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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 4 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 28 mars 2001

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-3, modifiant la Loi de 1987 sur les transports routiers et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 17 h 35 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui Mme Lisa MacGillivray, présidente de l'Association canadienne des transports industriels.

Allez-y.

Mme Lisa MacGillivray, présidente, Association canadienne des transports industriels: Honorables sénateurs, je tiens à vous exprimer ma gratitude de nous avoir invités à donner nos opinions sur le projet de loi S-3. L'Association canadienne de transports industriels (ACTI) est une association nationale d'acheteurs de services de transport. Ces expéditeurs sont des fabricants, des distributeurs, des extracteurs de ressources primaires et des grossistes du Canada. Les membres de l'ACTI achètent chaque année pour plus de 6 milliards de dollars de services de transport et leur contribution annuelle globale au PIB se chiffre à plus de 120 milliards de dollars.

Le transport routier est essentiel pour les expéditeurs. C'est pourquoi l'ACTI limitera ses commentaires aujourd'hui aux articles du projet de loi qui concernent le camionnage commercial.

Alors que les autres modes de transport jouent un rôle essentiel dans le transport sécuritaire et rentable des marchandises, pratiquement toutes les marchandises transportées couvriront à un moment ou l'autre une certaine distance en camion.

La compétence en matière de transport routier est partagée par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Nous savons que les routes relèvent de la compétence des provinces. Cependant, la Cour suprême a décrété, vers le milieu du XXe siècle, que le gouvernement fédéral devait superviser le camionnage interprovincial et établir des normes minimales pour les autorisations de circuler et des conditions de service.

D'une façon générale, ce système est efficace. Les gouvernements canadiens et les autres gouvernements nord-américains respectent mutuellement leurs régimes, ce qui permet la libre circulation des marchandises au-delà des frontières. Depuis la déréglementation, le gouvernement du Canada s'intéresse moins aux aspects économiques de la réglementation tout en continuant à jouer un rôle important en matière de normes de sécurité, ce qui nous a menés au point où nous en sommes à l'heure actuelle.

Les modifications proposées à la Loi sur les transports routiers bouclent un cycle de déréglementation du camionnage commercial. Ces modifications indiquent que Transports Canada se chargera des normes de sécurité.

Cependant, il est bon de signaler que Transports Canada est chargé de superviser la mise en oeuvre du Code canadien de sécurité depuis 1987. Quatorze ans plus tard, cette question demeure une source de discussions permanentes entre les administrateurs de la voirie provinciaux et fédéraux.

Les expéditeurs canadiens ont une requête toute simple. Pour pouvoir évaluer efficacement les transporteurs qui exécuteront les contrats de transport routier, ils doivent être assurés que le transporteur qui est jugé apte à faire du camionnage interprovincial dans une province est censé l'être également dans les autres.

Il va sans dire que la Loi sur les transports routiers est fondée sur des idéaux élevés. Rien n'est plus défendable que la sécurité. Cependant, à moins que le modus operandi des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux ne subisse un profond changement d'orientation et de volonté, je vous dis en toute franchise, honorables sénateurs, que le projet de loi S-3 n'aura même pas la valeur du papier sur lequel il est imprimé.

La question pour les expéditeurs canadiens n'est pas de savoir si on a besoin de normes de sécurité nationales cohérentes pour le transport routier commercial au Canada ou si on doit être en mesure de choisir des transporteurs sûrs, mais plutôt de savoir où l'on va. S'il est dans l'intérêt national que l'on instaure des normes de sécurité pour le camionnage interprovincial, l'ACTI estime que le gouvernement fédéral doit prendre la direction des opérations. Il est clair que le gouvernement doit décider de délivrer les certificats interprovinciaux de sécurité lui-même ou continuer à déléguer ce pouvoir aux provinces. L'expérience a montré que le ministère préfère déléguer ce pouvoir. Le problème est que les provinces n'ont absolument aucune motivation à adhérer aux normes nationales énoncées dans la loi. L'ACTI pense que si le gouvernement fédéral souhaite que ces normes soient efficaces, il devra participer au financement de ces programmes.

L'ACTI estime par ailleurs que ce projet de loi est l'occasion de renforcer la détermination du négociateur en fixant une série d'échéances légales ou en retardant la promulgation de certaines dispositions. À ce propos, l'ACTI appuie les recommandations qu'a faites l'Alliance canadienne du camionnage.

L'ACTI recommande en outre vivement que le gouvernement fédéral prenne l'initiative d'élaborer une base de données sur les transporteurs interprovinciaux titulaires d'un certificat de sécurité pour garantir aux expéditeurs que le système de cotation en matière de sécurité est national et encourager l'utilisation de cotes de sécurité en facilitant l'accès à ces données.

En guise de conclusion, l'ACTI confirme qu'elle appuie le projet de loi S-3 comme cadre de sécurité dans le secteur du camionnage commercial interprovincial et international. Ce qui manque, ce sont les moyens d'en faire un cadre efficace pour les expéditeurs canadiens, qui considèrent toujours la conformité aux règles de sécurité comme un critère clé d'évaluation de la compétence du transporteur.

Je voudrais faire un autre commentaire que mes collègues de l'industrie forestière feront certainement également. Outre les aspects liés à la sécurité sur lesquels la loi met l'accent, il reste une autre question en suspens, celle de la réglementation économique, qui est très utile pour les expéditeurs. Je parle de l'établissement, par le gouvernement fédéral, de normes en ce qui concerne la lettre de transport, qui est le document d'expédition accompagnant la marchandise ainsi que d'un critère de limitation de la responsabilité des transporteurs. C'est le cas actuellement. L'ACTI est convaincue que, pendant la période de transition entre l'ancien et le nouveau régime et en attendant que les normes requises soient publiées dans La Gazette, il faudrait avoir des garanties que les normes actuelles resteront en vigueur jusqu'à ce que les nouvelles soient mises en oeuvre.

Madame la présidente, mon exposé est terminé. Je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente: Estimez-vous que les provinces n'appliquent pas toutes de la même manière le Code canadien de sécurité? Est-ce le message que vous voulez transmettre aujourd'hui?

Mme MacGillivray: Il est indubitable que les provinces appliquent le Code canadien de sécurité selon leur interprétation. Par conséquent, lorsqu'un expéditeur essaie de transporter de la marchandise à travers le pays, il a affaire à divers régimes qui manquent d'uniformité. Cela cause des problèmes, tant sur le plan de la productivité qu'en raison de l'accroissement des coûts dû au temps que l'on doit passer à essayer de s'y retrouver. Quant à savoir si un transporteur considéré comme sûr dans un régime l'est aussi dans tous les autres régimes, c'est une autre question. Environ une demi-douzaine seulement de points du Code canadien de sécurité sont appliqués de façon uniforme à travers le pays. Le manque d'uniformité cause un problème quand nous voulons faire du commerce intérieur.

La présidente: Estimez-vous que nous avons besoin de réglementation supplémentaire pour accroître la sécurité? Quelle est votre opinion au sujet du Code canadien de sécurité?

Mme MacGillivray: Les normes nationales de sécurité actuelles sont efficaces. Si elles étaient appliquées de façon uniforme dans toutes les provinces, elles nous seraient très utiles. Le problème se situe au niveau de la mise en application: les provinces n'ont aucune motivation à adhérer à un code national.

Faut-il de la réglementation supplémentaire? Non, pas en ce qui concerne le code proprement dit. Cependant, je vous prie d'essayer d'inciter le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à poursuivre un objectif commun avec un minimum de discipline.

La présidente: C'est bien dit. Avez-vous été consultés lorsque le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM) a établi les normes du Code canadien de sécurité? Estimez-vous que ce code correspond à l'opinion générale des camionneurs?

Mme MacGillivray: L'ACTI et la Ligue canadienne de transport industriel (LCTI), comme elle s'appelait précédemment, sont membres de la CCATM depuis longtemps. L'ACTI en faisait déjà partie bien avant mon arrivée. Nous soutenons le Code canadien de sécurité. La plupart des normes concernent surtout le secteur du camionnage dans lequel les expéditeurs jouent certes un rôle actif. Je dirais que nous laissons les camionneurs établir la plupart de ces normes. L'exigence des expéditeurs à l'égard du code est toute simple. Ils ont besoin d'uniformité.

Un de leurs besoins fondamentaux est de disposer d'un outil leur permettant d'évaluer le degré de conformité d'un transporteur en matière de sécurité. Les expéditeurs ont besoin d'être raisonnablement assurés qu'ils peuvent faire transporter de la marchandise du Nouveau-Brunswick à Vancouver par le même camion, sans avoir à se préoccuper de la charge, des dimensions et des différences entre les règlements provinciaux. Nous laissons le soin aux camionneurs de régler les questions de détail telles que la façon de remplir les carnets de route.

Le sénateur Forrestall: Je voudrais savoir ce que vous pensez des observations d'Anthony Downs, un cadre de l'Association du camionnage. La semaine dernière, dans un exposé très important, il a fait des commentaires très intéressants au sujet de la croissance sûre et durable du secteur du camionnage. Quand je pense à ce que deviendra le transport routier américain de 2000 à 2020, j'éprouve des craintes que nous avons tous: comment sera-t-il possible de transporter encore de la marchandise dans une vingtaine d'années et à plus forte raison de la transporter en toute sécurité?

Il m'a fait penser à ce qui doit représenter un coût énorme pour le camionnage en Amérique du Nord. Nous examinons la situation du transport au Canada mais les constatations sont applicables à l'échelle globale. À certaines heures de la journée, pratiquement rien n'avance, sauf l'aiguille du cadran de la radio du véhicule bloqué dans un embouteillage.

M. Downs a tiré une conclusion assez intéressante, que voici:

Vous serez peut-être étonnés que je n'aie pas prédit davantage de changements techniques radicaux et divers autres changements dans le secteur des transports routiers pour les 20 prochaines années. Cependant, quand je remonte 20 années en arrière, jusqu'en 1980 [...]

Et je vous demande de vous remémorer cette époque et de vous demander si c'est exact.

[...] je ne vois aucun signe de nombreux changements radicaux. Les grands projets axés sur la haute technologie, comme les autoroutes électroniques, imaginées par de nombreux visionnaires, me semblent excessivement onéreux et inefficaces. Ma seule conclusion radicale est que, malgré tous nos problèmes, je reste optimiste et je crois que la situation économique de notre pays au cours des 20 prochaines années sera propice au maintien de la hausse du niveau de vie de la plupart des Américains.

Cela s'applique à la plupart des Canadiens également.

En ce qui concerne les embouteillages, nous n'avons pris aucune initiative radicale pour remédier à ce problème. Certains d'entre nous ont eu le privilège de suivre diverses étapes de développement et de mise à l'essai d'autoroutes électroniques. Elles sont extraordinaires. Lorsqu'on emprunte le Eastern Seabord aux États-Unis, on sait très vite où se trouve la voie où l'on se sent à l'aise. On s'y place et on y reste. On est comme dans un petit cocon et on se sent relativement en sécurité. C'est le seul changement radical assez important des 20 dernières années. Entre New York et Washington, où que l'on soit, à 17 heures, on est pris dans un embouteillage.

Que fait votre association à ce sujet? Je me préoccupe des pertes financières dues au blocage de 20 millions de camions entre Los Angeles et Halifax le matin, à midi et en fin d'après-midi. Ce problème devient un lourd fardeau financier pour l'industrie et le consommateur.

Est-ce une question qui vous préoccupe? Dans ce cas, que faites-vous pour vous soulager de l'énorme fardeau financier que représente la progression d'un 18 roues, qui a coûté très cher, à la vitesse de quatre milles à l'heure sur une voie rapide? La note doit être payée par les contribuables, au bout du compte.

Mme MacGillivray: Comme vous l'avez déjà si bien dit, les personnes qui ont recours aux services de transport paient le coût de cette congestion. On perd de l'argent quand les camions n'avancent pas. Les retards sont devenus beaucoup plus nombreux au cours des 10 ou 15 dernières années, depuis que le Canada a adopté la formule d'acheminement de la marchandise juste à temps qui consiste à envoyer un camion dans une usine pour y décharger les matières premières au moment où l'on en a besoin à la chaîne de montage ou au cours du processus de production, plutôt que d'en garder en stock.

Ce n'est pas un phénomène purement canadien. Ce système est en vigueur dans toute l'Amérique du Nord. De toute évidence, si les entreprises canadiennes sont en retard sur les autres à cet égard, elles cesseront d'être concurrentielles.

L'ACTI est très consciente de ces problèmes d'infrastructure. L'infrastructure actuelle date de 30 à 40 ans et est en fin de parcours. Les autoroutes et les routes ont été conçues vers la fin des années 50 et le début des années 60 pour une durée de 30 ans. L'échéance est arrivée. Nous étions tellement fiers de nous pour le système comprenant la Voie maritime du Saint-Laurent, les écluses et la Transcanadienne que, pendant 25 ou 30 ans, nous nous sommes donné des coups d'encensoir au lieu de réinvestir pour protéger notre actif.

L'ACTI diffuse activement le message suivant: si l'on veut s'assurer une certaine prospérité économique pour les 20 ou 30 prochaines années, il est indispensable d'envisager l'élaboration d'une politique de transport commune, à l'échelon municipal, fédéral et provincial et d'adopter une vision unifiée pour établir une stratégie nationale en matière de transport. Comment exploiter au maximum des avoirs comme la Voie maritime, le seul chemin de fer transcontinental d'Amérique du Nord et notre réseau d'autoroutes pour que chaque maillon du système soit utilisé de façon optimale? Comment établir des règles du jeu uniformes pour tous les modes de transport de façon à ce que les expéditeurs puissent prendre les décisions les plus rentables, les plus écologiques, les plus efficaces et les plus sûres possible?

À l'heure actuelle, la réglementation et la législation en matière de transports est disparate. Depuis une dizaine d'années, on s'efforce de proposer de volumineux projets de loi omnibus mais on procède toujours par petites étapes. Il est nécessaire d'examiner sérieusement les structures mises en place il y a 60 ou 70 ans, pour déterminer si elles peuvent survivre ou si elles sont toujours nécessaires dans le contexte actuel.

Il ne fait aucun doute que les expéditeurs insistent beaucoup sur la nécessité d'avoir des pilotes, non seulement sur le Saint-Laurent mais dans toutes les régions du Canada. Il y a toutes sortes d'éléments dont les expéditeurs n'ont pas besoin et pour lesquels ils continuent à payer. Nous pensons que si l'on instaure une politique nationale en matière de transport et que l'on essaie de déterminer avec un minimum de rigueur les infrastructures qui seront nécessaires pour maintenir la prospérité du Canada pendant les 20 prochaines années, les expéditeurs pourront remédier en partie au problème de la congestion de la circulation.

L'autre aspect du problème est, bien entendu, d'ordre social. Il y a en effet beaucoup de camions sur les routes mais aussi beaucoup de voitures. Les Canadiens vouent un culte à l'automobile. Au cours des 20 dernières années, ils ont voulu vivre dans les banlieues, sur des terrains de 50 pieds sur 75 pieds. Ce goût pour la vie en banlieue est une source d'engorgement de la circulation dans le voisinage des centres urbains. Toutes les collectivités et tous les intervenants ont un rôle à jouer. Il ne faut pas compter uniquement sur l'industrie des transports pour résoudre ce problème.

Le sénateur Forrestall: C'est un dilemme. On ne peut pas avoir trop d'ennuis si l'on ne roule qu'à 10 milles à l'heure. On peut en avoir beaucoup en roulant à 110 milles à l'heure. C'est une question qui me préoccupe au plus haut point. Je ne sais pas comment résoudre le problème de notre système de transport canadien et de l'approche archaïque provinciale-fédérale-municipale en la matière. Nous sommes tous des organismes publics. Nous investissons et nous voulons avoir le contrôle. C'est ce qu'on fait depuis 80 ou 100 ans.

Pouvez-vous dire si, dans l'industrie, il y a un secteur qui investit dans la recherche de solutions aux problèmes qui nous attendent, notamment au pénible problème du financement des transports, sans parler de ceux qui sont liés à la sécurité?

Mme MacGillivray: Bien des consultants ont accès à diverses études. C'est un problème avec lequel les régions urbaines se trouvent aux prises depuis un certain temps.

Dans le couloir Toronto-Montréal, les compagnies de chemin de fer ont essayé d'instituer ce qu'elles appellent la voie rapide d'acier, qui est un autre type de transport intermodal consistant à charger la remorque du camion sur un wagon plat, à la détacher du tracteur pour la raccrocher à un autre tracteur au point d'arrivée. Ce système a pour but de décongestionner la circulation sur la 401, entre Toronto et Montréal. L'ACTI soutient ce genre de projet. Le Canadien Pacifique a fait un investissement assez considérable dans ce projet.

Un seul train peut transporter de 200 à 250 remorques. Cependant, c'est comme si l'on essayait de vider l'océan avec un dé à coudre. C'est une bonne initiative, mais elle ne permettra pas de résoudre le problème à brève échéance.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question à poser à propos des commentaires que vous avez faits sur l'uniformisation de la lettre de transport et les conditions réglementaires. Si j'ai bien compris, vous avez dit que c'est le gouvernement fédéral qui établit les normes dans ce domaine. Les provinces ont-elles leur mot à dire?

Mme MacGillivray: C'est un pouvoir que le gouvernement fédéral a délégué aux provinces. Il faut que la loi contienne des dispositions indiquant qu'une lettre de transport délivrée en Ontario est valable dans tout le pays si l'on franchit les limites d'une province. C'est aussi simple que cela.

Il n'est pas nécessaire d'énumérer toutes les clauses de la lettre de transport; il suffit de spécifier qu'une lettre de transport est nécessaire et qu'elle doit être honorée dans toutes les provinces. Si l'on expédie de la marchandise à partir de l'Ontario et que l'on a un problème, il faut s'adresser à une cour ontarienne qui apportera les solutions nécessaires. Le gouvernement fédéral a délégué tous ses pouvoirs en la matière.

Sans une disposition de ce genre, personne n'aura compétence en matière de transport interprovincial, ce qui causera un problème.

Le sénateur Callbeck: On a maintenant une lettre de transport standard. Est-ce exact?

Mme MacGillivray: On a une lettre de transport. Ce sont toutefois les provinces qui établissent les normes pour cette lettre et ces normes ne varient pas beaucoup d'une province à l'autre. Malgré tout, on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'une lettre de transport nationale. Il y a 10 types de lettres de transport qui sont très semblables.

Le sénateur Callbeck: Le gouvernement fédéral n'est donc pas intervenu du tout. Ce sont les provinces qui ont proposé leurs lettres de transport et celles-ci sont très semblables. Est-ce bien ce que vous voulez dire?

Mme MacGillivray: Il faut que le gouvernement fédéral établisse sa compétence dans ce domaine.

Le sénateur Callbeck: Voulez-vous que ce soit lui qui fixe les normes?

Mme MacGillivray: Nous voudrions que le gouvernement fédéral continue de surveiller la disposition qui déléguera le pouvoir aux provinces.

Le sénateur Callbeck: Vous avez signalé le problème que pose l'application du code de sécurité. Si j'ai bien compris les dispositions du projet de loi que nous avons sous les yeux, si les provinces ne respectent pas les critères établis pour le certificat de sécurité, le ministre a le pouvoir de priver la province en question du droit de délivrer un permis aux camionneurs extraprovinciaux. Est-ce ainsi que vous comprenez ce projet de loi?

Mme MacGillivray: Le cas ne s'est jamais produit, à ce que je sache. Ce que nous voulons dire, c'est que le CCATM tient des consultations interminables à ce sujet. En principe, il semble que personne ne tienne à se charger d'établir les normes nationales.

Les provinces mettent en oeuvre divers aspects du Code canadien de sécurité. Le problème est qu'elles ont chacune une version, des normes et des méthodes différentes pour déterminer si un transporteur respecte leurs règlements.

Par exemple, pendant des années, l'Ontario a eu un régime de registre pour les camionneurs en vertu duquel ils étaient tenus de s'inscrire et étaient soumis à un système de points très analogue au système de démérite en cas de contravention pour excès de vitesse. Au-delà d'un plafond fixé en fonction de la taille du parc de camions, l'exploitant risque de recevoir un avertissement écrit. Pendant des années, l'Ontario a été la seule province dotée d'un tel régime. Le Québec essaie depuis deux ou trois ans de mettre en oeuvre un système analogue. Des variantes de ce système sont peut-être en vigueur dans d'autres provinces. Même à l'échelon provincial, on ne peut pas obtenir un bon aperçu de la tendance d'un camionneur à respecter les règlements provinciaux.

Pour en revenir aux expéditeurs, lorsqu'un expéditeur essaie de décider si un transporteur respecte les règlements, il doit d'abord essayer de déterminer si les normes sont appliquées de façon uniforme. Il doit ensuite décider si le transporteur atteint ou dépasse le niveau qu'il souhaite.

Pour ce qui est de la question de savoir si le ministre peut retirer un permis d'exploitation ou priver une province du droit de délivrer un permis d'exploitation, nous estimons qu'il faut être fixés une bonne fois pour toutes sur ce point et indiquer clairement qu'à partir d'une date précise, il faudra s'assurer que l'on va tous dans la même direction pour en être tous au même niveau.

Le sénateur Callbeck: Je ne veux pas dire que c'est dans la loi actuellement en vigueur.

Je crois comprendre que c'est prévu dans le projet de loi à l'étude dans le cas où une province ne respecte pas les critères d'octroi du certificat de sécurité.

Mme MacGillivray: Nous ne nous y opposons pas, mais je rappelle qu'aucune échéance n'est prévue. Il faudra peut-être attendre encore 16 ans pour que quelqu'un s'aperçoive de l'absence d'uniformité dans les normes. Nous élaborons un code canadien de sécurité depuis 1967 et nous n'en sommes pas encore arrivés à ce stade.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que vous voudriez que l'on fixe des dates d'entrée en vigueur de tous ces codes de sécurité?

Mme MacGillivray: Nous voudrions de fortes motivations, qu'il s'agisse d'une prorogation échelonnée ou d'une échéance ferme, ce qui n'exclut pas la possibilité qu'il y ait des problèmes et qu'une province ait de bonnes raisons de poursuivre les discussions. Nous voulons que le gouvernement fédéral nous assure qu'il est décidé à aider certaines provinces à mettre en oeuvre une norme nationale.

Le sénateur Callbeck: En leur donnant davantage de fonds?

Mme MacGillivray: C'est bien cela. L'étude du problème est plus avancée dans certaines provinces que dans d'autres. L'Ontario a un code de sécurité en place depuis 18 mois. Le Québec est en train d'en mettre un en vigueur. Des codes sont mis en place dans les provinces maritimes et peut-être même en Alberta. La situation varie beaucoup d'une région à l'autre.

Le sénateur Callbeck: Le gouvernement fédéral accordait des subventions aux provinces. Ces subventions n'ont-elles pas été suspendues en l'an 2000?

Mme MacGillivray: Je crois qu'elles ont été suspendues avant cela. Au tout début, le gouvernement fédéral finançait plusieurs programmes; il a toutefois cessé de le faire en raison des mesures de réduction du déficit.

Le sénateur Callbeck: Voulez-vous dire qu'actuellement les provinces ne reçoivent plus de subventions du gouvernement fédéral pour ces programmes?

Mme MacGillivray: C'est bien cela, à ce que je sache.

Le sénateur Eyton: Je suis un peu étonné de vous voir ici. Je ne dis pas que vous n'êtes pas la bienvenue; votre présence nous fait plaisir. Je suis associé à diverses entreprises qui sont membres de votre association et j'ai beaucoup de difficulté à imaginer qu'un expéditeur de la fonderie de Noranda pense à un régime de conformité aux normes de sécurité, à un Code canadien de sécurité ou à quelque autre réglementation analogue. Je pensais qu'étant donné la nature de sa profession, un expéditeur essaie de trouver quelqu'un de fiable, dont il est assuré d'obtenir un bon service à un prix raisonnable. J'ai de la difficulté à croire que les questions dont nous sommes en train de discuter occupent une très grande place dans les délibérations de votre association. C'est pourquoi je suis un peu étonné de vous voir ici.

Est-ce que cela veut dire que c'est un problème qui vous préoccupe et dont vous discutez?

Mme MacGillivray: C'est bien cela. Nous accordons beaucoup d'importance à la sécurité. L'expéditeur qui choisit un transporteur tient à réduire le plus possible les risques et une des formules les plus efficaces consiste à vérifier si le transporteur éventuel respecte les règlements. Les grandes entreprises qui font partie de notre association peuvent exiger, surtout lorsqu'elles tiennent des dossiers à cet égard, que les camionneurs leur communiquent leurs cotes de sécurité ou leur montrent leurs feuilles de conformité ou leurs certificats d'enregistrement du conducteur du véhicule utilitaire.

Le sénateur Eyton: Est-ce une pratique courante?

Mme MacGillivray: Bien sûr. Mes membres font cette vérification. Cependant, pour obtenir des renseignements utiles, il faut les demander au transporteur. Des accidents surviennent parfois, surtout lorsque les routes sont plus congestionnées et que les camionneurs doivent tenir compte des autres automobilistes et des risques que comporte le transport de marchandises.

Le sénateur Eyton: Les expéditeurs canadiens obtiennent-ils de bons services et de bons prix par rapport à leurs homologues américains? Existe-t-il des statistiques à ce sujet?

Mme MacGillivray: Je pense que oui.

Le sénateur Eyton: Le transport de marchandises est-il plus coûteux pour les Canadiens?

Mme MacGillivray: C'est difficile à dire à cause de la différence de valeur des deux devises. Je dirais que les systèmes sont comparables bien qu'il soit difficile d'établir une comparaison du fait que les réglementations et la gestion de la question de la sécurité sont très différentes.

C'est désolant de voir qu'un pays qui ne compte que 10 provinces semble avoir plus de difficulté à adopter une vision nationale en matière de sécurité qu'un pays composé de 50 États.

Le sénateur Eyton: Pour en revenir aux expéditeurs, estimez-vous qu'ils sont concurrentiels par rapport aux expéditeurs américains?

Mme MacGillivray: Je n'ai pas entendu de plaintes à ce sujet. L'industrie du camionnage ne manque pas d'intervenants qui veulent devenir concurrentiels.

Le sénateur Eyton: Vous avez dit que les normes étaient différentes et je reconnais que, dans ce domaine, le manque d'uniformité cause des problèmes. Y a-t-il des transporteurs qui se rapprochent de la perfection? Il me semble que, quand on atteint les niveaux supérieurs à tous les égards, tout le monde est satisfait et on n'a pas de problèmes. Est-ce parfois le cas ou est-ce une question idiote?

Mme MacGillivray: L'Ontario semble être en avance sur les autres provinces à cet égard mais cette province applique des principes différents en matière de vérification de sécurité.

Le sénateur Eyton: Par conséquent, ne s'agit-il pas davantage d'une question de conformité que d'une question de normes?

Mme MacGillivray: Les normes ont malgré tout de l'importance également. L'Ontario exige que tous les camionneurs se soumettent à une inspection sur les lieux. Un inspecteur examine tous les dossiers, peu importe le degré de conformité du transporteur et peu importe qu'il ait été impliqué dans un accident ou dans une centaine d'accidents. Dans d'autres provinces, il est possible que le transporteur fasse l'objet d'une vérification parce qu'il a transgressé maintes fois les règlements ou que son taux d'accidents est élevé. Dans plusieurs provinces, les inspections sont même faites au hasard. C'est là le problème. Est-ce qu'un de mes membres jugé sûr à l'Île-du-Prince-Édouard aura la même cote de sécurité au Manitoba?

Le sénateur Eyton: Je pensais à la province où les règlements sont les plus stricts, qui est peut-être l'Ontario.

Mme MacGillivray: Oui, l'Ontario et le Québec ont une réglementation assez efficace.

Le sénateur Eyton: Recommandez-vous que le gouvernement fédéral se contente d'adopter un Code canadien de sécurité et qu'il collabore en octroyant des fonds pour ce qui est de la conformité? Les provinces et Ottawa en discutent depuis longtemps mais ces discussions n'ont pas encore abouti à grand-chose.

Mme MacGillivray: Une certaine délicatesse est toujours nécessaire. Ce sont des normes qui seront mises en oeuvre et appliquées dans les provinces. Il est nécessaire de les consulter pour savoir quelle est la meilleure formule. Nous avons besoin d'une carotte et d'un bâton pour que tous les intervenants aboutissent au même point.

Le sénateur Eyton: Nous ne sommes pas encore arrivés à ce stade après des années d'efforts. Au cours d'une autre séance, on nous a dit qu'environ 75 p. 100 des recettes réalisées dans l'industrie du transport routier viennent du transport international ou interprovincial.

C'est incontestablement un domaine de compétence fédérale. N'est-il pas temps de dire à tous les intéressés de cesser de jouer aux plus fins, de leur dire quelle est la norme et comment s'y conformer? Il me semble que, compte tenu des intérêts financiers que vous avez dans ce secteur, vous avez beaucoup à dire à ce sujet.

Mme MacGillivray: La consultation est toujours nécessaire. Comme je l'ai déjà signalé, les provinces ont des problèmes entre elles. Je ne pense pas que ce soit volontaire. Elles ont des problèmes à propos de diverses règles et de la façon de les mettre en oeuvre. C'est ce qu'il faut admettre.

Le sénateur Eyton: Combien de temps leur donneriez-vous? La situation ne peut persister indéfiniment. On ne peut pas continuer pendant des années à tergiverser, et à apporter un petit changement ici et là et à essayer de dégager un consensus. Il semble que le gouvernement fédéral, puisqu'il a compétence dans le secteur qui représente les trois quarts des recettes, devrait prendre la tête des opérations.

Mme MacGillivray: À première vue, je crois qu'un délai de six mois serait un peu trop court. Il serait raisonnable de faire le bilan après environ quatre ans, si le projet de loi renferme un quelconque mécanisme d'examen. Il y a des programmes à mettre en oeuvre. Dans certains cas, le démarrage prendra un certain temps.

Certaines provinces n'ont même pas encore commencé à s'intéresser au volet code de sécurité du système national de cotation en matière de sécurité. Il faudra plus de temps mais je dirais qu'un délai de sept à dix ans serait peut-être un peu trop long. Un délai de trois à cinq ans me semblerait raisonnable.

Le sénateur Adams: Combien de membres compte votre association? Sont-ils tous de l'Ontario ou viennent-ils de toutes les régions du pays?

Mme MacGillivray: Nous sommes un organisme national. Nous avons des membres de toutes les provinces, que ce soit parce que la maison mère y est située ou parce que l'entreprise y a des usines. Je connais mieux les règlements ontariens que ceux des autres provinces. Nous comptons de grandes et de petites entreprises parmi nos membres.

La plupart des normes d'achat de services de transport sont établies par les grandes entreprises. Il serait d'utilité publique de faire en sorte que les PME du secteur de l'expédition puissent disposer des outils nécessaires pour s'assurer que les transporteurs auxquels elles envisagent de s'adresser aient de bons antécédents en matière de conformité aux règlement de sécurité.

Le sénateur Adams: Votre association offre-t-elle des programmes de formation dans le domaine de la sécurité ou de l'octroi de permis?

Mme MacGillivray: La solution la plus facile serait d'avoir accès à une base de données centrale sur Internet. Si un représentant du service des ventes d'une entreprise de camionnage venait dans votre bureau, vous pourriez avoir accès à son dossier canadien; il suffirait d'entrer son nom. On présume donc qu'un transporteur qui a le droit d'aller aux États-Unis respecte les règlements de sécurité. C'est ce que nous voudrions obtenir.

Le sénateur Adams: Un conducteur ne conduit pas tous les jours dans les mêmes conditions météorologiques. La nuit, il fait sombre. Ils doivent parfois conduire dans de la pluie verglaçante ou de la neige. Le problème est que la sécurité dépend tantôt du conducteur, tantôt du camion ou encore de l'état des routes.

Je voyage surtout en avion. Le pilote fait parfois une halte quelque part et fait une inspection visuelle pour vérifier si aucune pièce n'a tendance à se détacher.

Comment procède-t-on dans le secteur du transport routier? Le conducteur doit-il vérifier les pneus pour voir si rien ne s'est desserré, par exemple? Y a-t-il un carnet de sécurité dans le camion?

Mme MacGillivray: Ce sont des questions de gestion qui concernent l'entreprise de camionnage et dont les expéditeurs ne s'occupent pas.

Si un camionneur est arrêté parce qu'il enfreint les règlements ou que l'on découvre que les carnets de route ne sont pas exacts, ce sera indiqué dans le dossier de sécurité. Une vérification au hasard est faite chaque année, vers la mi-juin. Toutes les provinces ont une journée de vérification de la sécurité. Il y a une journée nationale de la sécurité routière. Les diverses provinces font des vérifications pour essayer d'identifier certains des problèmes que vous mentionnez.

Les expéditeurs se fient à la cote globale attribuée par une province à un transporteur. C'est cette cote qui leur permet de déterminer si un transporteur se conforme aux normes de sécurité. Je ne pense pas que vous ayez jamais l'occasion de voir un expéditeur faire le tour du camion quand celui-ci arrive au quai de chargement. Encore faudrait-il avoir les qualifications nécessaires pour faire ce genre de vérification. Ce travail n'entre pas dans les cordes de l'expéditeur.

Le sénateur Forrestall: Nous tenons tous à ce que la sécurité soit assurée, ça ne fait aucun doute. C'est dans l'intérêt du fournisseur du service et de son client.

Vous avez mentionné, dans les commentaires que vous avez faits au sujet des observations du sénateur Eyton, que les derniers changements marquants remontent aux années 80. Nous sommes maintenant au début du troisième millénaire.

Lorsque j'étais en Nouvelle-Écosse, j'ai collaboré avec d'autres premiers ministres et avec les autorités fédérales pour essayer d'instaurer un code national de sécurité, c'est-à-dire un comptoir unique en quelque sorte. Nos efforts n'ont pas été fructueux. Si l'on se compare à l'Europe ou à toute autre région du monde qui se développe rapidement, on constate que notre système n'est pas efficace. Il ne résout pas nos problèmes. Il ne donne pas la moindre indication de l'objectif que nous poursuivons, si ce n'est que nous essayons de nous débrouiller pour avoir plus de place sur la route, ce qui congestionne la circulation et épuise les ressources financières destinées à l'entretien du réseau actuel. La sécurité du réseau se détériore et c'est un cercle vicieux.

Quelqu'un pourrait-il mieux accomplir cette tâche que les autorités municipales, provinciales ou fédérales? Qu'arriverait-il si nous accordions 800 millions de dollars au secteur privé, c'est-à-dire aux camionneurs, pour résoudre le problème? Je serais bien disposé à leur accorder un délai de 20 ans. Ils feraient peut-être une percée. Des analystes d'infrastructure américains renommés affirment que nous faisons du surplace. Tant que les politiciens tergiverseront, on n'osera pas construire une route à travers un marécage parce que des oiseaux y ont fait leur nid. On ne prendra pas de décisions.

Dans certains cas, on prendra peut-être une décision rigoureusement correcte mais qui ne favorisera pas nécessairement la sécurité ou qui ne sera pas utile au fournisseur du service ni à son client. Où allons-nous? Il est peut-être temps de regarder dans une autre direction ou d'examiner d'autres options.

C'est pourquoi je vous ai dit tout à l'heure qu'une organisation comme la vôtre devrait peut-être s'attaquer à ces problèmes elle-même. On saurait au moins que, lorsque vous aurez trouvé une solution qui convienne aussi bien à l'utilisateur qu'au producteur -- c'est-à-dire aux personnes qui se soucient de la question de sécurité, qui est ma principale préoccupation --, ce sera peut-être la bonne.

Vous ne trouverez pas cette solution tant que vous compterez uniquement sur les représentants élus pour la trouver. Si vous posez la question aux autorités de la Région du Grand Toronto, par exemple, un élu voudra que le Gardiner Expressway passe à un endroit précis alors qu'un autre proposera un autre endroit. Dans ce scénario, on ne tient nullement compte de l'avis du consommateur du service ni de celui du fournisseur. Ils n'ont pas voix au chapitre.

Divers organismes suggèrent des solutions dans le cadre des congrès annuels concernant le secteur des transports. J'observe et je lis avec beaucoup d'espoir et d'enthousiasme mais, un an plus tard, je me demande ce qu'on a fait de ces suggestions. Rien n'a changé. Elles ont été ignorées par les bureaucrates, parce que les divers paliers politiques ont des objectifs contradictoires quoique probablement souhaitables.

Je voudrais savoir ce que vous pensez de l'éventualité d'un contrôle du réseau routier par le secteur privé. Je n'ai pas la moindre idée du montant des crédits que le gouvernement fédéral transfère aux provinces pour la Transcanadienne en vertu de cette formule. Est-ce 800 millions de dollars? Ne serait-ce qu'une goutte d'eau dans l'océan?

M. Martin Brennan, conseiller spécial, Bibliothèque du Parlement: Les sommes que le gouvernement fédéral dépense actuellement sont très inférieures à ce chiffre. Je pourrais vous donner le chiffre exact dans une minute.

Le sénateur Forrestall: Qu'il s'agisse de 80 millions de dollars ou de 220 millions de dollars, cela n'a guère d'importance. Ce que je voudrais savoir, c'est s'il ne serait pas plus efficace de laisser au secteur privé l'occasion de résoudre les problèmes de transport.

J'ignore ce qu'il faut faire par exemple des taxis dans le centre de Toronto.

Que pensez-vous d'une éventuelle «privatisation» de certains de ces problèmes majeurs?

Mme MacGillivray: Il ne me viendrait pas à l'esprit de refuser 800 millions de dollars. Il ne faut toutefois pas oublier qu'aucun groupe ne possède toutes les solutions. C'est en permettant au secteur privé d'essayer de résoudre un problème spécifique en 1999 que le gouvernement fédéral a créé CN Rail. J'ai par conséquent quelques doutes en ce qui concerne votre suggestion. On construit généralement des routes pour le commerce, c'est un fait. On construit des routes et toute une infrastructure routière pour pouvoir transporter les marchandises. Du fait que la mobilité des populations s'est accrue, leurs intérêts entrent également en ligne de compte. Le secteur privé peut-il résoudre tous les problèmes d'infrastructure routière? Il pense certainement qu'il en est capable. Cependant, un bon nombre de Canadiens seraient peut-être laissés pour compte.

Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce domaine parce qu'il s'agit d'une question d'intérêt national. Si le gouvernement fédéral ne prend pas la direction des opérations, le système de transport canadien, en raison même de son manque d'uniformité, se détériorera au point d'être finalement paralysé. Le problème est que, depuis un certain temps, il n'y a plus aucune vision nationale; nous avons laissé nos avoirs se détériorer parce que les responsables n'ont pas pris leurs responsabilités. Je ne pense pas que ce problème puisse être résolu en confiant ces responsabilités à un seul groupe d'intérêt.

Le sénateur Forrestall: Qui est, bien entendu, l'industrie. Vous préconisez en quelque sorte le même genre de solution que moi. Je vous propose divers outils pour régler le problème.

Je comprends bien votre réticence. Je vous signale seulement que toutes les tentatives de plusieurs gouvernements, libéraux, conservateurs ou socialistes, ont échoué au cours des 35 ou 40 dernières années. Nous n'avons pas été en mesure d'unir nos efforts pour faire progresser la cause de la sécurité. Il faut essayer de trouver un moyen d'y parvenir. Nous ne pouvons pas continuer de faire des efforts dans le vide jusqu'à la fin du siècle.

Nous n'avons plus eu d'orientation précise depuis 20 ou 30 ans, bien que nous ayons apporté divers changements et fait quelques accommodements. La situation ne s'est toutefois pas améliorée du tout, ni la vitesse d'acheminement. Dans les années 20, le transport de la marchandise par le chemin de fer national se faisait à une cadence de 3,5 milles à l'heure et celle-ci n'a même pas atteint plus de quatre milles à l'heure de nos jours. Je voudrais voir les chiffres correspondants pour le transport routier. Je ne pense pas que ce mode de transport soit beaucoup plus rapide. Nous prenons certaines initiatives pour accommoder la production mais la situation ne changera pas. Je deviens très affirmatif, mais je ne vois pas d'issue. Je vous remercie. J'apprécie vos commentaires.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous des préoccupations en ce qui concerne le nombre d'heures de travail des conducteurs dans l'industrie du transport routier? C'est au Canada qu'il est le plus élevé, si je ne me trompe. On propose de l'augmenter encore. Est-ce que cela vous préoccupe ou y a-t-il d'autres questions qui vous préoccupent?

Mme MacGillivray: Je crois que la proposition dont on discute actuellement consiste à réorganiser les heures de travail autorisées. Des études canado-américaines ont été faites sur la structure du sommeil, ce qui peut paraître étrange. Ces études avaient toutefois pour but de déterminer le degré de vigilance des chauffeurs pendant leurs heures de travail. Elles indiquent quand les chauffeurs sont les plus alertes et combien d'heures de sommeil sont nécessaires pour qu'ils demeurent suffisamment vigilants lorsqu'ils conduisent sur de longues distances. Les deux pays ont proposé divers changements en s'inspirant des conclusions de ces études. Le Canada a adapté ces changements au contexte canadien. En effet, plus on s'éloigne de la frontière et plus les centres urbains sont éloignés les uns des autres. Un camionneur épuisé ne tient pas à se retrouver, après avoir roulé cinq heures sans arrêt, à 200 kilomètres à l'ouest de White River, où l'on ne voit rien d'autre que des animaux sauvages. Ces changements ont donc été adaptés aux besoins particuliers du Canada.

Les changements qui ont été suggérés sont fondés sur des données et sur des théories scientifiques sérieuses. On est probablement en train d'en discuter pour déterminer si c'est un changement raisonnable qui permettra de maintenir le niveau de productivité des transporteurs et, par conséquent, des expéditeurs.

Les normes sont raisonnables. Les changements proposés sont raisonnables. C'est le point de vue d'une simple observatrice. Les associations d'entreprises de camionnage devraient avoir une opinion beaucoup plus intéressante que la mienne à ce sujet. C'est une question qui est de leur compétence et qui relève de la gestion des camionneurs.

Le sénateur Callbeck: Les heures ne vous préoccupent pas. Avez-vous d'autres préoccupations importantes au sujet de la situation actuelle dans l'industrie du transport routier?

Mme MacGillivray: J'insiste sur le fait que, ce qui nous préoccupe, c'est l'absence d'une vision unifiée ou nationale en ce qui concerne l'optimisation des services de transport routier, ferroviaire et maritime, pour les 20 prochaines années. Nous tenons à ce que les expéditeurs soient obligés de s'assurer que les transporteurs qu'ils engagent respectent les règles de sécurité et qu'ils disposent des outils nécessaires pour y arriver. Ce qui nous intéresse, c'est un accès concurrentiel pour le Canada aux marchés américain et mexicain. Nous avons diverses préoccupations au sujet de l'industrie du transport routier mais aucune qui laisse présager une catastrophe imminente.

Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne le code de sécurité, est-il juste d'affirmer que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative, c'est-à-dire qu'il devrait établir un calendrier avec l'aide des provinces et leur accorder des crédits pour mettre en oeuvre les divers volets du code de sécurité?

Mme MacGillivray: Oui, c'est bien cela.

La présidente: Merci, madame MacGillivray. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

Nos témoins suivants sont des représentants de l'Association des produits forestiers du Canada.

Nous souhaitons la bienvenue à M. Murray et à M. Terry. Allez-y.

M. David W. Church, directeur, Transport, recyclage et achats, Association des produits forestiers du Canada: Honorables sénateurs, merci de nous donner l'occasion d'exprimer nos opinions au sujet du projet de loi S-3.

Je précise que Domtar a des usines dans les localités suivantes: à Windsor (Québec), à Cornwall (Ontario), à Ottawa-Hull, à St. Catharines et à Espanola (Ontario), ainsi qu'à Vancouver (Colombie-Britannique). Vous devriez avoir reçu des exemplaires de notre mémoire dans les deux langues officielles. Nous en avons envoyés la semaine dernière mais il nous en reste encore quelques exemplaires.

Comme vous pouvez le constater, nos préoccupations sont assez spécifiques et elles portent sur le maintien du contrôle fédéral sur les lettres et les conditions de transport en ce qui concerne le camionnage extraprovincial et international. Certains ou certaines d'entre vous se posent peut-être des questions au sujet de l'Association des produits forestiers du Canada (APFC). L'APFC a été créée le 1er février 2001, après un an d'efforts de la part d'un groupe de p.-d.g. convaincus que l'industrie des produits forestiers devait adopter une position unique au sujet des problèmes fédéraux et internationaux et qui ont approuvé une recommandation portant sur le remplacement de l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers par un nouvel organisme regroupant un plus grand nombre d'entreprises. Outre les sociétés qui produisent la pâte et le papier, l'Association des produits forestiers du Canada représente aussi des entreprises fabriquant des produits en bois massif.

L'an dernier, l'industrie a expédié un volume record de 31,6 millions de tonnes de produits forestiers au Canada et dans plus de 100 autres pays. Les expéditions en Amérique du Nord ont atteint environ 21,7 millions de tonnes, soit 69 p. 100 du total. Bien que nos membres utilisent surtout le transport ferroviaire pour acheminer leurs produits, le transport routier a gagné en importance au cours des dernières années, surtout pour les courtes distances et pour le transport à partir des usines situées dans des centres urbains ou près de ceux-ci.

Nos membres négocient des tarifs marchandises avec les transporteurs routiers, et la lettre de transport uniforme ainsi que les conditions de transport prévues par la loi constituent des éléments de base pour le camionnage extraprovincial et international des produits forestiers.

En vertu de la Loi de 1987 sur les transports routiers, les régies des transports des diverses provinces ont le pouvoir d'émettre un permis à une personne qui voulait exploiter une entreprise de camionnage extraprovincial selon des modalités semblables à ce qui aurait été fait si cette entreprise avait été une entreprise de camionnage local. C'est cette disposition qui permet d'uniformiser la lettre et les conditions de transport entre les diverses provinces. Aux termes de ces dispositions, il n'est plus nécessaire de négocier des modalités de transport avec chacun des nombreux transporteurs routiers auxquels notre industrie fait appel. De plus, elles assurent l'uniformité des droits et obligations des expéditeurs et des transporteurs et garantissent dans une large mesure leur interprétation uniforme. L'APFC recommande vivement de maintenir ce principe même si les dispositions de la LTC de 1987 lui donnant effet sont abrogées avec l'adoption du projet de loi S-3.

L'alinéa 16.1(1)h) du projet de loi S-3 permet au gouvernement fédéral de prendre des règlements pour la réalisation des objectifs du projet de loi et de prévoir les conditions de transport et la limitation de responsabilité applicables aux entreprises extraprovinciales de transport routier. L'alinéa 16.1(2)b) prévoit qu'un règlement pris aux termes du paragraphe (1) peut incorporer par renvoi tout ou partie d'un texte, avec ses modifications successives, notamment toute règle de droit provinciale relative aux entreprises de transport routier.

Dans notre correspondance avec la sous-ministre des Transports, dont copie est jointe aux présentes, on nous a assurés que les dispositions du projet de loi S-3 garantiront le maintien de la lettre de transport uniforme et des conditions de transport qui régissent actuellement les ententes entre les expéditeurs et les transporteurs routiers portant sur le transport routier extraprovincial. Bien que l'APFC soutienne l'adoption du projet de loi S-3, elle recommande que les deux alinéas en question soient maintenus sans modifications importantes, compte tenu des garanties données par Transports Canada.

L'APFC vous prie en outre de recommander au gouvernement d'adopter une réglementation fédérale qui incorpore par renvoi les dispositions provinciales concernant la lettre de transport et les conditions de transport, parallèlement à l'entrée en vigueur du projet de loi S-3. Il sera ainsi possible de s'assurer que la lettre de transport uniforme et les conditions de transport prévues par la loi ne présentent pas de défaillances du point de vue de leur efficacité extraprovinciale.

M. Terry et moi-même répondrons avec plaisir à vos questions.

La présidente: À la page 3 de votre exposé, vous recommandez au gouvernement d'adopter «une réglementation fédérale qui incorpore par renvoi les dispositions provinciales concernant la lettre de transport uniforme et les conditions de transport». À quel genre de problèmes faites-vous allusion en cas d'adoption d'un règlement fédéral?

M. Church: Nous voulons nous assurer que les dispositions actuelles concernant la lettre de transport continuent de s'appliquer au transport extraprovincial et international, autrement dit que le régime actuel soit maintenu quand le projet de loi entrera en vigueur. Ce que nous voulons, c'est que le régime actuel soit maintenu après l'adoption du projet de loi S-3 et que l'on adopte ou promulgue une réglementation fédérale stipulant que les lettres de transport resteront valides.

Le sénateur Forrestall: Je n'ai peut-être pas tout entendu mais j'ignorais que l'on comptait abandonner le régime actuel. Qu'est-ce qui vous fait craindre cela?

M. Church: Le document de travail paru il y a environ trois ans faisait allusion à l'abrogation de tous les règlements à caractère économique concernant les transports routiers. D'après ce document, les seuls points qui devaient être maintenus étaient ceux concernant la sécurité.

Nous n'y voyons aucun inconvénient, sauf en ce qui concerne la disposition concernant les lettres de transport dans le contexte du transport extraprovincial et international, indiquant que le gouvernement fédéral doit conserver le pouvoir dans ce domaine, parce qu'il est le seul à avoir compétence en la matière.

Lorsque les projets de loi précédents ont été présentés, c'est-à-dire le projet de loi C-77 et le projet de loi C-28, si j'ai bonne mémoire, nous voulions seulement nous assurer que cette disposition ne soit pas supprimée. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous craignons qu'on la laisse tomber dans le cadre des délibérations de votre comité et de celles de la Chambre des communes. Nous estimons qu'il est important de s'assurer que la lettre de transport et les conditions de transport uniformes restent en vigueur. Le seul qui puisse le faire est le gouvernement fédéral parce qu'il est le seul à en avoir le pouvoir. Par conséquent, c'est davantage par mesure de précaution que parce que nous sommes préoccupés au sujet des dispositions du projet de loi. Nous tenons à ce que cette disposition soit maintenue. Elle nous plaît telle qu'elle se présente actuellement.

Le sénateur Forrestall: Qui aurait avantage à ce que l'on supprime ces deux articles et pour quelles raisons?

M. Church: Je ne sais pas très bien qui cela pourrait avantager. Quelques transporteurs peut-être. En toute franchise, je ne le sais pas trop. C'est surtout une mesure de précaution. Je ne sais pas très bien qui aurait intérêt à ce qu'on les supprime.

Le sénateur Forrestall: Je préférerais vous poser des questions au sujet de nos voisins du Sud. J'avoue sincèrement que nous n'avons pas eu de discussion sérieuse sur le sujet. Nous sommes conscients que le problème subsiste. Je me demande pourquoi mais je ne sais pas qui essaie de le régler.

M. Church: En fait, le projet de loi est la solution que nous cherchions. Nous l'appuyons. Généralement, lorsque des représentants de notre secteur témoignent devant un comité parlementaire, c'est que nous avons des préoccupations au sujet d'une disposition ou l'autre ou que nous essayons d'obtenir des modifications. Dans ce cas-ci, nous appuyons le projet de loi.

Le sénateur Forrestall: Parfois, on progresse à pas de géant et dans d'autres cas, on avance à tout petits pas. C'est ce qui se passe en l'occurrence.

Je me demande si nous pourrions changer de sujet pendant une minute ou deux, pour nous pencher sur la question que nous essayons de régler, à savoir celle du code. Avez-vous des critiques à faire à ce sujet? Estimez-vous que l'on progresse dans la bonne direction? La progression est-elle assez rapide ou trop lente? Avez-vous des observations d'ordre général à faire au sujet des objectifs visés par ce projet de loi?

M. Church: Comme je l'ai signalé, M. Terry a des usines au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique et, à la suite des fusions dans notre secteur, certaines entreprises ont maintenant des filiales partout au pays. Nous voudrions des normes uniformes. Nous voudrions des normes uniformes en ce qui concerne le poids et les dimensions des véhicules, la taille de l'équipement qui voyage sur les routes, les heures de travail des chauffeurs et le code de sécurité. Nous saurions alors qu'un camion semi-remorque qui prend un chargement à Québec peut le transporter au Manitoba, que la norme du Québec est applicable dans tout le pays et, idéalement, dans toute l'Amérique du Nord.

Le sénateur Forrestall: C'est intéressant. Pourquoi n'avez-vous pas dit dans toutes les Amériques?

M. Church: Dans notre secteur, on utilise le transport de surface surtout pour le Canada et les États-Unis. D'une façon générale, lorsqu'on expédie de la marchandise plus au sud, c'est par navire.

Le sénateur Forrestall: Elle est expédiée par navire.

M. Church: C'est exact. Elle va à l'étranger.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que c'est aussi le cas pour le transport dans la région de la côte Est et vers l'Europe? Le transport vers l'Europe se fait, bien entendu, par navire, mais est-ce que vous faites transporter la marchandise par navire de Vancouver à Liverpool, par exemple?

M. Church: Oui. Dans notre secteur, la marchandise comme la pâte et le papier journal produits en Colombie-Britannique, provient en majeure partie d'usines situées dans des régions éloignées. Si elle est destinée à l'exportation, elle est acheminée surtout par chemin de fer jusqu'au port de Vancouver, puis par navire.

En ce qui concerne le papier journal par exemple, un certain tonnage est expédié le long de la côte de la Colombie-Britannique en Californie. Un certain tonnage est acheminé par navire de la côte Est vers les Carolines et la Floride. Cependant, la majeure partie de la marchandise destinée à l'Amérique du Nord est transportée par chemin de fer ou par camion.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que la quantité de marchandise transportée par camion augmente?

M. Paul Terry, gestionnaire principal, Transport et logistique, Domtar Inc., Association des produits forestiers du Canada: Cela dépend du type de marchandise que l'on vend.

Le sénateur Forrestall: Des billes rondes, par exemple.

M. Terry: Les billes rondes sont généralement expédiées des chantiers d'abattage vers les scieries. Celles-ci sont le plus souvent situées à proximité des chantiers, si bien que l'on utilise le transport routier, qui est plus efficace pour les courtes distances. La plupart des matières premières sont transportées par camion parce que les usines se trouvent à proximité du lieu d'où l'on tire la matière première. En ce qui concerne les produits finis, cependant, notre marché s'étend à toute l'Amérique du Nord et c'est plutôt le client qui décide. C'est le client qui choisit le mode de transport, généralement en fonction du volume de la marchandise. Si un client dont l'entreprise n'est pas dotée d'une voie ferrée nous passe une commande, c'est à nous de lui livrer la marchandise par le mode de transport qui peut être utilisé.

Quand il s'agit de transport sur de longues distances et que le client ne peut recevoir la marchandise que par camion, nous décidons parfois d'utiliser le chemin de fer sur un tronçon important puis de recharger la marchandise sur un camion pour la livrer. Nous utilisons diverses combinaisons de modes de transport pour livrer la marchandise à la clientèle.

Le problème en ce qui concerne la plupart de nos produits est que nous devons effectuer des livraisons juste à temps. Par conséquent, nos clients nous disent à quel moment exact ils veulent que le produit soit livré. C'est plutôt le client qui décide que nous. Nous devons nous organiser à l'usine pour fabriquer et expédier la marchandise à temps pour qu'elle puisse être livrée au client quand il en a besoin.

Le sénateur Forrestall: À propos de sécurité, quelles sont les principales causes d'accidents dans lesquels sont impliqués les camions transportant du bois d'oeuvre et des produits ligneux? Est-ce que, d'une manière générale, les causes d'accidents sont les mêmes qu'il y a 10 ou 20 ans? Est-ce que les causes des accidents qui se produisent actuellement ont changé la nature de l'accident lui-même?

M. Terry: La plupart des accidents graves qui nous ont été signalés ont été causés par les conditions météorologiques. La présence de glace noire sur les routes du nord du Québec ou du nord de l'Ontario est fréquente. La plupart des accidents ne sont pas nécessairement des accidents de la circulation. Ça ne veut pas dire que nous n'ayons jamais eu d'accidents dans des zones urbaines. La plupart des accidents dont je me souvienne sont des accidents n'impliquant qu'un seul véhicule et dus uniquement aux conditions météorologiques.

Le sénateur Forrestall: Des camions qui quittent la route ou perdent leur chargement.

M. Terry: Oui, ou le chauffeur qui perd le contrôle du camion dans un virage, par exemple.

Le sénateur Forrestall: Je suppose que c'est un bon présage et que c'est une preuve que la sécurité est primordiale pour tous les camionneurs. Un camion représente un investissement important. Je me demande quelle est la mentalité qui règne dans le secteur du camionnage en ce qui concerne le transport des grumes et des produits forestiers. Cette mentalité est-elle différente de celle des camionneurs qui transportent du blé, ce qui devient de plus en plus fréquent dans les Prairies?

M. Terry: Nous avons remarqué un changement technologique important depuis 20 ans. On voit maintenant des 18 roues et les camions sont beaucoup plus aérodynamiques et bien plus confortables pour les chauffeurs.

Le sénateur Forrestall: Ils roulent plus vite également.

M. Terry: Certains roulent un petit peu trop vite. Croyez-le ou non, certains camions sont dotés d'un contrôle de croisière. Il y a quelques innovations comme les odomètres journaliers, la technologie des puces et l'informatique. Les compteurs et les compte-tours sont conçus de façon à savoir exactement à quelle vitesse roule le chauffeur et quel est le transfert des charges optimal pour économiser le carburant. Les camionneurs ont des données beaucoup plus détaillées sur l'efficacité de leur entreprise. Les expéditeurs peuvent se servir de ces renseignements pour former les nouveaux employés, adopter une technique de transfert progressif des charges pour économiser le carburant et concevoir des programmes de formation en sécurité plus efficaces pour les chauffeurs. La technologie les a aidés à réaliser des progrès.

Le sénateur Forrestall: Où en est-on en ce qui concerne la technologie des pneus?

M. Terry: Elle évolue considérablement. Certains transporteurs ont abandonné les remorques à axe double pour les remplacer par des remorques à un seul axe équipées de pneus plus larges. Cette technologie s'est avérée efficace et permet de réaliser des économies.

Quelques associations font des études sur la pression dans les pneus, pour déterminer les répercussions de certaines pressions sur le plan de l'efficacité ou de la sécurité et à d'autres égards. Nous faisons également des études dans l'industrie des produits forestiers.

Le sénateur Forrestall: Pensez-vous que je vivrai assez vieux pour pouvoir un jour aller de Halifax à Ottawa sans voir 200 ou 300 pneus éclatés le long de la Transcanadienne?

M. Terry: Je l'espère.

Le sénateur Forrestall: Quelqu'un a-t-il fait une estimation du nombre de pneus éclatés? Pour ainsi dire chaque fois que je vois des pneus éclatés, je constate qu'un camion suit pour les ramasser.

M. Terry: Une des difficultés est le coût d'échelle. Je ne sais pas combien coûte un pneu flambant neuf à l'heure actuelle, mais certaines compagnies vendent des pneus rechapés. La plupart des pneus que l'on voit le long des autoroutes sont des pneus rechapés.

Le sénateur Forrestall: Par mesure de sécurité, le pneu bon marché devrait être installé vers le milieu ou vers l'arrière du camion, là où c'est le moins dangereux. Je me demande quand on fabriquera un pneu qui peut tenir le coup, même quand il est trop gonflé ou dégonflé ou lorsqu'il entre en contact avec les bords de la route ou des nids de poule.

Les camionneurs sont-ils plus heureux qu'il a 10 ans? Leur condition s'est-elle améliorée et leur sécurité s'est-elle accrue?

M. Terry: Le camionneur d'aujourd'hui est très différent du camionneur d'il y a 15 ou 20 ans. Il est plus difficile de trouver des camionneurs aujourd'hui. Il y a forte pénurie de chauffeurs. Cependant, les fabricants ont recours à la technologie pour améliorer leur condition et accroître leur sécurité et, dans l'ensemble, la situation s'est améliorée.

M. Church: D'après certaines revues, l'industrie du transport routier a dû faire face à une pénurie de chauffeurs au Canada et aux États-Unis. Elle a dû offrir de meilleures conditions de travail. C'est ainsi dans le monde des affaires. Quand on veut attirer de bons opérateurs pour l'équipement, il faut leur offrir une certaine qualité de vie et leur permettre de rentrer chez eux régulièrement. L'industrie du transport routier est en train de répondre à ces besoins.

Le sénateur Forrestall: Quel est le roulement chez les chauffeurs? On voit des jeunes qui conduisent des mastodontes.

M. Church: J'ignore quel est le roulement dans l'industrie du transport routier.

Le sénateur Callbeck: Je suis certaine que vous êtes au courant des préoccupations qui ont été exprimées au sujet de la mise en oeuvre du code de sécurité, à savoir que certaines provinces sont en avance sur d'autres. Est-ce une question qui vous préoccupe beaucoup?

M. Church: C'est une préoccupation dans la mesure où nous avons recours à l'industrie du transport routier pour acheminer notre marchandise. La sécurité nous préoccupe. Toutes nos entreprises ont pour mission d'offrir un milieu de travail sécuritaire à leurs employés et de veiller à ce que le produit soit acheminé vers le marché en toute sécurité.

Tout ce que l'on peut faire pour améliorer la sécurité dans le milieu de travail et uniformiser les normes nous plaît. Nous sommes prêts à appuyer toute initiative de ce genre. Je ne sais pas très bien comment vous pourrez y arriver. Il est incontestable que nous souhaitons une certaine uniformité dans le nombre d'heures de travail des chauffeurs, dans les normes de sécurité et en ce qui concerne le poids et les dimensions des véhicules. L'uniformité, quand elle est possible, accroît l'efficacité.

Le sénateur Callbeck: Nous voulons uniformiser mais est-ce pour vous une préoccupation aussi forte que pour le témoin précédent. Je n'en ai pas l'impression.

M. Church: Ce n'est pas une préoccupation majeure pour nous. Il n'y a jamais eu d'uniformité en matière de sécurité. Par conséquent, nous avons dû nous y habituer. M. Terry est peut-être plus en mesure d'en parler que moi mais je n'ai pas entendu beaucoup de nos membres parler de l'absence de code national de sécurité.

M. Terry: Je dirais qu'un code national de sécurité nous permettrait de nous assurer que les transporteurs que nous engageons respectent les mêmes consignes et appliquent les mêmes règles. La plupart de nos usines sont en Ontario et au Québec. Nous expédions dans tout le pays. Nous avons en outre une usine à Vancouver qui expédie de la marchandise dans cette direction-ci.

La plupart des transporteurs que nous engageons vont dans l'Est et dans l'Ouest. Il est nécessaire pour nous de pouvoir utiliser leurs services de façon optimale, à l'aller et au retour, sans devoir se préoccuper des problèmes propres à ce secteur.

Nous voulons nous assurer que les transporteurs que nous choisissons pour acheminer nos produits appliquent des règles de sécurité et ont la formation, le personnel et l'infrastructure nécessaires pour offrir le genre de service qui nous intéresse.

Nous vendons généralement nos produits à destination; par conséquent, nous en sommes responsables jusqu'à leur arrivée chez le client. Nous voulons nous assurer que les transporteurs fassent preuve de la diligence voulue pour que le client reçoive nos produits à temps, tout en respectant les règles de sécurité.

C'est pourquoi nous tenons à nous assurer que les transporteurs que nous choisissons appliquent les mêmes principes. Si nous choisissons un transporteur qui n'applique pas les règles de sécurité et qui est constamment impliqué dans des accidents causant des dégâts ou retardant la livraison de nos produits, il est vain de lui réclamer des dédommagements parce que nous avons de toute façon perdu notre client.

Le sénateur Callbeck: Autrement dit, vous laissez le soin aux transporteurs de régler tous les problèmes qui surviennent parce que les provinces n'ont pas adopté le même code de sécurité ou ne le mettent pas en oeuvre à la même cadence?

M. Church: C'est à peu près cela.

Le sénateur Callbeck: N'est-ce pas votre problème aussi?

M. Church: C'est aux transporteurs des diverses provinces qu'il incombe d'élaborer le code national de sécurité, peut-être avec l'aide ou sous la supervision du gouvernement fédéral.

Le sénateur Callbeck: Cela me semble étonnant. Un des deux groupes qui témoignent ce soir met beaucoup plus l'accent sur cette question que l'autre.

Le CCATM a témoigné et a parlé de ses membres, qui sont très nombreux. Êtes-vous membre du CCATM?

M. Church: Nous sommes membre associé. Par conséquent, le CCATM nous tient au courant de ses activités. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec lui sur la question de la prévention du renversement de la cargaison. J'ignore si vous êtes au courant de cela, mais il s'agit de déterminer comment on peut s'assurer que le chargement sur une remorque plate ou fermée peut être disposé de manière à ce qu'en cas d'accident ou d'incident grave, la cargaison reste dans le véhicule.

Nous avons collaboré avec le groupe de travail du CCATM qui inclut les expéditeurs et les transporteurs canadiens, les provinces, l'association américaine des producteurs de produits forestiers et de papier, les expéditeurs, les transporteurs et les représentants des divers États américains -- pour élaborer une norme commune d'arrimage ou un règlement modèle en quelque sorte. Par conséquent, nous collaborons avec le conseil dans certains domaines. Cependant, en ce qui concerne des questions comme le nombre d'heures de travail des chauffeurs, nous avons tendance à laisser le soin de les régler à ceux et celles qui sont plus qualifiés que nous pour ce faire.

Le sénateur Callbeck: Autrement dit, vous n'êtes membre d'aucun des comités permanents du CCATM.

M. Church: Nous sommes seulement membre associé. Je ne crois pas que nous remplissions les conditions nécessaires pour faire partie de ses comités permanents.

Le sénateur Callbeck: Laisseriez-vous également aux transporteurs le soin de régler la question des heures de travail des conducteurs?

M. Church: Oui, en ce qui concerne l'élaboration des normes. Nous estimons qu'ils sont plus qualifiés que nous.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé du Québec. Vous avez dit que la charge permise change quand vous passez la frontière entre l'Ontario et le Manitoba. Comment vous arrangez-vous, lorsque la charge utile des camions varie d'une province à l'autre? Devez-vous respecter la norme de la province où vous allez? Comment réglez-vous ce problème?

M. Terry: Pour déterminer la charge utile au-delà des frontières provinciales, il faut se baser sur l'usine où le produit est fabriqué et sur la destination. Par exemple, si l'on expédie un produit d'une de nos usines du Québec à Detroit, nous devons nous baser sur la plus petite charge utile, parce que nous passons par le Québec, l'Ontario et l'État du Michigan. Nous devons nous assurer que notre charge utile n'est pas supérieure à la plus faible des trois. C'est un bon exemple.

Quand on transporte de la marchandise de Vancouver en Ontario, la situation est différente; nous pouvons avoir une charge utile plus élevée.

Généralement, nos clients ne veulent pas payer de suppléments. Le volume de leurs commandes ne dépasse donc pas la charge utile de sorte qu'il est inutile d'utiliser une remorque capable de supporter une charge utile plus élevée. Par conséquent, nous utilisons une remorque dont la charge utile est plus faible. Ce sont également les clients qui nous guident, selon la province où ils se trouvent. Nous devons nous adapter aux circonstances.

Le sénateur Adams: Y a-t-il des règlements sur les délais d'expédition de vos produits à l'étranger ou à travers le Canada? Avez-vous un certain nombre d'heures pour arriver à destination? Quelles sont les ententes entre l'acheteur et l'expéditeur en ce qui concerne les délais de livraison?

M. Church: D'une manière générale, on fait le calcul en se basant sur l'heure à laquelle le client veut que le produit soit livré. S'il veut que la cargaison arrive entre 14 heures et 16 heures à Detroit, on fait le calcul avec la compagnie de camionnage pour déterminer quand on doit charger le camion pour qu'il arrive à destination entre 14 heures et 16 heures.

C'est généralement ainsi que l'on procède. Le calendrier de production est établi de manière à ce que le produit soit fabriqué, entreposé, chargé sur le camion et arrive à destination entre 14 et 16 heures.

M. Terry: Il est généralement précisé, dans les contrats passés avec les transporteurs, que la livraison doit être faite dans des délais raisonnables. On établit des relations avec ses transporteurs en fonction de l'emplacement de l'usine et de la destination, si bien que l'on s'habitue au fait que, dans un rayon de 500 milles par exemple, la livraison se fasse le lendemain. Si la distance est plus longue, elle se fait en deux jours. On finit par connaître ces divers facteurs.

Par contre, si une marchandise doit être livrée un lundi matin, par exemple à Toronto, mais est toujours en cours de fabrication le vendredi, elle ne pourra arriver à temps à destination. Dans ce cas, les transporteurs offrent d'autres options, comme un camion avec deux chauffeurs, pour lequel il faut payer un supplément. Si l'on est en retard dans la fabrication et qu'il faille malgré tout livrer la marchandise dans les délais, on peut engager des chauffeurs qui travaillent en équipe. Dans ce cas, le camion roule sans arrêt.

Le sénateur Adams: Si un camion se retourne ou qu'un produit est endommagé, qui est responsable: le camionneur, vous ou la compagnie d'assurance?

M. Terry: Le transporteur doit avoir une assurance dommages corporels ou matériels aux tiers pour la marchandise. Lorsqu'il signe une lettre de transport, la marchandise est sous sa responsabilité jusqu'à l'arrivée à destination. Par conséquent, il est assuré. Si la marchandise est endommagée, l'expéditeur présente une réclamation contre le transporteur.

La présidente: Je vous remercie d'être venus témoigner. N'hésitez pas à nous envoyer de plus amples renseignements si vous en avez d'autres à nous donner. Ils seront communiqués aux membres du comité.

Honorables sénateurs, nous devons adopter ce soir le budget pour notre comité. Je dois témoigner devant le Sous-comité de la régie interne et j'ai besoin d'une motion.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous besoin d'une autorisation?

La présidente: Oui.

Le sénateur Forrestall: Je propose que le budget du Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit présenté. Le Sommaire des dépenses se trouve dans les documents que vous avez sous les yeux.

La présidente: Le budget total s'élève à 43 400 $. Je compte aussi aborder le sujet d'un sous-comité de la sécurité des transports.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

La présidente: Motion adoptée.

La séance est levée.


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