Délibérations du comité sénatorial permanent
des Transports et des communications
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 20 mars 2001
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, à qui a été confiée l'étude du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1987 sur les transports routiers et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 35 pour examiner ledit projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: M. Darren Christle, notre témoin de ce matin, comparaît au nom du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. Il est également directeur de la Sécurité et de la réglementation des transports au ministère des Transports et des Services gouvernementaux du Manitoba. Soyez le bienvenu à notre comité, monsieur Christle.
Nous entendrons d'abord votre témoignage, monsieur Christle, puis, les sénateurs vous poseront des questions.
M. Darren Christle, directeur de la Sécurité et de la réglementation des transports, ministère des Transports et des Services gouvernementaux du Manitoba, et porte-parole du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM): Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis honoré de vous transmettre les compliments du ministre des Transports et des Services gouvernementaux du Manitoba, l'honorable Steve Ashton, et de mes collègues du CCATM, qui proviennent des quatre coins du Canada. Je tiens à remercier le comité d'avoir invité le CCATM à comparaître aujourd'hui et à exposer son point de vue sur le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1987 sur les transports routiers.
Comme il est expliqué dans la pièce jointe no 1 qui vous a été distribuée, le CCATM est un organisme sans but lucratif qui regroupe quelque 600 membres, dont des représentants de Transports Canada et de toutes les provinces et territoires. Au moyen d'un processus collectif de consultation, il prend des décisions sur des questions d'ordre administratif et opérationnel concernant les permis, l'immatriculation, le contrôle du transport routier et la sécurité routière.
L'organisme compte en outre quelque 370 membres associés représentant le secteur privé, des groupes d'intérêt et diverses associations, comme Canadiennes et Canadiens pour la sécurité routière et l'Alliance canadienne du camionnage, dont l'expertise et les opinions sont mises à profit dans l'élaboration des stratégies et des programmes.
Le CCATM tient son mandat et relève du conseil des ministres chargés de la sécurité routière et des transports. Il est encadré par un conseil d'administration de 15 membres représentant les provinces, les territoires et les autorités fédérales, et il s'est donné trois comités permanents principaux: le Comité permanent des administrateurs de conducteurs et véhicules, le Comité permanent de la sécurité routière -- recherche et politiques, et le Comité permanent de la conformité et de la réglementation.
Si on m'a demandé de représenter le CCATM devant le comité, c'est parce que je fais partie, à titre de représentant gouvernemental, du Comité permanent de la conformité et de la réglementation, qui a participé activement à l'élaboration du projet de loi à l'étude et surtout de la norme 14 du CNS sur les cotes de sécurité des transporteurs.
Pour bien vous renseigner sur les orientations que nous entendons prendre, je me dois de prendre d'abord un moment pour vous expliquer ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Le pouvoir fédéral de réglementer les activités des entreprises extra-provinciales de camionnage et de transport par autocar a été délégué aux provinces par la Loi de 1954 sur le transport par véhicule à moteur. La Loi de 1987 sur les transports routiers a maintenu cette délégation de pouvoir, mais en l'assortissant de règles régissant l'exercice de ce pouvoir par les provinces et en mettant en oeuvre des politiques nationales de déréglementation. La déréglementation a assoupli les règlements de nature économique, notamment ceux régissant l'entrée sur le marché et le retrait du marché, et a fait en sorte que l'attention se porte davantage sur la sécurité. Cette réorientation a servi de principe à l'élaboration d'un protocole d'entente intitulé le Code national de sécurité, également appelé le CNS.
Le CCATM a facilité les efforts de consultation et de participation de tous les ordres de gouvernement au Canada -- provincial, territorial et fédéral -- en vue d'établir 16 normes minimales de performance visant à assurer la sécurité dans l'exploitation des véhicules commerciaux au Canada. Une des normes -- celle portant sur les premiers soins -- étant d'application facultative, le CNS compte en réalité aujourd'hui 15 normes.
Un grand nombre de ces normes du CNS ont été acceptées, et les divers gouvernements s'emploient à les mettre en application. Le projet de loi S-3 appuie le principe d'une application uniforme des normes tout en reconnaissant que l'approche peut différer d'une province ou territoire à l'autre.
Il existe aujourd'hui une certaine critique au sujet de l'élaboration, par consensus fédéral-provincial, de normes minimales de sécurité. En outre, on a l'impression que, pour tous les éléments du Code national de sécurité, il y a d'énormes différences d'une province ou d'un territoire à l'autre. Il ne me semble pas déplacé de prendre un moment pour traiter de ces questions.
Les provinces assument volontairement depuis 50 ans la responsabilité déléguée du camionnage interprovincial. À ce titre, toutes ont affecté de bonne foi, en sus des fonds que leur a alloués le gouvernement fédéral, de maigres ressources afin de mettre en place des systèmes propres à leur permettre de s'acquitter de cette tâche sur leurs territoires respectifs, fût-ce de façon différente.
Entre 1988 et 1993, Transports Canada a débloqué environ 24 millions de dollars, puis environ 20 millions entre 1995 et 2000, pour aider les provinces à élaborer et à mettre en application le Code national de sécurité, et les résultats ont été positifs. Il serait inadmissible de faire abstraction des succès obtenus en ce qui concerne l'harmonisation d'éléments importants d'un certain nombre de normes.
Il faut reconnaître que les normes de sécurité que propose le CNS sont des normes minimales. Rien n'empêche une province ou un territoire de les dépasser. On a cependant l'impression d'une complète incompatibilité, d'une complète absence d'uniformité. Force m'est d'admettre que certains problèmes régionaux ou provinciaux se sont traduits par des discordances, mais, en règle générale, nombre des éléments les plus importants n'en ont pas moins été élaborés et mis en application.
Il faut reconnaître en outre que ce sont les provinces qui ont compétence en matière de réglementation du transport intraprovincial. Grâce à la démarche de recherche de consensus que favorise le CCATM, nous atténuons le risque que nous nous retrouvions avec une double réglementation, l'une régissant les activités intraprovinciales d'un transporteur, et l'autre, ses activités interprovinciales.
La reconnaissance de ce fait est évidente lorsque l'on considère les articles 3.1 et 3.2 du projet de loi. Cette modification est particulièrement importante, car elle favorise la coopération entre les provinces et Transports Canada dans l'examen, l'élaboration et la mise à l'essai de pratiques nouvelles ou exemplaires dans un contexte extra-provincial.
L'une des modifications les plus importantes apportées par le projet de loi concerne, à l'article 3, l'allusion au Code national de sécurité et, au paragraphe 16.1(2), l'incorporation dans les règlements, par renvoi, de la norme 14 du CNS sur les cotes de sécurité des transporteurs.
Grâce à la participation du CCATM, on s'emploie, depuis un certain nombre d'années, à élaborer et à ciseler la norme 14 du CNS. Les principes directeurs sur lesquels repose la norme régissant le système canadien de cotes de sécurité des transporteurs routiers sont: la compatibilité entre les provinces et les territoires; l'efficacité, par une analyse fondée sur des données objectives; l'équité, indépendamment des caractéristiques du transporteur; la flexibilité, pour permettre un certain niveau de différenciation sans compromettre l'intégrité du système; l'uniformité, en vertu de laquelle les transporteurs routiers recevront des cotes analogues pour un rendement comparable peu importe la province ou le territoire qui décerne la cote.
L'incorporation de la norme 14 du CNS dans la Loi sur les transports routiers est la grande amélioration qu'apportera l'adoption du projet de loi S-3. Chacun des membres du CCATM, gouvernementaux et associés, a eu l'occasion de participer librement à la rédaction de la norme. Celle-ci a été approuvée par le conseil d'administration du CCATM en décembre 1997. La norme 14 est importante, car elle touche à bon nombre des autres normes du CNS. Il s'agit d'une norme complexe dont l'élaboration a nécessité le déploiement de ressources considérables.
En 2000, Transports Canada a débloqué 7 millions de dollars pour permettre aux provinces d'élaborer leur système de cotes de sécurité, de concevoir leur processus de transfert électronique de données et d'harmoniser leurs critères d'attribution des cotes. Ces fonds ont été utilisés à bonne fin, et on prévoit que bon nombre des provinces et territoires qui devaient élaborer leurs systèmes d'établissement du profil des transporteurs et conducteurs et d'attribution des cotes de sécurité le feront en 2001.
Je présume que le comité a eu l'occasion d'entendre des commentaires à propos des disparités qu'on aurait observées concernant les critères utilisés par les différentes instances concernées pour évaluer le rendement des transporteurs en matière de sécurité. Vous admettrez que lorsque ces critères ont été élaborés, bien des provinces et territoires recouraient à des procédures théoriques et à des algorithmes non éprouvés pour tenter d'assurer une certaine uniformité dans leurs évaluations.
La norme aura pour effet d'inscrire dans une loi l'obligation de soumettre à une évaluation de sa compétence en matière de sécurité tout transporteur qui a des véhicules immatriculés dans une province ou territoire. Chaque transporteur se verra attribuer l'une ou l'autre des cotes suivantes: satisfaisante non vérifiée, satisfaisante, conditionnelle ou non satisfaisante. Sur la base d'une analyse de données objectives et d'une vérification des installations du transporteur en fonction de la norme 15 du CNS, chaque autorité provinciale ou territoriale pourra déterminer si un transporteur donné est en règle ou non. Chaque entité établira le profil du transporteur routier sur une période de deux ans, sur la base d'un dossier où seront consignés les déclarations de culpabilité en cas d'infractions au code de la sécurité routière, les accidents avec responsabilité, les résultats des inspections mécaniques selon les normes de la Commercial Vehicle Safety Alliance ou de l'Entente canadienne sur la sécurité des véhicules (ECSV), et les résultats des vérifications des installations du transporteur, toutes mesures qui auront un impact positif sur la sécurité. Voilà de quoi tout cela retourne.
L'article 9 du projet de loi investit le ministre fédéral du pouvoir de retirer à une autorité provinciale ou territoriale le pouvoir de délivrer des certificats d'aptitude à la sécurité s'il est convaincu qu'elle ne délivre pas ces certificats conformément aux prescriptions de la loi. Cette disposition imposera davantage de responsabilités aux autorités provinciales et territoriales et pourrait avoir pour conséquence d'obliger ces dernières à apporter des ajustements importants à leurs pratiques si ce pouvoir était exercé.
Les autorités provinciales et territoriales sont tenues d'agir de bonne foi pour assurer l'application uniforme des normes nationales. La CCATM croit que le projet de loi S-3 va dans le sens des principes de sécurité et permettra de mieux harmoniser les pratiques en cette matière. La CCATM appuie le projet de loi dans sa forme actuelle.
Je serai maintenant heureux d'éclairer davantage le comité si les sénateurs ont des questions à me poser.
La présidente: À propos du paragraphe 11 de votre document où vous affirmez que le CCATM a facilité les efforts de consultation et de participation de tous les gouvernements concernés au Canada, pourriez-vous nous expliquer comment vous vous y êtes pris pour obtenir qu'on en arrive à une telle concertation?
M. Christle: Chacun des trois comités permanents est constitué de divers groupes de projet. Quand une question est soulevée, elle est soumise à un groupe de projet pour examen et discussion afin d'en arriver à obtenir le consensus des membres votants du CCATM.
Une fois qu'on a en main un accord de principe, la question est soulevée d'abord au comité permanent, puis au conseil d'administration ainsi qu'au conseil des sous-ministres chargés du transport et de la sécurité routière.
La présidente: Que pensez-vous du Code national de sécurité? Les normes qui y sont définies sont-elles plus souples ou moins souples que celles qui sont en vigueur aux États-Unis et au Mexique en matière de sécurité?
M. Christle: Aux États-Unis, le gouvernement central assume une plus grande responsabilité que le nôtre en ce qui concerne l'imposition de normes. Notre Code national de sécurité est légèrement différent de celui en vigueur chez nos voisins du Sud, en ce sens qu'au Canada, c'est aux provinces qu'il incombe de faire respecter les normes, alors qu'aux États-Unis, c'est le gouvernement central qui a cette responsabilité. Il s'agit là d'une différence majeure. C'est comme comparer des pommes et des oranges.
La présidente: Vous n'êtes pas en mesure de nous dire si notre régime est plus souple ou moins souple que celui des États-Unis, c'est bien cela?
M. Christle: C'est juste. En réalité, nos deux régimes sont assez semblables à certains égards.
La présidente: Au paragraphe 12, vous dites que ce sont des normes minimales qu'impose le Code national de la sécurité. Reconnaît-on qu'il y a des dissemblances entre le National Security Code et notre Code national de sécurité en ce qui touche le partage des compétences concernant l'application respective de l'un et l'autre de ces codes?
M. Christle: Tout à fait. Toutefois, s'il y avait absence grave de concordance entre les deux, les gouvernements concernés ne seraient pas portés à s'y conformer. Par exemple, si les normes relatives au poids des véhicules étaient par trop discordantes, nous nous emploierions à résoudre le problème.
Le sénateur Spivak: Monsieur Christle, les réunions de vos groupes de projet sont-elles ouvertes et transparentes? N'importe qui peut-il y assister? Les journalistes peuvent-ils y être présents et rapporter ce qui s'y dit?
M. Christle: Oui, madame le sénateur.
Le sénateur Spivak: Les documents d'orientation sont-ils tous disponibles?
M. Christle: Oui.
Le sénateur Spivak: Madame la présidente, ma question ne concerne pas directement le projet de loi mais la sécurité, sur laquelle porte le projet de loi.
Le document d'orientation traitant des heures de service, qui a été adopté en décembre 1999, est-il disponible?
M. Christle: Je crois que oui, mais il me faudrait m'en assurer auprès du secrétariat. Cette question est actuellement à l'étude au conseil des sous-ministres chargés du transport et de la sécurité routière. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas se le procurer.
Le sénateur Spivak: Pourrions-nous en obtenir une copie?
M. Christle: Je le crois.
Le sénateur Spivak: Si je ne m'abuse, ce document d'orientation prévoit une période de repos de 36 heures après une semaine de travail de 84 heures. Sauf erreur, il n'y a pas encore eu de consultations publiques à cet égard, n'est-ce pas?
M. Christle: Vous avez raison, madame le sénateur.
Le sénateur Spivak: Ma première question concerne la procédure à suivre pour faire modifier ce document d'orientation. Cette norme m'apparaît beaucoup plus menaçante pour la sécurité que la norme américaine, une disparité qui pourrait d'ailleurs poser problème compte tenu de l'accord prévoyant l'ouverture des frontières.
Ma seconde question est à savoir quelle forme prendront les rencontres ou consultations publiques sur cette question.
M. Christle: En ce qui touche précisément les heures de service, je ne voudrais pas vous donner l'impression que je cherche à éluder la question, mais étant donné que le projet de loi ne compte nulle référence à la norme 9, je n'ai pas pris soin de me bien préparer à une discussion sur ce sujet. Je vais cependant m'efforcer de répondre de mon mieux à vos questions.
On note effectivement un écart considérable entre la norme américaine et la norme canadienne à cet égard. Il faut savoir, toutefois, que la norme américaine fait elle aussi actuellement l'objet d'un réexamen et est appelée à être modifiée. Quant à la norme canadienne, elle est calquée sur celle qui a été adoptée à l'origine aux États-Unis le 1er juillet 1938, ce qui la rend quelque peu désuète.
Pour ce qui est du processus de consultation, on est à élaborer un plan d'action à cet égard. La question est également à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil des sous-ministres chargés du transport et de la sécurité routière, qui se tiendra en avril. Il est à espérer qu'à l'issue de cette rencontre, le CCATM saura quelle orientation prendre et sera en mesure de procéder à des consultations ouvertes.
Le processus sera modifié quand nous aurons en main les résultats des consultations publiques. Nous serons alors en mesure de travailler à partir d'une proposition cadre dans laquelle nous pourrons incorporer les modifications qui s'imposent, ce qui nous permettra de soumettre ensuite au processus d'approbation la norme à laquelle vous faites référence.
Le sénateur Spivak: Est-ce à dire que le groupe de projet qui s'est penché sur la question des heures de service des camionneurs pourra rouvrir la discussion sur cette question et modifier cette norme? Si les consultations publiques permettent d'établir que, comme le feront valoir, je présume, de nombreux groupes, par exemple celui des experts en matière d'épuisement, une semaine de travail de 84 heures, c'est non seulement sans commune mesure avec ce qui se pratique à cet égard aux États-Unis, mais inconciliable avec la notion de sécurité, comment s'y prendra-t-on pour modifier la norme en question? Comment procédera-t-on à cette fin au sein de votre organisation? Avez-vous donné à entendre que la question serait examinée de nouveau par les membres du groupe de projet?
M. Christle: Oui, la question serait renvoyée au groupe de projet. Nous prévoyons recueillir un nombre considérable de commentaires à ce sujet dans le cadre du processus de consultations publiques.
Le sénateur Spivak: Savez-vous à quel moment se tiendront ces consultations?
M. Christle: On est à élaborer un plan d'action à cet égard.
Si nous regardons ce qu'il en a été chez nos voisins du Sud, comme vous nous suggérez de le faire, nous savons que, lorsqu'ils ont donné avis du futur règlement et invité quiconque à se prononcer sur la question, quelque 70 000 personnes ont répondu à l'appel. Je ne dis pas que nous recevrons une telle avalanche de réponses, mais nous sommes certains qu'il y en aura un certain nombre.
Le sénateur Spivak: Je l'espère bien. La sécurité routière est une question hautement prioritaire.
Je m'attends à ce que vous nous fournissiez le document qui nous renseignera sur la façon dont ce groupe de projet aura traité de la question des heures de service des camionneurs.
Vous avez également fait mention du Code national de sécurité. Nous nous sommes penchés sur cette question à l'occasion d'une précédente séance, ce qui nous a permis de constater que seulement 2 des 14 normes du Code sont appliquées d'un bout à l'autre du pays. Depuis à peu près 1987, on nous assure que tout le monde va appliquer le code, mais ça n'a pas été le cas. Sauf erreur, par exemple, l'Alberta et la Saskatchewan n'appliquent pas la limite fédérale en matière d'heures de service hebdomadaires, alors que le Manitoba le fait.
Ce projet de loi s'inscrit dans le sillage d'une série de promesses non tenues par l'ensemble des provinces concernant l'application du Code national de sécurité. Actuellement, chacune l'applique à sa manière. Pourriez-vous nous dire quelles provinces appliquent quelles normes?
M. Christle: Je ne saurais en ce moment vous fournir de telles précisions.
La présidente: Pourriez-vous nous faire parvenir ce renseignement?
M. Christle: Je le ferai volontiers, madame la présidente.
Les principaux éléments de la plupart des 15 normes sont appliqués par presque tous les gouvernements concernés. Par exemple, il n'y a, à ma connaissance, aucun gouvernement au Canada qui n'applique pas la norme relative à la délivrance de permis de conduire pour conducteurs seuls de véhicules commerciaux. Pour l'essentiel, tous les gouvernements font subir aux conducteurs de camions les épreuves prescrites de connaissances et de performance et ont un programme de formation des préposés à l'examen des conducteurs. En ce qui a trait au système gradué de délivrance des permis de conduire, d'importants éléments des normes sont appliqués. Pour ce qui est des normes et des procédures d'autocertification des conducteurs, elles sont appliquées pour l'essentiel. Il en va de même des normes médicales. Dans l'ensemble, nous reconnaissons que, dans certaines provinces ou territoires, les normes relatives aux dossiers de conducteurs et aux profils de transporteurs ne sont pas encore appliquées, mais elles le seront en 2001. Les règles de suspension de permis pour de courtes périodes en cas de non-respect de la norme CDSA sont appliquées. Quant à la norme relative aux heures de service, il reste beaucoup de travail à accomplir sur ce chapitre.
Le sénateur Spivak: Certains éléments sont plus importants que d'autres. Par exemple, les normes concernant la taille et le poids des camions, les heures de service et divers éléments qui ont une incidence sur le risque d'épuisement du conducteur revêtent une grande importance. Or, ces normes sont loin d'être uniformes dans l'ensemble du pays.
M. Christle: Pour répondre à votre question initiale concernant ce qu'il en est en Saskatchewan et en Alberta sur le chapitre des heures de service, l'Alberta, sauf erreur, applique en réalité les normes prescrites par le gouvernement fédéral. Cependant, on s'en remet à Transports Canada lorsqu'il s'agit d'intenter des poursuites contre un transporteur qui ne les respecterait pas. Là où on y observe une différence, c'est dans la réglementation du transport intraprovincial, qui n'impose pas de limite concernant les heures de service. Il en va différemment sur ce plan dans d'autres provinces canadiennes, dont le Manitoba. Notre réglementation provinciale reprend celle du gouvernement fédéral.
Le sénateur Spivak: Comme il se peut que les normes canadiennes soient en totale discordance avec les normes américaines, ne croyez-vous pas que cela posera problème compte tenu du fait qu'une si large part du trafic circule dans un axe nord-sud?
J'ai participé récemment, à Winnipeg, à une conférence sur les corridors commerciaux, où on a abondamment discuté des questions de sécurité du camionnage, notamment du danger que présentent les camionneurs mexicains qui s'amènent ici et qui n'ont pas à se conformer à des normes aussi élevées que les nôtres. Ne croyez-vous pas que si nous n'harmonisons pas nos normes avec celles en vigueur aux États-Unis, nous allons avoir un problème?
Le sénateur Christensen: Voulez-vous parler particulièrement des heures de service?
Le sénateur Spivak: Je veux parler des heures de service et des autres normes. Si j'ai bien compris, les Américains obligeront les transporteurs à équiper leurs camions d'une boîte noire, ou d'un dispositif quelconque de surveillance électronique. Pour le moment, nous n'avons rien de tel chez nous.
M. Christle: Vous avez raison.
Le sénateur Spivak: Si l'on s'en remet à ce que propose ce groupe de projet, notre norme relative aux heures de service sera beaucoup plus libérale que celle des Américains, n'est-ce pas?
M. Christle: Le projet de boîte noire faisait partie de la proposition initialement envisagée aux États-Unis. Le Congrès américain a toutefois fait savoir à la Federal Motor Carrier Safety Administration qu'il se donnait au moins jusqu'à octobre de cette année pour avaliser ou non cette proposition.
Le sénateur Spivak: D'après ce qu'ont affirmé les délégués américains à la conférence à laquelle j'ai assisté à Winnipeg, cette mesure sera appliquée.
M. Christle: Dans ce cas, vous êtes mieux renseignée que moi sur les derniers développements concernant le projet de boîte noire.
En ce qui touche les disparités entre le Canada et les États-Unis concernant les heures de service, il en existe effectivement à l'heure actuelle. Par exemple, il y a d'énormes différences entre nos deux pays sur le plan de l'étalement démographique. Les distances à parcourir entre les villes canadiennes sont beaucoup considérables qu'entre les villes américaines. Dans le moment, la journée de travail est de 10 heures chez nos voisins du Sud, mais, sauf erreur, on envisage de la rallonger. De son côté, le Canada songe à faire passer la journée de travail de 15 à 14 heures.
Le sénateur Spivak: Je ne le crois pas.
Le sénateur Callbeck: Au paragraphe 13 de votre document, vous mentionnez:
Pour tous les éléments du Code national de sécurité, il y a d'énormes différences d'une province ou d'un territoire à l'autre.
Vous poursuivez en disant que, s'il y a de telles différences, les normes ne seront pas respectées par les provinces.
M. Christle: Je n'ai pas entendu la dernière partie de votre question.
Le sénateur Callbeck: Vous dites que, si les normes sont à ce point différentes, elles ne seront pas respectées par les provinces.
M. Christle: On a effectivement l'impression qu'il existe d'énormes différences. Je n'en crois pas moins qu'il y a eu des progrès considérables de réalisés concernant les principaux éléments de l'ensemble des normes et qu'en fait, la plupart des normes proposées ont été élaborées et sont appliquées par presque toutes les provinces.
Le sénateur Callbeck: Je vous ferai remarquer qu'en ce qui concerne, par exemple, la norme relative au poids des camions, ceux-ci peuvent être quatre plus lourds en Alberta qu'à certains autres endroits. Cette norme ne doit-elle pas faire l'objet d'un examen par votre organisation?
M. Christle: Non, elle n'a pas à être soumise à l'examen du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé.
Le sénateur Callbeck: Chose certaine, on fait état ici d'une foule de disparités.
Nous avons entendu les témoignages des porte-parole d'un groupe appelé CRASH (Canadiennes et Canadiens pour la sécurité routière).
M. Christle: Je connais bien ce groupe.
Le sénateur Callbeck: Ses représentants nous ont remis un tableau concernant les différentes normes. Comme l'a mentionné Le sénateur Spivak, on nous a fait remarquer que seules deux de ces normes sont appliquées dans l'ensemble du pays.
M. Christle: Je connais bien la fiche d'évaluation à laquelle vous faites allusion, mais je crois qu'elle prête à interprétation. À mon avis, elle n'a pas forcément beaucoup de crédibilité.
Le sénateur Callbeck: Vous allez nous remettre votre propre fiche d'évaluation, n'est-ce pas?
M. Christle: Oui, je puis en obtenir le pendant auprès de notre secrétariat.
Le sénateur Callbeck: Au paragraphe 16 de votre document, vous faites référence à des normes de sécurité minimales. Avec le CNS, vous sera-t-il possible d'avoir des normes distinctes régissant la délivrance des certificats de sécurité pour, d'une part, le camionnage intraprovincial et, d'autre part, le camionnage interprovincial?
M. Christle: Ce que nous visons, c'est que les provinces en viennent à incorporer par renvoi les normes fédérales dans leurs règlements de manière à ce qu'il y ait uniformité plutôt que deux régimes différents. C'est ce que nous avons toujours cherché à obtenir.
Le sénateur Callbeck: Ne croyez-vous pas qu'il serait préférable que nous n'ayons qu'un ensemble de règlements administrés et appliqués par le gouvernement fédéral?
M. Christle: Notre objectif, c'est qu'il n'y ait qu'un ensemble de règlements administrés et appliqués par les gouvernements provinciaux conformément aux dispositions de la Loi sur les transports routiers. C'est ce que visait cette loi en 1954 et en 1987 et c'est ce qu'on vise encore aujourd'hui en la modifiant.
Le sénateur Callbeck: Quand on considère, d'après ce tableau, ce qui a été appliqué jusqu'à maintenant, ces espoirs ne vous semblent-ils pas n'être que des voeux pieux?
M. Christle: Je le redis, il s'agit là d'un tableau qui prête à interprétation.
Le sénateur Spivak: Est-ce à dire qu'il est inexact?
M. Christle: Je puis vous dire ce qu'il en est à cet égard au Manitoba, si vous le voulez bien.
Le sénateur Spivak: Ne vous en tenez pas au cas du Manitoba; parlez-nous de la situation à l'échelle nationale.
Le sénateur Callbeck: Simplement pour me faire une idée plus précise du rôle que joue votre organisation, j'aimerais savoir si vous avez des comptes à rendre aux ministres chargés de la sécurité routière et du transport?
M. Christle: Effectivement, ce sont les ministres qui, en dernière analyse, sont responsables de ces questions.
Le sénateur Callbeck: Si je vous ai bien compris, votre organisation compte 600 membres et plus de 300 membres associés.
M. Christle: C'est exact.
Le sénateur Callbeck: Elle est dirigée par 15 administrateurs. Est-ce à dire que chaque gouvernement y a un représentant?
M. Christle: C'est juste.
Le sénateur Callbeck: En outre, il y a le directeur général. Ai-je raison de dire que vos membres n'ont jamais la possibilité de faire partie du conseil d'administration?
M. Christle: C'est exact. Seuls les représentants des gouvernements sont des membres votants du conseil d'administration. Toutefois, les membres associés de notre organisation peuvent participer activement aux réunions de nos divers groupes de projet ou de nos trois comités permanents.
Le sénateur Callbeck: Certains de vos membres associés font-ils partie de comités permanents?
M. Christle: Ils peuvent participer aux travaux de ces comités.
Le sénateur Callbeck: Ils ne peuvent en être membres?
M. Christle: Non. Les seuls membres votants de ces comités sont les représentants des gouvernements concernés.
Le sénateur Callbeck: Merci.
Le sénateur Finestone: Le groupe CRASH est-il membre du CCATM?
M. Christle: Il en est membre associé.
Le sénateur Finestone: Lisez-vous tous les bulletins que publie ce groupe et y réagissez-vous? En réfutez-vous le contenu? Prenez-vous connaissance du matériel qu'il publie?
M. Christle: Oui, parce que ça fait partie de mes attributions. Cependant, le CCATM n'a pas a réfuter quoi que ce soit qu'affirment les représentants de tel ou tel groupe d'intérêt particulier.
Le sénateur Finestone: Considérez-vous le groupe CRASH comme étant un groupe d'intérêt particulier?
M. Christle: Oui.
Le sénateur Finestone: L'intérêt particulier de qui représente-t-il?
M. Christle: Ce groupe est financé principalement par l'industrie ferroviaire. Ces gens ont sur certaines questions une opinion singulièrement négative qui, selon moi, ne reflète pas forcément celle qui prédomine nettement dans l'ensemble du pays. Par exemple, quand on effectue une étude à propos, disons, des camionneurs qui souffrent du syndrome de la rage au volant, il m'étonnerait qu'on puisse trouver au pays qui que ce soit qui affirmerait encourager un tel comportement.
Le sénateur Finestone: Ma collègue, le sénateur Callbeck, vous a posé des questions à propos des disparités qu'on observe concernant les normes relatives au poids des véhicules et de ce qui devrait être considéré comme étant un poids sécuritaire. Si, disons, les Américains ont constaté que 44 p. 100 des camions en provenance du Mexique comportent des défectuosités qui compromettent la sécurité et qui, de ce fait, accroissent le risque d'accident, nous devons nous attendre à devoir assumer des coûts supplémentaires s'il se produit effectivement chez nous des accidents causés par de telles défectuosités. Déjà, on constate que les accidents impliquant des camions coûtent chaque année aux Canadiens quelque 25 milliards de dollars en dépenses de santé et de sécurité. Ce sont là des facteurs très importants à prendre en considération.
Vous dites qu'il y a eu des consultations et que nous sommes à faire de la norme 14 une sorte de pierre angulaire de notre réglementation. Vous ai-je bien compris?
M. Christle: Oui.
Le sénateur Finestone: Afin d'empêcher autant que faire se peut que, par suite de la violation des normes, des camionneurs soient la cause de souffrances résultant d'accidents qui auraient pu être évitées et que, partant, nous soyons forcés d'assumer des coûts supplémentaires en soins hospitaliers et médicaux, ne croyez-vous pas que le projet de loi, en rapport avec l'article 3 qui modifie notamment le paragraphe 3(1) de la loi actuelle, devrait comporter une sorte d'annexe où seraient définies les normes relatives aux heures de service, au poids des camions, ou à d'autres critères établissant les droits et obligations des transporteurs?
Si je fais cette proposition, c'est qu'à mon avis, ce serait là une façon efficace de désamorcer une bonne part des critiques qu'a soulevées le présent projet de loi -- et elles ont été très nombreuses, croyez-moi. Le projet de loi C-6, qui avait trait à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, comportait une annexe où il était fait état de l'objet et des modalités d'application de la mesure législative en question et où l'on définissait la norme nationale en cette matière. Cette annexe avait été soigneusement préparée par l'Association des manufacturiers canadiens, en collaboration avec des représentants des diverses industries qui en font partie, qui tenait à ce que les vues de ses membres concernant un aspect particulier de leur travail qui consiste à traiter des renseignements personnels soient prises en compte et à ce qu'on établisse une façon d'aborder ce problème dans le nouveau contexte technologique.
Le Code national de sécurité vise à assurer la sécurité des conducteurs, des propriétaires de véhicules et des citoyens. Cela dit, les critères pertinents ne devraient-ils pas être clairement définis dans le projet de loi et dans la loi elle-même? Il ne resterait alors qu'à les préciser au besoin dans les règlements.
Cela ne me rassure pas tellement de me faire dire que la norme 14 constitue en réalité l'élément fondamental de la réglementation proposée. J'ignore ce qu'englobe la norme 14. Reprend-elle tout ce que contiennent les normes 1 à 13? Qu'en est-il?
Il me semble également que les conducteurs de camion devraient être mis au courant de leurs droits tels qu'ils sont définis dans toute loi. Croyez-vous que ce serait une bonne chose?
M. Christle: Bien sûr que oui. C'est d'ailleurs ce que nous avons entrepris ou essayé de faire au moyen du Code national de sécurité.
Pour répondre à votre question, le fait est que nombre des éléments contenus dans les 13 premières normes sont incorporés dans la norme 14. Par exemple, la norme 12 a trait aux inspections routières effectuées aux termes de l'ECSV. C'est l'un des éléments à prendre en considération au moment d'attribuer une cote de sécurité à un transporteur routier. Cependant, bien des gens ne comprennent pas cela. Permettez-moi de vous expliquer plus avant ce qu'il en est. Quand un camion est intercepté sur la route pour une inspection de conformité mécanique, ou il passe l'épreuve ou il ne la passe pas. Dans certains cas, le véhicule doit être retiré. Chaque province est responsable de recueillir les données en question, de les analyser et de tenir compte de cet élément lorsqu'elle attribue une cote de sécurité.
La suspension à court terme en est un autre exemple. C'est ce dont traite la norme 8 du CNS. Elle vient appuyer la norme de l'ECSV. Si un conducteur est jugé inapte à conduire le véhicule, ou encore si l'on considère qu'il a excédé la limite des heures de service permises ou qu'il conduit un véhicule défectueux, il peut être suspendu sur-le-champ. Là encore, l'autorité compétente consigne les données pertinentes et les inscrit dans le profil du transporteur, en vertu de la norme 14 du CNS.
Le sénateur Finestone: Estimez-vous qu'il s'agit là de la méthode appropriée pour assurer la reddition de comptes et la transparence et imposer des amendes ou des sanctions? Est-ce ainsi que vous concevez l'application de ces normes?
M. Christle: La question des sanctions est une toute autre chose. La norme 8 offre un moyen de supprimer sur-le-champ une menace à la sécurité. Si un conducteur devait être mis à l'amende, ce serait par suite d'une décision du tribunal ou encore d'une vérification des installations du transporteur, un élément sur lequel porte la norme 15 du CNS et qui doit d'ailleurs être également pris en considération dans l'attribution d'une cote de sécurité.
L'attribution d'une cote de sécurité dépend d'une foule d'éléments. La définition des normes du CNS résulte d'un processus ouvert auquel les transporteurs routiers peuvent participer s'ils souhaitent y regarder de près ou s'informer. C'est un processus tout à fait ouvert.
Le sénateur Finestone: Y a-t-il une épreuve quelconque à laquelle les conducteurs doivent se soumettre? Les conducteurs connaissent-ils les normes? Comprennent-ils leurs obligations? Un conducteur a-t-il le droit, pas nécessairement de dénoncer le propriétaire de son véhicule, mais de se plaindre auprès de lui du fait qu'il lui demande de conduire un camion qui ne satisfait pas aux normes nationales? Un conducteur peut-il tirer la sonnette d'alarme auprès du propriétaire du véhicule qu'il conduit?
M. Christle: Je vais répondre à votre question en vous donnant l'exemple du Manitoba. En ce qui touche l'application des règlements, il arrive souvent qu'un conducteur s'adresse à nous pour demander de l'aide. Il conduit un véhicule qui, à son avis, a des défectuosités mécaniques ou quelque autre problème. Le service que je dirige, celui de la sécurité des transports et de la réglementation, s'occupera de cette plainte concernant la sécurité en soumettant le véhicule à une inspection ou en demandant à l'un de nos enquêteurs de la sécurité des transports d'effectuer une vérification de manière à pouvoir déterminer si l'allégation est fondée. C'est donc dire qu'il y a bel et bien une procédure d'établie à cet égard.
La présidente: L'association des camionneurs remet-elle à ses membres conducteurs une brochure ou un quelconque document d'information?
M. Christle: Je ne saurais parler au nom de l'association. J'ignore la réponse à votre question. Ici encore, je vais prendre l'exemple du Manitoba. Avant de subir une épreuve pour l'obtention d'un permis de catégorie 1, les aspirants conducteurs de véhicules commerciaux se voient remettre un manuel qu'ils doivent étudier.
Le sénateur Finestone: Leur faut-il connaître toutes ces règles et subir une épreuve avant d'obtenir leur permis?
M. Christle: Oui, ils doivent se présenter à un examen et le réussir pour obtenir un permis de catégorie 1.
Vous avez dit être inquiète du nombre d'accidents impliquant des camions. En 1999, ces accidents ont causé la mort d'environ 2 900 personnes au Canada. Ce nombre était de 2 934 en 1998. C'était le plus faible en 40 ans.
Sur la foi des statistiques de Transports Canada, nous savons que, même si le nombre de véhicules commerciaux a augmenté sur nos routes, le taux d'accidents a diminué.
Le sénateur Finestone: Voulez-vous parler des gros camions?
M. Christle: Oui, je veux parler des semi-remorques. Au Manitoba, par exemple, nous savons que les semi-remorques ont été impliquées dans environ 3 p. 100 des collisions. Ces données nous viennent de la Société d'assurance publique du Manitoba. Cette proportion est moindre si on s'en tient au nombre de cas où la faute a été jugée imputable au conducteur de la semi-remorque, car, le plus souvent, c'est un conducteur d'automobile qui a causé la collision. C'est donc dire que les choses s'améliorent au Canada à cet égard.
Le sénateur Finestone: Le gouvernement fédéral ou le groupe responsable du transport national a-t-il analysé la question? A-t-on un tableau d'ensemble de la nature des accidents qui sont survenus, des types d'endroits où ils se sont produits, de leurs causes, etc.? Je crois que de tels renseignements nous permettraient d'avoir une bonne idée de l'importance relative du poids du véhicule comme facteur.
La présidente: Je crois qu'on sera en mesure de nous fournir certaines données à ce sujet.
Le sénateur Forrestall: Mes questions sont plus ou moins additionnelles. Je m'excuse d'être en retard. C'est la faute d'Air Canada, non la mienne. Permettez-moi simplement d'ajouter, pour le compte rendu, que neuf de mes onze derniers vols ont été retardés.
Je serais curieux de me renseigner plus avant sur un aspect que Le sénateur Finestone a indirectement abordé. Y a-t-il des provinces ou territoires autres que l'Ontario et le Québec qui disposent d'escouades ou d'équipes spéciales chargées de la sécurité routière dont la principale tâche est d'intervenir sur les routes pour vérifier la conformité des véhicules aux normes de sécurité, la pression des pneus, l'état des freins, etc.?
M. Christle: Chaque province a des équipes dont le travail consiste à vérifier l'observation des normes en matière de transport.
Le sénateur Forrestall: Là où la GRC joue le rôle de corps de police provincial responsable de la sécurité routière, se charge-t-elle d'accomplir ce genre de travail?
M. Christle: Dans un tel cas, la GRC est l'une des parties impliquées. Souvent, elle fait le travail en partenariat avec les agences chargées de l'exploitation des pesées publiques. Il y a également le personnel responsable du respect de l'Entente canadienne sur la sécurité des véhicules commerciaux, des inspections routières, sur quoi porte d'ailleurs votre question, donc, de la vérification de la conformité mécanique. Chaque instance responsable a des équipes chargées d'effectuer ce genre de travail.
Le sénateur Forrestall: Il ne m'a jamais été donné d'être témoin du retrait de la route d'un véhicule commercial en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba, en Saskatchewan ou en Alberta. Je n'ai pas été amené à conduire beaucoup en Colombie-Britannique, mais, sur les routes du Québec et de l'Ontario, il m'est arrivé de temps à autre, et régulièrement, de voir des véhicules ainsi retirés de la route; je reconnais toutefois que la circulation routière est particulièrement dense dans ces deux provinces. Que fait-on à cet égard dans les autres provinces?
M. Christle: Je ne suis pas en mesure de vous répondre en vous fournissant des chiffres précis. Cependant, je peux vous dire ce qu'il en est au Manitoba. En 1999, quelque 3 000 camions ont été interceptés sur la route pour des inspections aux termes des dispositions de l'ECSV.
Le sénateur Fitzpatrick: Interceptés sur la route?
M. Christle: Oui, interceptés sur la route pour subir une inspection aux termes des dispositions de l'ECSV. Il s'agit d'un programme qui est activement en vigueur.
Le sénateur Forrestall: C'est un nombre vraiment élevé. Est-ce que ce sont les instances compétentes locales, les préposés aux pesées et la GRC qui ont effectué ces inspections?
M. Christle: Au Manitoba, ces inspections peuvent être effectuées par des forces policières municipales, la GRC, ou le personnel du service dont j'ai la responsabilité, à savoir les enquêteurs de la sécurité du transport. Toutefois, ce sont surtout les agents chargés de faire observer les normes du transport, les employés provinciaux responsables d'assurer le respect des règles de sécurité routière, qui font ce travail.
Le sénateur Forrestall: Vos enquêteurs de la sécurité effectuent-ils des recherches? Participent-ils aux interventions planifiées par la Sûreté du Québec, la Police provinciale de l'Ontario ou la GRC?
M. Christle: Si vous voulez parler des opérations éclairs de sécurité, oui, nos enquêteurs y participent.
Le sénateur Forrestall: Voilà qui est intéressant.
M. Christle: Si jamais vous venez au Manitoba, monsieur le sénateur, vous y serez le bienvenu. Nous serons heureux de vous faire voir sur le vif comment nous fonctionnons.
Le sénateur Forrestall: J'ai maintes fois fait le trajet Halifax-Ottawa par la route. Pourquoi n'avons-nous pas de code national de sécurité du transport? À une prochaine étape de l'étude de ce projet de loi, mon collègue proposera des amendements pour réclamer à grands cris un code qui serait universel et constituerait un guichet unique. Les routes de la région rurale du Cap-Breton sont probablement aussi sûres que celles de la partie rurale du Manitoba, mais je ne sais pas vraiment ce qu'il en est, pas plus d'ailleurs, je le crains, que les chauffeurs de camions qui empruntent les diverses grandes routes qui traversent notre pays. Êtes-vous en mesure de m'expliquer pourquoi nous n'avons pas de tel code? Est-ce en raison des anomalies dans la construction de nos routes?
M. Christle: Il existe énormément de différences dans les infrastructures routières ou dans la construction des routes dans l'ensemble du Canada, que ce soit sur le chapitre de la densité de la circulation, de l'étalement démographique ou des écarts dans les limites de vitesse ou de poids. On aurait tort à cet égard de porter un jugement sans nuances, surtout si l'on songe que les provinces assument la responsabilité de la réglementation routière tant intraprovinciale qu'extraprovinciale depuis 50 ans. Il est donc bien normal qu'on observe certaines disparités.
Tout au long de mon expérience au sein du CCATM, il ne m'a jamais été donné de voir une instance refuser de collaborer de bonne foi à la poursuite de l'objectif d'harmonisation de nos normes à l'échelle nationale. C'est ce vers quoi nous progressons.
Le sénateur Forrestall: À ma connaissance, nous nous y employons depuis une trentaine d'années. Quant à savoir si nous y parviendrons, c'est autre chose. Je me souviens d'avoir fait pression sur le gouvernement pour essayer d'amener les intéressés à se concerter pour atteindre cet objectif. Commençons donc par donner suite aux promesses qui ont été faites il y a vingt ans. Cela nous ramène dans les années 70.
M. Christle: Cette question de l'harmonisation des normes préoccupe également le conseil des ministres et le conseil des sous-ministres chargés de la sécurité routière et des transports. Je crois savoir qu'ils ont confié au Comité du soutien à la planification des politiques le mandat de rédiger un protocole d'entente sur l'harmonisation des normes. Je crois savoir également, je le répète, que cette question est l'une de celles qui figurent à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil des sous-ministres qui aura lieu en avril.
Le sénateur Fitzpatrick: Vous avez affirmé qu'on effectue au Manitoba quelque 3 000 inspections par an, donc environ 30 par jour. Les véhicules inspectés sont-ils interceptés au hasard aux pesées publiques ou sur la route, ou les intercepte-t-on d'abord parce qu'on les soupçonne d'être en infraction, d'avoir, par exemple, roulé à une vitesse excessive, pour les inspecter ensuite? Ces inspections font-elles partie d'un programme dans le cadre duquel on inspecte par échantillonnage un certain nombre de camions par jour ou par semaine? Même si je m'attends à ce que vous me répondiez en parlant de ce qu'il en est au Manitoba, il m'intéresserait de savoir comment on procède à cet égard en Colombie-Britannique. On peut probablement affirmer à juste titre que les routes sont plus dangereuses en Colombie-Britannique en raison des accidents géographiques. Je suis conscient que ce que vous connaissez le mieux, c'est le cas du Manitoba, mais j'aimerais savoir comment le programme manitobain se compare à celui de la Colombie-Britannique -- si vous êtes en mesure de répondre à cette question, bien sûr.
M. Christle: Le programme de mise en oeuvre de l'ECSV est le même pour toutes les instances au Canada, puisqu'il s'agit d'un accord tripartite entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. La Colombie-Britannique est très rigoureuse dans sa façon d'appliquer le programme, notamment en ce qui touche les questions que vous avez soulevées.
Quant à la façon dont on procède à l'inspection des véhicules, ce peut être à l'aide d'une unité mobile qui force le camion à quitter la voie principale pour l'obliger à s'arrêter dans un élargissement de la route conçu spécialement à cette fin. Ce peut être lors du passage du camion à une pesée publique, où on fait signe à certains conducteurs de ranger leur véhicule pour qu'on puisse procéder à leur inspection. Ce peut être par suite d'une vérification effectuée à la principale place d'affaires du transporteur, où tous les véhicules sont inspectés sur place. Ce peut être également par suite d'une opération policière éclair. Il y a diverses façons d'effectuer une telle opération.
Le sénateur Fitzpatrick: Sur 3 000 inspections, combien de cas d'infractions peut-on dénombrer? Avez-vous des chiffres à cet égard?
M. Christle: Je n'en ai pas en main ici même, mais j'ai la ventilation de chacun de ces éléments. Je pourrais vous dire, par exemple, dans combien de cas un phare était grillé.
La présidente: Pourriez-vous nous communiquer ces données?
M. Christle: Certainement.
Le sénateur Spivak: Monsieur Christle, si j'ai bien compris, quelque 600 personnes sont tuées chaque année par suite de collisions routières impliquant des camions. Environ 40 000 personnes subissent des blessures dans plus de 100 000 collisions impliquant des camions. La situation va peut-être s'améliorant, mais elle n'en demeure pas moins déplorable.
J'aimerais revenir sur la question de l'application du Code national de sécurité. Cela fait 12 ans que la Saskatchewan et l'Alberta refusent d'appliquer la limite à laquelle elles ont souscrit en 1988 concernant le nombre d'heures hebdomadaires de service. Qui plus est, les provinces ne peuvent même pas s'entendre sur la taille des camions qui sont visés par le Code national de sécurité. Le Code national de sécurité est censé s'appliquer aux camions de plus de 4 tonnes et demie, mais l'Alberta exempte ceux qui pèsent moins de 18 tonnes et la Saskatchewan, les moins de 11 tonnes.
Le CCATM a-t-il officiellement demandé à l'Alberta et à la Saskatchewan de s'en tenir au seuil de 4 tonnes et demie? Il s'agit là d'une condition préalable pour qu'on puisse envisager avec optimisme la possibilité que tous appliquent le Code, ce que ces deux provinces n'ont jamais fait depuis 1988. Il y a un autre moyen que vous pourriez prendre pour convaincre les récalcitrants. Les provinces pourraient être passibles de poursuites aux termes de l'Accord interne sur le commerce.
Pourriez-vous nous donner une idée de la façon dont vous traitez avec les provinces qui refusent depuis nombre d'années d'appliquer le Code national de sécurité?
M. Christle: La question du poids seuil des véhicules pose un problème particulier, soit, mais certains de vos renseignements à cet égard ne sont peut-être pas tout à fait exacts. À l'heure actuelle, le poids seuil en Saskatchewan est de 11 000 kilos pour le transport intraprovincial. Le poids seuil pour les camions immatriculés en Saskatchewan qui font du transport extraprovincial est de 4 500 kilos. Les propriétaires de ces véhicules se voient attribuer un profil de transporteur et une cote de sécurité, et ils appliquent les principes du Code national de sécurité.
Comme vous l'avez indiqué, madame le sénateur, le poids seuil en Alberta est actuellement de 18 000 kilos. Pour ce qui est de ce vers quoi l'Alberta se dirige -- et, là encore, c'est ce que je crois savoir --, elle envisage d'abaisser son poids seuil de 18 000 à 11 794 kilos. D'où vient ce chiffre de 11 794? Il se trouve que ce poids correspond au seuil qu'on applique dans le cadre de l'International Registration Program, ou IRP, qui est actuellement en vigueur au Canada et aux États-Unis. Il s'agit là d'une amélioration considérable.
En 1998, Transports Canada a commandé une étude sur le poids seuil qui serait approprié au Canada. On s'est demandé si ce seuil devrait être de 4 500 kilos. Le groupe d'étude n'est arrivé à aucune conclusion à cet égard. Rien n'empêche donc les diverses instances concernées de tenter d'établir quel devrait être ce seuil.
Si vous me le permettez, je vais prendre l'exemple du Manitoba. En nous interrogeant sur ce que devrait être le seuil idéal, nous nous sommes redemandé d'où venait ce chiffre de 4 500 kilos. J'ai le sentiment qu'il est proprement arbitraire. Rien ne semble le justifier. Dans notre examen de la situation au Manitoba, nous avons d'abord consulté les statistiques sur les collisions. Nous avons constaté que les véhicules dont le poids se situait entre 4 500 et 10 999 kilos étaient impliqués dans sensiblement moins d'accidents que les véhicules pesant plus de 11 000 kilos. Pour ce qui est de l'état mécanique de ces véhicules, nous avons constaté qu'il n'était ni mieux ni pire que l'état dans lequel se trouvaient les véhicules d'un poids supérieur à 11 000 kilos.
Le sénateur Spivak: Le point que je soulève, c'est que nous avons un Code national de sécurité, quel qu'il soit, et que les provinces ne l'appliquent pas. Le problème en ce qui concerne nombre de nos lois, c'est qu'elles ne sont pas appliquées. Ce que j'aimerais que vous nous disiez, c'est si vous avez essayé de faire appliquer ce code? Dans l'affirmative, quels moyens utilisez-vous pour ce faire?
M. Christle: Cet aspect pose problème, vous avez raison. Pour faire dûment appliquer le Code, il faudrait que le conseil des ministres considère qu'il y a là un problème préoccupant. Aux États-Unis, on procède à cet égard fort différemment de chez nous. Le gouvernement central fait miroiter aux États des sommes d'argent considérables qu'il promet de leur verser pourvu qu'ils respectent les règles qu'il établit.
Le sénateur Spivak: Nous pourrions essayer de faire de même.
M. Christle: Au Canada, nous n'avons pas les ressources voulues pour le faire. Quant à moi, toutefois, je ne demanderais pas mieux que nous fassions l'essai de cette stratégie.
Le sénateur Spivak: J'aimerais revenir sur la question de la transparence. Vous affirmez que tout se déroule de manière transparente et que quiconque peut assister aux réunions. Les réunions du conseil des ministres responsables ne sont toutefois pas ouvertes et transparentes. Or, c'est là que les décisions se prennent. Si je ne m'abuse, en 1998, David Bradley, de l'Alliance canadienne du camionnage, a été invité à comparaître devant le conseil des ministres où il a pu exercer des pressions en faveur de sa position concernant la règle relative aux heures de service. Ma question est la suivante: Pourriez-vous nous obtenir copie du texte de l'exposé qu'il a fait à cette occasion? Avez-vous songé à offrir aux groupes de pression en faveur de la sécurité et aux camionneurs qui s'opposent à la semaine de travail de 84 heures la même possibilité de faire valoir leur point de vue à une réunion du conseil des ministres? Ai-je raison d'affirmer que les réunions du conseil des ministres sont secrètes?
M. Christle: Je ne dirais pas «secrètes». «Fermées» serait plus exact.
Le sénateur Spivak: Les mots importent peu. Le fait est que personne n'est présent pour écouter ce que les ministres disent. Ils prennent des décisions qu'ils n'ont pas à faire entériner par le Parlement. Il ne s'agit pas d'un processus ouvert.
La présidente: Donnent-ils une conférence de presse au sortir de leurs rencontres?
Le sénateur Spivak: Ils peuvent toujours dire ce qu'ils veulent bien. Ma question concerne l'exposé de M. Bradley de l'Alliance canadienne du camionnage et est à savoir si nous pourrions en obtenir copie.
M. Christle: Je suis mal placé pour vous répondre, madame le sénateur, car je n'étais même pas au courant de sa comparution. Je peux quand même transmettre votre demande au secrétariat du CCATM. Si ce document existe, je suis sûr qu'on vous en fournira une copie.
Le sénateur Spivak: Nous vous en serions reconnaissants. Si on permet à un groupe d'exposer son point de vue devant le conseil des ministres, comment entend-on permettre à d'autres groupes de faire valoir le leur devant le CCATM? Cela nous ramène à toute la question des consultations publiques, de la transparence, de l'ouverture et de la reddition de comptes, toutes choses qui, selon moi, ne sont pas tout à fait comme elles devraient l'être, mais peut-être suis-je dans l'erreur.
M. Christle: En ce qui a trait aux possibilités pour nos membres associés et le grand public de participer aux travaux du CCATM, la porte leur a toujours été ouverte. Les groupes d'intérêt particulier et les associations ont eu la possibilité d'y faire valoir leurs points de vue. Je songe, par exemple, au groupe CRASH et à l'Alliance canadienne du camionnage, dont les représentants se sont à maintes occasions fait entendre lors de réunions de groupes de projet.
Le sénateur Spivak: Je veux parler des réunions du conseil des ministres.
M. Christle: Je n'ai jamais assisté à une réunion du conseil des ministres.
Le sénateur Forrestall: Pourquoi?
M. Christle: Je ne suis pas ministre.
Le sénateur Forrestall: On ne vous a pas invité à ces réunions.
Le sénateur Spivak: Un démarcheur y a été entendu, c'est là mon point.
M. Christle: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Je suis désolé, madame le sénateur.
Le sénateur Spivak: Si vous pouviez nous obtenir des éclaircissements à ce sujet, nous vous en serions reconnaissants.
Vous donnez à entendre que le groupe CRASH est vraiment un groupe de pression qui agit sous le sceau du secret pour le compte des sociétés ferroviaires. C'est pourtant une tribune ouverte. Les délibérations de ce groupe sont consignées dans un procès-verbal. Je crois que nous devrions demander aux sociétés ferroviaires si ce que vous en dites est exact.
M. Christle: Je ne demanderais pas mieux que vous le fassiez, madame le sénateur. Je ne crois pas me tromper en affirmant que le groupe CRASH reçoit la plus grande partie ou du moins une large part de son financement des associations ferroviaires. Le groupe CRASH a le droit, tout comme tout autre groupe d'intérêt particulier de notre pays, d'exprimer ses opinions. La question de savoir si à mon avis ce groupe a raison ou tort n'a rien à voir là-dedans. Ces gens ont le droit de faire valoir leur position.
Le sénateur Spivak: Diriez-vous que l'Alliance canadienne du camionnage est un groupe d'intérêt particulier?
M. Christle: Absolument.
Le sénateur Spivak: Je trouve que cette expression fait un peu trop américaine. Dans notre pays, nous ne parlons pas d'intérêt particulier. Nous parlons de nombreuses voix différentes qui s'expriment au nom de l'intérêt public, comme le fait l'Alliance canadienne du camionnage. L'expression «intérêt particulier» a chez nous une certaine connotation d'«illégitimité».
La présidente: C'est là votre opinion, madame le sénateur.
Le sénateur Finestone: L'autre jour, j'ai demandé si ce projet de loi ne mettait pas la charrue devant les boeufs. Puis, j'ai entendu le témoignage de l'éminent sénateur Forrestall, dont je respecte les opinions et qui a une longue expérience personnelle au sein d'associations oeuvrant dans ce domaine.
Pourriez-vous me dire si le projet de loi, dans sa forme actuelle, aura l'impact positif escompté? Autrement dit, assurera-t-il la sécurité des conducteurs et de la population, et procurera-t-il une sécurité de revenu aux entrepreneurs en camionnage? Personnellement, je ne vois pas en quoi ce projet de loi contribuera à améliorer la situation actuelle. Les règles et règlements ne sont pas respectés. Ils ne sont d'ailleurs pas clairement définis. Ils n'ont pas force de loi. Je crois que le projet de loi devrait être soumis à des consultations et pouvoir être amendé. Êtes-vous également de cet avis?
M. Christle: Vu de l'autre côté de la table, le CNS m'apparaît comme un cadre général définissant la façon dont les diverses instances concernées aux quatre coins de notre pays peuvent améliorer la sécurité routière. Vous devez reconnaître qu'un bon nombre des éléments que contient le Code sont déjà appliqués dans l'ensemble du Canada.
Je vois cette mesure législative comme un pas dans la bonne direction. Il me semble que ce projet de loi, une fois qu'on y aura incorporé la norme 14 du CNS, est globalement appelé à avoir une incidence positive sur la sécurité routière.
Le sénateur Finestone: À quel endroit définit-on la norme 14? Qui sait en quoi consiste la norme 14 du CNS? On ne parle pas de la norme 14, mais du Code national de sécurité.
M. Christle: Il est question du Code national de sécurité à l'article 3.
Le sénateur Finestone: Où est-il fait mention de la norme 14 dans l'article 3?
M. Christle: On y lit «Code national de sécurité».
Le sénateur Finestone: Il pourrait s'agir de la norme 1.
M. Christle: À l'article 6 du projet de loi, qui renvoie à l'article 16 de la Loi où il est question du pouvoir de prendre des règlements, on incorpore par renvoi la norme 14 du CNS.
Le sénateur Finestone: Selon moi, il faudrait que cette norme soit exposée en annexe au projet de loi. Ainsi, on pourrait prendre connaissance de son contenu, la comprendre et l'appliquer. De la façon dont on procède ici, on peut peut-être la comprendre mais pas très clairement. N'en convenez-vous pas avec moi?
Avant de vous laisser répondre à cette question, j'aimerais que vous nous disiez également si vous ne croyez pas que vous-même et l'industrie -- les transporteurs, les clients et les conducteurs -- ne seriez pas davantage rassurés si vous soumettiez le projet de loi à un processus de consultation avant qu'il ne devienne loi? De cette manière, on pourrait tenir compte du résultat des consultations dans le contenu du projet de loi.
M. Christle: Je n'ai absolument rien contre les consultations. Pour autant qu'on reconnaisse que le projet de loi S-3 s'est trouvé considérablement amélioré par l'inclusion de la norme 14 du CNS, je vous ferai remarquer que cette norme a été élaborée dans le cadre d'un processus ouvert auquel les parties prenantes ont pu participer. Je crois que les consultations ont donc déjà eu lieu.
Le sénateur Finestone: Je crois fermement que le projet de loi devrait comporter une annexe. Dans le cas, par exemple, du projet de loi sur les documents électroniques, qui portait sur la façon de traiter les renseignements personnels et d'utiliser les renseignements électroniques, un élément convaincant a été le fait que l'AMC avait mené de très vastes consultations aux quatre coins du pays où toutes les personnes intéressées du domaine visé ainsi que les consommateurs avaient eu la possibilité de s'exprimer sur tous les aspects de la question. Puis, on a tenu compte du résultat de ces consultations dans le projet de loi, ce qui a contribué à rassurer tout le monde. Cela ne veut pas dire que le processus a eu la faveur de tous, mais simplement que les points de vue des Canadiens de tous les milieux concernés ont été pris en compte dans l'annexe au projet de loi.
Je me sentirais bien davantage rassurée si je pouvais voir quelque chose de concret annexé au projet de loi, où l'on ferait état du genre de norme que, comme Canadiens, nous attendons du gouvernement fédéral.
Cela m'amène à un autre volet de ma préoccupation à cet égard. Nous avons, de facto, délégué aux provinces le pouvoir fédéral dans ce domaine. Une telle annexe constituerait un moyen beaucoup plus officiel de transférer aux provinces cette responsabilité fédérale. Avant de le faire, nous devons savoir pourquoi nous avons une norme nationale qui est censée s'appliquer dans l'ensemble du pays. Une fois que nous nous serions donné une norme nationale, cette délégation de pouvoir aurait davantage de sens.
La question du transport des matières dangereuses a-t-elle seulement été abordée?
La présidente: Non, pas au cours de cette séance.
Le sénateur Finestone: En ce qui concerne les chargements qui traversent la frontière, quel genre de norme trouve-t-on dans le Code national de sécurité concernant les matières dangereuses, les déchets nucléaires, par exemple? Où réside le pouvoir, le poids ou l'autorité en cette matière?
La présidente: Cette question relève de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses.
Le sénateur Finestone: C'est une autre loi, alors.
Tient-on un registre de chaque chargement que transporte un camion? Existe-t-il un formulaire se rapportant à la norme 14 sur lequel le transporteur doit déclarer les déchets dangereux contenus dans son chargement? Comment peut-on savoir ce que renferme un camion?
M. Christle: Les conducteurs sont tenus d'avoir en main un connaissement.
Le sénateur Finestone: Qui vérifie si le connaissement reflète bien le contenu du chargement?
M. Christle: Ce sont les agents chargés de veiller au respect des lois de la circulation ou les agents chargés d'appliquer les règles en matière de transport qui effectuent ce genre de vérification.
Le sénateur Forrestall: En ce qui concerne la description du chargement, ce qui a cours, ce sont les dispositions de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses sur laquelle nous travaillons depuis tant d'années. Comme le disait John Crosbie, «Qui la lira?»
Tout ce qu'on y dit, c'est qu'on est tenu d'indiquer la nature du chargement. Je ne crois pas que la loi précise comment, par exemple, on doit emballer les déchets atomiques. Cela relèverait plutôt de la Commission de l'énergie atomique des États-Unis ou du Canada. C'est une toute autre responsabilité. Mais le conducteur du camion et la population doivent savoir si le changement renferme des matières dangereuses. Le cas échéant, il doit y avoir un autocollant qui l'indique.
Le sénateur Finestone: Devrait-on considérer qu'il s'agit là d'un élément qui devrait être abordé dans le code?
Le sénateur Forrestall: Cela fait des années que je me penche sur cette question. Je ne saurais vous dire ce qu'il y a dans un camion. On doit se contenter de ce qui est indiqué sur l'autocollant.
La présidente: Pourrions-nous revenir au projet de loi S-3? Nous débattons actuellement d'une autre loi.
Le sénateur Finestone: Je tentais d'établir si la norme 14 exige, dans le cas d'un camion qui transporterait des déchets dangereux d'une province canadienne à l'autre ou au-delà de notre frontière avec les États-Unis, qu'il soit clairement indiqué sur un tel camion la nature du chargement qu'il transporte.
[Français]
La présidente: Habituellement, ils ont des lumières sur le camion. Si ma mémoire est fidèle, il y a des vignettes sur le camion.
[Traduction]
Avec notre Code de la sécurité routière et notre Code national de sécurité, nous avons vraiment tout ce qu'il faut pour jouir d'un réseau routier des plus sécuritaires dans notre pays. Cependant, ni l'un ni l'autre de ces codes ne semblent être d'application obligatoire, ce qui m'apparaît inquiétant, madame la présidente.
Le sénateur Callbeck: Si j'ai bien compris, au lieu d'avoir un seul système national de cotes de sécurité, nous avons divers systèmes régionaux qui donnent des résultats différents à partir des mêmes données. Avons-nous différents systèmes régionaux?
M. Christle: Chaque système fonctionne à partir de données formulées dans la province concernée. Il y a des disparités d'une province à l'autre. L'Ontario, par exemple, utilise un système appelé Certificat d'enregistrement du conducteur de véhicule utilitaire. Dans cette province, on a identifié divers types d'infractions à l'aide d'un processus qui diffère de ceux qu'on applique dans nombre des autres provinces ou territoires. Au CCATM, nous avons conçu une sorte de table d'équivalence des condamnations selon le degré de gravité des infractions routières dont un conducteur est susceptible d'être trouvé coupable. Lorsqu'elle attribue ses cotes de sécurité, l'Ontario utilise un système de notation différent de celui du CCATM pour établir l'équivalence des condamnations. Bien que le mode de notation qu'elle utilise diffère par rapport à celui des autres instances, les niveaux de cote -- faible, moyen ou élevé -- attribués aux conducteurs de camion sont grosso modo les mêmes que dans les autres provinces ou territoires au Canada.
Bref, la réponse à votre question est oui, les systèmes varient selon les régions. Plus subtilement, on peut cependant dire que le processus est similaire dans tout le pays.
Le sénateur Callbeck: Prévoyez-vous que ces systèmes régionaux seront éliminés, ou êtes-vous d'avis qu'ils existeront encore dans dix ans?
M. Christle: Ma réponse sera peut-être subjective, mais je parierais qu'ils subsisteront. C'est là mon opinion personnelle.
Le sénateur Callbeck: Dans les documents que vous nous avez remis, vous semblez être très confiant que les provinces veilleront à faire respecter les normes du CNS. Pourtant, un récent rapport d'experts-conseils portant sur l'application des cotes de sécurité par les provinces constatait qu'il n'y avait pas d'uniformité dans les processus de notation, que les transporteurs routiers, dans des circonstances similaires, se voyaient attribuer des cotes différentes d'une autorité compétente à l'autre, que l'observation de cas types montrait des résultats largement différents, et que pratiquement toutes les provinces appliquaient des cotes de sécurité qui s'écartaient de la norme à des degrés divers.
En convenez-vous?
M. Christle: Cette affirmation est fondée. Le rapport auquel vous faites référence a été produit par une personne du nom de Fred Nix pour le compte de Transports Canada. J'y ai fait allusion précédemment dans mon exposé lorsque j'ai fait remarquer qu'au moment où cette étude a été effectuée, les processus étaient encore en cours d'élaboration. Les seuils demeuraient alors théoriques. Nombre des instances concernées ne disposaient pas encore de systèmes informatisés leur permettant d'effectuer les analyses voulues. On en était encore à se servir de crayons et de papier. Dans ces conditions, on n'a donc pas à s'étonner qu'on observe certains écarts.
J'ajouterais que nombre des instances concernées n'ont pas encore établi leur système de profil du transporteur et sont censées le faire en 2001. Le rapport dont vous faites mention suggérait également que chacune des autorités compétentes mette d'abord sur pied son système et le fasse fonctionner, et que nous continuions ensuite à tendre vers l'uniformisation.
Nous avons souscrit à cette recommandation et y avons donné suite. Au Manitoba, par exemple, nous avons notre système de profil du transporteur depuis juillet 1996. Cependant, nous n'attribuons pas encore de cotes de sécurité aux transporteurs routiers. Nous le ferons en même temps que nous mettrons en application notre système modifié de profil du transporteur, à savoir le 1er avril 2001.
Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que ce serait fait en 2001.
M. Christle: Exactement, en 2001.
Le sénateur Callbeck: Aurons-nous donc enfin un système uniformisé d'attribution des cotes de sécurité au Canada?
M. Christle: Nous aurons au Canada des systèmes de profil du transporteur qui nous permettront d'attribuer des cotes de sécurité.
Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne le camionnage interprovincial, ces systèmes ne seront pas nécessairement semblables d'une province à l'autre.
M. Christle: Vous avez raison. Si l'on songe aux moindres modalités du processus, il y aura effectivement des dissemblances. Les évaluations seront-elles quand même similaires? C'est à espérer.
Le sénateur Callbeck: Pourquoi n'adopterions-nous pas tous le même processus? Qu'est-ce qui peut bien nous empêcher de procéder de façon similaire dans toutes les provinces?
M. Christle: Certains des systèmes provinciaux existent depuis fort longtemps, depuis 50 ans dans certains cas. Ces systèmes sont parfois tellement bien implantés qu'on a du mal à obtenir qu'on se résigne à les modifier à des fins d'uniformisation. C'est ce à quoi nous nous employons. C'est d'ailleurs ce qui explique que le processus de concertation mis de l'avant par le CCATM ait connu tant de succès.
Avançons-nous à pas de tortue? Oui. Progressons-nous? Oui. Nous allons éventuellement y parvenir.
Le sénateur Callbeck: Croyez-vous que les dispositions du projet de loi portant sur les moyens de faire respecter les normes seront efficaces?
M. Christle: Je le crois. Le projet de loi comporte une disposition -- pour le moment, il ne me vient pas à l'esprit de quel article il s'agit précisément -- qui habilite les tribunaux à intervenir pour faire respecter la loi. Il s'agit là d'une mesure importante, positive.
Le sénateur Callbeck: Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire en dernier lieu? Je ne vous ai pas bien compris.
M. Christle: Il y a un article du projet de loi qui habilite le tribunal d'une province qui a décelé une infraction perpétrée à l'extérieur de cette province à connaître d'une poursuite pour une telle infraction. Les tribunaux n'ont pas ce pouvoir à l'heure actuelle, ce qui explique peut-être en partie pourquoi, par exemple, un gouvernement comme celui de la Saskatchewan n'applique pas la norme fédérale relative aux heures de service.
C'est là une mesure importante, positive. Le fait que les provinces seront tenues d'appliquer la norme, au risque de perdre leur droit de délivrer des certificats de sécurité, rend effectivement le projet de loi vraiment plus contraignant pour les provinces. Cependant, il va dans le sens de l'harmonisation des normes à l'échelle nationale.
Le sénateur Callbeck: On en viendrait ainsi, par une voie différente, à l'uniformisation de la norme à l'échelle nationale.
M. Christle: Pour autant qu'elle mènera à l'application généralisée de la norme du CNS et que, de ce fait, les diverses instances en viendront à attribuer des cotes semblables, cette mesure m'apparaît positive.
Le sénateur Spivak: Si je comprends bien, même si le gouvernement fédéral a délégué aux provinces la responsabilité d'appliquer les normes, il a le pouvoir d'imposer par voie législative un code national de sécurité. Autrement dit, il a le pouvoir de rendre ces normes obligatoires en droit, de sorte que les provinces qui n'appliqueraient pas le Code national de sécurité violeraient la loi. Ai-je raison de le penser?
M. Christle: Selon moi, oui.
Le sénateur Spivak: Il doit bien y avoir une raison pour laquelle le gouvernement fédéral a opté pour ne pas se servir de ce pouvoir, même s'il a délégué cette responsabilité dans bien d'autres cas, par exemple dans celui du Code criminel. Il a entièrement délégué ce pouvoir, mais, en dernière analyse, c'est encore lui qui le détient. Je crois que cela répond à ma question. Le gouvernement fédéral a opté pour ne pas donner force de loi à ce code. Pourquoi, je l'ignore, mais je crains que ce ne soit par déférence pour les autorités provinciales; peut-être est-ce pour ne pas mécontenter le Québec.
Le sénateur Finestone: Ce pourrait-il que cela ait quelque chose à voir avec les nouvelles règles établies conjointement par le Canada, les États-Unis et le Mexique?
Le sénateur Spivak: Au fait, si je me fie aux conclusions auxquelles on en est venu à la conférence dont je vous ai parlé, on a observé une forte augmentation de la circulation des camions, notamment dans certains corridors -- c'est le cas d'un en Colombie-Britannique, d'un autre au Manitoba et d'un autre qui traverse la ville de Toronto. Ces chiffres sont appelés à croître de façon spectaculaire dans les années qui viennent.
Il me semble que seul le gouvernement fédéral a le pouvoir de promulguer des lois qui portent sur l'application d'un traité, et non chacune des provinces.
Le sénateur Finestone: Voilà pourquoi on s'y perd.
Le sénateur Spivak: À mon avis, on fait là un mauvais choix.
La présidente: Nous nous pencherons sur cette question plus avant à un autre moment. Merci, monsieur Christle. Nous comptons sur vous pour nous fournir l'information supplémentaire que nous vous avons demandée.
Le sénateur Finestone: Pourrait-on nous indiquer quel article traite de la compétence ou de la compétence partagée des tribunaux dont le témoin nous a parlé tout à l'heure concernant les infractions à la loi?
La présidente: Il s'agit de l'article 8.
La présidente: Nous vous sommes reconnaissants des renseignements que vous nous avez communiqués ce matin.
Chers collègues, nous allons maintenant clore la séance.
Le sénateur Spivak: Est-ce que le nom de M. Fred Nix, l'auteur du rapport dont on a fait mention, figure sur notre liste de témoins?
La présidente: Non, il n'y figure pas.
Le sénateur Spivak: Madame Le sénateur Callbeck, vous avez pris connaissance du rapport en question. Croyez-vous qu'il nous serait utile que son auteur comparaisse devant nous?
Le sénateur Callbeck: Je n'ai pas pris connaissance du rapport de l'expert-conseil.
La présidente: Nous pourrions demander qu'on nous remette ce rapport, après quoi nous déciderons s'il serait utile de faire comparaître M. Nix.
Chers collègues, nous allons ajourner nos travaux. Notre prochaine séance se tiendra le mercredi 28 mars à 17 h 30.
La séance est levée.