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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du sous-comité des
anciens combattants

Fascicule 2 - Témoignages (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mercredi 28 novembre 2001

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 heures pour examiner et faire rapport sur les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ses rapports précédents sur ces questions; et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché.

Le sénateur Michael A. Meichen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je signale à mes collègues, qui sont probablement déjà au courant, que M. Leduc est originaire d'une éminente famille de militaires de Montréal. Il a été honoré à deux reprises pour avoir contribué à sauver des vies au cours de ses quatre années de service outre-mer. Il a été nommé membre de l'Ordre du mérite militaire.

Nous avons reçu votre mémoire et nous avons eu l'occasion de l'examiner mais nous apprécierions que vous en donniez un aperçu. Lorsque vous aurez terminé, nous vous poserons des questions.

M. Harold Leduc, président, Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix: Honorables sénateurs, c'est un grand honneur pour moi de vous présenter ce mémoire qui porte sur un problème très important auquel les anciens combattants sont confrontés.

Je parle au nom de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix qui compte environ 800 membres. Nous avons des associations locales dans diverses régions du pays.

Le président: Êtes-vous affiliés à la Légion?

M. Leduc: La plupart de nos membres sont des membres de la Légion. Nous sommes des adeptes de la Légion mais nous pensons qu'elle fait fausse route actuellement.

Nous pensons que le gouvernement du Canada savait prendre soin de ses anciens combattants. En fait, les anciens combattants ont été très bien traités par le gouvernement après la Seconde Guerre mondiale. Il a institué la charte des anciens combattants énonçant les principes du rétablissement civil des anciens combattants en service actif, après la Seconde Guerre mondiale.

Pour que mon exposé soit plus facile à suivre, je me baserai sur deux thèmes centraux: le premier est le service actif et le deuxième est l'indemnisation pour le service actif. Nous pensons que ces questions sont à la source des problèmes auxquels les anciens combattants sont actuellement confrontés.

Je citerai quelques épisodes du service actif de membres de ma famille pour donner un aperçu historique du service actif dans les Forces armées canadiennes.

Mon premier ancêtre est arrivé au Canada en 1691. C'était un militaire d'origine française. Peu après la création de la Nouvelle-France, nous comptions sur d'autres pays pour notre défense. Avec le temps, le Canada a engagé des Canadiens comme capitaines des forces armées. C'est au cours de cette période que le service obligatoire fut instauré pour tous les citoyens âgés de 16 à 65 ans. Ces hommes pouvaient être appelés sous les drapeaux en cas de besoin.

L'efficacité de ce système a été variable. Tout allait bien tant que les hommes étaient appelés sous les drapeaux entre deux périodes de récolte. Peu de temps après la bataille des Plaines d'Abraham, la milice active a été séparée de la milice sédentaire.

Au cours de la guerre de 1812, les Canadiens ont mené leur premier combat depuis la création des forces armées, contre les Américains. Un de mes ancêtres a participé à la bataille de Châteauguay comme membre des Voltigeurs. Dix jours plus tard, il a été réaffecté au 48e régiment britannique. En ce temps-là, les militaires pouvaient être mutés d'une unité à l'autre. Après l'adoption de la Loi sur la milice canadienne de 1855, nous avons établi les fondements de notre régime militaire d'après le modèle britannique.

C'est dans le cadre de la Guerre des Boers qu'une force importante de militaires canadiens a été envoyée en service spécial pour la première fois. Vers la fin du XXe siècle, des hommes de troupe ont été envoyés outre-mer comme membres d'une force expéditionnaire.

Nous avons remarqué que les principaux ordres d'appel des citoyens sous les armes sont des décrets du Conseil. Dans ce cas-ci, on a eu recours à des décrets pour mettre des citoyens canadiens en service actif.

Ces décrets contenaient diverses informations de base: le motif pour lequel on demandait aux membres des forces armées d'aller en service actif, ce que l'on attendait d'eux, la taille de la force nécessaire et le pouvoir du Gouverneur général de mettre en service actif des membres de la Force régulière ou de la Force de réserve, au Canada comme à l'étranger.

L'annexe A indique les périodes de l'époque contemporaine au cours desquelles des membres des Forces canadiennes ont été en service actif, à partir de 1950. Les deux pages suivantes indiquent que des membres des Forces canadiennes sont en service actif au Canada et à l'étranger depuis le 20 novembre 1973. C'est une continuité.

L'annexe B définit les conditions d'engagement. Cette annexe contient une lettre du ministre de la Défense nationale donnant des précisions sur certaines dispositions de la Loi sur la défense nationale et une définition des membres des Forces canadiennes régulières en service actif. À la page suivante, vous trouverez des renseignements précis sur les endroits où nous étions en service actif et un exemplaire des décrets du Conseil privé. La lettre expose le recours aux décrets du Conseil privé pour faire entrer les membres des forces en service actif. Elle indique en outre que l'on a mis fin à cette pratique pour le service outre-mer en 1989 parce que tous les militaires étaient en service actif au Canada et à l'étranger. Cependant, depuis 1973, les Forces régulières de l'OTAN sont en service actif au Canada et à l'étranger.

Le président: Les Forces armées canadiennes sont-elles en service actif, que ce soit au Canada ou à l'étranger, en vertu de ce décret de 1973?

M. Leduc: Oui, ainsi que les Forces de réserve lorsqu'elles sont rattachées aux Forces régulières à l'étranger.

Le président: Est-ce indiqué également dans le décret en question?

M. Leduc: Oui, dans les deux cas. La Loi sur la défense nationale indique également à quelles dates elles sont en service actif.

La lettre indique en outre les conséquences du service sur le service actif, qui sont importantes. Elle contient des précisions au sujet de la force spéciale qui a été engagée pour la Corée du Sud.

L'annexe B contient également des attestations datant de la Seconde Guerre mondiale. Le premier concerne la garde territoriale des anciens combattants qui n'était pas destinée au service à l'étranger. Ce certificat indique que son titulaire a signé pour devenir membre de l'Armée active du Canada. Le deuxième document est l'attestation d'un de mes oncles qui a été tué en Italie. J'attire votre attention sur la deuxième partie de ce document où vous verrez une déclaration faite par l'homme dont le nom figure sur l'attestation au moment où il l'a signée et où il a accepté de s'engager pour le service dans une formation active pour une unité des Forces armées canadiennes.

Le président: Je me demande si le serment était prêté en anglais ou en français.

M. Leduc: Probablement en anglais.

Le président: J'espère que votre oncle comprenait l'anglais.

M. Leduc: J'attire votre attention sur le document suivant qui concerne un autre oncle qui a été enrôlé par conscription et qui n'a pas dû signer la déclaration. Cependant, la page suivante indique qu'il a signé les formulaires pour le service actif.

La page suivante est une copie des formulaires que mon père a signés pour les forces spéciales coréennes. Après son retour de Corée, il s'est engagé dans la Force régulière canadienne. Il a été retiré du service actif après sa période de service dans la Guerre de Corée.

La page suivante représente les formulaires contemporains des Forces canadiennes que doivent signer les nouvelles recrues qui ont prêté serment. Je signale que dans la section 3, les recrues signent pour un type précis d'engagement. Cependant, le formulaire ne fait pas mention de service actif. À la section 3(2), il y a une allusion au service actif:

[...] pour lorsque je suis en service actif, dans un délai d'un an après.
Cependant, on n'y trouve aucune mention précise des Forces régulières qui ont été en service actif, à l'extérieur et à l'intérieur du Canada, depuis 1973. J'attire votre attention sur ces formulaires.

J'ai été en service en Allemagne, pour l'OTAN, de 1973 à 1977. J'étais en service actif et je ne me souviens pas qu'on me l'ait précisé. On n'indique pas que j'étais démobilisé lorsque je suis rentré d'Allemagne. On utilisait alors les termes «mobilisation» et «démobilisation» pour désigner le service actif.

Je ne me souviens pas d'avoir signé ce formulaire lorsque j'ai été envoyé à Chypre en 1988, mais je l'ai peut-être fait. Ce n'est pas mentionné de façon aussi précise que dans les formulaires que j'ai montrés pour la Seconde Guerre mondiale et la Guerre de Corée.

À un moment donné, on a cessé d'attribuer de l'importance au service actif. C'est peut-être une des principales raisons pour lesquelles les programmes de soins et de rétablissement destinés aux anciens combattants d'après la Seconde Guerre mondiale ont déraillé.

Le président: Voulez-vous dire que parce qu'il n'est pas indiqué expressément que les casques bleus sont en service actif, cela a des conséquences différentes que si c'était mentionné avec précision?

M. Leduc: Oui, c'est exact.

Le sénateur Atkins: Cela aurait donc une influence sur le montant des prestations qu'ils reçoivent.

Le président: Le ministère a-t-il décidé qu'ils n'étaient pas en service actif?

M. Leduc: Pas officiellement. J'ai servi dans la Force régulière pendant 22 ans et la plupart des membres de cette Force régulière n'ont jamais parlé de service actif. La plupart de ceux qui en font partie actuellement n'en parlent pas non plus. Je ne sais pas s'ils comprennent la différence.

Le sénateur Atkins: Comment le ministère fait-il une distinction entre les deux? Examine-t-il chaque cas en particulier?

M. Leduc: Je ne sais pas à quel niveau cela s'arrête ou s'il est nécessaire de faire une distinction. En ce qui concerne les soldats qui sont envoyés outre-mer, il suffit qu'ils sachent qu'ils doivent exécuter une opération.

Le président: Quelqu'un doit bien dire à un certain moment: «Désolé, vous n'avez pas droit à tel ou tel programme parce que vous n'avez pas été en service actif».

M. Leduc: Oui, mais plus tard.

Le président: Je comprends, est-ce qu'on le dit?

M. Leduc: Oui, même si c'est de deux ou trois façons différentes. Quelqu'un pourrait dire «vous n'avez pas servi au cours de la Seconde Guerre mondiale et par conséquent, vous n'êtes pas considéré comme un ancien combattant». Les définitions et les termes sont quelque peu ambigus.

Le sénateur Atkins: Vous avez parlé de personnes qui ont été blessées; qu'est-ce qui se passe lorsqu'une personne qui a servi sous les drapeaux n'est pas blessée et a des problèmes de santé à la vieillesse?

M. Leduc: On n'est pas considéré comme un ancien combattant si l'on n'a pas été blessé dans une zone de service spécial ou au cours d'une des périodes considérées comme du service actif.

Le sénateur Moore: Voulez-vous dire qu'au début d'une période d'affectation comme casque bleu, le soldat n'est pas considéré comme étant en service actif et que personne n'en a discuté avec lui? Ça voudrait dire qu'il incombe au soldat de poser des questions pour savoir quel est son statut. On procéderait donc à rebours, en quelque sorte.

Voulez-vous dire que vous ne savez pas quel est votre statut lorsque vous prenez du service dans le cadre d'une mission de maintien de la paix et que vous ne le saurez pas avant de rentrer au pays blessé ou avant de devenir une personne âgée avec des problèmes de santé? Est-ce bien cela?

M. Leduc: C'est une question de terminologie; on ne parle pas de service actif dans la Force régulière.

Le sénateur Moore: Est-ce le critère déterminant lorsqu'on essaie d'obtenir le droit à des prestations ou des prestations auxquelles on a droit?

M. Leduc: C'est pourquoi j'ai donné un échantillon de conditions contractuelles de service que les citoyens signaient lorsqu'ils entraient dans les forces armées. Mon grand-père savait qu'il signait pour l'armée active du Canada. Depuis 1973, nous sommes en service actif. Ce nouveau formulaire ne l'indique pas et on ne le voit pas quand on prête serment.

Le président: Est-ce que la personne qui signe est mise au courant de tous ses droits et obligations? J'ai cru comprendre que vous aviez dit qu'on ne la mettait pas au courant.

Est-ce qu'il s'agit des personnes engagées dans des missions de maintien de la paix qui correspondent, je présume, à du service actif étant donné les risques d'être blessé et les autres risques? Voulez-vous dire qu'on ne considère pas que ces personnes ont été en service actif en ce qui concerne les prestations?

M. Leduc: Il est uniquement question de service dans une zone de service spécial. On ne parle pas de service actif. «Service actif» est une expression utilisée par le gouvernement mais pas par les forces armées.

Le président: Sans vouloir vous offusquer, c'est l'expression employée par le gouvernement qui importe.

M. Leduc: Oui.

Le président: Les hommes et les femmes en service n'utilisent peut-être pas le terme. Voulez-vous dire que le gouvernement peut décréter qu'un soldat qui était en Bosnie n'était pas en service actif parce qu'il s'agissait d'une mission de maintien de la paix et que par conséquent, il n'a pas droit aux prestations auxquelles un membre des forces armées aurait peut-être eu droit après avoir été en service au cours de la Seconde Guerre mondiale?

M. Leduc: Oui, la différence est considérable.

Le président: J'essaie de bien comprendre le problème. Si je comprends bien, il y a deux problèmes en fait. Le premier est que l'on n'informe pas les intéressés de leurs droits et de leurs obligations dans le cadre d'une affectation au maintien de la paix. Le deuxième est que l'on est au courant des prestations auxquelles on a droit qu'après coup.

Le sénateur Wiebe: Les prestations en question sont les prestations qui sont accessibles actuellement aux anciens combattants. Le ministère de la Défense nationale ou le ministère des Affaires des anciens combattants ne considèrent-ils pas toute personne ayant été en service après 1947 comme un ancien combattant?

M. Leduc: Oui, mais depuis le 29 mars 2001 seulement. Avant cela, ce n'était pas le cas.

Le sénateur Wiebe: De 1947 jusqu'au 29 mars 2001, on n'avait jamais l'occasion d'être classé comme ancien combattant, que l'on ait été en service au Canada, dans les Forces régulières ou dans les Forces de réserve, en Corée du Sud ou dans le cadre d'une mission de maintien de la paix.

M. Leduc: Non. Le ministre des Affaires des anciens combattants a établi une nouvelle politique gouvernementale selon laquelle quiconque a un code de groupe professionnel militaire pendant le service et quiconque a quitté les forces armées dans des circonstances honorables est considéré comme un ancien combattant.

Le sénateur Wiebe: Après cette année, quiconque a été en service en Corée du Sud, dans le cadre d'une mission de maintien de la paix, ou dans les Forces régulières au Canada est considéré comme un ancien combattant à partir de la retraite ou de libération.

M. Leduc: Oui.

Le sénateur Wiebe: Est-ce que les prestations que reçoivent les autres anciens combattants sont maintenant accessibles à ces personnes-là?

M. Leduc: Non. Cela fait l'objet de la deuxième partie de mon mémoire. Les personnes qui ont été en service en Corée du Sud étaient soumises au même type de décret de mise en service actif. Quinze mille personnes ont été appelées pour former la force spéciale. Elles ont reçu les prestations prévues par la charte des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Ça c'est toutefois arrêté là.

Le sénateur Wiebe: Cette année, nous avons précisé ou plutôt mis à jour la définition de «ancien combattant» de façon à englober les casques bleus, les réservistes et les personnes qui ont fait la Guerre de Corée. La question des prestations accessibles aux divers groupes n'a pas encore été réglée.

En ce qui concerne les prestations, quel groupe est admissible et quel groupe ne l'est pas?

M. Leduc: La Loi sur les pensions comporte deux parties. Si vous êtes blessé dans les Forces canadienne en temps de paix, vous devez prouver que vous avez été blessé dans l'exercice d'une fonction militaire. Vous pourrez alors obtenir des indemnités en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions qui concerne les Forces canadiennes en temps de paix.

Si vous êtes blessé dans une zone de service spécial, comme à Chypre, en Bosnie ou en Afghanistan, vous recevrez des prestations en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi sur les pensions. Ce paragraphe était libellé autrement.

Certaines dispositions de la Loi sur les pensions ont été mises à jour en ce qui concerne les personnes blessées au Canada. Les dispositions sont à peu près les mêmes, mais on y a toutefois ajouté des prestations accessoires, en ce qui concerne les personnes blessées outre-mer. Elles ne sont pas encore au niveau des prestations de celles qui ont été en service en Corée du Sud ou qui étaient en service actif pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le président: Un représentant du ministère des Affaires des anciens combattants est ici aujourd'hui. Le ministre Duhamel a comparu et a fait une déclaration concernant la définition de «ancien combattant». Nous ne l'avons malheureusement pas sous la main. Nous devrions pourtant l'avoir.

Le sénateur Wiebe: Vous représentez l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix qui comprend des réservistes qui ont été casques bleus et des membres des Forces régulières qui ont participé à une mission de maintien de la paix. Si un membre d'un de ces groupes avait été blessé dans le cadre d'une telle mission, serait-il admissible aux mêmes prestations ou y a-t-il une différence?

M. Leduc: Il serait admissible aux mêmes prestations.

Le sénateur Wiebe: Il y a un problème en ce qui concerne l'admissibilité aux prestations pour les réservistes et pour les membres des Forces régulières qui sont en service au Canada.

M. Leduc: Il s'agit d'un problème plus général. Il s'agit de l'interprétation de la notion de service militaire. Que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix, si vous êtes volontaire, vous êtes en dehors du circuit social courant et vous y êtes en fin de compte réintégré, dans six mois, dans un an ou dans une trentaine d'années. Vous avez besoin d'aide pour réintégrer la société et les prestations prévues dans la charte des anciens combattants ont apporté cette aide aux anciens combattants après la Seconde Guerre mondiale.

Le sénateur Wiebe: Voulez-vous dire que les prestations auxquelles les anciens combattants étaient admissibles en 1947 sont différentes des prestations accessibles aux anciens combattants actuellement?

M. Leduc: Oui.

Le président: Est-ce le seul problème ou y a-t-il un groupe de personnes non considérées comme des anciens combattants qui ne reçoivent même pas les prestations insuffisantes accessibles à ceux-ci?

M. Leduc: Quand on parle de service actif et d'anciens combattants, cela ouvre un nouveau champ d'investigation. Actuellement, des civils sont en service en Yougoslavie et leur cas n'a pas été examiné.

Le président: Les prestations que recevaient les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, surtout en ce qui concerne la réintégration, ne semblaient pas être accessibles aux anciens combattants de Bosnie. C'est un problème.

Y a-t-il un deuxième problème pour que ces personnes n'aient même pas accès à ces prestations insuffisantes? Je voudrais que vous parliez de ces personnes.

M. Leduc: Quand on n'a pas été blessé ou qu'on l'a été mais qu'on a omis de le signaler, on ne reçoit rien. On ne reçoit pas de prestations.

Le président: Quand on est quoi?

M. Leduc: Un membre de la Force régulière ou de la Force de réserve.

Le président: C'est donc général. Cela s'applique à tous les membres des forces armées.

M. Leduc: Actuellement, il faut avoir été blessé pour recevoir des prestations.

Le sénateur Atkins: Il faut avoir un dossier médical.

Le sénateur Wiebe: Et si l'on a pris sa retraite après le nombre d'années de service prévues?

M. Leduc: Des prestations de retraite sont prévues, mais ce sont des prestations totalement différentes. Ce ne sont pas des prestations de rétablissement; c'est extrêmement complexe. Quand on prend sa retraite, on reçoit une pension établie en fonction du nombre d'années de service.

Le sénateur Wiebe: Et qu'arrive-t-il dans le cas d'un membre de la Force régulière âgé de 35 ans qui a passé dix ans en Bosnie et a été en service six mois au Canada puis a quitté les forces armées? Cette personne n'a droit à aucunes prestations. Demandez-vous que l'on accorde le même type de prestations que celles qui sont accordées aux soldats qui ont combattu au cours de la Seconde Guerre mondiale, sont revenus au Canada non blessés et ont été libérés?

Vous voulez que l'on accorde les mêmes prestations que celles qui ont été accordées aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale.

M. Leduc: Oui, aux conditions actuelles.

Le président: C'est utile.

Le sénateur Wiebe: Je considère qu'il y a une différence entre quelqu'un qui a été en service en temps de guerre puis libéré et quelqu'un qui a été en service pendant dix ans puis a décidé de quitter les forces armées de son propre gré. Dans le premier cas, c'est le gouvernement qui vous libère et dans le deuxième, c'est la personne concernée qui prend la décision elle-même. Si la personne qui quitte ne le fait pas pour des raisons médicales, pourquoi aurait-elle droit à des prestations? Il s'agit peut-être d'une décision de carrière qui lui permettra de gagner davantage dans un autre emploi. Par exemple, si cette personne était plombier pendant ses années de service dans les forces armées et a estimé qu'elle pouvait gagner trois fois plus dans le secteur privé, elle peut décider de quitter les forces armées pour poursuivre une autre carrière. Voulez-vous dire que cette personne devrait avoir droit aux prestations?

M. Leduc: Oui, si la personne a été membre de la Force régulière des Forces canadiennes. Cependant, s'il s'agit de service actif, les conditions peuvent changer. Les forces armées ne sont pas obligées de libérer quelqu'un qui demande la permission de s'en aller, et il est déjà arrivé qu'elles refusent.

Les conditions de service actif sont différentes. En effet, certaines personnes prennent des décisions de carrière mais, même si l'on travaille pour la fonction publique et que l'on prend ce genre de décision de carrière, on peut toujours recevoir de l'aide pendant la période de transition. J'ai été mis à la porte après 22 années de service et on se retrouve à peu près dans la même situation que quand on avait 17 ans. Bien que j'avais des connaissances et des compétences, je n'avais pas d'éducation de base. J'ai quitté les forces armées alors que j'étais cadre et j'ai dû recommencer au bas de l'échelle.

Le sénateur Atkins: Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait la Loi sur l'assistance aux anciens combattants en vertu de laquelle on pouvait obtenir des bourses d'études. Est-ce ce que vous voulez?

M. Leduc: Oui.

Le sénateur Atkins: Les prestations dont vous parlez ne se limitent pas aux prestations d'assurance-maladie.

M. Leduc: C'est exact. Je me base sur les besoins des anciens combattants. Quand ils ne sont plus en service, ils sont inquiets pour l'avenir. Ils passent d'un milieu où tout est organisé à l'autonomie complète et l'adaptation ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il faut environ deux ans pour faire la transition.

On ne prend pas toujours les décisions les plus judicieuses quand on vient de quitter les forces armées. Cependant, la situation s'améliore parce que des coordonnateurs aident les militaires qui redeviennent des civils à faire la transition. La transition peut être extrêmement pénible quand on n'a personne qui comprenne le milieu militaire, quand on ne peut pas suivre des cours de recyclage ou que l'on n'a pas d'aide pour chercher un emploi.

À l'époque de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre de Corée, les personnes qui s'engageaient dans les forces armées partaient en groupe. Après avoir été à l'étranger, elles rentraient pratiquement dans la même collectivité que celle qu'elles avaient quittée. Actuellement, les personnes qui s'engagent sont seules et ne retournent pas nécessairement dans les collectivités qu'elles ont quittées. Un individu se réintègre parfois à la collectivité à laquelle appartient son conjoint. Dans bien des cas, aucun réseau social n'existe.

Le sénateur Wiebe: Quelle est la durée du service que les membres des forces armées régulières doivent faire avant d'avoir droit à une pension? Y a-t-il un âge d'admissibilité?

M. Leduc: L'âge maximum est de 60 ans mais il faut au moins 20 années de service pour avoir droit à une pension quand on prend sa retraite.

Le sénateur Wiebe: Cela veut-il dire que si vous le souhaitiez, vous pourriez rester en service jusqu'à l'âge de 65 ans?

M. Leduc: Je pense que l'âge est de 60 ans. L'âge limite sera mis à jour cette année.

Le sénateur Wiebe: Voulez-vous dire que l'on ne peut rester en service que jusqu'à l'âge de 60 ans mais qu'il faut attendre d'avoir 65 ans pour toucher la pension?

M. Leduc: Non, on peut la toucher immédiatement.

Le sénateur Wiebe: Faut-il attendre d'avoir atteint l'âge de 60 ans pour toucher la pension quand on décide de quitter les forces armées à l'âge de 50 ans.

M. Leduc: Non, on touche la pension immédiatement après avoir quitté les forces armées.

Le sénateur Wiebe: Est-ce que vous touchez une pension mensuelle pour le reste de votre vie?

M. Leduc: Oui.

Le président: Ça permet déjà de mieux cerner le problème. Je vous remercie.

Je crois que la discussion entre vous et le sénateur Wiebe nous a aidé à comprendre les raisons pour lesquelles vous témoignez. Quelques mesures sont en place pour faciliter la transition mais vous estimez qu'elles ne suffisent pas, surtout par rapport aux mesures qui avaient été mises en place après la Seconde Guerre mondiale.

Vous n'avez pas fait de distinction entre une personne qui est en service pendant cinq ans et qui décide de son plein gré de quitter les forces armées et une autre personne qui quitte les forces armées parce qu'elle est obligée de prendre sa retraite ou parce que les forces armées n'ont plus besoin de ses services. Pour combien d'années s'engage-t-on?

M. Leduc: Le premier engagement est de trois ou de cinq ans.

Le président: Pouvez-vous quitter les forces armées à la fin de cette période?

M. Leduc: Oui.

Le président: Donc, un plombier par exemple peut quitter les forces armées parce que le salaire est meilleur en ville qu'à Valcartier. C'est l'intéressé qui décide, mais vous dites que le retour à la vie civile pose toujours des difficultés. Plus la période de service est longue et plus les difficultés d'adaptation sont grandes.

M. Leduc: Oui.

Le sénateur Atkins: Il s'agit d'un contrat légal.

Le président: Est-ce que cette option devrait être possible quand vous avez rempli le contrat?

M. Leduc: Je reviens sans cesse à la Seconde Guerre mondiale, non parce que je pense que nous méritons ce que méritaient les personnes qui ont fait cette guerre, mais parce que c'était du service actif outre-mer. Ce sont les distinctions que l'on faisait à cette époque. Elles s'appliquent toujours, sauf qu'on emploie actuellement des termes différents. On ne part pas en service actif, mais on participe à des opérations.

Le président: Avez-vous entendu parler de quelqu'un qui n'avait pas reçu de prestations parce qu'il n'était pas considéré comme ayant été en service actif?

M. Leduc: Certainement.

Le président: Je ne sais pas s'il y a un rapport avec le sujet, mais voici la réponse que j'ai reçue à la question que j'avais posée au sujet de l'opération Apollo et du statut des membres des forces armées qui avaient participé à cette opération. Elle dit ceci:

Le décret du Conseil CP 1999-583 a mis tous les membres de la Force régulière et de la Force de réserve des Forces armées canadiennes en service actif lorsqu'ils étaient en mission à l'étranger. Ce décret est toujours en vigueur actuellement. Sur le conseil d'experts juridiques, on a décidé de cesser de prendre des décrets pour une opération précise parce qu'il y aurait chevauchement avec le décret du Conseil susmentionné.
La zone de service spécial et les prestations éventuellement versées aux membres du personnel des Forces canadiennes pour la période pendant laquelle ils ont participé à l'opération Apollo sont en cours d'évaluation. Jusqu'à présent, tous les membres du personnel des forces armées qui ont participé à l'opération Apollo recevront des indemnités supplémentaires. Si, d'après l'évaluation, les prestations dues aux membres des forces armées sont supérieures aux indemnités actuelles, les intéressés recevront la différence rétroactivement.

Si j'ai bien compris, la décision d'accorder des indemnités supplémentaires aux membres du personnel des forces armées qui ont participé à l'opération Apollo si le montant est supérieur à leur rémunération régulière est une décision discrétionnaire.

Cela ne règle pas la question du service après une opération abordée par M. Leduc.

M. Leduc: Et les indemnités pour blessures.

Le président: La situation est-elle différente pour les ex-casques bleus que pour les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale?

M. Leduc: Actuellement, en ce qui concerne la charte des anciens combattants, on examine la possibilité de remettre l'ancien combattant en service à son retour de l'étranger.

Au début, le gouvernement donnait des concessions de terre aux anciens combattants parce qu'on considérait que si on possédait de la terre, on avait des richesses et qu'on pouvait se débrouiller seul, même si on était blessé. Cette pratique a été maintenue jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, si je ne me trompe. Pendant et après la Guerre de Corée, une aide au logement a été accordée aux anciens combattants.

Actuellement, la seule aide est celle qui est offerte en vertu de la Loi sur les pensions. C'est en vertu de cette loi que sont accordées des prestations d'invalidité.

Le président: S'agit-il d'invalidité physique?

M. Leduc: Physique et mentale. La politique est bonne mais le processus complet peut durer deux ans. Les militaires ne comprennent pas le processus. Pour quelqu'un qui est atteint d'une névrose post-traumatique ou qui a des lésions liées au stress, le processus exacerbe la condition. Il engendre des problèmes familiaux. L'ancien combattant est une personne à part entière. La Loi sur les pensions ne s'occupe que des cas d'invalidité; personne ne s'intéresse aux capacités. Cela engendre généralement des problèmes familiaux et c'est un cauchemar pour les intéressés.

Le sénateur Wiebe: Le montant des prestations sera-t-il plus élevé pour une personne qui a été blessée en service actif et qui est rentrée avant 1947 que celui versé actuellement à un membre des forces armées qui a été blessé en Corée du Sud ou en Bosnie? Un militaire rentré au pays avant 1947 reçoit-il des prestations spéciales?

M. Leduc: S'il s'agit de prestations d'invalidité versées aux termes de la Loi sur les pensions, le montant en dollars de 1940 serait équivalent au montant actuel en dollars de l'an 2000.

Il ne faut pas oublier que les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale recevaient également d'autres prestations, notamment des prestations d'éducation et de logement qui les aidaient à se réintégrer.

Le sénateur Wiebe: Est-ce que le traitement est le même actuellement qu'en 1947 en ce qui concerne les blessés?

M. Leduc: Oui, c'est le même traitement aux termes de la Loi sur les pensions.

Le sénateur Wiebe: On n'accorde toutefois plus les trois niveaux de prestations qui étaient accordés aux anciens combattants après 1947.

M. Leduc: Les blessés n'ont pas accès à des hôpitaux militaires.

Le sénateur Wiebe: Est-ce un avantage ou un handicap?

M. Leduc: J'ai amené un ancien combattant à l'Hôpital Sainte-Anne de Montréal. Il a presque craqué d'émotion. Il a dit qu'il se sentait chez lui. Il avait des troubles psychiatriques. C'était important pour lui d'être avec d'autres anciens combattants.

Le sénateur Wiebe: Oui, mais est-ce un avantage en ce qui concerne les soins?

M. Leduc: C'est un avantage à cet égard d'être dans un hôpital pour anciens combattants, surtout lorsqu'on est atteint de troubles psychiatriques. Les possibilités de recevoir de l'aide ne sont pas très nombreuses pour les anciens combattants qui sont dans cette situation.

Le sénateur Wiebe: Actuellement, les troubles psychiatriques sont très différents de ce qu'ils étaient jusqu'en 1947. Jusqu'en 1947, si on avait été témoin d'une scène atroce, on avait reçu la formation nécessaire pour essayer de régler le problème et on avait le droit de le faire. Actuellement, plusieurs des personnes qui rentrent au pays avec des troubles mentaux sont des personnes qui ont participé à des missions de maintien de la paix pour lesquelles les règles d'engagement étaient différentes. Si l'on avait été témoin d'une scène atroce et qu'on le signalait, on n'obtenait pas toujours de l'aide, ce qui est dramatique.

J'essaie de faire une comparaison avec le degré actuel de souffrance morale des simples soldats, de la Force régulière et de la Force de réserve qui ont été en service en Bosnie dans le cadre d'une mission de l'OTAN où les règles d'engagement étaient différentes. Autrefois, quand on était témoin d'une scène atroce, on pouvait intervenir et essayer de régler le problème. On constate que la souffrance morale de ces personnes est différente.

M. Leduc: Vendredi, j'étais à l'Université de la Colombie-Britannique où le général Dallaire a fait un exposé sur le Rwanda et sur le stress post-traumatique. Trois anciens combattants du Vietnam de Washington faisaient partie de l'auditoire. À la fin de l'exposé, ils ont dit: «Merci beaucoup. Vous avez très bien décrit les difficultés que nous avons vécues à notre retour du Vietnam».

Ce traumatisme vient en grande partie du fait que les militaires ne rentrent plus au pays en héros comme après la Seconde Guerre mondiale. La plupart sont rentrés et ont essayé de mener une vie normale. On les a envoyés en vacances puis ils ont commencé la formation pour la prochaine affectation. On n'a pas le temps de faire un debriefing. Actuellement, les membres des forces armées rentrent au pays directement après la guerre. Ils sont dans la même situation que les anciens combattants du Vietnam.

Le général Dallaire est un militaire très connu. Sa famille a suivi sa mission sur la chaîne CNN. Quand un être cher est à l'étranger et que les caméras de la télévision sont sur place, on se demande toujours ce qui se passe. La nature de la guerre a changé.

Le président: Voulez-vous dire que le traitement et les prestations ont changé également?

M. Leduc: Oui. Les Canadiens qui rentrent d'une mission de maintien de la paix sont à peu près dans la même situation que les anciens combattants du Vietnam. Le problème est d'être replongé sans transition dans la société après une opération.

Le sénateur Wiebe: Insinuez-vous que l'on prend à la légère les services rendus par les membres des missions de maintien de la paix? Est-ce qu'on considère cela comme un travail ordinaire au lieu de traiter les intéressés en héros et est-ce que cela leur cause des problèmes d'adaptation?

M. Leduc: Deux types de considérations entrent en ligne de compte. Les Canadiens apprécient beaucoup le rôle de leurs militaires.

Le sénateur Wiebe: Voulez-vous dire qu'ils ne le montrent pas?

M. Leduc: Cela aiderait beaucoup les membres des forces armées qu'on les accueille avec des parades. Si un sénateur ou un politicien les remerciait au nom des Canadiens dès leur retour au pays, cela les aiderait à se réintégrer à la société. L'octroi d'un certificat de mérite serait également une bonne initiative.

Le sénateur Wiebe: Ce serait bien de les accueillir avec une fanfare, mais il n'y en a plus. Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point.

M. Leduc: Les fanfares soutiennent le moral des troupes. Quand on les supprime, on sape leur moral.

Le sénateur Wiebe: C'est bien vrai.

Le président: Vous avez très bien exposé les principaux points de votre mémoire. Allez-y, si vous avez d'autres observations à faire, à moins que d'autres sénateurs n'aient des questions à poser.

Pensez-vous que nous comprenons?

M. Leduc: Oui. Je voudrais toutefois préciser que ce mémoire est fondé sur les dix années d'expérience que j'ai acquises en matière de défense de la cause des anciens combattants et dans le cadre des activités de notre association. Ce témoignage est fondé sur les besoins des anciens combattants.

J'ai établi un profil des anciens combattants dans mon mémoire. Un militaire qui était pilote de Sea King m'a donné la permission d'exposer son cas. Cet homme était trop fier pour demander des prestations d'aide sociale. Il a des vertiges. Il a un emploi à temps partiel comme agent de sécurité, mais il n'arrive pas à conserver tout autre type d'emploi.

Le ministère des Anciens combattants lui a dit qu'il pouvait occuper un emploi de commis dans une compagnie aérienne ou devenir instructeur. Ces emplois sont liés à ses antécédents. Il a postulé mais sa candidature n'a pas été acceptée. C'est dur pour lui. Cet ex-militaire fait face à cette situation depuis trois ou quatre ans.

Les anciens combattants sont des personnes à part entière. Ce sont des membres invalides des forces armées. Ce sont des êtres humains diminués qui ont été replongés sans aucune transition dans la société civile, et c'est même parfois un risque pour celle-ci.

Il faut les considérer comme des personnes à part entière. Il faut leur rendre ce statut. Ces personnes réintègrent leur famille après avoir combattu à la guerre. Leur famille doit vivre avec elles. Leur épouse devient le principal soutien de famille. Qui l'aide?

Notre association a aidé l'épouse d'un ancien combattant qui n'arrivait pas à réunir 100 $ pour suivre un cours de maître nageuse sauveteuse de deuxième niveau afin de pouvoir gagner 1 $ de plus de l'heure. Son jeune époux ne pouvait pas travailler et ils avaient trois enfants à charge.

Les cas malheureux se comptent par milliers. Il est facile de jouer les pompiers mais il faut comprendre les conséquences du service actif pour les anciens combattants. Cela nous amènera à comprendre comment on peut aider les personnes dans le besoin en s'appuyant sur la charte des anciens combattants.

Chaque fois que nous portons nos médailles, cela nous rappelle le service. C'est souvent à ces occasions que les souvenirs remontent à la surface. Certains militaires ont vécu des incidents traumatiques en Bosnie, en Yougoslavie ou en Égypte en 1956. Ils en ont vu de dures. Nous avons perdu plus de participants pendant les dix années de la mission en Égypte que pendant les dix années de la mission en Yougoslavie.

Les souvenirs remontent à la surface chaque fois que les anciens combattants portent leurs médailles. C'est le but du jour du Souvenir. C'est le jour où nous exprimons notre affliction. C'est nécessaire. Cela fait partie de notre culture. Il faut le comprendre. On accorde de plus en plus d'importance au jour du Souvenir. Les citoyens comprennent mieux de quoi il s'agit mais le gouvernement doit mieux traiter ses militaires.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il était entendu que l'on avait passé un contrat moral avec les militaires. On savait ce que les militaires recevraient en échange de leurs services. À mon avis, ce contrat moral existe toujours. La seule différence, c'est que ce contrat n'est pas entièrement respecté.

Le sénateur Atkins: Pensez-vous que les Canadiens comprennent mieux de quoi il s'agit? On ne fait pourtant pas leur éducation dans ce domaine.

Le sénateur Atkins: Ce n'est plus dans nos livres d'histoire.

M. Leduc: C'est un fait. Ce serait pourtant nécessaire. Il faut éduquer davantage les Canadiens. Nous disons à nos jeunes anciens combattants que c'est à leur tour. Ils devraient faire des exposés dans les écoles et raconter dans leur collectivité ce qu'ils ont fait. Les forces des Nations Unies ont reçu le Prix Nobel de la paix en 1988 pour leur intervention à Chypre. Combien de personnes le savent? Pas beaucoup. J'étais là.

Le sénateur Atkins: Est-ce que la Légion ne pourrait pas jouer un plus grand rôle dans ce domaine?

M. Leduc: Nous nous aventurons sur un champ de mines.

Le sénateur Atkins: J'a participé à plusieurs tournées avec le ministère des Affaires des anciens combattants. Nous étions accompagnés de cadets et d'étudiants. C'était fascinant d'observer les contacts entre ces jeunes et les anciens combattants; les anciens combattants ont épaté les jeunes.

J'ai l'impression que les anciens combattants ont davantage l'occasion de se faire connaître, d'aller dans les écoles et de participer à des activités communautaires où ils peuvent avoir des contacts avec les jeunes et leur raconter leurs aventures, non seulement en temps de guerre mais aussi en temps de paix.

M. Leduc: On en revient tranquillement à cela. J'ai parlé avec des représentants de la Légion, à tous les niveaux, y compris celui de la Direction nationale. La Légion est plusieurs années en retard en ce qui concerne les forces armées contemporaines. Nous avons un esprit de clan. Les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ne comprennent pas ce que nous avons vécu. Nous ne comprenons peut-être pas ce qu'ils ont vécu non plus. Le dialogue est difficile à établir.

Grâce à un des programmes que nous avons mis sur pied avec l'aide de l'Université de la Colombie-Britannique, nous avons constaté que lorsqu'on réunit des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et des anciens combattants d'après la Seconde Guerre mondiale, ils ont l'impression d'avoir vécu le même type d'expérience. En général, ça brise la glace.

Dans les parades, les membres de la Légion arborent de nombreuses médailles. Pour les observateurs non avertis, ce sont tous des anciens combattants. Cependant, 60 p. 100 d'entre eux n'en sont pas.

Le président: En vertu de quelle définition?

M. Leduc: À tous égards. Il peut s'agir de membres associés qui ont reçu de nombreuses médailles de la Légion pour longs et loyaux services. Ils ont bon coeur et font beaucoup pour la cause de la Légion.

Le président des B.C. Lions a demandé au ministère des Anciens combattants d'inviter des anciens combattants à parader sur le terrain pendant la mi-temps à une de parties. Le résultat a été étonnant. Pendant trois années de suite, les supporters sont restés dans les gradins à la mi-temps quand les anciens combattants défilaient sur le terrain.

À la dernière parade, trois jeunes réservistes qui avaient participé à la mission en Bosnie défilaient au dernier rang. Je leur ai dit que si j'avais été l'organisateur de la parade, je les aurais placés au premier rang parce que c'était leur journée. Ce sont des membres de la Légion qui n'étaient même pas des anciens combattants qui étaient en tête de parade. C'est une situation difficile. La Légion traverse une période de remise en question.

Le président: Je ne parle pas de l'intégration des divers engagements qu'ont eus les militaires en service. Je suggère de communiquer ces expériences à la collectivité qui n'est pas au courant de ce qu'ont fait les anciens combattants.

M. Leduc: Vous avez raison. La Légion a des programmes de ce genre. Elle a des difficultés à recruter de jeunes anciens combattants pour l'aider. Les jeunes anciens combattants ne rentrent pas en groupe dans les collectivités. Pendant des années, on leur a dit qu'ils n'étaient pas considérés comme des anciens combattants et qu'ils ne pouvaient par conséquent pas devenir membres de la Légion.

Le sénateur Atkins: Si, ils deviennent membres de la Légion.

M. Leduc: Pas en grand nombre parce que pendant des années, la Légion ne les considérait pas comme des anciens combattants. La situation s'améliore cependant. Elle n'est pas désespérée. La Légion est en train de faire une remise en question. Comme je l'ai déjà mentionné, j'en fais partie.

Le sénateur Atkins: Voulez-vous dire que la Légion ne les considère pas comme des anciens combattants?

M. Leduc: Maintenant oui. Cependant, elle doit toujours s'occuper des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, ce qui est normal.

Le président: Pouvez-vous parler des membres de la GRC qui ont servi auprès des casques bleus dans des fonctions d'appui rapproché au cours de diverses opérations militaires? Les représentez-vous? Les prestations sont-elles insuffisantes en ce qui les concerne également?

M. Leduc: En ce qui concerne les membres de la GRC, la situation est différente de ce qu'elle était pendant la Seconde Guerre mondiale. La GRC a son propre régime de prestations. Si des membres de la GRC sont blessés à l'étranger, c'est toutefois la Loi sur les pensions qui administre leurs indemnités. Nous comptons parmi nos membres d'ex-cadres supérieurs de la Gendarmerie royale du Canada. Un surintendant en chef à la retraite occupe un poste important au sein de notre association.

Les membres de la GRC ont une meilleure rémunération et, par conséquent, ils reçoivent une meilleure pension. Ils forment un cercle fermé. Ils subviennent à leurs propres besoins.

Nous avons maintenant davantage d'agents de police municipaux et provinciaux parmi nos membres. Ils ne forment pas un groupe aussi fermé. Ils ont besoin d'aide.

Le président: Est-ce qu'ils participent à des opérations de maintien de la paix?

M. Leduc: Bien sûr. L'éventail des participants est très large et les troupes sont envoyées à l'étranger par avion nolisé. Que deviennent-il s'ils souffrent de troubles dus au stress à la suite de cette expérience?

Le sénateur Wiebe: Vous avez dit que votre association comptait 800 membres. Avez-vous évalué le nombre d'anciens combattants qui n'en font pas partie?

M. Leduc: C'est difficile à dire parce que beaucoup de personnes ne s'affilient pas. Certains anciens combattants sont membres de plus d'une association et par conséquent, le nombre total est difficile à évaluer. Par exemple, il y a aussi une association des anciens combattants de la Guerre du Golfe à laquelle ont participé environ 4 500 Canadiens.

Le sénateur Atkins: Il y a eu aussi la Guerre de Corée.

M. Leduc: Les anciens combattants de la Guerre de Corée sont bien organisés et leur nombre est élevé. Ils ont également des associations de régiment et des associations de chefs et de policiers. Le nombre d'associations est très élevé.

Le sénateur Wiebe: Est-ce que toutes ces diverses associations approuvent vos propositions?

M. Leduc: Étant donné que je suis membre du Conseil consultatif sur les Forces canadiennes du ministère des Affaires des anciens combattants et que je travaille pour le Centre de soins aux blessés d'Ottawa, avec les Forces canadiennes, ces associations comptent sur nous pour ces questions. Nous avons des discussions franches et nous leur demandons leur avis; lorsqu'elles nous le donnent, nous en tenons compte.

Le sénateur Atkins: Je suppose que vous avez suivi la lutte des anciens combattants de la marine marchande avec beaucoup d'intérêt.

M. Leduc: Il existe une association soeur pour le maintien de la paix. Notre association est ouverte à ceux qui ont été en service dans le cadre de missions de l'OTAN. Nous examinons la possibilité d'aider ceux qui ont servi pendant la guerre froide. Le service actif des personnes qui y ont participé a été reconnu; d'ailleurs, plusieurs Canadiens ont perdu la vie à l'étranger. On en revient toujours à cela.

Le Conseil national des associations d'anciens combattants (CNAAC) au Canada a été créé pour servir d'organisme cadre et la Légion a absorbé quelques petites associations en 1926. Nous avons peut-être atteint un point où il faut se réunir à ce niveau pour discuter de ces problèmes.

Le président: Le CNAAC est présidé par M. Clifford Chadderton qui participera à la réunion de ce soir.

M. Leduc: Nous sommes membres du CNAAC.

Le président: Quelles sont les conditions d'affiliation à une association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix pour ceux qui étaient en poste en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale?

M. Leduc: Notre définition du maintien de la paix est générale. Par exemple, on peut être membre associé. C'est une question d'esprit de clan. Certaines personnes prétendent que ce n'était pas du maintien de la paix et les discussions habituelles recommencent. On peut devenir membre ordinaire de notre association si on a été en service à l'étranger.

La question du service pendant la guerre froide a fait l'objet de discussions mais nous avons probablement aidé des milliers de personnes parce que nous ne refusons personne.

Le président: Auriez-vous parmi vos membres des civils qui ont été en service dans les stations du Réseau avancé de pré-alerte?

M. Leduc: Oui, il y a quelques civils.

Le président: Sont-ils admissibles?

M. Leduc: Le Canada a perdu cinq agents du service extérieur au cours de missions de maintien de la paix.

Le sénateur Wiebe: Quand on a affaire aux pouvoirs publics, on a toujours intérêt à être nombreux. Vous avez dit qu'une des raisons pour lesquelles votre association a été créée est que l'Association des anciens combattants n'est plus adaptée à son époque. Au lieu de demander à des anciens combattants de mener votre lutte, vous avez décidé de créer une association distincte. Y a-t-il une autre raison?

M. Leduc: Nous avons commencé comme membres de la Légion royale canadienne où nous avons fini par nous retrouver dans un énorme creuset. Avant 1992, lorsque nous avons pris conscience du problème des casques bleus, nous faisions encore partie de ce creuset. On ne s'occupait pas nécessairement de nos besoins. C'est une des raisons pour lesquelles les anciens combattants de la Guerre de Corée ont formé leur propre association. Nous avons fait beaucoup de progrès en dix ans à peine.

Le sénateur Wiebe: Est-ce que la diminution du nombre de membres et l'élargissement de l'accès aux salles réservées aux anciens combattants sont les raisons pour lesquelles les associations d'anciens combattants ouvrent leurs portes à des membres associés?

M. Leduc: C'est effectivement la raison.

Le sénateur Wiebe: Courez-vous le même risque en ayant des membres associés au sein de votre association?

M. Leduc: Nous constatons que les jeunes familles d'anciens combattants veulent participer parce que ce sont elles qui se chargent en grande partie de la réinsertion des anciens combattants. Dans bien des cas, ce sont elles qui sont les principaux dispensateurs de soins et elles veulent participer.

Je tiens à signaler que le ministère des Affaires des anciens combattants a été créé pour aider les membres des Forces canadiennes à réintégrer la vie civile. Il y aurait moyen de donner un regain d'énergie à ce ministère pour qu'il s'occupe davantage des programmes pour les invalides.

On est membre des forces armées pendant une courte période mais on est ancien combattant pour le reste de sa vie. C'est une belle occasion pour le ministère des Anciens combattants de se rendre utile.

Le président: Je considère que c'est votre principal message.

Le sénateur Wiebe: Ces observations se trouvent à la page 15 du mémoire.

M. Leduc: Oui. La première chose à faire est de dépoussiérer les archives et de présenter à nouveau une loi sur le rétablissement.

Le président: Qui représente les civils recrutés par le ministère de la Défense nationale pour participer à des missions de maintien de la paix à l'étranger? Savez-vous quels sont leurs droits à la pension, aux prestations d'invalidité, et cetera?

M. Leduc: Si je comprends bien, ces civils sont généralement engagés à contrat et ces modalités sont précisées dans le contrat qu'ils signent. Un problème plus général se pose toutefois et il faudra pousser les investigations plus loin. Les civils ne participent à ce genre de mission que depuis quelques années. De nombreux membres d'ONG et d'autres Canadiens vont à l'étranger, sont blessés et rentrent au pays; ils ne sont plus les mêmes que lorsqu'ils sont partis; leur vie a changé.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Leduc, je vous remercie pour le temps que vous nous avez consacré. Nous avons tous appris beaucoup de choses intéressantes cet après-midi. Êtes-vous d'accord, sénateurs, que le mémoire de M. Leduc soit publié en annexe du compte rendu des délibérations du comité?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci.

La séance est levée.


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