37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 9 mai 2001
OTTAWA, le mercredi 9 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 heures pour étudier le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion. Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil. [Français] La présidente: Nous recevons aujourd'hui M. Jean Sébastien, d'Action-Résau Québec. Je crois, M. Sébastien, que vous avez l'habitude de ce genre de témoignage. Vous allez faire votre présentation et par la suite, les sénateurs pourront vous poser des questions. La parole est à vous. M. Jean Sébastien, délégué, Action-Réseau Québec: Madame la présidente, je représente deux groupes, soit Action- Réseau Consommateur et la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec. Ce sont deux fédérations d'associations de groupes de défense des consommateurs de l'ensemble de la province du Québec qui sont en processus de fusion, processus entamé en juin dernier et qui devrait aboutir en octobre prochain. Nous croyons que l'amendement à la Loi sur la radiodiffusion donnerait aux Canadiens les conditions minimales pour qu'ils puissent faire valoir leurs préoccupations. L'adjudication éventuelle de frais pour les groupes représentatifs de citoyens, qui se présentent devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a pour objectif de donner plus de place aux citoyens dans la réglementation de la radiodiffusion en permettant aux groupes qui, comme le nôtre, représentent un nombre significatif de Canadiens de libérer du personnel qui pourra monter des argumentaires complets et, s'il y a lieu, recueillir les expertises nécessaires à la défense des intérêts des citoyens dans la machine réglementaire. Dans un premier temps, nous décrirons notre travail et notre engagement à défendre la parole citoyenne et les conditions qui permettent d'établir un équilibre entre les représentations de groupes comme les nôtres et les représentations des grandes corporations du milieu de la radiodiffusion. Nous indiquerons pourquoi il est important, sans doute encore plus aujourd'hui qu'hier, que puissent se faire entendre les citoyens et les consommateurs dans le processus juridique de réglementation du secteur de la radiodiffusion. Il faut d'abord rétablir l'équilibre entre les corporations et les citoyens. En fait, un amendement comme celui qui est à l'étude permet de rééquilibrer le rapport de force entre citoyens et corporations. L'ordre de grandeur des sommes que gèrent les corporations opérant des entreprises de radiodiffusion est sans commune mesure avec les moyens financiers des consommateurs et des groupes les représentant. Un tel déséquilibre entre les possibilités pour différentes parties de se faire entendre au cours d'un processus juridique ne correspond pas aux valeurs propres à notre système démocratique. Une participation efficace et informée des consommateurs est trop souvent inhibée par la faiblesse des moyens des groupes. Il nous est arrivé d'intervenir au CRTC sur des question liées à la radiodiffusion. Ainsi, au cours de la dernière année nous avons défendu nos positions dans le processus qui a abouti à l'attribution d'une licence pour la télévision des arts et dans le processus qui étudiait la pertinence d'élargir les territoires de licences pour les câblodistributeurs à la taille d'une province ou de plusieurs provinces, situation pour laquelle existe un précédent dans la distribution de chaînes de télévision par satellite. Dans tous les cas, de telles interventions posent la question du temps que notre personnel peut y consacrer. Il faut comprendre que presque tous nos revenus sont liés au développement de notre intervention dans un secteur particulier. Outre les cotisations de nos membres, moins du tiers des montants en subvention que nous recevons, quelque 150 000 $, nous est attribué pour notre fonctionnement de base. Pour un groupe qui intervient sur un ensemble de questions politiques, allant de la qualité des soins de santé disponibles à la population au développement des ressources énergétiques du pays pour le bien commun, on comprendra que les sommes disponibles pour travailler sur des questions pour lesquelles notre travail n'est pas compensé soient difficiles à allouer. Une partie des revenus de nos groupes provient de l'adjudication des frais que nous accordent les organismes réglementaires devant lesquels nous intervenons, soit la Régie de l'énergie du Québec et le CRTC. Ces sommes contribuent au paiement du salaire de nos employés, ceux qui interviennent devant les organismes réglementaires et, pour une plus faible part, ceux qui, dans l'ombre, font le travail de soutien administratif pour assurer le suivi des différentes étapes du processus juridique. Notre intervention est fondée sur les réalités quotidiennes qui nous sont rapportées par nos membres et par les groupes avec lesquels nous travaillons. Toutefois, sur certaines questions, il nous faut faire appel à des experts si l'on veut démontrer comment des décision administratives ou l'implantation de nouvelles technologies ont des effets négatifs sur les consommateurs. Déjà au CRTC, en ce qui a trait aux politiques de télécommunications, une mécanique d'adjudication des frais nous permet de bien intervenir au nom des consommateurs. L'évolution du secteur de la télévision a fait passer l'accès aux services de télévision d'un modèle de gratuité relative pour toute personne possédant un poste de réception à un modèle où domine la tarification à l'utilisation. Cette modification dans l'offre ajoute de nouvelles barrières à l'accès à la télévision. Compte tenu de la volonté d'assurer l'abordabilité de la distribution énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion, la modification complète de la structure de coûts pour les consommateurs pose d'importantes questions. L'établissement d'un pareil système, en ce qui a trait aux politiques de radiodiffusion, est d'autant plus important aujourd'hui que le monde de la radiodiffusion a grandement évolué depuis l'adoption de la Loi sur la radiodiffusion. Traditionnellement, les câblodistributeurss offraient les chaînes spécialisées en bouquets; les consommateurs bénéficiaient de forfaits pour prendre un ensemble de chaînes en sus du service de base. Alors que dans le mode de transmission analogique que proposaient les câblodistributeurs, des considérations techniques imposaient la distribution d'ensemble de chaînes, la distribution numérique qu'offrent les diffuseurs par satellites et que développent les câblodistributeurs permet la télévision à la carte. Le CRTC vient d'annoncer qu'il accordera des licences d'exploitation à 283 nouvelles chaînes de télévision spécialisées, en mode numérique. Attendue dans la nouvelle année, le CRTC a dû faire connaître les noms des licenciés le 27 novembre dernier après que le National Post ait divulgué une première liste de chaînes autorisées. Avec le virage vers le numérique, le nombre de services spécialisés vient de grimper en flèche. L'évolution de l'offre de ces services pose deux questions importantes. La télévision généraliste captée gratuitement avait le mandat de servir l'intérêt public; comment l'intérêt public est-il mieux servi aujourd'hui? Le développement de nouveaux services créent une pression à la hausse sur l'offre aux consommateurs. La présence des groupes de défense des consommateurs lors des audiences d'attribution de licence permet de poser la question de leur capacité de payer. L'octroi des licences n'est qu'une étape dans la modification du paysage télévisuel canadien. Le CRTC pose aussi la question des modifications technologiques nécessaires chez chaque abonné pour que ceux-ci puissent capter les signaux des nouvelles chaînes. L'étude même des enjeux de la migration des chaînes de l'analogique au numérique pose des questions complexes qui demande que s'ouvre un processus de discussion dans lequel seraient impliqués les groupes de défense des consommateurs. Les modifications de politiques annoncées à la suite de l'audience portant sur «La structure de l'industrie», tenue en mars 1993 auront, entre autres, pour effet une augmentation des coûts pour les utilisateurs. En effet, parmi les avis publics publiés à la suite des audiences, l'avis 94-7 - Modification au Règlement de 1986 sur la télédistribution - impose qu'une partie des coûts de la mise en place de la technologie numérique soit assumée par les abonnés. En particulier, dit la décision: [...] il serait possible de recouvrer une partie des coûts d'un décodeur numérique adressable installé dans chaque foyer câblé au moyen de ces majorations tarifaires. Le développement de nouvelles possibilités techniques permet la distribution à la carte des chaînes de télévision. Les propriétaires de chaînes n'ont pas toujours intérêt à cette distribution à l'unité. Le CRTC est sensible à leurs intérêts. Qui plus est, le CRTC cherche à encourager la distribution de chaînes canadiennes dans un contexte où le nombre de chaînes étrangères, particulièrement américaines, a crû de façon importante. Ainsi, lorsque le CRTC a autorisé, en mai 1999, le lancement de quatre nouvelles chaînes: Canal Z, Historia, Séries + et Canal Évasion, il a imposé qu'elles soient distribuées en bouquet. Parmi les principaux constats, suite au lancement de ces nouvelles chaînes, il faut prendre acte du fait que les chaînes rejoignent beaucoup moins de téléspectacteurs que ne l'avaient pronostiqués leurs promoteurs. En effet, les propriétaires des nouvelles chaînes avaient établi leur structure de coûts en fonction des revenus que permet d'attendre un taux de pénétration de 50 p. 100. Les distributeurs ont d'abord offert les chaînes en prévisionnement, accompagnant leurs lancements d'un effort de commercialisation. Chez Vidéotron, les nouvelles chaînes n'ont développé qu'un taux de pénétration de 20 p. 100, chez Look, le taux de pénétration est un peu supérieur à 25 p. 100. Parmi les raisons qui expliquent cette situation, il faut certainement compter sur l'inélasticité de la capacité de payer des consommateurs. Le cas plus récent de l'attribution de licence à un consortium pour le développement d'une télévision des arts risque-t-il le même sort? Les résultats d'un sondage commandité par Vidéotron avant les audiences montraient que près des deux tiers des abonnés n'étaient pas prêts à s'abonner à la télévision des arts même à 75 cents par mois. Le sondage ne mesurait pas l'effet de hausses du coût sur la capacité de payer, mais une question sur la possibilité que les sondés choisissent d'annuler leur abonnement au câble fait comprendre que tout le monde ne peut continuer à assumer des hausses du coût du service; pour 16 p. 100 des personne sondées, il était assez probable, voire très probable qu'ils annulent leur abonnement au câble si la télévision des arts était imposée au service de base au coût de 50 cents par mois. Même si pour une partie de ces gens, la réponse a pu être motivée par une grogne anti-establishment - que le sondage, par ailleurs, nourrissait -, on peut penser que certaines personnes voyaient là une dépense de trop. En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC a juridiction sur les entreprises de distribution et peut leur imposer d'offrir certaines des chaînes dans le service de base ou dans l'un ou l'autre des étages. Par exemple, dans le cas récent de la télévision des arts, le CRTC a décidé que les câblodistributeurs en marché francophone devraient offrir la nouvelle chaîne au sein du volet facultatif ayant la plus forte pénétration parmi les volets qui existent: quant aux firmes exploitant des systèmes de distribution multipoint - télévision par satellite -, le CRTC a demandé que la télévision des arts soit offerte à tous les abonnés francophones qui choisissent au moins trois services spécialisés de langue française. Notons, enfin, un dernier exemple. Le CRTC prendra en considération, en mai prochain, des soumissions sur sa politique en matière de programmation communautaire. Depuis janvier 1998, les câblodistributeurs ne sont plus tenus d'offrir une programmation communautaire à la télévision. Plusieurs l'ont néanmoins maintenue y voyant un avantage commercial sur leurs compétiteurs, en particulier les distributeurs de signal par satellites. Au Québec s'est développé un modèle qui permettait bien l'atteinte des objectifs du CRTC dans sa politique de programmation communautaire, notamment la participation citoyenne. En effet, dans plusieurs régions, la programmation communautaire est produite par des organismes sans but lucratif autonomes auquels les câblodistributeurs ouvrent l'accès. Mais depuis 1998, la donne a changé, en particulier sur le territoire de Vidéotron qui a limité l'apport des télévisions communautaires autonomes, et en a poussé plusieurs à la fermeture et à développer, par soi-même, de plus en plus d'heures de programmation. Les audiences du printemps permettront d'établir comment le CRTC entrevoit la participation citoyenne dans le nouveau contexte commercial du secteur de la télévision. Encore ici, la participation des groupes de consommateurs et des groupes de citoyens permettra d'éclairer le débat. Madame la présidente, nous espérons que comme nous, vous trouverez important de développer des mécanismes qui permettraient aux consommateurs de faire entendre leurs préoccupations alors que se redessine complètement l'industrie de la télévision. Il ne fait aucun doute à notre esprit que l'intervention soutenue des groupes de défense des consommateurs devient un enjeu démocratique afin d'assurer l'expression d'opinion et le développement d'expertise indépendante de l'industrie. La présidente: Monsieur Sébastien, à la page 2 de votre document, le troisième paragraphe, vous indiquez qu'une partie des revenus provient de l'adjudication des frais par le CRTC et la Régie de l'énergie du Québec. Est-ce que la Régie de l'énergie du Québec fonctionne de la même façon dans l'adjudication des frais lorsque vous témoignez devant la Régie? M. Sébastien: La mécanique est sensiblement la même. Je dirais qu'il y a une différence et c'est le fait que la Régie de l'énergie demande un budget prévisionnel, ce que le CRTC ne demande pas. À la Régie des l'énergie nous faisons un budget prévisionnel et, par la suite, nous demandons au régisseur impliqué dans le dossier l'adjudication des frais. Dans l'éventualité où les frais sont accordés, nous présentons un affidavit indiquant les heures que nous avons soit faites ou demandées à des tiers de faire pour nous, ainsi que les copies des frais que nous avons encourus dans le cadre de la gestion du dossier: photocopies, frais de téléphone, en fait, l'ensemble des frais de gestion d'un dossier. C'est sensiblement la même mécanique, outre, peut-être, le fait de demander un budget au départ. La présidente: Considérez-vous l'adjudication de frais en vertu de la Loi sur les télécommunications adéquate? Est-ce qu'une copie conforme pure et simple du modèle est souhaitable pour la Loi sur la radiodiffusion? M. Sébastien: Nous sommes satisfaits d'une mécanique d'adjudication des frais prévus à la Loi sur les télécommunications. La présidente: Vous souhaiteriez la même chose? M. Sébastien: Tout à fait, madame la présidente. [Traduction] Le sénateur Forrestall: Il est assez intéressant de se faire rappeler les tribulations auxquelles continuent d'être exposés des groupes militants comme le vôtre. Le sujet dont nous sommes saisis est plus restreint que le tableau général que vous avez esquissé pour nous. Aussi, vous demanderais-je de vous en tenir à quelques questions fondamentales. Notre collègue qui a attiré notre attention sur ce sujet se préoccupe de la bonne représentation et de l'indemnisation des témoins qui comparaissent devant nous. Comme vous le savez, il y a une loi qui prévoit l'attribution des frais et une autre, comme les sénateurs le savent, qui ne l'autorise pas. Je voudrais vous poser quelques questions à ce sujet. D'après la récente expérience de votre secteur de l'industrie, à combien estimeriez-vous les coûts d'une représentation plus adéquate du point de vue des groupes dont vous êtes le porte-parole? Quels seraient les coûts annuels d'une telle représentation? Vous faudrait-il engager du personnel à temps plein ou à temps partiel? Avez-vous déjà ce personnel? Que demandez-vous au juste? Par ailleurs, peut-être pourrez-vous nous éclairer en nous disant qui devrait payer ces coûts. Est-ce l'État? Est-ce l'industrie, dont les profits sont énormes, ou est-ce à partir de fonds mis à la disposition du Conseil? Pourriez-vous éclairer notre lanterne? M. Sébastien: Pour vous donner une idée des montants dont nous avons besoin, la meilleure façon serait de vous fournir des exemples des montants que nous recevons du remboursement de nos frais en vertu de la Loi sur les télécommunications, quand nous comparaissons devant le CRTC. Pour l'exercice qui vient de se terminer, ce montant était de 7 500 $. En 2000, il était de 8 500 $. La dernière fois que nous avons reçu des sommes considérables, c'était durant les délibérations sur le régime de plafonnement des prix, à l'occasion de la déréglementation de l'industrie du téléphone. Ce montant était alors de 31 800 $. Bien entendu, durant cette année-là, l'industrie consacrait l'essentiel de son argent à payer ses experts et ses avocats. Si vous calculez ce que nous avons dépensé pour cette année-là, vous constaterez que nos dépenses par rapport à ce que l'on nous demandait de faire, étaient probablement proportionnelles à ce que nous avons reçu les autres années. Je pense que l'exemple est parlant. Nous n'avons pas l'intention d'engager quelqu'un pour travailler précisément sur ce dossier. Je fais déjà une partie de ce travail-là. L'année dernière, nous avons comparu devant le CRTC à deux occasions. En tant qu'analyste de questions relatives aux télécommunications et à la radiodiffusion, je continuerai de faire le même type de travail. Dans votre dernière question, vous me demandiez qui devrait payer. Comme je l'ai dit à le sénateur Bacon, je trouve adéquates les dispositions de la Loi sur les télécommunications. Je trouve que c'est une façon raisonnable de faire parvenir des fonds à des groupes de consommateurs qui militent dans le domaine de la radiodiffusion, fonds qui proviennent d'autres acteurs. Le sénateur Forrestall: Je comprends votre propos et je vous en remercie. Ce qui nous dérange, c'est votre utilisation du mot «réinventer» en parlant notamment de convergence. Vous avez également dit que nous devions trouver des façons et des méthodes nouvelles. Croyez-vous... vous représentez essentiellement des intérêts québécois, est-ce bien cela? M. Sébastien: Oui. Le sénateur Forrestall: S'agissant des intérêts des provinces de l'Atlantique, des Prairies ou de la Colombie-Britannique - vous devez connaître les acteurs -, quelle est leur position d'une manière générale? Je ne vous demande pas de parler en leur nom, mais simplement de nous donner une idée de ce qu'ils pensent. La modification proposée dans le projet de loi serait-elle bien reçue? En d'autres mots, éprouvent-ils des difficultés à l'ère de la réinvention de la roue des télécommunications, la roue sans fil? Éprouvent-ils les mêmes difficultés que vous? M. Sébastien: Tous les groupes de défense des consommateurs du pays ont de la difficulté à obtenir suffisamment de fonds pour promouvoir les intérêts des consommateurs. Au nombre de ces groupes, il y a l'Association des consommateurs du Canada (ACC). En effet, l'ACC a connu de graves difficultés financières il y a deux ou trois ans. Comme chacun le sait, il y a eu une tentative de dernière minute pour assurer la survie de l'ACC. Nous en sommes très reconnaissants, puisque nous collaborons régulièrement avec elle et avec ses membres partout au Canada. Nos activités au Québec en auraient souffert, car nous aurions perdu une représentation pancanadienne. Ceci étant dit, la situation financière continue d'être difficile pour bien des groupes qui voudraient intervenir sur un vaste éventail des sujets touchant les consommateurs. Nous avons besoin d'une présence sur différents fronts, ce qui nécessite énormément de ressources. [Français] Le sénateur Finestone: Vous avez parlé de l'ATC. Est-ce que les 10 000 $ alloués par le câblodistributeur les a aidés? M. Sébastien: Oui. Le sénateur Finestone: Croyez-vous que ce sera suffisant ou faudra-t-il trouver davantage de fonds pour assurer le bon fonctionnement de ce regroupement et du vôtre également? M. Sébastien: Je ne parlerai pas pour le cas de l'ATC parce que je sais que leur situation financière n'est pas aussi catastrophique qu'elle l'a déjà été. Pour ce qui est de notre cas, comme je l'indiquais, une grande partie des fonds que nous recevons, notamment en subventions, provient des sommes allouées à des questions spécifiques. Une grande partie de l'argent qu'on reçoit du gouvernement du Québec ou du gouvernement du Canada est allouée à des questions spécifiques. Cela nous conduit à intervenir sur certaines questions spécifiques. Ce qui est fort bien. Ce sont des questions que l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes trouvent importantes. L'État trouve donc juste et raisonnable de nous allouer des fonds pour faire des recherches là-dessus. Cependant, vous comprendrez qu'il peut y avoir des moments où, dans notre situation de représentation des groupes de consommateurs, nous ne voyons pas les mêmes priorités que les gens de l'État. À ce moment-là, les fonctionnaires ne nous attribuent pas de subventions pour faire le travail sur ces dossiers. Notre situation financière est toujours un peu sur une corde raide. Par exemple, on a décidé, l'an dernier, d'intervenir sur la télévision des arts et sur la question des licences régionales. Dans un cas, c'est une question qui touchait tout le monde parce que tout le monde allait avoir ce poste. Dans l'autre cas, il s'agissait d'une question plus technique dont on pensait qu'elle aurait un impact parce qu'elle modifie les conditions de licence. Auparavant, les conditions de licence étaient pour des petits territoires. Quelqu'un qui habite à Trois-Rivières pouvait, avec une licence pour la région de Trois-Rivières, profiter de tels aspects de la condition de licence au moment où cette condition était généralisée. Au niveau des conditions de licences régionales, il y avait ce type d'enjeu. C'est une question technique sur laquelle il nous est apparu important d'intervenir. On le fait à nos frais. Le sénateur Finestone: Est-ce que vous faites un travail en collaboration avec le Conseil des consommateurs? M. Sébastien: Oui. Le sénateur Finestone: Ainsi, vous pouvez présenter devant le CRTC une vision pancanadienne? M. Sébastien: Très souvent nous la présentons à plusieurs groupes - on se partage le travail entre les différentes personnes - et nous travaillons en coalition avec le PIAC, avec l'Association canadienne des consommateurs et avec l'Organisation nationale anti-pauvreté. Ce sont des groupes avec lesquels nous travaillons très fréquemment, parfois même sur des questions qui, à première vue, ne touchent que le Québec. Par exemple, il y a une négociation visant un nouveau régime en plafonnement des prix en téléphonie pour les anciennes compagnies et il y en a aussi une pour deux compagnies qui opèrent au Québec: Telus Québec et Québec Téléphone. Les groupes canadiens, compte tenu de l'enjeu du plafonnement des prix, travaillent avec nous sur le dossier pour ces deux compagnies qui opèrent sur le territoire québécois. Nous travaillons très souvent en coalition avec des groupes de partout au pays, même quand la question ne touche que des compagnies au Québec. Si l'enjeu est pancanadien, les groupes travaillent très fréquemment en coalition. Le sénateur Finestone: Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les informations que vous allez recueillir? Disons que vous allez voir ce qui se passe à Trois-Rivières, à Trois-Pistoles, à Sherbrooke ou dans le Grand Nord, qu'allez-vous chercher? Comment procédez-vous? Comment vous assurez-vous d'être la voix des vraies inquiétudes, des vraies questions qui touchent le secteur communautaire - pour lequel j'ai un intérêt très particulier? M. Sébastien: Comme je l'ai indiqué, nous sommes deux fédérations. Nous avons des membres partout au Québec. Ce sont des groupes qui ont des assemblées générales de citoyens et de citoyennes du quartier lorsqu'il s'agit de groupes de quartier ou de ville. Une de nos associations membres est spécialisée dans un domaine, il s'agit du Regroupement des consommateurs d'assurance. Sinon, les neuf autres membres de notre fédération sont des associations implantées soit dans une ville ou dans des quartiers de Montréal. À Montréal, il y a plusieurs associations de consommateurs. Nous avons des mécaniques démocratiques qui nous permettent de nous réunir régulièrement pendant l'année. Nous avons d'abord un groupe qui discute de tous les sujets, mais nous avons aussi un comité sur les télécommunications, sur la radiodiffusion et sur l'inforoute, qui regroupe des membres de plusieurs associations de consommateurs. Nous travaillons régulièrement avec les gens de la région des Bois-Francs, de Sherbrooke et de Rouyn qui sont ceux qui se sont joints depuis deux ans au personnel rémunéré de la fédération pour travailler sur les questions de télécommunication. D'autres années, cela pourrait être des gens d'autres régions. Depuis deux ans, ce sont ces gens de l'Estrie, des Bois-Francs et de Rouyn qui travaillent avec nous sur les questions de télécommunication. Le sénateur Finestone: Quand le CRTC émet un avis public selon lequel il y aura une session sur tel ou tel sujet, comment les regroupements ou les individus qui veulent comparaître font-ils pour savoir exactement les critères pour qu'ils puissent travailler avec les avocats qui, eux, travaillent dans les barèmes énoncés? Est-ce qu'il y a des règles du jeu de façon à être au courant de ce que vous avez le droit de faire? M. Sébastien: Oui. Le sénateur Finestone: C'est clair, vous n'avez aucune raison de dire que vous n'étiez pas au courant lors de comparutions? M. Sébastien: Tout à fait. Le CRTC permet à des groupes représentant des citoyens d'intervenir et il précise que, pour qu'il y ait adjudication des frais, le groupe doit être représentatif d'un ensemble d'usagers du service téléphonique. Il doit avoir fait une présentation au conseil qui a permis au commissaire d'avoir une meilleure compréhension du sujet. Donc, dans les règles de procédure, ces normes sont clairement établies. Le sénateur Finestone: Vous attendez le même type d'information pour les comparutions? M. Sébastien: Il est normal, s'il y a adjudication de frais, que ceux-ci ne soient pas donnés. [Traduction] Le sénateur Finestone: Des règles et des procédures pareilles ou semblables à celles régissant des télécommunications, que connaissez bien? M. Sébastien: Oui. [Français] Le sénateur Finestone: Vous avez parlé du fait que certaines modifications changent les nouvelles barrières pour l'accès à la télévision. Compte tenu de la volonté d'assurer l'accessibilité de la distribution énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion, vous trouvez que la modification complète de la structure de coûts pour les consommateurs pose d'importantes questions. Avez-vous déjà présenté ce point de vue? Est-ce que cela a déjà été adressé par le CRTC? M. Sébastien: Nous ne l'avons pas encore présenté au CRTC. Le CRTC, cependant, tiendra des audiences prochainement où ces questions pourront être abordées. Sous toute réserve, c'est l'avis public 2113. Il faudrait que je vérifie le numéro. Dans le cadre de ce document, le CRTC a d'ailleurs indiqué qu'il y avait des enjeux réels pour le consommateur quant à la gratuité. La question de passer du modèle de gratuité relative à un modèle de coût à l'utilisation préoccupe le conseil. Le sénateur Finestone: L'avis démocratique se poursuit par les actions que vous avez déjà entreprises et j'espère que d'autres allocations de fonds vous aideront à poursuivre votre excellent travail. [Traduction] Le sénateur Spivak: Il est difficile d'assimiler tous les enjeux qui jaillissent dans ce nouveau monde de la télévision. J'aurais quelques questions à vous poser, et je veux les poser en même temps, car malheureusement je dois vous quitter. Premièrement, j'aimerais que vous nous parliez de la programmation communautaire. Ce que vous dites est tout à fait à propos. Je crois que c'est très important. Toutefois, je ne comprends pas ce que vous avez dit au sujet du transfert de l'analogue au numérique. Êtes-vous en train de dire que lorsque le passage au numérique sera effectué partout, nous serons en mesure de choisir les programmes grâce à la télévision payante? Est-ce qu'on continuera d'avoir le même type de bouquets de programme par câblodistribution? En quoi cela serait-il abordable? Je suis sûr que la question des prix abordables est l'un des principaux enjeux - prix abordables et accès au programme communautaire. Le sénateur Finestone: C'est un sujet sur lequel on devrait se pencher de toute façon. Le sénateur Spivak: Vous avez raison, madame le sénateur. Je vous fais mes compliments, car vous avez proposez un très bon projet de loi. M. Sébastien: Tout d'abord, au sujet de la programmation communautaire, sachez que le Conseil étudie actuellement la question et évalue la possibilité de mettre en place un système pour la télévision communautaire qui serait semblable à ce qui existe pour les radios communautaires. Depuis le début de la télévision par câble, les groupes chargés de la programmation communautaire n'ont jamais eu à obtenir de licence. Dans le passé, la programmation communautaire était une condition d'octroi de licence de câblodistributeur. Cependant, dans l'intervalle, des organisations à but non lucratif se sont mises à élaborer leur propre programme que les câblodistributeurs ont bien voulu diffuser. Nous estimons que les groupes qui le font devraient obtenir des licences à l'instar des radios. Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous parler du prix des bouquets de télévision numérique? Ces prix seront-ils abordables et comment cela marcherait-il? M. Sébastien: C'est vraiment une question de réglementation, qui n'est pas technique. Il y a la possibilité d'avoir la télévision à la carte. Le CRTC s'inquiète de la prédominance de la télévision américaine. Afin de protéger la culture canadienne, il croit que la solution serait d'offrir des bouquets canadiens. Le sénateur Finestone: C'est donc la loi qui le dispose. M. Sébastien: C'est bien cela. Si l'on ouvre le marché à un grand nombre de chaînes américaines, le CRTC, s'il veut préserver un pourcentage d'émissions canadiennes, devra s'assurer d'une augmentation de la programmation canadienne. Évidemment, cela coût de l'argent, et ce sont les consommateurs qui paient la facture. D'autre part, il y a la télévision spécialisée. Bien entendu, il n'y aura pas 283 nouvelles chaînes de télévision, étant donné que certaines entreprises ne seront pas en mesure de lancer leurs projets. Certaines entreprises s'adresseront à des banques pour obtenir des prêts, mais ne réussiront pas à s'assurer le financement nécessaire, même après avoir obtenu une licence. Ceci étant dit, le fait d'être détenteur d'une licence peut aider lorsque l'on s'adresse à une banque dans l'espoir de mettre son projet en branle. Il y aura donc de nombreuses nouvelles chaînes canadiennes spécialisées au cours des prochaines années, ce qui est une réaction en fait du CRTC à l'ouverture du marché canadien aux chaînes américaines. Mais qui dit nouveaux projets canadiens, dit coûts supplémentaires - ce qui en fait une question plus de principe que technique. Le sénateur Spivak: La question du contenu canadien nous a grandement préoccupés dans nos études antérieures. Il me semble qu'il ne s'agit pas là simplement d'un produit canadien destiné à l'exportation - je pense que les exportations canadiennes se portent très bien d'ailleurs. Il s'agit plutôt de la culture de masse. Si l'on se contente d'exposer la population canadienne à Survivor et à des émissions de ce type, il est évident qu'ils ne s'intéresseront qu'à cela. On tombe dans un cercle vicieux. C'est pourquoi il est impérieux que l'on offre aux Canadiens un éventail vaste et intéressant d'émissions reflétant la culture canadienne. Ainsi, on fournirait au moins aux téléspectateurs un choix. Je vous remercie de l'attention que vous portez à cette question. Le travail que vous faites est très important. Le sénateur Finestone: C'est simple, vous n'avez qu'à voter le projet de loi. Le sénateur Spivak: C'est ce que nous avons l'intention de faire. [Français] La présidente: Monsieur Sébastien, nous vous remercions de votre témoignage et nous nous excusons de vous avoir fait attendre. [Traduction] Notre prochain témoin est M. Michael Janigan, qui représente le Centre pour la défense de l'intérêt public. Bienvenu à notre comité. Vous pouvez faire votre exposé, après quoi, les sénateurs vous poseront des questions. M. Michael Janigan, directeur exécutif et avocat général, Centre pour la défense de l'intérêt public: Madame la présidente, nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez de comparaître devant vous aujourd'hui pour manifester notre appui pour ce que nous estimons être un très important projet de loi. Le PIAC se présente aujourd'hui en son propre nom et au nom de l'Organisation nationale anti-pauvreté, Dignité rurale et PIAC Colombie-Britannique. Le projet de loi S-7 remédie à une négligence de la Loi sur la radiodiffusion, qui est devenue depuis quelques années un obstacle important à une participation et à une représentation justes et utiles du public aux instances réglementaires en matière de radiodiffusion, de télédistribution et de nouveaux médias comme l'Internet. Avant d'aborder certaines de ces questions plus en détail, nous aimerions d'abord parler des questions importantes soulevées par certains sénateurs en deuxième lecture. Le sénateur Gauthier a soulevé deux questions au sujet du projet de loi. La première portait sur l'emplacement de la modification dans la Loi sur la radiodiffusion. Le sénateur Gauthier a dit: En faisant de la modification proposée l'article 9.1, on la place parmi les pouvoirs généraux du Conseil. Étant donné que le pouvoir proposé consiste à accorder au Conseil l'attribution d'adjuger des frais précisément dans le contexte des audiences, l'article serait mieux placé, à mon avis, près de ceux qui établissent les pouvoirs du Conseil ayant trait précisément à son pouvoir concernant les audiences. Nous avons passé du temps à étudier et à analyser cette question et nous avons consulté le CRTC et l'avocat du Sénat ainsi que notre propre conseiller juridique. Nous avons envisagé de placer la modification autour des articles 16, 18 et 21 de la Loi sur la radiodiffusion, mais avons estimé qu'il serait préférable de la placer dans un nouvel article 9.1 et alinéa 10(1)j). Il s'agit de modifier la Loi sur la radiodiffusion de manière à ce que le Conseil ait le pouvoir d'adjuger des frais et de le faire de façon à créer une symétrie avec la Loi sur les télécommunications. Il est important que la modification n'accorde ni plus ni moins de pouvoir que ce qui existe dans la Loi sur les télécommunications. L'article 67 de la Loi sur les télécommunications, qui établit les pouvoirs par règlement, prévoit l'établissement des critères d'attribution des frais. L'article de la Loi sur la radiodiffusion qui s'en rapproche le plus est l'article 10. Dans les articles de la Loi sur la radiodiffusion portant sur les audiences, le libellé est clairement différent et, par exemple, l'article 18 porte sur la capacité du Conseil d'instituer des règles. Toutefois, pour créer la symétrie souhaitée et éviter une confusion possible et la contestation de ces pouvoirs, on a estimé plus approprié d'établir les critères d'adjudication des frais dans le cadre des règlements plutôt que des règles. Les pouvoirs d'adjuger les frais dans la Loi sur les télécommunications sont énoncés à l'article 56, qui est identique au libellé proposé pour le nouvel article 9.1 dans cette modification proposée. Il a donc été recommandé de créer un paragraphe à l'article 10 pour permettre la prise d'un règlement établissant les critères d'adjudication des frais et d'utiliser, à nouveau, le même libellé dans les deux lois. L'article 10 permettra au Conseil de prendre un règlement concernant les critères d'adjudication des frais dans le cadre de ses pouvoirs généraux. Par conséquent, selon cette logique, le pouvoir d'adjudication des frais doit être établi à l'article 9.1 avant l'article 10. Cet emplacement et la continuité, le pouvoir d'adjuger des frais et la capacité de prendre des règlements à cet effet, seront symétriques dans les deux lois. C'est ce qui a motivé la préparation de la modification. Nous pensons qu'il est préférable de s'en remettre au Conseil à ce sujet. Le Conseil a l'expertise nécessaire dans l'application des deux lois et est responsable de la mise en oeuvre de la modification. Si le Conseil estime que la modification doit être placée ailleurs dans la Loi sur la radiodiffusion, nous sommes prêts à suivre sa recommandation. Le sénateur Gauthier a également soulevé une question au sujet des comités. Le sénateur Gauthier a dit: Le projet de loi S-7 accorde au Conseil le droit d'adjuger des frais mais non aux comités établis par le Conseil. La Loi sur les télécommunications ne prévoit pas la création de comités alors que la Loi sur la radiodiffusion le prévoit. Pourquoi ne pas donner à ces comités le même droit que nous accordons au Conseil? Une fois encore, nous nous en remettons au Conseil pour donner la réponse définitive à cette question. Mais nous croyons comprendre qu'en vertu de ses pouvoirs discrétionnaires, le Conseil peut tenir des instances sans ou avec des comités et qu'il peut également choisir d'adjuger des frais relatifs à n'importe quel type d'instance, qu'il s'agisse d'un mémoire, d'une audience publique, menée avec ou sans comité, et ainsi de suite. Autrement dit, il n'existe pas de lien direct entre la question de savoir si oui ou non on utilise un comité au cours d'un processus public et pour une adjudication de frais. Le sénateur Nolin a également soulevé une question au cours de la seconde lecture. La question portait sur le libellé du nouveau paragraphe 9.1(2) proposé, selon lequel le Conseil «peut établir un barème pour la taxation des frais». Comme nous l'avons déjà dit au sujet de la question du sénateur Gauthier, afin de créer une symétrie entre les deux lois, il faut utiliser les mêmes termes pour la modification que ceux utilisés dans les paragraphes (1) et (2) de l'article 56(1) et (2) de la Loi sur les télécommunications. Le paragraphe 56(2) stipule: Le Conseil peut désigner les créanciers et les débiteurs de ses frais ainsi que le responsable de la taxation; il peut également établir un barème à cette fin. On a utilisé le même libellé pour le nouveau paragraphe proposé de la Loi sur la radiodiffusion, 9.1(2). Ce que le Conseil entend par «barème» sont les dépenses raisonnables et les honoraires professionnels que le Conseil fixe. Ces dépenses sont calculées d'après les taux courants du marché. C'est ce qui est stipulé dans les règles de procédure du Conseil, en vertu de la Loi sur les télécommunications, paragraphe 44(6). Le terme «barème» est déjà utilisé dans la Loi sur les télécommunications, et les Règles de procédure qui en visent la mise en oeuvre sont couramment utilisées par le Conseil. Nous suggérons que le Conseil fournisse davantage de détails aux sénateurs sur ce point. Si la modification est adoptée, le Conseil créera des Règles de procédure semblables pour la Loi sur la radiodiffusion, et nous nous attendons à ce qu'elles soient comparables. S'agissant de la modification comme telle, nous pensons que, pour exercer ses responsabilités en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC se voit confier des pouvoirs décisionnels importants associés à la promotion de la culture canadienne, l'établissement des tarifs, l'introduction de la concurrence, la gestion de la convergence et le règlement des différends entre les intervenants. Toutes ces activités, d'une façon ou d'une autre, ont des implications importantes pour les Canadiens. Ces dernières années, nous avons vu la naissance d'un nouveau marché concurrentiel, associé à la convergence entre les secteurs traditionnellement séparés des télécommunications, de la radiodiffusion et maintenant des nouveaux médias et de l'Internet. Cela a donné lieu à une augmentation correspondante de la complexité des décisions que doit prendre le CRTC, ce qui exige des interventions et une participation informées des groupes de défense de l'intérêt public aux instances. Même s'il est vrai que les instances du CRTC sur la radiodiffusion ont toujours autorisé la participation du public, le fait est qu'il existe de nombreux obstacles financiers à une intervention utile du consommateur et d'autres groupes de défense de l'intérêt public. Cette modification ne changera pas l'accès du public aux instances du CRTC, mais elle comblera une lacune importante en ajoutant un autre niveau de participation. Les groupes de défense de l'intérêt public pourront produire des preuves crédibles et de fond et mener des recherches en vue d'interventions qui représenteront mieux les intérêts des Canadiens, contrebalanceront les preuves présentées par l'industrie et permettront au CRTC de prendre de bonnes décisions. Au cours des dernières années, les groupes de consommateurs ont demandé à maintes reprises que le CRTC adjuge des frais relatifs aux instances liées à la radiodiffusion. Il faut reconnaître qu'en réponse à une demande détaillée d'attribution de frais du Centre pour la défense de l'intérêt public pour participer aux instances sur l'examen des politiques relatives à la télévision, le Conseil a déployé des efforts considérables pour savoir si certains aspects de la Loi sur la radiodiffusion lui permettaient d'adjuger les frais. Dans ses conclusions, le conseil a décidé que cela ne serait possible que si «le Parlement choisit de procéder par modification législative pour accorder au Conseil le pouvoir express d'adjuger des frais aux intervenants pour participer aux instances en matière de radiodiffusion.» Dans les discussions qui ont suivi avec le ministère du Patrimoine, il est devenu évident que le gouvernement n'était pas vraiment prêt à revoir la Loi sur la radiodiffusion pour traiter uniquement de ce changement. C'est pourquoi un projet de loi privé est devenu la seule solution, et nous félicitons le sénateur Finestone de cette initiative. L'industrie ne semble pas vouloir contribuer à assumer les frais qui permettraient de produire des preuves de qualité représentant les opinions et les intérêts des consommateurs. On peut également avancer que l'industrie a beaucoup à gagner d'une participation limitée des consommateurs. L'hiver dernier, l'occasion a été donnée à l'industrie d'aider des groupes de consommateurs à participer à une entreprise du CRTC, Avis public CRTC-2000-113, sur la mise sur pied d'un groupe de travail chargé d'étudier la migration de la distribution analogue vers la distribution numérique. Dans l'avis public, le CRTC a clairement indiqué à l'industrie qu'il était important qu'elle assure la participation des consommateurs et que cette participation comprenait la collecte d'éléments de preuve pertinents à l'intérêt des consommateurs. Cet exercice impliquant certains coûts, les groupes de consommateurs ont demandé au Conseil et au groupe de travail de l'industrie que des frais leur soient adjugés pour qu'ils puissent participer de façon utile. Le Conseil n'a pas pu adjuger des frais mais a encouragé les participants de l'industrie à aider les groupes de consommateurs. Les membres du groupe de travail de l'industrie ont refusé, même si cela a voulu dire que certains groupes de consommateurs n'ont pas pu participer et que ceux qui l'ont pu, ne l'ont fait que de façon très limitée. Les frais engagés ont été absorbés à la fois par le représentant des consommateurs qui a siégé au groupe de travail et par le PIAC. Honorables sénateurs, il est clair que l'industrie ne va pas volontairement aider les consommateurs. Avec la convergence, la démarcation entre les télécommunications, la radiodiffusion et les nouveaux médias comme l'Internet n'est plus aussi nette. La convergence se produit à tous les niveaux: structure des sociétés, technologie, contenu et même politiques et réglementations. Mais les lois écrites il y a 10 ans ne pouvaient pas prévoir ces changements. Il y a de plus en plus d'instances réglementaires qui portent à la fois sur des questions de télécommunications et de radiodiffusion. Alors que les entreprises ont suffisamment de ressources pour participer de façon utile, les consommateurs n'ont pas les moyens de fournir des éléments de preuve crédibles et de fond sur les questions liées aux télécommunications en raison de l'anomalie du régime d'adjudication des frais. En 1998-1999, le Centre pour la défense de l'intérêt public et Action réseau consommateur ont participé à une instance relevant de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications sur les nouveaux médias. Les deux organismes ont, ensemble, engagé au total plusieurs milliers de dollars. Les groupes ont demandé au CRTC l'adjudication de frais. Dans une lettre du 4 février 1999, le CRTC a informé les groupes qui ne pouvaient répondre à la demande d'adjudication des frais car le Conseil n'en avait pas le pouvoir en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Une nouvelle demande a été déposée en vertu de la Loi sur les télécommunications et uniquement à l'égard de la part des mémoires traitant des questions de télécommunications. Comme on le voit à l'annexe E, le CRTC a adjugé des frais partiels et a souligné clairement le problème des consommateurs, à savoir que la Loi sur la radiodiffusion, telle qu'elle existe actuellement, ne permet pas une participation juste et équitable aux instances. L'ordonnance de frais du CRTC énonçait que: À l'opposé, un des problèmes soulevés lors de l'instance relative aux nouveaux médias était de définir quelle loi appliquer et comment. Dans ce contexte, le Conseil juge qu'il est très difficile d'extraire et de détailler les questions soulevées par le PIAC/ARC devant être traitées en vertu de la Loi sur les télécommunications. Le Conseil est d'avis qu'il convient mieux dans ces circonstances d'adjuger des frais partiels en fonction de la part des mémoires de PIAC/ARC qui traitent de questions relevant de la Loi sur les télécommunications. Mesdames et messieurs les sénateurs, les groupes en cause ont reçu 25 p. 100 des frais demandés. Alors que l'industrie vit au XXIe siècle, les consommateurs dépendent toujours d'un cadre réglementaire vieilli. Personne ne peut vivre avec des dollars de 25 c. La poursuite des fusions entre la radiodiffusion, le câble, l'Internet et les télécommunications ne fera qu'aggraver la situation, toujours au détriment des Canadiens. L'incapacité de recouvrer leurs frais dissuade de plus en plus les consommateurs de participer aux questions liées à la radiodiffusion. Il y a d'autres exemples. En 1997, le Public Interest Law Centre du Manitoba a représenté les consommateurs lors d'une audience sur les tarifs des entreprises de télédistribution. Dans la décision, la Commission n'a pas approuvé les demandes d'augmentation des tarifs, économisant ainsi des millions de dollars aux consommateurs. Plusieurs milliers de dollars ont été versés à des experts venus représenter les consommateurs. Mais en l'absence d'adjudication des frais, le Law Centre a dû absorber cette perte financière. Un extrait d'une lettre du 25 février 1999, envoyée par le Law Centre à la ministre du Patrimoine canadien, en faveur d'une modification de la Loi sur la radiodiffusion concernant l'adjudication des frais, résume les conséquences de ce problème: Bien que nous soyons un organisme à but non lucratif, nous ne pouvons justifier une participation continue à des instances longues et coûteuses à la fin en matière de radiodiffusion à moins de pouvoir recouvrer nos frais. Par conséquent, les consommateurs du Manitoba se sont vu refuser le droit de participer pleinement aux instances réglementaires en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Il faut se rappeler que dans toutes ces instances, tout l'argent dépensé par les entreprises réglementées pour défendre les intérêts de leurs actionnaires a été payé par les consommateurs. Pour terminer, nous pensons que la question de la nécessité de l'adjudication des frais aux intervenants en vertu de la Loi sur la radiodiffusion fait l'objet d'un quasi-consensus de la part des parlementaires, de ministères gouvernementaux pertinents, du CRTC, des organismes de défense de l'intérêt public et, peut-être de façon plus réticente, même de la part de certains membres de l'industrie. Le projet de loi S-7 modifiera la loi à l'avantage de l'intérêt public et des Canadiens, non seulement à court terme, mais dans les années à venir, en permettant une participation démocratique complète et utile au processus décisionnel. Nous sommes prêts à répondre à vos questions. La présidente: Monsieur Janigan, dans le contexte de la conversion que nous vivons actuellement, pensez-vous que le projet de loi S-7 soit suffisant pour protéger l'intérêt public? M. Janigan: C'est un point de départ. À tout le moins, je crois qu'il permet une certaine égalisation des chances dans le cadre des délibérations portant sur la radiodiffusion. Quand les responsables politiques sont saisis de toutes ces questions, les groupes de consommateurs seront en mesure de préparer un dossier pour aider le Conseil à prendre des décisions qui auront des conséquences pour l'intérêt public. Dans un dossier de ce genre, on l'espère, on cherchera à faire valoir le point de vue des Canadiens et à faire ressortir leurs besoins. La présidente: Dans votre mémoire, à la page 3, au paragraphe 3, vous dites, en partie: Nous suggérons que le Conseil fournisse davantage de détails aux sénateurs sur ce point. Si la modification est adoptée, le Conseil créera des règles de procédure semb lables pour la Loi sur la radiodiffusion, et nous nous attendons à ce qu'elle soient comparables. Pourriez-vous nous fournir des explications à ce sujet. M. Janigan: Cela répond directement à la question quant à la raison d'être d'un barème pour la taxation des frais. En fait, une fois cet amendement adopté, le Conseil adoptera des règles de procédure semblables à celles du secteur des télécommunications. Par exemple, pour certaines de ces délibérations, il établira la façon dont il attribuera les frais et comment ces frais seront remboursés, par exemple, à raison d'un nombre X de dollars par heure, selon qu'il s'agit du témoignage d'experts, des honoraires de consultants ou des honoraires d'avocats. Même s'il y a eu quelques grognements des deux côtés, ce barème est sans doute en dessous des coûts du marché, mais je crois qu'il indemnise équitablement pour les frais encourus. La présidente: Estimez-vous que c'est équitable pour les groupes qui comparaissent devant le CRTC? M. Janigan: Nous pensons que oui. Le sénateur Forrestall: Je voudrais disposer de 48 heures de plus pour relire le projet de loi. J'ai également une question à poser au témoin, mais je voudrais d'abord en poser une au séntaeur qui parraine cette mesure. Ce projet de loi est-il recevable? Sommes-nous autorisés à modifier une loi si cela représente une dépense qui n'a pas encore été déterminée? Le sénateur Finestone: Ne me le demandez pas. Posez votre question à M. Janigan. Le sénateur Forrestall: Maintenant que les autorités m'ont réprimandé, permettez-moi de m'adresser au témoin. Avez-vous une subvention de fonctionnement? M. Janigan: Non, pas précisément. Depuis dix ou quinze ans, la plupart des organismes de défense des consommateurs et de l'intérêt public ne sont plus payés uniquement pour exister. Certains organismes le sont peut-être, mais dans l'ensemble, nous sommes seulement payés pour remplir des fonctions précises. Nous devons pratiquer une sorte de chasse et de pêche de subsistance. Autrement dit, un organisme doit se mettre à la recherche de projets pour pouvoir faire le genre de travail qu'il veut dans le domaine qui l'intéresse. L'attribution des frais est une formule remarquablement économique pour fournir à un groupe les moyens d'agir. Il n'est pas nécessaire de créer un nouvel organisme ou de distribuer de l'argent pour renouveler la participation du public. Les organismes et les groupes ou encore les experts qui participent à ces instances ont seulement besoin que leurs dépenses leur soient remboursées pour pouvoir intervenir. Le sénateur Forrestall: Vous me dites que, malgré l'insuffisance de ces dispositions - sur la laquelle je n'ai aucun doute, et c'est une question qui doit être réglée d'une façon ou d'une autre. Je me suis rendu compte il y a seulement un mois environ que la loi ne couvrait pas entièrement ces dépenses. Vous me dites que cela ne vous a pas empêché de défendre une seule cause, que vous êtes intervenu dans certains domaines en faisant des recherches, en consultant des experts, en organisant des consultations et en préparant un mémoire qui vous a permis de défendre votre point de vue. Je suppose que vous seriez toutefois tranquillisé à l'idée de pouvoir obtenir la taxation des frais d'un côté comme de l'autre. Ai-je raison de le croire? M. Janigan: Je dirais que c'est ce que nous avons fait dans le cadre de la Loi sur les télécommunications. Pour ce qui est de la Loi sur la radiodiffusion nous avons poursuivi nos efforts. Il y a toutefois une grande différence dans la qualité de nos comparutions en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications. Dans de nombreuses instances auxquelles nous avons participé, nous avons cherché à attirer l'attention du Conseil sur les domaines dans lesquels les intérêts du consommateur sont en jeu et certains aspects de la preuve qui à notre avis ne tiennent pas compte de ces intérêts. Nous avons fait de notre mieux, mais nous pourrions certainement faire beaucoup mieux. Le sénateur Forrestall: Qui devrait payer pour préparer vos prises de position? Faudra-t-il que ce soit le gouvernement, l'organisme ou le secteur privé? M. Janigan: Cela devrait dépendre de l'audience et des questions qui font l'objet des discussions, des promoteurs du projet et des intérêts sur lesquels portera la décision prise à l'issue des audiences publiques. Le sénateur Forrestall: La taxation des frais doit donc être suffisamment souple? M. Janigan: Oui. À certains égards, cela s'apparente au principe du paiement par l'usager. Le promoteur du projet se soumet à un processus décisionnel et de consultation publique qui va permettre de prendre une meilleure décision. Il devra en assumer le coût. Il obtiendra une décision qu'il pourra accepter et utiliser dans le contexte de ses affaires. Le sénateur Forrestall: Les règles du jeu sont-elles équitables au Canada? Les intérêts des Inuits, par exemple, sont-ils bien défendus? Les Canadiens de l'Atlantique obtiennent-ils autant que les Québécois, les Ontariens et les gens du nord de l'Ontario? Les règles du jeu sont-elles équitables d'un bout à l'autre du pays? M. Janigan: Il est difficile de répondre à cette question en l'absence de preuve empirique. En général, dans la région de l'Atlantique, par exemple, on n'a pas souvent la masse critique voulue pour permettre à un groupe de défendre efficacement les intérêts des consommateurs ou du public. Nous nous sommes attelés à cette tâche à plusieurs reprises, surtout lorsque nous avons représenté des petits groupes de consommateurs et de défenseurs de l'intérêt public quand le CRTC a tenu des audiences sur les tarifs dans les Maritimes. Quant à savoir si les organismes existants le font quotidiennement dans chacune des provinces de l'Atlantique, je dirais que non et qu'il est très difficile de susciter l'intérêt des consommateurs. Le sénateur Forrestall: C'est parce qu'il n'y a pas suffisamment d'argent. M. Janigan: Exactement. Le sénateur Forrestall: Si les défenseurs de l'intérêt public pouvaient espérer que leur temps et leurs efforts seront suffisamment rentables, seraient-ils mieux en mesure de s'attaquer à un problème, par exemple dans le sud-ouest de la Saskatchewan ou le sud-est de l'Alberta? Un régime de taxation différent aiderait-il à rendre les règles du jeu plus équitables pour tous les consommateurs canadiens? Je crains que nous ne coulions non pas dans le béton, mais dans du ciment à base d'eau salée, un système dont nous ne voudrons peut-être plus et qui risque de ne pas bien servir tous les Canadiens. Voilà pourquoi je pose ces questions. Un accès plus large au remboursement des dépenses vous aiderait-il, ou devrions-nous plutôt envisager un système entièrement nouveau? Le sénateur Finestone: Le sénateur Fitzpatrick a posé le même genre de questions. Il s'inquiétait au sujet des gens de sa région. C'est une bonne question, mais comment rejoindre les groupes éloignés et les collectivités isolées pour entendre leur opinion. M. Janigan: Vous ne trouverez pas la panacée qui réglera tous les problèmes associés à la défense des intérêts des consommateurs et de l'intérêt public. Cet amendement cherche à remédier un problème qui se rapporte spécifiquement aux instances du CRTC sur la radiodiffusion. Il ne couvre pas d'autres problèmes qui se rapportent pourtant à la radiodiffusion et à certains autres domaines parce qu'ils ne donneront pas lieu à des instances. Il faudra y remédier par d'autres moyens, notamment par l'entremise du gouvernement et de l'industrie afin de permettre la participation du public et de pouvoir faire le travail requis pour intéresser le public à ces questions. Ce n'est là qu'un petit élément de solution et je ne pense pas que cela cherche à résoudre tous les problèmes associés au manque de défense efficace des intérêts des consommateurs, d'un bout à l'autre du pays. Le sénateur Forrestall: Je vous remercie du travail que vous accomplissez, car nous avons parfois l'impression, dans l'Est, que vous ne vous intéressez pas autant à nous que nous le souhaiterions. M. Janigan: Je comprends. Le sénateur Finestone: Merci, monsieur Janigan, pour votre aide et l'assistance que votre personnel nous a apportée dans certains domaines. Je n'aurais pas pu préparer cette mesure sans votre aide. J'ai l'impression que l'industrie hésite énormément à participer, en tout cas du point de vue financier, comme elle l'a certainement démontré dans l'avis public CRTC 2000-113. Il était évident que le Conseil avait besoin des opinions des consommateurs mais que l'industrie ne voulait pas vraiment qu'on en tienne compte. Dans ce contexte, que pensez-vous que l'Association canadienne des radiodiffuseurs ou l'Association canadienne de télévision par câble vont dire de cette modification? M. Janigan: C'est difficile à dire. Tous les intervenants de l'industrie détestent le risque et chercheront à le réduire par tous les moyens, et surtout à minimiser les risques de l'inconnu. Ce genre de modification va revigorer la participation des consommateurs aux instances sur la radiodiffusion, et va donc apporter une dimension inconnue dans une sphère d'activité où ils se sentent très à l'aise. Je suppose donc qu'au départ, ils hésiteront à appuyer cet amendement. Comme je connais les intervenants de l'industrie, je dirais toutefois qu'après un certain temps, ils finiront par analyser la question avec le même soin que le secteur des télécommunications. Par conséquent, même si notre participation ne va probablement pas les réjouir, ils comprennent son but et ils se rendront compte que la décision que prendra le Conseil sera beaucoup moins contestable si elle est prise avec l'entière participation du public. Le sénateur Finestone: J'avais l'impression que les consommateurs seraient davantage prêts à coopérer quand viendrait le moment d'augmenter les tarifs ou de changer de fréquence. Vous vous souvenez peut-être de tout le grabuge que ces changements ont suscité. Cela devrait donc aider l'industrie. Il ne s'agit pas de faire du tort à qui que ce soit, mais d'assurer une bonne collaboration entre les consommateurs et les gens d'affaires. J'espère que cette mesure le permettra. Pensez-vous que le mécanisme prévu pour évaluer la valeur des interventions en fonction de trois ou quatre critères permettra aux groupes qui devraient vraiment être entendus et qui ont quelque chose à dire, de couvrir suffisamment leurs dépenses? M. Janigan: J'ai constaté que le CRTC appliquait les critères adéquatement pour mettre des ressources à la disposition des groupes qui assumaient leurs responsabilités et qui pouvaient l'aider à prendre une décision. Cela n'empêchera en aucune façon d'autres groupes ou organismes de venir simplement dire: «Nous ne savons pas quelle est la solution à ce problème, mais nous n'aimons pas ce qui se passe actuellement et nous voudrions que vous y remédiez». Le Conseil continuera d'entendre ce genre d'opinion. Cela ne fera peut-être pas l'objet d'une attribution de frais, mais on ne s'est jamais attendu à ce que ce soit financé. Toutefois, les groupes et organismes qui veulent chercher d'autres solutions que celles que propose l'industrie ou le Conseil au sujet de la radiodiffusion auront les moyens de venir dire: «Peut-être faudrait-il procéder ainsi. Peut-être l'industrie devrait-elle apporter sa contribution. Le Conseil devrait peut-être ordonner une période d'essai pour telle ou telle mesure». Ainsi, le Conseil aura le choix entre plusieurs solutions. Cela lui permettra de prendre de meilleures décisions. Le sénateur Finestone: Je crois que le contenu canadien au sujet duquel le CRTC, la Société Radio-Canada et, bien entendu, les autres membres du secteur de la câblodistribution et de la radiodiffusion ont des obligations, suscite des préoccupations légitimes. Un témoin précédent a soulevé une question très intéressante quant à savoir ce qu'il adviendra des règles sur le contenu canadien si vous avez le droit de choisir votre propre menu, un peu comme un menu de restaurant. Cela a donc certaines répercussions sur la capacité des Canadiens de se voir, de se connaître et de connaître leur propre histoire. Cela me fait penser aux gens qui regardent Law and Order et The West Wing. Ils pensent tous que c'est ainsi que fonctionne le système juridique canadien, ce qui n'est évidemment pas le cas. C'est un véritable problème. À un moment donné, le Centre pour la défense de l'intérêt public pourrait-il soulever la question en disant par exemple: «Il me suffit d'appuyer sur certains boutons pour obtenir ce que je veux. Rien ne m'oblige à regarder Radio-Canada, TVA, TFO ou encore CBC»? M. Janigan: C'est une question que le Conseil devra continuellement examiner, tant en ce qui concerne le choix d'émissions que le service de base qui n'est plus défini aujourd'hui comme il était il y a 10 ans. D'ici 10 ans, le service de base offrira peut-être l'accès aux services à large bande que les citoyens jugeront nécessaires pour être vraiment branchés sur la société. C'est une question sur laquelle le CRTC devra continuellement se pencher, tant pour assurer une présence canadienne dans les médias de radiodiffusion que pour permettre aux consommateurs canadiens d'obtenir un service de base abordable comprenant toutes les composantes indispensables. Le sénateur Finestone: Je voudrais vous poser une question au sujet du financement de l'attribution des frais. Pensez-vous que la réticence dont l'industrie a fait preuve, suite à l'appel lancé dans l'avis public CRTC 2000-113 pour obtenir les opinions des consommateurs ou de gens comme vous, venait de ce qu'elle ne voulait pas établir un précédent et contribuer au financement de l'attribution des frais? Pouvez-vous envisager un mécanisme assurant un financement équitable? Il est question ici de l'intérêt public et des intérêts des citoyens et consommateurs canadiens. Avez-vous des recommandations à nous faire à cet égard? M. Janigan: L'inertie à propos de cette question est énorme. Personne n'est prêt à jouer le rôle de chef de file lorsqu'il s'agit de promouvoir de nouvelles méthodes de participation du consommateur. Néanmoins, étant donné l'expérience faite dans le secteur des télécommunications, je crois que lorsqu'une modification comme celle-là sera mise en place, l'industrie s'y conformera de façon raisonnable. Le sénateur Finestone: Ce sera sans doute ma dernière question, car je crois que vous avez répondu à tout dans votre mémoire très complet, ce dont je vous remercie. Selon de nombreuses rumeurs, le CRTC aurait perdu sa raison d'être et en raison de tous les changements et des nombreuses fusions - le fait que les médias sont tous mis dans le même panier - le CRTC a perdu son utilité et l'entreprise devrait s'autoréglementer. Une autre suggestion consiste à laisser le Bureau de la concurrence s'en occuper. Pouvez-vous envisager la possibilité de se retrouver sans réglementation qui permettra aux experts que sont les commissaires du CRTC d'entendre le point de vue des consommateurs? M. Janigan: Il est très difficile d'envisager un secteur de la radiodiffusion et des télécommunications totalement concurrentiel sans qu'il y ait au moins une période pendant laquelle l'organisme de réglementation déploiera des efforts intensifs pour s'assurer que l'on se dirige bien dans la bonne voie. Une fois le but visé atteint, il faut encore faire en sorte que la situation parfaite que vous aviez envisagée, et contribué à créer, sera maintenue. Le monde de l'industrie n'est pas un monde statique. Personne dans l'industrie ne veut avoir à affronter la concurrence. Tout le monde veut l'emporter sur ses concurrents. Et si vous l'emportez, cela veut dire, à bien des égards, la fin de la concurrence et du système de réglementation parfait que la concurrence avait permis d'établir. Le CRTC aura toujours besoin de surveiller activement si les objectifs des lois sur la radiodiffusion et les télécommunications sont atteints grâce à la structure que nous mettrons en place et dans laquelle la concurrence a certainement un rôle à jouer. Si vous voulez un exemple de confusion dans une importante industrie qui s'est lancée dans la déréglementation sans qu'un organisme soit chargé de voir s'il y a ou non une véritable concurrence, il suffit de prendre le transport aérien. Nous cherchons encore à établir si la première déréglementation a donné de bons résultats et si nous en arriverons un jour à une concurrence adéquate. La façon dont le CRTC s'est conduit en ce qui concerne la mise en oeuvre des nouvelles technologies et la restructuration est tout à fait exemplaire selon moi. Le sénateur Finestone: J'ai lu votre mémoire avant de venir ici et je pensais avoir examiné toutes les questions qui m'intéressaient. Nous avons besoin de ce projet de loi parce que nous avons besoin de ce genre de participation dans ce monde très complexe. Pour la gouverne du comité, pourriez-vous, monsieur Janigan, nous dire comment on prépare une présentation. Comment vous procurez-vous les renseignements voulus et que devez-vous faire pour les présenter? M. Janigan: Le travail dépend dans une large mesure des paramètres de l'instance en question. Toutefois, dans de nombreux cas, après avoir lu l'avis public, nous examinons les questions qu'examinera le Conseil. Par exemple, dans une instance sur le plafonnement des tarifs, nous étudierons les questions de productivité et la mesure de la productivité des compagnies de téléphone. Nous recevrons alors la preuve soumise par l'industrie, auquel cas nous pourrons examiner cette preuve. Au besoin, nous demanderons des renseignements complémentaires ou des éclaircissements ainsi que des renseignements qui pourront confirmer le témoignage de nos experts. Par exemple, pour une instance sur le plafonnement des tarifs, nous ferons probablement appel à un expert en productivité qui voudra peut-être demander toutes sortes de renseignements à l'industrie sur la façon dont elle a obtenu certains chiffres, et méthodes utilisées, etc. Le sénateur Finestone: Vous commencez par recevoir les renseignements après quoi vous obtenez un certain délai pour répondre et effectuer vos recherches. M. Janigan: C'est exact. Les renseignements accompagnent généralement la demande du titulaire. Le CRTC est le premier à les examiner. Il y a généralement des séances d'information données à l'avance et que nous essayons de digérer. Nous examinons ensuite les questions sur lesquelles nous croyons nécessaire de défendre les intérêts du consommateur, après quoi nous élaborons notre propre preuve et notre stratégie dans le but de promouvoir ces intérêts. Ces dernières années, les instances ont eu tendance à se dérouler par écrit plutôt qu'oralement. Cela a réduit leur durée, dans une certaine mesure, mais pas la somme de travail nécessaire pour réunir les différents éléments du dossier et les arguments qui sont présentés à la fin de l'instance. Le sénateur Forrestall: Quelle est généralement la durée de ces instances? M. Janigan: Certaines d'entre elles durent de six à huit mois, entre l'émission de l'avis public jusqu'au dépôt des derniers arguments. Il peut s'écouler ensuite un certain temps avant que le Conseil ne prenne sa décision. Le sénateur Finestone: J'ai essayé de lire ces demandes de renseignements. Elles sont très complexes. Avez-vous déjà essayé de les lire? Le sénateur Forrestall: Oui, et je n'ai pas pu les comprendre. Le sénateur Finestone: Merci beaucoup, monsieur Janigan. M. Janigan: Merci. Je tiens également à remercier mon collègue Andrew Reddick, qui a préparé une bonne partie de cette documentation. Je ne pourrais pas me passer de son aide. Le sénateur Finestone: Nous sommes d'accord sur ce point. La présidente: Merci d'être venu, monsieur Janigan. La séance est levée.