Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 31 - Témoignages (séance du 4 juin)
OTTAWA, le mardi 4 juin 2002
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le projet de loi S-26, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Je vous souhaite la bienvenue à nos audiences sur le projet de loi S-26, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables. Ce projet de loi a franchi les étapes de première et deuxième lecture l'an dernier, époque à laquelle il a été envoyé à notre comité afin que nous en fassions l'examen.
[Traduction]
Bien qu'il soit considéré officiellement comme un projet de loi public du Sénat, il est bon de rappeler que ce projet de loi est dû à l'initiative de notre collègue, le sénateur Spivak. Le sénateur et son personnel ont fait la recherche de base et en ont supervisé la rédaction.
Je pense que ce projet de loi est le reflet des préoccupations que le sénateur Spivak a depuis plusieurs années en ce qui concerne la sécurité publique et la protection de l'environnement, voire de son exaspération due à un immobilisme inacceptable.
Le sénateur Spivak exposera le problème tel qu'elle le voit et la solution qu'elle propose. Au cours des prochaines semaines, nous entendrons en outre plusieurs autres témoins directement concernés par le projet de loi.
Comme vous le savez, madame le sénateur, nous poserons des questions après votre exposé. Vous avez la parole.
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'ai présenté le projet de loi S-26 en mai 2001. Il a été renvoyé au comité en juin de la même année et a reçu l'approbation de principe à l'étape de la deuxième lecture.
Il est appuyé par un grand nombre de personnes puisque nous avons reçu des pétitions portant plus de 3 000 signatures. Nous avons reçu des centaines de lettres de toutes provenances et il a l'appui de plus de 70 organismes dont des municipalités et des associations de propriétaires de chalets. D'après les nombreuses coupures de journaux et un sondage d'opinion à l'échelle nationale, c'est ce que veulent les Canadiens.
À première vue, le projet de loi S-26 est simple. Il reconnaît les problèmes de sécurité et d'environnement associés aux motomarines. Il tient compte du fait que le gouvernement fédéral a, en vertu de la Constitution, le pouvoir d'étudier ce genre de problèmes et il le charge de prendre des mesures analogues à celles qu'il a prises dans le contexte des problèmes liés à d'autres types de navigation de plaisance. Il lui demande de permettre à la population locale de décider quelle est la meilleure solution. C'est ce qu'on appelle la «home rule», ou réglementation locale aux États-Unis.
Ce type d'initiative n'est pas du tout une nouveauté. J'ai reçu un dépliant dans lequel on posait les questions suivantes: quelles seront les prochaines initiatives? L'utilisation des embarcations sera-t-elle soumise à des restrictions? Comme vous le savez, le Bureau de la sécurité nautique restreint l'utilisation des embarcations dans environ 2 000 localités du Canada.
Au Canada, les pouvoirs publics ont permis aux autorités locales de s'occuper de pratiquement tous les autres problèmes liés à l'utilisation d'embarcations de plaisance sur l'eau. En ce qui concerne le ski nautique, les bateaux rapides, les régates et les courses, elles l'ont fait en vertu du Règlement sur les restrictions à la conduite de bateaux pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. Le projet de loi S-26 n'est qu'une adaptation du processus de réglementation de la navigation de plaisance. Il permettrait aux «locaux» de décider où les motomarines peuvent être utilisées en toute sécurité et où elles représentent une menace trop lourde pour la sécurité ou pour l'environnement.
Les trois pivots du projet de loi sont: reconnaître les problèmes, reconnaître l'autorité fédérale en la matière et accorder aux collectivités la possibilité de choix et de contrôle local lorsque des restrictions sont nécessaires.
Les restrictions prévues dans le projet de loi sont du même type que les restrictions actuellement en vigueur dans une douzaine d'États américains. Plusieurs États ont imposé des limites de vitesse. La plupart des États ont désigné des zones où les motomarines sont interdites. Dans la grande majorité des États, il est interdit de couper les sillages, c'est-à- dire d'utiliser une motomarine de façon à ce qu'elle soit en suspension lorsqu'elle coupe son propre sillage ou celui d'une autre embarcation. Presque tous les États imposent des restrictions sur les heures d'utilisation.
Le projet de loi S-26 permettrait aux autorités locales de créer ces types de restrictions pour chaque lac et pour chaque cours d'eau. Les propriétaires de chalets dans les Cantons-de-l'Est estiment qu'elles sont nécessaires pour protéger l'eau potable. Les employés municipaux de la Ville de Winnipeg estiment qu'elles sont nécessaires pour assurer la sécurité sur les cours d'eau et comptent se servir du règlement actuel pour mettre la présente proposition à l'essai. En Colombie-Britannique, les personnes qui résident en permanence dans des propriétés riveraines en ont besoin pour maintenir le calme et les propriétaires de chalets de l'Ontario en ont besoin pour les diverses raisons mentionnées ci-dessus.
En juin 1994, notre garde côtière a jugé bon de permettre aux collectivités locales de limiter les heures d'utilisation et la vitesse des motomarines. Ces restrictions ont été publiées dans la Gazette du Canada. Les membres de la Garde côtière répondaient à des milliers de plaintes déposées par des propriétaires de propriétés riveraines, par des utilisateurs d'embarcations et par des fonctionnaires de Parcs Canada. Cependant, l'industrie de la navigation de plaisance a protesté et on a pris une décision politique qui a mis un terme au type de restrictions que permettrait d'imposer le projet de loi S-26.
Depuis le milieu de l'année 1994, les Canadiens ont dû s'adapter à la nouvelle politique fédérale qui est en fait celle que Bombardier, le fabricant canadien de motomarines, a exposée dans le mémoire envoyé en janvier 1994 à la Garde côtière, dans lequel la société dit notamment:
Nous estimons que la solution la plus efficace pour accroître la sécurité sur l'eau ne passe pas par des restrictions sur notre produit mais par l'éducation de leurs propriétaires ainsi que par celle des autres utilisateurs d'embarcations.
En août, le gouvernement donnait raison à Bombardier. Pour la première fois, le gouvernement ne tenait pas compte du respect de la Garde côtière pour les décisions locales. Il a adhéré au deuxième volet de la position de Bombardier, à savoir que la solution passait par l'éducation. La Garde côtière a reçu l'ordre de trouver d'autres possibilités d'encourager la conduite sécuritaire. Elle a opté pour l'éducation des plaisanciers. Depuis plusieurs années, les jeunes doivent passer un test écrit pour pouvoir utiliser des motomarines. À partir du mois de septembre, tout conducteur de motomarine ou d'embarcation de type «runabout» de 12 pieds munie d'un petit moteur devra prouver ses compétences en navigation en passant ce même test élémentaire.
Je suis en faveur de l'éducation des plaisanciers, mais celle-ci ne suffit pas si elle n'est pas assortie d'une formation pratique ou d'un essai. Je pense que l'on n'aimerait pas voir des jeunes de 16 ans rouler à moto sur les autoroutes après avoir seulement réussi un test écrit. Cependant, en vertu de notre politique actuelle, on leur permet de conduire des motomarines d'une puissance de 150 chevaux où ils veulent, sans faire passer de test sur l'eau.
En 1994, la société Bombardier a également exposé les motifs de sa nouvelle politique. Dans son mémoire, elle disait:
Les motomarines sont avant tout considérées comme des embarcations à moteur aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada. Elles ont les mêmes droits, les mêmes privilèges et les mêmes responsabilités que toute autre embarcation se trouvant sur nos lacs et nos cours d'eau. Il est injuste, voire discriminatoire, d'imposer aux utilisateurs de motomarines des restrictions spéciales non applicables aux autres plaisanciers.
La politique de non-discrimination envers les motomarines de la part des collectivités locales a été instaurée quelques mois plus tard. C'est une politique qui traite les motomarines comme des personnes. Il est interdit de faire de la discrimination à leur égard. C'est une politique officielle et un raisonnement qui traite les personnes — les propriétaires de motomarines, les autres plaisanciers et les nageurs — comme des engins. Je le dis en connaissance de cause.
La politique protège les fabricants de motomarines mais pas les personnes qui sont dans l'eau ou dans une embarcation. Les fabricants de motomarines n'ont pas été obligés de régler les vices de construction graves et connus qui ont causé des accidents et des blessures. Aucun ministère n'a averti les propriétaires de motomarines lorsque des rappels massifs ont été effectués. On n'a pas permis aux personnes concernées de tenter de se protéger en imposant des restrictions sur leurs lacs. La politique ne tien apparemment pas compte du tout du nombre croissant de décès et de blessures à la suite d'accidents dans lesquels sont impliquées des motomarines. On y attache tellement peu d'importance que le gouvernement n'établit même pas des statistiques nationales complètes sur les accidents ou les blessures.
Ce projet de loi modifierait un aspect important de la politique fédérale: les personnes qui connaissent le mieux les conditions locales auraient le droit de décider où l'on peut utiliser les motomarines en toute sécurité et où les conducteurs de motomarines peuvent involontairement se blesser, causer des blessures à d'autres personnes ou endommager l'environnement.
Le ministre des Pêches et des Océans a, en vertu de la loi, le pouvoir de rendre ce projet de loi superflu. Il lui suffit d'ajouter des annexes concernant les motomarines au règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux; les collectivités pourraient alors faire une demande pour être inscrites dans ces annexes. Nous ne devrions plus nous occuper que du processus et des questions d'application. J'ai cru pendant un certain temps que le ministre précédent prenait des mesures à cet effet, mais il ne l'a pas fait.
Le projet de loi est simple, mais il est soutenu par des preuves qui sont souvent d'ordre technique — dont les témoins parleront. Je voudrais passer en revue rapidement les preuves indiquées dans les rapports et les renseignements pertinents que contiennent vos cahiers d'information. Qu'est-ce qu'une motomarine au juste? Le projet de loi contient la définition suivante, recommandée par nos rédacteurs:
Embarcation de plaisance hydropropulsée, à coque fermée et sans cabine, conçue pour être utilisée par une ou plusieurs personnes assises, debout, à genou ou à califourchon.
Elle est semblable à la définition du règlement proposé en juin 1994 et publié dans la partie I de la Gazette du Canada. Dans le langage courant, les motomarines sont appelées jet skis ou sea-doos. Elles ont l'aspect de motoneiges modifiées qui se déplacent sur l'eau mais sans skis et sans gouvernail ou hélice, ce qui est la cause d'un des principaux problèmes de sécurité; elles produisent généralement le même son. Nous en reparlerons plus tard.
La plupart des motomarines sont munies d'un moteur à essence à deux temps mais les fabricants font maintenant des modèles munis d'un moteur à quatre temps qui produisent un niveau plus faible d'émissions. Le premier jet ski, qui a été mis sur le marché en 1974 par Kawasaki, était muni d'un moteur de 32 chevaux. Maintenant, les modèles de course sont munis d'un moteur dont la puissance peut atteindre 160 chevaux. Les petits modèles sont munis d'un moteur de 85 chevaux. Leur vitesse peut atteindre 100 kilomètres à l'heure, voire plus.
Au cours des années 80, les amateurs de motomarine étaient uniquement des personnes qui avaient suffisamment confiance en elles pour manier une machine puissante en position debout. C'est Bombardier qui a apporté des changements, selon ses documents publicitaires, et a conçu un modèle sur lequel on pouvait être assis. Lorsque les modèles à deux places sont devenus courants, l'entreprise canadienne a fabriqué des motomarines à trois ou quatre places. À la section 6 de votre cahier, vous trouverez des renseignements sur quelques modèles de cette année. À la fin des années 80, la popularité des motomarines a considérablement augmenté. Aux États-Unis, leur nombre a décuplé entre 1987 et 1996; il est passé de 92 000 à 900 000.
Peu de personnes connaissent le nombre précis de motomarines vendues au Canada et celles qui le savent ne le révèlent pas. Un de nos témoins a demandé ce chiffre à l'Association canadienne des manufacturiers de produits nautiques (ACMPN) pour préparer son mémoire. Comme l'indique la lettre datée du 29 octobre que lui a envoyée M. Sandy Currie, les fabricants considèrent que c'est un renseignement confidentiel. Le nombre qu'a utilisé dernièrement l'ACMPN est de 80 000 à 100 000 motomarines pour le Canada. Il ne s'agit pas du nombre de motomarines vendues; c'est le nombre de motomarines qui sont toujours en usage. Le chiffre comparable pour les États-Unis atteint maintenant 1,2 million.
Il importe que nous sachions, même si n'est qu'approximativement, non seulement combien de motomarines sont en circulation mais aussi en quelle année elles ont été fabriquées. Je présume que les témoins vous parleront beaucoup des modifications de conception qui ont été apportées pour que les motomarines soient moins polluantes, moins bruyantes et plus sécuritaires, changements dont on ne peut que se féliciter. Cependant, ce n'est pas la sécurité dans la salle d'exposition qui importe mais la sécurité sur un lac. Il est important que nous ayons une idée approximative du nombre de modèles de motomarines sans gouvernail qui ont été vendus par exemple et combien seront encore probablement en circulation cet été. En attendant d'avoir des preuves, nous pouvons tout au plus nous baser sur les chiffres fournis par les fabricants. Il y a six ans, les fabricants estimaient qu'il y avait 53 650 motomarines au Canada; par conséquent, environ la moitié des motomarines actuellement en circulation sont des modèles antérieurs à 1977.
Dans la 1re section de votre cahier se trouvent le projet de loi et le règlement proposé par la Garde côtière en juin 1994, sur lequel le projet de loi est modelé. Vous y trouverez également les procès-verbaux de la réunion d'août 1994 au cours de laquelle ce règlement a été officiellement rejeté, et les commentaires que les représentants de la Garde côtière avaient préparés pour cette réunion en réponse aux objections de l'industrie de la navigation de plaisance. Vous y trouverez en outre des lettres échangées par Parcs Canada et le Comité de l'énergie, la politique gouvernementale actuelle et un document décrivant le processus concernant les autres restrictions sur la navigation de plaisance ainsi que la documentation d'une association de riverains d'un lac qui a dû attendre quatre ans pour pouvoir imposer des restrictions sur la navigation de plaisance.
Les divers documents exposent les motifs du refus d'autoriser des restrictions spécifiques pour les motomarines. Ils montrent les parallèles entre le projet de loi S-26 et les mesures que les fonctionnaires de la Garde côtière ont tenté de prendre en 1995 et aident à comprendre les raisons pour lesquelles certains passages du projet de loi S-26 sont différents.
Je passe au projet de loi. Le préambule reconnaît que l'usage sécuritaire de nos lacs et autres voies navigables revêt une importance nationale, que les problèmes de sécurité et d'environnement engendrés par l'utilisation des motomarines ont suscité des préoccupations au sein du public et que le règlement actuel, pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada n'est pas suffisant. L'article 2 contient les définitions requises et l'article 3 indique l'objet de la loi, qui est de fournir aux autorités locales un mécanisme juridique qui leur permette d'imposer des restrictions tout en respectant le pouvoir fédéral. L'article 4 expose la méthode. Il exige des consultations publiques à l'échelle locale, y compris des consultations auprès des agents chargés de l'application de la loi. Il exige que la collectivité détermine «pour des raisons de santé, de sécurité ou liées à l'environnement» quelles restrictions ou si une interdiction sont nécessaires. Il exige l'adoption d'une résolution par les autorités locales et exige des preuves de consultations, et que la résolution en question soit envoyée au ministre des Pêches et des Océans. Il exige en outre que ce dernier publie les restrictions proposées dans la Gazette du Canada et prévoie un délai de 90 jours pour les commentaires. Il établit en outre un mécanisme permettant à la collectivité de modifier ses résolutions en fonction de ces commentaires.
Les exigences en matière de consultation du public sont considérables. En fait, elles sont plus strictes que les exigences gouvernementales concernant les autres règlements sur les restrictions à la navigation de plaisance. Les motifs sont exposés dans les articles suivants qui diminuent sans toutefois supprimer le pouvoir discrétionnaire du ministre.
Plusieurs des articles dictent des instructions au ministre. Ce qui est très important, c'est que le ministre fait publier les restrictions proposées par la collectivité dans la Gazette du Canada et décrète qu'elles sont légales, sous réserve des dispositions de l'article 6. L'article 6 accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire limité de refuser d'ordonner une restriction ou une interdiction si la navigation serait obstruée, gênée ou rendue plus difficile ou dangereuse. Cette disposition a été ajoutée sur les conseils de notre conseiller juridique et le terme «navigation» concerne dans ce cas-ci la navigation en général et pas uniquement les motomarines.
L'article 7 concerne les arrêtés ministériels permettant d'ajouter ou de supprimer une voie navigable désignée d'une annexe, à la demande des autorités locales. L'article 8 oblige le ministre à tenir des dossiers contenant toutes les résolutions et les décisions correspondantes.
L'article 9 concerne l'interdiction d'utiliser une motomarine, si ce n'est conformément aux restrictions et fixe une amende maximale de 2 000 $. L'amende a été fixée sur les conseils de nos juristes qui trouvaient que le montant est comparable au nouveau montant fixé aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada. Certaines personnes estiment qu'elle est trop élevée par rapport aux amendes de 500 $ prévues pour des infractions analogues. C'est un domaine où nous envisagerions un amendement, si c'est ce que vous voulez.
L'article 10 donne au ministre le pouvoir de prendre des règlements, y compris d'établir les annexes pour restreindre ou interdire les motomarines dans des zones précises en soustrayant à l'application de ces restrictions les agents chargés de l'application de la loi dans l'exercice de leurs fonctions; c'est en outre de cette façon que le ministre pourrait imposer d'autres exigences en ce qui concerne les consultations ou la signalisation, par exemple.
L'article 11 exige que le ministre présente un rapport au Parlement, ce qui devrait permettre aux parlementaires de suivre l'utilisation de la loi par les autorités locales et de savoir quelles résolutions sont refusées par le ministre.
Je voudrais faire maintenant des commentaires sur le règlement que la Garde côtière a publié dans la partie I de la Gazette du Canada le 4 juin 1994. Il s'agit du règlement sur les restrictions à la conduite de bateau pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. Une de ces restrictions — les restrictions sur les motomarines sur un lac du Québec — suit à peu près la même démarche que celle qui est proposée par ce projet de loi. Ces restrictions ont été établies par une collectivité locale où l'on avait tenu des consultations et elles ont été publiées pour susciter des commentaires. Les autres restrictions ont été proposées par Parcs Canada. La Garde côtière avait même conçu la signalisation qui comprend une icône représentant une motomarine et son pilote. Il y a deux annexes indiquant les lieux où l'utilisation de motomarines serait restreinte.
Au Lac aux Quenouilles, au Québec, l'utilisation des motomarines serait limitée à la période de trois heures situées entre 13 h 30 et 16 h 30 et la vitesse serait limitée. Cette restriction est basée sur les propositions faites en 1994. Dans les eaux situées en bordure du parc national Pacific Rim, situé sur la côte ouest de Vancouver — un parc que le premier ministre a créé lorsqu'il était responsable des parcs —, du 1er juin au 30 septembre, les amateurs de motomarine ne pourraient plus s'adonner à leur sport qu'entre 13 heures et 18 heures, soit pendant cinq heures au cours de l'après- midi. D'après un autre document obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, qui se trouve dans le cahier, les restrictions en ce qui concerne ce parc ont été demandées «en raison de l'utilisation dangereuse des motomarines au milieu des baigneurs et des surfistes». Ce document indique que la Garde côtière a reçu 13 lettres d'appui au sujet du règlement, y compris des lettres d'appui des autorités provinciales de l'Ontario et de la Saskatchewan et de diverses collectivités de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. Il a en outre reçu 11 lettres de protestation et a répondu à tous les commentaires.
Après le délai de 30 jours prévu pour les commentaires, une réunion inhabituelle a eu lieu, le 17 août 1994, à l'administration centrale de la Garde côtière, à Ottawa. Vous trouverez les procès-verbaux de cette réunion dans votre cahier. Ils indiquent que les restrictions proposées avaient l'appui de la GRC, qui a de très nombreux chiffres concernant les accidents. Les agents de sauvetage de la Garde côtière ont des statistiques indiquant que le nombre de collisions provoquées par des motomarines est beaucoup plus élevé qu'en ce qui concerne les autres types de petites embarcations. Le personnel de Parcs Canada a appuyé la demande du ministère en invoquant le fait qu'il fallait tenir compte de la sécurité de tous et de toutes. Les représentants des gouvernements de l'Ontario et du Québec l'ont appuyée également.
Un porte-parole des fabricants a toutefois protesté sous prétexte que l'on «prévoyait un traitement spécial» pour les motomarines. Divers fabricants ont appuyé cette position. La Canadian Marine Trades Federation s'est également opposée au règlement, indiquant que des inspections plus sévères les rendraient inutiles.
Votre cahier contient également un résumé des objections faites par écrit et des réponses de la Garde côtière. En fin de séance, le président a résumé les décisions, y compris celle que le règlement ne serait pas adopté. Pour quelles raisons? De toute évidence, parce que la saison était déjà trop avancée et à cause de la menace de poursuites. Le règlement n'a pas été réexaminé à temps pour la saison suivante de navigation — il n'y a donc pas eu de poursuites.
En fait, les responsables de la Garde côtière ont reçu l'instruction de trouver d'autres solutions aux problèmes engendrés par les motomarines. Un comité du Cabinet avait établi la politique, comme il en avait le droit. Les autres méthodes qu'a trouvées la Garde côtière comprennent l'introduction progressive de tests écrits pour tous les conducteurs d'embarcations à moteur et de motomarines et l'imposition de restrictions d'âge — bien que l'on fasse une distinction entre les motomarines et les autres types d'embarcations. Dans plusieurs provinces, on a instauré une limite de 10 kilomètres à proximité des berges et un nouveau régime de permis a été établi pour toutes les embarcations, et pas uniquement pour les motomarines. Malgré ces initiatives, les problèmes liés aux motomarines persistent.
En 1994, deux autres changements importants se sont produits. Les procès-verbaux les indiquent. Comme les fabricants de motomarines ne pouvaient pas appliquer les mêmes normes de sécurité que pour la fabrication d'embarcations — et n'y répondent toujours pas —, des normes industrielles volontaires ont été élaborées par l'intermédiaire de l'Organisation internationale de normalisation, ou ISO, et par la Society of Automotive Engineers, ou SAE. En 1994, les normes ISO en ce qui concerne le système d'alimentation en carburant, le circuit électrique et le système de ventilation ont fait l'objet de discussions. Au paragraphe 5a des procès-verbaux, le président indique qu'on avait réalisé des progrès en ce qui concerne cette norme, qui a été finalement adoptée par nos fonctionnaires. On y explique un aspect de la position qu'avait adoptée la Garde côtière en ce qui concerne le règlement avant août 1994.
Le cinquième commentaire des objections faites par écrit indique que:
Il est injuste de faire de la discrimination et de s'acharner sur un seul groupe de plaisanciers ou un seul type d'embarcation,
— même si nous faisons de la discrimination à l'endroit des amateurs de ski nautique. La réponse de la Garde côtière est:
L'industrie tente d'établir des normes différentes en ce qui concerne ce type d'embarcation dont la nature ou l'utilisation est différente.
Le dernier volet de la réponse signale l'évidence même: lorsque les pilotes tournent en cercle pendant des heures sur les lacs, coupent leur sillage ou s'approchent à toute vitesse des zones de baignade, les motomarines sont utilisées à des fins sportives et non comme moyen de transport. En fait, le U.S. National Transportation Safety Board a décrit, en 1998, la motomarine comme une embarcation de plaisance conçue pour «s'amuser».
La première partie de la réponse signale que: «l'industrie tente de faire établir des normes différentes [...]», autrement dit des normes de fabrication différentes en ce qui concerne la sécurité. De toute apparence, il est interdit de faire de la discrimination à l'endroit des motomarines en permettant des restrictions locales qui les dissocient des autres types d'embarcations, mais il est normal d'avantager les motomarines en permettant aux fabricants d'établir eux-mêmes les normes de sécurité.
Le troisième commentaire important concerne le processus général et les procédures suivies pour établir des règlements sur les restrictions à la navigation de plaisance. Des changements étaient en préparation en 1994, mais leur nature précise n'était pas connue et les procès-verbaux de la réunion ne signalent aucune discussion précise à ce sujet.
En ce qui concerne les autorités locales, nous ne connaissons que les résultats finaux. Vous les trouverez dans un document intitulé «Local Authorities Guide to the Boating Restriction Regulations». La clause introductive se trouve dans le cahier. Cette clause décrit entre autres choses le processus en 20 étapes que doivent désormais suivre les petites municipalités rurales ou les grandes associations de propriétaires de chalets lorsqu'elles veulent protéger leurs lacs.
Juste à côté, vous trouverez de la documentation sur les résultats qu'a obtenus la Moot Lake Cottage Owners' Association lorsqu'elle a voulu utiliser ce processus. Dans le cas de cette association ontarienne, il a fallu attendre quatre ans et mobiliser l'attention d'une armée de fonctionnaires au niveau du comté, au niveau provincial et au niveau fédéral. Sa demande a été retardée par la Police provinciale de l'Ontario, par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario et par le Bureau du Conseil privé fédéral. C'est un long délai pour obtenir l'autorisation d'imposer une limite de vitesse de 10 kilomètres à l'heure sur un lac de 50 acres où la présence de rochers submergés devrait restreindre la vitesse, si l'on faisait preuve de bon sens. Tout cela parce qu'un nouveau propriétaire avait le droit légal de ne pas tenir compte des mises en garde de ses voisins et continuait d'utiliser sa motomarine de façon dangereuse.
J'attire votre attention sur le commentaire de la personne qui a tenté pendant des années de rétablir la sécurité sur son lac. Il a dit:
J'envisage avec appréhension l'éventualité de devoir donner les premiers soins à de nouveaux venus égoïstes qui ont constamment refusé de nous écouter et de respecter notre connaissance des conditions de navigation sur le lac.
La 1re section de votre cahier d'information donne la chronologie des efforts déployés par les autorités locales pour régler rondement et légalement les problèmes causés par les motomarines. C'est l'histoire de la solution initiale de la Garde côtière — qui est très semblable à celle proposée dans ce projet de loi — et la réaction de la police, celle que les fabricants demandaient précisément.
Le projet de loi S-26 est une réaction à cette politique et à la situation locale. J'ai commencé mon enquête il y a quatre ans. J'ai fait cette enquête en raison du terrible accident survenu sur le West Hawk Lake, au Manitoba, où je passe une partie de l'été. Un jeune homme a été pratiquement décapité à la suite de cet accident. Mes voisins voulaient savoir que faire pour éviter d'autres accidents mortels. Lorsque le projet de loi S-26 reçoit un appui vigoureux de la part de la population locale, nous constatons généralement qu'un accident a causé une mort tragique. Les habitants des collectivités situées à proximité de Shuswap Lake (Colombie-Britannique), de Sylvan Lake (Alberta), de West Hawk Lake (Manitoba), de la baie Géorgienne (Ontario) et du lac Magog (Québec) ont été témoins d'accidents tragiques. Au cours des cinq dernières années, 20 décès et 122 quasi-noyades ou accidentés graves ont été signalés par les quotidiens qui, je vous le rappelle, ne couvrent ce genre d'accidents que de façon sporadique, généralement ceux qui surviennent au cours des fins de semaine de vacances. Dix décès ont été signalés par les journaux urbains en 1997.
J'ai modelé le projet de loi S-26 autant que possible sur le règlement que la Garde côtière a proposé en 1994 parce qu'il correspond aux mesures que l'on prend généralement au Canada pour régler les autres problèmes de sécurité ou d'environnement sur l'eau: on permet aux autorités locales de prendre les décisions. Le gouvernement fédéral établit la réglementation pour les collectivités locales et on exige des consultations publiques. Dans le cas du ski nautique par exemple, on ne permet pas aux fabricants d'établir la politique officielle. Le projet de loi S-26 restreint le pouvoir discrétionnaire du ministre parce que les fabricants ont malheureusement eu une influence indue en 1994. J'exige des consultations publiques, et pas des consultations avec des ministres, pour déterminer les mesures qu'il convient de prendre pour assurer la sécurité et protéger l'environnement; je suis convaincue que c'est ce que vous voulez également.
Plusieurs personnes estiment qu'il ne faut pas aller plus loin que la proposition faite par la Garde côtière en 1994 et qu'il ne faut pas accepter des interdictions sur quelque lac que ce soit. Ma réponse est que nous avons des preuves que ce n'était pas possible il y a huit ans. Ne fût-ce que pour des raisons de sécurité, les interdictions dans certaines zones sont tout à fait justifiées et ce ne serait pas la première fois qu'on en impose. Dans un petit lac voisin du mien, les embarcations à moteur sont interdites. Personne n'y attache beaucoup d'importance parce que c'est un très petit lac. Il est réservé au canoéisme et à la pêche; on a donc interdit l'utilisation d'embarcations à moteur et c'est très bien ainsi.
Le projet de loi réduit en outre le nombre d'étapes que les autorités locales doivent suivre pour présenter une demande de restriction. Il le réduit parce que le processus en 20 étapes est laborieux et dissuasif pour les associations locales, surtout les associations de propriétaires de chalets dirigées par des bénévoles ou les employés municipaux des régions rurales. Le projet de loi S-26 propose que les résolutions locales soient envoyées directement au ministre. À un lac situé juste à côté du mien, le Falcon Lake, un groupe de personnes se sont réunies pour discuter des motomarines et la GRC leur a dit de ne pas se donner la peine de faire des démarches parce que cela ne donnerait aucun résultat.
Au Québec, certaines personnes voudraient rencontrer les agents provinciaux qui administrent les autres règlements sur les restrictions à la conduite des bateaux. Je crois que le ministre pourrait l'exiger aux termes de l'alinéa 10e), ou nous pourrions régler la question par le biais d'un amendement, si vous préférez. Dans quatre autres provinces, ce sont également des fonctionnaires provinciaux qui administrent le processus pour le gouvernement fédéral, mais si j'ai bien compris, plusieurs provinces envisagent de mettre un terme à ce service car la demande publique n'est pas suffisante.
Je voudrais maintenant mettre l'accent sur certains des renseignements qui se trouvent dans d'autres sections de votre cahier d'information. Je le ferai très rapidement parce que d'autres témoins ont également diverses questions à aborder.
La 2e section donne un bref résumé des restrictions imposées par les États américains où les restrictions à la navigation de plaisance relèvent de la compétence des États et pas de celle du gouvernement fédéral. J'ai choisi les données américaines parce que l'Amérique du Nord est le principal marché pour les motomarines. Des règlements ont été établis dans d'autres pays. En Australie, par exemple, leur présence dans le port de Sydney a été interdite. La situation des États-Unis est la plus comparable à la nôtre étant donné que nous partageons des voies navigables, que les fabricants sont les mêmes et que les chiffres sur le pourcentage de motomarines par habitant sont analogues. Dans 51 États, un âge minimum pour les conducteurs de motomarines a été fixé et l'âge minimum de 16 ans exigé au Canada se compare avantageusement aux limites d'âge fixées dans plusieurs États. C'est toutefois le seul facteur en notre faveur. Dans 44 États, des restrictions ont été imposées pour ce qui est de couper le sillage, 38 États ont imposé des interdictions dans des zones précises et 12 États ont fixé des limites de vitesse. Aucune limite de ce genre n'a été imposée au Canada.
La 3e section est la deuxième section la plus importante de votre cahier d'information. Elle concerne la sécurité. J'y ai inclus deux articles populaires complets sur le sujet, un qui vient des États-Unis et l'autre du Canada. Je vous invite à les lire quand vous en aurez le loisir, mais je voudrais mettre l'accent sur le troisième paragraphe du premier article qui expose, en termes simples, un des principaux problèmes de sécurité.
En 1998, le National Transportation Safety Board a critiqué la structure de base de toutes les motomarines: «Les motomarines ne sont pas dotées de mécanisme de freinage. Elles s'arrêtent progressivement et pendant ce temps- là, il n'est plus possible de la manoeuvrer».
Ou, comme le mentionne l'auteur de cet article: «Lorsque les gaz sont coupés, un jet ski lancé à pleine vitesse se comporte comme une automobile sur la glace. Il ne peut pas s'arrêter. Il ne peut pas virer et le conducteur n'a aucun contrôle».
Je vous signale en outre la section sur les rapports officiels concernant les vices de construction du véhicule. La U.S. Consumer Product Safety Division, la revue de l'American Medical Association et le Transportation Safety Board essaient de quantifier et de rectifier le problème qui se pose lorsqu'on coupe les gaz depuis 1965. Au cours des dernières années, comme l'indique le deuxième article, les tribunaux imposent leurs solutions.
L'expert en collisions de Calgary, dont on cite les commentaires dans le deuxième article, sera un de nos témoins. Je voudrais que vous vous souveniez que M. Paulo est également membre du comité de la Society of Automotive Engineers qui élabore les normes sur les motomarines et qu'il a été fonctionnaire à Transports Canada.
Vous voyez ensuite les statistiques de la Garde côtière américaine qui indiquent les tendances en ce qui concerne l'utilisation des motomarines, les accidents, les blessures et les accidents mortels. Les statistiques s'arrêtent malheureusement à 1997 mais ce qui est important, c'est le nombre de blessés par rapport au nombre d'accidents (un blessé pour 2,3 accidents) et le nombre de blessés par rapport au nombre de décès (près de 24 blessés pour un cas mortel). C'est important parce que nous ne disposons pas de statistiques analogues ce genre d'accident au Canada.
Nous avons des statistiques plus détaillées de la Garde côtière américaine pour l'an 2000. Les accidents dans lesquels sont impliquées des motomarines ont causé 1 580 blessés et 68 morts. Nous constatons que les motomarines sont responsables de 2 287 collisions entre embarcations sur 5 437, soit 42 p. 100, même si elles ne représentent que 10 p. 100 du nombre total d'embarcations immatriculées. Elles étaient impliquées dans près de 30 p. 100 des accidents de tout genre.
Le U.S. National Transportation Safety Board a décidé d'examiner les caractéristiques des cas de décès, de blessures et d'accidents associés aux motomarines, ce qui n'a rien d'étonnant. Il a publié un rapport qui est mentionné dans les références citées dans votre cahier d'information. Celui-ci ne contient pas le rapport intégral, mais les décisions qui ont été prises par cet organisme pour tenter de résoudre les problèmes y sont mentionnées. En juin 1998, il a écrit aux fabricants pour leur demander de:
Évaluer la structure des motomarines et y apporter des modifications de façon à accroître le degré de contrôle du conducteur et à limiter les accidents entraînant des lésions corporelles. Il faudrait envisager d'y ajouter un système de direction lorsque les gaz sont coupés, un guidon de freinage et un guidon matelassé ainsi que de l'équipement pour le conducteur comme des vêtements de flottaison et des casques.
Il leur a demandé en outre d'élaborer, avec l'aide de la Garde côtière, des normes précises axées spécifiquement sur les risques liés aux motomarines et il a demandé à la Garde côtière d'étudier pour juin 2000 la possibilité de donner aux conducteurs de motomarines davantage de contrôle lorsque les gaz sont coupés.
Enfin, cette section contient des renseignements supplémentaires venant des États-Unis. Elle indique le nombre de véhicules impliqués dans les rappels massifs de motomarines dus à des problèmes de production ou de conception qui pourraient causer des incendies ou des explosions. Ces renseignements ont incité mes collaborateurs à consulter le site Web de la Garde côtière américaine pour y trouver des renseignements sur d'autres rappels. Nous avons constaté que plus de 500 000 véhicules ont été rappelés pour des défauts importants compromettant la sécurité. Ça paraît incroyable, mais ce sont les chiffres indiqués. Ça représente entre un tiers et la moitié des motomarines fabriquées. L'aptitude des fabricants à détecter les défauts de fabrication est louable. Par contre, ce qui est inquiétant, c'est le faible pourcentage de véhicules réparés — 38 p. 100 seulement des 126 000 motomarines rappelées par Bombardier pour un goulot de remplissage du réservoir à essence défectueux sur les modèles produits pendant trois ans. Le fait que notre Garde côtière n'en ait jamais averti les propriétaires canadiens est inquiétant.
Cette section sur la sécurité et les sections suivantes sur les incidences environnementales donnent un aperçu des problèmes que cause la présence de ces véhicules sur nos lacs et dans les eaux côtières. La 4e section contient la description des problèmes de pollution faite par Environnement Canada. En une heure, un moteur à deux temps de 70 chevaux produit une quantité d'émissions d'hydrocarbures équivalant aux émissions d'une voiture neuve conduite sur une distance de 8 000 kilomètres. La plupart des motomarines sont d'une puissance supérieure à 70 chevaux et sont utilisées pendant des heures sur de petits lacs. Dans cette section, vous trouverez également deux excellents rapports de la Bibliothèque du Parlement concernant les initiatives que prend le gouvernement pour tenter de régler ce problème des émissions et celui des incidences environnementales des motomarines. Nos témoins donneront d'autres renseignements à ce sujet.
Dans la 5e section, vous trouverez un résumé d'un excellent document rédigé par un autre de nos témoins, qui porte sur la question du bruit. Il indique les mesures prises par un fabricant pour réduire les émissions de bruit. Cette section contient le graphique qui situe le Sea-Doo, dont le moteur est moins bruyant, à un niveau de décibels entre celui d'un aspirateur et de la circulation urbaine. Une des personnes qui appuie le projet de loi a écrit qu'elle habite en bordure du canal Rideau où le bruit causé par les motomarines atteint des niveaux inquiétants. Elle compare ce bruit à celui auquel sont exposées les personnes qui habitent en bordure de la 401.
La 6e section indique quelques-unes des modifications techniques qui ont été apportées aux motomarines au cours des dernières années: une clé d'apprentissage pour les débutants, un système ressemblant à un gouvernail pour améliorer la direction, un moteur à quatre temps pour réduire les émissions et un système à injection directe. Toutes ces modifications sont louables, mais elles sont sur les modèles qui se trouvent encore dans les salles d'exposition et pas sur les machines auxquelles ont affaire les autres plaisanciers et propriétaires de chalets.
Ces systèmes n'ont pas encore été soumis à une évaluation indépendante. Par exemple, Bombardier a accepté que des essais indépendants soient effectués sur d'autres systèmes à l'état de prototype ayant pour but d'améliorer la direction mais a refusé que l'on fasse des tests sur sa direction assistée hors accélération. Sans ajout pour améliorer la direction, les Sea-Doos sur lesquels des essais ont été effectués ont permis d'éviter des collisions à 20 milles à l'heure, mais le taux de réussite était de 0 à 17 p. 100 à 30 milles à l'heure et l'échec était complet à des vitesses supérieures. C'est la performance des modèles qui ont quitté les salles d'exposition il y a quelques années et qui sont actuellement sur les lacs, où la sécurité est une préoccupation majeure. J'ai inclus quelques dépliants publicitaires pour les modèles de cette année afin que vous voyiez les renseignements que les fabricants donnent aux clients potentiels.
Dans la dernière section, vous trouverez un résumé de la réaction publique au projet de loi S-26, la liste des 70 organismes qui appuient ce projet de loi et celle des Canadiens et Canadiennes qui se sont donné la peine d'écrire des lettres. Vous y trouverez également les principaux résultats d'un sondage national. Roper Reports Canada, un service national affilié de marketing et de sondages d'opinion publique, a fait un sondage au Canada au cours de l'hiver dernier. Il a demandé si les autorités locales devraient avoir le pouvoir d'établir des règlements sur l'utilisation des motomarines et des Jet Ski. Cinquante-neuf pour cent des participants ont répondu que oui. Dix-huit pour cent ont répondu non. Je suis prête à vous communiquer les résultats ventilés de ce sondage.
Le rôle des parlementaires n'est pas de suivre aveuglément les résultats des sondages, bien qu'il faille être au courant de l'opinion publique. Notre rôle est de prendre les meilleures décisions possible pour le pays. Je suis certaine que lorsque ces audiences seront terminées, il apparaîtra clairement qu'il faut adopter ce projet de loi. Les problèmes causés par les motomarines persistent et le gouvernement fédéral a non seulement le pouvoir mais aussi la responsabilité de régler ces problèmes que ce pouvoir implique. Jusqu'à présent, il n'a pris aucune mesure. Il est incontestable que l'on a refusé aux collectivités locales le droit de protéger leurs lacs. Le projet de loi S-26 mettra un terme à cette politique.
Je répondrai volontiers à vos questions.
La présidente: Si j'ai bien compris, le ministère des Pêches et des Océans pense que le problème des motomarines peut être réglé en vertu de la législation actuelle. Pourriez-vous parler des discussions que vous avez eues à ce sujet avec les représentants du ministère et dire ce que vous pensez de sa position?
Le sénateur Spivak: Je crois que c'est vrai. Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, si le ministre avait voulu consacrer une annexe aux motomarines, les collectivités auraient moins de difficulté à présenter une demande en ce qui concerne les restrictions qu'elles souhaitent imposer.
C'est la position du ministère. Je pense que l'intention est là et que la motivation est bonne. Le problème réside dans le suivi.
Le processus prévu dans le règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux est un processus en 20 étapes. À chaque étape, un bureaucrate ou la GRC, ou une autre personne peut décider que c'est terminé. Je pense que c'est une question de bon sens de simplifier le processus.
En outre, la politique gouvernement indique qu'il est nécessaire de tenir des consultations auprès de tous les Canadiens et pas uniquement auprès des habitants des collectivités locales. Les restrictions à la conduite des bateaux indiquent que, lorsqu'on veut présenter une demande pour imposer une restriction, il faut faire une évaluation de la nécessité de la mettre en oeuvre et de tenir des consultations publiques à l'échelle locale. Ce n'est pas une nouvelle politique. Cependant, ce processus est très onéreux à cause du nombre d'étapes. Je suggère un processus plus simple.
Je serais heureuse si mon projet de loi était superflu. Ce serait formidable si le ministère décidait de prendre des mesures.
La présidente: Vous avez mentionné qu'en vertu de ce projet de loi, le gouvernement fédéral traiterait directement avec les municipalités. Quelle serait dès lors, d'après vous, la réaction des provinces?
Le sénateur Spivak: Comme je l'ai déjà mentionné, certaines des provinces ne veulent pas s'en mêler. Les provinces pourraient s'en mêler; on pourrait apporter des modifications au processus que je propose. Je ne suis pas intraitable à ce sujet. Par contre, je tiens absolument à un contrôle local et à une simplification du processus pour permettre aux intéressés d'obtenir satisfaction.
Ce n'est pas une proposition unique en son genre. Diverses restrictions sont déjà en place dans 2 000 localités canadiennes. Le système devient plus onéreux. Dans le cas précis des motomarines, les fabricants ont déclaré la guerre à ce projet de loi. Je ne vois pas pourquoi. S'ils ont un produit de qualité, les consommateurs l'achèteront et personne n'imposera des restrictions. Ils luttent farouchement et exercent des pressions sur le Cabinet, comme en 1994, pour qu'il interdise aux collectivités locales d'imposer des restrictions. C'est injuste.
La présidente: Vous avez indiqué de nombreuses incidences négatives de l'utilisation des motomarines. Pourriez- vous établir un ordre de priorité? Est-ce que la principale préoccupation est la sécurité publique ou est-ce la dégradation de l'environnement, par exemple? Est-ce que l'utilisation de ces engins prive d'autres personnes de la jouissance paisible de leur propriété?
Le sénateur Spivak: Je pense que la sécurité est la principale préoccupation. Je pense que c'est le public qui fixe ses priorités. Dans chaque collectivité, on réagit pour diverses raisons. Dans ma ville, à Winnipeg, c'est parce que ce type d'activité pourrait entraîner l'érosion des berges. Les motomarines causent beaucoup de dégâts aux berges. Les riverains ont levé les armes quand une demande d'autorisation d'utiliser des motomarines sur la rivière Rouge a été présentée. Le conseil municipal a refusé d'accorder l'autorisation.
C'est ainsi que cela devrait se passer. Je pense qu'après avoir consulté leurs voisins et qu'après qu'une décision majoritaire ait été prise dans la collectivité, les intéressés devraient avoir le droit de présenter une pétition à leur gouvernement et de faire examiner leurs problèmes.
La présidente: L'industrie peut-elle produire une motomarine qui serait acceptable sur le plan social, un modèle moins puissant ou moins bruyant?
Le sénateur Spivak: Les motomarines sont acceptables sur certains lacs. À Saanich, en Colombie-Britannique, se trouve un lac où les motomarines sont interdites grâce à un arrêté municipal concernant le bruit. L'industrie ne l'a pas contesté. Si elle le contestait en cour, elle aurait gain de cause. Par contre, sur un grand lac situé juste à côté de celui-là, les motomarines sont autorisées et personne ne s'en plaint.
Le problème, c'est qu'on considère les motomarines comme des embarcations semblables aux autres alors que ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un sport extrême. La publicité est axée sur les amateurs d'émotions fortes et de vitesse. C'est très bien. Il faut permettre aux gens de s'amuser, mais pas là où des enfants jouent, ni là où il y a des baigneurs ou encore des pêcheurs. Chaque collectivité devrait avoir le droit de prendre ce type de décision.
Est-ce une activité socialement acceptable? Je ne sais pas très bien ce qu'il faut entendre par là en théorie ou en pratique. Cependant, le principe de base est que l'important n'est pas ce que j'en pense personnellement, mais ce que les diverses collectivités locales décident de faire, et il faudrait leur faciliter la tâche.
Le sénateur Callbeck: Je vous félicite pour vos préoccupations au sujet de la sécurité, des voies navigables publiques et de l'environnement.
Vous avez mentionné, dans la réponse à une question précédente, que le processus actuel comporte 20 étapes. C'est là que réside le problème; le processus est trop laborieux. Quelles étapes faudrait-il éliminer, d'après vous?
Le sénateur Spivak: Le projet de loi propose de tenir des consultations, notamment avec les agents chargés d'appliquer les lois, avec la collectivité locale et avec les représentants de la province, s'ils le désirent. La résolution est ensuite envoyée directement au ministre. Le ministre doit suivre le processus habituel comme la publication dans la Gazette du Canada et le délai prévu pour les commentaires. Il peut également faire usage de son pouvoir discrétionnaire. Cela permet de réduire considérablement les démarches administratives.
Je n'ai pas les renseignements en mémoire. Je possède un document du Bureau de la sécurité nautique où toutes les étapes sont décrites. Si vous voulez, je vous en ferai parvenir un exemplaire. Je sais par expérience personnelle qu'un fonctionnaire ou une autre personne peut dire: «Laissez tomber», et qu'alors, tout est terminé.
Deux facteurs entrent en ligne de compte. Le premier, c'est que du fait que le gouvernement fédéral a la maîtrise de toutes les voies navigables canadiennes, la question doit être réglée entre le gouvernement fédéral et les municipalités locales. J'ai consulté un expert parce que j'étais préoccupée au sujet de la constitutionnalité de cette situation; il m'a envoyé une lettre indiquant qu'il n'y avait apparemment pas de problème sur le plan constitutionnel. C'est du moins ce qu'il a indiqué.
Le sénateur Callbeck: Estimez-vous que nous ne pouvons pas apporter une modification à la Loi sur la marine marchande du Canada ou améliorer les règlements? La Canadian Marine Trades Federation a dit que si les règlements existants étaient mis en application de façon efficace et que le système d'inspection était clairement défini, il ne serait pas nécessaire d'imposer des restrictions supplémentaires.
Le sénateur Spivak: Oui, il y a des règlements, et si le ministre voulait y ajouter une annexe, cela aiderait. On pourrait présenter une demande sans avoir l'impression qu'on n'arriverait pas à obtenir de résultat. Il y a la décision de 1994.
Ce projet de loi va un peu plus loin et réduit le nombre d'étapes. Je pense que les motomarines sont le secteur où la croissance est la plus forte et je suis certaine que les fabricants ont des statistiques. Ce secteur connaît une croissance extrêmement rapide. Il n'aurait peut-être pas été nécessaire d'aborder ce problème de façon aussi précise il y a quelques années, mais ce l'est sans doute maintenant. Si le ministre prenait des mesures, ce projet de loi serait superflu et je serais heureuse de le laisser expirer au Feuilleton.
C'est le problème et le processus qui sont en cause et pas nécessairement la stratégie. La stratégie consiste à éviter de dire qu'il n'y a aucun problème et c'est très bien. Ce n'est pas vrai qu'aucun problème ne se pose.
Le sénateur Callbeck: Nous avons déjà mentionné que ce processus en 20 étapes est laborieux et vous voudriez établir un mécanisme permettant d'accélérer le processus en réduisant le nombre d'étapes. Vous avez mentionné que les propriétaires de chalets participeraient à des consultations publiques. À supposer qu'un groupe de propriétaires veuille interdire les motomarines, est-ce que vous lui accorderiez l'autorisation?
Le sénateur Spivak: On dit comment procéder. Ce fut déjà le cas dans de nombreux autres endroits en ce qui concerne les restrictions sur la navigation de plaisance et lorsqu'il y a des problèmes, je suppose, et que la collectivité est désignée, mais le ministre a toujours le contrôle. Le système a été efficace dans d'autres cas. Je pense qu'il faut maintenant alléger le processus. Les règlements sur la navigation de plaisance prévoient un plan de consultation en cinq étapes. Ce plan indique qu'il faut utiliser des dépliants, placer des avis officiels, tenir des consultations sur le problème, instituer un comité, faire un suivi et envoyer la résolution. Tout cela est indiqué dans les règlements.
Le sénateur Callbeck: À partir de septembre, il faudra passer un test pour avoir le droit de piloter des Sea-Doos. Quelle sera la nature de ce test? En quoi cela consistera-t-il?
Le sénateur Spivak: Il s'agit d'un test écrit mais je ne sais pas en quoi il consiste au juste.
Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'un test semblable a déjà été imposé dans d'autres pays?
Le sénateur Spivak: Je crois que oui. Je pense que les Américains ont instauré un test, mais ils vont plus loin. Il ne s'agit pas uniquement des problèmes causés par les motomarines, mais du problème de la congestion, du nombre accru d'embarcations et de la puissance accrue des engins. Il suffit de discuter avec les riverains de la baie Géorgienne ou de la région de Muskoka. C'est un problème à tous points de vue. Le problème de base est la compatibilité d'utilisation. Il faut tenir compte des adeptes du ski nautique, des surfistes, des canoéistes, des nageurs et des pêcheurs. Certaines routes qui traversent les villes sont interdites aux camions pour d'excellentes raisons. Les motos hors route sont interdites sur les terrains de jeu. Pourquoi laisse-t-on régner l'anarchie sur les lacs? C'est dangereux et il faut régler ce problème. Ce projet de loi n'est qu'un élément de solution.
Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné que ce genre de test était obligatoire aux États-Unis.
Le sénateur Spivak: Aux États-Unis, le gouvernement fédéral n'est pas responsable de toutes les étendues d'eau. Les règlements sont établis par les divers États. C'est une responsabilité qui relève des États. J'imagine que les règlements varient d'un État à l'autre.
Le sénateur Callbeck: A-t-on des statistiques qui prouvent que la sécurité s'est améliorée?
Le sénateur Spivak: Je ne suis au courant d'aucune statistique à ce sujet. Aux États-Unis, on impose d'autres restrictions qui sont inexistantes ici. On impose des restrictions pour ce qui est de couper les sillages et sur d'autres activités. Au lac Tahoe, les motomarines sont totalement interdites. Elles sont totalement interdites dans les parcs nationaux. Dans ma province, on vient de les interdire dans le dernier parc qui leur était accessible. Le critère est la compatibilité d'utilisation.
Je pense que dans bien d'autres endroits, elles sont acceptables. Je suis certaine que les habitants locaux les apprécient beaucoup, et c'est très bien ainsi.
Le sénateur LaPierre: J'ai trois questions à poser. Est-ce que l'entente de Kyoto ne pourrait pas régler la question des émissions produites par ces embarcations?
Le sénateur Spivak: Non, mais le ministre de l'Environnement s'en occupe. Il a signé un protocole d'entente avec le fabricant de motomarines stipulant que les émissions doivent être réduites sur les nouveaux modèles et prévoyant certaines modifications techniques de l'engin à cette fin.
J'ignore toutefois combien de milliers de motomarines dotées de l'ancien système sont en circulation et ces modèles rejettent de 30 à 40 p. 100 de carburant imbrûlé dans l'eau parce que c'est ainsi que fonctionne ce type de moteur. Ces moteurs sont très polluants. J'ai mentionné les chiffres du ministère de l'Environnement. Les émissions sont terribles. C'est une excellente initiative de s'intéresser à la réduction des émissions produites par ces engins. Celles-ci devront inévitablement être réduites.
Le sénateur LaPierre: Ces embarcations peuvent-elles être rappelées pour être rééquipées?
Le sénateur Spivak: Ce serait une tâche colossale de rappeler une centaine de milliers de motomarines, voire davantage.
Le sénateur LaPierre: Je ne tiens pas à minimiser l'importance du bruit pour la société. Je suis parfois invité à un lac où les propriétaires sont des riches; ils ont toujours d'énormes embarcations devant leur chalet. C'est ce genre de personnes qui se plaignent de la présence de ce type d'engin ressemblant à un skidoo se déplaçant à très vive allure au milieu du lac. Ils font eux-mêmes énormément de bruit avec leurs gros bateaux qui vont partout. C'est là le problème. C'est un symbole de statut social pour ces personnes.
C'est aussi le symbole phallique des jeunes qui aiment faire de la vitesse et du bruit pour attirer l'attention des filles qui sont sur la rive. Cet aspect a une forte influence. Je me plais à imaginer que, face à une armée de mâles ayant besoin de calmer leurs hormones, la municipalité décide de ne pas intervenir et de les laisser s'amuser à leur guise. Est-ce possible?
Le sénateur Spivak: Je n'ai rien contre les poussées d'hormones et la chasse aux filles. Cependant, c'est une activité que l'on ne peut pas autoriser partout. On ne tient pas à ce que des jeunes conduisent des engins équipés d'un moteur de 150 chevaux au milieu des nageurs, des canoéistes et des pêcheurs. On ne tient pas à ce qu'ils empiètent sur les droits des propriétaires de chalets qui ont droit à la paix et à la tranquillité.
Le problème du bruit est un gros problème dans notre société, un point c'est tout. La pollution par le bruit est un problème qu'on tente de régler de diverses façons. Cependant, je ne l'aborde pas à proprement parler dans ce projet de loi. Il fait partie du problème mais ce n'en est pas la seule cause. Le lac de Saanich que j'ai déjà mentionné a imposé une restriction sur les motomarines en vertu d'un arrêté municipal sur le bruit. Cet arrêté ne résisterait toutefois pas à l'examen d'un tribunal.
Le sénateur LaPierre: Je présume que si j'ai une embarcation qui file à toute allure et que si je me promène au milieu des autres plaisanciers, des pêcheurs et des enfants, et que je frappe quelqu'un ou endommage des biens, le Code criminel interviendrait.
Le sénateur Spivak: C'est bien. Cependant, le Code criminel ne peut pas régler le problème que je tente de régler ni imposer des restrictions dans ce domaine. Je voudrais qu'on impose des restrictions sur l'utilisation des embarcations.
Le sénateur LaPierre: Je pense que vous minimisez l'importance de la compétence fédérale-provinciale. Vous avez mentionné qu'aux États-Unis, cette question relève de la compétence des États. Je pense que le gouvernement fédéral empiète de plus en plus sur les responsabilités des provinces en ce qui concerne les municipalités. C'est peut-être l'instrument qui empêcherait de passer le Rubicond et qui pourrait régler le problème. C'est manifestement une question de compétence municipale qui relève directement de la responsabilité du gouvernement provincial. Pourriez- vous mentionner un des avis juridiques que vous avez obtenus à ce sujet?
Le sénateur Spivak: La lettre en question n'est pas dans le cahier d'information; nous vous la ferons parvenir.
Le problème est que la navigation sur toutes les étendues d'eau, qu'elles soient situées dans les provinces ou dans les municipalités, relève strictement de la responsabilité du gouvernement fédéral. La base peut être municipale, mais la question relève du gouvernement fédéral. Aucune disposition ne précise que les provinces doivent intervenir, bien que les municipalités soient des créatures des provinces. C'est un principe et il est important.
Un autre principe est le contrôle local. Les gens devraient avoir leur mot à dire sur ce qui se passe sur leurs lacs et dans leur région. Vous ne voudriez certainement pas que l'on autorise l'atterrissage d'avions à réaction sur votre lac. C'est un exemple extrême, mais je suis convaincue qu'un contrôle local est nécessaire.
Selon les commentaires du conseiller juridique, ça ne pose aucun problème sur le plan constitutionnel; je vous enverrai d'ailleurs cette lettre qui a été écrite par un éminent expert d'Ottawa.
Le sénateur LaPierre: Madame la présidente, continuerons-nous d'examiner cette question?
La présidente: Il faudra terminer l'examen de ce projet de loi.
[Français]
Le sénateur LaPierre: Nous allons malgré tout continuer l'étude d'une façon ou d'une autre. Est-ce que d'autres personnes témoigneront?
La présidente: Oui.
Le sénateur LaPierre: Nous allons conclure avec madame à la fin de la journée?
La présidente: À la fin des délibérations, en effet.
Le sénateur LaPierre: Nous conclurons avec madame, d'accord. J'ai bien hâte.
[Traduction]
Le sénateur Phalen: Je suis propriétaire d'un chalet et j'ai dû faire face personnellement à ce type de problème. J'ai envisagé de délimiter un lieu de baignade au moyen d'un câble. Je ne sais pas si c'est permis, mais j'essaierai. Ce qui me préoccupe surtout, c'est que les conducteurs d'engins viennent trop près du bord. C'est le cas également sur les plages.
Dans le projet de loi que vous proposez, vous dites que «La présente loi a pour objet de fournir aux autorités locales un mécanisme par lequel elles peuvent proposer au ministre d'apporter des restrictions». Les «autorités locales» sont une municipalité. Entendez-vous par là les diverses municipalités ou l'association provinciale des municipalités? Dans mon cas, il faudrait peut-être faire intervenir plusieurs municipalités ayant des règlements différents pour le même lac.
Le sénateur Spivak: C'est un problème qui devra être réglé par le ministre, mais ce système a fonctionné. Le processus actuellement en vigueur pour le règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux est fondé sur le même principe.
Le sénateur Phalen: Pourquoi ne pourrait-on pas dire par exemple que c'est «l'association des municipalités de la Nouvelle-Écosse qui représente toutes les municipalités». L'association pourrait alors rédiger des règlements concernant tous les lacs de la province afin qu'ils soient uniformes.
Le sénateur Spivak: Je suppose que ce serait possible. Par exemple, l'association des municipalités de la Colombie- Britannique est en faveur de ce projet de loi. Si toutes les municipalités sont en faveur du projet de loi, je présume que ce serait possible. C'est le bon sens qui prévaudra. Il y a plusieurs façons de procéder pour autant qu'un bureaucrate assis derrière son bureau, qui ne connaît même pas le lac, ne puisse pas vous mettre des bâtons dans les roues.
Le sénateur Phalen: Je crains que l'objet du projet de loi tel qu'il est énoncé soit trop restrictif.
Le sénateur Adams: Lorsque j'étais à Rankin Inlet il y a un an, je vous ai entendu parler de cette plainte à la radio.
Je suis préoccupé au sujet du projet de loi S-26. La plupart des districts et des statistiques concernant les États-Unis. Je ne passe pas souvent l'été en Ontario. Je vais dans le Nord, mais je ne peux pas aller nager parce que l'eau du lac est trop froide. Il est nécessaire d'utiliser une combinaison isothermique pour nager.
Vos statistiques ne sont pas très canadiennes. On peut nager 12 mois par an en Floride ou en Californie mais pas ici. Certaines personnes utilisent des embarcations et des Sea-Doos à leur chalet. Il faut avoir un permis pour conduire une voiture, mais des limites de vitesse sont imposées et si vous êtes pris en train de faire de l'excès de vitesse, on vous impose une amende et vous perdez des points sur votre permis.
Par contre, dans les lacs, il y a beaucoup d'eau et on peut aller partout. Comment peut-on faire respecter une limite de vitesse sur un lac ou dans une région où les chalets abondent? Un pêcheur peut décider d'aller pêcher en eau plus profonde pour tenter d'attraper de plus gros poissons. C'est le type de questions que nous examinons depuis deux ou trois ans. Cependant, nous avons toujours de la difficulté à appliquer ces règlements parce que personne ne peut le faire pour tous les chalets et tous les lacs. Même si nous adoptions le projet de loi S-26, nous ne disposons pas d'un mécanisme pour le mettre en application. Comment pourrions-nous forcer les résidents de la région à respecter la loi?
Le sénateur Spivak: Je reconnais que l'application est un problème. C'est un problème commun à tous les lacs. La solution consiste à accorder plus d'importance à la sécurité. Il semble que le système ait fonctionné sur les deux lacs de la Colombie-Britannique que j'ai mentionnés. Les riverains ont décidé d'interdire l'accès aux motomarines dans certaines zones et de l'autoriser dans d'autres. Les utilisateurs de motomarines semblent respecter ces restrictions. En Ontario et au Québec, où les lacs sont très utilisés, l'application des règlements pose des problèmes. Je ne présente pas de solution dans ce projet de loi. C'est un problème d'ordre général, à mon sens.
Le sénateur Adams: Je trouve qu'une amende de 2 000 $ est une amende très lourde. Les habitants de la collectivité, même les propriétaires de chalets, aiment s'amuser pendant leur séjour au chalet. Si vous imposiez un règlement comme celui-là, certaines personnes ne voudraient même plus aller à leur chalet l'été à cause des trop nombreuses restrictions imposées à leurs enfants. Les propriétaires de chalets paient de l'impôt foncier, après tout.
Le sénateur Spivak: Il y a diverses façons de s'amuser. Les adolescents aiment faire du canoë, ils aiment surfer et faire du ski nautique. Tout est parfait si ces activités ne dérangent pas d'autres personnes. C'est parfait si on peut s'y adonner au milieu d'un immense lac. Cependant, si des engins comme ceux-là tuent des huards, polluent le poisson ou polluent l'eau, il faut examiner ces problèmes et tenter d'y trouver une solution raisonnable. Il ne s'agit pas d'un choix entre des types d'activités différentes. Je suis certaine que les motomarines sont très acceptables dans bien des endroits. Cependant, dans d'autres, elles ne le sont pas. Elles posent des problèmes sur les petits lacs. Comme on a pu le constater, les bateaux à moteur posent des problèmes sur les lacs minuscules. Dans certaines régions de l'est des États- Unis, on impose des restrictions en fonction de la dimension des lacs. Il faut faire appel au bon sens et il faut faire confiance à la population locale pour ce qui est de prendre une bonne décision. C'est ce que je pense.
Le sénateur Adams: C'est peut-être un problème sur certains des lacs où séjournent beaucoup de retraités qui ne veulent pas entendre des moteurs très puissants. Dans ces cas-là, il est peut-être bon d'établir des règlements. À l'achat d'un chalet, on devrait indiquer aux acheteurs le nombre de Sea-Doos, le nombre de personnes qui pratiquent le ski nautique et le nombre de bateaux de course qui circulent sur le lac. Il faudrait peut-être avertir les personnes qui paient près de 10 000 $ pour ces machines parce que c'est pénible si elles ne peuvent pas s'amuser et si elles doivent payer une amende de 2 000 $. C'est difficile parce que les enfants veulent faire de la vitesse.
Le sénateur Spivak: C'est un problème. Dans un pays qui a fabriqué le Canadarm pour qu'on puisse aller sur la lune, on devrait être en mesure de trouver une possibilité de réduire le bruit et les émissions et de réglementer la vitesse. Je crois que c'est possible.
La séance est levée.