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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 21 - Témoignages - lundi 11 février 2002


OTTAWA, le lundi 11 février 2002

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit ce jour à 16 h 05 pour examiner les enjeux stratégiques touchant l'industrie du transport interurbain par autocar.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je vous souhaite la bienvenue à notre première audience publique sur le transport interurbain par autocar. Vous vous souvenez que le ministre des Transports, David Collenette, a invité le Comité sénatorial permanent des transports et des communications à entreprendre une étude portant sur les transporteurs par autocar interurbain et de nolisement au Canada et ce dans le but de cerner les principaux enjeux dans le transport par autocar de lignes régulières entre centres urbains.

Après ces audiences d'Ottawa, le comité tiendra des audiences publiques à Montréal, le 20 février, et à Halifax le 21 février. Puis, au mois de mars, le comité tiendra des audiences à Vancouver, Calgary et Toronto.

Parmi les dimensions sur lesquelles se penchera le comité, figurent la structure de l'industrie, la segmentation du marché, une analyse de la demande, ainsi que la performance du secteur dans le contexte social global. Nous ne doutons pas que nos audiences contribueront à éclairer le comité en l'exposant à un large éventail d'opinions et d'informations, venant tant des usagers que des transporteurs et des pouvoirs publics. Le comité présentera son rapport au Sénat dans le courant de l'année.

Nos audiences commencent aujourd'hui, avec la comparution de fonctionnaires de Transports Canada. Soyez les bienvenus à notre comité. Vous avez la parole.

Mme Guylaine Roy, directrice générale, Politiques de transport terrestre, Transports Canada: Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre invitation à comparaître aujourd'hui devant le comité.

[Français]

Lorsque le ministre s'est adressé à ce comité en juin 2001, il a donné un aperçu de l'état de l'industrie. De plus, le document d'orientation soumis au comité soulignait les enjeux et combinait les renseignements de base et les données.

Au Canada, comme aux États-Unis, plus de 90 p. 100 des voyages intérieurs sont effectués en véhicules privés. Jusqu'à la fin des années 1980, plus de passagers interurbains au pays avaient recours à l'autocar qu'à tout autre mode pour leurs déplacements interurbains. Le transport par autocar détient maintenant une part de 32 p. 100 du secteur des passagers interurbains publics, en comparaison à 58 p. 100 pour le transport aérien et à 10 p. 100 pour le transport ferroviaire. Ces statistiques reposent sur les données les plus récentes dont nous disposons. Comme on peut voir, l'utilisation des autocars est en baisse comparativement aux autres modes de transport public.

Toutefois, comme le ministre Collenette le mentionnait lors de sa comparution, les autocars demeurent essentiels au déplacement des gens au Canada. L'autocar est le mode de transport de passagers le plus écologique. Chaque année, des millions de Canadiens et Canadiennes comptent sur les autocars pour des voyages interurbains sécuritaires, efficaces et abordables, et un nombre plus grand encore dépend des autocars affrétés pour leurs vacances et pour se rendre à des événements spéciaux.

Il existe des divergences d'opinion entre les administrations canadiennes sur la façon dont l'industrie de l'autocar pourrait conserver une forte présence sur le marché des passagers interurbains au Canada. Certaines administrations pensent que les contrôles économiques sont nécessaires alors que d'autres pensent le contraire. D'autres encore croient que les contrôles économiques peuvent demeurer, mais qu'ils devraient être plus souples.

[Traduction]

Pour le gouvernement fédéral, cette question reste peut-être la plus importante puisque la loi fédérale, la Loi sur les transports routiers, permet que les entreprises extra-provinciales de transport par autocar soient assujetties aux lois de chaque province au sein desquelles elles assurent leurs services. D'où l'interrogation, exprimée par le ministre lors de sa comparution devant le comité en juin 2001: les écarts entre les régimes provinciaux établis au cours des 17 dernières années nuisent-ils à l'industrie du transport par autocar et au public voyageur et, dans l'affirmative, quels sont les remèdes?

La question de la réglementation n'est qu'un élément du tableau d'ensemble. L'industrie ne semble pas connaître de croissance notable. Ce sont là certains des thèmes que le ministre a esquissés en juin 2001 et qui demeurent d'actualité aujourd'hui.

Les questions proposées par le ministre restent pertinentes. Peut-on inverser le déclin du transport par autocar de lignes régulières et que peut faire le gouvernement à cet égard? Est-ce que les différences entre les règlements provinciaux régissant les autocars sont au détriment du public et, si oui, quel est le remède approprié? La réglementation économique est-elle toujours nécessaire? L'industrie, telle qu'elle existe aujourd'hui, est-elle le meilleur outil pour offrir un service de transport au Canada rural et, dans la négative, quelles sont les solutions de remplacement?

Dans la suite de mon intervention cet après-midi, je passerai en revue les développements intervenus depuis que le ministre a comparu devant ce comité en juin 2001.

Quatre thèmes principaux devraient vous intéresser particulièrement: le rapport du Comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada; les développements récents dans l'industrie de l'autocar; les modifications récentes apportées à la Loi sur les transports routiers; enfin, les répercussions du 11 septembre.

[Français]

Le comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada, nommé par le ministre en juin 2000, a été chargé d'effectuer un examen général de la Loi fédérale sur les transports. Le comité d'examen a fait rapport quelques semaines après la comparution du ministre devant le comité sénatorial en juin 2001. Le comité sénatorial a, semble-t-il, reçu des copies du rapport du comité d'examen.

Environ une douzaine des quelque 200 présentations au comité d'examen traitaient, du moins en partie, des questions concernant les autocars. Ces présentations sont disponibles avec le rapport.

Le comité a indiqué que «la fragmentation réglementaire que connaît présentement l'industrie de l'autocar est de toute évidence une source de préoccupation».

De plus, les membres du comité ont reconnu que si la solution à la fragmentation est, pour reprendre leurs propos, «un régime de réglementation national harmonisé», alors elle reposerait sans doute sur l'un ou l'autre des principes suivants: premièrement, les provinces continueraient à réglementer l'industrie en prenant peut-être «l'engagement de négocier l'harmonisation volontaire par l'intermédiaire d'un organisme de consultation permanent fédéral-provincial ou d'un processus multilatéral quelconque»; deuxièmement, il y aurait des mesures fédérales en vue de déréglementer l'industrie.

[Traduction]

Plusieurs tentatives ont visé, par le passé, à créer un régime de réglementation national harmonisé. Transports Canada a commencé à consulter les provinces et l'industrie vers le milieu des années 90. En 1999, le ministre a proposé le projet de loi C-77, qui préconisait à la fois de créer un régime national de conformité en matière de sécurité pour les transporteurs routiers et de déréglementer l'industrie de l'autocar.

Par la suite, le ministre a décidé de traiter des questions des autocars et de la sécurité des transporteurs de façon distincte. Votre comité a déjà examiné l'an dernier les modifications touchant les transporteurs routiers contenues dans le projet de loi S-3. En mai 2001, le ministre Collenette a demandé à ce comité d'étudier également la question des autocars. Le ministre a toujours manifesté son intention de régler la problématique des autocars sur la base d'un consensus.

La conclusion du Comité d'examen de la LTC à ce sujet est d'intérêt particulier. Elle dit en effet: «Le comité a décidé de ne formuler aucune recommandation sur la question de savoir si la Loi de 1987 sur les transports routiers devrait être modifiée par la suppression ou l'assouplissement des contraintes réglementaires d'accès au marché de l'autocar. Cette question figure au premier rang de la liste des questions clés soumises par le ministre des Transports et le comité n'a aucunement l'intention de supplanter le comité sénatorial».

Avant de passer à un autre sujet, je veux mentionner une autre recommandation pertinente pour votre comité. Le comité d'examen a en effet recommandé que le Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers soit structuré de manière à ce que tous les véhicules transportant des passagers soient assujettis à une réglementation uniforme. Il vaut mieux aborder cet aspect dans le contexte du régime de sécurité applicable aux transporteurs routiers et des modifications à la Loi sur les transports routiers. Nous parlerons dans un moment du projet de loi S-3.

M. Émile Di Sanza, directeur, Politiques du transport routier, Transports Canada: En résumé, les modifications de la Loi sur les transports routiers ont créé le cadre pour un régime de conformité des transporteurs routiers en matière de sécurité régi par les provinces, et qui s'appliquerait aux camions et aux autocars extra-provinciaux. Les modifications ont aussi permis au gouvernement fédéral de réglementer les normes pour l'évaluation de la conformité des transporteurs en matière de sécurité. En pratique, nous avons proposé d'adopter par renvoi la norme de conformité du Code canadien de sécurité, qui était aussi à la base des régimes provinciaux.

Votre comité a étudié le projet de loi S-3, qui a reçu la Sanction royale en juin 2001. Nous attendons que les régimes provinciaux soient en place avant de promulguer la loi. À ce stade, nous travaillons sur les règlements qui seront nécessaires pour donner effet à la loi.

Le régime de conformité en matière de sécurité est le cadre approprié pour traiter des recommandations du comité d'examen portant sur les changements au Code canadien de sécurité en ce qui a trait aux petits autocars. Je suis accompagné de M. Brian Orrbine, de notre groupe de sécurité routière, qui pourra répondre plus tard à vos questions dans ce domaine.

[Français]

Mme Roy: J'aborderai maintenant le chapitre des développements récents dans l'industrie. Avant de passer aux statistiques de 2000, je désire dire quelques mots au sujet des statistiques en général.

Je crois que le comité a reçu un document de l'Association canadienne de l'autobus qui traite des statistiques sur l'industrie canadienne et émet des réserves au sujet de certaines données. Les données que nous utilisons ont été recueillies par Statistique Canada. Les représentants de Statistique Canada sont les mieux placés pour répondre à toutes les questions sur la collecte des données.

En ce qui concerne les données déjà publiées, nous avons toujours reconnu qu'il y avait divers facteurs à considérer dans l'interprétation des données.

[Traduction]

Par exemple, le document d'orientation reconnaît que la classification sectorielle au sein de l'industrie — services réguliers, services de nolisement, autobus scolaires, navettes, circuits — rend difficile l'interprétation des tendances de l'industrie. Le document tente de contourner cet inconvénient en présentant les données par secteur et par gamme de services; autrement dit, le document est structuré selon les types de services fournis par chacun des secteurs.

Pour prendre un autre exemple, le document d'orientation souligne que la baisse à long terme du nombre de voyageurs empruntant les lignes régulières s'explique en partie par le fait que, dans certaines régions du pays, certains voyages interurbains des années 50 et 60 sont maintenant des déplacements de transport urbain.

Les données que nous avons nous permettent de suivre les tendances de l'industrie. Les données sur la gamme de services sont particulièrement utiles puisqu'elles indiquent les revenus de tous les transporteurs provenant d'un service particulier.

Les statistiques de l'industrie pour l'an 2000 ont été rendues accessibles récemment et nous pourrons fournir au comité les tableaux et diagrammes actualisés correspondant à ceux contenus dans le document d'orientation. Nous pourrons vous fournir les données actualisées soit cette semaine soit la semaine prochaine.

M. Di Sanza: Voyons d'abord les données financières. Dans l'ensemble, les revenus de l'industrie de l'autocar ont augmenté de 11 p. 100 par rapport à 1999, passant de 1,8 à 2 milliards de dollars. Il s'agit là des revenus de l'ensemble du secteur de l'autocar, à l'exclusion du transport urbain.

Les services de lignes régulières et d'affrètement ont connu une expansion plus rapide que celle de l'industrie dans son ensemble. Veuillez noter qu'il s'agit là des revenus de la gamme des services, c'est-à-dire le total des revenus de chaque catégorie déclarés par toute l'industrie. Le taux de croissance le plus élevé est celui du nolisement, avec des recettes en hausse de presque 29 p. 100 par rapport à 1999, passant de 305 millions à 393 millions de dollars. Les services de lignes régulières affichent une croissance de près de 15 p. 100, passant de 235 millions à 271 millions de dollars.

Au total, la tendance à une croissance plus rapide des services de nolisement correspond à ce que nous avons pu voir depuis le milieu des années 90. Le nolisement d'autocars se porte traditionnellement bien en période de prospérité économique.

La croissance du chiffre d'affaires des services réguliers est plus forte qu'elle n'a été ces dernières années. Toutefois, il faut noter que ces revenus sont presque exactement identiques, en dollars courants, aux chiffres de 1990.

Le nombre de voyageurs des lignes régulières a augmenté de presque 600 000, pour atteindre 13,5 millions. Ce nombre a fluctué entre 12 millions et 14 millions au cours des dix dernières années et l'on peut donc dire que le taux d'utilisation reste relativement stable. On ne constate pas d'inversion des tendances relevées ces dernières années.

Dans le domaine de la réglementation, il n'y a pas eu non plus de changement majeur. Nous avons sondé les provinces au cours des deux dernières semaines et n'avons noté aucun changement notable sur le front réglementaire depuis l'année dernière.

[Français]

Comme indiqué au comité, lors de la comparution du ministre, quatre provinces et territoires ont procédé à la déréglementation du secteur, soit l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve, les Territoires du Nord-Ouest et Nunavut.

Cinq provinces imposent toujours des contrôles économiques importants à l'industrie des autocars: la Colombie- Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, le Québec et la Nouvelle-Écosse. Les trois autres provinces, l'Alberta, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Territoire du Yukon sont quelque part entre les deux, c'est-à-dire qu'ils appliquent toujours des contrôles économiques, mais de façon plus souple que les provinces où le secteur est entièrement réglementé.

[Traduction]

Il n'y a pas eu de fusions ou de rachats notables dans le secteur au cours de l'année dernière. Comme nous l'avons indiqué dans le document d'orientation, la situation financière de Laidlaw Inc., la société mère de Greyhound et d'un certain nombre d'autres exploitants canadiens, est préoccupante depuis quelques années. En juin 2001, Laidlaw a volontairement déposé le bilan au Canada et aux États-Unis. À cette époque, Greyhound Canada a écrit aux responsables gouvernementaux concernés pour leur assurer que ses services interurbains au Canada ne seraient pas touchés par cette situation. Laidlaw poursuit encore ses efforts de restructuration sous la protection de la Loi sur les faillites tant au Canada qu'aux États-Unis.

Mme Roy: Pour l'industrie de l'autocar, comme pour nous tous, les événements tragiques du 11 septembre resteront les souvenirs les plus marquants de 2001. La crise a eu des répercussions directes sur les entreprises de transport par autocar, sous diverses formes. Les liaisons transfrontalières ont été interrompues pendant les journées qui ont suivi immédiatement le 11 septembre. Certains voyageurs se sont rabattus sur les lignes d'autocar régulières dans les journées qui ont suivi le 11 septembre. Cependant, les transporteurs signalent que le volume des voyageurs de lignes régulières est revenu à la normale assez rapidement. Le plus gros effet semble avoir été ressenti par les exploitants de services de nolisement qui ont enregistré une baisse importante de l'activité après le 11 septembre. Les transporteurs nous disent que les circuits organisés pour les touristes étrangers ont souffert d'une baisse après le 11 septembre: certains voyagistes ont annulé les réservations et des réservations attendues ne se sont pas matérialisées. Les transporteurs nous disent que les nolisements canadiens ont également affiché un recul.

En ce qui concerne ce dernier point, il est difficile de chiffrer l'ampleur de la baisse, mais nous savons, d'après les statistiques sur les voyages internationaux, que les arrivées en provenance de l'étranger ont chuté à pic après le 11 septembre. Par exemple, les arrivées en provenance d'Asie ont diminué de 32 p. 100 en septembre, comparé à septembre 2000, de 40 p. 100 en octobre et de 35 p. 100 en novembre. Les arrivées en provenance d'Europe ont été en baisse de 20 p. 100 pour chacun de ces trois mois, comparé à la même période de l'an 2000. Étant donné que l'Europe et l'Asie sont les deux principales sources de touristes pour les circuits en autocar, au moins une partie de ces baisses sont attribuables à des annulations ou à des désistements de voyages touristiques.

[Français]

Par conséquent, le problème le plus important que pose la crise du 11 septembre dernier pour l'industrie de l'autocar semble être le ralentissement des voyages discrétionnaires. La situation reviendra probablement à la normale par elle- même. L'industrie de l'autocar n'est pas aussi inquiète des possibilités de retards systémiques à la frontière que les autres modes de transport. Toutefois, l'industrie demeure curieuse de connaître les efforts du gouvernement canadien en vue de régler les questions de sécurité à la frontière. Cela met fin à ma présentation de cet après-midi.

Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

La présidente: Transports Canada, dans son rapport annuel, «Les transports au Canada 2000», déclare que les déplacements par service d'autocar régulier ont reculé régulièrement entre 1981 et 1989. puis ont augmenté en 1990 et en 1991. Cependant, depuis lors, exception faite de l'année 1994, le nombre d'autocars a diminué chaque année. Les auteurs du rapport font également état d'un recul ininterrompu du trafic, c'est-à-dire du nombre de passages et de kilomètres-autocars parcourus. En même temps, ils soulignent que les services de transport affrétés ont connu une croissance sensible, le nombre de kilomètres-autocars assurés par eux ayant augmenté de 76 p. 100 depuis 1986.

Les auteurs de l'étude ont-ils tenu compte du fait que le déclin de l'utilisation de services réguliers d'autocar interurbains pourrait être attribuable à une demande changeante sur le marché étant donné le contexte socio- économique et démographique?

M. Di Sanza: Le rapport annuel que produit Transports Canada fait principalement état de données qui sont fournies par l'industrie par le biais de Statistique Canada. Dans certains cas, il traite d'études qui ont été diffusées. Il est certain qu'il y a eu un changement de la demande sur le marché par suite de l'évolution du contexte général, comme en témoigne la prépondérance, dans de nombreux cas, de l'utilisation de véhicules particuliers. Cela reflète peut-être d'autres facteurs également, notamment les changements côté opérations de l'industrie. Cela vaut également pour certains des services offerts autour des grands centres urbains.

En gros, ce qui est rapporté dans le rapport annuel est un reflet des données elles-mêmes. Il y a eu d'autres études, dont certaines faites par des autorités provinciales, et qui visent à évaluer les facteurs sous-tendant la demande de services, tant réguliers qu'affrétés et spécialisés et, dans d'autres cas, à déterminer la meilleure façon de réagir face à l'évolution démographique.

La présidente: Votre ministère a-t-il réalisé une étude de marché visant à analyser les causes profondes de la situation que l'on connaît?

M. Di Sanza: Comme cela est souligné dans le document d'orientation, nous travaillons étroitement avec les provinces depuis plusieurs années. Étant donné que l'industrie est réglementée au niveau provincial, la plupart des études ont été faites au niveau provincial. Nous avons esquissé certaines d'entre elles. Nous avons également travaillé étroitement avec l'industrie dans le cadre d'un groupe de travail, et des renseignements ont été fournis par l'industrie ainsi que par d'autres études que nous avons effectuées, ce dans le but de cerner certains des changements structuraux et autres changements de marché qui ont eu lieu au sein de l'industrie. Le gros du travail qui a été effectué en la matière l'a été au niveau provincial, il faut le dire, ce en prévision de changements possibles au niveau du régime de réglementation.

La présidente: Pourriez-vous nous aider à comprendre la relation entre services réguliers et services affrétés? Les deux types de services peuvent-ils appartenir aux mêmes entreprises et utiliser le même matériel?

M. Di Sanza: Oui. Dans de nombreux cas, une seule et même société assurera et des services réguliers et des services affrétés. Il existe cependant des cas dans lesquels un exploitant n'offrira que des services affrétés. Mais pour répondre à votre question, oui, il peut y avoir des exploitations recouvrant les deux catégories de services.

La présidente: Peut-il y avoir interrelation entre services affrétés et services de ramassage scolaire? Pourriez-vous tirer cela au clair pour nous?

M. Di Sanza: Dans la mesure où il peut s'agir de sociétés qui offrent toute une gamme de services, oui, cela pourrait certainement exister. Si nous regardons les renseignements fournis dans le document d'orientation, nous voyons que pour un secteur de l'industrie, ce qui est principalement rapporté sous la rubrique services affrétés s'inscrit en fait sous plusieurs secteurs. Oui, il pourrait y avoir toute une gamme de services offerts ou dans le cadre de services réguliers ou dans le cadre de services affrétés.

Prenons l'exemple très précis de Laidlaw, qui est le plus gros transporteur, qui est actif dans tous les secteurs et qui a tiré et continue de tirer une part importante de ses revenus de services de ramassage scolaire. La société Laidlaw exploite également Greyhound, qui est surtout un exploitant de services réguliers, mais qui tire également une partie de ses revenus de services affrétés.

Mme Roy: Il se trouve à la page 21 de la version française du document d'orientation un tableau montrant les différents secteurs de l'industrie et les catégories de services qu'ils offrent. Sont englobés sous la rubrique services réguliers toute une gamme de services, y compris services d'autobus scolaire, services de nolisement, etc. Ce tableau fait clairement ressortir les différents secteurs de l'industrie et les gammes de produits qu'ils offrent.

La présidente: Le ministre nous a dit en juin dernier que ce qu'il fallait c'était un traitement davantage national pour notre système de transport, y compris le transport par autocar, et que c'était une question qui méritait d'être examinée de très près.

Que signifie pour vous «traitement national» du système de transport par autocar?

Mme Roy: Je ne voudrais pas spéculer sur le sens que le ministre a voulu donner à cette expression. J'ai lu les notes correspondant à sa dernière comparution devant le comité et ce que j'en ai compris est que le ministre faisait une comparaison entre le secteur des autocars et du camionnage et le secteur aérien et ferroviaire. Par exemple, côté ferroviaire, si vous avez un service extra-provincial, cela est assez réglementé. Il existe un cadre plus uniforme lorsque l'activité est réglementée par une seule et même entité.

Côté transport routier et par autocar, cela est différent. L'autorité revient au gouvernement fédéral, mais depuis une décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1954 et venant confirmer une décision fédérale, l'autorité est déléguée aux provinces. C'est ce qui explique l'existence de différents régimes, selon la province.

Lorsque le ministre a parlé d'«un système», je pense qu'il discutait de la question d'avoir ou un seul système réglementé ou un cadre grâce auquel les provinces pourraient, par voie de consensus, s'entendre sur une norme nationale. Il existe différentes façons d'envisager ce qui peut être entendu par uniformité nationale. Le ministre demandait au comité de se pencher sur l'actuelle situation de l'industrie en vue de déterminer si une fragmentation serait susceptible de créer des problèmes dans l'industrie et, dans l'affirmative, ce que le comité recommanderait. Je ne pense pas qu'il prônait une solution donnée à cet égard; il cherchait plutôt à recueillir des points de vue.

La présidente: Le ministre a également dit que le gouvernement ne changerait pas les règles au niveau fédéral à moins qu'il y ait un consensus entre les provinces et l'industrie quant à la forme que devraient prendre les changements. Est-il probable que les provinces parviennent à un consensus?

Mme Roy: En 1999, nous avons pensé qu'il y avait consensus lorsque le ministre Collenette a déposé le projet de loi C-77. Ce projet de loi traitait de questions de sécurité mais également de réglementation du secteur du transport par autocar. Son approche était progressive. Avant le dépôt du projet de loi, nous pensions qu'il y avait consensus parmi les provinces. Or, plusieurs provinces ont soulevé un certain nombre de questions. Lorsque cela est arrivé, le ministre a décidé de traiter de façon plus urgente les questions de sécurité, pour voir s'il ne pourrait pas y avoir consensus de ce côté-là.

Le ministre avait le sentiment que les provinces en étaient arrivées à un consensus lorsqu'il a déposé le projet de loi. Cependant, le projet de loi n'ayant pas joui d'un appui total, le ministre a décidé de le retirer. L'existence d'un consensus est chose plutôt importante pour le ministre.

La présidente: Lorsqu'on parle de consensus au sein de l'industrie, cela englobe-t-il les usagers, ou bien l'industrie se limite-t-elle aux seuls transporteurs?

Mme Roy: Il s'agit là d'une question difficile.

La présidente: Existe-t-il une réponse simple?

Mme Roy: Le ministre est un monsieur très consciencieux. Il accueillerait très favorablement des discussions entre le comité, les usagers et les transporteurs. L'on ne traite pas avec une industrie en la détachant de sa clientèle. Le ministre tient à s'assurer que les Canadiens sont bien servis par l'industrie.

Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne les classifications, quelle est la différence entre «services affrétés» et «circuits»?

M. Di Sanza: Les services affrétés sont des services d'autocar pour lesquels des contrats spécifiques sont passés. Les autobus de circuit ont quant à eux un itinéraire régulier qu'ils assurent de façon saisonnière; il s'agit de services susceptibles d'intéresser des groupes de touristes, par exemple. Un service affrété ou de nolisement peut se résumer à un seul déplacement pour des fins moins liées au tourisme que les services qu'offriraient typiquement les voyagistes. L'expression «services affrétés» est sans doute plus inclusive et engloberait également typiquement les circuits. Le mot «circuits» est un terme très précis qu'utilise l'industrie pour désigner les services axés sur le tourisme.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que les «services affrétés» pourraient englober les «circuits»?

M. Di Sanza: «Services affrétés» pourrait englober «circuits»; c'est plus inclusif.

Le sénateur Callbeck: Ces services figurent ici en tant que catégories distinctes. À la page 10 de la version française de votre mémoire, vous parlez de la classification sectorielle au sein de l'industrie et vous nommez cinq catégories.

M. Di Sanza: La classification de l'industrie sera fonction des régimes de réglementation en place. Certaines licences pourraient être attribuées sur cette base. Aux fins de rapport des distinctions pourraient dans certains cas être faites sur la base du type de services proposé. Cependant, d'un point de vue politique ou réglementation, la principale distinction est celle entre services réguliers et services ou nolisés ou contractuels, ce qui engloberait également les voyagistes.

En ce qui concerne l'exigence par des provinces de la détention de licences par les intéressés, cela se fait peut-être pour la catégorie circuits.

Le sénateur Callbeck: Au niveau provincial, il existe une catégorie différente pour les «circuits» par opposition aux «services affrétés», n'est-ce pas?

M. Di Sanza: Cela se pourrait, dans certaines provinces. S'il nous fallait déterminer cela par province, il serait nécessaire d'effectuer un sondage. D'après ce que nous avons compris, pour la plupart, la réglementation visant les services affrétés, y compris les services de circuits, sera plus souple que dans le cas des services réguliers.

Le sénateur Callbeck: Dans la catégorie ramassage scolaire, cela englobe-t-il tous les cars scolaires? À l'Île-du- Prince-Édouard, le gouvernement est propriétaire des autobus; ces chiffres-là ont-ils été inclus?

M. Di Sanza: Ils devraient l'avoir été, oui. Je ne saurais cependant pas vous dire exactement ce qui est englobé dans ces chiffres. Statistique Canada pourrait peut-être expliquer de façon très précise quel genre de couverture il y a et qui produit des rapports. Typiquement, l'on n'indique pas quelle entité rapporte les chiffres. Cependant, typiquement, les services d'autobus scolaires engloberaient tous les services, de la même façon que les renseignements concernant les services réguliers comprendraient ceux portant sur les services qui sont la propriété de la province de la Saskatchewan.

Le sénateur Callbeck: Je vais maintenant passer à la question de la réglementation économique. Si je voulais par exemple noliser un autobus pour me promener entre l'Île-du-Prince-Édouard et Vancouver, auprès de combien de gouvernements devrais-je obtenir des licences? Pourriez-vous passer en revue pour moi le processus à suivre?

M. Di Sanza: Typiquement, dans le secteur du transport par autocar, il faudrait que l'exploitant obtienne une autorisation ou une licence d'exploitation auprès de chaque province dans laquelle il compte être actif. Sur le plan pratique, il faudrait que cet exploitant obtienne une autorisation d'exploitation auprès de chacune de ces provinces.

Le sénateur Callbeck: Vous ne seriez pas tenu d'obtenir une licence dans les provinces qui sont déréglementées, et qui sont l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, n'est-ce pas?

M. Di Sanza: Tout dépendrait. Il vous faudrait sans doute malgré tout déclarer vos activités dans ces provinces. Il ne vous faudrait pas forcément obtenir une autorisation d'exploitation ou un permis; il vous suffirait peut-être de vous faire enregistrer. La gestion des opérations basées dans une province donnée et des opérations en transit, c'est-à-dire lorsqu'une personne ne fait que traverser une province, varie d'une province à l'autre.

Le sénateur Callbeck: On parle de déréglementation. Si toutes les provinces étaient déréglementées, un exploitant serait-il tenu d'obtenir la permission de se rendre dans une autre province?

M. Di Sanza: L'actuel régime de réglementation a, comme cela a déjà été dit, été délégué aux provinces. Prenons le secteur du camionnage comme exemple: une période de transition de cinq ans pour la déréglementation du camionnage a commencé en 1988. L'approche générale voulait que le transporteur obtienne une autorisation d'exploitation dans sa province de base. Il allait lui falloir, typiquement, faire enregistrer sa flotte dans sa province d'activité. Dans certains cas, le transporteur serait tenu d'avertir les provinces qu'il compte traverser de son intention de le faire et d'obtenir une licence spéciale à cet effet.

Dans un contexte de déréglementation, il pourrait y avoir un arrangement en vertu duquel les provinces conviendraient qu'un transporteur enregistré dans une province auprès des autorités désignées a satisfait les exigences en matière de sécurité de toutes les provinces et serait donc dispensé de faire des demandes multiples, comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Le sénateur Callbeck: À l'heure actuelle, même si l'Île-du-Prince-Édouard est déréglementée, un transporteur doit détenir une licence pour pouvoir y être actif?

M. Di Sanza: Il est possible que des exploitants de services affrétés se rendent à l'Île-du-Prince-Édouard sans autorisation d'exploitation, étant donné le statut de l'Île-du-Prince-Édouard. Il nous faudrait vérifier auprès de la province pour savoir quelles règles seraient imposées au transporteur, selon le territoire à l'intérieur duquel il est actif, les genres de services qu'il offre et selon qu'il s'agisse d'un nolisement ou d'un type d'activité plus permanent.

Typiquement, la déréglementation signifie qu'un entrant n'aura pas à prouver qu'un besoin pour le genre de services qu'il offrirait existe bel et bien. Il s'agit d'une approche plus concurrentielle. Dans un régime déréglementé, si un transporteur est en mesure d'offrir le service en question, pour des raisons de service, des raisons pratiques, ou autres, le transporteur y est autorisé. Cela ne veut pas dire que le transporteur ne serait pas tenu de fournir la preuve de sa conformité aux exigences en matière de sécurité. Dans certains cas, certaines provinces en régime déréglementé exigeraient toujours du transporteur qu'il indique ses itinéraires, ses tarifs et, dans certains cas, son intention de cesser ses activités.

Lors du dépôt du projet de loi C-77, la période de transition exigeait toujours des transporteurs qu'ils fournissent les renseignements pertinents aux différentes provinces dans lesquelles ils allaient être actifs, soit itinéraires, tarifs et intention de mettre fin au service. La déréglementation ne signifie pas qu'un transporteur peut être actif dans une province donnée sans aucune forme d'enregistrement ni de preuve de conformité aux règlements sur différents plans, y compris celui de la sécurité.

Le sénateur Callbeck: Quels contrôles économiques possèdent la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, le Québec et la Nouvelle-Écosse, outre la fixation des droits?

M. Di Sanza: Ces contrôles économiques varient d'une province à l'autre. Typiquement, une province qui est réglementée recevra des demandes de la part d'un entrant potentiel, mais il faudra que cet entrant prouve clairement à un organe de réglementation que le service qu'il propose correspond à un besoin réel. Dans ce contexte, les parties prenantes déjà actives sur le marché auraient la possibilité de démontrer si tel est ou non le cas. Typiquement, le transporteur serait tenu de prouver qu'il existe dans le secteur visé un réel besoin pour le service qu'il compte proposer, alors qu'en vertu d'autres types de réglementation, il suffirait que le transporteur fournisse la preuve qu'il est en mesure d'offrir un certain service pour des raisons de concurrence.

Le sénateur Atkins: Y a-t-il eu un quelconque retour vers des conditions normales depuis le 11 septembre, ou bien est-ce toujours le cas que les voyages organisés accusent une baisse sensible?

Mme Roy: Pour ce qui est des services affrétés, les chiffres que nous possédons correspondent à septembre, octobre et novembre. Nous n'avons pas encore les données pour décembre et janvier.

En ce qui concerne les mouvements transfrontaliers, ceux-ci ont été touchés par les événements du 11 septembre, mais pas autant que le camionnage, par exemple.

M. Di Sanza: Les données que nous avons utilisées ont en vérité été transposées au secteur du transport par autocar. Il s'agit de données de déplacements internationaux et pas forcément de statistiques correspondant aux autocars proprement dits. Nous n'avons pas de chiffres à jour. Nous avons des données anecdotiques fournies par l'industrie en ce qui a trait aux schémas de déplacement qui sont ressortis tout de suite après le 11 septembre et à ce qui se dessine depuis.

Le sénateur Atkins: Cela est intéressant. Lorsque j'étais à Halifax il y a quelques semaines, on m'a dit que l'activité des navires de croisière avait augmenté pour la saison à venir.

La fréquentation des autobus interurbains au Canada est en déclin. Cela est-il en partie imputable au coût des billets? Un voyage aller-retour entre Halifax et Fredericton coûte 120 $, ce qui me semble cher. Les prix sont-ils exagérément élevés?

Mme Roy: Cela est dû à plusieurs facteurs, dont le recours à l'automobile. Un autre facteur est peut-être que ce qui était autrefois un service d'autocar interurbain est aujourd'hui assuré par les réseaux de transport en commun urbain. Je ne pense pas que nous puissions déclarer catégoriquement que le recul du taux de fréquentation est attribuable à l'augmentation des tarifs. Cela est dû à divers facteurs.

M. Di Sanza: Oui, il existe sans doute toute une série de facteurs. Il faudrait examiner cela par secteur, et peut-être également par région.

Les services affrétés, par exemple, ont augmenté pour certains secteurs. Les services réguliers ont été, au mieux, stables, et ont peut-être connu certains reculs, pour les raisons énoncées, selon les facteurs entrant en ligne de compte.

Quant à la question de savoir si les tarifs sont trop élevés, il nous faudrait faire une évaluation par marché de la demande de ces services pour pouvoir trancher cette question. Typiquement, les services d'autocar sont utilisés par les segments de la population à plus faible revenu. Comparativement aux autres modes de transport public, soit le chemin de fer et le transport aérien, les services d'autocar sont bien meilleur marché.

Le sénateur Atkins: Je songeais aux services réguliers plutôt qu'aux services affrétés.

M. Di Sanza: La réponse est certainement oui, pour ce qui est des services réguliers.

Le sénateur Atkins: Avez-vous des statistiques pour le service colis? Les gens font-ils appel aux services de livraison de colis par autocar, ou bien les sociétés comme Purolator et Federal Express ont-elles entamé ce secteur d'activité?

M. Di Sanza: Les recettes pour le service colis se chiffrent à près de 100 millions de dollars par an. Les gens font bien sûr toujours appel aux services d'autobus pour envoyer des colis. Pour situer un peu ce chiffre, les services colis ou messageries au Canada se chiffrent à plus de trois milliards de dollars. Le revenu des services colis des compagnies d'autocar compte pour une part relativement petite du marché total.

Le sénateur Atkins: L'on aurait pu penser que le service colis aurait été une occasion pour les compagnies d'autocar. Il ne semble pas qu'il y ait beaucoup de promotion. On en voyait autrefois, mais les compagnies d'autocar n'en font plus la promotion comme autrefois.

M. Di Sanza: D'après ce que nous avons compris, dans certaines des régions rurales qui sont desservies par les autocars, la demande pour la livraison de colis par autocar est demeurée forte, peut-être parce que ce sont des régions qui ne sont pas aussi bien desservies par les services de messageries que les gros centres. Dans l'ensemble, l'industrie rapporte des revenus d'environ 100 millions de dollars. La réponse est donc que oui, il y a une certaine utilisation de ce service.

Le sénateur Atkins: La Loi sur les transports au Canada fixe-t-elle les normes en matière de sécurité, ou bien cela relève-t-il de réglementations provinciales?

M. Di Sanza: La Loi sur le transport par véhicule à moteur établit le cadre d'ensemble en matière de normes à respecter. Cependant, ce sont les régimes provinciaux qui établissent les différents systèmes de contrôle du rendement des transporteurs.

M. Orrbine voudra peut-être ajouter quelque chose à ce sujet, car c'est lui qui est responsable de ce volet au sein du ministère.

M. Brian Orrbine, conseiller principal en politique, Programmes de la sécurité routière, Transports Canada: Vous avez tout à fait raison. C'est la Loi sur le transport par véhicule à moteur qui fixe le cadre qui chapeaute le régime de sécurité. Chaque province prend très au sérieux la sécurité et s'est dotée d'un système de surveillance du rendement de tous les transporteurs routiers, que l'on parle d'autocars ou de camions.

Avec l'adoption l'an dernier du projet de loi S-3 et l'éventuelle proclamation des règlements, l'idée est de renforcer le régime de sécurité et pour les services d'autocar et pour les services de camionnage, de telle sorte qu'ils soient uniformes et qu'ils s'appuient sur des critères objectifs. Ce processus a déjà été lancé. J'espère que nous en verrons les résultats d'ici à la fin de l'année. Cela mettra tout le monde, partout au pays, sur un pied d'égalité.

Le sénateur Atkins: Cela se situe-t-il à un niveau qui vous satisfait?

M. Orrbine: C'est une question intéressante. Je vais peut-être finir par choquer le comité. Si la question est de savoir si les déplacements par autocar au Canada sont sûrs, il me faut répondre que oui, absolument. Si nous regardons les statistiques en matière d'accidents mortels au cours de dix dernières années, l'on constate qu'environ 3 000 personnes meurent chaque année sur les routes du Canada. Si l'on examine le rôle des autocars dans ces accidents mortels, il est quasi insignifiant.

Je vais vous donner un exemple. En 1999, il y a eu un décès à bord d'un autobus. Si nous examinons les chiffres correspondant à la plupart des années, remontant dix ans en arrière, nous ne relevons que très peu de décès. Je ne veux pas dire par là qu'un décès n'est pas grave — tous le sont — mais les chiffres sont très bas, exception faite du tragique accident survenu au Québec en 1997.

Le sénateur Atkins: Il y en a eu un à Sussex.

M. Orrbine: C'est exact. Il y en a eu un récemment à Sussex, au Nouveau-Brunswick. Typiquement, les chiffres en matière de problèmes graves sont très bas.

Le sénateur LaPierre: Je suis confus quant au genre d'autobus au sujet duquel je devrais me renseigner. Franchement, il en a un trop grand nombre.

Commençons par les autobus scolaires. Les autobus scolaires circulent à l'intérieur des villes, n'est-ce pas?

M. Roy: Oui.

Le sénateur LaPierre: Cependant, les districts scolaires ont été fusionnés à un point tel qu'il arrive souvent que les autocars transportent les enfants, sur de longues distances, vers une autre ville.

Je connais un petit peu la situation de Sudbury. Je sais que le district scolaire là-bas est plus grand que le district scolaire en France et que les enfants sont transportés par autobus sur de longues distances, se rendent d'une municipalité à une autre.

S'agit-il là selon vous de déplacements interurbains par autocar?

M. Di Sanza: Cela est considéré comme s'agissant strictement de services de ramassage scolaire.

Le sénateur LaPierre: Il s'agit de services d'autobus scolaire et cela ne relève pas de ce dont il est question ici; est-ce bien cela que vous dites?

M. Di Sanza: Cela ne relève pas des services réguliers qui ont, typiquement, dans les provinces qui sont réglementées, des itinéraires, des barèmes de tarifs et dans certains cas différents niveaux de service.

Le sénateur LaPierre: Lorsqu'un car scolaire emmène un groupe d'enfants d'Orléans à Camp Fortune, il ne s'agit pas là d'un déplacement par autocar interurbain; cela n'est pas réglementé, sauf à des fins éducatives, n'est-ce pas?

M. Di Sanza: Cela s'inscrirait sans doute ou dans un contrat ou dans un service de nolisement.

Le sénateur LaPierre: Les services affrétés, les services contractuels et les circuits — j'essaie d'éliminer un peu de mon travail ici — ne sont-ils pas réglementés en vertu du projet de loi que nous examinons ou dans le contexte des provinces dont nous parlons? En d'autres termes, ils ne vont pas s'inscrire dans le cadre de mon enquête, n'est-ce pas?

M. Di Sanza: Si, en vérité, pour la plupart. Ce que nous avons expliqué est que, pour la plupart, dans le cas de services commerciaux tels ceux offerts par les voyagistes ou les compagnies d'affrètement, pour lesquels il existe une demande discrétionnaire, même dans les provinces réglementées le critère économique qui est appliqué est beaucoup plus généreux ou moins rigoureux. Il s'agit typiquement de créneaux.

Il y a une multitude d'exploitants de services affrétés, par exemple, en Colombie-Britannique, qui, côté services réguliers, est extrêmement réglementée; mais là où il y a un besoin manifeste de services nolisés dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique, les licences sont, en règle générale, accordées.

Par conséquent, la dynamique en ce qui a trait aux services affrétés n'est pas la même que dans le cas des services réguliers.

Le sénateur LaPierre: Pour reprendre l'exemple du sénateur Callbeck, supposons qu'elle voyage de Charlottetown à Vancouver et qu'elle s'inscrit à un voyage organisé ou qu'elle affrète un autobus pour se rendre quelque part en Colombie-Britannique. Cela ne s'inscrirait pas dans la catégorie des services réguliers, n'est-ce pas? C'est un petit peu comme les cars pour touristes ou nolisés qui déversent leurs passagers sur la colline du Parlement, n'est-ce pas? Il ne s'agit pas de services réguliers.

D'un autre côté, le bus qui fait la navette entre Ottawa et Montréal, comme celui de 23 heures pour lequel j'ai déposé ma nièce hier soir, est un bus régulier.

M. Di Sanza: C'est exact.

Le sénateur LaPierre: Est-ce cela qui nous préoccupe?

M. Di Sanza: Les principales questions de politique qui ont été soulevées concernent les services réguliers, les services Greyhound de Montréal à Toronto, qui vous ramassent au terminus du centre-ville d'une ville pour vous déposer au terminus de l'autre. C'est là la principale question qui nous intéresse ici. Il existe des questions corollaires, mais c'est là la plus importante.

Le sénateur LaPierre: Qu'en est-il du bus qui va de Montréal à New York? Cela nous intéresse-t-il?

M. Di Sanza: Il existe plusieurs compagnies qui assurent des services réguliers entre le Canada et les États-Unis et qui s'inscrivent sous la rubrique services réguliers. Bien sûr, il y a des services affrétés qui sont actifs sur ces marchés, mais ce sont dans ces cas-là des facteurs différents qui sont en jeu.

[Français]

Le sénateur LaPierre: Quels seraient les avantages de la déréglementation?

Mme Roy: Elle permettrait davantage de flexibilité aux intrants. Le marché est fragmenté quand toutes les provinces ne sont pas réglementées. Les compagnies offrant des services interurbains non réglementés n'entrent pas aussi facilement dans un marché réglementé. Par contre, le transporteur réglementé qui fait affaires dans une province déréglementée ne fait pas face à cette contrainte de l'entrée sur le marché. Cette fragmentation crée des iniquités. Un transporteur qui offre des services dans plusieurs provinces fait face à plusieurs régimes.

Le sénateur LaPierre: Durant les années 1950, le gouvernement fédéral a transféré la gestion de ces services aux provinces. Est-ce la raison des problèmes que nous connaissons aujourd'hui?

Mme Roy: En 1954, la cour a confirmé que le cadre de la réglementation relevait toujours de la compétence fédérale en ce qui a trait aux expéditeurs d'une province à l'autre. Toutefois, le gouvernement fédéral a délégué ce pouvoir aux provinces. Ce faisant, chaque province a créé son propre régime, ce qui a eu comme résultat de créer plusieurs régimes différents.

Le sénateur LaPierre: Nous devrions donc conseiller au ministre d'étendre cette déréglementation à travers le pays. Cela exigera-t-il du gouvernement fédéral qu'il assume la totalité des pouvoirs?

Mme Roy: La première question que le ministre demande au comité est de voir si le système fragmenté crée un problème dans l'industrie. Si vous concluez que la fragmentation des régimes a un impact négatif sur l'industrie, il s'agirait de voir quelles seraient les solutions possibles. Selon le rapport du comité d'examen de la Loi sur les transports du Canada, deux solutions sont possibles si on veut un système national harmonieux. Une des possibilités serait que le gouvernement fédéral assume la responsabilité entière. L'autre possibilité serait que les provinces s'entendent sur la façon de collaborer entre elles.

[Traduction]

Le sénateur LaPierre: Parlez-moi des usagers. Hier soir, je n'ai pas vu d'avocats prendre cet autocar. Je n'a pas vu d'hommes d'affaires. Je n'ai pas vu de sénateurs, sans parler de députés. J'ai vu des étudiants retournant à Montréal après une belle fin de semaine passée à profiter de Bal-de-Neige. J'ai vu des dames avec de gros sacs escortant des enfants. Je pense vous avoir entendu dire que c'est là le moyen de transport privilégié d'un groupe de personnes dans notre société qui trouvent que cela est meilleur marché que le train et, bien sûr, que l'avion.

Or nous n'avons pas de profil des usagers; en tout cas, je n'en ai pas vu. Existe-t-il un profil des usagers? J'aimerais connaître leur âge, leur sexe, leur niveau de revenu. J'aimerais savoir de quoi ils se plaignent lorsqu'ils voyagent. Avez- vous inclus cela dans vos études?

M. Di Sanza: Il y a à la page 5 du document d'orientation un profil des voyageurs selon le revenu. L'Association canadienne de l'autobus a commandité une étude en vue de l'établissement d'un profil général des usagers des services réguliers. Il est important de faire une distinction entre services réguliers et services affrétés. Les usagers des services réguliers ont tendance à être des personnes à faible revenu, des étudiants et, dans certains cas, des personnes âgées qui n'ont pas d'autre moyen de déplacement.

Le sénateur LaPierre: Les autocars sont-ils accessibles aux personnes en chaise roulante?

M. Di Sanza: Il existe un groupe consultatif qui travaille étroitement avec les organes de réglementation et avec l'industrie, et ce groupe consultatif comprend des organismes représentant les personnes handicapées. Ensemble ils fixent pour l'industrie des normes volontaires devant être adoptées dans la prestation de services.

Il nous faudra vous revenir avec des renseignements plus précis quant au niveau de satisfaction à l'égard du service sur ce plan.

La présidente: Nous allons rencontrer des intéressés la semaine prochaine à Montréal. Nous pourrons poser la question à cette occasion-là.

Le sénateur Jaffer: Les déplacements par autobus sont-ils meilleur marché que les déplacements par train?

Mme Roy: En ce qui concerne le service régulier, le transport par autobus est moins cher. Je ne peux pas vous fournir de chiffres précis, mais en règle générale, c'est moins coûteux. Le prix du billet est fonction de la distance parcourue.

Le sénateur Jaffer: Prenons le cas d'un déplacement de Montréal à Ottawa. En avez-vous une idée?

Mme Roy: Je ne peux pas vous donner de chiffre précis.

Le sénateur LaPierre: Des employés de VIA Rail m'ont fait savoir qu'ils vont bientôt assurer un service de train rapide qui assurera la liaison en l'espace d'une heure et demie au lieu de deux heures, soit le temps qu'il faut à l'autobus pour assurer le voyage, et le billet en classe économique sera meilleur marché que le tarif autobus parce que VIA Rail compte absorber ce marché-là.

Le sénateur Jaffer: Votre ministre a dit que le gros de l'industrie convient que les services affrétés devraient être déréglementés. Quel est votre avis là-dessus?

M. Di Sanza: La position de l'industrie et, en fait, des autorités provinciales est pour la plupart le fruit du travail que nous avons fait dans le cadre d'un groupe de travail industrie-fédéral-provincial entre 1995 et 1997. En vérité, là où il y a eu consensus entre le gouvernement fédéral, les provinces et l'industrie a été pour dire que le service colis et que les services affrétés pourraient être déréglementés et que le processus pour ce qui est des services réguliers pourrait être de façon générale simplifié. Le groupe de travail n'a pas pu obtenir de consensus à cette étape-là en vue de pousser plus loin côté services réguliers, mais il y a eu consensus général pour les services affrétés qui ont une assise davantage commerciale. Ce sont des revenus davantage discrétionnaires qui créent la demande de ces services-là par opposition aux services réguliers, qui font partie de la vie de tous les jours de par leur nature même.

Le sénateur Jaffer: Vous avez dit dans votre exposé que certaines provinces sont réglementées et que d'autres ne le sont pas. Devraient-elles toutes être réglementées ou déréglementées?

Mme Roy: Nous ne sommes pas ici pour exprimer nos opinions personnelles quant à la question de savoir si les provinces devraient être réglementées ou déréglementées. La question clé pour le comité est celle de l'incidence des régimes déréglementés dans certaines provinces, des régimes réglementés dans d'autres ou de l'existence de certains régimes mi-réglementés et mi-déréglementés. Quelle est l'incidence de cela sur l'industrie? S'il y en a une, que recommanderiez-vous que le gouvernement fédéral fasse? C'est vraiment là ce que le ministère cherche à obtenir du comité.

Le sénateur Jaffer: J'accepte que vous n'émettiez pas d'opinion. Avez-vous une idée des effets lorsqu'il y a déréglementation?

Mme Roy: Je sais que le comité a prévu des réunions avec les provinces. Ma suggestion serait que vous examiniez l'incidence des règlements dans les provinces où il y a réglementation. Vous pourriez obtenir toutes les explications directement des provinces qui ont une réglementation. Dans les provinces où il y a déréglementation partielle, vous pourriez là aussi en examiner les ramifications. Il est préférable d'interroger directement les provinces sur ce qu'elles ont constaté comme conséquences de la déréglementation.

[Français]

Le sénateur Biron: Ma question va un peu dans le même sens que celle du sénateur Jaffer. Est-ce qu'il y a eu une baisse de services dans les milieux ruraux pour les provinces où il y a eu la déréglementation? Est-ce qu'il y a eu demande de subvention pour que les milieux ruraux puissent continuer à recevoir les services?

M. Di Sanza: Prenons l'exemple de Terre-Neuve qui est une province déréglementée. Une étude a démontré qu'il n'y a pas eu d'impact nuisible dans le secteur à cause de leur approche de déréglementation.

Par contre, je pense qu'il faut placer la question en contexte. On peut dire que dans certaines provinces où il y a une forte réglementation économique, il y a quand même abandon de services dans les secteurs ruraux ou les marchés à faible densité. Ce n'est pas parce qu'une province peut avoir une réglementation économique dite «forte» que cela va garantir que les services seront soutenus dans tous les marchés, même ceux à faible densité.

Différentes études menées dans presque toutes les provinces ont démontré qu'il y a eu certainement abandon de certains services dans les provinces comme l'Ontario où il existe un régime balançant entre une forte réglementation et une déréglementation. Cela dépend de la demande existante et des services offerts dans le secteur de l'industrie.

Cela peut varier d'un secteur à l'autre et d'une province à l'autre au niveau de l'impact mais jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'impact nuisible. Dans certains cas, les services ont repris par l'usage de petits autobus ou de fourgonnettes.

Mme Roy: Il vaut mieux se pencher sur les expériences de chaque province plutôt que d'en tirer une règle générale.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit qu'à Terre-Neuve, si j'ai bien compris, il n'y avait eu aucun effet, mais que cela avait à voir avec la façon dont la déréglementation y avait été menée. Pourriez-vous expliquer cela?

M. Di Sanza: Dans le cadre des travaux du groupe de travail et, par la suite, lorsque le gouvernement fédéral et les provinces examinaient la base d'un consensus, l'une des questions qui était souvent soulevée dans le cadre de nos discussions était celle de l'expérience du côté des provinces qui avaient vécu une déréglementation.

Je n'ai pas de chiffres précis à vous fournir à l'instant, mais d'après ce que nous avons compris des propos des porte- parole de Terre-Neuve, il n'y avait eu aucun effet négatif côté services dans la province par suite de leur approche en matière de déréglementation. Ils ont par le passé offert de fournir à quiconque cela intéresserait les renseignements là- dessus. Vous voudrez peut-être les inviter à vous fournir des précisions sur les effets que cela a pu avoir, si effets il y a eu, sur les petites ou les plus grosses localités.

Le sénateur Callbeck: La question que je pose est celle de savoir si cela a quelque chose à voir avec la façon dont ils ont mené la déréglementation.

M. Di Sanza: Je ne suis pas en mesure de vous fournir de réponse précise quant à la question de savoir si cela a eu à voir avec la façon dont ils ont assuré la déréglementation ou si c'était là le résultat d'autres facteurs. Nous pourrions néanmoins poursuivre cela avec la province, si c'est là une question que vous aimeriez nous voir poursuivre.

Le sénateur Callbeck: L'Association canadienne de l'autobus a réalisé une étude en 1998. Quelle a été sa conclusion?

M. Di Sanza: Ses principales conclusions sont esquissées dans le document d'orientation. Les auteurs du rapport disent que, de façon générale, la déréglementation déboucherait sur l'abandon d'un certain nombre de routes marginales. Il s'agirait, typiquement, de marchés à faible densité ou de certaines routes rurales. Ils ont recommandé un certain nombre de mesures que pourraient prendre les organes de réglementation. Leur principale conclusion côté dimensions économiques a cependant été qu'il y aurait une perte de certains des services offerts aux marchés à faible densité et que les nouveaux entrants, par suite de la déréglementation, cibleraient typiquement les plus gros marchés ou les corridors d'importance.

Le sénateur Callbeck: L'essentiel est qu'ils n'étaient pas très favorables.

M. Di Sanza: À l'époque, leur position était qu'ils n'étaient de façon générale pas favorables à la déréglementation, pour les différentes raisons qu'ils avaient évoquées.

Cependant, si l'on regarde la liste de conditions ou de recommandations dans leur rapport, ils y disent également que, dans certaines conditions, sur une période de temps donnée, un régime de réglementation n'aurait pas le genre d'effet négatif que pourrait avoir quelque chose dans le court terme.

Un certain lapse de temps s'est écoulé depuis ce rapport. Vous voudrez peut-être soumettre cette question aux associations qui sont membres de l'Association canadienne de l'autobus pour connaître leur position à cet égard.

Le sénateur Callbeck: Les principaux rapports effectués au Québec au cours des cinq dernières années y ont-ils été favorables?

M. Di Sanza: Pourriez-vous, je vous prie, éclaircir votre question?

Le sénateur Callbeck: Je lis ici que le gouvernement du Québec a produit deux rapports d'envergure sur cette question au cours des cinq dernières années. Quelle en a été la principale conclusion?

M. Di Sanza: Le gouvernement du Québec a effectué une analyse approfondie des services et des exploitations dans la province. Il a examiné l'incidence que pourrait avoir différents scénarios bien précis. De façon générale, la position de la province a été qu'il y aurait une incidence sur certains marchés. La province serait désireuse d'examiner les options envisageables pour contrer ces effets.

Encore une fois, il serait important d'entendre la province exposer sa position. Les renseignements que j'ai cités plus tôt concernant la perte de services pour les plus petites localités ont été glanés dans l'un de ces rapports, selon lequel même dans un cadre réglementé il allait y avoir des services abandonnés.

La présidente: Vous avez dit que le taux de fréquentation semble s'être stabilisé à entre 12 millions et 14 millions pour les autocars interurbains. Le ministère a-t-il lui-même des idées quant à ce qui pourrait déboucher sur une augmentation marquée des taux d'utilisation?

Mme Roy: Nous aurions de la difficulté à dire grâce à quel moyen précis les taux de fréquentation pourraient être augmentés. Peut-être qu'une plus grande concurrence dans le secteur aurait des effets. Il est difficile de donner une réponse simple à la question étant donné qu'il y a divers facteurs qui interviennent dans le choix de prendre ou non l'autobus. Je ne voudrais pas m'aventurer là-dedans.

Vous voudrez peut-être poser cette question aux usagers et aux transporteurs que vous allez rencontrer. Vous pourrez peut-être, à partir de plusieurs sources différentes, esquisser une tendance en vue de l'augmentation des taux d'utilisation.

[Français]

La présidente: Nous vous remercions d'avoir répondu à toutes les questions des sénateurs. Vos réponses sont très appréciées en ce début de l'étude que nous faisons. Si jamais nous avons besoin d'information, je pense que nous ferons appel à vous en cours de route.

[Traduction]

Nous entendons maintenant M. Norris et M. Baldwin. Soyez les bienvenus, messieurs.

[Français]

M. Douglas A. Norris, directeur général, Direction de la statistique démographique et du recensement, Statistique Canada: Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour présenter un aperçu des tendances sociales et démographiques au Canada. J'espère que ces tendances serviront de contexte pour votre étude.

Je ferai ma présentation en utilisant une série de graphiques et je crois que tous les membres du comité en ont une copie. Ces graphiques sont disponibles dans les deux langues officielles et à la fin de mon exposé, il me fera plaisir de répondre aux questions en français ou en anglais.

[Traduction]

Je veux vous parler aujourd'hui des tendances qui pourraient intéresser le comité aux fins de son étude du transport interurbain. La plupart d'entre elles sont des tendances générales et vous en connaissez sans doute déjà un certain nombre.

La plupart de nos tendances sociales évoluent lentement au fil du temps sans connaître de fluctuations radicales. Un certain nombre d'entre elles sont susceptibles de vous intéresser. Certaines ont déjà été abordées lors d'une présentation antérieure sur le profil des voyageurs interurbains. Nous avons choisi d'établir un profil de certains de ces mêmes groupes.

La demande de tout produit ou service est influencée par la croyance démographique. Le premier graphique montre la croissance de la population au Canada au cours du dernier demi-siècle. Notre population est passée d'environ 15 millions vers le milieu du siècle à un peu plus de 30 millions aujourd'hui. Cette croissance a été relativement régulière, mais le rythme se ralentit. La ligne sombre du premier graphique montre le taux de croissance annuel de la population, soit le pourcentage d'augmentation de la population d'une année sur l'autre. Au cours des années 50 et 60, cette hausse a été de l'ordre de 2 ou 3 p. 100, mais elle a baissé dans le courant des années 60 et 70 pour atteindre 1 p. 100 par an. Depuis 1970 environ, la croissance démographique a tourné aux alentours de 1 p. 100 par an, avec quelques fluctuations vers le haut et le bas dues aux tendances d'immigration.

Le diagramme suivant projette l'avenir, pour déterminer ce que sera la démographie future sur la base de ces tendances passées. Nous avons retenu un éventail de possibilités pour l'avenir, qui sont fonction de ce qu'il adviendra des principaux déterminants de la croissance de la population. Le principal facteur, de loin, est le taux de fécondité, c'est-à-dire le nombre d'enfants par femme. Le taux d'immigration est également un facteur important, de même que le taux de mortalité, mais ce dernier évolue beaucoup plus lentement.

Ce graphique montre la trajectoire future de notre population au cours des 40 prochaines années selon trois scénarios, ceux d'une croissance élevée, moyenne et faible. Le scénario à croissance élevée représente un taux de fécondité accru par rapport à la moyenne de 1,5 enfant par femme d'aujourd'hui et un taux d'immigration accru également. Le scénario moyen prolonge les tendances actuelles de fécondité et d'immigration. Le scénario à croissance faible suppose une légère baisse de notre taux de fécondité et une diminution du chiffre d'immigration. Cela nous donne une fourchette.

Dans les trois scénarios, la dynamique de notre changement démographique futur est susceptible d'être à la baisse. On prévoit que la croissance de notre population se ralentira au cours des deux ou trois prochaines décennies; la plupart des analystes n'anticipent pas d'augmentation du taux de fécondité.

Le troisième graphique montre l'évolution de nos populations urbaines et rurales. Nous avons défini ici le milieu urbain de façon relativement lâche en y englobant toutes les agglomérations de plus de 1 000 habitants. C'est la définition assez large employée dans le recensement. La population rurale est celle qui vit en dehors de ces zones urbaines.

Le graphique recouvre toute l'histoire de notre pays, remontant jusqu'avant la Confédération et allant jusqu'au recensement de 1996. Vous voyez que la population était principalement rurale jusqu'aux années 20 et 30, où les deux courbes se croisent. À partir de 1951, nous assistons à une urbanisation rapide du pays, la population urbaine connaissant une forte croissance et la population rurale restant contante. Aujourd'hui, environ 80 p. 100 de la population est classée comme urbaine.

Étant donné le faible taux de fécondité, le principal moteur de cette croissance différentielle entre les villes et les campagnes est l'immigration. C'est elle qui fait la différence entre la croissance ou le déclin de la population, jointe à la migration interne, c'est-à-dire les déplacements des habitants à l'intérieur du pays.

L'immigration joue donc un rôle important. L'une des caractéristiques de l'immigration actuelle est qu'elle est concentrée sans les grandes agglomérations urbaines, particulièrement, Toronto, Vancouver et, dans une mesure moindre, Montréal et quelques autres grands centres. Dans la mesure où ce facteur déterminera la croissance future, nous pourrions assister à une croissance différentielle. Nous avons déjà vu que la croissance d'ensemble sera faible. Elle sera probablement encore plus faible dans les régions rurales qui reçoivent peu d'immigrants, comparé aux grands centres urbains vers lesquels les immigrants afflueront, si les tendances actuelles se poursuivent. Le taux de croissance urbain sera plus fort que celui des zones rurales. Il est probable que nous verrons ce différentiel de croissance même avec de faibles chiffres d'augmentation démographique, et peut-être même des baisses de population dans les régions rurales et petites villes du pays, comparé aux grandes agglomérations.

Le diagramme suivant fait apparaître une autre tendance importante de la société canadienne, soit le vieillissement de notre population. Je le dépeins en comparant la pyramide des âges telle qu'elle se présentait en 1951, soit la ligne pleine que vous voyez sur le diagramme, à l'intérieur de la zone brune. Cela montre le nombre de personnes — les hommes d'un côté et les femmes de l'autre — dans les diverses tranches d'âge, depuis l'enfance jusqu'à l'âge avancé. Vous voyez ainsi ce qu'il est advenu de ces chiffres entre 1951 et 2001. Les barres brunes représentent les chiffres estimatifs pour aujourd'hui. Plusieurs caractéristiques sont à signaler.

Premièrement, on constate une augmentation dans presque toutes les tranches d'âge, et cela reflète la multiplication par deux de la population totale. En outre, la distribution de la population par âge a évolué. En 1951, les enfants représentaient les tranches d'âge les plus nombreuses. Il s'agissait là des enfants nés pendant les années 40 — les années de guerre et d'après-guerre — et cette assise était en fait encore plus large pendant les années 60 et 1970. Puis, le taux de fécondité a reculé. Ainsi, en 2001, les tranches d'âge les plus nombreuses sont celles des personnes âgées de 35 à 55 ans, les enfants du baby-boom.

La taille relative de la population aux différents âges a radicalement changé. Si vous projetez cette pyramide brune vers l'avenir, vous pouvez voir le vieillissement de ces enfants du baby-boom, qui font devenir sexagénaires, septuagénaires, octogénaires et nonagénaires et qui vont être remplacés par des générations d'enfants beaucoup moins pléthoriques, avec les tendances de fécondité actuelles. Cela se répercute de façon importante sur tout phénomène, service ou produit lié à l'âge. Le profil des usagers potentiels de ce service va changer de façon assez rapide.

Le graphique suivant illustre encore plus abondamment cette tendance, puisqu'il montre le nombre de personnes âgées de 15 à 24 ans et de plus de 65 ans. Ces deux âges ont été choisis parce qu'ils sont plus susceptibles que la moyenne, comme on l'a vu dans la présentation précédente, de recourir à l'autocar interurbain pour se déplacer, puisqu'il s'agit des étudiants, des jeunes et des personnes âgées. Vous pouvez voir que dans la tranche d'âge des 15 à 24 ans, les nombres ont augmenté jusqu'en 1981, la courbe s'aplatissant ensuite pour rester plus ou moins constante depuis.

En revanche, le nombre des personnes âgées n'a cessé d'augmenter et on peut voir que les deux courbes vont se croiser, le nombre des personnes âgées dépassant celui des jeunes. Ce nombre va continuer d'augmenter, particulièrement après 2011, lorsque les enfants du baby-boom commenceront à atteindre l'âge de 65 ans. Leur nombre va augmenter rapidement entre 2011 et 2031, moment à partir duquel il va se stabiliser. Dans pratiquement tous les scénarios, l'avenir nous réserve un nombre beaucoup plus important de personnes âgées et une proportion beaucoup plus importante de notre population dans cette tranche d'âge.

Le diagramme suivant représente les inscriptions à l'université. Le sénateur LaPierre nous a raconté avoir déposé sa nièce hier soir à la gare routière. Je me souviens moi-même, il n'y a pas si longtemps, d'avoir emmené ma fille prendre l'autocar pour se rendre à l'université ou de venir la chercher. Les étudiants universitaires et collégiaux sont d'importants usagers de l'autocar interurbain, du moins selon mon expérience personnelle.

Bien que les nombres dans la tranche d'âge 15 à 24 ans n'aient pas tellement augmenté, la proportion de ceux inscrits à l'université et dans des études postsecondaires a, lui, augmenté, si bien que le nombre d'étudiants — et le graphique montre les étudiants universitaires à temps plein — a augmenté de façon assez régulière au cours du dernier demi-siècle, avec peut-être une stabilisation dans les années 90.

Le diagramme suivant montre un phénomène que nous avons pu constater depuis pas mal de temps au Canada, à savoir que nous sommes un pays de déménageurs. En moyenne, les Canadiens déménagent d'un logis à un autre en proportion assez élevée. De fait, environ la moitié d'entre nous changent de résidence pendant une période de cinq ans. Certains déménagent seulement dans la rue d'à côté, d'autres vont à l'autre bout de la ville et d'autres encore s'établissent dans une autre ville ou province. Certes, la tendance à déménager est liée à l'âge, les déménagements les plus nombreux intervenant à l'âge où l'on termine les études et fonde une famille, et cetera. Nos niveaux de mobilité n'ont pas énormément évolué au cours des trois ou quatre dernières décennies, comme en témoignent les données des recensements.

Les graphiques suivants montrent une autre tendance importante de la société canadienne, à savoir la modification de la composition de la population du fait de l'immigration. Le premier graphique montre le pourcentage de la population classée comme immigrante, et par là nous entendons les personnes nées en dehors du Canada. En 1996 — la dernière fois que nous avons pris un instantané de ce phénomène, un peu plus de 17 p. 100 de la population était classée comme immigrante, et ce chiffre n'a guère changé au cours des 50 dernières années. Il a légèrement augmenté, puisqu'il était peut-être de 15 p. 100 dans les années 90 et nous verrons ce que ce chiffre est devenu lorsque seront publiés les résultats du nouveau recensement de 2001. Je m'attends à ce qu'ils soient plus élevés que celui à présent. Vous pouvez voir que les niveaux, bien qu'ils n'aient pas énormément évolué au cours des 50 dernières années, sont plus faibles qu'ils l'étaient au début du siècle, au moment où l'Ouest s'ouvrait et où les immigrants affluaient au Canada; la proportion d'immigrants à cette époque était plus élevée.

Le diagramme suivant reflète l'évolution de notre diversité culturelle. Il montre la distribution des immigrants établis au Canada par pays ou continent d'origine. On peut voir qu'avant 1961, virtuellement tous nos immigrants, quelques 90 p. 100, venaient d'Europe. Les pourcentages venant d'autres parties du monde étaient bien inférieurs. Un déplacement est intervenu graduellement au fil des décennies, si bien que dans les années 90, moins de 20 p. 100 de nos immigrants venaient d'Europe. Des pourcentages beaucoup plus élevés venaient d'Asie, des Caraïbes, d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale et d'Afrique. Il y a donc eu un profond bouleversement dans l'origine de nos immigrants. Cela se reflète certainement dans la composition nouvelle de notre population dans les grandes villes qui reçoivent ces immigrants.

Les deux diagrammes suivants reflètent les changements intervenus dans la structure familiale de 1980. Plusieurs aspects sont à signaler ici. L'un est le recul de la proportion des familles formées de couples mariés avec enfants. Ce chiffre est en recul, étant tombé de 55 p. 100 en 1981 à 45 p. 100 en 1996. Cela reflète, en partie, le vieillissement de la population, mais aussi la propension à se marier, une partie de cette baisse étant compensée par une augmentation des couples vivant en concubinage, avec ou sans enfants — et une augmentation des familles monoparentales. Vous pouvez voir que le nombre des couples mariés avec enfants est resté pratiquement stable. Toutefois, dans la perspective du vieillissement de notre population à l'avenir, la partie en bleu sombre du gâteau va afficher une certaine augmentation, puisque le nombre des ménages dont les enfants ont quitté le foyer va augmenter.

Le phénomène du nid vide n'est pas aussi clair qu'il peut sembler. Le diagramme suivant montre un autre aspect de l'évolution de la structure familiale, soit le fait qu'au cours des 20 dernières années on a assisté à une augmentation du nombre de jeunes adultes continuant à vivre avec leurs parents au lieu de fonder leur propre foyer. Dans certains cas, les enfants quittent le foyer familial avant de revenir ensuite, parfois en couple. Nos structures familiales deviennent de plus en plus complexes.

Le phénomène du nid vide — c'est-à-dire le couple marié dont les enfants sont partis — devrait devenir plus fréquent. Toutefois, cette tendance est quelque peu compensée par la tendance des jeunes adultes à rester vivre avec leurs parents.

Les quelques diagrammes suivants donnent une image rapide de l'évolution de notre main-d'oeuvre au cours des 25 dernières années. Je signale deux changements majeurs. Il s'agit là des deux lignes du milieu du graphique. La première montre la participation accrue des femmes à la population active, qui a commencé avant cette période, dans les années 60. Cette ligne part autour de 50 pour atteindre 80; autrement dit, 80 p. 100 des femmes âgées de 25 à 54 ans sont actives. Ce chiffre s'est stabilisé, ou a augmenté moins rapidement ces dernières que dans le passé.

L'autre tendance majeure concerne les hommes plus âgés, ceux de 55 à 64 ans. Le taux de participation à la population active des hommes d'âge mûr est tombé de presque 80, en 1976, à environ 60 au milieu des années 90. Encore une fois, cette courbe se stabilise et remonte peut-être un peu. Nous allons la suivre de très près. Elle reflète le départ à la retraite plus précoce que nous constatons depuis quelques temps, en particulier des hommes.

L'autre phénomène qui intéresse la main-d'oeuvre est le changement intervenu au cours des 20 dernières années quant aux types d'emplois créés. Ce diagramme montre la répartition des emplois entre temps partiel, temps plein et travail indépendant. Chez les hommes, la plus grosse augmentation des emplois se situe dans les catégories à temps partiel et travail autonome, alors que chez les femmes l'emploi à temps plein a nettement augmenté. C'est toujours la catégorie la plus petite, mais elle se rapproche beaucoup du travail à temps partiel, le taux d'augmentation le plus élevé se situant dans le travail indépendant. On voit donc que la nature du marché du travail change également.

Passant maintenant au revenu, nous disposons de plusieurs indicateurs de revenu apparus au cours des 30 ou 40 dernières années. La première courbe montre la tendance de ce que l'on appelle le revenu familial médian. Le point médian est celui où la moitié des familles ont un revenu supérieur et la moitié un revenu inférieur. Le revenu médian des familles a augmenté entre 1961 et 1981 et stagne depuis. Il y a eu des fluctuations à la hausse et à la baisse depuis, mais pas de changements notables depuis une vingtaine d'années. Ce revenu a baissé à certaines périodes et augmenté légèrement à d'autres.

Le graphique suivant montre le revenu d'un certain nombre de sous-groupes de la société canadienne, soit la fréquence du faible revenu, c'est-à-dire la proportion dans ces groupes classés comme ayant un faible revenu après impôt, selon la définition du faible revenu de Statistique Canada. C'est utile pour suivre les changements. Nous voyons ici que, pour les couples avec enfants, vers le bas du graphique, il n'y a guère eu de changement au cours des 20 dernières années. Dans le cas des familles âgées dont un membre a plus de 65 ans, il y a eu une diminution du pourcentage de démunis, qui est tombé de 8 ou 9 p. 100 à 2 ou 3 p. 100. Les personnes âgées seules, notamment les femmes âgées vivant seules affichent une baisse considérable, puisque la proportion de démunis est tombée de 50 p. 100 à un peu plus de 20 p. 100. La quatrième ligne montre la tendance chez les familles monoparentales, avec peu de changement, puisque le pourcentage de démunis est resté autour de 40 p. 100 au cours de cette période.

Le graphique suivant montre l'un des sujets abordés lors de la présentation précédente, à savoir la proportion de propriétaires de véhicules au Canada — avec une augmentation très marquée, particulièrement au cours des années 50 et 1960, passant de 40 p. 100 des ménages propriétaires d'un véhicule à un peu plus de 80 p. 100 aujourd'hui. La hausse de cette courbe a été plus lente au cours des 20 dernières années, la plus grande partie de la majoration étant intervenue durant les années 50 et 60. La ligne du bas montre le nombre de ménages possédant deux véhicules ou plus. Là encore, on constate une majoration très sensible au cours de la période.

Le dernier graphique montre la propriété de véhicules des personnes âgées. Comme nous l'avons vu, le nombre de personnes âgées va aller grandissant. Cependant, même chez les ménages âgés, la proportion des propriétaires de voitures est passée de 11,5 p. 100 en 1980 à environ 17 p. 100. La légère baisse que vous voyez en 2000 pourrait être due à la variabilité de l'échantillonnage. Il est encore trop tôt pour y discerner une tendance.

Voilà un tour d'horizon rapide des principales tendances sociales en cours. J'espère que ces renseignements vous seront utiles dans votre réflexion sur l'avenir du transport interurbain par autocar. Je serai ravi de répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir.

La présidente: Monsieur Norris, pourrait-on dire que les augmentations de revenu et de la propriété automobile expliquent une bonne part de la diminution du nombre d'usagers de l'autocar entre 1950 et 2000?

M. Norris: Je n'ai pas effectué d'analyse liant directement l'usage de l'autocar au revenu ou à d'autres caractéristiques. Cependant, puisque la propension à prendre l'autocar est plus élevée chez les personnes à faible revenu, ces deux éléments vont dans le sens d'une baisse de fréquentation. Mais il est difficile de chiffrer cela avec précision. Mais dans la mesure où le revenu est un facteur, et cela semble être un facteur, les chiffres d'utilisation baissent avec l'augmentation du revenu.

La présidente: On pense que l'urbanisation a réduit la demande globale de transport par autocar. Est-il raisonnable de penser que la diminution de la population rurale a un effet particulièrement marqué sur les déplacements en autocar entre les petites villes, par opposition à entre les petites et les grandes villes?

M. Norris: Malheureusement, je ne peux être trop précis. Je n'ai pas de données sur la relation entre nombre de ces caractéristiques de l'usage de l'autocar. Je pense que d'autres témoins auront effectué de telles études et pourront mieux vous éclairer. Certes, les zones rurales du pays ont connu une croissance plus lente que les zones urbaines et, si les tendances de fécondité actuelles se poursuivent, connaîtront une croissance plus lente et peut-être même une baisse de population, ce qui fera baisser les taux relatifs de tout ce qui est lié à la répartition de la population entre villes et campagnes. Ce sont là des facteurs qui peuvent expliquer la baisse d'utilisation de l'autocar. Si cette portion de la population diminue, cela tendra à faire baisser ces chiffres. Cependant, je n'ai pas de données précises à l'appui de cette prémisse. Il s'agit davantage d'une impression fondée sur les grandes tendances que j'ai décrites.

La présidente: Le rapport annuel de Transports Canada, «Les transports au Canada en 2000», décrit au chapitre 11 la structure de l'industrie des transports et contient notamment un passage sur le transport interurbain par autocar de lignes régulières.

À la page 122, le rapport indique que virtuellement tous les transporteurs réguliers offrent également un service de nolisement. Ces chevauchements à l'intérieur de l'industrie font qu'il est difficile de cerner la taille respective du secteur de lignes régulières et du secteur de nolisement.

Comment détermine-t-on la taille d'un segment de marché et comment Statistique Canada a-t-il déterminé la taille du marché des autocars interurbains de lignes régulières? Est-ce que la taille de ce segment a changé au cours des années et, si oui, quelles étaient les raisons de ces variations? Si un segment de marché est difficile à décrire, comment calcule-t-on le revenu?

M. Gord Baldwin, directeur, Division des transports, Statistique Canada: C'est complexe à mesurer car il y a deux façons de compter une industrie et nombre de nos enquêtes auprès des entreprises sont structurées sur une base sectorielle. C'est nécessaire pour notre système de comptes nationaux. En effet, nous voulons nous assurer que tous les secteurs industriels soient comptés, mais seulement une fois. Nous ne voulons pas qu'ils soient comptés en double, mais nous voulons mesurer leur impact sur l'économie, et c'est pourquoi nous tendons à diviser l'économie en secteurs. Le secteur de l'autocar en est un.

Or, les entreprises sont très dynamiques et, comme on l'a déjà indiqué, alors que nous catégorisons les industries en fonction de leur source de revenu principale, la plupart des entreprises ont plus d'une activité. Bien que la plupart de nos données soient compilées sur une base sectorielle, il y a un élément d'activité. Cela peut entraîner quelque confusion si vous vous penchez uniquement sur un secteur particulier tel qu'il est défini. Si vous prenez uniquement les chiffres du secteur de l'autocar interurbain de lignes régulières, vous ne saisirez pas toute l'activité de transport interurbain par autocar de lignes régulières.

Dans nos enquêtes, nous demandons quels sont les flux de revenu provenant de tous les secteurs de l'industrie, et c'est ce qu'il faut faire pour trouver le chiffre pour tout le secteur de l'autocar interurbain de lignes régulières.

La présidente: Nous avons reçu une lettre du président de l'Association canadienne de l'autobus datée du 1er février 2002, accompagnée d'un rapport intitulé «Is the Canadian Intercity Bus Industry in Decline?» L'Annexe 3 de ce rapport examine les problèmes de fiabilité des données, en particulier la méthode utilisée par Statistique Canada de recueillir ces données en 1970. Comment réagissez-vous aux critiques de l'Annexe 3?

M. Baldwin: Statistique Canada a lui-même averti qu'il y avait un problème de données. Leur publication a été suspendue pendant une période. En 1974, nous avons adopté de nouvelles méthodes de collecte des données. C'était bien avant mon époque, et je ne connais pas exactement les raisons qui ont nécessité le changement. Cependant, nous avons averti qu'il y avait une rupture de la méthode de compilation des chiffres et qu'il faut être prudent lorsqu'on compare ceux de 1970 et ceux de 1974.

Nous sommes actuellement en train de revoir nos enquêtes sur l'autocar. Nous avons eu pour cela l'aide de Transports Canada, de diverses associations d'exploitants d'autocars et d'autres intervenants pour mettre au point une enquête refondue qui sera utilisée cette année pour mesurer l'activité de 2001. Nous espérons que cela va améliorer encore la qualité des données.

Il existe de nombreux problèmes de mesure lorsqu'on se penche sur un secteur comme celui-ci et l'effet à plus long terme pourrait être plus important que sur le court terme. Il semble qu'il devrait être assez facile de compter le nombre de voyageurs transportés. Cependant, différents exploitants utilisent différentes méthodes pour les compter. Si les voyageurs qui traversent le pays utilisent différents transporteurs, chacun d'eux va à juste titre les comptabiliser car ils sont pour eux un client. Cela nous donnera un certain nombre. D'autres entreprises comptent les voyageurs sur la base des changements de conducteur, ou d'une correspondance interne d'une ligne à une autre ligne de leur réseau. De leur point de vue, ils ont transporté le voyageur sur plus d'une ligne et ils vont le compter plusieurs fois.

Les regroupements de transporteurs au fil du temps peuvent également retentir sur les chiffres. Lorsqu'un transporteur compte sur la base d'un réseau plutôt que d'une ligne, s'il n'y a plus de correspondance d'un transporteur à un autre, il peut sembler qu'il y a une diminution du nombre de voyageurs transportés, même lorsque cela n'est pas le cas.

Avec l'amélioration du réseau routier et la plus grande rapidité des autocars, il devient moins souvent nécessaire de changer de véhicule ou de conducteur sur une ligne. Je sais que lorsque je voyageais d'Ottawa à Toronto pendant mes études, on changeait de conducteur à mi-chemin. Il était plus facile pour le transporteur d'avoir un chauffeur basé à Ottawa faisant la moitié de la route et un autre chauffeur basé à Toronto faisant le reste du chemin. Depuis que les autocars sont devenus plus rapides et les routes meilleures, un même conducteur peut faire l'aller-retour à Toronto le même jour. Il peut en résulter une baisse apparente du nombre de voyageurs sur le réseau du transporteur alors même que le nombre est resté identique.

Pour prendre un exemple local, il y a peu, il fallait prendre un autocar urbain pour se rendre de Rockland à Ottawa. Aujourd'hui, OC Transpo fournit le service. Au fur et à mesure que le système GO Transit de Toronto se développe, il y a une perte apparente de voyageurs interurbains, au profit du transport en commun urbain. La personne fait toujours le déplacement, mais utilise un transporteur différent. Beaucoup d'éléments peuvent déformer les chiffres et ce d'autant plus que la période de comparaison est longue.

Il y a également le problème de la définition du transport interurbain. Lorsqu'on mesure le secteur de l'autocar interurbain, on se fonde sur la ligne de produits offerte. En dépit de tous les changements possibles, certains changements ne seront pas pris en compte. Un changement de limite géographique, comme la nouvelle définition de la ville d'Ottawa ou de la ville de Gatineau, va se répercuter également sur les chiffres. Lorsqu'on emprunte un service d'autocar interurbain à l'intérieur des limites d'une ville nouvellement fusionnée, dans la mesure où la personne continue à acheter le service auprès d'un exploitant d'autocar interurbain, ce sera toujours considéré comme un déplacement interurbain.

Tout cela pour vous dire que ce qui peut paraître être un chiffre assez simple à cerner est en fait assez nébuleux et est influencé par de nombreux facteurs opérationnels du côté des transporteurs eux-mêmes.

La présidente: Acceptez-vous la conclusion que toute comparaison historique à long terme pour le secteur de l'autocar interurbain ne peut être faite qu'en utilisant les revenus du secteur, ajustés en fonction de l'inflation?

M. Baldwin: Cela est également complexe car il y a eu des modifications de tarifs et de coûts et des changements de rythme d'inflation au fil du temps. Il est peut-être légitime de procéder ainsi, mais je ne suis pas certain d'être totalement d'accord avec la méthode utilisée dans ce rapport.

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé des enquêtes sur le secteur. Quelles autres statistiques recueillez-vous, hormis les nombres de voyageurs?

M. Baldwin: Nous avons des données de revenu par gamme de produits et sur les principaux postes de dépenses des transporteurs. Nous avons des renseignements sur le matériel roulant qu'ils utilisent, quelques données sur l'emploi et sur la consommation de carburant.

Le sénateur Callbeck: Avez quelle fréquence effectuez-vous ces enquêtes?

M. Baldwin: La plupart sont annuelles. Il y avait quelques enquêtes trimestrielles, mais la plupart d'entre elles seront abandonnées avec ce passage aux nouvelles opérations d'enquête.

Le sénateur Jaffer: M. Norris a parlé de l'augmentation de la proportion d'immigrants dans les zones urbaines. J'extrapole peut-être, mais normalement les immigrants n'ont pas autant de revenu que les Canadiens de souche. Entrevoyez-vous de ce fait une augmentation de l'utilisation de l'autocar?

M. Norris: J'essaie, comme vous, de réfléchir aux possibilités. D'une part, nos informations montrent que les immigrants de fraîche date tendent à avoir des revenus inférieurs, et dans une certaine mesure le revenu influence l'utilisation de l'autocar.

L'autre élément à considérer est la mesure dans laquelle, puisque les immigrants tendent à se concentrer dans les grandes agglomérations comme Toronto, ils ont de la famille dans d'autres parties du pays, dans des petites villes. Ils ont peut-être moins de raisons d'emprunter l'autocar interurbain, même s'ils l'utilisent pour leurs voyages d'agrément. Cela peut militer contre des taux d'utilisation plus élevés chez les immigrants. Il est difficile de savoir comment ces facteurs s'équilibreront dans l'ensemble.

Le sénateur Jaffer: Est-ce que vos statistiques vous apprennent quelque chose sur les tendances de revenu chez les habitants des petites villes?

M. Norris: Je n'ai pas cela avec moi aujourd'hui. Cependant, dans l'ensemble, les tendances générales sont probablement très similaires à celles que j'ai indiquées aujourd'hui pour le pays dans son ensemble. Nous avons constaté, dans la plupart des segments de la population, une augmentation de revenu au cours des années 50 et 60, puis un aplatissement de la courbe. L'ampleur de l'augmentation ou de l'aplatissement peut différer. Cependant, je pense pouvoir dire que la tendance générale dans les petites localités n'est pas différente, à l'exception peut-être des effets de la composition démographique changeante des collectivités. Il y aura un effet, si les habitants des petites localités tendent à être nettement plus âgés, avec une forte proportion de personnes âgées inactives. Mais si la composition démographique est la même, les tendances générales seront plus ou moins similaires.

Le sénateur Jaffer: Existe-t-il une différence notable au niveau de la propriété d'un véhicule entre les habitants des villes et les campagnards?

M. Norris: Je n'ai pas ce renseignement sous la main. Nous pourrions probablement vous le procurer. Je n'ai pas établi cette distinction aujourd'hui et je ne hasarderai pas de réponse. J'essaierai de vous l'obtenir.

La présidente: Le document d'orientation de Transports Canada fait état d'une baisse du trafic autocar interurbain, qui serait tombé d'environ 32 millions en 1980 à environ 14 millions en 1999. En admettant que la fiabilité de certaines des données est douteuse, pensez-vous que la tendance générale est réelle?

M. Baldwin: En dépit de toutes les raisons qui font qu'il est difficile de quantifier le recul, je dirais que, oui, le recul est réel.

La présidente: Pouvez-vous déterminer à partir des statistiques sur les voyages par quel moyen les personnes trop âgées pour conduire se déplacent entre les villes? Savez-vous si beaucoup se font conduire par des amis et des parents?

M. Norris: Je n'ai pas ce renseignement. C'est là un facteur qui peut évoluer au fil du temps. La proportion de personnes âgées conduisant est susceptible d'augmenter. Les personnes âgées d'aujourd'hui sont plus susceptibles d'avoir conduit leur propre voiture lorsqu'elles étaient plus jeunes et peuvent continuer à conduire jusqu'à un âge avancé. Il peut en résulter qu'elles continuent à se déplacer en voiture, conduite par elles-mêmes, un collègue ou un ami. Je n'ai pas de série temporelle ferme faisant apparaître cela.

La présidente: Sur la base de l'analyse que vous avez faite dans votre présentation, diriez-vous qu'une recherche statistique plus poussée serait utile pour notre étude?

M. Norris: Une chose qui pourrait être utile, et j'ai essayé de la prendre un peu en considération, est ce que l'on appelle l'Enquête sur les voyages des Canadiens. C'est une enquête récente et qui ne remonte malheureusement pas loin en arrière. Cependant, on pourrait s'en servir pour déterminer de façon un peu plus précise les caractéristiques des usagers de l'autocar.

Le problème qui se pose est que cette enquête utilise une définition quelque peu différente. Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui du problème des définitions et des changements de définition, mais en gros cette enquête recense les voyages sur une distance supérieure à 80 kilomètres. C'est fondé sur la distance. Ce n'est probablement pas un mauvais indicateur. Les données de cette enquête pourraient être utiles pour préciser les caractéristiques ou confirmer d'autres informations sur les caractéristiques.

J'y ai jeté un coup d'oeil rapide et certainement cette enquête confirme que les jeunes et les personnes âgées sont plus enclins à prendre l'autocar. Certaines statistiques que j'ai examinées hier donnent à penser que les taux sont un peu plus élevés dans les petites villes que dans les grandes et en zone rurale. Certains de ces éléments pourraient être étoffés davantage et pourraient être utiles au comité.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous des statistiques sur la composition par âge de la population rurale comparé à la population urbaine, et constate-t-on un changement notable ces dernières de la proportion de personnes âgées en zone rurale? Ce pourcentage est-il en hausse ou en baisse?

M. Norris: Le pourcentage de personnes âgées en zone rurale est en hausse et plus élevé que dans les grands centres urbains.

Le sénateur Callbeck: Le pourcentage de personnes âgées vivant en zone rurale augmente?

M. Norris: Désolé. Vous parlez du pourcentage de personnes âgées vivant en zone rurale, et non du pourcentage de la population rurale composée de personnes âgées. Il y a deux façons de découper le gâteau.

Je pense que si l'on considère toutes les personnes âgées du pays aujourd'hui, il est probable qu'une plus forte proportion d'entre eux vit en zone urbaine, simplement parce que les agglomérations dans l'ensemble ont connu une expansion beaucoup plus rapide.

Le sénateur Callbeck: Je songe à ma propre province. Il me semble que davantage de personnes âgées déménagent chaque jour à Charlottetown et Summerside, pour être plus près des médecins et des autres services, beaucoup plus que jadis.

M. Norris: Je pense que vous avez raison. Cependant, si vous prenez les campagnes de l'Île-du-Prince-Édouard et d'autres régions du pays, une plus forte proportion de la population est âgée aujourd'hui qu'il y a 20 ans, même si beaucoup de personnes âgées vont en ville.

Mais vous avez raison. Lorsque les personnes âgées décident de déménager, elles semblent le faire pour des raisons familiales. Mon voisin m'a dit qu'il est revenu de Colombie-Britannique à Ottawa parce que ses petits-enfants sont maintenant ici et qu'il veut être proche d'eux. C'est un phénomène actuel. D'autres déménagements sont certainement motivés par le désir de se rapprocher des services de santé.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Norris et monsieur Baldwin. N'hésitez pas à nous communiquer d'autres renseignements, le cas échéant, qui pourraient être utiles pour notre étude.

La séance est levée.


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