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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 26 - Témoignages (séance de l'après-midi)


TORONTO, le jeudi 28 mars 2002

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 13 h 35 pour examiner les enjeux touchant l'industrie du transport interurbain par autocar.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Chers collègues, nous sommes heureux d'accueillir cet après-midi M. Stephen Little, président du Comité consultatif sur le transport accessible.

M. Stephen Little, président, Comité consultatif sur le transport accessible: Je suis heureux de pouvoir vous faire part de mes remarques cet après-midi. Le transport interurbain par autocar et son rôle dans le tableau d'ensemble du transport national est un sujet important qui mérite l'attention du Sénat.

J'aimerais pour commencer vous toucher quelques mots du Comité consultatif sur le transport accessible, le CCTA.

Comme l'indique son nom, ce comité consultatif relève du ministre fédéral des Transports. Il existe sous sa forme actuelle depuis 1991. Le CCTA compte des représentants du secteur ainsi que des consommateurs.

Son rôle est de dispenser au ministre des conseils sur le transport accessible. Le CCTA constitue un lieu parfait de débat sur les idées et les solutions à bon nombre de problèmes, allant des codes de conduite volontaires pour les modes de transport sous réglementation fédérale aux exigences relatives aux cartes d'identité avec photo et à leur incidence sur les personnes handicapées. Nous discutons aussi de questions d'actualité telles que l'achat par VIA Rail de nouveau matériel roulant et nous effectuons des recherches sur divers aspects des déplacements des personnes handicapées, recherches qui font l'objet de rapports et sont incluses dans nos délibérations. De plus, des représentants des organismes provinciaux de réglementation et de l'Office des transports du Canada assistent à nos réunions et font le point sur leurs activités qui touchent la communauté des personnes handicapées.

Toutes ces informations et discussions constituent le fondement des résolutions qui sont élaborées et présentées au ministre par deux représentants du CCTA, un qui représente le secteur et l'autre, les consommateurs, comme le veut la tradition. La tradition veut aussi que le président du CCTA soit un représentant des consommateurs.

En conséquence, je ne vous présente pas aujourd'hui la position officielle du CCTA, puisque nous n'avons pas eu le temps d'en débattre et de faire approuver le texte par les différentes organisations membres; toutefois, j'ai présenté le texte aux représentants du secteur de l'autocar et de la communauté des personnes handicapées qui ont donc pris connaissance de son contenu.

Mes remarques représentent mon interprétation des discussions que le CCTA a eues sur ce sujet. Je suis ici pour vous rappeler que le transport interurbain par autocar est crucial pour le bien-être et l'intégration sociale des personnes handicapées.

Les objectifs de la collectivité des personnes handicapées doivent concorder avec les besoins du secteur de l'autocar de façon à ce que les solutions adoptées donnent à toutes les parties, y compris les organismes de réglementation, un sentiment de réalisation et de progrès.

On vous a déjà parlé de l'importance du transport par autocar au Canada et que ce mode de transport fait face à des défis relativement à l'achalandage et à la rentabilité.

J'ai lu des témoignages sur la difficulté qu'on connaît à se rendre d'un centre urbain à un autre par autocar, ainsi que sur la réduction apparente du service dans les régions rurales et les petits centres urbains. Il importe de comprendre que les personnes handicapées habitent dans toutes les régions du Canada et qu'elles font partie de toutes les catégories démographiques d'âge, de sexe, de statut socio-économique, de scolarité, et ainsi de suite.

L'endroit et la façon dont on dispense des services, y compris les perspectives d'emploi, ont une grande incidence sur l'endroit où les personnes handicapées décident de vivre. Il n'est pas étonnant que les régions urbaines connaissent une telle croissance au Canada et que les personnes handicapées aient tendance à choisir les centres urbains pour des raisons sociales ainsi que pour l'accès qu'on y trouve à l'emploi et aux divers services.

Les déplacements par autocar revêtent donc une importance de plus en plus grande pour les personnes handicapées qui doivent se rendre d'une localité à une autre. Dans les grands centres urbains, le transport en commun n'offre pas encore un niveau de service satisfaisant répondant aux besoins des personnes handicapées.

Le service interurbain par autocar est doublement problématique, en ce sens que, à bien des endroits, il n'est pas disponible et que, là où il l'est, il est d'une piètre accessibilité.

Si les tendances se maintiennent, des collectivités entières seront marginalisées en raison du peu de moyens de transport et des groupes entiers de la société, soit les personnes handicapées, seront aussi marginalisés par la piètre qualité du service ou l'absence de service.

Les transports ferroviaire et aérien n'ont pas été plus tendres à l'égard des voyageurs handicapés. La rationalisation des profits dans ces secteurs a nui à la qualité des services dans l'ensemble mais surtout à ceux offerts aux personnes handicapées.

Bien des consommateurs n'ont qu'une alternative pour voyager: utiliser leur propre véhicule ou rester à la maison. Pour beaucoup de personnes handicapées, rester à la maison est la seule solution abordable. Le fait de dépendre de la gentillesse des parents et d'étrangers pour pouvoir se déplacer n'aide pas les personnes handicapées à croire qu'elles sont des personnes autonomes qui contribuent à la société.

Il faut davantage d'options de transport viables. Le transport par rail et celui par autocar semblent être les meilleures options, qui ne sont toutefois pas sans défis.

Le secteur de l'autocar fait l'impossible pour répondre aux besoins des voyageurs handicapés. Il s'est engagé à améliorer ses véhicules et la qualité du service qu'il dispense. Il a clairement exprimé ses préoccupations concernant la déréglementation.

Le secteur s'inquiète aussi de ce qu'on attend de lui comme contribution à l'amélioration du réseau de transport au Canada. Son objectif est d'atteindre un niveau raisonnable de rentabilité en dispensant ses services. Si ce service ne fait pas ses frais ou n'est pas rentable, les bonnes pratiques commerciales veulent qu'il soit supprimé.

Bien des circuits non rentables sont subventionnés par les circuits rentables; c'est ainsi, en trouvant le juste équilibre, qu'on en arrive à une rentabilité d'ensemble. Une certaine diversification est possible, mais les possibilités sont limitées.

Si les organismes de réglementation et les gouvernements veulent sérieusement améliorer la capacité du secteur de l'autocar de desservir les collectivités, il faudra envisager l'octroi de subventions. Cette solution est risquée, mais elle peut être couronnée de succès si on fait preuve d'innovation et qu'on entame un dialogue avec les organismes de réglementation, le secteur et les utilisateurs du service. Ainsi, les habitants des régions rurales du Québec peuvent regrouper leurs rendez-vous chez le médecin et se rendre en groupe au CLSC en un seul déplacement rentable plutôt qu'en plusieurs déplacements peu rentables.

La fragmentation de l'industrie rendra la prise de décisions relativement aux subventions plus difficile que pour les chemins de fer, mais quand on veut, on peut.

Les entreprises d'autocars qui n'existent que dans une seule compétence font face à moins de tracasseries réglementaires que celles dont les véhicules vont dans plusieurs provinces. L'uniformité dans la réglementation à l'échelle du pays doit tenir compte des droits et des obligations des divers organismes de réglementation.

En ce qui a trait à l'aspect humain de la prestation des services, le secteur du transport par autocar jouit déjà du soutien du gouvernement fédéral et de ses organismes par le biais d'outils de formation conçus pour lui sur la meilleure façon de desservir les voyageurs handicapés. On doit poursuivre les initiatives de soutien comme celle-ci. D'ailleurs, les organismes de réglementation ne devraient pas hésiter à s'attaquer à des problèmes encore plus graves pour faire en sorte que le transport par autocar devienne pour tous les Canadiens une expérience agréable.

Pour les personnes handicapées, la plus grande préoccupation, c'est de s'assurer que, quel que soit le mode de transport, les déplacements du point A au point B se feront sans interruption et le plus agréablement possible. Ce n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire; bien des difficultés peuvent être soit un petit ennui ou un obstacle insurmontable, selon la déficience.

Au fil des ans, on a accordé beaucoup d'attention aux voyageurs à la mobilité réduite, en prévoyant par exemple une surface plane pour les personnes en fauteuil roulant ou marchant avec une canne. Mais le niveau d'aide personnelle dont les personnes handicapées ont besoin peut varier grandement. Les besoins de ces voyageurs-là diffèrent de ceux qui ont une déficience sensorielle. Les besoins en matière de communication d'un aveugle sont différents de ceux d'une personne sourde ou malentendante, et on pourrait répondre à ces besoins sans qu'il en coûte beaucoup si on avait la prévoyance de penser aux besoins des voyageurs ayant une déficience. Une signalisation convenable est très utile pour tous, pas seulement les voyageurs ayant une déficience. Si on adoptait des normes universelles, les messages dans les gares, dans les autocars seraient non seulement verbaux, mais aussi visuels. En concevant une gare qui facilite l'accès aux personnes en fauteuil roulant, on facilite aussi l'accès des parents avec des jeunes enfants dans des poussettes.

La prestation d'un service au public est une chose difficile. Le faire de façon cohérente est extrêmement difficile. Ajoutez à cela les frustrations inhérentes à l'industrie du transport en général, telles que les conditions météorologiques et la fatigue des voyageurs, et vous avez la recette parfaite pour une expérience déplaisante pour les voyageurs ayant une déficience.

En dépit de la formation qui se poursuit au sein du secteur, il y a toujours un employé qui ignore les réponses à certaines questions fondamentales qu'ont les voyageurs ayant une déficience. Un employé bien formé et sensible aux besoins des voyageurs ayant une déficience peut contribuer considérablement à rendre une situation difficile beaucoup plus tolérable.

J'ai parlé plus tôt de voyages sans interruption. Montrer votre billet à la gare d'autobus n'est pas le début du voyage, et arriver à destination n'est pas non plus la fin du voyage. Tout voyage commence par la décision qu'on prend de faire ce déplacement.

La dissémination d'information sur l'achat de billets doit répondre aux besoins des voyageurs ayant une déficience. Se rendre jusqu'à la gare d'autocars est un autre défi pour certains. Réserver un véhicule de transport adapté ou utiliser le transport en commun est parfois presque impossible. Trouver une place de stationnement ou même une zone de débarquement peut ajouter à la frustration avant même que n'ait commencé le déplacement en autocar.

L'autocar même peut être un environnement difficile pour une personne handicapée. Le secteur a trouvé certaines solutions permettant aux voyageurs à mobilité réduite des voies d'accès et de sortie ne portant pas atteinte à la dignité, mais encore une fois, c'est une tâche délicate que de trouver le juste milieu entre ce qui est rentable et ce qui est possible.

Les déplacements par autocar comprennent parfois des arrêts dans des localités, arrêts qui ne sont pas toujours accessibles non seulement physiquement, mais aussi en raison des menus, des messages et d'autres détails qui contribuent à rendre le voyage plaisant.

L'exploitant juge que cela ne lui incombe pas, mais le passager ne peut voir où se situe la responsabilité de l'exploitant. S'il s'agit d'une chose qui a à voir avec le voyage en autocar, la plupart des voyageurs tiennent pour acquis que cela relève de l'exploitant.

Pendant un voyage, le voyageur relèvera de différents ressorts dont les normes et réglementations peuvent varier beaucoup. Tous les organismes de réglementation doivent veiller à ce que les déplacements se fassent sans anicroches lorsqu'ils déterminent quelle est la meilleure façon de réglementer l'industrie.

À sa prochaine réunion, en avril, le CCTA examinera un projet de rapport d'évaluation de l'application du code volontaire que le secteur de l'autocar s'est donné relativement au service aux personnes handicapées. Le CCTA a aussi entendu dire que la délégation du pouvoir réglementaire aux provinces a entraîné des incohérences dans les services offerts aux personnes handicapées.

De plus, nous savons qu'il y a un manque de fonds fédéraux pour les projets et les mesures novatrices en matière d'accessibilité autant pour le secteur que pour les consommateurs. Nous avons récemment recommandé qu'on garantisse des fonds suffisants au Centre de développement des transports.

Notons que l'Office des transports du Canada a rendu public en 1992 un rapport intitulé En route vers l'accessibilité qui est tout aussi pertinent aujourd'hui. J'encourage fortement votre comité à examiner les recommandations contenues dans ce rapport portant sur le service interurbain par autocar.

Enfin, en cette ère de migration des populations, de fusions et de protocoles internationaux en matière de pollution, la collectivité des handicapés se fait de plus en plus insistante pour réclamer qu'on respecte ses droits à des services de transport.

Dans l'éventualité d'une déréglementation, on devra s'assurer que des normes de service et des mécanismes de reddition de comptes sont en place pour que les consommateurs handicapés puissent voyager dans la dignité. Si le secteur du transport par autocar affirme avoir besoin d'aide pour maintenir, améliorer et étendre ses services, les organismes de réglementation et le gouvernement devraient l'écouter et tenter de le comprendre. Si la collectivité des handicapés veut participer à la promotion du changement et à l'amélioration des services, on devrait la mettre à contribution.

Il est dans notre intérêt à tous de prévoir des options de transport rentables au sein de notre société. L'isolement économique et social ne devrait pas être permis dans le Canada du XXIe siècle. J'espère que votre rapport sur le transport interurbain par autocar donnera l'élan qui mènera vers l'amélioration, le changement et l'innovation.

La présidente: Monsieur Little, diriez-vous que le service par autocar offert aux personnes handicapées s'est amélioré de manière significative ces 10 dernières années?

M. Little: Je ne dirais pas qu'il s'est amélioré de manière significative.

Il est certain que, depuis 10 ans, l'accessibilité s'est lentement améliorée, mais cela ne s'applique pas nécessairement au parc existant. Vous avez entendu ce matin les représentants de Ontario Northland qui vous ont dit que quatre autocars sur 23 sont jugés accessibles. Ça, c'est le matériel roulant.

En ce qui a trait aux services offerts, par exemple, les réservations ou le service à la clientèle en général, c'est difficile à évaluer.

Il est certain que depuis 10 ans, le secteur a assumé la responsabilité de la formation continue. Je ne dirais pas qu'il y a eu des progrès significatifs, mais le secteur se dirige sur la bonne voie.

La présidente: À votre avis, quels sont les principaux problèmes qui persistent?

M. Little: Ils relèvent essentiellement de deux catégories. Il y a d'abord les services à la clientèle, où on n'est pas toujours sensible aux besoins particuliers des voyageurs ayant une déficience.

La plupart des gens savent en gros comment interagir avec une personne dont la mobilité est restreinte, mais ne savent trop comment répondre à un client qui est sourd, malentendant ou aveugle, tout simplement parce qu'ils n'ont pas les outils nécessaires pour répondre à ces besoins. Leur tâche est donc doublement difficile.

Il faut mettre l'accent sur la prestation des services et maintenir la pression, car le roulement est grand, comme ailleurs dans l'industrie des services, et il est difficile de s'assurer que tous les employés sont à la fine pointe de l'information quant à la façon de traiter avec les personnes handicapées.

Deuxièmement, il y a la question de l'accessibilité physique, de l'accessibilité des autocars, des diverses installations et des gares. Comme je l'ai dit dans mon exposé, beaucoup d'entre nous comprennent mal les messages qui sont diffusés dans les gares d'autocar. Imaginez un peu ce que c'est pour une personne sourde ou malentendante.

Ce genre de problème est facile à régler, mais les solutions doivent être intégrées à la culture d'ensemble de l'entreprise en matière de service à la clientèle. Tout cela s'inscrit dans un continuum. Vous ne pouvez tout simplement écrire sur un panneau ce que disent les messages verbaux. Les gens doivent savoir où se trouvent ces panneaux. Toutes ces mesures sont interreliées.

La présidente: Les personnes handicapées des petites localités ou des régions rurales sont-elles bien desservies?

M. Little: Si la localité rurale ou la petite ville se trouve entre deux grands centres urbains, il est probable qu'on y offrira des services d'autocar. Comme l'ont indiqué nos amis d'Ontario Northland, vous pouvez faire venir un autocar accessible à votre arrêt local en 48 heures.

Je sais que notre réseau routier est énorme et que 50 p. 100 des Canadiens vivent encore dans un milieu rural ou semi-rural et qu'il est donc impossible que chaque localité soit desservie par ce mode de transport.

À mon avis, les autocaristes font un certain effort pour aller là où se trouvent des petits groupes de clients, mais il leur faut quand même déterminer si c'est rentable pour eux.

Je sais qu'à certains endroits, on a mis fin au service ou qu'on ne peut l'obtenir qu'en allant plus loin qu'auparavant. En général, le Canada rural n'est probablement pas aussi bien desservi qu'il pourrait l'être, étant donné les problèmes qui existent au sein de ce secteur.

La présidente: Y a-t-il des différences entre les différents systèmes provinciaux qui ont surgi au cours des 10 dernières années et qui nuisent au public voyageur?

M. Little: Ces différences sont nuisibles aux voyageurs handicapés, car si on ne leur offre pas les services auxquels ils ont droit, ils ne savent pas toujours à qui demander des comptes. Ils ignorent si l'entreprise en question relève de l'organisme provincial de réglementation. Ils ignorent s'ils devraient s'adresser à Transports Canada, à l'OTC ou à quelqu'un d'autre. Au bout du compte, ils ne peuvent compter que sur le code de pratique que le secteur a accepté de suivre.

Les organismes de réglementation provinciaux s'intéressent beaucoup à la sécurité. Je crois savoir que c'est le Québec qui a les normes de sécurité les plus strictes en raison des graves accidents qui sont survenus.

Les autorités ont réagi et cela cause certaines difficultés pour les autocars interurbains qui passent par le Québec en venant du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario ou d'ailleurs.

Je ne pense pas que l'exploitant devrait être pénalisé du fait qu'il respecte une norme de sécurité élevée. Ce qui est sécuritaire dans la province la plus exigeante devrait l'être là où les normes sont moins strictes.

La personne handicapée qui fait face à un manque d'uniformité ne peut pas savoir ce qui est exigé par l'organisme de réglementation et ce qui l'est par les associations d'autocars. Elle ne sait pas non plus à qui s'adresser.

La présidente: Devrait-on envisager pour les personnes handicapées le système de fourgonnettes utilisé en Nouvelle- Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Little: On s'est déjà servi de fourgonnettes pour offrir un service de transport en commun local. C'est une façon acceptable de transporter les gens du point A au point B en milieu urbain. Je parle de villes comme Calgary ou même Toronto.

Je pense qu'on pourrait se servir de fourgonnettes pour offrir un service à l'échelle régionale. Il est certain que l'on peut adapter les fourgonnettes, pas seulement celles à 8 ou 10 places. Dans certains cas, on peut adapter des véhicules de 14 à 20 places. Ils peuvent tous être équipés d'une plate-forme élévatrice pour les personnes qui ont une mobilité réduite.

Dans le cas des déficiences sensorielles, on peut adapter les véhicules de toutes tailles. Le service à la clientèle s'applique également à toutes les tailles de véhicules.

Nous ne nous attendons pas à être transportés dans un gros autobus lorsque la compagnie peut offrir un service sûr et fiable dans un véhicule plus petit.

La présidente: Quel rôle selon vous le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans l'application de certaines règles — j'évite le mot règlement — à certains transporteurs?

M. Little: Je pense que c'est important. Comme un représentant de Coach Canada l'a dit ce matin, le gouvernement fédéral a toujours joué un certain rôle dans le secteur des autobus. Il serait approprié je crois qu'il s'assure que le service en général offert aux personnes handicapées respecte une norme précise et qu'il y ait des mécanismes précis pour répondre aux insuffisances.

Cela ne signifie pas pour autant niveler par le bas comme on l'a fait dans le cas du Code national du bâtiment. Adoptons plutôt un niveau qui corresponde au voeu des voyageurs handicapés.

Les autocaristes ont eux-mêmes négocié avec les personnes handicapées un code de pratique pour la mise en place de services accessibles qu'ils ont promis de respecter. Les personnes handicapées préféreraient peut-être avoir un service dans les 24 heures plutôt que 48 et on s'entendra peut-être sur 36. De toute façon, la plupart des gens font leurs réservations un peu à l'avance. Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle dans l'établissement de normes qui s'appliquent sans égard à l'organisme de réglementation.

Le sénateur Gustafson: Je n'ai qu'une seule question, monsieur Little, qui va au coeur de notre présence ici.

Vous dites que si l'on entreprend une déréglementation, il faudra s'assurer que les normes de service et que les mécanismes de responsabilisation sont bien en place pour permettre au client handicapé de voyager dans la dignité.

J'en déduis que vous ne vous prononcez pas vraiment sur l'opportunité de déréglementer ou pas. Ce qui compte, c'est que le service soit offert et qu'il continue de s'améliorer. C'est bien cela?

M. Little: Oui. Dans le cas des compagnies aériennes, des liaisons maritimes et du transport ferroviaire, la responsabilité d'offrir le service est passée d'un gouvernement ou d'un organisme à un autre, que ce soit au niveau fédéral ou local. On semble nous avoir oubliés lorsque les provinces se sont délestées de leurs responsabilités sur les municipalités.

Il y a des municipalités ou des gouvernements qui relèvent le défi mais d'autres tardent à le faire. En attendant, les personnes handicapées doivent lutter pour conserver les acquis. C'est dommage.

Le sénateur Gustafson: Tous les Canadiens souscrivent sans doute à ce que vous avez demandé dans le secteur des transports, ce qui ne veut pas dire toutefois que cela ne présente pas de difficultés.

M. Little: Oui. Dans le mémoire, j'ai aussi parlé des normes d'aménagement universelles. Ce ne sont pas des normes d'aménagement pour accès facile, mais elles permettent de s'assurer que les caractéristiques d'un service, que ce soit l'hôtel ou un mode de transport, profitent au plus grand nombre possible plutôt qu'à un petit groupe. Cela devient de plus en plus la règle, au point où je crois que même la ville de Winnipeg et son aéroport ont collaboré pour mettre en oeuvre des normes d'aménagement universelles.

D'aucuns diront que c'est plus compliqué pour les autocars. D'autres vous répondront: Où est la difficulté? Il y a des gares routières et il y a des autocars. Occupez-vous en. Le fait est qu'il faut y réfléchir. Si les exploitants en font un objectif de gestion, cela peut être fait.

Le sénateur Adams: Quand nous sommes allés à Calgary, nous avons vu un nouvel autobus adapté pour recevoir des fauteuils roulants. Je pense qu'il en coûte 30 000 $ de plus pour équiper un autobus d'une plate-forme et d'une toilette. Est-ce que c'est au gouvernement canadien de subventionner le secteur pour équiper les autobus de cette façon?

M. Little: Quand j'ai soulevé la question auprès de mes collègues du secteur, ils n'ont pas manqué de me rappeler que leur seule source de fonds pour l'équipement des véhicules — tout est possible — c'est la boîte de péage. Si la demande le justifie, cela peut se faire relativement vite, au fur et à mesure que le matériel roulant est remplacé ou modifié.

Ils m'ont aussi rappelé que contrairement aux autres modes de transport, ils ne reçoivent pas de subvention d'aménagement et se sentent pénalisés. Malgré tout, et il faut leur en savoir gré, ils ont pris sur eux d'aménager l'entrée et la sortie du bus.

Ils ont aussi rappelé que, si l'on veut être réaliste, pour recevoir quelqu'un en fauteuil roulant dans un car de 45 ou de 54 places, il faut parfois retirer quatre places. Cela fait quatre passagers payants de moins.

Certes, contrairement aux avions, les autocars ne sont pas pleins tout le temps, si bien que c'est un peu un faux problème. N'empêche, ils prennent la capacité du véhicule et se disent que pour faire un bénéfice ils doivent vendre tant de places. S'il faut en enlever quatre pour accueillir un seul voyageur, il faut en tenir compte.

Par contre, des aménagements novateurs comme ceux proposés par le Centre de développement des transports pourraient réduire le nombre de places à supprimer. Améliorer la technologie d'accès, à l'entrée et à la sortie du car, pourrait réduire les coûts et profiter à tout le monde.

J'hésite à dire que le gouvernement devrait payer lui-même pour ce genre de choses parce que beaucoup de mes amis parmi les personnes handicapées diront qu'il s'agit d'une obligation pour le fournisseur du service. On ne subventionne pas les épiciers pour que leur commerce soit accessible. Pourquoi devrait-on le faire dans le cas des autocars?

D'autres diront que les cars et les épiceries sont deux choses différentes et qu'il y a des façons novatrices d'aider les autocaristes, au moyen d'allégements fiscaux ou autrement.

Je pense qu'il serait possible de trouver plusieurs solutions si vous posiez des questions précises à des spécialistes.

Le sénateur Adams: Qu'en est-il du cas d'un aveugle qui veut voyager avec un chien guide? Actuellement, il n'y a pas de règlement applicable aux autocars. Cela signifie qu'un aveugle ne pourra pas faire monter son chien à bord du car.

M. Little: Les chiens guide et les chiens d'assistance montent maintenant à bord des autocars sans frais. Selon le degré de connaissance du chauffeur ou du guichetier, la personne dira: Il n'y a aucun problème, allez-y et saura exactement ce qu'il faut faire. Ou la personne dira: Oh la la, je ne sais pas si on a le droit de faire monter un animal à bord. Il faudra le mettre dans une cage dans la soute à bagages. Mais la plupart des gens insistent et disent: Non, le chien voyage avec moi. Et 99 p. 100 du temps, ce n'est pas un problème.

Le sénateur Adams: Oui, c'est précisément ce qui m'inquiétait.

Je vis dans l'Arctique. En cas d'urgences médicales, les malades sont placés à bord d'un avion de ligne. S'il est sur une civière, il pourra occuper jusqu'à cinq ou six places et la compagnie va vous faire payer.

M. Little: C'est vrai.

Le sénateur Adams: Je ne sais pas ce que l'on fait dans le cas des autocars.

Red Arrow a un nouveau véhicule équipé de stores aux fenêtres et d'un panneau en braille. J'ai trouvé cela intéressant. Est-ce que les services pour les personnes handicapées coûtent très cher?

M. Little: Un grand nombre d'aménagements, surtout dans le cas des déficiences sensorielles, coûtent très peu. Il s'agit seulement de réfléchir un peu et de mettre les choses au bon endroit.

C'est aux voyageurs à mobilité réduite que l'on accorde le plus d'attention parce qu'ils sont le plus souvent, comme moi, en fauteuil roulant. On évalue de mieux en mieux leurs besoins.

Je me souviens d'avoir pris le car en Saskatchewan où on m'a littéralement soulevé de terre pour m'emmener jusqu'à mon fauteuil. Pour bien des gens, ce n'est pas une solution réaliste pour aller d'un endroit à l'autre parce que le chauffeur ne peut pas faire tout seul ce que deux personnes ont fait.

Les choses se sont beaucoup améliorées au fil des années, même si cela n'a pas été chose facile.

Le sénateur Maheu: J'ai beaucoup aimé votre exposé, monsieur Little. Vous m'avez ouvert les yeux sur bien des choses.

Je dois dire qu'il a fallu quelques accidents très graves pour que la sécurité soit prise au sérieux au Québec.

Les choses se sont-elles améliorées autant dans d'autres provinces?

M. Little: Pas autant qu'au Québec. Je ne suis pas le dossier de la sécurité attentivement dans le secteur du transport par autocar, mais je crois comprendre que la qualité s'améliore régulièrement.

Ce qui m'inquiète, c'est de savoir où se situe le voyageur handicapé par rapport à ces normes? Malheureusement, comme je le disais, la mise en oeuvre est inégale.

Le sénateur Maheu: Je vous comprends. Dans vos consultations avec les divers groupes du pays, avez-vous constaté qu'il y a suffisamment de transport public ou semi-public? Je ne parle pas ici d'installations aménagées.

M. Little: Comme je l'ai dit dans mon exposé, un des points à l'ordre du jour de notre rencontre de la semaine prochaine à Ottawa est l'examen d'un rapport sur l'application du code de pratique pour la mise en place de services accessibles. Je ne peux pas vous le remettre parce qu'il n'a pas encore été présenté officiellement au ministre, mais je peux vous dire, d'après les tableaux que j'ai vus, que la satisfaction est relativement élevée. Je pense qu'entre 60 et 70 p. 100 des personnes handicapées interviewées se sont dites satisfaites des services reçus.

Les autres avaient des reproches précis à faire, souvent concernant l'insensibilité des employés ou le fait qu'il n'y avait aucun aménagement pour leur déficience particulière. Je pense notamment aux déficiences sensorielles, lorsque les annonces dans l'autocar ou dans la gare routière ne sont faites que de vive voix, sans se soucier que certaines personnes ont des besoins particuliers en matière de communication.

Dès que le rapport aura été remis au ministre, je crois qu'il serait bon que le comité en prenne connaissance. Il montre bien la conception que les personnes handicapées qui ont répondu ont des autocaristes et la manière dont ces derniers répondent à leur propre code.

Le sénateur Maheu: Pourriez-vous me parler un peu du Centre de développement des transports? Quelle est sa raison d'être, sa fonction?

M. Little: Il est à Montréal et, comme son nom l'indique, il appartient au ministère des Transports. Sa mission est de développer des projets ou des prototypes qui répondent aux besoins du voyageur handicapé surtout, mais non exclusivement.

Quand le secteur éprouve un besoin particulier et arrive à convaincre le Centre, celui-ci peut effectuer des travaux et créer un prototype, que ce soit une plate-forme d'embarquement pour un avion ou une plate-forme élévatrice pour l'autocar. Il a aussi réalisé des enquêtes d'ordre général sur les besoins et fait le point de la situation. C'est un groupe de recherche et de réflexion qui se penche sur des problèmes particuliers.

Il y a une dizaine d'années, on avait besoin de commandes manuelles portables pour les voitures de location et il a décidé de s'en occuper. Il a obtenu l'aide de l'Association canadienne de normalisation et conçu une norme pour les commandes manuelles portables utilisées par les compagnies de location de voitures dans les aéroports qui étaient tenues de pouvoir prendre en charge les personnes handicapées.

Certains s'étaient plaints que les commandes manuelles se démontaient pendant que la personne conduisait et le Centre s'est attaqué à cette tâche. De la même façon, on avait besoin d'un appareil pour faciliter l'embarquement à bord d'un petit appareil, comme un Dash-8, et il a créé un modèle de travail qui s'est avéré efficace. Voilà comment il agit avec le secteur et les consommateurs.

La présidente: Monsieur Little, je vous remercie beaucoup d'être venu. Si vous avez des documents ou des renseignements à nous transmettre, nous serons heureux de les recevoir.

Nous entendrons maintenant la Ontario Motor Coach Association.

M. David Carroll, directeur de la sécurité et de l'entretien, Ontario Motor Coach Association: Mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes heureux de pouvoir prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications. On ne saurait surestimer l'importance de l'étude que vous avez entreprise et nous sommes convaincus que le secteur, la population canadienne et l'environnement profiteront des mesures que l'État prendra pour encourager la fréquentation des autocars.

M. Ray Burley, président du Conseil, Ontario Motor Coach Association et propriétaire de Can-ar Coach Service: Mesdames et messieurs, l'OMCA est le porte-parole des autocaristes ontariens. L'Association compte plus de 1 200 membres et représente 80 autocaristes, plus de 100 voyagistes et 800 vendeurs affiliés au secteur du tourisme de groupe, y compris des attractions, des destinations, des hôteliers et des postes de vente au détail partout en Amérique du Nord.

M. Carroll: Nous estimons qu'il y a environ 1 300 autocars en Ontario. Nous desservons 1 100 localités ontariennes. Les services interurbains comprennent normalement les services à horaire fixe, les cars nolisés, les circuits, les navettes et les services à contrat. Nous assurons un service de transport voyageur public essentiel sans subvention de l'État.

Il est établi que les déplacements en autocar réduisent la congestion routière, les embouteillages dans les grands centres urbains ainsi que la pollution. Le secteur du tourisme ontarien, d'une valeur d'un milliard de dollars, dépend d'un service d'autocars fort, souple et adaptable. De plus, les autocaristes paient des taxes et des impôts, procurent de l'emploi à des milliers d'Ontariens et contribuent pour beaucoup au bien-être économique de l'Ontario.

M. Burley: Notre secteur est fier de ses atouts, qui le distinguent des autres modes de transport et des autres genres de véhicules automobiles. D'après Transports Canada et le département des Transports des États-Unis, les autocars sont le mode de transport des voyageurs le plus sûr qui soit.

C'est non seulement sûr mais le transport interurbain par autocar est le mode de déplacement le plus rapide sur de courtes distances et il est le moins néfaste pour l'environnement de tous les modes de transport de voyageurs. Notre secteur est financé et exploité par des intérêts privés. Contrairement à d'autres modes, les contribuables ne financent pas notre matériel roulant, nos garages et nos gares. Nos véhicules sont à la pointe du progrès et nous offrons aux Ontariens et aux centaines de milliers de visiteurs dans notre province un service confortable, fiable, abordable et tout à fait accessible.

M. Carroll: Les transports interurbains par autocar en Ontario ont de façon générale des difficultés. C'est un secteur à forte concentration de capitaux. Les autocars modernes coûtant plus d'un demi-million de dollars avant taxes, le rendement du capital investi est assez faible.

Les subventions gouvernementales à nos concurrents comme VIA Rail et les transports municipaux, font que les exploitants d'autocars sont défavorisés. Le Comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada, dans son rapport déposé au Parlement en juillet 2001, indiquait que la documentation du gouvernement concernant les décisions touchant le financement de VIA Rail n'expliquait pas de façon explicite pourquoi le transport ferroviaire interurbain de voyageurs faisait concurrence à des solutions commerciales comme le transport aérien et le transport par autocar. Le comité d'examen a également signalé que le coût du réseau ferroviaire par passager-kilomètre est plus de quatre fois supérieur au coût social total du transport interurbain par autocar.

Notre secteur souffre d'un problème d'image. Des tas de gens ne savent pas que nous offrons des autocars à la pointe du progrès et des services novateurs. Certains estiment que le transport par autocar est le dernier recours. C'est en partie parce que nous n'avons pas fait le nécessaire en matière de marketing et de développement. Mais c'est surtout du fait de l'ingérence gouvernementale. Dans certaines villes, il est illégal aux compagnies d'autocars privées d'utiliser les voies réservées aux autobus. Les responsables de l'application des règlements et la police ciblent les autocars pour les infractions de stationnement quand ceux-ci viennent déposer ou prendre des groupes devant les hôtels ou attractions touristiques. Nous faisons face à la concurrence directe d'entités gouvernementales subventionnées par les contribuables. En outre, beaucoup de villes et d'entreprises de transports régionaux gouvernementales semblent hésiter à créer des partenariats avec des entreprises privées de transport par autocar. Nous vous donnerons d'autres détails à ce sujet dans quelques minutes.

Notre secteur a d'autre part souffert des amendements apportés à la Loi sur les véhicules de transport en commun de l'Ontario en 1996. Il ne devait s'agir que de mesures temporaires afin de faciliter une transition vers un secteur entièrement déréglementé en Ontario. Toutefois, on n'en est jamais venu à la déréglementation mais les dispositions transitoires de la Loi sur les véhicules de transport en commun et la Loi sur la Commission des transports routiers de l'Ontario continuent à régir la réglementation économique de ce secteur.

Un gros souci pour notre industrie est l'incertitude créée par le gouvernement ontarien quant à l'avenir de la réglementation économique.

M. Burley: Le transport interurbain par autocar de l'Ontario risque de sérieusement souffrir si la province poursuit ses projets de développement du service de transport par autocar régional subventionnés et gérés par le gouvernement dans des centres qui sont actuellement desservis par des transporteurs privés non subventionnés. À l'heure actuelle, des transporteurs viables, efficaces, qui créent de l'emploi et paient des impôts desservent ces centres en offrant un total de 194 voyages réguliers par jour à destination et en provenance de Toronto.

Le développement du service d'autocar géré par le gouvernement menacerait l'avenir de ces sociétés et représenterait un coût accru pour les contribuables ontariens. Si le gouvernement en vient là, cela reviendra à nationaliser le transport par autocar dans cette région de l'Ontario. Cela aura une incidence sur d'autres services interurbains actuellement offerts par le secteur privé, notamment les services réguliers, les services nolisés, les services touristiques et à contrat. Ce ne sera plus une question de réglementation/déréglementation économique.

D'après nous, la participation du gouvernement aux services de transport régionaux ne devrait pas être une prestation directe de service qui concurrence le secteur privé. Le gouvernement devrait se limiter à la coordination et à la planification.

Un autre exemple de concurrence subventionnée est la décision de la TTC d'offrir un service d'autobus entre les stations de métro TTC et l'aéroport Pearson. Un transporteur privé offrait un service de qualité non subventionné sur ce trajet mais a dû cesser son activité ne pouvant faire face à la concurrence que représente ce tarif de 2,25 $. Nous pensons qu'il est tout à fait anormal qu'une entreprise fortement subventionnée et gérée par le gouvernement concurrence directement un transporteur privé non subventionné.

M. Carroll: Les entreprises de transport en commun urbain bénéficient de la disposition de la Loi sur les municipalités de l'Ontario concernant les services faisant l'objet d'un monopole qui permet aux municipalités d'adopter des règlements visant à interdire un service concurrent. Toutefois, rien n'empêche les entreprises municipales de transport d'élargir leurs services subventionnés au-delà des frontières de la municipalité. Les municipalités peuvent profiter pleinement de leur situation de monopole et de services subventionnés pour assurer les services de navette et services nolisés pour des congrès. Rien d'étonnant à ce que les transporteurs hésitent à investir jusqu'à 100 000 $ pour obtenir un permis, sans aucun recours si on le leur refuse, quand on leur dit qu'ils ne peuvent desservir que les routes secondaires ou faire face à la concurrence d'entreprises gérées par le gouvernement.

M. Burley: On entend sans arrêt les municipalités demander aux gouvernements fédéral et provinciaux d'augmenter les budgets de transport urbain. Les réseaux de transport gérés par les municipalités sont moins efficaces que les services à contrat offerts par des entreprises privées. Toutefois, malgré l'amélioration dans la prestation des services et les économies évidentes, beaucoup de villes sont fermement opposées à la mise en concurrence. Ne l'oubliez pas si vous recevez les représentants des services de transport urbain. Autrefois, ils s'opposaient à la déréglementation et demandaient plus d'argent pour financer leurs activités.

Les appels d'offres pour les services de transport urbain fonctionnent très bien dans 20 municipalités de l'Ontario, dont cinq dans le Grand Toronto. Chatham Transit a recours à une entreprise privée depuis plus de 46 ans. Il y a des exemples dans le monde entier qui montrent que l'on peut économiser jusqu'à 51 p. 100 par rapport à une exploitation municipale directe. Le Québec est en avance sur l'Ontario. Il s'agit d'un partenariat public-privé qui permet aux transporteurs à contrat d'offrir des services de transport régionaux dans la région de Montréal.

Les compagnies d'autocars privées ontariennes ont les moyens de transporter les banlieusards et autres voyageurs efficacement et en toute sécurité. Toutefois, il nous faut pouvoir développer nos opérations pour demeurer viables et offrir n'importe quel service interurbain.

M. Carroll: Les contrôles régulatoires économiques existent en Ontario depuis 1929 lorsque fut adoptée la Loi sur les véhicules de transport en commun pour réglementer les services réguliers. À l'époque, il n'était pas question de voyages nolisés ni d'excursions. En fait, la loi ne traite toujours que des services réguliers alors que les services nolisés sont abordés dans le Règlement.

En août 1995, le nouveau gouvernement ontarien a annoncé qu'il déréglementerait le transport interurbain par autocar en Ontario. L'OMCA et ses membres s'y sont opposés. Ils ont demandé qu'on leur donne jusqu'à janvier 1999 pour se préparer et s'adapter. Le gouvernement ontarien a déclaré que 1999 serait trop tard. Finalement, le secteur privé et le gouvernement sont parvenus à un compromis et l'on décida que la déréglementation interviendrait le 1er janvier 1998.

L'ancien ministre ontarien des Transports Al Palladini a déclaré à l'Assemblée législative de l'Ontario le 4 avril 1996 que:

Le gouvernement s'engage à éliminer les obstacles à la croissance économique et à l'investissement. La question de la réglementation va être réglée.

Il a d'autre part dit:

Le transport par autocar est le dernier mode de transport canadien assujetti à des contrôles d'entrée sur le marché.

Il a ajouté que:

Il n'y a aucune raison que le gouvernement dise aux entreprises comment gérer leurs affaires, sauf en matière de sécurité.

M. Burley: Les amendements transitoires qui ont été apportés en 1996 à la Loi sur la Commission des transports routiers de l'Ontario et à la Loi sur les véhicules de transport en commun visaient à élargir les pouvoirs de la commission et rationaliser ses activités. Ces amendements étaient peut-être appropriés pour un secteur en transition, mais la loi et les pouvoirs de la commission ne sont plus appropriés dans le contexte actuel de réglementation. Nous sommes particulièrement inquiets que les transporteurs n'aient pas de droit d'appel et que tout ordre et décision de la commission soit final et exécutoire.

M. Carroll: Malgré les coûts préparatoires importants qu'a supportés le secteur et les amendements transitoires majeurs à la loi, le gouvernement est revenu sur sa promesse de l'été 1998 quelques mois après la date de déréglementation annoncée. Il a ensuite dit qu'il déréglementerait quand le gouvernement fédéral déréglementerait les transports extraprovinciaux.

En attendant, les transporteurs par autocar, faisant preuve de bonne foi, se préparaient à la déréglementation. Ils ont acheté des nouveaux autocars à 550 000 $ pièce et ont conclu des contrats obligatoires avec des organisateurs de voyages. Des entreprises familiales ont été achetées et vendues en fonction de la valeur des permis d'exploitation. Le secteur des autocars de l'Ontario a été trompé par le gouvernement provincial. Les entreprises de transport par autocar ont subi des pertes s'étant engagées à faire certains investissements et ayant signé des contrats qu'elles n'ont pu légalement honorer. La confusion et le climat d'incertitude qui en est résulté ont entravé ce secteur dont les possibilités d'investissement et de croissance se sont trouvées limitées.

M. Burley: Le ministère des Transports et la Police provinciale de l'Ontario font rarement appliquer les articles de la Loi sur les véhicules de transport en commun concernant la réglementation économique. C'est en fait le secteur privé qui doit porter plainte contre les activités menées sans permis auprès de la Commission des transports routiers de l'Ontario qui peut alors charger un enquêteur de l'affaire. Autrement dit, l'application de la loi dépend des plaintes qui sont portées et c'est celui qui porte plainte qui doit payer. Ainsi, seuls ceux qui peuvent se le permettre portent plainte contre des transporteurs travaillant sans permis. C'est la commission qui décide des coûts à faire supporter par ces compagnies opérant illégalement.

Ce système laisse beaucoup à désirer étant donné que l'effet de la réglementation économique est directement proportionnel à la mesure dans laquelle sont appliquées les règles.

M. Carroll: Voilà sept ans que les gouvernements provincial et fédéral nous laissent dans l'incertitude et ceci a eu des effets très néfastes sur notre secteur. Les gouvernements ne peuvent certainement pas se féliciter de la situation actuelle des contrôles de réglementation économique dans le secteur du transport par autocar au Canada.

M. Burley: En 1995, plus de 90 p. 100 de nos membres s'opposaient à la déréglementation économique. Toutefois, ils ont dû accepter la décision du gouvernement et se sont préparés en conséquence. Aujourd'hui, nous sommes divisés sur la question. Environ la moitié aimerait que le secteur soit déréglementé et la moitié préférerait que l'on maintienne la réglementation économique.

L'OMCA appuie la Position des quatre associations présentée au Comité permanent du Sénat lors de ses audiences à Vancouver lundi dernier. Nous estimons que le gouvernement fédéral, pour tous les facteurs et enjeux en cause, devra finalement décider si les contrôles de réglementation économique servent au mieux l'intérêt public.

S'il décide de maintenir la réglementation économique, des changements devraient être apportés à la réglementation afin qu'elle permette d'atteindre les objectifs poursuivis. Si le gouvernement décide de déréglementer ce secteur, cela devrait se faire progressivement afin que l'on puisse mettre en application les dispositions nécessaires en matière de sécurité. Des détails sur ces deux options sont donnés dans la Position des quatre associations qui est annexée à notre mémoire.

M. Carroll: Nous ne croyons pas que la réglementation économique et la sécurité soient intrinsèquement liées. La réglementation économique n'est pas une panacée pour la sécurité. Les gouvernements provinciaux ont établi des régimes rigoureux de sécurité pour les transporteurs qui ont amélioré en général la sécurité des véhicules commerciaux — notamment le certificat d'enregistrement du conducteur du véhicule utilitaire, l'évaluation du transporteur en matière de sécurité, les vérifications des installations et autres normes énoncées dans le Code national de sécurité.

En Ontario, le régime de réglementation économique ne garantit même pas que la sécurité soit prise en compte dans la détermination de l'utilité et de l'intérêt publics.

M. Burley: Même si les transporteurs nolisés ont toujours desservi et continueront de desservir l'Ontario rural, on craint que certains interrompent quelques services ruraux réguliers si le secteur est déréglementé. Par contre, certains déclarent qu'ils augmenteront au contraire leurs services.

On ne sait pas combien de trajets sont actuellement exploités du fait de l'interfinancement. Même si l'entrée sur le marché est strictement contrôlée, il n'y a pas de réglementation efficace en ce qui concerne la sortie du marché. Le transporteur peut tout simplement aviser qu'il met fin au service.

Le niveau de service rural dépend surtout de la croissance ou du déclin démographique dans l'Ontario rural. Il est certain que certains services ruraux disparaîtront du fait de la déréglementation.

M. Carroll: En 1998, les professeurs Andrew Stark et Michael Krashinsky ont mené une étude sur la déréglementation économique du transport par autocar pour le compte du gouvernement ontarien. Ils notaient dans leur rapport que:

En Ontario, le régime de réglementation économique actuel est essentiellement inefficace pour protéger les services dans les petites villes. Si un transporteur ne veut plus exploiter un trajet particulier, rien ne peut l'empêcher d'abandonner ce trajet même aujourd'hui; et beaucoup perdront de toute façon le service au fur et à mesure de la déréglementation.

M. Burley: Ce rapport mentionnait que la perte de service provoquée ou accélérée par la déréglementation pourrait être mitigée, même renversée, par d'autres types de services. Il notait en outre que la déréglementation ne ferait pas un marché de monopole. En fait, cela permettrait de diminuer la domination d'un transporteur unique en permettant une concurrence sur les marchés. La concurrence est après tout un excellent facteur d'égalité et le principe fondamental sur lequel reposent les économies libres.

Nous sommes certains que le comité se montrera objectif et examinera les mérites fondamentaux qu'offre un marché équitable, la survie et la viabilité financière de notre secteur et la façon dont le grand public peut être le mieux servi. Notre secteur, nos passagers et le public en général devraient savoir ce que le gouvernement fédéral attend d'un réseau de transport interurbain, tant à court qu'à long terme. Nous invitons instamment le Comité sénatorial à accélérer son étude pour qu'une décision puisse être prise rapidement au sujet de la réglementation économique. Sans stratégie nationale de transport, sans savoir exactement quel est le rôle de notre secteur, et sans un certain degré de certitude quant à la réglementation que nous devons suivre, notre secteur risque de se détériorer, de ne pas avoir la vision voulue et de ne pas se développer en fonction des besoins futurs des Canadiens.

La présidente: Merci de tous ces renseignements que vous nous avez donnés, en particulier à propos de la situation en Ontario.

À la page 3 de la Position des quatre associations, vous acceptez que les provinces qui ne sont pas assujetties à une réglementation économique restent dans cette situation. Cela mènerait à un régime de réglementation inégal entre les provinces. Toutefois, à la page 4, vous parlez d'une solution uniforme à la réglementation économique. Comment conciliez-vous ces deux points de vue?

M. Brian Crow, président, Ontario Motor Coach Association: Madame la présidente, la possibilité pour une province de ne pas adopter la réglementation ne s'applique qu'à l'aspect économique. Cela ne s'applique pas à la composante sécurité dont nous parlons au premier chapitre. Nous disons que l'on devrait avoir un système commun pour obtenir un permis d'exploitation partout au Canada, en ce qui concerne la partie A, à savoir la sécurité. Pour ce qui est de la partie B, réglementation économique, nous disons qu'une province n'est pas forcée de l'adopter.

C'est simplement reconnaître que certaines provinces ont déjà opté pour la déréglementation. Il pourrait être difficile pour elles d'y revenir. Nous espérons qu'elles seraient favorables à cette position afin que nous puissions obtenir le premier élément, qui est la sécurité. Elles ne seraient pas forcées pour autant d'adopter l'élément réglementation économique.

La présidente: Vous dites aussi qu'il appartient au gouvernement de décider en matière de réglementation économique. Toutefois, vous proposez qu'un régime de réglementation serve l'utilité et l'intérêt publics. C'est de toute évidence une question d'intérêt public face à un régime de réglementation économique. Cela semble indiquer qu'à votre avis un des principes sur lesquels repose un bon système de transport par autocar est la réglementation économique. Est-ce bien cela?

M. Crow: Nous disons que pour que le secteur puisse bien se porter, il faut qu'il sache quelles sont les règles du jeu, quelle est la politique nationale, à quelle réglementation il est assujetti. C'est cela qui est important. Nous voulons nous développer. Nous voulons transporter tous les Canadiens où qu'ils veuillent. Comme on l'a déjà expliqué, il faut une politique. Il nous faut savoir quel est notre rôle dans le contexte d'une politique nationale des transports.

Si le gouvernement décide que la réglementation économique sert l'intérêt public, nous sommes prêts à l'accepter et à nous y adapter. Nous avons fait certaines recommandations sur la façon dont cela pourrait être appliqué. Si le gouvernement décide que l'intérêt public est de déréglementer, nous avons aussi des recommandations à ce sujet.

Nous avons donné au gouvernement un avis sur ce que nous souhaitions en matière de déréglementation. Il ne nous a pas écoutés. Comme nous l'avons expliqué, nous nous sommes alors adaptés et nous avons essayé de supporter ce qu'avait décidé le gouvernement, ce qui nous désavantageait beaucoup. Il est difficile d'obtenir que les transporteurs, et les associations, présentent une position en matière de réglementation quand certains pensent que notre avis n'intéresse personne, du moins d'après l'expérience que nous avons eue en Ontario, et quand notre secteur est de toute façon divisé à ce sujet. C'est la raison pour laquelle notre position est ce qu'elle est.

La présidente: J'ai été surprise que le rapport des deux professeurs daté de 1998 n'ait pas reçu de suite du ministère provincial des Transports.

M. Crow: Vous devriez poser la question au ministère. Nous avons obtenu ce rapport par le Bureau de l'accès à l'information. Nous avons présenté notre demande et, une semaine plus tard, il était rendu public. Il a été rendu public par le ministère des Transports, mais je vous invite à lui demander pourquoi il n'a rien fait à ce sujet.

La présidente: Si les gouvernements optaient pour la déréglementation économique, vous dites à trois reprises au moins dans votre document qu'il faudrait le faire progressivement, sur une période d'au moins trois ans. Est-ce que ça ne vous semble pas un peu long? En effet, il y a déjà 10 ans que la Commission royale a recommandé la déréglementation économique.

M. Crow: Il y a quatre ou cinq ans déjà que la province a annoncé qu'elle allait déréglementer notre secteur. Cela ne s'est pas fait. En effet, trois ans, c'est long.

Un des éléments que nous suggérons, madame la présidente, c'est que lorsqu'une entreprise ou un transporteur veut se lancer dans le transport par autocar, il soit tenu d'obtenir une autorisation quelconque — en particulier en ce qui concerne la sécurité. Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, un transporteur doit faire faire une inspection ou une vérification avant de commencer à exploiter son entreprise. Quelles sont les règles? Quel est le test requis en matière de toxicomanie? Quelles sont les conditions de sécurité à imposer quant à la façon d'opérer?

Nous estimons qu'il faudra trois ans pour que le gouvernement élabore et mette en oeuvre nos recommandations dans ces secteurs. C'est parce que nous croyons, avec optimisme ou pessimisme, qu'il faudra trois ans pour mettre en oeuvre les changements que nous suggérons.

La présidente: Seriez-vous favorable à une norme nationale proposée, par exemple, par le gouvernement fédéral aux provinces après consultation avec celles-ci?

M. Crow: Une norme nationale en matière de sécurité?

La présidente: Oui.

M. Crow: Absolument. Dave Carroll serait probablement mieux placé pour répondre et vous donner des détails. Nous suivons actuellement un Code national de sécurité. M. Carroll pourrait vous donner des explications. Toutefois, une des difficultés est que l'application est laissée aux provinces. Ce n'est donc pas homogène d'une province à l'autre. Des pourparlers sont en cours à ce sujet. M. Carroll siège à ces comités. Nous croyons fermement à un Code national de sécurité qui serait appliqué uniformément dans tout le pays.

Cela répond-il à votre question? Si vous souhaitez d'autres détails, M. Carroll pourrait vous en donner.

La présidente: Je voulais simplement savoir ce que vous pensiez d'un Code national de sécurité.

M. Carroll: Le Code national de sécurité comprend 13 normes qui couvrent des choses comme les permis de conduire, les inspections préalables aux voyages et les heures de travail. C'est une norme globale. Les provinces semblent en général d'accord. Dans l'ensemble, le système est assez uniforme d'un bout à l'autre du pays. Il y a des différences mineures. Toutefois, les provinces s'entendent en général sur ces normes.

Le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé et Transports Canada y travaillent. Ils se réunissent régulièrement. Il y a plusieurs groupes de travail. Il y a donc une très bonne collaboration entre les provinces afin d'essayer de parvenir à une série de règles uniformes. Nous n'avons pas le problème que vous a décrit Ontario Northland ce matin: où trouver quelles règles s'appliquent? Je crois que les choses se passent bien sur ce front.

M. Crow: Madame la présidente, j'aimerais dire un mot à propos d'une politique nationale sur laquelle nous sommes d'accord. Je reviendrai sur un ou deux points abordés tout à l'heure.

Il existe une norme nationale mais tout le monde n'est pas tenu de la suivre. Les transporteurs municipaux n'ont pas à respecter les heures de travail. Nous sommes limités dans le nombre d'heures qu'un conducteur peut faire. Les transporteurs municipaux ne sont pas limités. Toutefois, ce sont nos concurrents.

Cela m'amène à la question de justice et d'égalité. Nous payons la TPS. Nous faisons payer la TPS. Nous ne sommes pas subventionnés. Nous devons nous conformer à des normes de sécurité qui ne touchent pas nos concurrents. On se demande pourquoi nous ne nous développons pas.

Le sénateur Gustafson: Vous avez indiqué clairement que l'interaction gouvernementale est votre plus grande crainte. Ce n'est pas la crainte de la déréglementation ou de la réglementation mais le fait que l'on ne sait jamais à quoi s'en tenir. Est-ce bien cela?

M. Crow: Tout à fait. La crainte de l'interaction gouvernementale est un élément. Notre autre crainte est l'ingérence gouvernementale, dans le contexte des municipalités. Nous avons essayé de construire à Toronto une nouvelle gare routière intermodale. Greyhound Coach Canada, l'ONTC et l'OMCA ont consacré des milliers de dollars et d'heures à cela parce que la gare routière appartenant au gouvernement à Toronto nous a demandé d'évacuer. Nous avons donc consacré tout ce temps et cet argent, trouvé un autre endroit, un entrepreneur et acheté le terrain. La ville de Toronto nous a alors dit que nous ne pouvions pas déménager, que nous devions rester à la gare existante. L'ingérence gouvernementale est donc une réalité.

À propos du transport urbain, nous avons demandé au chef de police de Toronto de nous répondre, ce qu'il n'a pas fait. Les agents de police nous ont déclaré que les autorités du transport urbain les obligent à aller donner des contraventions à nos autocars. Vous êtes ici dans un bon hôtel. À un autre hôtel en ville, au Centre Sheraton, nous ne pouvons pas nous arrêter pour prendre des passagers parce que l'arrêt et le stationnement sont interdits. La ville de Toronto nous a finalement accordé deux emplacements de stationnement — pas pour stationner mais pour prendre des passagers. Nous pensions avoir gagné la bataille. Maintenant on nous met des contraventions non pas parce que nous arrêtons pour ramasser des passagers mais parce que nous essayons de charger leurs bagages, parce que leurs bagages c'est de la marchandise. Nous pouvons donc nous arrêter pour prendre des passagers mais pas leurs bagages. Je peux vous dire que la majorité des passagers que nous prenons au Centre Sheraton sont des touristes asiatiques qui dépensent probablement de 10 000 $ à 20 000 $ par jour dans cette ville. Nous devons leur expliquer pourquoi nous attrapons des contraventions quand nous prenons leurs bagages.

Ce qui nous inquiète beaucoup, c'est une trop grande interaction ou ingérence de la part du gouvernement.

M. Burley: Je ferais un commentaire à cet égard parce que cela a semé la confusion dans toute cette question de réglementation et déréglementation. En Ontario, nous sommes à moitié réglementés et déréglementés.

On s'en est aperçu très rapidement quand les casinos ont ouvert. Au tout début, les casinos sont devenus un marché très lucratif pour les transporteurs, notamment pour l'OMCA, qui assurait la navette. Nous avons perdu à peu près six employés qui sont devenus indépendants. Ils ont facilement réussi à louer un autocar. Il est également facile d'obtenir un permis, en ce sens qu'il n'y a pas beaucoup d'autres transporteurs qui contestent parce que l'on parle de déréglementation.

C'est ainsi que se présentaient les choses. Ces gens-là ont saisi l'occasion. C'était une question de vitesse. Les casinos ont accepté. Cela permettait à un certain nombre de transporteurs de se lancer et d'obtenir un permis. Par exemple, si M. Crow avait décidé qu'il voulait devenir un transporteur autorisé, il se serait présenté à la Commission et il aurait fait sa demande de permis. Si aucun d'entre nous n'avait protesté, il semblerait normal de lui accorder un permis s'il peut financer ses autocars et les obtenir, ce qu'il aurait fait.

La question de sécurité se pose toutefois. Où vont ces gens-là pour l'entretien de leurs autocars? Où se préoccupe-t- on des passagers? On ne sait pas.

La situation fut que parce qu'il n'avait pas été pris de décision, beaucoup ont pris des décisions économiques. En outre, les gros transporteurs n'ont pas pu rester sur ce marché parce qu'ils faisaient des pertes énormes. Nous croyons fermement que nous pouvons nous développer sans problème et faire face à la concurrence. Toutefois, l'indécision du gouvernement, d'une façon ou d'une autre, nous a beaucoup préoccupé et a créé un espace économique important pour certains transporteurs.

Le sénateur Gustafson: Il ressort clairement de vos recommandations que le comité devrait recommander une intervention décisive. Merci.

Le sénateur Adams: Ma question a trait à l'arrivée d'un concurrent subventionné à même les fonds publics, à savoir la TTC, sur le parcours entre le métro et l'aéroport Pearson. Le tarif fixé par la TTC n'est que de 2,25 $. Les tarifs sont- ils fixés en fonction de la distance? Peut-on se rendre jusqu'à Hamilton pour 2,25 $?

M. Crow: Non. Le tarif exigé par la Toronto Transit Commission permet au passager de se déplacer n'importe où dans le territoire de la ville de Toronto. Je ne sais pas exactement quelle est la distance totale, mais elle est peut-être de 15 kilomètres. Le tarif exigé permet également au passager de se rendre à l'extérieur des limites de la municipalité, c'est- à-dire à l'aéroport.

Le transporteur privé avait une licence pour l'aéroport. Il assurait le transport du métro à l'aéroport, et il lui avait fallu bien des années pour en faire un service viable. Il utilisait des autocars adaptés. C'est lui qui avait monté le service. Il devait payer des droits à la TTC pour laisser descendre ses passagers à l'arrêt de métro.

Deux ou trois ans après qu'il eut mis le service en marche, la TTC a décidé que c'était un bon service. Elle a entrepris de faire la liaison entre le métro et l'aéroport, mais avec des autobus non adaptés. Il n'y a pas de place pour les bagages dans ces autobus ni personne pour s'occuper des bagages. Le tarif exigé par la TTC est de 2,25 $.

Je crois que le transporteur privé demandait 6,50 $. Un nombre important de personnes ont choisi le service de la TTC de préférence au service non subventionné. Le transporteur privé a donc perdu beaucoup de ses clients et a dû mettre fin au service. Il n'y a plus maintenant que la TTC qui assure le service entre le métro et l'aéroport, à raison de 2,25 $.

Le sénateur Adams: Savez-vous si les employés des transports en commun sont syndiqués? Les chauffeurs d'autobus sont-ils aussi syndiqués?

M. Crow: Les employés de la TTC sont syndiqués; ils font partie du Syndicat uni du transport. Beaucoup des entreprises de transport privées sont aussi syndiquées. Greyhound l'est, tout comme Coach Canada, dont vous avez entendu le témoignage aujourd'hui; le syndicat dans les deux cas est le SUT. Je crois que Coach Canada a aussi des employés qui font partie d'autres syndicats. Le problème qui se pose ne tient pas au fait que le service soit syndiqué ou pas. Il s'agit plutôt d'un choix entre productivité et inefficience.

Le sénateur Adams: Votre entreprise a-t-elle des contrats pour le transport scolaire? À Calgary, on nous a dit que c'était le cas pour Red Arrow et d'autres transporteurs qui offrent notamment un service de transport nolisé et qui font aussi le transport scolaire. Votre entreprise est-elle autorisée à faire la même chose en Ontario?

M. Crow: Oui, les entreprises de transport par autobus se spécialisent généralement dans le transport de passagers de tous genres, qu'il s'agisse de transport en commun, de transport scolaire, de transport par autocar, de transport nolisé, d'excursions ou de visites touristiques. La plupart offrent une gamme de services. Certains offrent principalement un service régulier et offrent aussi accessoirement un service de transport nolisé et d'envoi de colis. Certains offrent toute la gamme des services: transport nolisé, transport scolaire et transport en commun. Certains offrent une combinaison de services alors que d'autres se spécialisent dans un type de service en particulier.

Il leur faut toutefois des permis. Le transporteur qui offre le transport scolaire ou le transport par autocar doit avoir un permis. Le permis n'est pas exigé pour le transport en commun municipal dans les limites des municipalités, mais la Loi sur les municipalités n'autorise pas les transporteurs privés à offrir ce service.

Il faut un permis pour le transport scolaire ou pour le transport par autocar. Les transporteurs scolaires doivent, en outre, avoir un contrat avec un conseil scolaire. En Ontario, de 85 à 88 p. 100 du transport scolaire se fait par appel d'offres. Pour le reste, ce sont les conseils scolaires qui s'en occupent eux-mêmes.

Le sénateur Adams: Il semble que, chaque fois qu'un nouveau gouvernement arrive au pouvoir, il tente de privatiser le service de transport par autobus. Vous souvenez-vous que le gouvernement de l'Ontario ait essayé de faire cela à diverses reprises?

M. Crow: Je ne sais pas trop si vous voulez parler du transport par autocar. En règle générale, le transport scolaire est maintenant assuré par le secteur privé.

Le sénateur Adams: Oui.

M. Crow: Dans les grandes municipalités, c'est généralement le gouvernement qui assure le transport en commun. À Markham et à Chatham, comme on l'a indiqué, on a recours à un appel d'offres où diverses entreprises ontariennes sont appelées à soumissionner.

Le gouvernement de l'Ontario a un excellent service régional de transport en commun qui s'appelle GO Transit. Comme la plupart d'entre vous le savent sans doute, c'est un service qui fait appel au train et à l'autobus. Le gouvernement a toutefois fait savoir qu'il veut étendre ce service à d'autres localités, comme Peterborough, Kitchener, Guelph, St. Catharine's et Niagara Falls. L'arrivée d'un service comme celui-là qui serait subventionné porterait un très dur coup aux services qu'offrent Greyhound et Coach Canada entre ces localités. M. Carroll pourra peut-être vous en dire plus à ce sujet, mais je crois que Greyhound offre environ 47 trajets par jour entre Toronto et Kitchener.

Si le gouvernement ontarien oblige le transport en commun à fournir ce service à un tarif subventionné avec lequel nous ne pouvons pas concurrencer — même si ce n'est que pour les heures de pointe —, c'est tout le système qui va s'effondrer. Les transporteurs privés devront mettre fin à leurs activités.

Nous le savons d'expérience. Le service entre Toronto et Hamilton était autrefois un service de transport par autocar. Ce n'est plus le cas maintenant. Je crois qu'il y a deux ou trois transporteurs qui ont un permis pour assurer ce service, mais ils ne peuvent pas l'offrir tout en ayant le gouvernement comme concurrent. Nous avons fait part au gouvernement de l'Ontario de nos inquiétudes, car s'il donne suite à son projet d'étendre le transport en commun à ces localités, il se trouvera en fait à nationaliser le secteur du transport par autocar et il nous obligera à plier bagage.

Je le répète, ce que veut notre industrie, c'est de savoir quelles sont les règles. Nous voudrions qu'on applique cette politique nationale sur le transport voyageur. Nous voudrions en tous cas encourager les provinces à adapter cette politique et à se doter de règles semblables pour que nous puissions continuer à offrir les services que nous offrons, sénateur Adams.

Le sénateur Adams: Le gouvernement a-t-il des règles à jour sur la sécurité comme vous en avez pour la sécurité dans les autocars?

M. Crow: Vous me demandez s'il y a des règles de sécurité pour le transport adapté, sénateur?

Le sénateur Adams: Oui.

M. Crow: Si jamais nous pensions qu'il y avait des problèmes de sécurité relativement à un de nos services, qu'il s'agisse ou non de transport adapté, nous serions les premiers à en parler. Je ne crois pas qu'il y ait quelque problème de sécurité que ce soit relativement à notre service de transport adapté par autocar. Si votre question concerne Greyhound, Coach Canada et Can-ar, ces transporteurs et d'autres offraient un service de transport adapté avant que les services de transport en commun du gouvernement ne le fassent. Nous offrions ce service avant que le gouvernement ne le fasse.

Ce qui nous déçoit, c'est que le service de transport privé qui assurait la liaison avec l'aéroport offrait le transport adapté. Les autobus qu'utilise maintenant la TTC ne sont pas adaptés. Du point de vue de l'Ontario, ce qui nous préoccupe, c'est que les autocars qui assuraient ce service en dehors des heures de pointe offraient aussi un service de navette aux congressistes ainsi que d'autres services; dans certains cas, ils offraient même un service de transport régulier. Or, nous n'avons plus ces autocars en Ontario. Après que le transporteur eut perdu la liaison entre la ville et l'aéroport, les autocars ont quitté la province. Ils se trouvent maintenant en Alberta.

Si vous nous obligez à plier bagage, nous allons trouver d'autres marchés. L'effet a été une détérioration du service entre la ville et l'aéroport.

Le sénateur Adams: Nous avons entendu parler d'un transporteur qui avait des autocars spécialement conçus pour les personnes handicapées, avec sièges de cuir, plus d'espace pour allonger les jambes, des aires de restauration à l'arrière et des toilettes améliorées. On nous a dit qu'un autocar comme celui-là coûte quelque 600 000 $. Avez-vous une idée de ce que coûte un autocar ainsi aménagé?

M. Crow: C'est M. Burley qui signe les chèques. Je pense qu'il pourrait vous donner le montant exact. Je crois qu'un modèle de base coûte aux alentours de 500 000 $ ou plus, ou 550 000 $ avec les taxes. Je sais que certains modèles tout équipés coûtent 1,2 million ou 1,3 million. Mais c'est plutôt l'exception que la règle.

La présidente: Vous semblez vous inquiéter de notre impartialité. Ne vous inquiétez pas; nous n'allons pas produire un rapport à la hâte. Nous voulons un rapport très complet, et nous voulons nous assurer d'y inclure tous les aspects du secteur du transport par autocar, en privilégiant le point de vue des usagers de ce service.

M. Crow: Madame la présidente, vous m'avez demandé il y a quelques jours de vous apporter des informations ainsi que des photocopies de la correspondance que nous avons échangée avec le ministre fédéral sur les taxes.

La présidente: Oui, en effet.

M. Crow: J'ai ici les documents que vous m'aviez demandés, mais je n'ai pas pu vous les remettre à l'avance. Je vous les laisse.

La présidente: Merci. Nous allons veiller à ce qu'ils soient remis aux membres du comité.

Passons maintenant au groupe suivant, Canada's Association for the Fifty-Plus.

Mme Judy Cutler, directrice des Communications, Canada's Association for the Fifty-Plus: Merci beaucoup, honorables sénateurs, de nous donner l'occasion de présenter à votre comité un exposé sur une question d'importance capitale pour beaucoup d'aînés et de personnes de 50 ans et plus. Je vais céder la parole à M. Gleberzon, puis je ferai les remarques de clôture.

M. Bill Gleberzon, directeur exécutif associé, Canada's Association for the Fifty-Plus: Je tiens tout d'abord à vous parler un peu de notre association, la Canadian Association for the Fifty-Plus ou CARP.

Sur la liste des témoins, nous sommes désignés comme l'Association canadienne des individus retraités. Il s'agit là du nom que notre association s'est donné quand elle a été fondée, mais nous nous appelons maintenant CARP, Canada's Association for the Fifty-Plus, car depuis toujours nos membres sont des personnes de 50 ans ou plus.

Le sénateur Maheu: Vos membres ne sont pas tous retraités.

M. Gleberzon: Non, en effet. Nous sommes la plus importante association nationale de Canadiens d'âge mûr, avec les 400 000 membres ou presque que nous comptons dans tout le pays. Nous sommes une organisation sans but lucratif, et nous n'acceptons aucune subvention de quelque palier de gouvernement que ce soit pour préserver notre indépendance et notre autonomie.

Notre mission consiste à faire la promotion des droits et de la qualité de vie des Canadiens d'âge mûr, voire de tous les Canadiens, peu importe leur âge. Nous avons pour mandat de proposer des solutions pratiques aux problèmes que nous soulevons, au lieu de nous contenter de les dénoncer.

Je tiens tout d'abord à attirer votre attention sur le transport par autocar qu'utilisent les aînés, en l'occurrence les personnes de 65 ans ou plus. D'après un rapport du groupe KPMG de 1999 sur les conséquences de la déréglementation du transport régulier par autocar, 10 p. 100 des utilisateurs de ce service au Canada sont des aînés, soit quelque 800 000 voyageurs payants. Au total, on évalue leur nombre à huit millions.

Les 10 p. 100 de ces voyageurs qui sont des aînés représentent environ 23 p. 100 de tous les aînés canadiens, soit un sur quatre. Quarante-deux pour cent des utilisateurs du transport par autocar ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté et, comme par hasard, près de 40 p. 100 des aînés ont un revenu annuel inférieur au seuil de pauvreté. L'autocar est pour beaucoup d'entre eux le seul moyen de se déplacer d'une ville à une autre parce que le coût de ce type de transport est relativement abordable.

CARP craint donc que la déréglementation du transport par autocar n'entraîne la disparition des liaisons actuelles, parce qu'elles ne seraient plus considérées comme rentables. En outre, les aînés à revenu moyen utilisent assez souvent le transport par autocar nolisé parce que c'est pour eux le seul moyen de voyager à prix abordable.

Parlons plus précisément des conséquences de la déréglementation. D'après l'étude de KPMG, quelque 3 000 localités sont desservies par environ 250 liaisons de transport régulier par autocar. Advenant la déréglementation de l'industrie, 27 p. 100 environ de ces localités n'auraient plus aucun service de transport par autocar. En outre, le service se trouverait réduit pour 34 p. 100 d'entre elles. Au total, quelque 22 p. 100 des voyageurs actuels, dont beaucoup d'aînés, seraient touchés.

D'après les estimations, 7 p. 100 des localités pourraient profiter d'une réduction de tarifs, ce qui constituerait un avantage pour environ 40 p. 100 des voyageurs. Ainsi, la déréglementation aurait des conséquences négatives pour 60 p. 100 de tous les utilisateurs du transport par autocar.

L'historique des services de voyage en Amérique du Nord et ailleurs montre que la déréglementation est généralement suivie d'une intensification de la concurrence au départ, mais que le nombre de concurrents ne tarde pas à baisser, si bien que la concurrence est moins grande qu'elle ne l'était avant. On n'a qu'à voir ce qui s'est passé dans le cas du transport aérien au Canada. Sur le plan commercial, la déréglementation peut sembler avantageuse, mais elle aura d'importantes répercussions négatives pour la qualité de vie des gens, et il en résultera un sentiment d'isolement accru et des difficultés accrues pour les consommateurs qui perdront le peu de possibilités qu'ils avaient déjà de voyager.

D'après l'étude de KPMG, deux des trois principaux motifs invoqués par ceux qui se déplacent en autocar sont d'obtenir des soins médicaux ou d'urgence ou de rendre visite à des parents ou à des amis. Toujours d'après cette étude, l'autocar est souvent le moyen de prédilection, surtout pour les personnes âgées, pour se rendre chez un médecin; autrement dit, ceux qui vivent dans de petites collectivités prennent l'autocar pour se rendre dans les grands centres où se trouvent des centres médicaux. C'est aussi, je dois vous dire, la conclusion à laquelle nous arrivons d'après ce que nous disent nos membres et d'autres personnes.

Les localités rurales et du Nord de même que les petites villes sont principalement desservies par des autocars, même s'il s'agit souvent d'un service limité. La réduction de ce service pourrait entraîner des tensions, des difficultés et des coûts accrus pour les voyageurs qui pourraient ainsi être obligés de passer une ou deux nuits à l'hôtel ou dans un motel à cause du service réduit de transport par autocar. Même les aînés qui ont une voiture préfèrent ne pas conduire le soir ou sur l'autoroute, si bien que l'autocar est vraiment pour eux le seul moyen de se déplacer.

Le troisième grand motif invoqué par ceux qui utilisent le transport par autocar est de se rendre au travail ou à l'école. On pourrait à première vue penser que ce n'est pas là un motif qu'invoqueraient beaucoup d'aînés, mais il n'en reste pas moins que quelque 6 p. 100 des personnes de 65 ans ou plus continuent à travailler et doivent se déplacer de leur domicile à leur lieu de travail. Par ailleurs, bon nombre de personnes de 50 à 65 ans, qui sont la clientèle cible de CARP, ont un emploi rémunéré et, même si nous n'avons pas facilement accès aux chiffres concernant l'utilisation du transport par autocar des personnes de ce groupe d'âge, beaucoup d'entre elles empruntent assurément l'autocar pour se rendre au travail.

Il importe que les tarifs restent bas. Il va sans dire que leur augmentation aurait sur le transport par autocar le même effet qu'une réduction du service. Les personnes à faible revenu ou à revenu fixe n'auraient pas les moyens de prendre l'autocar. Cela se traduirait par une perte de revenu encore plus grande pour les entreprises de transport par autocar. Ainsi, les difficultés économiques des entreprises et de leurs clients s'en trouveraient exacerbées et il en résulterait une baisse de la sécurité et de la qualité de vie pour les aînés qui empruntent l'autocar pour se rendre au travail.

CARP est préoccupé par certaines questions relatives à la sécurité. Il est important de maintenir le niveau de sécurité enviable dont nous jouissons pour ce qui est du transport par autocar au Canada. Nous devons constamment, bien entendu, chercher à améliorer le niveau de sécurité dans ce secteur, comme d'ailleurs les normes nationales à cet égard. Le gouvernement fédéral devrait favoriser l'atteinte de cet objectif en collaboration avec les provinces et les territoires, l'industrie, les spécialistes du domaine et les groupes de consommateurs.

Cependant, la ruée initiale vers la concurrence qui pourrait suivre la déréglementation pourrait entraîner une baisse de service, voire une diminution de la sécurité, en raison des efforts qu'on déploiera pour attirer les clients afin d'accroître les bénéfices et la part de marché.

CARP est aussi très préoccupée par la protection de l'environnement. Grâce à l'appui d'Environnement Canada, nous avons tenu un forum national sur la pollution atmosphérique. Nos membres ont à coeur la qualité de l'air, tout comme la qualité de l'eau, qu'ils légueront à leurs enfants et petits-enfants. Les jeunes et les aînés sont d'ailleurs les plus vulnérables aux effets nocifs de la pollution pour la santé.

Selon Environnement Canada, il y aurait chaque année jusqu'à 16 000 décès prématurés au Canada qui seraient attribuables à la pollution atmosphérique. Vous trouverez dans la documentation que nous vous avons fait remettre, un exemplaire du rapport de notre forum national. C'est le document à couverture verte, si vous voulez plus d'information à ce sujet.

Les émissions que dégagent les autocars seraient trois fois moins dommageables pour l'environnement que celles qu'émettent les voitures, les trains et certains avions. Nous devrions prendre toutes les mesures possibles pour chercher à réduire la pollution atmosphérique. Nous pourrions notamment encourager la population à privilégier l'autocar comme moyen de transport parce qu'il est moins dommageable pour l'environnement. Nous nous trouverions ainsi à favoriser l'avancement des objectifs du gouvernement canadien aux termes de l'Accord de Kyoto.

Je vais maintenant céder la parole à Mme Cutler, qui conclura notre exposé.

Mme Cutler: En conclusion, je tiens à vous faire remarquer que le nombre d'utilisateurs de l'autocar augmentera sans doute dans l'avenir prévisible au fur et à mesure que le nombre et le pourcentage d'aînés augmentera. Dès 2004, certains de ceux qui sont nés pendant la Seconde Guerre mondiale, ceux que CARP qualifie de génération oubliée — ce ne sont ni des boomers ni des aînés — atteindront l'âge de 65 ans. Pendant les 26 années qui suivront, les autres membres de cette génération se joindront à eux de même que les 9,8 millions de baby-boomers. Dès 2030, un Canadien sur quatre aura atteint l'âge de 65 ans.

Contrairement au mythe selon lequel tous les aînés sont riches, au moins 40 p. 100 des personnes de ce groupe d'âge — c'est d'ailleurs le cas de la présente génération d'aînés — n'auront qu'un revenu faible ou un revenu fixe. Beaucoup d'entre eux iront peut-être s'installer après la retraite dans des petites localités ou dans des localités rurales ou nordiques, et ils pourraient vivre 30 ans encore, comme c'est le cas pour la nouvelle génération d'aînés. Ils décideront peut-être de déménager parce qu'ils veulent quitter la grande ville et parce que leur revenu plus faible leur donnera un pouvoir d'achat plus grand dans une petite localité. Ils seront donc de plus en plus dépendants du transport par autocar.

Conscients de cette réalité démographique, nous pensons qu'il incombe au Comité sénatorial de veiller à ce que la question dont il est saisi soit examinée sous l'angle d'une planification à long terme. C'est cette possibilité qu'a le Sénat d'opter pour une perspective plus vaste et à plus long terme, sans être soumis aux pressions immédiates des expédients politiques à court terme, qui fait sa force.

CARP recommande au Comité qui a entrepris une Étude spéciale sur le transport interurbain par autocar d'appuyer le maintien de la réglementation du service de transport par autocar et recommande aussi au gouvernement fédéral d'adopter et de mettre en oeuvre un cadre réglementaire national pour ce service. Nous recommandons par ailleurs au gouvernement d'adopter des politiques qui faciliteront l'expansion du service de transport par autobus et par autocar.

Dans un pays aussi vaste que le Canada, il faut beaucoup de modes de transport pour faciliter les déplacements de notre population. L'autocar doit demeurer une partie intégrante, en même temps que pratique et accessible, du service de transport.

La présidente: Merci beaucoup pour votre exposé et pour l'information très précieuse que vous nous avez apportée. Nous sommes très heureux de vous accueillir cet après-midi.

Vous avez certainement présenté des arguments contre la déréglementation dans votre exposé. Or, nous avons entendu des arguments en faveur de la déréglementation, notamment qu'elle permettrait l'arrivée de nouveaux services novateurs, comme le transport en fourgonnette en Nouvelle-Écosse. Que pensez-vous de cet argument en faveur de la déréglementation?

Mme Cutler: Vous voulez parler du fait que la déréglementation permettrait une plus grande créativité?

La présidente: Oui.

Mme Cutler: Je ne suis pas sûre que nous ayons des preuves à cet effet. Ce ne sont là que des conjectures pour l'instant, alors nous aimerions attendre d'avoir des preuves plus tangibles de cette conséquence.

La présidente: Nous nous sommes rendus à Halifax, en Nouvelle-Écosse, où des gens, notamment des personnes âgées, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse sont venues nous dire qu'elles ont recours à un service de transport en fourgonnette pour se rendre de leur petite localité rurale à Halifax, par exemple, pour des rendez-vous médicaux. Les jeunes, eux, s'en servent aussi pour se rendre à des entrevues en ville pour essayer de se trouver un emploi. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Gleberzon: Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un service novateur. C'est simplement une solution de rechange. C'est un autre type de service compétitif qui pourrait coexister en même temps que l'autocar et qui, à mon sens, n'a rien à voir avec la déréglementation.

Prenons le cas du transport aérien où la déréglementation est déjà chose faite. Ce qu'il y a de nouveau maintenant, d'après ce que j'en sais, c'est qu'on ne sert plus de repas dans l'avion, même si les tarifs n'ont pas baissé. Voilà ce qui semble être la principale conséquence de la déréglementation qui a aussi bien sûr, créé une situation de monopole. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont voyagé en avion aux États-Unis dans le nouveau contexte déréglementé, mais les conséquences ont été les mêmes là-bas.

Je veux parler du service en classe économique. Le service en classe affaires ou en première classe a bien sûr augmenté, tout comme les tarifs. Le service en classe économique est toutefois terrible sur toutes les lignes aériennes américaines, et le nombre de vols a diminué, soit dit en passant.

Pour ce qui est de cette soi-disant innovation, quel en sera l'avantage pour l'industrie? L'arrivée des fourgonnettes et d'autres modes de transport est peut-être une excellente innovation, mais cela n'a rien à voir, selon moi, avec le transport par autocar si ce n'est que c'est un service de plus qui est offert au public voyageur.

La présidente: C'est une possibilité intéressante.

M. Gleberzon: Oui, certainement.

La présidente: Ce sont tout de même des personnes âgées qui nous ont dit cela.

M. Gleberzon: On pourrait tout aussi bien dire que le train est aussi une possibilité très intéressante; l'avantage est le même.

La présidente: Avec un mode de transport différent.

M. Gleberzon: Oui.

La présidente: Que pensez-vous du transport par autocar qui est offert en Ontario et des tarifs qui sont exigés?

M. Gleberzon: Il y a eu d'importantes réductions dans notre province, à tel point qu'il y a beaucoup moins de services de transport par autocar dans beaucoup de localités, surtout dans le nord et dans les milieux ruraux. Les gens doivent de plus en plus se rabattre sur la voiture.

Je ne sais pas si c'est ce que vous recherchez comme exemple, mais le service de transport par autocar au nord, à l'est et à l'ouest de Toronto est lamentable. Il est vraiment épouvantable.

C'est ce qu'on appelle la région 905, c'est en quelque sorte le prolongement de Toronto. Si toutefois le service est tellement mauvais dans cette région-là, qui se trouve à côté d'un grand centre urbain, dites-vous qu'il doit être 100 fois pire dans une localité du nord où les réductions de service ont été encore plus importantes.

Les tarifs, d'après ce que j'en sais, sont assez raisonnables. Pour encourager les voyageurs à se déplacer en autocar, on va d'ailleurs construire un nouveau terminus ici à Toronto pour remplacer l'actuel terminus qui est assez lugubre. Il semble que le nouveau terminus sera beaucoup plus convivial en ce sens que les gens pourront plus facilement s'y retrouver, etc. C'est qu'on s'est rendu compte de l'importance d'améliorer le service de transport par autocar à cause du grand nombre de personnes qui en dépendent.

Le service VIA en Ontario — pas seulement les trains, mais les autocars aussi — est soumis à des pressions considérables. Je sais que votre comité n'étudie pas le service à l'intérieur des villes, mais je peux vous dire que, même dans notre grand centre économique, ce service est aux abois. Cela dit, et malgré l'importance de Toronto comme principal centre économique du Canada, le transport en commun y est épouvantable. À vrai dire, c'est à cause de l'insuffisance des fonds affectés par le gouvernement fédéral. Je le répète, je sais que cette question n'entre pas dans le cadre de votre mandat, mais j'ai pensé vous en parler parce que je me sers tous les jours du transport en commun ici.

La présidente: Quelles politiques gouvernementales seraient les plus utiles pour soutenir le service aux localités rurales et aux petites localités?

M. Gleberzon: Qu'entendez-vous par quelles?

La présidente: Quel palier de gouvernement?

Mme Cutler: Il me semble que ce serait le gouvernement provincial puisqu'il est plus sensible aux besoins de la province. Avec la participation et la responsabilité de la province, on a de meilleures chances que la situation soit abordée dans une perspective globale, qui inclurait l'environnement et qui donnerait aux gens divers moyens de se rendre au travail et de se déplacer.

On entend beaucoup dire ces derniers jours que les personnes âgées ne devraient pas conduire. Comment sont-elles censées se déplacer? Si cette responsabilité incombe à la province elle peut prendre de l'argent dans une enveloppe pour en donner à une autre. Si toutefois la responsabilité incombe aux municipalités, elles n'en auront pas les moyens. À mon avis, c'est à la province qu'il faudrait confier cette responsabilité. Êtes-vous d'accord, M. Gleberzon?

M. Gleberzon: Je crois que oui. J'estime toutefois que le gouvernement fédéral a, lui aussi, un rôle important à jouer. Les provinces ne peuvent pas à elles seules fournir tout l'argent nécessaire à l'exploitation d'un réseau de transport interurbain par autocar. Il est important d'avoir la participation financière du gouvernement fédéral. Le tout doit se faire au niveau national et avec la collaboration des provinces. L'aide doit par ailleurs être liée au respect de normes nationales à tous les niveaux.

Le gouvernement provincial a toutefois un rôle à jouer, lui aussi. Les municipalités ne doivent pas être laissées à elles-mêmes. Cela ne fait aucun doute. Les deux paliers supérieurs de gouvernement doivent travailler ensemble.

La présidente: Les personnes âgées sont très près de leurs municipalités.

M. Gleberzon: En effet mais les municipalités ne peuvent vraiment pas assumer la responsabilité de l'infrastructure nécessaire. Elles n'en ont tout simplement pas les moyens.

Pour ce qui est des coûts, ici à Toronto, le tarif pour le transport à l'intérieur des limites de la ville va augmenter. Même s'il s'agit peut-être d'une tactique pour alarmer la population, la Toronto Transit Commission évalue à 10 millions le nombre de passagers qu'elle pourrait perdre. Nous craignons que, même si la déréglementation semble se traduire par une ruée vers la concurrence au début, le processus d'élimination ne tarde pas à faire son oeuvre, si bien qu'on se retrouve au bout du compte avec un très petit nombre de concurrents.

Si elles ne sont soumises à aucune réglementation et qu'elles n'ont droit à aucune aide financière de quelque palier de gouvernement que ce soit, notamment de la province et du gouvernement fédéral, les entreprises demanderont le tarif le plus élevé que les clients seront prêts à payer et réduiront les services sur les routes qu'elles considèrent peu rentables.

Cette façon de faire se justifie peut-être d'un point de vue commercial, mais certes pas du point de vue des gens — surtout quand on sait que nombre des habitants des petites villes et des localités rurales sont des personnes âgées. Comme l'a fait remarquer Mme Cutler, nous constatons une nouvelle tendance chez les personnes âgées à aller s'installer dans de petites localités.

Cela nous mène à la question du vieillissement et de la capacité d'accueil des établissements de soins de santé notamment, ainsi qu'à une foule d'autres questions sociales, où la possibilité qu'ont les gens de se rendre d'une ville à une autre est une considération primordiale.

La présidente: C'est vraiment une priorité.

Le sénateur Gustafson: J'ai deux questions qui ne sont pas directement liées au transport par autocar, mais qui s'y rattachent.

Je viens moi-même d'une localité rurale. J'ai remarqué que les aînés dans les localités rurales, du moins en Saskatchewan, vivent bien mieux que ceux qui vivent dans les grands centres urbains. Ils ont accès de bons logements, le plus souvent à des logements neufs. Ils ont aussi un service de fourgonnettes pour leurs déplacements. Ils ont des personnes qui viennent chez eux faire leur ménage. Certains, parmi les plus jeunes, s'en plaignent d'ailleurs. Ils ont droit à un rabais de 10 p. 100 sur les achats d'épicerie et dans d'autres commerces. À mon avis, ils ne manquent de rien.

Est-ce pour cette raison que les aînés vont s'installer dans les milieux ruraux en Ontario?

Mme Cutler: Nos membres nous disent qu'ils déménagent parce qu'ils n'ont plus les moyens de vivre à Toronto. Le manque de logements abordables, surtout de logements locatifs, est une de nos grandes préoccupations. Le taux d'inoccupation dans les grands centres urbains du pays est très faible.

Le sénateur Gustafson: Je les comprends. Je vis à Macoun, en Saskatchewan, où le coût de la vie est le quart de ce qu'il est à Toronto.

M. Gleberzon: Je tiens à vous faire remarquer que nous sommes, non pas une organisation ontarienne, mais bien une organisation nationale.

Le sénateur Gustafson: C'est ce que je me demandais.

M. Gleberzon: Nous avons des membres avec qui nous sommes en contact dans toutes les régions du pays. Le dernier recensement indique que la croissance s'est limitée à quatre grands centres urbains. On comprend que beaucoup de jeunes veuillent s'installer en ville, car c'est là où les choses se passent.

Le sénateur Gustafson: Comment mettre un frein à cette tendance?

M. Gleberzon: Dans son ouvrage intitulé Boom, Bust & Echo, David Foot fait certaines prédictions quant aux choix que feront les baby boomers quand ils prendront leur retraite.

Les gens auront de plus en plus tendance, dit-il, à vouloir s'éloigner du tohu-bohu de la grande ville, d'autant plus qu'ils n'auront plus les moyens d'y vivre. Où vont-ils aller chercher un mode de vie plus acceptable? Ils vont retourner dans les petites villes et les localités rurales. Nous pensons qu'il a raison et que c'est bien ainsi que les choses vont se passer.

Le sénateur Gustafson: C'est déjà ce qui se passe dans des endroits comme la Géorgie et les Carolines. On y a construit de jolies maisonnettes qui s'étendent à perte de vue dans les régions rurales, à tel point que les agriculteurs américains craignent de perdre leurs terres agricoles au fur et à mesure qu'elles sont vendues et aménagées pour la construction domiciliaire.

Le Canada est devenu le pays le plus urbanisé du monde, cependant, nos ressources — les pêches, le pétrole, le gaz, la potasse, le bois, les produits agricoles et autres — proviennent encore du Canada rural.

C'est un tout autre problème, mais si nous ne le réglons pas, nous allons éprouver de très sérieuses difficultés dans les rues de nos grandes villes que nous ne pourrons pas régler. La décentralisation doit être la voie de l'avenir.

Vous venez de dire que la question des autocars vous inquiète, et je peux comprendre pourquoi à cause des distances. Cependant, j'ai été surpris d'entendre qu'il y a tant de gens qui partent.

En Saskatchewan, on dirait que ce sont les personnes âgées qui sont les plus riches, et c'est probablement parce qu'il s'agit de fermiers qui ont vendu leur ferme et qui ont les moyens de cesser leurs activités. Dans la ville de Weyburn, un monsieur a dit: Eh bien, les personnes âgées ici économisent tout ce qu'elles peuvent pour s'acheter une Cadillac et aller passer l'hiver à Phoenix. Ce n'est pas le cas des jeunes fermiers. Ceux-ci se débattent pour survivre. Ils sont sur le point de faire faillite.

Mme Cutler: Sauf tout le respect que je vous dois, votre perception semble traduire un préjugé très marqué à l'égard des personnes âgées parce que dans ce groupe — et c'est le cas de tous les groupes au Canada — il y en a qui sont riches et d'autres qui sont très pauvres. Chose certaine, il est dangereux de répandre ce mythe selon lequel toutes les personnes âgées sont riches.

Le sénateur Gustafson: Ce n'est pas ce que je dis. Je vous raconte seulement ce que je vois dans la région où je vis, où les personnes âgées ont très bien réussi, et il y a plusieurs raisons à cela.

M. Gleberzon: Mon grand-père était agriculteur en Saskatchewan, et il me disait toujours qu'il était riche en terre mais pauvre en argent comptant, et ce fut le cas toute sa vie. C'est comme ça qu'il a été le reste de sa vie. Mon père, soit dit en passant, a quitté la ferme dès qu'il a pu. C'était à l'époque de la grande dépression.

D'après ce que j'en sais, si l'on examine la situation de toutes les personnes âgées du Canada, comme nous le disions, 40 p. 100 d'entre elles n'ont pas beaucoup d'argent.

Le sénateur Gustafson: Je comprends.

M. Gleberzon: Il y a des gens qui touchent le Supplément de revenu garanti, ce qui veut dire que leur revenu annuel est d'environ 13 000 $ par an, si on arrondit un peu. Si ces gens peuvent travailler, s'ils ont de la famille loin de chez eux, chose certaine, ils n'ont pas de voiture. S'ils n'ont pas accès à un service d'autocar, ils ne peuvent pas se déplacer d'une ville à l'autre. Cela semble être le cas. Comme je l'ai dit, c'est ce qu'on entend partout au pays.

Le sénateur Gustafson: Certains témoins ont dit au comité qu'avec la déréglementation, les régions rurales seraient mieux desservies si elles étaient ouvertes à la concurrence et s'il y avait des appels d'offres.

M. Gleberzon: C'est toujours une possibilité. Cependant, d'après ce que nous avons vu jusqu'à présent, ces améliorations ne semblent pas durer très longtemps.

Le sénateur Adams: Ce tarif de 2,25 $ qui permet d'aller partout en ville — c'est subventionné par le contribuable de l'Ontario. Est-ce qu'on offre des tarifs spéciaux, par exemple, aux personnes âgées ou retraitées?

M. Gleberzon: Si je comprends bien, 2,25 $ est le tarif normal pour tout déplacement. C'est le tarif normal pour l'autobus, le tramway ou le métro dans la ville de Toronto — ou une combinaison des trois. Vous pouvez aller du lac Ontario à peu près jusqu'à Steeles — et je ne suis pas sûr des frontières est-ouest. Vous pouvez parcourir toute la ville de Toronto, à condition d'avoir une correspondance.

Nous avions autrefois des zones, mais il n'y en a plus. Cependant, dès que vous dépassez Steeles, qui est la frontière nord de Toronto, ou que vous dépassez les frontières est ou ouest de Toronto, il faut emprunter un service de transport tout à fait différent pour lequel on paie un montant totalement différent.

Je paie sur une base mensuelle. Je gare ma voiture à la station de métro où je n'ai pas à payer pour le stationnement. C'est inclus dans le prix du passage. Je paie 85,75 $ par mois. Mais il paraît que le tarif va augmenter prochainement.

Le sénateur Adams: Encore 20 $ de plus?

M. Gleberzon: Je ne sais pas si ce sera 20 $.

Mme Cutler: Nous avons entendu dire qu'il allait augmenter de 20 p. 100 prochainement et de 20 p. 100 encore à la fin de l'année.

M. Gleberzon: C'est parce que la province a dit qu'elle allait ajouter de l'argent, mais ce n'est toujours pas assez. Le gouvernement fédéral n'a pas dit s'il allait contribuer quoi que ce soit.

L'Ontario a donc un système public, VIA, puis un service d'autocars surtout, et il y a les trains. Les gens en dépendent entièrement pour se déplacer; leur vie dépend entièrement de l'horaire de ces autocars et de ces trains parce que beaucoup de gens habitent dans des villes dortoirs à l'est, à l'ouest et au nord de la ville.

Bien sûr, on se sert des autoroutes, mais elles sont très congestionnées. Comme nous l'avons dit, beaucoup de personnes âgées hésitent à emprunter les autoroutes ou à conduire la nuit. Surtout pour les localités du nord, les transports interurbains sont très rares.

Le sénateur Adams: Parlez-vous des retraités ou des plus de 50 ans?

M. Gleberzon: D'après le rapport, 10 p. 100 des voyageurs sont des personnes âgées et nous imaginons que les auteurs entendent par là les plus de 65 ans. Cela équivaut à 800 000 voyageurs, soit l'équivalent de 400 000 aller-retour.

Le sénateur Adams: Imaginons qu'un couple à la retraite veuille se rendre en Floride. Y a-t-il des associations qui peuvent noliser un autocar? Y a-t-il quelqu'un qui s'en charge pour vous ou est-ce que c'est la compagnie d'autocars qui le fait?

M. Gleberzon: Pour beaucoup de gens, surtout les personnes âgées à revenu moyen, c'est sans doute le principal mode de transport en Amérique du Nord. Ils n'ont pas les moyens d'aller à l'extérieur de l'Amérique du Nord, ils vont donc prendre un autobus nolisé.

Le prix des circuits en autobus nolisé varie, évidemment. À ma connaissance, il n'y a pas de règles qui s'appliquent sauf pour la sécurité du véhicule. Moins de 5 p. 100 des personnes âgées se rendent dans le sud en hiver, surtout de nos jours vu le taux de change et les taux d'intérêt.

Pour bien des gens, les transports interurbains — sans autocar nolisé — sont le principal moyen de transport. Il y a évidemment aussi les fourgonnettes. Par contre, s'il y a quelque particulier ou entreprise qui offre ce service, ce ne sera pas long avant qu'une ou deux entreprises seulement s'assurent le monopole. C'est ainsi que cela fonctionne en Amérique du Nord.

Le sénateur Adams: Beaucoup de gens prennent leur retraite à Elliot Lake. Avant, il y avait une mine là-bas.

M. Gleberzon: Oui. On s'est aperçu que beaucoup d'entre eux doivent aller dans le sud si leur santé se détériore. Les traitements médicaux lourds, comme pour le cancer, n'existent pas dans le nord de la province ou sont difficiles à se procurer. Beaucoup de malades doivent aller dans le sud.

Récemment, nous avons eu un différend avec le gouvernement de l'Ontario sur la question de savoir si c'est à lui ou aux malades d'acquitter les frais de déplacement pour aller se faire soigner dans le sud. Je pense que le gouvernement a décidé qu'il était responsable. Évidemment, le gouvernement choisira le moyen de transport le plus économique possible. Pour bien des gens, ce sera l'autocar parce qu'ils n'ont peut-être personne pour les conduire. S'ils ont besoin d'un traitement, il est très peu probable qu'ils pourront conduire à partir d'Elliot Lake, qui est très loin d'ici.

Mme Cutler: Nous aimerions que quelque chose de plus tangible soit fait.

Le sénateur Maheu: Vous parliez des effets de la déréglementation au début de votre mémoire. Vous dites que 27 p. 100 de ces localités vont perdre tout service d'autocar et 34 p. 100 de plus vont subir une réduction de service. Vu l'augmentation de la population vieillissante, le nombre de voyageurs ne peut qu'augmenter. Je ne vois pas comment il peut baisser.

Comment pouvez-vous donc aboutir à cette conclusion? D'autres témoins aujourd'hui disent que dès qu'une compagnie d'autocars supprime une liaison, la concurrence se précipite pour offrir le service.

Personne d'autre, je crois, n'a dit que le service allait être complètement supprimé. Êtes-vous en désaccord avec les autres témoins sur ce point?

M. Gleberzon: Ces chiffres proviennent d'une étude de 1999 réalisée par KPMG. Nous n'avons pas de chiffres plus récents. D'autres témoins en ont peut-être. Il se peut effectivement que la concurrence augmente au début. Toutefois, ce que nous avons constaté, chaque fois qu'il y a eu déréglementation, c'est que peu après, c'est le plus fort qui l'emporte. L'entreprise prend ensuite des décisions en fonction des considérations économiques qu'elle juge importantes.

C'est ce qui est arrivé dans les transports aériens partout en Amérique du Nord et presque partout ailleurs dans le monde. Le nombre de compagnies aériennes qui offrent maintenant des services a baissé, tout comme la qualité des services offerts. Les coûts, eux, n'ont pas baissé beaucoup. Cela s'explique en partie à cause de l'augmentation du coût du carburant.

Il y a aussi l'effet des autocars sur l'environnement. Ils semblent moins dommageables pour l'environnement que les autres véhicules, y compris les fourgonnettes, qui s'apparentent davantage aux automobiles.

Le sénateur Maheu: Vous parliez des personnes âgées et de leur mobilité. Je pensais aux grandes villes. C'est arrivé à Toronto et cela vient de se produire à Montréal. Le coût du logement dans le Toronto métropolitain est exorbitant. Beaucoup de mes amis n'ont pas pu faire autrement que de quitter Toronto; ils n'ont plus les moyens de payer le loyer.

Plusieurs autres villes connaissent le même phénomène. La solution est-elle encore de se tourner vers les pouvoirs publics? Quand on parle des services de l'État, il n'y a qu'un seul payeur: qu'il s'agisse des gouvernements fédéral ou provinciaux ou des administrations municipales. Si l'on réclame plus d'argent en subventions pour le transport, n'allons-nous pas gruger ce qui normalement serait affecté aux soins de santé, par exemple? Un de nos témoins s'est servi de cet exemple et a dit qu'il préférait faire la queue pour attendre l'autocar que pour être admis à l'hôpital ou à la clinique.

Qu'en pensez-vous? Je songe à ce que vous disiez à propos du fait que le gouvernement fédéral n'accorde pas suffisamment de subventions. Comment peut-on justifier de s'adresser à lui pour réclamer plus d'argent pour les transports interurbains?

Mme Cutler: Si l'on examine chaque question séparément, on n'a pas de tableau d'ensemble. Si des gens ne peuvent pas se déplacer pour aller chez le médecin ou subir un traitement, cela va finir par coûter plus cher au régime de santé. Nous venons de commander une étude sur le coût pour le régime de santé de l'absence de logements abordables. Le même raisonnement s'applique au système de transport.

Le sénateur Maheu: Voilà qui est intéressant.

Mme Cutler: Toute la question des soins à domicile fait intervenir les enfants qui doivent s'occuper de leurs parents parce que ceux-ci sont chez eux sans personne pour s'en occuper. Si les parents habitent dans une petite ville ou à la campagne et que les enfants habitent en région urbaine, comment peuvent-ils se rejoindre sans moyen de transport adéquat? Et puis, si l'on n'a pas de soins à domicile, qu'advient-il de sa santé?

Le sénateur Maheu: Pensez-vous que la responsabilité appartient en fin de compte au gouvernement fédéral, ou devrait-on conclure une sorte d'accord tripartite?

Mme Cutler: Cela doit forcément être un accord tripartite. Mais comme mon collègue l'a dit, en l'absence de normes nationales qui doivent venir d'Ottawa, nous sommes aux prises avec un méli-mélo d'installations et de services partout au pays. Certains sont bons et certains sont terribles mais très peu sont excellents.

C'est la même chose pour les soins de santé. Santé Canada tente de concevoir des indicateurs qui détermineront une norme nationale pour les divers aspects des soins de santé. Sans cela, les services ne répondent pas aux attentes.

Le sénateur Maheu: Pourrait-on dire que vous voulez des normes nationales plutôt qu'un financement national?

Mme Cutler: Nous voulons les deux.

La présidente: Le leadership est très coûteux.

M. Gleberzon: Les logements locatifs coûtent cher en raison des décisions prises par les gouvernements. Avant que les gouvernements ne prennent ces décisions, les loyers n'étaient pas si élevés. Par conséquent, c'est le gouvernement qui tranche toujours.

Certains gouvernements comme celui de l'Ontario ont décidé de réglementer le secteur de l'habitation et d'éliminer le contrôle des loyers. On a cru, ainsi, que davantage d'immeubles locatifs seraient construits. Or, la déréglementation n'a pas marché et ne marchera pas parce qu'il y a bien d'autres facteurs en jeu. Cela ne vaut pas que pour l'Ontario. Des études ont démontré que c'est ce qui se produit dans tout le pays.

Le logement et le transport sont des facteurs déterminants de la santé. Selon la façon dont les gouvernements définissent la santé, ils choisiront d'investir dans le transport ou la santé.

S'ils adoptaient plutôt une vue globale et holistique, comme l'a dit Mme Cutler, ils investiraient à la fois dans le logement et la santé. D'ailleurs, le gouvernement fédéral a déjà dépensé 680 millions de dollars. Il lui faut adopter la même politique d'ensemble pour le transport, y compris le transport interurbain.

Mme Cutler: Santé Canada, des organisations et des particuliers de toutes les régions du pays travaillent activement à ce qu'on appelle vieillir en bonne santé. Pour vieillir en bonne santé, vous devez être actif. Vous devez pouvoir vous déplacer. Vous devez pouvoir faire ce que vous voulez faire. Comme l'a dit M. Gleberzon, le transport est l'un des facteurs déterminants du bien-être et de la qualité de vie. À long terme, un bon réseau de transport réduit les coûts des soins de santé.

La présidente: Merci de votre franchise. Nous tiendrons compte de vos remarques dans l'élaboration de nos recommandations au ministre.

Cela met fin à nos audiences à Toronto. Avant de partir, je tiens à remercier les témoins et les observateurs. Je remercie aussi mes collègues du Sénat, l'attaché de recherche et de la bibliothèque et notre ami Martin qui nous aide dans nos recherches, le greffier, les sténographes, les interprètes et les techniciens. Malheureusement, certains de nos collègues ont dû partir plus tôt pour prendre l'avion, mais, heureusement, le Sénat ne siégeait pas aujourd'hui et de nombreux sénateurs ont ainsi pu se joindre à nous.

La séance est levée.


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