Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 17 - Témoignages du 20 novembre 2001
OTTAWA, le mardi 20 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 34 pour étudier le projet de loi C-34, Loi portant constitution du Tribunal d'appel des transports du Canada et modifiant certaines lois en conséquence.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Les sénateurs Gill et Eyton ont appuyé le projet de loi C-34 à l'étape de la deuxième lecture au Sénat. Le sénateur Gill, par ses observations, a bien résumé la teneur du projet. Le sénateur Eyton a soulevé quelques questions auxquelles le comité souhaite fournir des réponses satisfaisantes au cours des réunions sur ce projet de loi.
La loi est difficile à comprendre parce qu'elle est constituée aux deux tiers de modifications de plusieurs lois sur les transports. Il est facile de s'y perdre. Son objet est cependant très simple. À la vue des excellents résultats des mesures appliquées depuis 1986 pour faire observer les règlements de sécurité, le gouvernement a décidé de recourir aux mêmes mesures dans les secteurs ferroviaires et maritimes.
Le gouvernement impose maintenant des sanctions administratives, telle la suspension du permis à ceux qui contreviennent au règlement. Auparavant, les auteurs de ces infractions étaient poursuivis en justice. Le ministère affirme que les personnes observent mieux les règlements depuis l'instauration de ce nouveau type de sanction et l'abandon des poursuites en justice. Il faut cependant prévoir une instance dans les cas où un pilote ou un transporteur aérien estimerait que la sanction imposée est injuste, d'où la proposition de créer un tribunal d'appel des transports.
[Traduction]
Le projet de loi C-34 fait essentiellement deux choses: il crée un tribunal d'appel pour tous les modes de transport, et il instaure des sanctions administratives pour le transport ferroviaire et maritime. La plupart des groupes ou des parties intéressées, mais pas tous, sont favorables à ces changements.
L'appui au projet de loi était tel qu'il est passé très rapidement par toutes les étapes à la Chambre des communes et au comité des communes, peut-être trop rapidement, de l'avis de certains et de mon avis aussi. Nous devrons prendre un peu plus de temps pour veiller à tenir compte de toutes les préoccupations.
Nous entreprenons aujourd'hui l'étude du projet de loi en entendant d'abord le ministère qui propose ces changements intéressants, à savoir Transports Canada.
[Français]
Nous recevons M. Gaétan Boucher, directeur général des Programmes de sécurité, Stratégies et coordination.
[Traduction]
Sherill Besser est avocate-conseil, Services juridiques, et Kimberly Ellard est directrice du projet.
Vous avez la parole.
M. Gaétan Boucher, directeur général, Programmes de sécurité, Stratégies et coordination, Transports Canada: Madame la présidente, j'aimerais tout d'abord vous transmettre les regrets du ministre, M. Collenette, qui ne peut pas être là aujourd'hui. Je suis heureux toutefois de comparaître, au nom du ministre, devant le Comité permanent des transports et des communications, chargé d'étudier le projet de loi C-34.
Je me propose de décrire quelques éléments clés de ce projet de loi, qui a un caractère très technique. Je crois que ce projet de loi représente un autre pas dans la voie que s'est tracée Transports Canada afin de modifier les lois canadiennes sur le transport et d'améliorer la sécurité et la sûreté du réseau national de transport.
Le projet de loi, qui a été adopté en deuxième lecture au Sénat le 6 novembre, comporte deux éléments: la constitution du Tribunal d'appel des transports du Canada et l'établissement de la compétence et des pouvoirs décisionnels du tribunal par voie de modifications visant six lois sur les transports: la Loi sur l'aéronautique, la Loi sur la sécurité ferroviaire, la Loi sur la marine marchande du Canada, la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la sûreté du transport maritime et le projet de loi C-14, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.
[Français]
Le Tribunal d'appel des transports du Canada est conçu sur le modèle du Tribunal de l'aviation civile, un organisme quasi judiciaire indépendant constitué en 1986 et ayant le mandat de réviser les décisions d'application prises en vertu de la Loi sur l'aéronautique.
Le Tribunal de l'aviation civile s'acquitte de son mandat à la satisfaction du ministère et du secteur de l'aviation depuis plus de 15 ans. On le cite comme exemple de «meilleure pratique» en matière de réglementation.
Le Tribunal d'appel des transports du Canada est une transformation du Tribunal de l'aviation civile en un tribunal de transport multimodal qui permettrait au secteur ferroviaire, maritime et aérien d'avoir accès à un processus de révision indépendant. Le nouveau tribunal fonctionnerait selon les mêmes principes qui régissent le Tribunal de l'aviation civile: indépendance, expertise, rapidité, économie, accessibilité, équité et transparence en sont les principales caractéristiques. La Loi sur le Tribunal d'appel des transports du Canada porte sur les rouages entourant la constitution du tribunal comme la nomination, les fonctions et les compétences des conseillers, de même que le processus touchant les audiences en révision et en appel. La compétence du tribunal en termes de type de décision d'application administrative qu'il peut réviser est établie par voie de modification aux diverses lois sur les transports.
[Traduction]
Le tribunal aurait le pouvoir de réviser six différents types de décisions administratives: premièrement, les sanctions administratives prévues dans la Loi sur l'aéronautique, la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la sûreté du transport maritime et le projet de loi C-14, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. La deuxième catégorie comprend diverses décisions touchant la délivrance des licences en vertu de la Loi sur l'aéronautique, de la Loi sur la marine marchande du Canada et du projet de loi C-14, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. La troisième catégorie comprend les refus de radier du dossier les mentions d'application de la loi en vertu de la Loi sur l'aéronautique, de la Loi sur la sûreté du transport maritime et du projet de loi C-14, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. La quatrième comprend les décisions concernant la désignation des agents de contrôle de sûreté en vertu de la Loi sur l'aéronautique, de la Loi sur la sûreté du transport maritime et de la Loi sur la sécurité ferroviaire. En cinquième lieu, il y a les avis de défaut relativement aux transactions de conformité en vertu de la Loi sur la sûreté du transport maritime et du projet de loi C-14, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Enfin, le tribunal pourrait examiner des ordres émis en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire.
[Français]
Les pouvoirs du tribunal dépendraient de la nature de la décision administrative faisant l'objet de la révision. Lorsque la mesure d'application est essentiellement de nature punitive, le tribunal pourrait substituer sa décision à celle du ministère. Un bon exemple serait la révision d'une transaction administrative pécuniaire par le tribunal.
Toutefois, lorsque la mesure d'application touche davantage les compétences, les qualifications requises pour détenir une licence, l'intérêt public ou d'autres considérations de sûreté, le tribunal n'aurait généralement que le pouvoir de confirmer la décision du ministère ou de lui renvoyer l'affaire pour réexamen.
[Traduction]
Madame la présidente, un large éventail d'intervenants des secteurs maritime, aérien et ferroviaire a pris part aux consultations sur la constitution de ce tribunal. Comme ce fut le cas pour le projet de loi C-14, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, Transports Canada a obtenu l'approbation de procéder à des consultations sur une ébauche de ce projet de loi. À mon avis, les observations reçues dans le cadre de ces consultations ont permis d'améliorer la qualité du projet de loi et attestent la volonté du ministère d'accroître la participation des citoyens.
En conclusion, madame la présidente, la grande majorité des infractions ne sont pas de nature criminelle en vertu des diverses lois sur les transports. Je crois que ce projet de loi contribue grandement à moderniser la façon dont Transports Canada traite les infractions les moins graves.
Cette loi faciliterait le recours par le ministère à une vaste gamme de mesures d'application de nature administrative, tout en prévoyant un mécanisme de révision indépendant pour ceux qui font l'objet de ces mesures administratives. Voilà un autre exemple de la détermination du gouvernement à repenser le rôle de l'État.
Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition et nous serons heureux de répondre aux questions que le comité pourrait avoir.
La présidente: La création du nouveau tribunal semble être un pas dans la bonne voie qui recueille un appui majoritaire. Y a-t-il d'après vous des améliorations qui pourraient y être apportées et dont nous devrions être conscients?
M. Boucher: Certaines des personnes que nous avons consultées ont proposé d'accroître les pouvoirs du tribunal. On peut donc s'attendre à ce que certaines personnes recommandent encore une fois d'accroître certains des pouvoirs du tribunal.
Je ne sais pas si cela répond directement à votre question, mais si, aux termes d'autres lois sur les transports, on décidait d'instituer de nouveaux mécanismes d'application ou si on prenait d'autres décisions relatives à l'application de la loi, certains pourraient vouloir demander au tribunal d'examiner certaines de ces décisions. La loi prévoit cette possibilité.
[Français]
La présidente: Les interventions du tribunal d'appel des transports dans le secteur du transport routier pourraient être aussi avantageuses. Compte tenu du fait que le transport routier interprovincial relève de la compétence du gouvernement fédéral - une compétence qu'il a quand même déléguée aux provinces - et du nombre élevé d'accidents qui font des blessés et des morts, le ministère a-t-il commencé à prévoir des sanctions administratives pour le transport routier?
M. Boucher: L'administration de la Loi sur le transport des véhicules automobiles a été déléguée principalement aux provinces. Présentement, nous n'avons pas - le projet de loi S-3 a été approuvé ici avec modification - de dispositions où le gouvernement fédéral pourrait imposer certaines sanctions à l'égard de certaines mesures du transport routier, notamment sur le plan des camions. Il n'est donc pas envisagé de prendre de telles mesures et par ricochet, de telles mesures ne seraient pas présentées devant le tribunal.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Le projet de loi dont nous sommes saisis est effectivement important. Je me réjouis de ce que notre présidente ait dit que nous allons prendre notre temps pour nous assurer de bien faire les choses.
Je suis du Canada atlantique. Aussi j'examine toujours les lois en fonction des répercussions qu'elles auront pour les gens de ma région. J'ai commencé par examiner la composition du Tribunal de l'aviation civile, pour voir d'où viennent les membres du tribunal et s'il y en a parmi eux qui représentent ma région. Le Tribunal de l'aviation civile ne comprend aucun représentant de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse ou de l'Île-du-Prince-Édouard. On y trouve un seul représentant du Nouveau-Brunswick et une foule de représentants de l'Ontario.
Cette situation est inacceptable selon moi. Je dis cela à cause des nombreux dossiers relatifs au transport, aviation, ports, et cetera, qui concernent le Canada atlantique et plus particulièrement Halifax.
Le paragraphe 3(1) du projet de loi dispose que «Le gouverneur en conseil nomme au Tribunal des membres [...] possédant collectivement des compétences [...]»
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le processus qui sera suivi? Serait-il possible, par exemple, qu'avant que leur nomination ne soit confirmée, les conseillers soient appelés à comparaître devant un comité comme le nôtre? Le comité en question aurait l'occasion de revoir ces nominations, non pas seulement de les confirmer comme cela se fait aux États-Unis, mais à tout le moins de veiller à ce qu'il y ait un certain équilibre entre la côte Est, la côte Ouest et la partie centrale du pays.
M. Boucher: D'après ce que je sais du processus de nomination par le gouverneur en conseil, les candidats intéressés ont la possibilité de se manifester. Je ne sais pas si un comité comme celui que vous proposez pourrait avoir un rôle à jouer à cet égard. Il existe toutefois un processus bien établi pour les nominations de ce genre. Comme le précisent les articles 12 et 13, nous voulons avoir l'assurance que les membres possèdent des compétences reliées au secteur des transports en cause devant le tribunal. Pour ce qui est de la possibilité qu'un comité comme celui que vous proposez puisse interroger les candidats, je ne sais pas si c'est quelque chose qu'on a déjà fait. Je crois savoir cependant qu'il existe un processus pour les nominations.
Nous ne faisons qu'étendre ce processus aux secteurs maritime et ferroviaire. Il est clair que l'intention est d'assurer une représentation des provinces maritimes, surtout pour les questions maritimes. Il est intéressant que vous souleviez cette question puisque c'est précisément ce qui préoccupait certaines des personnes que nous avons consultées. Je crois savoir que certaines personnes ont peut-être déjà présenté leur candidature en suivant le processus habituel.
Le sénateur Oliver: Vous avez dit quelque chose qui m'a frappé. Vous avez dit que le tribunal aurait notamment le pouvoir d'ordonner l'examen d'une décision. La doctrine de l'examen judiciaire m'intéresse tout particulièrement. Je suis avocat et j'ai eu l'occasion de plaider devant des tribunaux administratifs.
La doctrine du réexamen est bien connue. Elle peut cependant poser bon nombre de problèmes à moins de définir clairement ce qu'ils ont le droit de réexaminer et quels sont leurs pouvoirs de réexamen. Ont-ils seulement le pouvoir de réexaminer quelque chose de nouveau et quelle est la définition de «nouveau»?
Quels seront les critères de réexamen? Si les critères ne sont pas clairs, cela risque de fausser le processus et cela peut devenir un tribunal irrégulier. Pouvez-vous expliquer davantage la doctrine de réexamen qui s'appliquera dans cette loi?
M. Boucher: En ce qui concerne le réexamen, c'est le tribunal qui prend la décision finale. Il peut soit substituer sa décision, soit la renvoyer au ministère pour réexamen. Là où nous tentons de faire une différence, c'est pour ce que nous appelons des décisions de type punitif. Dans ces cas, c'est le tribunal qui aura le dernier mot, et non seulement il aurait le dernier mot, mais il pourrait par ailleurs substituer sa décision à la décision prise par le ministère.
Dans le cas des compétences, par exemple, si le ministère suspend ou retire un permis parce qu'il juge que vous n'avez plus les compétences voulues pour détenir un tel permis, alors le tribunal pourrait examiner la situation. Il pourrait soit confirmer la décision du ministère, soit renvoyer le dossier au ministère pour réexamen. Naturellement, le ministère pourrait décider de maintenir sa décision initiale.
Le sénateur Oliver: Ma dernière question concerne le calendrier. Nous venons tout juste d'examiner la Loi sur la marine marchande du Canada. Lorsque nous aurons examiné ce projet de loi avec la diligence voulue et qu'il sera renvoyé à la Chambre, pouvez-vous nous dire quand il entrera en vigueur? Il y a un certain nombre de groupes, d'agences et d'organisations qui attendent que ce projet de loi devienne loi. Quel est votre plan interne à cet égard?
M. Boucher: Il faudra peut-être jusqu'à un an avant que la loi soit en vigueur. Puisque vous avez mentionné la Loi sur la marine marchande du Canada, permettez-moi de souligner qu'avant que l'on prenne tous les règlements qui doivent accompagner les nouveaux outils d'application et la nouvelle stratégie d'observation, il faudra au moins deux à trois ans avant que soient en place tous les outils voulus aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada.
Le sénateur Oliver: Voulez-vous dire qu'il faudra peut-être attendre trois ans avant que toutes les causes relatives à la Loi sur la marine marchande du Canada puissent être entendues par ce nouveau tribunal?
M. Boucher: Oui, deux ou trois ans. Il y a beaucoup de travail à faire. Le projet de loi C-14 a été adopté. En même temps, il faudra élaborer un règlement, le nouveau projet de loi doit être mis en oeuvre et il devra être accompagné d'un nouveau règlement.
Bien que je ne sois pas l'expert interne en ce qui concerne la Loi sur la marine marchande du Canada, je dirais qu'il faudra deux à trois ans avant qu'elle puisse être pleinement mise en oeuvre. Entre-temps, il y a certains articles de la loi actuelle qui relèvent du tribunal. Cependant, nous ne voyons pas beaucoup d'activités dans ces domaines.
Le sénateur Callbeck: Le sénateur Oliver a parlé des pouvoirs du tribunal. J'ai lu quelque part que le tribunal n'a pas suffisamment de pouvoir. En ce qui concerne les mesures d'application et les conditions requises pour obtenir un permis, vous avez mentionné que cette décision était prise par le ministre ou le ministère plutôt que par le tribunal. Pourquoi?
M. Boucher: C'est une bonne question. Nous établissons la limite en ce qui concerne les décisions qui ont une incidence sur la sécurité. Pour ce qui est des qualités requises et des compétences, il est clair que c'est au ministre de décider s'il va délivrer un permis, le suspendre ou le modifier. Si nous ne voulons pas créer un autre niveau décisionnel en ce qui a trait à la sécurité, c'est là où nous devons établir la limite.
En ce qui concerne les décisions de type punitif, par exemple, en aviation, les dispositions sont claires pour ce que l'on peut faire et ne pas faire. Si vous ne respectez pas ces dispositions, alors il vous en coûtera tel montant. À ce moment-là, le tribunal peut alors substituer sa décision.
Ma collègue a peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
Mme Kimberley Ellard, directrice, Stratégies et enjeux, Transports Canada: Je peux peut-être vous aider en ce qui concerne les pouvoirs. La décision stratégique est prise selon que les motifs pour lesquels le gouvernement prend des mesures administratives sont de nature punitive ou non.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque le ministère décide d'imposer une sanction pécuniaire administrative, le ministre ou le fonctionnaire se fonde sur les motifs suivants: A-t-on enfreint la loi? Quelle loi a-t-on enfreinte? On a enfreint une disposition d'un règlement ou d'une loi qui traite de la sécurité au palier fédéral. Il s'agit surtout d'une mesure disciplinaire si on dit: «Très bien, on a enfreint la loi. Nous allons donc imposer une sanction pécuniaire administrative.»
Par exemple, on pourrait imposer une sanction pécuniaire administrative, disons de 500 $, aux termes de la Loi sur l'aéronautique parce que la personne a enfreint une disposition spécifique de la loi, notamment en ce qui concerne les vols à basse altitude. Nous dirons ensuite à cette personne: «Nous avons l'intention d'imposer une sanction pécuniaire de 500 $ parce que vous avez enfreint la loi en volant à basse altitude.» C'est un exemple de mesure qui est purement disciplinaire.
Un autre exemple serait d'imposer une sanction pécuniaire à l'exploitant d'un paquebot de croisière qui n'aurait pas respecté les mesures de sécurité prévues dans la Loi sur la sûreté du transport maritime. Par exemple, quelle mesure n'a-t-il pas observée? L'exigence relative à la vérification des passagers. Le principal objectif consiste à discipliner la personne qui n'a pas respecté une disposition de la loi relativement à la sécurité.
En ce qui concerne ce qu'on appelle les mesures non punitives, la décision se fonde non pas sur le fait que quelqu'un a enfreint la loi, mais plutôt que c'est dans l'intérêt public pour des raisons de sécurité. Dans les motifs de décision, le ministre utilisera des expressions telles que «dans l'intérêt public», «pour des raisons médicales», «incompétence», ou il dira que quelqu'un a fait quelque chose qui «compromet la sécurité». En ce qui concerne ce type d'action, il peut également y avoir un élément de recours. Souvent, lorsque nous prenons la décision de faire quelque chose, nous donnons aussi les conditions de remise en vigueur.
Je vais vous donner des exemples de cas où nous intervenons pour des raisons de sécurité et où nous avons limité les pouvoirs du tribunal. Par exemple, disons que nous suspendons la reconnaissance des titres de compétence d'un capitaine aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada. Pourquoi ferions-nous une telle chose? Parce que la personne ne répond plus aux normes médicales qui s'appliquent. Le tribunal peut examiner le dossier et décider, en se fondant sur des conditions médicales, que la personne ne répond plus aux exigences. Par contre, il peut décider qu'un nouveau médicament pourrait régler le problème médical de cette personne et que par conséquent le ministre devrait réexaminer la décision.
En ce qui concerne les questions d'intérêt public et de sécurité, notre objectif n'est pas de dire qu'une personne a fait quelque chose de mal. Nous aimerions que la personne puisse reprendre possession de son permis, pourvu qu'elle puisse travailler de façon sécuritaire.
Cela revient à la question du réexamen. La décision sera réexaminée. Il faut réagir rapidement. La décision sera prise par une personne autre que celle qui a pris la décision initiale. On tiendra compte du plus grand nombre d'éléments possible afin de donner une chance à cette personne, car il ne s'agit pas d'une question de culpabilité. La décision a été prise uniquement pour des raisons de sécurité.
Je vais vous donner un autre exemple en ce qui concerne les ordonnances ferroviaires. Aux termes de la Loi sur la sécurité ferroviaire, nous pourrions ordonner à une société de prendre des mesures correctives parce que son système de gestion de la sécurité comporte des lacunes qui risquent de compromettre la sécurité. Si l'affaire était portée devant le tribunal, ce dernier examinerait le système de gestion de la sécurité.
J'espère que vous comprenez la teneur du type d'activité que nous menons. Dans ce cas-ci, la décision stratégique a été de limiter les pouvoirs du tribunal en ce qui concerne le renversement de la décision du ministre qui était fondée sur un motif autre que la culpabilité.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que la répartition des compétences demeure la même que dans le tribunal actuel de l'aviation civile?
Mme Ellard: Oui.
Le sénateur Callbeck: Alors ce tribunal fonctionne manifestement bien?
Mme Ellard: Nous le pensons. Le président de ce tribunal est censé témoigner devant vous.
Le sénateur Callbeck: Le sénateur Oliver vous a interrogés au sujet des membres qui en feront partie. Il me semble que le texte exige que ces derniers devront avoir certaines compétences en matière de transport. Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela signifie que tout le monde doit être expert en ce qui concerne les transports? J'ai lu quelque part que si une question portant sur la santé était soulevée, il fallait disposer de quelqu'un ayant des connaissances médicales mais pas nécessairement en matière de transport. Est-ce qu'un membre de ce tribunal peut vraiment ne rien connaître au transport?
M. Boucher: On peut être spécialiste des questions médicales de l'aviation civile mais aussi entendre une cause portant sur le transport maritime, du fait que cette dernière est de nature médicale et n'est pas liée au transport maritime en soi.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que certains des membres du tribunal pourraient être des médecins tout en n'ayant aucune connaissance spécialisée dans les transports, comme c'est le cas avec le Tribunal de l'aviation civile?
M. Boucher: Oui.
Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'il y a de longs délais lorsqu'on fait affaire avec le Tribunal de l'aviation civile? Est-ce qu'ils travailleront rondement ou est-ce qu'il y a un arriéré?
M. Boucher: Je crois savoir que demain, vous entendrez le président du Tribunal de l'aviation civile. Peut-être pourriez-vous soulever cette question auprès de lui.
Le sénateur Spivak: Si je ne m'abuse, la raison d'être de ce projet de loi est d'étendre le réexamen figurant dans la Loi sur l'aviation civile à d'autres moyens de transport. Ai-je raison de dire que son objet n'est pas de modifier la nature de ce tribunal d'appel?
Mme Ellard: Cela dépend de ce qu'on attend par «réexamen».
Le sénateur Spivak: Vous nous avez expliqué ces différences. Je ne comprends pas tout, mais j'y arriverai. Pour le moment, je crois comprendre où vous voulez en venir.
Qui a demandé cela? Est-ce qu'il y a eu une grande vague d'opinion publique en faveur de cela, est-ce que l'industrie l'a réclamé?
M. Boucher: Transports Canada dispose de plusieurs mécanismes de consultation portant sur tous les moyens de transport. Ainsi par exemple, nous comptons le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne, le Conseil consultatif maritime canadien et le Comité consultatif sur la sécurité ferroviaire. Ces mesures sont le fruit de consultations régulières auprès de l'industrie mais aussi de la tendance du gouvernement à déjudiciariser. Lorsque nous avons emprunté cette voie avec le projet de loi C-14, nous avons pensé qu'il était tout à fait logique d'élargir la portée du tribunal aux autres moyens de transport.
Le sénateur Spivak: Vous parlez toutefois de consultations a posteriori, effectuées après la décision de déposer le projet de loi, et pas avant.
M. Boucher: Non, non, je m'excuse, ce n'est pas ainsi.
Le sénateur Spivak: La déjudiciarisation était déjà une politique gouvernementale.
M. Boucher: Nous étions autorisés à effectuer des consultations dès la présentation d'un avant-projet de loi, tout comme cela s'est fait lors de l'élaboration du projet de loi C-14.
Le sénateur Spivak: Je comprends tout à fait, mais lorsqu'on envisage d'adopter une politique, c'est soit en réaction à une demande du public, soit de son propre chef. Il ne fait aucun doute qu'en l'occurrence, on a agi de son propre chef. Or qui réclamait cela?
Mme Ellard: Il faut que nous gardions à l'esprit ce qui se passait dans les divers moyens de transport à cette époque. À l'automne de 1997, nous avons tenu une grande consultation nationale sur la refonte de la législation relative au transport maritime et particulièrement de la Loi sur la marine marchande. En 1998, un avant-projet a été présenté, qui proposait, entre autres choses, l'amélioration de ce régime de réglementation. Selon ce document qui était le fruit des consultations, on avait discuté de diverses possibilités qui permettraient à la Direction générale de la sécurité maritime de mieux exécuter les dispositions de la Loi sur la marine marchande. Le milieu du transport maritime a confirmé et souligné certains besoins et préoccupations, y compris le besoin pour Transports Canada d'avoir plus de latitude lorsqu'il faut réagir aux violations des lois et règlements maritimes et le besoin d'exécuter des mesures différentes selon la nature des infractions. On a également mentionné la création d'un mécanisme de réexamen.
La même chose s'est passée dans le secteur du transport ferroviaire. On a tenu des consultations nationales en réponse à certaines grandes préoccupations au sujet de la sécurité. Cela a mené à l'adoption de modifications à la loi. Encore une fois, on a estimé qu'il fallait resserrer les choses et fournir certains mécanismes. Précisément, si on veut créer des moyens administratifs, il faut aussi prévoir la création d'un mécanisme de réexamen indépendant.
Le sénateur Spivak: Vous savez, la population de ce pays s'inquiète vivement au sujet de la sécurité dans le camionnage. Il n'est pas exact de dire que le gouvernement fédéral n'a pas de rôle à jouer, car lorsque le document «Aller sans entraves» a donné une nouvelle orientation à la politique des transports à la fin des années 80, le gouvernement a quand même conservé son pouvoir en matière de sécurité nationale. Aussi, aux États-Unis, la sécurité routière relève du gouvernement fédéral depuis une cinquantaine voire même une centaine d'années.
Pourquoi est-ce que la sécurité routière ne figure jamais dans les modifications de politique portant sur tous les autres modes de transport?
M. Boucher: Je ne suis pas vraiment habilité à répondre à cette question.
Le sénateur Spivak: Il faudrait pourtant, car c'est vous qui nous renseignez sur tout cela. Nous représentons le public et dans son intérêt, il faut que nous sachions pourquoi vous n'avez pas abordé la question de la sécurité routière.
M. Boucher: On a tenu le même genre de débat lorsque le projet de loi S-3, la Loi sur la sécurité de véhicules automobiles, était à l'étude. À notre avis, tous les arguments ont alors été entendus. La délégation de pouvoirs aux provinces en vertu de la Loi sur le transport par véhicule à moteur a donné d'assez bons résultats. En outre, les amendements au projet de loi S-3 comprennent certaines améliorations précises au Code national visant la sécurité et les codes de sécurité.
Le sénateur Spivak: Nous avons entendu des témoignages tout à fait contraires, mais là n'est pas la question. La Commission de l'aviation civile fonctionnait bien elle aussi, mais vous changez les choses. C'est absurde. Vous êtes en train d'élargir le tribunal à tous les modes de transport.
Ce n'est pas parce qu'il ne fonctionne pas bien que vous agissez ainsi, c'est parce que vous voulez étendre sa juridiction aux autres modes de transport. Si telle est bien votre intention, il me paraît absurde d'omettre quelque chose qui touche tant de citoyens et qui les préoccupe.
M. Boucher: Ces pouvoirs ont été délégués à l'administration à la suite d'une décision de principe.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas exact. La délégation vise la mise en oeuvre. Le gouvernement fédéral est toujours l'autorité suprême du Code national de sécurité dans le pays tout entier. De plus, les camions transitent d'une province à une autre. Leurs activités ne se limitent pas à une seule province.
M. Boucher: Vous soulevez ici la décision de s'abstenir de concevoir des mécanismes d'exécution et d'affecter des inspecteurs à la surveillance de la sécurité.
Le sénateur Spivak: À votre avis, cette décision de principe est bonne ou mauvaise?
La présidente: C'est vraiment terrible de devoir répondre à une telle question.
M. Boucher: Vous n'ignorez pas, madame le sénateur, que c'est le ministre qui a adopté cette décision. Pour ma part, je suis ici pour vous fournir des faits et parler du projet de loi.
Le sénateur Spivak: Excusez-moi. Je pensais que vous oseriez peut-être nous donner votre avis. Je vous remercie.
Le sénateur Finestone: J'ai remarqué que le Tribunal de l'aviation civile a été mis sur pied en 1986. La décision ayant présidé à sa création, dans l'intérêt de l'industrie, a fait suite à des consultations, car il semble que cet organisme indépendant quasi judiciaire a été bien accueilli. J'ai lu là-dessus les observations des sénateurs Gill et Eyton.
Lorsque je me suis reportée à votre exposé de la question, je me suis demandé ce qu'il était advenu du souci de la justice au Canada. La question vous paraîtra peut-être bizarre, mais lorsqu'un tribunal se prononce et que le jugement est nuancé par le ministre et partant quelque peu amoindri, alors on a peut-être l'impression qu'il ne s'agit pas toujours d'une décision judiciaire. Je ne prétends pas que c'est ainsi que les choses se passent. Je pense seulement à une société démocratique, où l'arbitre suprême est le système de justice. Ici, il s'agit d'un organisme quasi judiciaire et qui n'est donc pas l'arbitre suprême. C'est la Cour suprême du Canada qui exerce cette fonction.
Cela dit, qu'arrive-t-il lorsqu'un organisme administratif ou des fonctionnaires prennent une décision qui ne recueille pas l'approbation des tribunaux? La question est relancée dans le camp des fonctionnaires et ce sont eux qui doivent prendre une décision en conséquence ou bien le ministre. Si je suis la partie lésée, soit en tant que simple citoyenne ou personne morale, ce qui recoupe un peu la citoyenne, je suis dans une impasse. Je ne peux passer à l'étape suivante, tout à fait normale dans une démocratie, soit de faire appel auprès de la Cour fédérale ou de la Cour suprême.
Est-ce que le tableau que je brosse est fidèle? Je n'en étais pas sûre, alors je me suis reportée à la loi pour voir comment on y répartit le pouvoir d'exécution entre l'autorité administrative et le tribunal. Partout, on peut lire: «peut confirmer la décision du ministre», «peut y substituer sa propre décision», dans tous les cas, quelle que soit la situation. Pouvez-vous répondre à cela? Cette façon de faire résiste au passage du temps depuis 1986.
Mme Sherill Besser, avocate-conseil, Services juridiques, Transports Canada: Si vous le permettez, madame le sénateur, je vais décomposer la procédure.
En ce qui concerne les sanctions administratives pécuniaires - qui sont purement des mesures disciplinaires -, le tribunal, comme l'a souligné mon collègue, peut substituer sa propre décision à celle du ministre.
En ce qui concerne les sanctions liées aux permis, les cas où le ministre a accordé un permis à quelqu'un qui répondait aux critères, puis, par la suite, une décision a été prise stipulant que cette personne ne répondait plus aux critères, la décision peut faire l'objet de deux recours. Après examen, le tribunal peut ne pas être d'accord avec la décision du ministre et renvoyer l'affaire à son bureau pour un nouvel examen. Je ne sais pas exactement combien de fois cela s'est produit, mais je sais que lorsque, par le passé, des dossiers ont été renvoyés au ministre, ce dernier est parfois revenu sur sa décision. Je crois que le président du tribunal, qui comparaîtra devant vous demain, sera en mesure de vous citer le chiffre exact. Quand l'affaire est renvoyée, cela donne au ministre l'occasion de réfléchir à nouveau sur la question.
Nous faisons une distinction parce que le ministre des Transports est responsable de la promotion de la sécurité, et qu'il s'agit bien d'enjeux de sécurité. Voilà la première chose à considérer.
En ce qui concerne le contrôle judiciaire, si on allègue que le tribunal a outrepassé son champ de compétence ou n'a pas exercé cette compétence judicieusement, le contrôle judiciaire est possible en vertu de la Loi sur la Cour fédérale.
Le sénateur Finestone: Si je comprends bien le contrôle judiciaire, il s'agit d'examiner strictement la procédure, et non la plainte portée par le particulier. Uniquement la procédure.
Mme Besser: C'est exact.
Le sénateur Finestone: Ainsi, ils n'ont pas l'occasion d'entendre ma version des faits. C'est ce que nous avons constaté avec le projet de loi sur la citoyenneté et l'immigration. Nous avions les mêmes préoccupations à l'époque.
Mme Besser: Lorsqu'on évite d'avoir recours aux tribunaux à proprement parler, on en tire certains avantages, notamment une procédure beaucoup plus informelle. De plus, en tant que particulier, vous n'aurez pas besoin d'un avocat.
Le sénateur Finestone: Vos amis des services juridiques vont adorer cela.
Mme Besser: Peut-être ceux du secteur privé, en effet.
En outre, la procédure est accélérée. Ainsi, si le ministre suspend une désignation en raison d'une menace immédiate à la sécurité, l'intéressé peut en appeler de cette décision très rapidement et n'a plus besoin d'attendre des années, ce qui, bien honnêtement, est le cas dans la procédure civile.
Le sénateur Finestone: Dans un système totalitaire, on peut avoir une procédure identique. La différence entre un système totalitaire et le nôtre, c'est qu'il y a un arbitre ultime. Ce n'est ni le ministre ni les fonctionnaires. Ce sont les juges des tribunaux.
Je savais que ma question était inutile, mais je ressentais le besoin d'exprimer ma préoccupation par rapport à la situation depuis 1986. Je présume que vous avez tenu compte de toutes les consultations, comme vous l'avez mentionné, et je vous en félicite. Personne n'a soulevé ce problème. Nous avons ensuite étudié le projet de loi sur la marine marchande, et le libellé et la procédure du projet de loi C-34 sont identiques à ceux de la Loi sur la marine marchande.
Nous avions certaines inquiétudes relativement à l'industrie du tourisme mais n'avons jamais remis en question la responsabilité du ministre. Je me sens également responsable de ne l'avoir jamais soulevé parce que je ne l'avais pas remarqué. C'était un projet de loi très volumineux. Je ne m'y connaissais pas du tout en matière de marine marchande et je n'avais pas lu cette partie.
Toutefois, c'est frappant lorsqu'on constate à quel point la pratique est généralisée: partout, on utilise la même procédure. À la lecture des réponses de mes collègues sénateurs, je comprends - et j'ai le plus grand respect pour leur érudition et leur approche consciencieuse, sénateur Gill - qu'ils n'aient discerné aucun problème à ce niveau. J'ai cru que c'était peut-être moi qui avais mal compris. Je tenais à dire ce que j'en pense. Et je persiste dans mon objection, soit dit en passant. Je vous avoue que c'est une source d'irritation qui me tracasse.
Nous attendons le projet de loi C-36, la mesure qui permettra au gouvernement du Canada de lutter contre le terrorisme. Il ne fait aucun doute que la sécurité, dans les airs, sur terre et en mer, est la préoccupation qui l'emporte sur toutes les autres dans le contexte actuel.
Nous avons adopté le projet de loi sur la marine marchande et, avant même qu'il n'ait reçu la sanction royale, on nous demande d'approuver des amendements à ce projet de loi. Je suis plutôt d'accord pour dire qu'il s'écoulera trois ans avant que cette mesure ne soit mise en oeuvre. Il faut maintenant nous demander ce qu'il convient de faire pour lutter contre le terrorisme. Quelles seront les répercussions du projet de loi sur les modes de transport visés? Aurons-nous droit à une autre série de règlements, au sujet desquels nous n'avons guère notre mot à dire?
Il est très difficile pour les parlementaires d'être confrontés à trois ensembles de règles qui se chevauchent sans avoir pu prendre connaissance des règlements. Nous avons trois ensembles de règles de gouvernance qui nous ont été présentées par le gouvernement au pouvoir et on nous dit que les règlements seront bientôt couchés sur papier. C'est à une lourde responsabilité.
Pensez-vous qu'il y a un problème du fait qu'on veuille modifier ces trois lois pour les rendre conformes au projet de loi antiterroriste?
M. Boucher: Vous comprendrez que je ne suis pas en mesure de dire quoi que ce soit au sujet du projet de loi sur le terrorisme. On retrouve toutefois essentiellement les mêmes règles dans la Loi sur l'aéronautique, la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur la sûreté du transport maritime.
Le sénateur Callbeck: Le Tribunal de l'aviation civile peut-il condamner l'une des parties aux dépens?
M. Boucher: Non.
Le sénateur Callbeck: Le nouveau tribunal pourra condamner l'une des parties aux dépens?
M. Boucher: Exact.
Le sénateur Callbeck: Existe-t-il un mécanisme pour en appeler des dépens qui paraissent excessifs?
M. Boucher: Non, il n'existe pas de mesures en ce sens.
Le sénateur Finestone: Quand nous étudiions la Loi sur la marine marchande, l'amende d'un million de dollars inquiétait beaucoup les petits armateurs qui la trouvaient exorbitante. Nous en avons longuement discuté. Le projet de loi en question n'a toujours pas reçu la sanction royale et nous sommes maintenant saisis d'un projet de loi qui aurait préséance sur le premier et qui ne traite pas de la question du financement et ne prévoit aucun recours. Il y a pourtant un montant d'un million de dollars qui est en cause - c'est accorder beaucoup de pouvoir au tribunal.
J'aimerais savoir s'il y aurait moyen d'étudier la préoccupation du sénateur Callbeck dans le cadre de notre étude.
Mme Ellard: Nous pouvons peut-être vous présenter des renseignements généraux pour expliquer pourquoi cette disposition a été incluse dans le projet de loi. Il y a trois façons d'inclure une disposition relative aux dépens dans une mesure législative. On peut soit donner au tribunal le pouvoir général de condamner l'une des parties aux dépens, soit circonscrire ce pouvoir, soit ne pas accorder de pouvoir en ce sens au tribunal.
Nous avons opté pour la solution mitoyenne car il arrive qu'on demande l'examen par le Tribunal de l'aviation civile et qu'on ne se présente pas à l'audience. Cela s'est déjà produit dans le cas d'appels aussi où trois membres du tribunal de même que le représentant du ministre ont dû se déplacer pour participer à l'audience. Lorsque la personne ne se présente pas et que des dépens ont été engagés, ou encore lorsque la personne engage une poursuite jugée frivole, le tribunal peut la condamner aux dépens.
Nous sommes toutefois prêts à recevoir des suggestions là-dessus.
Un des principes clés est que le tribunal doit être accessible. Le fait de pouvoir condamner l'une des parties aux dépens pourrait nuire à l'accessibilité, mais pourrait aussi dissuader ceux qui pourraient intenter des poursuites frivoles. Nous avons voulu dans notre décision assurer un équilibre entre les deux.
Mme Besser: L'amende d'un million de dollars qui est prévue aux termes de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada vise les infractions criminelles, qui ne sont pas incluses dans le processus en cause. Cette amende ne figure pas au nombre des sanctions administratives. Ce n'est pas là l'intention du projet de loi.
Le sénateur Finestone: Pour les infractions criminelles, ce sont donc les sanctions pénales qui s'appliquent.
Mme Ellard: En fait, dans plusieurs cas, nous prévoyons un mécanisme d'examen là où il n'y en avait pas auparavant ou là où le seul mécanisme qui existait auparavant était de demander l'examen par le ministre. Dans certains cas, nous prévoyons un examen indépendant là où il n'y en avait pas auparavant. Parce que nous prévoyons des sanctions non pas pénales, mais administratives, nous sommes tenus d'inclure un mécanisme d'examen conformément au droit administratif, d'où le rôle du tribunal.
Le sénateur Finestone: Est-ce la même procédure au CRTC? Je ne connais pas d'autre tribunal C'est pour cela que je pose la question.
M. Boucher: Je ne sais pas. Je pourrais vous faire parvenir la réponse plus tard.
Le sénateur Finestone: Pouvez-vous faire cela?
M. Boucher: Oui, absolument.
[Français]
Le sénateur Gill: J'aimerais clarifier certaines choses. Les deux principaux objectifs du projet de loi C-34 sont la création du Tribunal d'appel et la modification de six lois existantes. Ce projet de loi vise à simplifier le processus existant en remplaçant certaines sections des lois pour ainsi faciliter l'accessibilité à tous les joueurs de l'industrie du transport. Par le fait même, la déjudiciarisation entraînera des économies en éliminant davantage d'intervenants judiciaires, tels les avocats. Pourriez-vous ajouter d'autres éléments positifs à ce projet de loi?
M. Boucher: Avant il n'y avait qu'un tribunal pour l'aviation civile. Les autres modes de transport, notamment les transports maritimes et ferroviaires, ne bénéficiaient donc pas d'un mécanisme leur permettant de contester certaines décisions administratives de mise en conformité que le ministère pouvait prendre.
Cela permet aux autres modes de transport d'utiliser un outil dont l'aviation civile a bénéficié depuis quelques années. La Loi sur la sûreté du transport maritime introduit un processus de pénalité administrative par l'entremise de ce projet de loi pour le rendre cohérent et uniforme. Cela tend donc à uniformiser du côté maritime ce qui a été approuvé avec le projet de loi de la sécurité du transport maritime.
Le sénateur Gill: Puisque le transport maritime est une industrie beaucoup plus vieille que nous tous, j'imagine que beaucoup de choses juridiques ont été faites. En général, il n'y a pas beaucoup de réticence face au projet de loi. Par contre, il y en a un peu du côté du transport maritime. Cela n'enlève rien au secteur maritime sur le plan judiciaire. Il a les mêmes recours qu'avant sauf qu'il en a un de plus. S'il ne veut pas utiliser le canal judiciaire, il peut utiliser le tribunal d'appel.
M. Boucher: Le projet de loi C-14 présente une nouvelle approche de la conformité, de la mise en application et de la notion des pénalités administratives. Un nouveau concept a été présenté dans le projet de loi C-14 et approuvé par le gouvernement. Toutefois, il n'a pas reçu la sanction royale. Dans cette optique, ce sont des nouveaux outils pour le domaine maritime. Nous voulions déjudiciariser dans le transport maritime les infractions de type non criminel qui devaient aller à un tribunal criminel auparavant. Pour eux, le projet de loi C-14 est une nouvelle approche de la conformité et de la mise en application. Un arbitre, comme mesure intérimaire, est prévu au projet de loi C-14. Il était prévu, lorsque le projet de loi du tribunal irait de l'avant, que l'arbitre serait remplacé par le tribunal. Le projet de loi C-14 a une approche graduelle et des accords de conformité. Il y a toute une série de nouveaux outils pour eux. Le secteur du transport maritime s'est opposé un peu à cette déjudiciarisation. Étant donné que le projet de loi C-14 est soumis, le tribunal a une grande signification pour eux. Cela introduit un outil qui leur permettra de contester certaines décisions du ministre.
Le sénateur Gill: Les domaines maritime, ferroviaire et aérien sont couverts actuellement par le projet de loi C-34. Ce sont des domaines de juridiction fédérale. C'est très net, cela a toujours été et c'est clair pour tout le monde. Le projet de loi est déjà compliqué. Cela aurait été beaucoup plus difficile si on avait couvert le transport routier en même temps à cause des juridictions et de l'environnement du transport routier. On y viendra, mais pour le moment, se sont deux choses distinctes.
M. Boucher: Dans la mesure où il n'y a pas de décisions de type administratif, je ne pense pas qu'il aurait été approprié d'utiliser ce projet de loi pour essayer d'aller dans cette direction. C'est vraiment une politique établie séparément du transport routier.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Vous créerez un nouveau tribunal; cela coûtera de l'argent. Une des choses que la population veut savoir, c'est combien ça coûtera. Le budget du Tribunal de l'aviation civile, qui est indiqué dans la brochure que vous avez distribuée, se situe à quelque 1,2 million de dollars. Trente pour cent de ce budget sera alloué aux services professionnels, aux conseillers à la présidence, et cetera. Pensez-vous donc à des budgets pour les locaux, les frais de déplacement et l'aide professionnelle - toutes les choses qui seront nécessaires pour ce nouveau tribunal?
M. Boucher: Comme vous dites, le tribunal coûtera à peu près 1 million de dollars. Les coûts fixes comprennent un personnel permanent de six ou sept personnes. On ne s'attend donc pas à une augmentation importante à ce niveau-là. Tous les membres du tribunal à part le président et le vice-président vont oeuvrer à temps partiel. Les coûts seront directement proportionnels au nombre de dossiers qu'ils entendent. À présent, nous estimons que le coût moyen pour entendre une affaire se situe à 4 500 $. Le coût d'un appel est plus élevé, et le coût d'un réexamen est moins élevé.
Le tribunal devra investir certaines sommes d'emblée pour former les nouveaux membres. Cependant, cela représente un coût fixe.
Le sénateur Oliver: J'ai noté qu'au Tribunal de l'aviation civile il y avait un budget de 20 000 $ pour la formation.
M. Boucher: Je pense que c'est exact. Je n'ai pas les chiffres avec moi. Cependant, comme il va falloir former tous les nouveaux membres, le montant pourrait passer à 200 000 $.
Le sénateur Oliver: Est-ce que nous pouvons donc nous attendre à un budget de quelque 3 millions de dollars, dépendant du nombre de dossiers?
M. Boucher: Non, ce chiffre est trop élevé, en tout cas tant que le tribunal n'aura pas démarré. Comme je ne sais pas combien de dossiers le tribunal sera appelé à entendre, j'estime que 3 millions de dollars, c'est trop élevé.
[Français]
La présidente: Lorsque cette loi a été créée, on a dû envisager d'inclure un fonds dans le budget. Si on se base sur l'autre tribunal, on parlait de 1 ou 1,2 millions de dollars. Vous parliez de 4 500 $ par cause. Peut-on arriver à un montant global? A-t-on calculé approximativement ce que cela pourrait coûter?
M. Boucher: Je pourrais spéculer sur le nombre de cas. Si on parle de 100 cas additionnels plus les coûts de formation des nouveaux membres du tribunal, on pourrait ajouter 600 000 $. Si on parle de 200 cas additionnels, le montant doublera. J'aimerais ne pas spéculer sur le nombre de causes.
La présidente: Vous pourriez nous donner un montant approximatif.
M. Boucher: On peut parler de 2 millions de dollars en supposant qu'il y ait 100 cas additionnels.
La présidente: Si on compare avec l'autre tribunal.
M. Boucher: Présentement, c'est 1 million de dollars, c'est donc dire que cela pourrait aller à 2 millions de dollars. Je vous donne ces chiffres sous toute réserve étant donné le nombre de cas qui seront amenés par le tribunal.
Le sénateur Gill: J'imagine que s'il y a déjudiciarisation, elle aura un impact sur l'industrie et sur l'économie. Il en résultera des économies pour les gouvernements. De plus, certaines sections de six lois seront souvent considérées par le tribunal d'appel et j'imagine que cela simplifiera le processus. Le tribunal va certainement coûter un certain montant d'argent, mais des économies seront faites ailleurs dans le système, non? Suis-je trop naïf?
M. Boucher: Je pourrais vous dire que oui dans la mesure où moins de cas seront traités par un tribunal criminel. Il est certain qu'un tribunal administratif est moins coûteux. Des économies pourront effectivement être faites. Lorsqu'on se rend en appel, il faut aussi préparer les causes ainsi que nos inspecteurs ou nos responsable qui présentent les cas.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: Si je comprends bien, les compagnies ferroviaires appuient fortement le projet de loi C-34, mais les intervenants du secteur de l'aviation sont plus neutres. En d'autres mots, ils ne sont pas vraiment en faveur de ce nouveau tribunal. Est-ce que cela est exact? Si c'est exact, vous ont-ils fait entendre leurs préoccupations? Quelles sont leurs préoccupations?
M. Boucher: Le secteur de l'aviation civile est très satisfait du Tribunal de l'aviation civile actuel. Ils espèrent que cette expansion vers un tribunal de transport multimodal ne causera pas une réduction dans le niveau de service. C'est la seule chose qui les inquiète.
Ils sont satisfaits de l'efficacité et de l'efficience des services qu'ils reçoivent déjà, et ils nous ont dit qu'ils ne veulent pas que l'élargissement du mandat du tribunal mène à une réduction du service. Or, étant donné l'expertise du tribunal, ils sont convaincus que cette réduction de service ne se produira pas. Mais voilà ce qui les inquiète.
Je devrais même ajouter qu'ils nous ont appuyés très fortement aux réunions multimodales, et ont fait des efforts pour expliquer à leurs collègues dans le secteur du transport maritime comment ce tribunal pourrait nous être utile une fois que la nouvelle stratégie de contrôle et d'application est en place dans le secteur maritime.
Le sénateur Finestone: La liste du personnel du tribunal est assez fascinante, d'après la première observation du sénateur Oliver. Je suis d'accord que de n'avoir qu'un seul membre du Canada atlantique au tribunal, ce n'est vraiment pas suffisant. Si vous analysez cela, vous verrez que la personne qui a établi ce tribunal a dû s'amuser assez bien.
Il y a une intéressante proportion d'hommes et de femmes. Il y a six femmes sur vingt-cinq. Il y a dix membres, dont six sont médecins, trois de Québec et de l'Ontario, et trois des autres provinces. C'est très représentatif du pays entier. Mes félicitations à la personne qui a établi ce tribunal. Ce n'est pas facile de trouver des femmes et des hommes dans la même proportion, c'est assez inhabituel, il y a une bonne distribution entre le Québec, l'Ontario, et le reste des provinces. À part le fait que les Maritimes ne sont pas très bien représentées, c'est excellent.
Pour ce qui est des membres du tribunal et du personnel, si je comprends bien, un membre du tribunal entend l'affaire, mais c'est un autre membre qui l'entendra dans le cas d'un réexamen. C'est bien cela? Est-ce que chaque dossier est entendu par un membre du tribunal, ou des commissions de trois membres? Comment fonctionne le tribunal?
M. Boucher: Dans le cas d'un réexamen, le premier niveau, le dossier est entendu par un membre du tribunal. Dans le cas d'un appel, il y a au moins trois membres. Si les deux parties s'entendent à le faire, un appel pourrait être entendu par un seul membre du tribunal. Mais l'idée c'est qu'il devrait y avoir trois membres pour entendre un appel.
Le sénateur Finestone: Dans la foulée de la question posée par le sénateur Callbeck, comptez-vous avoir le même nombre d'employés que vous avez maintenant, une fois que vous devenez multimodal?
M. Boucher: Nous ne pensons pas qu'il faudra embaucher beaucoup plus d'employés permanents. Cependant, je propose que vous posiez la question au président demain. Comme je l'ai déjà dit, les membres du tribunal vont oeuvrer à temps partiel, sauf le président et le vice-président, qui seront des membres à temps plein.
Le sénateur Finestone: Est-ce que la division de l'aviation civile serait rassurée s'il y avait un vice-président pour chacun des trois secteurs?
M. Boucher: Le secteur des transports tout entier, l'aviation, le secteur maritime et le secteur ferroviaire, pourrait trouver cela très intéressant.
Le sénateur Finestone: J'ai l'impression que cela pourrait être utile.
Pensez-vous qu'il y a un sentiment d'indépendance, d'autonomie, entre le gouvernement et le tribunal - le genre d'autonomie qu'on présume trouver à la Cour fédérale, à la Cour supérieure ou à la Cour suprême?
M. Boucher: Oui, absolument. Cette indépendance est la base qui permet à un système comme celui-ci de fonctionner. Cette indépendance est cruciale.
Le sénateur Finestone: Donc l'opinion du ministre dans un dossier n'aura aucun effet sur la décision du tribunal?
M. Boucher: Non.
[Français]
La présidente: Merci beaucoup pour les informations que vous nous avez transmises aujourd'hui.
La séance est levée.