Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 22 - Témoignages - Séance de l'après-midi
MONTRÉAL, le mercredi 20 février 2002
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 13 h 09 pour étudier les enjeux stratégiques touchant l'industrie du transport interurbain par autocar.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Honorables sénateurs, pendant que nous attendons le témoin, nous allons nous tourner vers le budget du comité pour l'année 2002-2003. Les documents à cet effet vous seront distribués et si vous avez des questions à poser au sujet de ce budget, vous pourrez les poser, sinon on pourra l'accepter tout de suite. Cela nous permettra d'enclencher le processus avec le Comité de la régie interne. Vous avez devant vous les dépenses du comité.
[Traduction]
Nous avons diverses dépenses relativement à l'étude spéciale que nous avons commencée. Sous la rubrique «Transport et Communications», nous avons inclus, dans les dépenses relatives à cette étude spéciale, la mission d'information à Boston et Washington. Nous avons supprimé ces postes des dépenses de l'année 2001 et avons inclus la mission d'information dans notre budget à compter du 1er avril. Nous avions prévu consacrer de 20 000 à 25 000 dollars à cette étude spéciale, et cette somme s'ajoute aux dépenses que nous avons déjà effectuées, et à celles que nous ferons jusqu'au 1er avril. Vous avez les chiffres sous les yeux.
[Français]
Le sénateur LaPierre: Est-ce seulement pour les travaux de cette année?
La présidente: Vous avez les deux budgets, un budget pour les travaux du comité pour l'année et celui pour l'étude.
[Traduction]
Un des postes s'intitule «Demande d'autorisation budgétaire pour l'étude spéciale» et l'autre, «Demande d'autorisation budgétaire pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2003». Il me faut une motion.
[Français]
Le sénateur LaPierre: C'est un montant de 70 000 $?
La présidente: Oui.
Le sénateur LaPierre: Ce budget représente les dépenses encourues par le comité?
La présidente: Exact, pour les études spéciales.
Le sénateur LaPierre: Puis, l'autre montant de 69 000 $?
La présidente: Ce budget représente les dépenses pour nos réunions régulières quand on examine les projets de loi et autres travaux.
Le sénateur LaPierre: Si on doit entreprendre d'autres études, y aura-t-il un budget spécial ou devra-t-on faire une autre demande?
La présidente: On fera une autre demande.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Je propose que nous adoptions ces deux budgets.
La présidente: Êtes-vous d'accord?
Le sénateur Jaffer: D'accord.
[Français]
La présidente:Les témoins devant nous aujourd'hui représentent Transport 2000 Québec, M. Normand Parisien, directeur coordinateur et M. Richard Beaulieu, chercheur en économie des transports. Nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité.
M. Normand Parisien, directeur coordinateur, Transport 2000 Québec: Madame la présidente, nous remercions le comité de nous entendre aujourd'hui sur cette question. On avoue qu'il y a un effet surprise parce qu'on croyait qu'en 1999, le projet de loi C-77, était mort au Feuilleton. Il est ressuscité sous une autre forme. Ce n'est pas la première fois que la Chambre des communes est saisie d'un projet de loi et que par la suite, on transmet le tout au Sénat pour un examen subséquent.
On a eu l'occasion, il y a quelque temps, de discuter des enjeux de ce dossier qui est à l'examen actuellement. Et, d'ailleurs, M. Beaulieu a participé avec moi à une certaine cueillette d'informations. C'est sûr qu'on n'est pas allé au fond du dossier, mais on a quand même suivi cette question sur une période suffisamment longue pour vous fournir un avis éclairé.
Transport 2000 Québec est une Association sans but lucratif, créée en 1977, qui regroupe les usagers des transports en commun au Québec et qui est membre d'office de l'organisme Transport 2000 Canada, et qui participe à d'autres organisations au niveau international. Notre mission consiste principalement à défendre les intérêts des usagers des transports en commun urbains ou interurbains et à promouvoir les transports collectifs et l'intégration des moyens de transport.
La question de la déréglementation est un enjeu important pour nous. C'est sûr qu'on vous a exposé une analyse des organismes du gouvernement; analyse que nous partageons en partie, quant au déclin de l'utilisation du transport interurbain par autocar. Des solutions ont déjà été proposées, entre autres, celles qui ont été mises de l'avant par la Commission Royale sur le transport des voyageurs au Canada, en 1992. Il est temps, dix ans plus tard, d'examiner les effets de cette politique qui découle des travaux de la Commission Hundman.
Il est certain qu'il y a un déclin de l'utilisation du transport en commun interurbain. Mais, selon nous, l'analyse qui est faite ou la question qui est posée au comité par le gouvernement, à notre avis, ne répond pas tout à fait à la question: La réglementation est-elle la cause de cette baisse de fréquentation du transport interurbain par autocar?
À notre avis, il y a tout lieu de croire que non, parce qu'il y a eu au Canada une augmentation importante des parcs automobiles et des déplacements par automobile. Il y a une dynamique économique derrière cela et on ne pourrait répondre sur une base purement idéologique à cette question qui fait le lien entre la réglementation actuelle au niveau des provinces et la baisse de fréquentation de ce mode de transport. Il y a une dynamique à l'oeuvre, que ce soit les prix de l'essence ou l'offre de service des autres moyens de transport.
On donne un exemple pour réfuter la thèse à l'effet qu'il y aurait un lien entre la réglementation et l'utilisation du transport interurbain par autocar. Suivant l'exemple du transport aérien, malgré la déréglementation totale de cette industrie, il y a un accès de moins en moins assuré dans certaines régions que ce soit au Québec ou dans d'autres provinces canadiennes. Les régions sont actuellement délaissées lorsqu'on délègue entièrement aux forces du marché cette possibilité d'offrir des services de transport à la population.
Il est certain qu'il faut se poser cette question sérieusement. Il faut continuer à chercher des réponses avant de travailler à la reprise de juridiction pour fins de déréglementation des prérogatives qui ont été consenties aux provinces dans les années 1950.
Pour nous, il est clair que la voie de la déréglementation a été un échec au niveau des moyens de transport interurbain. La politique américaine en est la preuve: elle est appliquée depuis 1992, soit l'année même du dépôt du rapport de la Commission Hundman. Aux États-Unis, une politique fédérale permet de soutenir directement les transports en commun ruraux. Il existe ce qu'on appelle le «Rural transit program». Si les États-Unis ne peuvent pas, à même les forces du marché, fournir ces services dans des régions éloignées, il est certain qu'on ne peut pas croire que cela soit possible au Canada, madame la présidente.
Nous pensons que vous devez être très vigilants quant à l'adoption d'une telle voie par le gouvernement dans la politique de transport. Il faut peut-être examiner d'autres possibilités de coopération fédérale/provinciale afin d'améliorer les services de transport. Une question que l'on voudrait soulever est la suivante: Quels sont les moyens pour accroître l'utilisation du transport interurbain par autocar? Il en va de la qualité des infrastructures de transport.
Sans verser dans l'anecdote, j'ai un exemple récent où j'ai pris l'autocar au lieu du train pour faire la distance Montréal/Québec. Évidemment, ce n'est pas le même genre de déplacement, surtout avec les conditions hivernales et l'état des routes actuel. En autocar n se fait tellement brasser qu'il devient un moyen de dernier recours pour beaucoup de gens. À notre humble avis, cela pourrait expliquer la baisse de fréquentation.
Il y a ensuite l'amélioration du confort des autocars. Pour nous, la solution réside dans un transfert modal de l'automobile vers l'autocar; il y a là une efficacité potentielle qui est inexploitée. Selon nous, une recommandation au gouvernement devrait suggérer la possibilité de soutenir directement l'amélioration de la qualité des véhicules, via une amélioration des infrastructures actuelles. Évidemment, les provinces et les municipalités exercent des pressions auprès du gouvernement fédéral pour la construction de nouvelles routes. Mais, les gouvernements actuels ne sont même pas en mesure de maintenir, d'entretenir et de remettre en état normal le patrimoine routier. Il est donc évident que l'on doit, en priorité, se tourner vers la réfection des infrastructures actuelles pour en améliorer le confort et l'efficacité. On a un réseau qui est souvent à maturité, que ce soit dans les provinces ou dans les municipalités.
L'amélioration du confort des véhicules est important afin d'en améliorer l'attrait pour les automobilistes. Car un peu comme aux États-Unis, quoique dans une moindre mesure, les transports en commun sont devenus un mode de transport marginal. Aux États-Unis, 90 p. 100 des déplacements sont routiers, alors qu'au Canada, c'est 85 p. 100. Ces chiffres doivent être vérifiés, c'est un ordre de grandeur.
Malgré la politique canadienne plus sévère des utilisateurs/payeurs, il y a quand même un niveau d'utilisation plus important des transports en commun urbains, en particulier à Montréal, Toronto et Vancouver, et probablement aussi, dans une certaine mesure, à Winnipeg. Mais, au niveau du transport interurbain, il y a un déclin. Il faut prendre des mesures pour changer une telle situation.
Sur le plan environnemental, tous les moyens visant à favoriser un transfert modal de l'automobile vers l'autocar pourraient être davantage efficaces que la déréglementation pure et simple. Il faut que le gouvernement, via Transports Canada, puisse contrôler davantage les émissions des véhicules.
Dans un marché libre, il faut maintenir la rentabilité; ce qui est difficile, comme on vous l'a indiqué, au Canada. Il faut éviter que les moteurs à combustion ou que les véhicules contribuent aux émissions nocives. Il faut donc une réglementation harmonisée à travers tout le Canada.
Madame la présidente, voilà les avenues que nous vous proposons pour conseiller le gouvernement sur ces questions.
La présidente: Monsieur Parisien, des différences nous sont apparues entre les régimes provinciaux qui régissent le transport par autocar depuis une dizaine d'années. Est-ce que ces différences nuisent à l'industrie ou aux voyageurs, et même aux deux groupes? Et, dans l'affirmative, quels seraient les remèdes qui s'imposent et dans quelle mesure le gouvernement devrait-il appliquer ceux-ci?
M. Parisien: À notre avis, et suite à des discussions à ce sujet, nous pensons que le gouvernement fédéral doit exercer un certain leadership dans l'harmonisation des politiques. Il doit y avoir des incitatifs. Si on prend l'exemple fédéral américain, il y a quand même une certaine flexibilité et une souplesse exercée par le gouvernement fédéral et le Congrès américain. Aux États-Unis, les institutions parlementaires ont beaucoup de pouvoir sur l'administration du gouvernement.
Il est certain que le Department of Transportation a certains leviers qui ont été octroyés par le Congrès, la Chambre des représentants et le Sénat, en vue de fournir des services à la population, de soutenir le développement économique et social et d'assurer la protection de l'environnement. Par le biais de politiques d'intermodalité des moyens, des efforts accrus sont consentis depuis dix ans à travers le I.S.T.E.A. et le Transportation Equity Act T-21 reconduit en 1998 jusqu'en 2003.
Il y a un certain leadership. Il est aussi important pour les consommateurs comme pour l'industrie d'avoir l'heure juste au niveau des politiques. Comme dit une maxime juridique: «Nul n'est censé ignorer la loi ». Mais, il faut bien connaître la loi et sa réglementation correspondante.
Un certain leadership doit s'exercer à ce niveau et on vous encourage à vraiment prendre ce «momentum», dans la perspective d'une coopération fédérale/provinciale accrue en ces matières.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Vous avez fait deux remarques importantes; tout d'abord, vous avez dit que la déréglementation a été un véritable fiasco et, en second lieu, vous avez fait certaines propositions en vue d'inciter les gens à voyager plus souvent par autocar. Lorsque je pense à ce qui importe à mes yeux en tant que particulier, je pense au coût du transport par autocar par rapport aux autres moyens de transport. Je pense également à la vitesse du véhicule, au confort des sièges, à la ponctualité, ainsi qu'à la possibilité d'avoir quelque chose à manger ou accès à des toilettes. Ce sont des choses que recherche la personne moyenne. Ma question est donc la suivante: Que répondez-vous à votre propre question? Que devrait envisager notre comité pour contribuer à encourager plus de gens à voyager par autocar au Canada?
M. Parisien: Les aspects économiques du transport influent sur les attentes du consommateur. Outre le principe théorique, il y a certaines préoccupations liées à l'offre, l'existence de services de transport en commun. Quant à l'infrastructure, le niveau et la qualité du service, il existe le principe de «l'élasticité croisée». Les consommateurs réagissent aux écarts de l'indice des prix, il y a une élasticité des prix entre les modes de transport. Si le coût d'utilisation d'un véhicule privé est inférieur au barème de tarifs du système de transport en commun, les gens auront tendance à utiliser leurs voitures particulières. Pour ce qui est des questions de l'offre, c'est-à-dire la quantité et la qualité des services offerts, la réponse est la même que pour les écarts de prix. Il existe de nombreux facteurs comme le confort du véhicule et le niveau de service, auxquels réagiront les consommateurs.
Il n'est pas facile de définir les meilleures options opérationnelles possibles. Toutefois, vous pourriez envisager certaines orientations. Nous avons parlé plus tôt des options stratégiques visant à encourager ce mode de transport — ce transfert modal — pour inciter les consommateurs à utiliser l'autocar interurbain plutôt que leurs voitures particulières.
À notre avis, votre comité doit davantage s'intéresser à l'orientation qu'aux options opérationnelles. Il nous faut penser aux politiques et programmes de collaboration fédérale-provinciale qui pourront influer sur les consommateurs, à l'instar des politiques et programmes américains visant le soutien du transport public en région rurale aux États- Unis.
Le sénateur Oliver: Vous nous avez dit que le transport en commun en milieu rural aux États-Unis est subventionné.
M. Parisien: C'est un fait. Dans l'ensemble, les systèmes de transport sont beaucoup plus subventionnés aux États- Unis qu'au Canada. Le secteur public, aux États-Unis, soutient davantage l'infrastructure ou les services de transport en général.
Le sénateur Oliver: Vous dites que, dans le but d'accroître la clientèle des autocars en région rurale ou dans les régions éloignées du Canada, notre comité devrait trouver une façon d'inciter les Canadiens à renoncer à utiliser leurs voitures personnelles au profit des transports publics.
M. Parisien: Oui. Il faut de la souplesse. Toutefois, il faut également coordination et coopération entre tous les paliers de l'administration, fédéral, provincial ou municipal. Maintenant que les gouvernements provinciaux se penchent sur ce qui était anciennement une question controversée, c'est-à-dire, la fusion des villes, la coopération régionale s'est accrue et donc on peut envisager que l'on demandera au gouvernement fédéral une plus étroite collaboration entre les divers paliers de l'administration publique.
Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait donner une aide directe à l'infrastructure. Vous avez ensuite parlé de la nécessité d'avoir de meilleures routes, d'améliorer le confort des autocars. Proposez-vous une aide directe aux compagnies de transport afin qu'elles améliorent leurs autocars ou parliez-vous uniquement d'améliorer les routes?
M. Parisien: Nous pensons qu'il est très important de très bien cibler toute aide financière. Nous avons vu des politiques et des programmes d'aide qui n'ont pas fonctionné. Nous pensons qu'il est très important de ne pas dépenser l'argent prévu pour le transport rural ou pour l'infrastructure et les services avant d'avoir établi des critères généraux. Les critères devraient porter sur le transport intermodal, l'efficience énergétique, la qualité améliorée des véhicules et d'autres options. Il est important d'établir des critères efficaces de financement des réseaux de transport.
M. Richard Beaulieu, directeur de la recherche, aspect économique du transport, Transport 2000 Québec: Il y a d'autres considérations que la structure des coûts d'une compagnie d'autocars. Je suis dans la planification urbaine et donc j'estime important l'idée qu'il doit y avoir une interface parfaite entre la personne qui souhaite voyager et la structure tarifaire de la compagnie d'autocars. En milieu urbain, une personne peut souhaiter, dans certaines situations, laisser son véhicule à la maison et prendre l'autobus pour une partie du parcours. Toutefois, si nos centres commerciaux, nos centres culturels, et cetera, sont conçus et construits avec l'automobile en tête, par définition, cela exclut l'autocar interurbain et le transport urbain.
Un organisme fédéral pourrait peut-être faciliter l'interface. L'objectif ultime serait de créer un service sans interruption pour ceux qui veulent se déplacer dans leur milieu. Le tout doit être plus convivial. Les services ne doivent pas compter sur le fait que les citoyens ont accès à leurs entreprises uniquement par automobile privée.
Notre population vieillit et donc, de plus en plus, les gens doivent décider quel mode de transport utiliser, pas uniquement pour le transport interurbain, mais à l'intérieur de nos grandes régions métropolitaines aussi qui représentent la même chose que des déplacements interurbains.
C'est beaucoup plus qu'une simple question de structure des coûts; cela a à voir avec la façon dont nous créons un environnement pour le voyageur.
M. Parisien: Évidemment, sur le plan des compétences, c'est un défi, car le transport urbain relève des provinces. Pour avoir des politiques nationales, il faut offrir un service intermodal. Sur ce plan, il faut une meilleure intégration de nos politiques. L'heure est à la coopération afin de faire avancer notre vision d'un réseau de transport national.
[Français]
Le sénateur LaPierre: J'ai un peu de difficulté à comprendre pourquoi vous vous opposez au projet de loi C-77. Je prends pour acquis que si le gouvernement fédéral se limitait à récupérer les juridictions accordées aux provinces, vous ne critiqueriez pas, vous appuieriez le projet de loi.
Si le gouvernement se limitait à récupérer les juridictions qu'il a passé aux provinces, selon son droit fondamental, Transport 2000 serait en accord avec le projet de loi C-77?
M. Parisien: Oui, mais dans la mesure où les autres voies auraient échouées, par exemple, la coopération fédérale/ provinciale. Pour nous, c'est la solution ultime, toutefois ce n'est pas notre première solution.
La présidente: Vous dites qu'il s'agit d'une nouvelle tentative de la part de notre comité. Il n'en est rien. Vous arrivez à des conclusions ou suggérez même des recommandations que nous pourrions faire. Nous avons une année pour examiner ce dossier, alors il ne faudrait pas conclure avant nous que nous voulons ressusciter le projet de loi C-77.
Le sénateur LaPierre: Je vois.
M. Parisien: Je ne parle pas du comité, je parle du Parlement.
La présidente: Je lisais votre communiqué, monsieur Parisien.
Le sénateur LaPierre: Vous dites que vous n'êtes pas en faveur de la déréglementation?
M. Parisien: Non, parce que c'est une avenue qui n'a pas réussi à fournir les services.
Le sénateur LaPierre: Très bien. Cependant si on regarde la déréglementation, vous comprenez fort bien que la sécurité des autocars va demeurer la même. Il va falloir accorder des licences à ces autocars, et caetera. Il va y avoir un règlement.
Deuxièmement, les chauffeurs de ces autocars vont être assujettis aux licences, aux règlements des licences. Ils vont être obligés de suivre des cours. Ils vont être obligés d'obtenir une licence pour conduire des autobus, ainsi de suite. Et, sans doute, la Gendarmerie Royale ou la Sûreté du Québec va intervenir pour s'assurer que le tout est en sécurité.
Les gouvernements qui donnent des subventions vont s'assurer que vous ayez à répondre à certaines questions pour voir si tout se déroule bien. Il ne reste plus grand-chose. Que resterait-il à déréglementer? Le public ne permettrait pas que l'on touche à cela. Alors, qu'est-ce qui reste à déréglementer? Est-ce qu'on a compris ce que j'essaie de dire?
M. Parisien: Madame la présidente, c'est sûr qu'il ne reste plus grand-chose à déréglementer dans le transport interurbain par autocar. Cela a été fait d'une certaine manière avec le transport aérien. C'est la voie qui a été suivie. Et, cela n'a pas tout à fait fonctionné. Même aux États-Unis, actuellement, des demandes importantes sont présentées par les compagnies aériennes aux autorités fédérales américaines.
C'est certain qu'un problème sérieux se pose suite à la déréglementation totale. C'est pourquoi il faut faire très attention avant d'aller plus loin dans ce processus de déréglementation. C'est notre principal message aujourd'hui.
Le sénateur LaPierre: On peut facilement comprendre que tout le monde va obtenir une licence pour organiser ces autocars et les conduire là où ils veulent aller. Que fait-ont en déréglementant? On crée un immense marché où tout le monde se présente devant le marché, ils vont être égaux devant le marché. Ils vont demander les prix qu'ils vont vouloir demander. À la base, il va y avoir des choses qu'ils ne pourront pas toucher.
Dans une économie libre, si le réseau interurbain Intercar veux aller à la grandeur de la province, ils vont pouvoir le faire sans trop de difficulté. Et, s'ils veulent aller en Ontario ou à Victoria, ils vont le faire sans trop de difficulté, s'il n'y a pas de réglementation.
On va créer un immense marché national, d'un océan à l'autre et le résultat sera que tout le monde va faire de l'argent. Vous allez recevoir plus de subventions pour votre association.
M. Parisien: On aimerait bien croire, madame la présidente, en ce scénario merveilleux d'une grande utopie qu'il va être possible d'offrir des services à tout le monde, qu'ils soient rentables et efficaces. Mais, si cette avenue n'a pas été possible aux États-Unis, il faut sérieusement se poser la question si cela le sera chez nous. Et même le gouvernement fédéral américain a dû intervenir, entre autres, par le biais du Rural Transit Program aux États-Unis; tout comme le transport interurbain est de juridiction fédérale au Canada.
Même si les forces du marché sont beaucoup plus dynamiques et à l'oeuvre depuis longtemps aux États-Unis, aucun moyen de transport peut couvrir ses dépenses. Même l'automobile est subventionnée aux États-Unis. C'est sûr qu'il y a des questions sérieuses à se poser à ce niveau. D'un point de vue environnemental, est-ce que les États-Unis vont pouvoir, même s'ils en ont davantage les moyens, pour des raisons environnementales et énergétiques, continuer de soutenir toute cette politique de subvention au transport?
C'est certain que cela désavantage le Canada, au point de vue concurrentiel, parce que le Canada a des difficultés à pouvoir soutenir ses systèmes de transport comme le font actuellement les États-Unis. C'est une question fondamentale qui se pose à ce stade.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer: J'ai trouvé votre exposé très intéressant.
S'il n'y a pas déréglementation, à votre avis, est-ce que l'industrie privée va investir plus fortement dans le secteur du transport par autocar?
M. Parisien: Cette situation risque de se présenter à toutes les fois que le gouvernement fédéral se donne le rôle de dernier recours, comme la Banque du Canada dans le cas du système monétaire. Ce serait comme des capitaux de lancement. Le gouvernement fédéral peut susciter des investissements dans l'économie en donnant l'exemple, ce qui aura un effet de levier financier. Les investisseurs privés pourraient augmenter leurs investissements dans le réseau de transport. Toutefois, il faut non seulement du leadership, mais également des capitaux de lancement afin que cela profite à la population.
Le sénateur Jaffer: Qu'est-ce que vous entendez par des capitaux de lancement? Parlez-vous d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et l'industrie privée?
M. Parisien: Oui. Pour nous, il est préférable de parler de partenariat plutôt que de déréglementation. Un partenariat offre de meilleures options telles une meilleure coopération fédérale-provinciale, et une meilleure coopération avec l'industrie privée aussi.
[Français]
La présidente: Les prochains témoins sont du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscaminque: M. André Brunet, membre du Conseil exécutif et Mme Martine Rioux, agente de développement. Bienvenue à notre comité. Nous vous donnons la parole tout de suite pour vous donner le temps de faire votre présentation et de répondre aux questions des sénateurs.
M. André Brunet, membre du Conseil exécutif, Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue: Madame la présidente, je vous remercie énormément de donner la chance à une région comme l'Abitibi- Témiscamingue de venir s'exprimer sur le sujet à l'étude.
Pour situer un peu le Conseil régional de développement d'Abitibi-Témiscamingue, je vous dirai d'entrée de jeu que c'est un conseil qui existe depuis 1966 et qui a vu le jour dans cette région, justement suite à des problèmes de transport. En 1966, les habitants de cette région avaient des difficultés, et la difficulté commune en était une de transport.
En 1966, a été créé le premier Conseil régional de développement qui, par la suite, a évolué. En 1993, lors de la réforme Picotte, au Québec, les Conseils régionaux de développement ont pris leur envol avec un financement assuré. Cependant, de 1966 à 1993, c'était un regroupement des principaux dirigeants de la région Abitibi-Témiscamingue.
On retrouve au sein de ce conseil d'administration, et depuis le tout début, la majorité des élus: des préfets, des maires, des conseillers des commissions scolaires et des intervenants du monde de la santé. On a aussi des membres des communautés autochtones et d'organismes communautaires. Bref, c'est un conseil régional qui représente l'ensemble des citoyens.
La préoccupation fondamentale et, je dirais, fondatrice du Conseil régional de développement, c'est une problématique de transport. Par la suite, nos préoccupations se sont élargies mais, fondamentalement, c'est le transport.
Je vous dirais que la démarche du gouvernement s'inscrit dans un contexte de déréglementation suite à la déréglementation du transport par train et du transport aérien. La présente réflexion sur la déréglementation du transport par autocar nous a affectés, au fil des années, de façon importante.
La fondation de l'Abitibi-Témiscamingue — pour rappeler rapidement l'histoire — date de 1910. Elle est le résultat du passage du chemin de fer le Grand Tronc, qui a aidé au développement de toute cette région. Les premiers habitants y sont arrivés en 1910, dans le cas de l'Abitibi. Comme c'était un territoire qui avait naturellement l'écoulement des eaux vers le Nord — on est la ligne de partage des eaux du Québec — c'est à partir de la venue du chemin de fer qu'on a pu développer les richesses naturelles de cette région et que les premiers habitants s'y sont installés.
C'était, donc, le fruit d'une vision d'un Canada qui occupait l'ensemble de son territoire. La création de ce Grand Tronc, du chemin de fer, repose un peu sur cette vision de développer le Nord du Canada, d'occuper l'ensemble et l'immensité du territoire canadien, d'y implanter des citoyens et rendre accessibles les richesses naturelles de ce Canada.
J'écoutais tantôt les philosophies conservatrices qui s'exprimaient et je trouvais qu'on était très loin de la philosophie créatrice de ce territoire. J'essaie de voir si on n'en est pas à vouloir faire disparaître des grands territoires du Canada. Parmi les grandes provinces canadiennes, le Québec est une de celles qui a historiquement occupé de façon très importante l'ensemble de son territoire. En le comparant aux autres provinces canadiennes, on s'aperçoit que le Québec est une des provinces qui occupe le plus vaste territoire.
Hier, je suis venu ici en automobile, dans une tempête de neige. J'ai dû parcourir trois heures de route dans un blanc total au cours desquelles je n'ai rencontré âme qui vive, mais on ne me ferait pas déménager pour tout l'or du monde. C'est mon coin de pays. Je considère que je suis canadien au même titre que tous les autres.
La déréglementation a eu des effets désastreux sur des territoires comme les nôtres. Je vous donne simplement un exemple au niveau des tarifs de l'aviation. Voilà à peu près cinq ans, partir en avion de l'Abitibi, une heure et demie de vol pour aller à Québec coûtait environ 300 $. Pour aller à Montréal, cela coûtait environ 250 $. Au moment où on se parle, partir de Val-d'Or pour aller à Québec, cela coûte 1 000 $. Et, pour aller de Val-d'Or à Montréal, ce qui prend une heure d'avion, cela coûte 795 $. Et, ils annulent un avion sur trois. Les horaires y sont absolument irrespectueux, et ils peuvent varier d'une journée à l'autre. Les avions peuvent varier de 20 minutes à une demi-heure d'écart. Ils ne suivent absolument pas l'horaire. On le sait, ils font régulièrement de la survente de billets, les passagers sont donc obligés de coucher à Québec ou à Montréal malgré le fait qu'ils ont des réservations. Ils sont maintenant obligés de le faire de façon régulière. Donc, se transporter en avion maintenant devient presque une impossibilité à partir d'une région comme la nôtre.
Au niveau du chemin de fer, je lisais le rapport du ministre des Transports. Il n'y a plus aucune desserte de chemin de fer, malgré ce que le ministre a dit. Le chemin de fer, maintenant, ne dessert plus qu'à partir de Senneterre et c'est strictement la desserte des communautés isolées autochtones, le long de cette voie. L'Abitibi n'est plus desservie par le chemin de fer.
Lors de la vente du Canadien National, on a failli perdre le Canadien National en région. C'est un transport important pour le transport des matières premières: le bois, les mines et les minéraux. On a sauvé cet important moyen de transport par une entreprise filiale du Canadien National qui maintient les opérations, mais qui menace d'une année à l'autre de les cesser parce que la profitabilité n'est pas à son goût, et non pas parce qu'ils perdent de l'argent.
C'est donc une région complète du Québec qui est actuellement menacée par cette mondialisation et cette déréglementation. C'est comme si, aujourd'hui, on était rendu à une vision très linéaire du Canada. Il n'existe plus qu'une ligne entre Halifax et Vancouver et tout ce qui est en dehors de ladite ligne n'a plus le droit d'exister et de continuer à grandir.
Cette déréglementation menace maintenant le transport par autocar. Je vais vous raconter l'histoire du fonctionnement du transport par autocar en Abitibi-Témiscamingue. Depuis 1992, un opérateur possède cinq permis différents en Abitibi-Témiscamingue pour le transport intercité. Vous voyez sur la carte les principales villes, mais il existe, en Abitibi-Témiscamingue, je vous le signale, 83 municipalités. Il en apparaît que cinq sur la carte, mais il y a 83 petites collectivités de 200 habitants à 40 000 habitants.
Dans cette région, une ligne de transport par autobus est payante, celle de Rouyn/Val-d'Or/Montréal; toutes les autres lignes sont déficitaires. En 1992, le Conseil régional de développement a fait des pressions énormes pour que celui qui détient le permis Rouyn/Val-d'Or/Montréal ait aussi les permis des autres liens, soit le lien entre Senneterre et Rouyn, celui entre Ville-Marie et Rouyn, celui entre Amos et Val-d'Or ainsi que le lien entre Amos et Rouyn.
Tous ces permis sont déficitaires, actuellement, mais le transporteur continue d'opérer parce qu'il fait des profits sur la ligne Rouyn/Val-d'Or/Montréal. Essayons d'imaginer un instant, demain matin, qu'on dise que n'importe qui peut opérer. Je vous fais le pari tout de suite que n'importe qui ne viendra pas opérer des lignes déficitaires. Il va opérer celle qui est profitable. Ils vont donc rentrer dans le marché profitable de l'entreprise et dès ce moment, toutes les autres lignes vont cesser d'exister.
Dans une région comme la nôtre, qui voyage par autobus? Je vous dirais que c'est la population en général, mais particulièrement les personnes âgées qui ont besoin de recevoir des soins de santé, de même que les étudiants. Quelqu'un qui habite Montréal ou Toronto prend le métro pour aller à l'université. Nous, on ne prend pas le métro pour aller à l'université. Les gens de chez nous voyagent, et ils voyagent beaucoup. Je peux vous dire que je viens à Montréal une fois par semaine à peu près. On est obligé de venir dans les grands centres.
Donc, si on déréglemente, on vient dire, dans le fond: «Le Canada n'a une chance de survie que lorsqu'il est économiquement rentable; et le reste qui n'est pas économiquement rentable, on le ferme». C'est un peu notre conclusion quand on regarde aller les affaires. Cela veut dire que maintenant, le Canada, c'est autre chose que ce qu'il a été, cela veut dire qu'on change fondamentalement la philosophie créatrice du Canada dans ce qu'il est. Et comme administrateur, on regarde plus que deux colonnes, soit les colonnes des entrées et des sorties, en oubliant complètement la colonne des humains.
Il faudrait que le message soit clair. Nous, on va prendre nos maisons, on va les déménager puis on va quitter les régions. Mais, si on le fait sans nous le dire, c'est d'assassiner du monde lentement. La philosophie fondamentale du Canada, c'était de dire: «Il faut trouver des mécanismes de répartition de la richesse pour permettre à une population d'occuper ce vaste territoire».
Il n'y a plus qu'une décision, celle de la rentabilité: où c'est rentable, soyez compétitifs. Voyager entre Toronto/ Montréal, peut coûter à la limite, quand vous profitez des rabais, environ 95 $ ou 100 $ par avion. De l'Abitibi à Québec, cela coûte 1 000 $. Cela commence à faire des différences assez importantes, et pourtant, ce parcours est plus long en avion.
Si fondamentalement, on est en train de changer la philosophie du Canada, puis qu'on y enlève tous les éléments de redistribution de la richesse, bien il va peut-être falloir compenser, pour quelques années, en donnant des subventions aux transporteurs. C'est un peu ce qui est arrivé aux États-Unis où l'on a déréglementé. Les États-Unis se vantent toujours qu'ils ont les belles formules de libre marché. Il va falloir faire la même chose qu'aux Etats-Unis: il va falloir compenser les transporteurs par des subventions.
Toutefois, on se méfie un peu de ces formules et on n'est pas tout à fait d'accord avec celles-ci. Des formules semblables dépendent toujours de la bonne volonté du gouvernement, d'un déficit anticipé ou pas, et on cesse les subventions. Du jour au lendemain, cela devient très fragile.
Se mettre à la merci de subventions qui compenseraient des lignes de transport déficitaires pour permettre l'application de la libre entreprise et de la libre concurrence sur la ligne payante, à notre point de vue, ce n'est pas une solution d'avenir. La solution qu'on a, ce n'est pas une solution idéale, mais elle permet de continuer, pour l'instant, à transporter nos étudiants et nos personnes malades qui ont besoin de recevoir des soins spécialités dans les grands centres.
En Abitibi-Témiscamingue il n'y a pas de radiothérapie. Les gens doivent donc voyager pour suivre la radiothérapie. Je ne rentrerai pas dans tous les détails. Cette ligne de transport relie cette région avec la ligne principale de ce qui est maintenant le Canada, cela veut dire Vancouver/Halifax. Il reste encore quelques liens qui nous rattachent et qui assurent notre survie. Mais, si on l'élimine, cela va devenir invivable en dehors de la ligne Halifax/Vancouver.
C'est cela la générosité fondamentale créatrice du Canada, qui était le partage des richesses et de trouver les moyens de faire ce partage de richesses pour permettre à tous les gens d'avoir des qualités de service égales à travers le Canada. Il faudrait que le message soit clair. Il faudrait que quelqu'un finisse par nous le dire en pleine face. Nous dire qu'on est un anachronisme qui n'a pas d'avenir, mais qu'on nous le dise.
La présidente: Je réagis à ce que vous nous dites, monsieur Brunet. Dieu sait que je pense à mes années passées, quand j'avais le dossier des régions, j'ai compris bien des choses, là aussi. Je voudrais vous dire tout de suite que nous n'en sommes pas aux conclusions de notre étude. Nous ne sommes pas arrivés à l'étape des recommandations au gouvernement. Notre objectif premier, ce sont les usagers. On essaie de trouver des solutions pour aider les usagers des autobus. Je crois que ce sera le leitmotiv de notre étude et de nos travaux.
Je voulais vous le dire tout de suite: ce n'est pas pour aider ceci ou cela. L'usager du service par autocar est notre objectif premier. Nous allons continuer à examiner la situation jusqu'à ce que nous arrivions à certaines conclusions. Toutefois, on n'y est pas encore. Il ne faudrait pas tirer des conclusions pour nous, monsieur Brunet.
J'aimerais savoir si certaines possibilités existent. Il y a un impact du transport interurbain par autocar. Vous parlez de la grande importance sur le développement global de votre région. Est-ce qu'un réseau de transport secondaire pourrait favoriser le développement régional davantage? Un véritable réseau de transport secondaire.
M. Brunet: Au Conseil régional de développement de l'Abitibi, nous sommes très préoccupés par tout ce qu'on appelle les réseaux secondaires. Pour nous, les réseaux secondaires, ce n'est pas Amos/Val-d'Or, ce n'est pas la région de La Sarre/Rouyn. Les réseaux secondaires, c'est de donner des services à l'ensemble des citoyens qui habitent dans les 83 petites collectivités de l'Abitibi-Témiscamingue. Vous savez, si elles apparaissaient sur la carte, c'est comme un filet de pêche pour l'ensemble de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est une zone agricole de 83 municipalités.
Notre préoccupation actuelle, en travaillant beaucoup avec les gens de chacune des collectivités, c'est d'essayer de comprendre leurs besoins. Le constat qu'on a fait, c'est que dans des petits villages de 200, 300, 400 habitants, le problème n'en n'est pas un d'un transport régulier et fixe. Les personnes âgées qui habitent dans des petites collectivités ont souvent une préoccupation d'accessibilité à des soins de santé, mais pas nécessairement à des heures fixes et à des temps fixes. Dans le fond, ils vivent un climat d'insécurité parce qu'ils ne savent pas à quel moment ils auront besoin de ce service. On a constaté que la solution ne passait pas nécessairement par la mise en place d'un réseau d'autobus à heures fixes qui desservirait ces collectivités. Cela demande beaucoup plus de souplesse pour correspondre aux besoins.
C'est un problème d'insécurité et ce besoin en est un ponctuel. On est en train de travailler pour établir, dans l'ensemble du filet des petites municipalités, des réseaux ponctuels pour répondre à ce problème d'insécurité chez les personnes âgées.
Le problème pour les jeunes est celui de l'accès à l'emploi. Actuellement, un jeune résidant dans une petite municipalité qui veut avoir accès à un travail dans une autre municipalité n'a pas la capacité de se déplacer. Cela pour les jeunes pose un problème, car il se dit: «Je ne suis pas capable de me trouver un emploi parce que je n'ai pas de transport». Pour ces jeunes, travailler implique posséder une automobile afin d'avoir la flexibilité d'atteindre le marché du travail.
Pour ces jeunes, on est en train présentement d'étudier une formule différente de celle que l'on envisage pour les personnes âgées, qui est une formule à heures fixes. Le besoin des jeunes comprend deux volets: celui du travail, donc des heures fixes et celui des loisirs. Cela demande un peu plus de souplesse.
Un travail de fond doit être entrepris pour la desserte sur le territoire. On ne peut toutefois pas envisager atteindre un taux de rentabilité, peu importe la formule qu'on va utiliser. Il va falloir trouver une formule pour permettre de subventionner une partie de ces coûts. On est dans un marché qui n'a pas l'ambition de devenir rentable parce qu'il n'y a pas la densité humaine requise pour atteindre un niveau de rentabilité.
C'est la raison pour laquelle je disais que cette notion de rentabilité — si c'est maintenant la seule notion — cause énormément de difficultés d'organisation.
La présidente: On déshumanise.
M. Brunet: On oublie une colonne. On est en train de l'estomper, de la faire disparaître.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné qu'environ 83 petites collectivités dans votre région sont présentement desservies par un service d'autocar et qu'une ne l'était pas, et qu'un seul itinéraire était rentable, soit celui de Montréal. Malgré cela, l'autocar dessert ces autres localités.
[Français]
M. Brunet: Actuellement, si on parle d'autocar, la seule ligne rentable est celle de Rouyn/Val-d'Or/Montréal. L'opérateur de cette ligne a aussi l'obligation de rencontrer le service La Sarre/Rouyn, Amos/Rouyn. Dans le fond, il prend les populations en haut, il prend les populations en bas, les ramène aux deux villes centres, et ces lignes ne sont pas rentables. Il amène les passagers à Montréal, et cette ligne est rentable. Autour de chacune de ces villes, il y a 83 municipalités qui s'organisent, se débrouillent pour essayer de se rendre à ces villes, pour prendre l'autocar pour se rendre à l'autre ville. Donc, c'est comme une espèce de réseau/sous-réseau.
Mme Martine Rioux, agente de développement, Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue: J'aimerais clarifier la situation. C'est un contrat qu'on avait pris. C'est-à-dire qu'on a fait une représentation à la Commission de transport du Québec, comme Conseil régional de développement. En 1994, le permis était à renouveler pour l'opérateur.
Notre position, comme région, auprès de la Commission de transport du Québec était que l'opérateur devait être d'abord de la région, donc qu'il ait un siège social en région. Mais, surtout, qu'il soit en mesure d'offrir le service sur l'ensemble du territoire, en sachant que c'était la seule façon de pouvoir desservir l'ensemble du territoire et de sauvegarder le tronçon payant afin que cette entreprise soit capable de financer les réseaux qui étaient moins payants.
Cette position a été défendue auprès de la Commission de transport du Québec et c'est pourquoi le réseau n'a pas été démantelé. C'est un réseau qui a été transféré intégralement à l'opérateur. L'opérateur opère maintenant dans ces conditions. On sait très bien que certaines lignes sont moins rentables, mais l'opérateur le fait parce que c'est l'entente qui a été prise entre la région, la Commission de transport du Québec et l'opérateur. Cela fonctionne bien ainsi.
Si la déréglementation entre en vigueur, on comprend que la Commission de transport du Québec n'aura plus raison d'être. Des ententes comme celles que nous avons actuellement ne seront plus possibles. Un nouveau transporteur ou un opérateur viendrait et prendrait uniquement la ligne payante, comme ce serait son droit, et cela démolirait complètement le réseau. Et, même notre opérateur actuel ferait la même chose puisqu'il n'y a plus rien qui l'obligerait à offrir le service.
La distance entre Amos et Val-d'Or est à une heure de transport. Les gens ne sont pas à proximité, on ne peut pas remplacer facilement un tel système.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: Vous croyez qu'avec la déréglementation vous pourriez perdre tout ce que vous avez. Parlez- vous également des autocars nolisés, ou seulement des autocars interurbains?
[Français]
Mme Rioux: Dans un bassin de population de 150 000 personnes, le transporteur offre une gamme de services intéressants dont le nolisé et le transport adapté dans certaines villes. Il offre aussi dans certaines villes le transport intraurbain, c'est-à-dire le service urbain dans le cas de Rouyn/Noranda et le service scolaire. C'est une entreprise de transport qui a un siège social chez nous et avec lequel c'est facile de faire des affaires. La situation deviendrait très complexe si on démantelait ce réseau, c'est-à-dire que son interfinancement ou son plan d'affaires serait beaucoup plus difficile.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: À votre avis, les tarifs sont-ils raisonnables?
[Français]
Mme Rioux: C'est toujours onéreux, l'essence ne diminue pas, les coûts de transport sont toujours chers. Sauf qu'il demeure, comparativement à ce qui existe, c'est quand même le service le plus efficace, le plus souple et le mieux adapté. Quand l'avion ne part pas de Dorval, c'est l'autobus sur lequel on peut compter actuellement. Au niveau des coûts, c'est quand même la population jeune, ceux qui n'ont pas les moyens d'avoir des véhicules sécuritaires et en condition, parce que cela prend des véhicules en condition pour traverser un réseau routier où l'alimentation en essence se fait difficilement. Les gens doivent avoir de bons véhicules. L'autocar demeure le moyen de transport à coût le plus abordable.
Le sénateur LaPierre: Est-ce que le prix du billet par autobus est réglementé par le gouvernement ou la Commission de transport du Québec?
Mme Rioux: Vous entrez vraiment dans des détails.
Le sénateur LaPierre: Vous ne savez pas? C'est très bien, on va trouver la réponse à cette question.
Mme Rioux: Sûrement, vous pouvez avoir une réponse.
Le sénateur LaPierre: Cependant, l'opérateur qui a la route de Val-d'Or à Montréal, cela fait partie de son permis de desservir les petites communautés avoisinantes et il paye alors ses frais à partir de ses profits sur cette autre route.
M. Brunet: C'est de l'interfinancement.
Le sénateur LaPierre: Mais, si les gens veulent aller seulement de Amos à Val-d'Or, par exemple, ils ne veulent pas aller à Montréal, c'est la même situation?
M. Brunet: Oui.
Le sénateur LaPierre: Alors, en réalité, déréglementer le réseau, c'est de la folie furieuse! Cela se fait depuis longtemps. L'histoire nous dira que le plus grave problème social depuis les derniers 20 ou 25 ans, a été la déréglementation et la privatisation.
Les Canadiens ont, par la Charte des droits et libertés, le droit fondamental, comme on le dit en anglais de «portability and mobility». Ils ont le droit de se faire transporter et ils ont le droit de transport. Est-ce qu'on ne brime pas le droit prescrit dans la Charte des droits et libertés en ne donnant pas aux régions, comme la vôtre, les moyens nécessaires de respecter le droit fondamental des gens qui vivent dans votre région? Cela n'est pas philosophique, c'est très réel.
M. Brunet: Votre question est très tentante, et je succombe assez facilement à vous donner raison. Mais, je ne suis pas nécessairement qualifié pour vous dire que, constitutionnellement, cela pourrait s'interpréter comme un manquement. Toutefois, la question posée telle que vous l'avez posée, j'ai tendance à répondre oui. C'est assez facile pour moi de vous dire cela.
Le sénateur LaPierre: Cela fait du transport une nécessité sociale au lieu d'une affaire économique. Ma dernière question est la suivante: Si on laisse à l'opérateur le trajet Val-d'Or/Montréal et les routes avoisinantes, il reste 83 communautés qui ne sont pas nécessairement desservies, n'est-ce-pas?
Si le comité recommandait qu'on devrait aider le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, en leur donnant les moyens nécessaires pour que le conseil crée son propre réseau de transport dans ces petites communautés, est-ce que cela, d'après vous, aurait du bon sens?
M. Brunet: C'est encore une fois très tentant. Vous avez le don de me tenter. Mais, je vous dirais que ce n'est pas tout à fait comme cela qu'on travaille. Cela veut dire qu'on travaille, actuellement, sur chaque territoire de la MRC. Par exemple, toutes les municipalités qui entourent Amos sont en train de faire des expériences. On a des ententes avec le ministère des Transports. Il y a une certaine forme de financement. C'est la mise en place d'O.S.B.L. pour gérer les moyens de transport très souples que j'ai mentionnés tantôt. Et, nous sommes, actuellement, à vivre des expériences intéressantes.
Il y a une autre expérience dont l'approche est différente dans la région de Val-d'Or. Mais, c'est au niveau de la MRC de la région qui gravite autour de Val-d'Or. Le Conseil régional de développement n'est pas un organisme exécutant mais un organisme de concertation. On travaille beaucoup avec eux. Un service se met en place graduellement pour les personnes âgées et pour les jeunes.
Si le fédéral mettait de l'argent dans ce projet, je dirais que oui, c'est intéressant. Je vous recommande de faire cette recommandation. Toutefois, actuellement on est à faire des belles expériences avec le gouvernement du Québec et le ministère des Transports.
Le sénateur LaPierre: Je dois vous dire que tout à l'heure, quand j'argumentais pour le marché libre, Sir Wilfrid Laurier m'a dit: «Mais, voyons, tu es rendu complètement con!»
M. Brunet: Il vous a dit cela, vous avez quel âge vous?
Le sénateur LaPierre: Il m'a dit cela aujourd'hui.
M. Brunet: Mais, quand je contre-argumentais, j'avais aussi dans l'esprit qu'il fallait que j'exagère un peu pour me faire comprendre, comme vous aviez fait à votre tour.
Le sénateur LaPierre: Je fais toujours cela.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: Ma question suivante porte sur le transport de colis par autocar. Si vous vouliez vous faire envoyer un colis de Montréal, demanderiez-vous qu'il soit envoyé par autocar, par la poste aux colis, ou par quel moyen? Est-ce qu'on utilise souvent le service d'autocar dans votre région pour livrer des colis?
[Français]
M. Brunet: Il y a de tout, par exemple, des entreprises du genre Purolator et le Bureau de poste. On a aussi l'autobus qui dans bien des cas, par exemple, dans des liens interrégionaux, atteint un seuil où elle couvre ses frais parce qu'elle a beaucoup de colis à transporter entre les municipalités. C'est l'ensemble de ces éléments. Le transport de colis est effectivement une source de revenus importante pour le transporteur qui vient compenser, souvent, des manques à gagner au niveau de rentabilité.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'il est plus coûteux de faire envoyer ce colis de Montréal par autocar plutôt que par la poste?
[Français]
M. Brunet: Les coûts de transport entre la poste ou l'autobus sont très compétitifs.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: L'autocar est beaucoup plus rapide. Merci.
[Français]
Le sénateur Biron: Est-ce que vous savez si la compagnie du transporteur est subventionnée?
M. Brunet: Pour ce qui est du transport par autocar, aucune subvention est versée à l'entreprise.
Le sénateur Biron: Il n'y a aucune subvention. La distance entre Val-d'Or et Montréal est d'environ combien?
M. Brunet: Je dirais, à peu près, de 550 à 600 kilomètres.
Le sénateur Biron: Est-ce que vous savez le prix d'un aller de Val-d'Or?
M. Brunet: Je ne peux pas vous répondre.
Mme Rioux: Il me semble que c'est 84 $ pour les gens de l'âge d'or, mais c'est à vérifier.
La présidente: Je vous remercie, madame Rioux, on apprécie beaucoup votre témoignage. Dites-vous bien que les conclusions ne sont pas atteintes. Nous avons beaucoup de temps avant d'arriver à des conclusions. Et, ne vous gênez pas pour nous faire parvenir d'autres informations si vous en avez.
M. Brunet: On a beaucoup d'espoir dans ce que vous portez comme réflexion et on se dit qu'un jour la logique finira par triompher.
La présidente: Vous savez, cela fait 20 ans que le ministère des Transports se devait de faire cette étude. Et, on la donne au Sénat, alors on essaie d'être le plus expéditif possible. Mais, en même temps, il faut prendre le temps de rencontrer les gens, les écouter et préparer de bonnes recommandations. Je vous remercie, infiniment.
Mme Rioux: On a fait une présentation au Conseil d'administration avant de venir ici pour entendre les préoccupations des gens. Cela demeure une préoccupation très importante. Et, les gens sont heureux quand ils ont la possibilité de venir exprimer à des instances comme la vôtre les effets et les impacts d'un tel avenir.
La présidente: Merci beaucoup. Les prochains témoins ce sont les représentants de l'Association des propriétaires d'autobus du Québec, M. Romain Girard, vice-président exécutif, et de Motor Coach Canada Incorporée, M. Roger Gervais, président. L'Association canadienne de l'autobus, M. Sylvain Langis, président. Et, M. Brian Crow, directeur général de l'Ontario Motor Coach Association.
On vous souhaite la bienvenue! Nous allons entendre votre présentation et je suis certaine que mes collègues auront beaucoup de questions à vous poser. Nous reprendrons les questions que vous aviez tantôt pour d'autres témoins mais qui s'adressaient surtout aux témoins que nous avons devant nous.
Monsieur Sylvain Langis, président, Association canadienne de l'autobus: Madame la présidente, nous vous remercions de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de vos travaux portant sur l'industrie de l'autocar au Canada.
Nous aimerions vous présenter quelques observations préliminaires et vous expliquer pourquoi nous sommes ici en si grand nombre aujourd'hui. Comme vous venez de le mentionner, je suis Sylvain Langis, président de l'Association canadienne de l'autobus, et je suis accompagné de représentants de différentes associations et regroupements d'autocars du Canada. M'accompagnent, l'Association des propriétaires d'autobus, et l'Ontario Motor Coach Association, qui représente les exploitants de transports nolisés, donc le «charter» et le «tour».
[Traduction]
Collectivement, nous représentons les services d'autocars de tourisme, d'autocars nolisés, d'autobus à horaire fixe, de navettes des aéroports et d'autocaristes du secteur privé qui offrent des services de transport interurbains dans tout le Canada.
Nous représentons un pourcentage important du total des revenus de l'industrie des autocars, de l'emploi et de l'utilisation d'autocars. Ce n'est pas par accident si nous comparaissons en groupe; en fait, notre mémoire conjoint représente en quelque sorte un tournant dans l'histoire des relations intrasectorielles au Canada.
Suivant la décision du ministre Collenette de retirer les dispositions relatives à la réglementation économique dans le cadre des modifications proposées à la Loi sur le transport des véhicules à moteur, vu l'absence de consensus au sein de l'industrie des divers paliers gouvernementaux, nous avons exploré des façons de mettre nos différences de côté pour en arriver à un consensus. Franchement, pour tout vous dire, il en va de nos intérêts d'affaires de procéder ainsi. La méthode utilisée par les gouvernements, fédéral et provinciaux, pour réglementer notre industrie s'avère d'une importance capitale pour nous et nous avons convenu d'être partie prenante de la solution.
[Français]
Nous croyons que notre position commune sur les enjeux clés en matière de transport vous aidera à examiner rapidement la situation et à formuler des recommandations judicieuses au ministre au moment où ce dernier s'apprête à déposer un plan directeur sur les transports à l'intention de la population canadienne.
À la fin de ce processus de consultation, nous espérons qu'un régime de règles sensées régissant les activités des autocaristes en résultera ainsi qu'une meilleure compréhension du rôle que joue notre secteur au sein de l'ensemble de l'industrie du transport des voyageurs au Canada. Il est primordial que les autorités gouvernementales définissent les règlements, veillent à leur application et établissent les rôles que doivent assumer les divers modes de transport si l'on veut satisfaire les besoins du public voyageur.
En revanche, nous pourrons fournir des services sécuritaires et fiables au public tout en nous permettant d'exploiter des entreprises viables. Notre industrie a évolué et s'est diversifiée. Nos entreprises contribuent à l'économie canadienne en offrant des emplois dans les secteurs du tourisme et du développement régional. Nous contribuons aux enjeux collectifs en offrant un transport sécuritaire et écologique pour nos concitoyens.
[Traduction]
Alors que les autres modes de transport subissent des pressions économiques et dépendent de l'aide financière du gouvernement pour maintenir les services qu'ils offrent au public, on peut compter sur l'industrie de l'autocar pour continuer à offrir un service efficace, fiable, souple et économique aux voyageurs.
Du point de vue de la politique, les recommandations que nous vous proposons se fondent sur une série de six principes fondamentaux. Nous les exposons en détails dans notre mémoire écrit, mais je pense qu'ils méritent d'être mentionnés ici aujourd'hui aux fins du compte rendu.
Un cadre réglementaire de l'autocar doit, tout d'abord, satisfaire les normes de sécurité les plus élevées possible dans la pratique. Il doit par ailleurs permettre au gouvernement de l'appliquer et de le faire respecter de façon constante, uniforme et transparente. Un cadre réglementaire de l'autocar doit tenir compte de la commodité et des besoins du public. Il doit être équitable, simple et compréhensible. Le cadre réglementaire doit permettre l'innovation et, enfin, être concurrentiel à l'intérieur des divers modes de transport ou entre eux.
Nous croyons que les intérêts tant du public que de l'entreprise privée seront bien desservis si ces principes directeurs servent dans l'établissement d'une politique de transport par autocar. Au fait, tout le débat entourant la réglementation ou la déréglementation de l'industrie sera tout à fait stérile et inutile si l'on adhère aux principes évoqués. L'enjeu fondamental ne repose pas sur la réglementation ou la déréglementation. Nous en sommes venus à la conclusion qu'un régime ou l'autre pourrait bien répondre aux besoins du public et satisfaire nos intérêts privés pourvu que les décideurs politiques se laissent guider par les principes directeurs susmentionnés.
[Français]
Notre mémoire décrit en détail les éléments essentiels à la réussite du régime quel qu'il soit. Nous n'avons pas l'intention de répéter tout cela dans nos propos d'ouverture, mais nous sommes entièrement disposés à discuter avec vous de notre analyse de la situation et des recommandations connexes qui y figurent. Nous sommes plus que disposés à répondre à vos questions de façon précise afin de rectifier, une fois pour toutes, certains mythes qui malheureusement font partie du folklore populaire en ce qui concerne l'évolution de notre industrie au cours des 30 dernières années.
[Traduction]
M. Langis: Nous sommes tous ici pour répondre à vos questions.
[Français]
La présidente: Monsieur Langis, la réglementation économique de l'industrie est-elle encore appropriée?
M. Langis: C'est une question courte et profonde en soi. Nous ne sommes pas ici pour vous dire qu'on doit réglementer ou déréglementer l'industrie. En fait, nous sommes ici pour vous demander s'il n'y a pas une façon ou une autre méthode qui serait meilleure que celle qui existe présentement?
Nous ne sommes pas nécessairement des défenseurs du statu quo. Nous savons que certaines entreprises, à travers le Canada, qui ont à traverser les territoires de différentes provinces ont, sur le plan administratif, à faire face à différents régimes d'une province à l'autre.
Cela dit, ces régimes n'ont pas empêché la mobilité des passagers, n'ont jamais empêché la mobilité de la population jusqu'ici. Sauf que cela devient souvent un fardeau administratif que de faire affaires selon certaines règles du jeu dans une province et dans la province voisine de faire affaires selon d'autres règles du jeu.
Il n'y a pas de solution magique. Il existe un système en place depuis la fin des années 20, avec un système de réglementation et qui a permis, au fil des années, de rencontrer les besoins des différentes provinces canadiennes en matière de desserte régionale et de desserte des axes principaux.
D'un autre côté, si on déréglementait, est-ce que tout le monde se lancerait sur le principal couloir, par exemple, Québec/Windsor, et choisirait de délaisser tous les autres services qui sont offerts ailleurs au Canada? On ne le sait pas. On a certains doutes sur ce qui se passerait. Et, on doit faire attention parce que la définition qu'on a du transport interurbain de passagers inclut davantage que ce qu'on appelle les services cédulés.
C'est aussi le transport suburbain. C'est aussi le transport nolisé. C'est le transport des navettes aéroportuaires. C'est une foule d'autres mouvements de transport qui, au fil des ans, se sont accrus. Or, je sais que certains éléments vous ont été présentés. On parle d'un déclin du volume des passagers qui utilisent le transport interurbain. Mais, lorsqu'on prend cette grande définition des personnes qui se sont déplacées d'une ville vers l'autre à travers le Canada, ceux qui vous ont informés vous ont bien mal informés. Parce que c'est beaucoup plus une croissance des passagers que l'on connaît à travers le Canada. Je pense qu'on vous a déjà soumis un document auquel nous faisons référence et qui fait état, plutôt, d'une augmentation du volume de passagers plutôt qu'une diminution.
La présidente: Monsieur Langis, vous mentionnez les différences qui sont apparues entre les régimes provinciaux qui régissent le transport par autocar depuis une dizaine d'années. Est-ce que ces différences nuisent à l'industrie ou aux voyageurs, ou nuisent aux deux groupes?
M. Langis: J'inviterais, peut-être d'autres personnes, si elles souhaitent intervenir, à le faire. Je vous disais tantôt que les personnes à qui cela nuit le plus présentement, ce sont probablement les entreprises qui doivent faire face à des régimes administratifs différents. Mais, à ma connaissance, cela n'a jamais nuit à la mobilité des personnes ou au transport des passagers. Les mouvements de transport d'une province vers l'autre ont toujours été faits d'une façon transparente.
La présidente: Est-ce que vous sentez qu'un remède est nécessaire? Vous dites que cela nuit à l'industrie. Et, s'il y a un remède qui s'impose, en fait, dans quelle mesure le gouvernement devrait régler ce problème?
M. Langis: Il y a un niveau de gouvernement qui, dans les années 1950, a délégué son pouvoir à des provinces qui ont accumulé des connaissances en matière de transport de personnes sur leur territoire au détriment, un petit peu, des connaissances qu'a pu accumuler le gouvernement fédéral à ce chapitre, en particulier au fil des ans. Et, on a un gouvernement fédéral qui se demande s'il ne devrait pas reprendre sa juridiction.
Peut-être, mais il va devoir faire ses devoirs pour le faire, pour prendre le temps de bien connaître le dossier. Ce qui n'est pas nécessairement le cas en ce moment.
La présidente: Vous ne le sentez pas prêt?
M. Langis: Idéalement, il serait beaucoup plus facile d'avoir un régime ou un cadre économique dans lequel on pourrait exploiter nos services pour l'ensemble des Canadiens, sur le plan administratif. Mais, je pense qu'on s'éloigne de la vraie question si on concentre nos efforts strictement sur cet élément. Je crois qu'on doit aussi se poser ces questions: Sur le plan géographique, sur le plan socio-économique, qu'est-ce qu'on souhaite avoir comme système de transport pour desservir l'ensemble des citoyens canadiens? Est-ce qu'on veut un système qui va, d'abord, servir les gens qui résident dans les zones les plus populeuses? Et, est-ce qu'on veut un système différent pour ceux qui résident dans les régions moins populeuses? Est-ce qu'on veut un système qui va être assez semblable et égal pour tout le monde?
La réponse, nous ne l'avons pas nécessairement. Je pense que c'est le mandat qui vous a été confié. Et, on ne voudrait certainement pas prendre votre place pour la rédaction des recommandations que vous aurez à transmettre au ministre.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: J'aimerais poser un autre genre de question, qui s'appuie sur l'une des raisons que vous nous avez données pour venir témoigner ici en tant que groupe. Notre comité établit des politiques publiques, et notre travail est de proposer des idées, des recommandations et des suggestions au gouvernement qui seront dans l'intérêt public et qui aideront tous les Canadiens. Pourquoi venir témoigner ici en groupe? Si l'on veut une bonne politique en matière de transport public, nous devons savoir ce qui est pratique, ce qui est nécessaire, ce qui est opportun, ce qui est peu coûteux et ce qui est sécuritaire pour tous les Canadiens, particulièrement pour ceux qui vivent dans des régions rurales ou éloignées.
L'une des choses que nous avons entendues au cours des derniers jours d'audience, c'est qu'en fait il y a un rapport mutuel entre un certain nombre de transporteurs, ce qui, pour moi, soulève automatiquement une question de conflit d'intérêts.
Pouvez-vous tous m'expliquer quel est le rapport entre l'industrie de l'autocar à horaire fixe, l'industrie de l'autocar nolisé et le secteur des autobus scolaires. S'il y a propriété réciproque, n'y a-t-il pas un risque de conflit d'intérêts qui ne serait pas dans l'intérêt public? Personnellement je crois aux forces du marché, mais si vous venez tous ici témoigner en tant que groupe, et que vous travaillez ensemble, que vous partagez le coût du carburant diesel, le matériel, les données et les systèmes informatiques et que vous agissez en tant qu'un seul groupe, où est la concurrence et comment le consommateur est-il alors protégé?
M. Brian Crow, président-directeur-général, Ontario Motor Coach Association: Il y a concurrence dans notre industrie. Lorsque nous parlons de liaison intertransporteur, c'est que pour se rendre de Halifax à Toronto ou Vancouver, les gens empruntent trois ou quatre différents transporteurs. Ils peuvent commencer avec SNT, passer à Orléans Express et faire une correspondance avec Greyhound. Ces entreprises ne se font pas concurrence. Elles travaillent ensemble pour assurer une liaison intertransporteur.
Le sénateur Oliver: Cela représente-t-il un coût supplémentaire pour le consommateur?
M. Crow: Non. En fait, je pense que cela permet au consommateur de réaliser des économies.
Ces transporteurs doivent partager le logiciel au point de vente, de sorte que lorsque le consommateur achète son billet à Halifax, il peut acheter un billet qui l'amènera jusqu'à Toronto, peu importe le transporteur, ce qui assure un service continu. Nous ne considérons pas que cela va à l'encontre de l'intérêt public, pas du tout.
M. Langis: Vous avez aussi fait allusion au fait que certains exploitants sont dans le secteur des autocars tandis que d'autres sont dans le secteur des autocars nolisés. Il n'y a pas nécessairement de lien entre un exploitant d'autobus scolaires et un exploitant d'autocars, sauf dans le cas de ceux qui sont propriétaires d'une société qui évolue dans différents segments de l'industrie. Ils pourraient, par exemple, utiliser le même garage et les mêmes mécaniciens pour entretenir les autobus scolaires et les autocars, mais c'est tout simplement question de productivité, ce qui n'est pas inéquitable pour le public. Bien au contraire, cela aide à maintenir les prix bas.
M. Crow: Il y a différents segments dans notre industrie. Vous avez parlé du segment des autobus scolaires et, précédemment, vous avez parlé des autocars interurbains. Bon nombre d'entreprises desservent tous ces marchés ou une partie de ces marchés. Nous ne sommes pas homogènes. Nous sommes assez diversifiés dans certains cas. Une même entreprise peut offrir un service à horaire fixe et un service nolisé; et certains services à horaire fixe offrent la livraison de colis tandis que d'autres ne l'offrent pas. Certains transporteurs exploitent des autobus scolaires et des autocars nolisés, sans toutefois offrir de service à horaire fixe. Certains ont un contrat avec les municipalités pour offrir un service municipal de transport.
Notre industrie est très vaste, mais il y a passablement de concurrence au sein de l'industrie afin de s'assurer que nous desservons le public.
Le sénateur Oliver: Dans votre mémoire vous dites que l'enjeu n'est ni la réglementation ni la déréglementation. Il me semble que, si deux ou trois petites entreprises d'autocars se faisaient concurrence dans une région en particulier, le consommateur en profiterait ultimement car les tarifs seraient alors moins élevés, le matériel serait peut-être de meilleure qualité et les horaires seraient peut-être plus convenables, puisque le consommateur cherche toujours le meilleur service.
Je note que dans une des conditions de votre document, vous employez l'expression «commodité et nécessité publiques». Nos entreprises de service public emploient généralement cette expression pour exclure les autres. J'ai été étonné de vous l'entendre dire. Mais vous vous êtes expliqué.
M. Crow: L'expression existe depuis environ 1929. C'est sur ce concept que repose notre système de réglementation. Il varie en ce sens que, dans certaines provinces, la charge de la preuve est inversée alors qu'ailleurs elle ne l'est pas. Cela existe depuis un bon moment déjà et nous continuons de l'employer. C'est le critère que suivent d'habitude les organes de réglementation, selon la province. Nous employons l'expression parce qu'elle s'applique à nous.
Dans le reste de votre question, vous avez parlé de concurrence. La situation n'est pas la même pour le marché des transporteurs à horaire fixe et celui des exploitants d'autocars nolisés. Je reconnais que cela fait beaucoup de terminologie. Je ne connais pas beaucoup d'endroits où il n'y a pas plus d'un transporteur qui offre un service d'autocars nolisés. À Vancouver, il y a 101 entreprises dans les pages jaunes qui offrent le service à partir de Vancouver. Le marché de l'autocar nolisé, dans la plupart des régions, comporte plus d'un transporteur et il repose sur la demande du marché, la demande du consommateur.
Il y a de la concurrence entre transporteurs à horaire fixe dans certaines régions. Ailleurs, il n'y a qu'une seule compagnie d'autocars, mais ça ne signifie pas qu'il n'y a pas de concurrence. S'il n'y a qu'une seule entreprise d'autocars sur une liaison, c'est peut-être tout ce que peut faire vivre le marché. Il y a toujours la concurrence de la voiture privée. Il y a la concurrence du chemin de fer dans bien des endroits, celle de l'avion, mais notre principal concurrent, c'est la voiture particulière. Partout, il y a de la concurrence sous une forme ou sous une autre.
Le sénateur Oliver: Le comité devrait-il se préoccuper de la propriété croisée?
M. Crow: À mon avis, cela ne devrait pas vous inquiéter. Je pense que cela profite aux consommateurs parce que, comme M. Langis l'a dit, certains des transporteurs qui exploitent des autobus pour écoliers peuvent se servir du même garage et des mêmes installations d'entretien pour les autocars. Nous pouvons employer les mêmes chauffeurs en période de pointe. S'il y a une navette ou s'il y a un congrès à Montréal, ces chauffeurs peuvent assurer la navette en soirée, et cetera. Si ce chevauchement existe, il est avantageux pour la population. Je ne vois pas en quoi la propriété croisée pourrait être un problème pour les gens.
M. Langis: En fait, une compagnie d'autocars interurbains qui offre 90 p. 100 du service d'autocars à horaire fixe a aussi un permis d'affrètement. Elle va maximiser l'utilisation du matériel et de la main-d'oeuvre pour réduire le coût du matériel, l'amortir.
Le sénateur Callbeck: Dans votre mémoire, vous énumérez plusieurs éléments qui, à votre avis, devraient faire partie d'un régime de réglementation des autocars. Vous offrez des services à horaire fixe, des visites, des autocars affrétés et un service interurbain. Est-il possible de réglementer un secteur et non les autres? Pourrait-on déréglementer l'affrètement et continuer de réglementer la liaison régulière?
M. Langis: Vous pensez peut-être que cela pourrait se faire facilement, mais nous ne le croyons pas. Un double régime comme celui-là causerait des frictions dans le secteur. Pour prendre l'exemple que vous avez donné — réglementation des liaisons régulières et déréglementation de l'affrètement — certaines entreprises diraient non, nous n'offrons pas de liaisons régulières aujourd'hui, nous offrons des autocars affrétés. Il y aurait des frictions dans l'industrie et dans le système et ce serait très difficile à appliquer.
M. Crow: Disons qu'un transporteur à horaire fixe assure le service entre Québec et Montréal dix fois par jour. Si vous déréglementez le service d'affrètement, l'exploitant de liaisons affrétées pourrait affréter un autocar à un agent de voyages à Québec qui pourrait établir une liaison quotidienne de Québec à Montréal. Du point de vue du transporteur d'autocars, c'est un autocar affrété. Il a affrété son autocar à un agent de voyages. L'agent de voyages pourrait exploiter dix liaisons par jour entre Québec et Montréal. En droit, il serait un affréteur et non un transporteur à horaire fixe.
Comment déréglementer l'un sans déréglementer l'autre?
Le sénateur Callbeck: Vous voulez qu'ils soient tous réglementés ou tous déréglementés?
M. Langis: Nous croyons qu'il serait plus facile de suivre le système et de le «contrôler», si je peux utiliser ce terme, s'ils étaient tous assujettis au même régime.
Le sénateur Callbeck: Si j'en crois ce qu'on me dit, il reste encore des créneaux qui peuvent rapporter dans les services de messagerie mais pourtant les candidats ne semblent pas se bousculer. S'il y a de l'argent à gagner, pourquoi l'industrie de l'autocar ne s'y intéresse pas?
M. Langis: Nous nous y intéressons très fort. On ne peut pas vraiment comparer ce marché à celui d'UPS, de Federal Express ou des autres grosses compagnies de transport de colis. Au Canada, les services de transport de colis rapportent à l'industrie de l'autocar bon an mal an 110 ou 120 millions de dollars. C'est une activité qui nous intéresse beaucoup. De fait, ici au Québec, nous sommes en train de réorganiser le système de manière à occuper une place beaucoup plus grosse sur le marché au cours des prochaines années.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que vous avez un budget de promotion?
M. Langis: Jusqu'à présent, ce n'était pas une priorité, car la majorité des compagnies de transport ou des compagnies d'autocar faisaient porter la plus grande partie de leurs efforts d'investissement sur l'amélioration des services de transport de passagers.
Nous réorganisons actuellement les services de messagerie, qui n'ont jamais été négligés, pour conquérir une plus grosse partie du marché.
M. Crow: Sénateur Callbeck, je me permettrais d'ajouter qu'à mon avis tout a commencé en Alberta quand Greyhound a décidé d'accrocher des remorques à ses autocars dans le but spécifique de transporter des colis. Depuis, cette initiative a fini par gagner l'Ontario. C'est un marché en pleine croissance et ils s'adaptent à ce marché en accrochant des remorques pour que cela ne dérange personne. Cela ne dérange pas le service de passagers et c'est plus facile pour transporter les colis. C'est un marché en pleine croissance et nous nous adaptons.
M. Langis: Nous sommes en train d'achever nos discussions avec Transports Québec pour pouvoir utiliser ces remorques au Québec, si bien que ces remorques pourront être accrochées aux autocars depuis l'Ouest jusqu'aux Maritimes, ce qui nous aidera à augmenter notre part de marché.
[Français]
M. Romain Girard, vice-président exécutif, Association des propriétaires d'autobus du Québec: Sur le volet du Parbus ou de la messagerie, deux éléments doivent être ajoutés. Le transport par autobus est handicapé par les services de cueillette et de livraison. En ville on ne peut offrir ce service à moins d'avoir un fournisseur supplémentaire qui s'ajoute à l'origine et à la destination pour faire la cueillette et la livraison; ce qui limite notre compétitivité dans ce marché, d'une part.
D'autre part, on imagine assez bien, entre deux grandes villes, un autobus ayant des colis dans les bagages et on va d'une à l'autre. On fait descendre les passagers, ensuite on s'occupe des colis. Mais, sur un grand corridor où il y a quarante villages, dans chaque village on ouvre le coffre à bagages et on fait attendre les passagers et on transige des colis. Et, notre chauffeur referme son coffre. Il remet son veston, il revient au volant. C'est un mauvais message pour le passager dans certaines situations, mais c'est nécessaire pour assurer la rentabilité de l'industrie, par ailleurs.
Le sénateur Biron: Concernant la recommandation 9 sur la fiscalité, vous proposez d'introduire une remise de taxes sur le carburant, pour les services du transport interurbain par autocar, analogue à la pratique actuellement en vigueur aux États-Unis. Est-ce que cette remise de taxes pour toutes les compagnies ne ferait pas en sorte que les compagnies dans les endroits les plus profitables, pourraient avoir une diminution de leurs coûts? Dans les milieux ruraux, ne serait-il pas mieux de donner une subvention?
M. Langis: Pas si c'est le même transporteur qui offre le service dans les couloirs les plus achalandés et la région rurale. C'est d'abord un incitatif fiscal pour le transporteur. Il ne faut pas oublier que cette recommandation est aussi faite en fonction des discussions de Kyoto.
Si on doit réduire nos émissions de gaz à effet de serre, l'autobus est un mode de transport extrêmement efficace et propre par rapport à tous les autres modes de transport en commun, incluant le train et l'avion. Nous sommes plusieurs fois moins polluants que ces autres modes de transport en commun. Et, chaque autobus qui quitte permet de réduire de façon substantielle le nombre de voitures sur nos routes qui polluent l'air qui nous entoure.
Cette recommandation a été fixée pour d'abord mettre à contribution l'autobus comme un moyen de réduire nos émissions de gaz à effet de serre sur les couloirs les plus achalandés. Mais, d'autre part, en permettant cet incitatif fiscal, on permet aussi aux entreprises de transport par autobus de maintenir des coûts d'accessibilité au service de transport en commun plus bas, en tenant compte du fait qu'il y a un retour.
Évidemment, il y a un jeu de donnant-donnant dans un tel système. On le comprend très bien. Mais, on pense qu'un régime fiscal nous permettant de récupérer une partie des taxes sur les carburants serait une façon de donner un coup de main et d'encourager l'utilisation du transport en commun. Cela permettrait aux transporteurs d'investir d'une façon beaucoup plus rapide dans leur parc de véhicules et d'offrir des services plus adéquats et confortables aux passagers qui, à ce moment, seraient davantage intéressés à utiliser le système.
M. Girard: Cette aide au transport en commun par un crédit de taxes ou par un remboursement de taxes sur le carburant, est en vigueur au Québec depuis 17 ans, déjà. Le transporteur urbain achète son carburant au prix régulier pour les services en ville, le transport en commun adapté, les services en minibus donnés aux personnes handicapées sur tout le territoire, et le transport en commun interurbain. Et, en fin d'année, il fait la preuve du kilométrage réalisé sur les services de transport en commun au Québec, et il reçoit un remboursement de surtaxe sur le carburant.
Ce remboursement varie selon que le carburant a été acheté en région ou au centre puisque ces surtaxes varient sur le territoire du Québec. Elles ne sont pas de même niveau en périphérie, dans le Nord ou dans le coeur de l'axe autoroutier, si l'on veut. Ceci a été mis en place à la faveur des fluctuations importantes du prix du carburant au début des années 1980 afin d'aider le transport collectif.
Le deuxième point que j'aimerais soulever à trait à une question posée lors de la présentation précédente sur la méthode utilisée pour fixer les tarifs. Au Québec, les tarifs sont proposés par le transporteur à la Commission des transports du Québec. La Commission examine les tarifs proposés et si le transporteur a eu droit au remboursement de cette taxe sur le carburant. La Commission peut examiner les états financiers du transporteur pour voir s'il est rentable ou déficitaire sur le service. Et, la Commission rend une décision de fixation des tarifs. Cette fixation des tarifs est faite par l'instance de la Commission des transports du Québec et tient compte de ce remboursement de surtaxe sur le carburant.
Le sénateur Biron: Quel est le coût d'un billet d'autocar de Val-d'Or à Montréal?
M. Girard: Le prix du billet est de 60 $, plus les deux taxes, entre Val-d'Or et Montréal. Lorsque c'est un aller-retour, c'est le double moins un rabais de 25 p. 100. Et, comme les représentants de Intercar vous l'expliquaient ce matin, il y a aussi des rabais pour les étudiants, pour l'âge d'or, et les excursions. L'ensemble de ces rabais sont applicables. Un déplacement de l'Abitibi à Montréal, en aller-retour, si le voyage se fait dans une même semaine, peut coûter autour de 100 $.
Le sénateur Biron: Et, le prix entre Montréal et Toronto est de combien, avez-vous une idée?
M. Langis: Approximativement, 85 $ en ce moment.
Le sénateur Biron: Aller-retour?
M. Langis: Non, aller-retour, si ma mémoire est bonne, c'est 113 $ ou 123 $. L'aller simple risque d'être un peu moins, le tarif doit être autour de 70 $ ou 71 $. Lorsque qu'un passager achète un billet aller-retour et ce à l'intérieur d'une certaine période de temps, comme on s'assure du retour d'un même passager, un certain rabais est offert à l'achat du billet. Donc, il y a une économie d'échelle qui est mise en place à ce moment. Malheureusement, on a tellement de grandes listes tarifaires qu'il est difficile de se souvenir de chacun d'eux.
Le sénateur Biron: C'était seulement pour avoir une idée. Le prix au kilomètre revient à peu près à la même chose.
M. Girard: Oui, exactement.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Est-ce qu'il y a aussi des réductions spéciales pour les personnes âgées ou pour les handicapés en plus de ce tarif spécial?
M. Langis: Sur le réseau canadien, il y a tout le temps des tarifs spéciaux pour les étudiants, les personnes âgées et les handicapés. Au Québec, et je ne sais si cela s'applique dans les autres provinces, généralement une personne handicapée ou une personne qui a des difficultés de locomotion peut voyager avec une personne qui l'accompagne, un accompagnateur ou une accompagnatrice qui voyage gratuitement. La personne qui a des difficultés de locomotion paie le tarif normal, ce qui fait deux places pour le prix d'une.
M. Crow: Certaines compagnies offrent des cartes d'abonnement valables pour 10 déplacements. Cela ressemble plus ou moins à une carte hebdomadaire ou à une carte mensuelle qui permet de bénéficier d'un tarif plus avantageux en fonction du nombre de déplacements.
[Français]
Le sénateur LaPierre: Quand vous dites qu'il n'y a pas eu de déclin dans l'utilisation, c'est peut-être vrai au sujet de toutes les différentes parties de l'industrie que vous administrez, vous mettez tout cela ensemble. Y-a-t-il eu une baisse ou une hausse du service interurbain, de ville à ville?
M. Langis: Je vous dirais qu'il y a tout un historique là-dessus. Et, il est difficile pour nous de vous montrer un tableau parfait parce que la définition du transport interurbain ou cédulé a tellement changé avec le temps. La façon dont on a colligé l'information a tellement varié dans le temps qu'on n'est pas capable, aujourd'hui, de comparer des pommes avec des pommes.
Toutefois pour répondre simplement à votre question, je vous dirais que je suis d'accord que le transport longue distance, de 400 ou 500 kilomètres, l'autobus a perdu des passagers au profit de l'avion, et ce pour les raisons qu'on connaît, entre autres la rapidité de l'avion qui fait en sorte que les gens préfèrent utiliser ce mode de transport.
Le mode de transport interurbain à plus courte distance a définitivement crû. On pourrait vous fournir des données là-dessus. Au sein de ma propre entreprise, nous avons eu, au cours des cinq dernières années, des augmentations qui varient de 27 à 30 p. 100.
Le sénateur LaPierre: Vos associations ont-elles fait une étude comparant les provinces où les transport par autocar est déréglementé? Je crois que cinq provinces sont déréglementées.
M. Langis: Selon l'information qu'on vous a fournie.
Le sénateur LaPierre: Monsieur Girard, vous recevez un rabais sur les taxes du pétrole?
M. Girard: Oui.
Le sénateur LaPierre: Et, vous vous servez de ce rabais pour pouvoir faire ce que l'opérateur qui va de Val-d'Or à Montréal fait, en vous servant de ces profits globaux pour pouvoir desservir toutes les petites régions qui ne le sont pas présentement. Le miracle s'est produit! On n'a seulement qu'à fermer notre tente, nous, puis s'en aller; c'est réglé.
Entre Val-d'Or et Montréal les profits réalisés sur cette route payante servent à aider les quatre autres municipalités, n'est-ce pas? Les membres de votre association font cela à la grandeur de la province de Québec parce qu'ils sont bénéficiaires des rabais importants sur le prix du pétrole, les taxes du pétrole. On vous donne un cadeau et vous nous faites un cadeau.
M. Girard: Ici, on ne parlera pas d'ouverture de porte dans laquelle je suis intéressé à aller comme notre prédécesseur l'a mentionné. Ce n'est pas un cadeau important. Ce rabais ou ce remboursement de surtaxes représente environ de 7 p. 100 à 10 p. 100 du coût du carburant. Alors, ce n'est pas important en soi, c'est une portion significative pour essayer d'influencer le transfert modal de l'automobile à l'autobus, mais ce n'est pas important en soi.
Ce rabais, par ailleurs, est considéré par la Commission des Transports du Québec lorsqu'elle autorise le tarif que le transporteur va charger à son client. La Commission doit en tenir compte. Ce rabais fait partie des états financiers de l'entreprise.
Cet exemple d'interfinancement que vous utilisez, qui est un peu le même que celui de Intercar ou qui était celui d'Autobus Maheu, est harmonieux et c'est le résultat d'un très long processus. Cet interfinancement est à la fois la volonté de la Commission lorsqu'elle examine le service offert et les tarifs qui seront offerts, mais elle est aussi la volonté du transporteur de bien vouloir prendre des revenus et d'en faire bénéficier les secteurs qui sont moins rentables. C'est la décision du système, n'est-ce pas?
Je vais vous donner un portrait de ce que sont mes membres et cela va vous donner un portrait de ce qu'est le transport par autobus, au Québec, à tout le moins. J'ai 231 entreprises de transport par autobus membres de la PAQ; 160 d'entre elles exploitent des autocars. Vingt-huit ou trente d'entre elles exploitent des autocars de transport en commun interurbain ou de transport en commun urbain. Dans Rouyn-Noranda ou dans Rivière-du-Loup ou entre Chicoutimi et Québec, les autres au-delà de mes 160, en fait, ce sont des transports qui ne peuvent être que des transporteurs d'écoliers ou des transports adaptés, des services à contrat avec des organismes.
Près de 80 p. 100 de mes entreprises membres font plus qu'un type de transport et elles ont une présence sur un territoire ou dans un réseau. Les entreprises ont réussi à consolider leur offre de service à des clients des commissions scolaires, à des clients des municipalités ou à des clients du domaine public comme dans le transport en commun. Elles ont réussi à le consolider parce qu'elles ont réuni plusieurs produits. Elles ont optimisé l'usage de leur garage. C'est un peu comme cela qu'on peut les décrire.
Pour revenir à une question qui a été soulevée tout à l'heure sur la création d'un monopole ou le fait que plusieurs compagnies peuvent appartenir à un même propriétaire, je donne simplement comme information qu'au Québec dans le cadre des lois sur la sécurité, nos entreprises doivent toutes être inscrites à un fichier des entreprises, qui s'appelle le Registre des propriétaires et exploitants de véhicules lourds, à la Commission des transports du Québec.
Ce registre contient 2 200 propriétaires et exploitants d'autobus ou de minibus. Ce n'est pas un marché exploité par huit entreprises qui ont le monopole. C'est un ensemble d'appels d'offres à la population extrêmement multiples, extrêmement divers et présentes un peu partout sur le territoire de diverses manières. Et, quand on le réduit à un réseau, on perd, effectivement, la densité de cette offre.
Le sénateur LaPierre: Monsieur Gervais, le Motor Coach Canada, c'est une compagnie ou une association?
M. Roger Gervais, président, Motor Coach Canada inc.: C'est une association qui représente des propriétaires d'autocars et des Tours opérateurs à travers le pays. Nous avons environ 350 membres actifs dans notre association.
Le sénateur LaPierre: Est-ce des autocars nolisés?
M. Gervais: Ce sont des propriétaires, oui, comme vous dites, nolisés, et il y a aussi les intercités. On a aussi dans notre association ce qu'on appelle des «Tours Operators» qui font autre chose. Ce n'est pas nécessairement des propriétaires d'autocars, mais ils vendent des forfaits qui incluent le transport en autocar, les repas au restaurant et le gîte dans les hôtels.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Est-ce que vous bénéficiez de cette réduction de la taxe sur les carburants en Ontario?
M. Crow: Absolument pas.
[Français]
Le sénateur Biron: Est-ce que tous les tarifs des transporteurs au Québec sont fixés par la commission?
M. Girard: Tous les services de transport par autobus donnés en vertu de permis, permis de transport interurbain, permis urbain, permis aéroportuaire et permis nolisé sont obligatoirement soumis à la commission sur la base de grilles proposées par le transporteur, examinées et autorisées par la Commission ou corrigées par la commission.
Le sénateur Biron: Les tarifs accordés par la commission, le sont suivant les états financiers, est-ce que ces tarifs sont basés sur les actifs mis à la disposition du public et/ou sur le rendement sur l'avoir des actionnaires?
M. Girard: Dans le transport nolisé, le dépôt de tarifs sont relativement ouverts. On les appelle «en fourchette». La commission ne fait que s'assurer que ce sont des fourchettes raisonnables dans l'intérêt du public.
Dans le transport interurbain, ils sont déposés avec exactitude, y incluant les rabais proposés. Et si la commission, après un examen de la table proposée, considère qu'il y a abus et que c'est trop cher pour l'intérêt du public utilisateur, elle peut imposer d'autres tarifs que ceux suggérés. Elle le fait relativement peu puisqu'elle a le pouvoir d'examiner les états financiers. Les transports s'exposent peu à ce risque.
Si la commission juge que ces tarifs sont exorbitants, elle exige les états financiers et les analyses sur la base de savoir si l'entreprise tire actuellement un avantage indu des permis qui lui sont confiés. Si la commission considère que ce transporteur abuse de la situation, elle peut la corriger.
M. Langis: La base sur laquelle la Commission des transports va fonctionner va être surtout sur un revenu par kilomètre qui est demandé par le transporteur en fonction du dépôt de tarif qu'il fait.
Et, comme monsieur Girard vient de l'expliquer, si elle juge qu'il y a abus, par exemple, si l'augmentation du coût de la vie a été en moyenne de 1,8 p. 100 au cours des trois dernières années et que l'indice des prix au transport a été à peu près similaire et qu'un transporteur dépose une augmentation tarifaire de l'ordre de 15 p. 100, assurément la commission, en bon chien de garde, va poser des questions et fort probablement ne pas permettre une telle augmentation dans le but de protéger l'intérêt public.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer: Je viens d'un pays où il y a des autocars et des minibus, et il n'y a pas de réglementation. Quoi qu'il en soit, c'est une autre histoire. Pourquoi ne pouvez-vous pas avoir deux modes de transport? Pourquoi ne pas mettre de gros autocars sur les itinéraires les plus fréquentés et des minibus pour ceux qui le sont moins? Est-ce que vous le faites?
M. Langis: Nous le faisons. Il y a beaucoup d'exemples de transporteurs qui mettent sur la route de plus petits véhicules pour les itinéraires qui sont moins fréquentés et pour lesquels de plus gros véhicules ne sont pas nécessaires. Cela dit, le type d'autocars que nous utilisons peut être utilisé pendant des années. Ces autocars peuvent facilement durer 10 ou 12 ans en les entretenant correctement sans qu'il y ait aucune raison de s'en plaindre.
Le problème des véhicules plus petits c'est que si vous leur faites parcourir un certain nombre de kilomètres par an, après trois ou quatre ans au maximum, il faut les changer. Utiliser des véhicules plus petits n'est donc pas forcément un avantage.
Mais pour répondre directement à votre question, cela se fait. Beaucoup de transporteurs utilisent des véhicules plus petits pour ce genre de services.
M. Crow: Comme M. Langis vient de le dire, dans une de nos recommandations, nous disons que nous aimerions que le gouvernement donne une définition d'autocar. À notre avis, il importe de définir ce qu'on entend par autocar. Importe-t-il au consommateur que ce soit un autocar interurbain, un autocar de 35 places, un autocar de 47 places ou un autocar de 21 places? Qu'est-ce qu'un autocar? Il faudrait qu'il y ait une définition, surtout pour l'application des règles de sécurité. Nous vous demandons d'appuyer cette recommandation.
Il y a un autre problème au niveau de l'équité. Il y a des minibus qui font régulièrement le trajet entre Montréal et Toronto, Montréal et Ottawa et Ottawa et Toronto qui ne sont contrôlés par aucun gouvernement. Leurs vitres sont teintées pour qu'on ne voie pas combien il y a de passagers. Ils sont banalisés. Selon certains règlements, un autocar est défini comme un véhicule transportant un minimum de 10 passagers pour des raisons de sécurité. Si ces passagers ne sont pas transportés contre rémunération, les normes de sécurité ne s'appliquent pas.
Dans le minibus qui a eu un accident dont vous avez entendu parler, il y avait un certain nombre de gens qui parlaient plusieurs langues différentes. Cependant, quand on leur a demandé s'ils avaient payé, ils ont tous répondu: «Oh, non. Nous sommes tous frères et soeurs. Nous sommes tous de la même famille et nous allons à Montréal». Ils ne connaissaient même pas le nom des autres et pourtant ils disaient être de la même famille.
Ils trouvent toujours le moyen de tourner les règles, madame le sénateur, et cela est plutôt perturbant. Si autocar correspond à une définition et si les règles et les règlements sont appliqués de manière juste et constante du point de vue de la sécurité, le consommateur n'aura plus de souci à se faire. Les besoins du consommateur seront satisfaits.
Le sénateur Jaffer: Où trouverez-vous de nouveaux clients? Si ce que vous demandez se matérialise, qui d'après vous prendra plus souvent l'autocar?
M. Langis: Vous voulez quatre réponses?
La présidente: Chacun son tour.
M. Crow: Je crois qu'il y a un certain nombre de marchés à exploiter et j'utilise ce terme dans son sens positif. Notre industrie a négligé le marché du service de transport des banlieusards. Nous pourrions faire beaucoup mieux. La philosophie des responsables du transport urbain semble être: «Entassons le maximum de passagers par véhicule pour les transporter au centre-ville». Nous aimerions trouver les motifs incitant les gens à ne pas utiliser leurs propres véhicules et à choisir les transports en commun plutôt que de les y obliger. Généralement les responsables semblent vouloir obliger les gens à ne pas utiliser leurs voitures et à utiliser à la place les transports publics.
Nous croyons à ce marché. Nous pourrions attirer un plus grand nombre de passagers en diffusant sur des écrans de télévision des émissions comme Canada A.M. ou les émissions d'une chaîne d'information pendant le trajet jusqu'au centre-ville de Montréal, de Québec ou de Toronto. Nous aimerions pouvoir permettre aux gens de prendre un café et un jus d'orange pendant le trajet pour se rendre à leur travail le matin, mais les responsables des transports en commun interdisent à nos passagers de manger dans nos autocars.
Il y a un marché à saisir dont tout le monde profiterait. Il y a un marché que nous pouvons conquérir si on nous en laisse les moyens. Chaque fois que nous devons rivaliser avec des services subventionnés par les gouvernements, nous sommes sûrs de perdre.
Je vais vous donner un exemple, si vous le permettez. Il y a quelques années, personne ne prenait l'autocar pour aller au théâtre. Je vais citer l'exemple du Fantôme de l'opéra. Il en coûtait environ 100 dollars le billet pour aller voir le spectacle, mais personne n'y allait par autocar. Ce marché s'est développé et a connu une croissance importante depuis. Rien qu'en un mois, il arrivait 630 autocars au Fantôme de l'opéra. Cette clientèle n'était pas la clientèle traditionnelle des autocars. C'était une clientèle qui pouvait se permettre un billet de théâtre de 100 dollars, une chambre d'hôtel à 250 dollars et un dîner en ville à 70 dollars.
Nous avons exploité ce créneau. Si nous en avons le loisir, nous l'exploiterons encore plus. Nous croyons qu'un certain nombre de ces créneaux présentent un potentiel de croissance énorme. Mes collègues voudront peut-être ajouter quelque chose, je ne veux pas monopoliser la conversation.
[Français]
M. Langis: Si on regarde seulement le renversement de la pyramide d'âges, nos babyboomers sont sur le point de prendre leur retraite. Ce sont des gens qui, d'une part, ont beaucoup plus de ressources financières disponibles que les générations précédentes, il vont vouloir continuer d'avoir du plaisir et fort possiblement continuer de se déplacer en groupe.
D'autre part, pour répondre à une question qui a été posée à quelques intervenants, je suis de ceux qui croient que ces mêmes babyboomers vont probablement avoir le goût de retourner dans leur région d'origine, que ce soit l'Abitibi ou la Gaspésie ou d'autres régions canadiennes, après avoir vécu et gagné leur vie dans les centres urbains plus importants. Ils vont certainement vouloir retourner prendre un peu de repos dans leur région d'origine, ce qui va entraîner davantage de besoins pour le transport de personnes qu'on en connaît aujourd'hui.
C'est un petit peu le renversement de la pyramide d'âges qui a des effets sur le transport ainsi que sur la composition de ces forfaits pour les touristes ou pour des groupes intéressés à se déplacer, en plus des gens qui ont à voyager entre les banlieues et les centre-villes.
Cela fait partie d'une des réponses que j'ai oublié de mentionner au sénateur LaPierre un peu plus tôt. Une des raisons du supposé déclin du transport interurbain de passagers, c'est qu'anciennement on définissait le transport interurbain de passagers comme étant un déplacement au-delà de trois kilomètres d'une municipalité.
Aujourd'hui, ceux qui ont à se déplacer au-delà de trois kilomètres d'une municipalité, sont comptés parmi les voyageurs ou les passagers qui sont transportés par les systèmes urbains ou suburbains. Ceux-ci sont en très forte croissance et vont continuer de l'être au cours des prochaines années.
[Traduction]
M. Gervais: L'augmentation du tourisme dans notre pays a suscité une forte augmentation des voyages en autocar. Ces touristes arrivent au Canada évidemment par avion ou par d'autres moyens, et ils empruntent tous l'autocar.
De même, les voyages éducatifs et les voyages des aînés ont connu une croissance énorme au cours des 15 à 20 dernières années.
M. Crow: Je vais reprendre une observation qu'a faite M. Gervais. Un certain nombre d'études démontrent qu'un autocar, dans un voyage de plus de 24 heures, plus qu'une journée, procure en moyenne 7 000 dollars en recettes pour les hôtels, les services d'alimentation, les attractions et autres. Dans les grandes villes, c'est encore plus que ça.
Lors de l'une de vos premières séances, vous avez mentionné les autocars qui sont garés sur la Colline du Parlement. Chacun génère des recettes de 7 000 dollars par jour pour le tourisme et le développement économique. Nous pensons que c'est une très bonne contribution à l'économie. Nous devons exploiter ce créneau et nous le pouvons.
Le sénateur Jaffer: La semaine dernière, l'un de nos témoins a parlé des usagers des autobus. On nous a dit qu'il s'agit normalement de personnes qui disposent de plus de temps et qui ont moins d'argent, ou si l'on veut, de personnes à plus faible revenu. On nous a dit que, d'après les statistiques, l'augmentation graduelle à venir du nombre d'usagers proviendra de l'immigration, c'est-à-dire du fait qu'un plus grand nombre de gens viendront de l'étranger pour s'établir ici. Votre association nationale a-t-elle envisagé des moyens d'encourager les immigrants à se servir de l'autobus? Avez- vous des projets ou des programmes qui encourageraient les immigrants à se servir de l'autobus?
M. Crow: M. Langis peut vous répondre dans la mesure où cela concerne les services à horaire fixe. Nous offrons en ce moment toute une série de voyages en autocar nolisé qui ont une base ethnique ou culturelle. Il peut s'agir de nouveaux immigrants au Canada ou de personnes qui, par exemple, font partie de la communauté grecque ou italienne. Nous offrons plusieurs voyages nolisés à New York à partir de Toronto expressément à la communauté grecque. Il s'agit de voyages à base culturelle. Ces voyages s'adressent à une clientèle d'immigrants.
La présidente: Monsieur Langis, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Langis: Il me serait un peu plus difficile de répondre à cette question étant donné que je suis du secteur de l'industrie où les autobus sont à horaire fixe, à moins que nous ayons effectué un sondage particulier qui nous permettrait de savoir exactement d'où viennent nos clients parce que, même si notre exploitant est une entreprise privée, il s'agit quand même d'un service public.
Le sénateur Jaffer: Avez-vous des brochures dans des langues différentes, à part l'anglais et le français, que vous adressez aux foyers de personnes âgées, par exemple à un foyer de personnes âgées chinoises? Essayez-vous d'attirer les gens partout au pays?
M. Langis: J'ignore ce que font les autres entreprises, mais je peux vous parler de la mienne. Nous fournissons en effet des informations aux divers secteurs que nous desservons. Chose certaine, nous desservons entre autres la communauté asiatique et la communauté hispanophone. Nous produisons des informations en quantité suffisante dans des langues que ces deux cultures utilisent. Nous pouvons justifier leur production en nombre suffisant.
J'ai la certitude qu'il y a d'autres exemples de cela partout au Canada. Je sais que des transporteurs ici à Montréal desservent en particulier la communauté italienne. D'autres desservent la communauté asiatique. Selon le type de communauté que vous retrouverez dans une région métropolitaine ou une autre, j'ai la conviction qu'il y a des transporteurs qui desservent ces communautés aussi.
M. Crow: Vous avez probablement vu à Ottawa des autocars portant des indications en différentes langues, des langues asiatiques par exemple. Non seulement nous leur donnons de la documentation dans leur langue, nous identifions également nos autocars de la même manière.
Motor Coach Canada distribue du matériel promotionnel dans le monde entier. Nous allons en Europe et en Asie pour faire de la publicité et de la promotion pour nos activités au Canada.
M. Langis: Je crois que vous étiez dans l'autocar hier soir lorsque nous avons fait passer notre film. Ce film est également disponible en japonais.
Le sénateur Jaffer: Monsieur Girard, je voulais simplement vous dire que je me suis rendue à Chicoutimi dans votre autocar et le voyage fut très agréable. Je vous remercie.
Le sénateur Oliver: Je voudrais poursuivre la série de questions qui vous ont été posées par le sénateur LaPierre à propos de l'interfinancement. Tout le monde jusqu'à présent en a parlé de façon générale, et j'aimerais savoir si quelqu'un ne pourrait pas nous chiffrer le montant de l'interfinancement qui existe actuellement au Canada dans les provinces déréglementées.
M. Langis: C'est sans doute moi qui suis le mieux placé pour répondre à cette question. J'ai lu dans le compte rendu de votre réunion de la semaine dernière que cette même question y avait été abordée, et j'ai donc fait mes petites recherches. D'après ce que j'ai pu trouver, je puis vous dire qu'en moyenne, au Canada, 10 p. 100 environ de notre chiffre d'affaires sert à l'interfinancement. Chez nous, 12 p. 100 environ de notre chiffre d'affaires total nous permet de subventionner les liaisons non rentables.
Le sénateur Oliver: Il reste des centaines de milliers de Canadiens qui n'ont accès à aucun mode de transport organisé, et je pense ici aux gens qui vivent dans les régions rurales. Ils n'ont ni train, ni bateau, ni hélicoptère, ni quoi que ce soit d'autre. Comme vous le savez, nous essayons de trouver le moyen d'offrir à ces gens des services d'autocar.
Avant que vous nous quittiez tous les quatre, j'espère que chacun d'entre vous pourra nous offrir des suggestions concrètes sur la façon dont l'industrie de l'autocar pourrait venir en aide à tous ces gens qui sont actuellement privés de tout moyen de transport en commun.
J'habite une ferme située dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse où je connais plusieurs personnes âgées qui n'ont ni voiture, ni camion. Elles doivent faire 25 ou 30 kilomètres si elles doivent aller à l'hôpital ou à une pharmacie. Comment parvenir à donner à ces gens-là un mode de transport en commun satisfaisant?
[Français]
M. Girard: Le ministère des Transports du Québec finance, actuellement, le transport adapté pour 70 millions de dollars. Ce sont des minibus transformés pour aider au transport des personnes avec des limitations. Les représentants de la compagnie Kéroul en a certainement parlé ce matin.
Le ministère de l'Éducation du Québec finance des autobus scolaires à la grandeur du territoire québécois. Sur le territoire québécois des entreprises de transport par autobus offrent le transport en commun. Des taxis sont disponibles à peu près à la grandeur du territoire. Et, il y a maintenant deux ans, le ministère des Transports du Québec a financé des projets-pilotes régionaux pour que des leaders régionaux mobilisent du transport écolier, du transport adapté, un transporteur interurbain et des transporteurs par taxi pour qu'il y ait une offre globale non pas d'un transport spécialisé, mais d'une offre globale de transport public à partir de ce qui est déjà investi dans la région.
Ces projets-pilotes sont encore en cours. Le ministère du Transport du Québec, en collaboration avec le ministre des régions, a rendu public en décembre qu'ils vont contribuer 2 millions de dollars par année pendant les cinq prochaines années aux services régionaux, afin de mettre en place des services là où il n'y a pas. Ces subventions seront versées aux leaders municipaux et non pas aux transporteurs.
Ces leaders locaux auront la responsabilité de mettre en commun les services déjà existants, de faire que soit offert à partir de cette base un service de transport en commun public. Et, pour ce faire ils pourront compter sur une subvention du gouvernement du Québec au gouvernement régional.
Lorsque de telles expériences sont discutées ou sont expérimentées, on est à peu près partout dans les endroits où il n'y a pas d'offre de transport en commun au public en général. Il y a des services spécialisés, mais il n'y en a pas au public en général. Les modalités contractuelles ne sont pas encore connues, mais lorsque ce service sera annoncé, on commencera à voir poindre du développement de services régionaux pour amener ces gens au corridor que nous voyons ici sur la carte. L'horizon est de un à deux ans avant que, concrètement, on ait des résultats dans certains lieux, mais on peut imaginer que d'ici quelques années, les lieux non desservis, grâce à des fonds publics, seront enfin desservis.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Cette réponse est excellente. Il s'agit de 2 millions de dollars pour commencer?
M. Girard: Oui, 2 millions de dollars par an pendant les cinq prochaines années.
M. Langis: Je ne parviens pas à trouver une meilleure réponse à vous donner.
M. Crow: Je vais ajouter un autre élément. Nous aimerions voir, pas seulement en Ontario, un engagement ou à tout le moins un signal de la part du gouvernement qui préconiserait de nouveaux investissements de notre part pour augmenter les services. Il est arrivé trop souvent, après que nous ayons investi dans tel ou tel service et que nous l'ayons augmenté, que le gouvernement intervienne en nous opposant un concurrent subventionné. Par exemple à Ottawa, il y a eu un exploitant qui voulait assurer le transport des voyageurs entre une région rurale et Ottawa, mais chaque fois que ses autocars utilisaient les voies réservées aux autobus urbains, il recevait une contravention. À Ottawa, il ne pouvait pas utiliser ces voies réservées. Le même genre de chose se produit ailleurs également.
Trop souvent, une fois que nous ajoutons un nouveau service, une administration quelconque, municipale, provinciale ou fédérale, intervient pour nous opposer un concurrent. À Toronto, Greyhound et Coach Canada étaient prêts à investir 20 millions de dollars pour construire une nouvelle gare routière. La ville est intervenue pour s'y opposer. Nous devons donc continuer à utiliser la gare routière actuelle et nous ne pouvons pas nous installer à Union Station.
Si je me souviens bien, quelqu'un est venu vous dire à Ottawa que les compagnies d'autocars se préparaient à s'installer à la gare VIA à Toronto. Rien n'est moins vrai. Le gouvernement a déclaré que nous devions rester à la gare routière actuelle, et que nous ne pouvions pas nous installer à Union Station.
Si le gouvernement pouvait nous donner un engagement, un signal quelconque comme quoi il voudrait que nous investissions dans notre propre secteur, nous le ferions avec énormément de plaisir. Nous offrirons ces services. Dans les régions rurales, nous sommes les seuls à pouvoir offrir un service de transport, et nous voulons le faire. Nous sommes en affaires. Donnez-nous les moyens de le faire.
M. Gervais: Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit par mes confrères.
[Français]
La présidente: Messieurs Crow, Langis, Gervais et Girard, je vous remercie infiniment de vos prestations et de vos réponses. On a l'impression que tout le monde est heureux, tout le monde va bien et tout le monde fait beaucoup d'argent.
M. Langis: Si l'industrie n'était rentable, nous ne serions pas devant vous aujourd'hui, et elle n'aurait pas passé à travers les différentes décennies.
Si vous nous permettez, madame la présidente, on aimerait vous présenter quelques commentaires en conclusion.
M. Gervais: Madame la présidente, il est important de conclure notre exposé conjoint des associations respectives les points suivants:
[Traduction]
D'abord, nos quatre associations se sont entendues sur une position commune dans les principaux dossiers.
En second lieu, notre industrie n'est pas homogène étant donné qu'elle couvre différents secteurs d'activités comme les autocars nolisés, les transporteurs réguliers, le transport en transit, les autocars d'excursion et les voyagistes, de même que les services de navette, toutes choses qui doivent être prises en ligne de compte dans le processus décisionnel du gouvernement.
En troisième lieu, les autocars affrétés transportent 35 millions de gens ou plus. Certains viennent au Canada pour assister à des rencontres ou à des manifestations sportives, d'autres sont des touristes étrangers qui arrivent par avion ou par bateau, et tout cela représente un stimulus considérable pour l'industrie du tourisme. Par conséquent, peu importe ce que le gouvernement fait, il faut qu'il le fasse de façon uniforme en intégrant les services réguliers et les services affrétés afin que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde.
En quatrième lieu, et c'est mon avis personnel — je trouve regrettable que nous soyons contraints de parler du passé alors que nous devrions penser à l'avenir. Je vous renvoie à ce sujet au petit document concernant le déclin du transport interurbain par autocar.
Cinquièmement, les différentes composantes des différences territoriales de notre beau pays doivent être prises en compte dans le modèle national.
Enfin, nous vous demandons sincèrement de bien vouloir accepter les six principes fondamentaux mentionnés par M. Langis ainsi que les recommandations que nous avons formulées dans notre énoncé de position.
[Français]
La présidente: Merci, monsieur Gervais.
M. Langis: La prémisse selon laquelle notre industrie souffre d'un déclin épouvantable est probablement une prémisse qui vous a été faussement présentée. On doit s'interroger sérieusement sur les différentes méthodes de cueillette de données. On a pris le temps de vous soumettre un document qui n'a pas nécessairement la réponse exacte, mais on pense que la vérité se situe entre ce qui vous a été présenté et ce que nous vous avons présenté.
Cela dit, en matière de transport des personnes, nous ne sommes pas le problème, mais nous croyons plutôt qu'on fait partie de la solution pour l'avenir parce que notre mode de transport est flexible, économique et rentable.
[Traduction]
S'agissant de l'élaboration d'une politique, notre position est que les gouvernements devraient faire des choix en fonction de principes et d'objectifs qui soient la résultante de consultations avec tous les principaux intervenants, y compris les transporteurs, mais, ce qui est le plus important encore, avec le public voyageur des différentes régions du Canada.
Forts de l'expérience que nous avons acquise dans notre industrie, nous vous avons proposé six principes. Nous allons vous laisser y jeter un coup d'oeil après quoi vous n'aurez plus qu'à faire vos propres recommandations.
[Français]
En terminant, nous voulons que vous sachiez que notre regroupement a fortement insisté pour que ces audiences aient lieu afin que le rôle que joue présentement notre industrie dans la mobilité des personnes au Canada soit pour une fois clarifié. Et, l'on souhaite collectivement faire en sorte que le rôle qu'on jouera dans l'avenir soit bien défini.
Le Canada a des caractéristiques géographiques et socio-économiques qui lui sont propres. Nous vous invitons, au cours de vos travaux, à rencontrer le plus grand nombre possible d'intervenants, comme vous l'avez fait aujourd'hui d'ailleurs, puisqu'ils seront les plus touchés par les recommandations que vous transmettrez au ministre. C'est, selon nous, cet élément qu'il ne faut surtout pas perdre de vue au cours de l'exercice.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous nous réunirons demain matin à Halifax.
La séance est levée.