grand profit de l’expérience acquise ailleurs.
- De nombreux pays qui assument une part similaire des dépenses dans le domaine des soins de santé offrent une couverture qui est beaucoup plus étendue qu’au Canada et qui englobe notamment les médicaments d’ordonnance, les soins à domicile et les soins de longue durée. Ce résultat a, en général, été obtenu avec la participation du secteur privé, soit grâce à une participation aux frais ou au recours à une assurance privée.
- Aucun pays de l’OCDE ne compte exclusivement sur l’assurance privée pour assurer la couverture médicale de ses citoyens. Même aux États-Unis, où le secteur privé est le principal intervenant dans le domaine de l’assurance médicale, le financement public couvre 45 % du total des dépenses de soins de santé. Le fait est que les soins de santé diffèrent des autres biens et services commercialisables.
Rôle du gouvernement fédéral : aperçu
Avant de passer à l’examen des questions et options concernant le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et des soins de santé, il importe de bien comprendre ce qu’est son rôle et tout aussi important de savoir ce qu’il n’est pas. Comme le Comité l’a fait observer dans son premier rapport, bien des mythes se sont créés autour du rôle du gouvernement fédéral. Selon lui, ce dernier joue actuellement cinq rôles distincts dans le domaine de la santé et des soins de santé :
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LES CINQ RÔLES DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ ET DES SOINS DE SANTÉ |
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FINANCEMENT : Transfert de fonds pour la prestation de services de santé gérés par d’autres administrations. RECHERCHE ET ÉVALUATION : Financement de la recherche innovatrice dans le domaine de la santé et évaluation des projets pilotes innovateurs. INFRASTRUCTURE : Soutien de l’infrastructure des soins de santé et de l’infostructure de la santé, notamment des ressources humaines. SANTÉ DE LA POPULATION : Protection et promotion de la santé et du mieux-être de la population et prévention des maladies. PRESTATION DE SERVICES : Prestation directe de services de santé à certains segments de la population. |
Le rôle de loin le plus connu du gouvernement fédéral concerne le soutien financier qu’il accorde aux provinces et aux territoires pour les aider à s’acquitter de leurs responsabilités dans le domaine de la prestation des soins de santé. La participation fédérale dans ce domaine est issue de son pouvoir d’application des ressources prévu par la Constitution. C’est ce pouvoir fédéral qui permet le transfert de fonds dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) et de l’application des dispositions de la Loi canadienne sur la santé.
À vrai dire, le gouvernement fédéral ne peut pas établir et maintenir de régime d’assurance-santé national, car il ne lui est pas possible de réglementer la prestation des soins de santé aux particuliers - en vertu de la Constitution canadienne, selon l’interprétation des tribunaux, la prestation et la gestion des soins de santé est un domaine qui relève essentiellement de la compétence provinciale. Le gouvernement fédéral est responsable de la prestation des services de santé uniquement aux groupes relevant de sa compétence, c’est-à-dire les peuples autochtones, les Forces canadiennes, les anciens combattants et les détenus sous responsabilité fédérale. Il revient aux gouvernements provinciaux et territoriaux de décider de questions importantes comme la façon dont l’ensemble du système sera organisé, la manière dont ils administreront leurs régimes publics d’assurance-santé, le nombre de lits qui seront disponibles et les catégories de fournisseurs de soins de santé qui seront embauchés. Il leur incombe également d’approuver les budgets des hôpitaux et de négocier les échelles de salaires avec les associations médicales.
Bien que le gouvernement fédéral ne soit pas responsable de l’administration, de l’organisation et de la prestation des soins de santé, il exerce une influence considérable sur les politiques de soins de santé provinciales/territoriales en utilisant le levier politique et financier dont il dispose grâce à son pouvoir constitutionnel d’application des ressources. En fait, de nombreux analystes estiment qu’en fixant les exigences relatives à la dispensation de l’aide financière fédérale, la Loi canadienne sur la santé et ses prédécesseurs ont aussi largement contribué à déterminer la nature des régimes d’assurance-santé provinciaux dans tout le pays.
Les questions que soulève le rôle de financement du gouvernement fédéral concernent le niveau des transferts fédéraux au titre des soins de santé, les mécanismes qui servent à effectuer ces transferts et les sources des recettes nécessaires pour les effectuer. D’autres questions connexes viennent se greffer à celles que nous venons d’énoncer, notamment les conditions éventuelles que le gouvernement fédéral devrait imposer aux provinces en échange de ses contributions à la prestation des soins.
Il convient de noter que, contrairement à une opinion fort répandue, la Loi canadienne sur la santé ne couvre pas tous les services de santé. Elle ne s’applique qu’aux services fournis par les deux systèmes de prestation de soins – les hôpitaux et les médecins – à l’exclusion d’un certain nombre d’autres systèmes. En particulier, elle ne couvre pas la pharmacothérapie en dehors des hôpitaux et des soins à domicile, qui ont pris une importance considérable depuis le début du régime d’assurance-santé. Bien que les provinces et les territoires aient multiplié les services fournis en vertu de leurs propres régimes de soins de santé, ils ne l’ont pas fait de manière uniforme. La prise en charge des services qui ne sont pas inclus en vertu de la Loi canadienne sur la santé varie donc considérablement d’une province et d’un territoire à l’autre.
Bien que la Loi canadienne sur la santé mentionne les soins de longue durée et les soins en maison de repos dans la définition de « services complémentaires de santé », les cinq principes de la Loi ne s’appliquent pas à ces soins. Or cela a contribué au manque d’uniformité de l’accès à ces services dans l’ensemble du pays.
Cette situation a inspiré une importante observation du Comité dans son rapport de la première phase : la notion de « nécessité médicale » définie dans la Loi canadienne sur la santé ne correspond plus à la réalité caractérisée par la diversité des services de prestation de soins de santé aux Canadiens.
Le second rôle du gouvernement fédéral comporte deux volets. Il comporte le financement de tous les secteurs de la recherche médicale (recherche biomédicale fondamentale, recherche clinique, recherche sur les services de santé, recherche sur la santé de la population) ainsi que le financement des projets pilotes conçus pour tester et évaluer de nouveaux modèles de prestation de soins dans ce domaine et des méthodes visant à améliorer le système de soins de santé du Canada.
Le gouvernement fédéral aide à financer la recherche dans le domaine de la santé depuis plus de 40 ans. En fait, jusqu’en 1994, il était la principale source de financement de cette recherche au Canada. Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sont les principaux organismes de financement fédéral de la recherche dans ce domaine.
De temps à autre, le gouvernement fédéral s’acquitte également de son rôle dans le domaine de la recherche en apportant un soutien financier aux initiatives ou aux projets pilotes conçus pour encourager l’innovation dans la prestation des soins de santé. La contribution de 800 millions de dollars que le gouvernement fédéral a accepté d’accorder à la réforme des soins primaires, dans le cadre de l’accord fédéral-provincial de septembre 2000, en est un exemple. Citons aussi les subventions octroyées en vertu du Fonds pour l’adaptation des services de santé (1997-2001), qui soutient les projets pilotes entrepris de concert par les gouvernements provinciaux et territoriaux dans le domaine de l’assurance-médicaments, des soins à domicile, des soins primaires et de la prestation de services intégrés, ainsi que le Programme des partenariats pour l’infostructure canadienne de la santé (2000-2002), qui appuie les projets provinciaux et territoriaux faisant appel aux nouvelles technologies de l’information dans le domaine des soins de santé.
Le gouvernement fédéral a un troisième rôle : ses contributions à l’infrastructure des soins de santé. Cela l’amène à financer des améliorations à l’ensemble du système de soins de santé, à ne pas confondre avec l’aide aux médecins et aux hôpitaux dont les services visent les patients individuels.
Un exemple précoce mais important de ce rôle est celui du Programme de subventions à la construction d’hôpitaux de 1948. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral assumait la totalité du coût de construction des hôpitaux dans toutes les provinces et les territoires. C’est ainsi que de 1948 à 1960, le nombre de lits au Canada a augmenté à un rythme double de celui de la croissance démographique.
Un autre exemple important de l’aide fédérale à l’infrastructure des soins de santé nous est donné par son appui financier aux systèmes d’information sanitaires conçus pour permettre aux fournisseurs de soins de santé de prendre des décisions plus éclairées (grâce, par exemple, à l’élaboration de systèmes d’enregistrement électronique des patients). L’appui aux provinces grâce à une aide financière axée sur des objectifs précis tels que l’acquisition de technologies des soins de santé prévue par le projet de loi C-45 (octobre 2000), est un autre exemple de l’aide fédérale à l’infrastructure des soins de santé.
Si le gouvernement fédéral décidait d’élaborer (ou d’aider à élaborer, en collaboration avec les provinces) des structures et des processus destinés à accroître la responsabilisation au sein du système de soins de santé, cela ferait aussi partie de son rôle de soutien de l’infrastructure des soins de santé. De même, la publication d’un rapport annuel par le gouvernement fédéral sur la santé des Canadiens ainsi que sur la qualité et l’efficience du système de prestation de soins de santé, agrémenté de recommandations pour l’améliorer, constituerait une contribution fédérale à une meilleure responsabilisation du système.
Le gouvernement fédéral joue un quatrième rôle qui englobe la protection de la santé, la promotion de la santé et du mieux-être et la prévention des maladies. La protection de la santé comprend des activités telles que la législation relative aux aliments, l’approbation des médicaments et des appareils et accessoires, la protection de l’environnement, la réglementation de la biotechnologie, la surveillance épidémiologique. La promotion de la santé et du mieux-être et la prévention des maladies contraste avec le premier rôle fédéral, qui est axé sur le traitement des maladies. Il consiste à encourager les Canadiens à adopter des habitudes de vie saines et tient compte de l’effet des déterminants plus généraux de la santé sur la santé de la population.
Les meilleurs exemples du rôle fédéral dans le domaine de la promotion et de la prévention sont les campagnes destinées à réduire la consommation de tabac, le Guide alimentaire canadien, qui encourage à une meilleure alimentation, les campagnes destinées à informer les jeunes du danger des maladies transmises sexuellement, l’Initiative canadienne en santé cardiovasculaire, stratégie multiniveau et pluriannuelle de prévention des maladies cardiovasculaires, et la « Vie active », programme visant à encourager les Canadiens à mener une vie plus active et moins sédentaire.
Le rôle fédéral lié à la promotion de la santé et du mieux-être comporte aussi l’examen des déterminants plus généraux de la santé qui débordent en grande partie le cadre de la prestation des soins de santé et qui font appel à ce qu’on désigne souvent sous le nom de « stratégies d’amélioration de la santé de la population ». Ces stratégies se fondent sur le principe qu’il est possible d’améliorer l’état de santé en investissant dans divers domaines – dont l’environnement, la politique économique, le soutien du revenu, l’éducation, l’alphabétisation – dans lesquels le gouvernement fédéral joue un rôle.
Il est indispensable de parvenir à de nombreux compromis extrêmement importants entre le rôle de promotion de la santé de la population et le rôle d’aide financière. Par exemple, certaines études montrent que les programmes de promotion de la santé et de prévention des maladies peuvent présenter d’importants avantages à long terme, notamment en réduisant les coûts du système de soins de santé et en améliorant la qualité de vie des Canadiens. Les experts font donc valoir que l’on pourrait obtenir un meilleur rendement de l’argent investi dans les soins de santé en promouvant des habitudes plus saines dans la vie quotidienne qu’en consacrant les mêmes sommes au traitement des maladies.
De la même manière, il apparaît que l’investissement dans des stratégies d’amélioration de la santé de la population, telles que le développement du jeune enfant, l’amélioration des conditions de logement et le renforcement des capacités d’alphabétisation, peuvent être plus bénéfiques à long terme pour l’état de santé général que si l’on consacrait plus d’argent à la prestation des soins de santé. Pourtant, pour toutes sortes de raisons, le public exerce de fortes pressions sur le gouvernement fédéral pour que celui-ci se consacre essentiellement à son premier rôle, ce qui fait qu’il néglige souvent son rôle au titre de l’amélioration de la santé de la population.
Le cinquième rôle du gouvernement fédéral consiste à assurer la prestation directe de divers services de santé à certains groupes de population. Le gouvernement fédéral est responsable de la prestation des soins, y compris les soins primaires, aux collectivités des Premières nations et aux collectivités inuites, ainsi que de certains services à la GRC, au Service correctionnel, aux Forces armées et aux anciens combattants. En fait, le gouvernement fédéral fournit des services de santé à plus de Canadiens (trois quarts de million environ) que ne le font plusieurs provinces prises ensemble. Dans la suite de ce rapport, le Comité soulève certaines questions au sujet de la prestation des soins de santé aux Canadiens autochtones et propose des politiques pour régler ces questions.
À partir du chapitre 7 du présent rapport, nous présentons une série de questions de politique générale et d’options destinées à les régler. Chaque question découle d’un ou de plusieurs des rôles fédéraux décrits ci-dessus. Pour commencer cependant, nous allons examiner ce que devraient être les objectifs des politiques générales pour chacun des cinq rôles fédéraux.
Le rôle du gouvernement fédéral : objectifs et contraintes
Il est important de parvenir à une vision cohérente du rôle fédéral dans la promotion de la santé et du mieux-être des Canadiens et dans le financement du système des soins de santé. Il est indispensable que le gouvernement fédéral continue de participer au renouvellement de la politique générale dans ce secteur. Dans son troisième rapport, le Comité conclut qu’il est très peu probable qu’une « approche de choc » au renouvellement des soins de santé donnerait de bons résultats au Canada. Quelle que soit la vision que le gouvernement fédéral a de son rôle dans ce domaine, celle-ci doit donc comporter une série de politiques et de programmes qui pourraient être progressivement mis en œuvre en collaboration avec les provinces, les territoires et tous les intervenants.
Les grands objectifs qui se rattachent au rôle fédéral dans le domaine de la promotion de la santé et du mieux-être forment la toile de fond nécessaire au choix de l’option convenant le mieux à chacune des questions de politique présentées dans la suite de ce rapport. Le choix d’une option de préférence à une autre implique nécessairement qu’une est « meilleure » que l’autre. Dans ce contexte, la « meilleure » option ne peut être évaluée qu’en termes de résultats par rapport à un objectif de politique publique donné.
Le Comité croit donc qu’il serait utile de définir l’ensemble d’objectifs proposés pour chacun des rôles du gouvernement fédéral décrits dans la section précédente. Il reconnaît que certains pourraient préférer des objectifs différents, ce qui est tout à fait normal. Il existe des opinions très diverses de ce que devraient être les objectifs fédéraux, et donc, la politique fédérale.
Le Comité est ouvert aux opinions qui pourraient être exprimées sur son ensemble d’objectifs, de questions et d’options de politique générale et il souhaite voir présenter d’autres options possibles et leurs objectifs connexes. Néanmoins, en proposant sa propre série d’objectifs, le Comité espère encourager tous ceux qui veulent défendre des options particulières à déclarer aussi clairement que possible ce que les objectifs de la politique fédérale en matière de santé devraient être à leur avis. Cela permettra au comité de mieux comprendre les liens entre les diverses options et série d’objectifs proposés lorsqu’il formulera ses recommandations finales.
4.1 Objectifs liés au rôle de financement du gouvernement fédéral
La participation du gouvernement au financement des soins de santé ne date pas d’hier. Il est clair que sans son aide, le système de soins de santé du Canada ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Les transferts fédéraux aux provinces et aux territoires ont été indispensables à l’élaboration d’un système de régimes d’assurance-santé publics qui offrent des avantages comparables dans tout le pays, et de nombreux Canadiens considèrent que l’aide financière fédérale est une condition essentielle au maintien et au renouvellement de notre système de soins de santé. Le Comité propose donc que le premier objectif lié au rôle fédéral de financement soit d’assurer un niveau d’aide suffisant pour garantir la viabilité du système de soins de santé du Canada et pour en favoriser la réforme et le renouvellement.
Au cours de la phase initiale de son étude, Tom Kent a fait observer au Comité que les objectifs originaux de la Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques de 1957 et la Loi sur les soins médicaux de 1966 étaient les suivants :
[TRADUCTION]
« Assurer à tous les Canadiens l’accès à tous les services médicalement nécessaires sans égard à leur capacité de payer ces services. »
et
« Assurer qu’aucun Canadien ne subisse de tort financier excessif pour avoir été obligé de payer des factures de soins médicaux. »
Ces objectifs de politique générale ont été réaffirmés dans la Loi canadienne sur la santé de 1984 qui établissait quatre principes axés sur les patients : l’universalité, l’intégralité, l’accessibilité et la transférabilité, dans lesquels :
1. Universalité signifie tous les Canadiens;
2. Intégralité signifie tous les services médicalement nécessaires;
3. Accessibilité signifie sans égard à la capacité de payer du malade;
4. Transférabilité signifie que les malades peuvent passer d’une province à l’autre sans interruption de la protection.
Le Comité propose que les deux énoncés ci-dessus continuent à être les principaux objectifs en ce qui concerne le rôle de financement du gouvernement fédéral, et que les quatre principes axés sur les patients demeurent le fondement de la participation du gouvernement fédéral en ce qui concerne son premier rôle. Cela ne signifie pas nécessairement que les principes ne peuvent être modifiés en rien; certains auront peut-être besoin d’être raffinés grâce à une définition plus précise et à un énoncé plus clair de leur portée et de leurs limites.
Le dernier principe de la Loi canadienne sur la santé – le principe d’administration publique – a un caractère totalement différent. Il ne met pas l’accent sur le patient mais bien plutôt sur les moyens d’atteindre les objectifs visés par les quatre autres principes. Le Comité estime que cette distinction entre la fin et les moyens explique en grande partie le débat actuel sur la Loi canadienne sur la santé et sur le système de soins de santé du Canada. Les personnes qui sont totalement d’accord avec les fins visées par une politique gouvernementale peuvent être vivement opposées aux moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre. Le principe d’administration publique est mal compris et, à notre avis, il mériterait d’être réexaminé.
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi canadienne sur la santé, il est arrivé à plusieurs reprises que le gouvernement fédéral impose des sanctions pécuniaires afin de dissuader les provinces d’autoriser la surfacturation et l’application de frais modérateurs, mais il n’a jamais pénalisé les provinces pour non-observation des cinq principes. Selon le rapport du vérificateur général de novembre 1999, un certain nombre d’affaires de non-observation demeurent en suspens; elles mettent en cause les principes de transférabilité, d’intégralité et d’accessibilité axés sur le patient. Il est donc clair que l’interprétation et l’application de ces principes posent des problèmes. Il faut que ces questions soient réglées si nous voulons avoir un système axé sur le patient, qui soit uniforme dans l’ensemble du pays.
Lorsque l’on considère les questions soulevées par la politique de soins de santé, il est important de garder présent à l’esprit le fait que la loi fédérale limite l’universalité de la protection aux services de santé fournis dans les hôpitaux et par les médecins. C’était une façon logique de répondre aux besoins des malades à la fin des années 50 et 60, puisque près de 70 % du coût de l’ensemble du système de soins de santé était à l’époque attribuable aux hôpitaux et aux médecins. Aujourd’hui, cependant, moins de 45 % des dépenses totales dans ce domaine se rattachent aux soins hospitaliers et aux services fournis par les médecins.
À la fin des années 50 et 60, les maisons de soins infirmiers offraient la seule possibilité de soins de santé en dehors des médecins et des hôpitaux. Comme le gouvernement fédéral contribuait déjà au revenu des personnes âgées par le biais du Régime de pensions du Canada (RPC), du Programme de la sécurité de la vieillesse (PSV), et du Supplément de revenu garanti (SRG), on estimait que ces programmes assuraient un accès adéquat à ce genre de services.
Aujourd’hui, les soins à domicile, la pharmacothérapie et les traitements par d’autres professionnels de la santé (p. ex., physiothérapeutes, techniciens de diagnostic, sage-femmes, infirmières-praticiennes, ergothérapeutes, etc.) sont devenus monnaie courante; pourtant, lorsque ces services sont fournis en dehors d’un hôpital, ils ne sont pas couverts par les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. À cause de cela, l’accès subventionné par l’État à ces services, dont beaucoup sont fréquemment nécessaires sur le plan médical, n’est pas uniforme dans tout le pays; il ne l’est parfois même pas du tout.
En résumé, la conception de départ du système a été brouillée par un certain nombre de tendances ainsi que par les attentes du public. Il est absolument indispensable pour l’élaboration de la future politique gouvernementale de faire la distinction entre ce qui est officiellement couvert en vertu de la Loi canadienne sur la santé et la gamme effective de services requis pour répondre à tous les besoins des Canadiens en matière de soins de santé. Cependant, cette distinction n’est pas faite dans la très grande majorité des commentaires publics sur le système actuel. La plupart des commentateurs continuent à parler comme s’il était garanti aux patients qu’ils ont un accès subventionné par l’État à tous les services de santé couverts par la Loi canadienne sur la santé.
En outre, on croit à tort que la Loi canadienne sur la santé signifie que le secteur privé ne devrait avoir aucun rôle à jouer dans la prestation des soins. En effet, la Loi ne le lui interdit manifestement pas, et cela n’a d’ailleurs jamais été son objet. La preuve la plus claire est que plus de 95 % des hôpitaux canadiens fonctionnent comme des entités privées sans but lucratif et que les cabinets de médecins sont, en fait, des entreprises privées.
Lorsque les régimes d’assurance-hospitalisation et d’assurance-médicale ont été mis en place, deux décisions importantes ont été prises au sujet de la méthode de financement et de prestation de ces programmes :
- Aucun examen des ressources des malades ne serait exigé avant que ceux-ci ne bénéficient des services médicaux. Cette décision a été prise parce qu’on estimait qu’un tel examen dissuaderait les malades à faible revenu de demander une aide médicale; ceux-ci auraient en effet le sentiment qu’il serait humiliant de devoir déclarer qu’ils étaient « pauvres » pour avoir accès à toute la gamme des soins médicaux.
- Dans chaque province, le programme serait administré par un ministère ou un organisme provincial central. Cette décision avait été prise pour que les régimes d’assurance-hospitalisation et d’assurance-médicale puissent réaliser les économies que permettent un modèle de « responsable unique ». (C’est ce que reflète le principe d’administration publique codifié dans la Loi canadienne sur la santé). Ce principe est souvent mal interprété par ceux qui croient que dans le système actuel, il est interdit au secteur privé de participer à la prestation des soins de santé. Ce n’est pas du tout le cas.
Une dernière observation s’impose. Le financement public des services hospitaliers et des services fournis par les médecins était fondé au départ sur les principes selon lesquels il y aurait des régimes d’assurance dans lesquels les particuliers pourraient être tenus de payer une partie du coût des services dont ils bénéficiaient. Cependant, comme nous l’avons expliqué au point 1 ci-dessus, aucun paiement initial ne serait exigé aux points de service puisque cela risquerait de dissuader les Canadiens à faible revenu de demander des soins médicaux.
C’est la raison pour laquelle la loi de 1957 a été appelée Loi sur l’assurance-hospitalière et les services de diagnostic et que certaines provinces (l’Alberta et la Colombie-Britannique, par exemple) font payer à leurs résidents des cotisations annuelles de soins de santé depuis de nombreuses années. Toujours pour la même raison, selon la résolution originale du Parti libéral à son congrès de 1961, le coût imposé par un individu au système de soins de santé du fait des traitements reçus par lui serait ajouté au revenu imposable de tous les Canadiens à la fin de chaque année et l’impôt sur le revenu serait perçu sur une partie de ce montant (sous réserve d’un maximum, afin d’éviter à la personne un fardeau financier excessif).
Le Comité présente ces observations afin d’encourager les Canadiens à se livrer à un effort de réflexion. Par exemple, si l’on conclut que des fonds additionnels sont nécessaires pour fournir des soins de santé, particulièrement aux personnes qui, autrement, ne bénéficieraient pas de services tels que la pharmacothérapie et les soins à domicile, il serait peut-être important d’envisager des options telles que le paiement d’une cotisation de soins de santé, ou d’une forme quelconque de paiement proportionnel au revenu après la prestation de services.
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TRANSFERT DE FONDS POUR LA PRESTATION DE SERVICES |
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Le Comité propose que les objectifs du gouvernement fédéral liés à son rôle de financement dans le domaine de la santé et des soins de santé soient les suivants :
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Le Comité estime que le rôle du gouvernement dans le domaine de la recherche et de l’évaluation devrait comprendre les trois objectifs suivants :
- promouvoir, dans le domaine de la santé au Canada, le développement d’une base solide de recherches innovatrices soutenant aisément la comparaison avec celles des autres pays, pour ce qui est à la fois des niveaux de financement et des résultats des recherches;
- encourager la création d’un secteur des soins de santé axé sur le savoir en facilitant le transfert des connaissances des milieux de la recherche aux décideurs politiques, aux fournisseurs de soins de santé et au grand public;
- fournir un soutien financier approprié aux initiatives conjointes fédérales/provinciales/territoriales qui encourageront et faciliteront l’innovation et les progrès dans le domaine de la prestation des soins de santé grâce à des projets pilotes et à des projets d’évaluation.
Le Comité reconnaît que les objectifs qu’il propose suscitent relativement peu de controverse. En effet, il y a 40 ans que le gouvernement fédéral joue un rôle dans la recherche dans le domaine de la santé. La principale préoccupation exprimée à cet égard au cours des audiences du Comité avait trait à la faiblesse des dépenses consacrées à la recherche au Canada étaient faibles, en comparaison de celles des autres pays industrialisés. On a recommandé que la part fédérale du total des dépenses de recherche dans le domaine de la santé soit portée à 1 % du total des dépenses de soins de santé qui n’atteignent actuellement que 0,5 %. De l’avis de plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité, cela contribuerait à un meilleur alignement entre le niveau de la contribution fédérale à cette recherche et celle des gouvernements centraux d’autres pays.
De même, le soutien fédéral à la réforme des soins primaires annoncé dans le cadre de l’accord fédéral-provincial de septembre 2000 est un excellent exemple des mesures que l’on prend actuellement dans le cadre du second objectif énoncé plus haut. Le Fonds pour l’adaptation des services de santé (1997-2001), initiative fédérale en faveur des projets pilotes provinciaux et territoriaux dans des domaines tels que l’intégration de la prestation de services, est un autre bon exemple de l’intervention du gouvernement fédéral dans le cadre de son rôle dans le domaine de la recherche et de l’évaluation. Ces programmes sont bien accueillis par les gouvernements provinciaux et nous aident à mieux comprendre l’effet de la réforme des soins de santé.
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FINANCEMENT DE LA RECHERCHE INNOVATRICE DANS LE
DOMAINE |
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Le Comité propose que les objectifs suivants fassent partie du second rôle du gouvernement fédéral :
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4.3 Objectifs liés au rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de l’infrastructure
Le Comité propose les objectifs suivants pour le troisième rôle fédéral dans le domaine de la santé et des soins de santé :
- jeter les bases d’un système de prise de décisions fondé sur l’expérience dans les domaines qui influent sur le bien-être et la prestation des soins de santé, tout en assurant le respect de la vie privée, la confidentialité et la sécurité des renseignements personnels en matière de santé;
- surveiller la santé de la population et l’état du système de soins de santé et rendre compte des constatations aux Canadiens;
- élaborer, en collaboration avec les provinces et les territoires, une structure et un processus appropriés destinés à assurer une plus grande responsabilisation au sein du système;
- aider les provinces et les territoires à financer l’infrastructure nécessaire aux soins de santé, notamment les nouvelles technologies médicales et les coûts liés à leur fonctionnement permanent;
- coordonner, en collaboration avec les provinces et les territoires, la planification des ressources humaines dans le domaine de la santé.
Dans ce rôle, le premier objectif est lié à l’élaboration d’une infostructure de la santé. L’infostructure déjà envisagée par le gouvernement fédéral améliorera la prestation des soins de santé et assurera la mise en commun des informations liées à la santé en établissant des liens entre les fournisseurs de soins, les installations, les collectivités et les patients d’un bout à l’autre du pays. La télémédecine, l’informatisation des dossiers de santé et l’information sur la santé dans l’Internet seront les principaux éléments constitutifs de l’infostructure santé pancanadienne. Il s’agit certainement là d’une entreprise aussi coûteuse qu’ambitieuse, qui demandera des années avant de voir le jour. La plupart des experts croient cependant qu’il est indispensable de le faire si nous voulons acquérir des informations valables sur la santé des Canadiens, sur l’état de notre système de soins de santé, et sur l’efficience et l’efficacité de la prestation et de la distribution de ces services. Les questions de protection de la vie privée, de confidentialité et de sécurité revêtent une importance considérable dans l’élaboration de l’infostructure santé canadienne.
Il se peut fort bien que les second et troisième objectifs présentés ci-dessus paraissent plus contestables aux personnes qui estiment qu’il n’appartient pas au gouvernement fédéral d’imposer l’obligation de rendre compte en ce qui concerne les programmes exécutés par les provinces. Le Comité rejette un tel point de vue. Il estime en effet que compte tenu des sommes considérables d’argent que le gouvernement fédéral verse aux provinces au titre de la prestation des soins de santé, l’obligation de rendre compte aux contribuables fédéraux veut que le gouvernement sache dans quelle mesure leurs contributions sont bien ou mal utilisées.
En outre, le Comité estime que la communication aux Canadiens des informations nécessaires pour leur permettre de comparer les résultats des divers systèmes de prestation de soins de santé dans tout le pays ne peut que contribuer à améliorer la qualité d’ensemble du système canadien. Insister pour que le gouvernement fédéral joue un rôle dans ce domaine ne signifie pas que l’on veut empiéter sur les prérogatives provinciales, mais bien plutôt que l’on veut que tous les Canadiens puissent juger de la manière dont leurs impôts sont utilisés, y compris par le gouvernement fédéral dans son rôle de fournisseur de services à certains groupes de population.
Le dernier objectif que le Comité veut proposer pour le rôle fédéral dans le domaine de l’infrastructure serait d’aider les Canadiens à avoir accès en temps opportun à l’équipement médical nécessaire et à la mise en place de ressources suffisantes pour couvrir les coûts de fonctionnement et d’entretien.
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SOUTIEN DE L’INFRASTRUCTURE DES SOINS |
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Le Comité propose que les cinq objectifs suivants fassent partie du troisième rôle du gouvernement fédéral :
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Au cours de la deuxième phase de son étude, le Comité a tenu des audiences qui ont porté sur les tendances des maladies. On nous a dit que ces tendances avaient considérablement évolué au cours du XXe siècle et que les maladies infectieuses avaient été progressivement supplantées par les maladies non transmissibles. Aujourd’hui, les maladies chroniques telles que le cancer et les maladies cardiovasculaires sont les principales causes de décès et d’invalidité au Canada, alors que les blessures involontaires se classent au troisième rang. Le fardeau économique global de la maladie est considérable au Canada; on a estimé qu’il avait atteint 156 milliards de dollars en 1998.
On a déclaré au Comité qu’un grand nombre des causes de maladie, d’invalidité et de mort précoce sont évitables ou, à tout le moins, qu’elles peuvent être retardées et que les gens devraient pouvoir non seulement vivre plus longtemps, mais aussi vivre plus longtemps sans invalidité. On a également dit au Comité que l’augmentation des efforts de promotion de la santé et de prévention des maladies, en particulier en faveur des Canadiens à faible revenu et à faible niveau d’instruction et d’alphabétisation, devrait devenir un élément essentiel de la politique gouvernementale si l’on veut pouvoir améliorer l’état général de santé de la population et contrôler les coûts des soins.
Le Comité est convaincu que le gouvernement fédéral a un rôle certain à jouer dans la protection de la santé, la promotion de la santé et du mieux-être et la prévention des maladies. Nous estimons donc que la poursuite des objectifs suivants devrait faire partie du rôle du gouvernement dans le domaine de la santé de la population :
- Protection de la santé : renforcer notre capacité nationale d’identifier et de réduire les facteurs de risque susceptibles d’entraîner des blessures et des maladies, et réduire le fardeau économique de la maladie au Canada;
- Promotion de la santé et prévention des maladies : élaborer, mettre en œuvre et évaluer des programmes et des politiques ayant pour objectif spécifique d’encourager les Canadiens à adopter des habitudes de vie saines;
- Mieux-être : encourager les stratégies visant à améliorer la santé de la population en étudiant les effets sur la santé de toute la gamme des déterminants de la santé et en en discutant, notamment les facteurs sociaux, environnementaux, culturels et économiques.
Le Comité reconnaît que l’évaluation des effets sur la santé présente de grosses difficultés car de nombreux facteurs, et pas seulement la qualité des services de santé disponibles, ont une influence sur l’état de santé de l’individu. Ces facteurs ne se manifestent souvent qu’au bout de nombreuses années, et il est bien connu que le monde politique est bien plus disposé à réagir aux pressions à court terme qu’aux problèmes à long terme. Par ailleurs, il est extrêmement difficile de déceler les facteurs précis qui ont des effets spécifiques sur le plan de la santé, étant donné qu’ils sont souvent le résultat de l’interaction de causes multiples.
Il est aussi abondamment prouvé que la promotion de la santé, la prévention des maladies et les politiques visant le bien-être général de la population améliorent les résultats dans le domaine de la santé, et peuvent aussi contribuer à un déploiement plus efficace des ressources en matière de santé et de soins de santé. Bien que les contraintes financières (voir ci-dessous) auxquelles le système de soins de santé doit faire face rendent indispensable le choix des programmes les plus rentables financièrement, le Comité estime qu’il est absolument essentiel que le gouvernement du Canada investisse massivement dans ce domaine.
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PROTECTION DE LA SANTÉ, PROMOTION DE LA SANTÉ |
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Le Comité propose que les objectifs suivants fassent partie du rôle du gouvernement fédéral au chapitre de la santé de la population :
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4.5 Objectifs liés au rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la prestation de services
La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît trois groupes de peuples autochtones – les Indiens, les Inuits et les Métis. La population indienne comprend les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits. La Loi sur les Indiens énonce les définitions juridiques applicables aux Indiens inscrits au Canada. Les Indiens inscrits sont les Indiens de plein droit en vertu de la Loi, alors que les Indiens non inscrits ne sont pas des Indiens de plein droit en vertu de la Loi. Les Métis sont d’origine indienne et européenne mixte; les Inuits vivent surtout au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le nord du Labrador et du Québec. La Loi sur les Indiens ne s’applique pas aux Inuits mais, à la suite d’une décision prise par la Cour suprême en 1939, ces derniers bénéficient de certains avantages accordés par le gouvernement fédéral.
Les responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des peuples autochtones se limitent aux Indiens inscrits vivant dans les réserves et aux Inuits. Le gouvernement fédéral leur fournit des services de santé, tandis que les besoins des autres peuples autochtones en matière de soins de santé sont la responsabilité de la province ou du territoire où ils résident. Les autres services et programmes fournis par le gouvernement fédéral aux Indiens inscrits vivant dans les réserves et aux Inuits sont les suivants : aide sociale, écoles, infrastructure (p. ex., alimentation en eau et services d’égout), logement, services de santé publique, etc.
On a estimé que la population autochtone au Canada atteignait 1 399 500 personnes au total en l’an 2000. Actuellement, 12 ministères fédéraux offrent des programmes aux peuples autochtones. Le total des dépenses engagées au titre de ces programmes sont estimées à 7,3 milliards de dollars pour 2001-2002. En dépit d’un investissement fédéral considérable visant à améliorer la santé et le bien-être des peuples autochtones, de fortes disparités sur le plan de la santé et sur le plan socio-économique persistent entre la population autochtone et le reste de la population canadienne. En outre, lors des audiences du Comité, des Indiens inscrits hors-réserve, des Indiens non inscrits et les Métis ont insisté sur le fait que la politique gouvernementale les oublie souvent lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins qui leur sont propres en matière de soins de santé.
L’état de santé des Canadiens autochtones est une honte nationale. Selon le Comité, les responsabilités constitutionnelles du gouvernement fédéral dictent à ce dernier de prendre les devants et d’agir immédiatement pour améliorer l’état de santé et les conditions socio-économiques lamentables qui caractérisent de nombreuses collectivités autochtones. Nous proposons donc les objectifs suivants en ce qui concerne la prestation directe de services de santé aux Autochtones :
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PRESTATION DIRECTE DE SERVICES DE SANTÉ AUX AUTOCHTONES DU CANADA |
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Le Comité propose que les objectifs suivants fassent partie du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la prestation de services :
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4.6 Contraintes touchant le rôle du gouvernement fédéral
Le gouvernement fédéral est soumis à deux contraintes importantes dans la poursuite des objectifs décrits ci-dessus – la première est de nature constitutionnelle, l’autre d’ordre financier.
En ce qui concerne la contrainte imposée par la Constitution, on convient en général que la prestation des soins de santé à l’ensemble des Canadiens relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Le gouvernement fédéral n’est pas responsable de l’administration et de la prestation des soins de santé, sauf dans le cas de certains groupes tels que les Premières nations et les Inuits. Cette restriction a manifestement un effet sur la portée des interventions fédérales futures et signifie que la prise de nouvelles initiatives exigera de longues négociations entre les autorités fédérales, provinciales et territoriales.
Au sujet de la contrainte d’ordre financier, quelques brefs commentaires s’imposent. Premièrement, le choix d’une stratégie fédérale unique en matière de santé reposera en partie sur la capacité et la volonté politique des gouvernements, à tous les niveaux, d’accroître les recettes ainsi que sur le bon vouloir des contribuables, qui devront payer pour produire ces recettes supplémentaires. La capacité financière des gouvernements, combinée à la collaboration des contribuables, déterminera quels types de programmes peuvent être instaurés et si ces programmes seront universels ou plus strictement ciblés. D’après les sondages d’opinion, les Canadiens réagissent de diverses façons à la perspective d’une hausse d’impôt visant à améliorer le système de soins de santé. Si des réductions de l’impôt sur le revenu des particuliers leur paraissent importantes, le réinvestissement au titre de la santé est également considéré comme une grande priorité.
Par ailleurs, si les recettes supplémentaires ne proviennent pas de l’assiette fiscale régulière, il faudra définir de quelle façon il convient de produire ces recettes : faut-il exiger des cotisations au régime de soins de santé, imposer des frais aux utilisateurs, percevoir une surtaxe sur le revenu? Est-ce que le coût des soins dispensés à une personne devrait être ajouté à son revenu imposable? Ces options sont examinées plus en détail au chapitre 8.
Il est également important de reconnaître qu’un investissement supplémentaire dans le domaine de la santé et des soins de santé nécessitera des compromis considérables entre des objectifs concurrents. Dans quelle mesure devrions-nous consacrer des fonds aux soins de santé par opposition aux sommes qu’il convient d’allouer à la promotion du bien-être et à la prévention de la maladie? Devrions-nous consacrer moins d’argent au traitement de la maladie et mieux financer les stratégies de santé qui ciblent la population, par exemple pour le développement de la petite enfance, l’alphabétisation, le logement, l’environnement, la redistribution du revenu?
Quels nouveaux programmes devraient être élaborés (le cas échéant) et de quelle façon devraient-ils être financés? Ce sont là des exemples des questions de politique soulevées dans les sections du présent rapport qui portent sur les options. Toutefois, pour envisager ces questions, il ne faut pas oublier que d’autres pays, et non pas uniquement les États-Unis, consacrent déjà aux soins de santé un plus fort pourcentage de leur PIB que ne le fait le Canada. Les dépenses de santé au Canada représentent 9,5 % du PIB, proportion encore inférieure à celles de la Suisse (10,4 %) et de l’Allemagne (10,6 %). Il convient aussi de signaler que nombre des pays qui consacrent une part similaire de leurs budgets au régime de santé public offrent une couverture beaucoup plus large que le Canada. Ce résultat est généralement atteint avec la participation du secteur privé, grâce à diverses formules, par exemple des frais d’utilisation ou le recours à des régimes d’assurance privés.
Par ailleurs, les dépenses au titre de la santé en termes de pourcentage du PIB au Canada ont diminué, après avoir atteint en 1992 un sommet de 10 %. Cette tendance à la baisse s’est ensuite renversée, et depuis 1998 la part du PIB consacrée aux soins de santé s’est stabilisée à 9,3 %. Cependant, selon certains témoins (y compris l’honorable Marc Lalonde, ancien ministre fédéral de la Santé et des Finances) qui se sont présentés devant le Comité, il pourrait être nécessaire de ramener au niveau des 10 % les dépenses canadiennes au titre des soins de santé si nous voulons atteindre les objectifs liés au premier rôle fédéral dans le secteur de la santé. D’autres ont laissé entendre que la part du financement public de la santé devrait être fixée à un niveau prédéterminée. L’opportunité des diverses suggestions de mise en œuvre est discutée plus à fond dans les chapitres du présent rapport qui portent sur les options.