Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 2 - Témoignages du 26 novembre 2002
OTTAWA, le mardi 26 novembre 2002
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 02 pour examiner les questions qui touchent les jeunes Autochtones canadiens vivant en milieu urbain et, en particulier, pour examiner l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.
Le sénateur Terry Stratton (vice-président suppléant) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président suppléant: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous accueillons aujourd'hui Mme Allison Fisher, du Wabano Centre for Aboriginal Health; M. Richard Jock, de l'Organisation nationale sur la santé des Autochtones; M. Jerry Lanouette, du Centre d'amitié Odawa; et M. Michael Tjepkema, de Statistique Canada.
Monsieur Tjepkema, vous avez la parole.
M. Michael Tjepkema, Statistique Canada: Honorables sénateurs, on m'a invité à venir vous présenter la recherche que j'ai publiée l'année dernière sur la santé des Autochtones vivant hors réserve. Des exemplaires du document vous ont été distribués ce matin. Je vais vous résumer brièvement les conclusions de nos recherches.
Nous avons appris que les Autochtones, de façon générale, sont en moins bonne santé. Leur espérance de vie est plus courte, la mortalité infantile y est plus élevée et les maladies chroniques, comme le diabète, y sont plus répandues. Nous savons aussi que cette population est plus jeune et, de façon générale, plus pauvre, et que le chômage y est plus élevé et le niveau de scolarité plus faible.
Toutefois, la plupart des études se sont concentrées sur les Autochtones vivant dans les réserves, et elles ont en règle générale exclu ceux qui vivent à l'extérieur des réserves et qui pourtant représentent près de 70 p. 100 de la population autochtone totale. De façon générale, les Autochtones vivent en Ontario, dans les provinces de l'Ouest et dans le Nord. Ma recherche visait, en premier lieu, à examiner l'état de santé des Autochtones et, en deuxième lieu, à établir des comparaisons afin de comprendre la raison des inégalités qui existent en matière de santé.
Avant de commencer mon exposé, j'aimerais signaler que les données que je présente visent la totalité des Autochtones qui vivent hors réserve et qui sont âgés de 15 ans et plus. Par ailleurs, les estimations ont été normalisées selon l'âge afin que les comparaisons soient fiables. Je vais examiner les trois groupes réunis, c'est-à-dire que je ne ferai pas de distinction entre les Indiens d'Amérique du Nord, les Métis et les Inuits.
Le graphique 1 montre une mesure appelée «état de santé autoévalué» qui est utilisée fréquemment à titre d'indicateur fiable pour évaluer l'état de santé général d'une personne. La recherche montre également que l'état de santé autoévalué sert à déterminer le taux de mortalité prématurée, même lorsque l'on utilise une autre mesure de l'état de santé. On a demandé aux répondants de dire si selon eux leur état de santé était soit excellent, très bon, bon, passable ou mauvais. Ce graphique montre clairement que les Autochtones âgés de 15 ans et plus, après normalisation des données selon l'âge, percevaient leur état de santé comme mauvais. Par exemple, 23 p. 100 des Autochtones ont déclaré que leur santé était de passable ou mauvaise, par comparaison à seulement 12 p. 100 de la population en général.
Le graphique 1(b) montre des données sur les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Ma recherche ne vise pas particulièrement ce groupe, mais pour les besoins de la cause, je me suis intéressé aux jeunes âgés de 12 à 24 ans, en me servant de la même mesure de l'état de santé autoévalué. La recherche montre que les jeunes Autochtones avaient eux aussi tendance à percevoir leur état de santé comme mauvais.
Le graphique 2 montre trois mesures précises de l'état de santé: les problèmes de santé chroniques, comme le diabète, l'arthrite, l'hypertension, et cetera; la limitation des activités, pour laquelle on demandait aux répondants s'ils étaient atteints d'une affection physique ou mentale prolongée qui réduisait le genre ou la durée des activités qu'ils étaient en mesure d'effectuer, soit à la maison ou à l'école; et la dernière mesure qui portait sur la possibilité qu'ils aient vécu un épisode dépressif majeur. Nous avons déterminé la dernière mesure au moyen d'une série de questions faisant appel à un outil de diagnostic qui donnait la probabilité que les répondants aient vécu un épisode dépressif au cours de l'année précédente. Dans ce cas aussi, le graphique 2 montre que les Autochtones souffrent davantage de problèmes de santé chroniques, de limitation des activités et de dépression que les non-Autochtones.
Le graphique 2(b) met l'accent sur les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain, et il semble que l'histoire se répète, même si la prévalence est plus faible, surtout en raison du jeune âge des répondants.
Le graphique 3 montre le revenu du ménage selon le statut d'Autochtone. La recherche a montré qu'il y a une forte corrélation entre le revenu et la santé. Les personnes ayant de faibles revenus ont en règle générale davantage de problèmes de santé. Le graphique montre que les Autochtones s'en tirent moins bien pour ce qui est du revenu du ménage. Pour vous donner une idée, le groupe à faible revenu correspondrait à une famille de quatre personnes qui gagne 20 000 $ ou moins par année; le groupe à revenu moyen à une famille de quatre qui gagne entre 20 000 $ et 40 000 $ par année; et le groupe à revenu élevé à une famille de quatre qui gagne plus de 40 000 $ par année. Cet écart ou ces inégalités dans les revenus pourraient avoir une incidence sur les Autochtones qui déclarent avoir une moins bonne santé et qui éprouvent davantage de problèmes de santé. Le graphique 3(b) montre le même schéma en ce qui concerne les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain.
Le graphique 4 montre les mêmes quatre mesures de l'état de santé, plus particulièrement le pourcentage de personnes déclarant leur état de santé passable ou mauvais, selon le revenu du ménage. La première série de barres montre les Autochtones et les non-Autochtones dans le groupe des ménages à faible revenu. Même si le pourcentage de personnes déclarant un état de santé passable ou mauvais diminue lorsque le revenu augmente, et même à l'intérieur de chaque catégorie de ménage, on peut voir que les Autochtones affichent un pourcentage plus élevé de personnes déclarant avoir un état de santé passable ou mauvais, ce qui suggère que ce n'est pas seulement le revenu qui est à l'origine de leur mauvais état de santé.
Le graphique 5 examine le pourcentage de personnes ayant vécu un épisode dépressif majeur, et le schéma est similaire, en ce qui concerne l'écart noté selon la catégorie de revenu du ménage. Dans la catégorie à revenu élevé, l'écart est réduit, ce qui suggère que les Autochtones qui ont les plus faibles revenus sont les personnes qui doivent affronter les inégalités les plus marquées en ce qui concerne l'état de santé.
Le graphique 6 examine les problèmes de santé chroniques. On retrouve sensiblement le même schéma, et le groupe de ménages à revenu élevé affiche le plus petit écart de pourcentage.
Le graphique 7 examine les limitations prolongées des activités. Vous remarquerez sur ce graphique que le groupe à revenu élevé, chez les Autochtones et les non-Autochtones, affiche le même pourcentage. La plupart des inégalités en matière de santé visent les groupes à faible revenu et à revenu moyen, c'est-à-dire les plus pauvres.
Mis à part le revenu, il y a de nombreux autres déterminants de la santé. Le tableau 1 examine certains de ces déterminants. Le premier ensemble de variables qui correspond au statut socio-économique est mesuré habituellement au moyen de trois types de variables: le niveau de scolarité, le revenu et la situation d'emploi. Si on jette un coup d'oeil sur le tableau, on constate que pour chacune de ces variables, les Autochtones qui vivent hors-réserve sont davantage susceptibles d'avoir un faible revenu que les non-Autochtones. Par exemple, un pourcentage plus élevé d'Autochtones n'ont pas terminé leurs études secondaires. Ils ont plus de chances de se retrouver dans des ménages à faible revenu et de ne pas avoir travaillé durant une année entière.
Les autres déterminants de la santé et des comportements influant sur la santé ayant été utilisés dans mon analyse sont les suivants: fumeur quotidien, inactivité physique, obésité et consommation abusive d'alcool. Pour toutes ces variables, sauf pour l'inactivité physique, le pourcentage était plus élevé pour les Autochtones. En ce qui concerne l'inactivité physique, les Autochtones et les non-Autochtones affichaient la même prévalence. Peut-être que ces différences pourraient expliquer pourquoi les Autochtones déclarent avoir une moins bonne santé.
Le tableau 1(b) porte sur les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain et âgés de 12 à 24 ans. Fait intéressant, le même schéma semble se reproduire sur ce tableau. Si on considère l'inactivité physique, les Autochtones ont moins tendance à être inactifs. Voilà qui est encourageant.
Le graphique 8 montre une technique de modélisation qui utilise une gamme de variables et s'en sert pour uniformiser les règles du jeu. Par exemple, nous prenons en compte la disparité du revenu et du niveau de scolarité et nous essayons de voir si la probabilité est toujours plus forte qu'ils déclarent que leur état de santé est plus mauvais. Le graphique 8 examine la probabilité que les répondants déclarent avoir un état de santé passable ou mauvais. La première série de barres du graphique vise l'âge et le sexe, afin que nous puissions tenir compte des inégalités relatives à l'âge et au sexe. Nous voulons voir s'ils continuent de déclarer un mauvais état de santé. Dans ce cas, nous pouvons voir que le rapport de cotes, c'est ainsi que nous l'appelons, est de 2,3. C'est un ordre de grandeur qui est considéré comme un point de départ. Si l'état de santé était le même dans les deux groupes, le rapport de cotes diminuerait à 1,0, cela vous donne une idée de l'ampleur de l'écart.
Lorsque nous prenons en compte des variables comme le revenu, le niveau de scolarité et la situation d'emploi, le rapport de cotes passe de 2,3 à 1,5, ce qui suggère que les inégalités dans le nombre de personnes déclarant que leur état de santé est passable ou mauvais sont dues en partie à un faible statut socio-économique. Toutefois, cela n'explique pas la totalité des inégalités dans l'état de santé parce que le rapport de cotes se situe toujours au-dessus de 1,0.
Dans le dernier ensemble de barres du graphique, lorsque nous prenons en compte les quatre comportements influant sur la santé, c'est-à-dire le tabagisme, l'inactivité physique, l'obésité et la consommation abusive d'alcool, le rapport de cotes passe de 1,5 à 1,3, ce qui suggère que les inégalités dans l'état de santé peuvent s'expliquer en partie par ces variables; mais, elles n'expliquent pas tout. D'autres variables ont une incidence sur la mauvaise santé.
Le graphique 9 examine la probabilité de vivre un épisode de dépression, et on y constate un schéma semblable à celui du graphique 8.
Le graphique 10 examine les problèmes de santé chroniques. On voit que le rapport de cotes diminue au fur et à mesure que l'on ajoute des variables au modèle.
Le graphique 11examine les limitations prolongées des activités physiques, et là encore le schéma est semblable.
En résumé, cette analyse nous a appris que la santé des Autochtones qui vivent hors réserve est plus mauvaise que celle des non-Autochtones. Toutefois, lorsque nous prenons en compte les écarts relatifs au statut socio-économique, les inégalités s'en trouvent réduites. L'ampleur de l'écart diminue, même si les inégalités ne disparaissent pas pour autant. Ils sont toujours plus pauvres. Même si nous uniformisons les règles du jeu en ce qui concerne le revenu, d'autres variables suggèrent que leur état de santé est plus mauvais. Ces autres variables pourraient être des événements marquants, du stress, des logements insalubres et peut-être les mécanismes d'adaptation. Ce sont toutes des variables susceptibles d'expliquer pourquoi les inégalités subsistent dans l'état de santé.
Il est clair qu'il faut mener d'autres recherches à partir de cette nouvelle source de données, que j'ai oublié de vous mentionner, c'est-à-dire l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes ou ESCC. Les résultats de cette enquête nous permettent d'analyser cet important groupe de population, et elle n'existait pas auparavant.
Voici qui met fin à mon exposé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le vice-président suppléant: Au départ, nous voulions laisser les quatre témoins présenter leur exposé afin de maintenir un certain équilibre et de maîtriser la situation. Si les membres du comité sont d'accord, nous procéderons de cette manière, à moins que les honorables sénateurs désirent poser des questions au fur et à mesure?
Sénateur Pearson: J'aimerais poser une ou deux questions sur la manière dont les statistiques sont recueillies.
Le sénateur Hubley: J'aimerais obtenir des éclaircissements sur la composition des familles. Vous avez mentionné une famille de quatre. Pouvez-vous me dire quels sont les membres de cette famille?
M. Tjepkema: Nous n'avons pas tenu compte de la composition exacte de la famille. Les recherches antérieures utilisées dans le recensement de 1996 montrent que les familles autochtones sont plus fréquemment des familles monoparentales. Pour les besoins de l'analyse, nous avons retenu une famille de quatre personnes afin d'obtenir une estimation plus fiable du revenu du ménage, qui repose sur le revenu gagné par un ménage et le nombre de personnes vivant dans ce ménage. Il s'agissait davantage d'une mesure du revenu. Nous n'avons pas réellement examiné la composition précise de la famille et s'il y avait deux parents ou non, ou encore le nombre d'enfants.
Le sénateur Pearson: Je trouve intéressant que Statistique Canada ait pu faire ce genre de recherche. Vous avez mentionné l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Lorsque vous établissez une comparaison entre les Autochtones et les non-Autochtones, est-ce que l'enquête est ventilée en fonction d'autres éléments, comme la population de Haïtiens vivant à Montréal ou existe-t-il un autre moyen de trouver des statistiques comme celles-ci?
M. Tjepkema: La taille de l'échantillon n'est pas assez grande pour que l'on puisse l'examiner par ville. Le document que je vous ai distribué tient compte de certaines inégalités entre les milieux urbain et rural et les territoires. Cependant, il s'agit essentiellement d'une enquête détaillée sur la santé qui se penche sur un vaste assortiment de facteurs et ces facteurs ne sont que la pointe de l'iceberg en ce qui concerne la manière dont cette enquête peut être utilisée.
Le sénateur Pearson: Est-ce que quelqu'un d'autre examine l'état de santé des immigrants?
M. Tjepkema: Cet automne, nous avons publié deux documents sur les populations d'immigrants dans lesquels on se penchait sur leur état de santé ainsi que sur leur condition physique et mentale.
Sénateur Pearson: Ces documents sont-ils disponibles?
M. Tjepkema: Nous allons les mettre à votre disposition.
M. Richard Jock, directeur exécutif, Organisation nationale de la santé des Autochtones: Honorables sénateurs, je suis heureux de présenter mon exposé après celui de mon collègue, M. Tjepkema, parce que les considérations relatives aux déterminants de la santé sont importantes, et que certains de ces déterminants ont été définis clairement.
Pour vous donner un aperçu, et je suis sûr que vous avez déjà entendu beaucoup de statistiques jusqu'à maintenant, je voudrais insister sur certains chiffres. D'après les données du recensement de Statistique Canada, les enfants et les jeunes, de la naissance jusqu'à l'âge de 19 ans, représentent 44 p. 100 des Autochtones. Par ailleurs, de façon générale, 52,1 p. 100 des Autochtones âgés de 0 à 14 ans vivent dans la pauvreté. Ces chiffres sont ressortis clairement de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Autre fait intéressant: il y a quatre fois plus de jeunes parents autochtones âgés de moins de 25 ans que dans la population canadienne en général.
Si vous désirez consulter une étude plus détaillée, je vous suggère de vous adresser à Sylvia Maracle qui a participé à une recherche intitulée «Tenuous Connections: Urban Aboriginal Youth, Sexual Health and Pregnancy». Cette étude a révélé que 27 p. 100 des familles autochtones n'avaient à leur tête qu'un seul parent par comparaison à 12 p. 100 dans la population en général, et que 39 p. 100 des mères monoparentales autochtones gagnent moins de 12 000 $ par année par comparaison à 22 p. 100 dans la population en général. Il s'agit d'une étude spécialisée et d'une excellente source de référence.
Pour en revenir aux déterminants de la santé, j'aimerais ajouter deux explications potentielles des inégalités qui semblent inexplicables, et ces explications ont été mises en lumière par les travaux réalisés par le Dr Michael Chandler qui a étudié la notion de continuité culturelle. Dans son étude, dans les cas où les six facteurs liés à la continuité culturelle qu'il a identifiés étaient présents, les taux de suicide étaient négligeables ou nuls. Dans les cas où aucun de ces facteurs n'était présent, les taux atteignaient les sommets dont les médias font largement état. La continuité culturelle et les éléments relatifs à l'autodétermination sont des ingrédients clés en ce qui concerne ces inégalités parce qu'ils ont un rapport avec le stress culturel et les défis que cela représente d'être un Autochtone au Canada.
L'autre statistique sur laquelle j'aimerais insister, même s'il est difficile d'établir un lien sur le plan scientifique, concerne la prévalence du syndrome d'alcoolisation foetale/effets de l'alcoolisation foetale. Un rapport publié en Colombie-Britannique intitulé «A Framework for First Nations: An Inuit Fetal Alcohol Syndrome Effects Initiative» révèle que les taux peuvent atteindre un sur cinq. Je vous répète qu'il s'agit de deux éléments qu'il faut prendre en considération si l'on veut trouver des solutions.
Parmi les autres facteurs contributifs, notons le nombre grandissant de renseignements non scientifiques concernant la prévalence du VIH; des maladies transmises sexuellement; des grossesses chez les adolescentes; du tabagisme, de la consommation abusive d'alcool et de drogues; une préoccupation croissante au sujet de la malnutrition; et la mauvaise forme physique. De fait, on s'inquiète parce que l'obésité semble en voie de devenir un réel problème dans les collectivités autochtones. Les autres facteurs contributifs sont l'incidence de l'abus mental, physique, verbal et sexuel. Par ailleurs, il se fait beaucoup de travail dans le domaine des abus commis dans les pensionnats. Je dirais que la Fondation pour la guérison des Autochtones serait toute disposée à fournir ces renseignements au comité ou peut-être que vous pourriez inviter ses représentants à comparaître devant vous.
J'aimerais bien vous communiquer quelques-uns des résultats préliminaires du sondage réalisé auprès des Premières nations et des Métis en ce qui concerne les besoins relatifs à des soins de santé efficaces et adaptés à la culture. Plus de 80 p. 100 des répondants ont déclaré qu'ils pensaient que des programmes de soins de santé qui seraient mieux adaptés à la culture des Autochtones pourraient contribuer à améliorer leur santé. Par ailleurs, 67 p. 100 sont d'avis qu'un retour aux principes de la médecine autochtone et aux pratiques traditionnelles en matière de guérison pourrait aussi contribuer à l'amélioration de la santé. Le groupe ayant été interrogé ne correspond pas parfaitement à celui qui vous intéresse aujourd'hui, mais 30 p. 100 de nos répondants sont dans ce groupe d'âge.
J'aurais quelques faits saillants à vous livrer concernant les mesures qui semblent efficaces, particulièrement dans le groupe des pré-adolescents. Le Programme d'aide préscolaire aux autochtones semble en mesure de créer un contexte favorable à de meilleurs débuts dans l'existence. D'après nos estimations, le seul problème avec ce programme est que près de 85 p. 100 des Autochtones n'y ont pas accès.
D'autres programmes sont prometteurs, je dis «prometteurs» parce qu'il reste encore à les évaluer à long terme. Il s'agit notamment de programmes de conseils diététiques, de soutien et d'encouragement aux pratiques sexuelles sans risque, de formation au rôle de parent et de soutien affectif et de counselling pour les jeunes. Par ailleurs, il faut souligner qu'un cinquième des enfants et des jeunes Autochtones ont des besoins supérieurs à ceux que peuvent combler les effectifs normaux en raison de besoins particuliers comme les retards dans l'expression orale, le syndrome de l'alcoolisation foetale et ses effets, des problèmes d'ordre affectif ou de comportement, ainsi que des handicaps visuels et auditifs. En négligeant d'accorder à ce groupe l'attention dont il a besoin, on ne fait qu'augmenter les risques que ces jeunes aient plus tard des problèmes de société encore plus graves. De plus, 38 p. 100 des répondants déclarent vivre dans de mauvaises conditions économiques. Ces renseignements proviennent d'une étude réalisée par le Programme d'aide préscolaire aux autochtones, ce qui contribue à donner plus de poids à l'argument que nous avons fait valoir auparavant.
D'autres initiatives sont prometteuses, comme le programme de modèle de comportement pour les jeunes Métis qui est un programme d'intervention précoce. Notons également le Conseil consultatif national des jeunes Métis et les cercles de la parole des jeunes Métis sur le VIH. Je ne fais que citer des exemples. Je ne parle pas au nom des organisations de Métis, mais je tiens à souligner que ces jeunes doivent surmonter des obstacles encore plus importants en raison des conflits de compétences et du manque de financement stable, d'une certaine forme de discrimination et du manque de compréhension exprimée par les services destinés à la population en général et de l'inégalité des chances entre les Métis et les Indiens inscrits comme membres des Premières nations et des Inuits. Par ailleurs, de façon générale, on note un manque de travailleurs formés dans différents domaines, et cette lacune joue un rôle essentiel pour l'avenir.
J'aimerais mentionner les centres urbains de santé autochtone (CUSA) en général. Ma collègue ici présente est une experte à cet égard. J'aimerais aussi insister sur le fait que nous vous avons distribué un rapport qui résume certains secteurs d'intérêt. Je tiens aussi à dire que ce type de centre de santé administré par des Autochtones est rare au Canada. Il n'y en a qu'en Colombie-Britannique, et je pense que leur nombre risque de diminuer en raison des restrictions financières imposées au système de soins de santé. Il existe 11 centres de ce genre en Ontario qui sont financés par le gouvernement provincial, et il y en a un à Winnipeg. Si l'on considère la situation dans son ensemble à l'échelle du pays, on ne peut que constater à quel point l'attention portée à la santé des Autochtones est limitée et incohérente dans les villes.
Les centres mis en place sont couronnés de succès et ils offrent un système de soins de santé primaires adaptés sur le plan culturel, et en règle générale, ces soins sont dispensés par une équipe multidisciplinaire. Nous nous pencherons sur cet aspect durant la prochaine partie de l'exposé.
Je tiens à mentionner que dans d'autres secteurs d'intérêt, on constate la nécessité de procéder à une évaluation continue et d'adopter une approche de formation plutôt que punitive en ce qui concerne le mode de fonctionnement des programmes, leur efficacité et aussi en vue de déterminer dans quelle mesure les initiatives de grande envergure comme celles dans le domaine du développement communautaire, des revendications territoriales et autres politiques gouvernementales générales ont une incidence sur les collectivités autochtones. Le document intitulé «Integrated Health Policy for Canadian Youth» a été distribué aux membres du comité.
Il serait important de fournir un financement à long terme aux centres de santé autochtones qui se concentrent sur les besoins particuliers des jeunes Autochtones. Ce financement permettrait aussi d'engager systématiquement de jeunes avocats, des aînés et des travailleurs sociaux autochtones qui pourraient se concentrer sur les besoins particuliers de ces jeunes. Il serait important de soutenir les centres de santé autochtones et l'intérêt qu'ils démontrent à l'égard de l'intégration des moyens traditionnels de guérison à titre d'éléments importants de leurs options de soins de santé pour les jeunes Autochtones.
J'aimerais mentionner l'Enquête sur la santé des collectivités canadiennes à laquelle l'Organisation nationale de la santé des Autochtones a fait allusion, ainsi que la First Nations and Inuit Regional Longitudinal Health Survey, qui a été réalisée dans un premier temps en 1997, et qui devrait se terminer en février 2003. Cette enquête porte sur 27 000 personnes vivant dans des réserves, et comporte des sous-sections sur les enfants et les adolescents. Cette enquête servira de base de données importante pour toutes les autres enquêtes qui seront menées dans le futur, et nous sommes tout à fait ouverts à l'établissement de collaborations pertinentes et appropriées en ce qui concerne son utilisation. En effet, ces collaborations devraient se situer dans le contexte de la gouvernance des Premières nations. Il est significatif qu'il n'existe pas de collecte de données similaire pour les Métis. Vous constaterez dans les données qui vous ont été remises qu'il existe des lacunes en ce qui concerne les renseignements sur les Métis et la collecte de ces renseignements. Il faudrait combler ces lacunes importantes en matière de données et de connaissances, et opter pour un processus qui serait piloté par les Métis.
J'insiste qu'il est important, particulièrement pour les jeunes, que les Autochtones participent pleinement à des projets comme l'info-structure canadienne de la santé, les réseaux de communication à haut débit et autres projets liés à la technologie au Canada, si nous voulons qu'ils aient pleinement accès au potentiel que recèlent les autres régions géographiques et culturelles du Canada.
Nous vous avons distribué des exemplaires du rapport général, aussi je ne m'étendrai pas plus longtemps sur le sujet.
Le vice-président suppléant: Monsieur Jock, il est toujours agréable d'entendre parler de réussites. Il est essentiel que nous soyons mis au courant des efforts ayant été couronnés de succès, tout autant que des secteurs qui présentent des problèmes. Il faut mettre des balises sur ces secteurs qui fonctionnent bien parce que, à partir d'un bon départ, il est possible d'étendre ces projets à l'échelle du pays.
J'aimerais beaucoup que Mme Fisher et M. Lanouette nous racontent eux aussi des histoires de réussite parce qu'il est important que nous en entendions parler. Je vais maintenant quitter le fauteuil du président et demander au sénateur Pearson de prendre la relève à titre de présidente suppléante pour le reste de la journée.
M. Jock: Si vous permettez, votre commentaire me touche. Malheureusement, certains de ces projets réussis n'ont pu bénéficier que d'un financement temporaire ou qui est épuisé, aussi ils courent le risque de disparaître. Il serait important que des succès de ce genre puissent bénéficier d'un financement à long terme.
Le sénateur Landon Pearson (présidente suppléante) occupe le fauteuil.
La présidente suppléante: Madame Fisher, je vous en prie.
Mme Allison Fisher, directrice exécutive, Wabano Centre for Aboriginal Health: Je suis très heureuse d'être ici, honorables sénateurs. M. Jock a abordé certaines des questions que je vais traiter. Il est dommage que le sénateur Stratton doive quitter, parce que je pense que notre modèle de soins de santé à Ottawa fait partie de ces expériences réussies.
Le Wabano Centre for Autochtones Health, ou WCAH, est un centre de soins de santé primaires administré par les Autochtones et axé sur la collectivité. Il offre des services adaptés à la culture aux Inuits, aux Métis et aux membres des Premières nations qui vivent en milieu urbain et il est financé par le gouvernement provincial. À Wabano, nous adoptons une approche intégrée et holistique de la santé qui englobe les aspects physiques, affectifs, mentaux et spirituels du bien-être. Les enseignements traditionnels et les pratiques de guérison, de même que les programmes culturels et communautaires viennent compléter notre modèle médical contemporain. Cela signifie qu'à Wabano, nous utilisons des pratiques de guérison traditionnelles empruntées aux Inuits, aux Métis et aux Premières nations. Nous avons également un modèle contemporain de soins primaires de première qualité. Nous mettons l'accent sur l'individu dans le contexte de la famille et de la vie en collectivité. Nous croyons à la sagesse de nos aînés et des guérisseurs traditionnels, et aussi aux vertus des cérémonies et de la célébration de notre survie.
Après la quatrième année de fonctionnement de Wabano, le nombre de cas que nous recevons pour les services de soins primaires a atteint 2 400 personnes. Nous offrons également des services à plus de 2 000 clients dans le cadre des autres services de promotion de la santé et culturels. Environ 46 p. 100 de nos clients sont âgés de moins de 25 ans, ce qui nous donne un rôle clé dans l'avenir des Autochtones d'Ottawa qui vivent en milieu urbain. Au centre Wabano, nous sommes fiers d'offrir des programmes holistiques dans un milieu coopératif, ouvert aux besoins de tous, sûr et accessible à tous les Autochtones — Inuits, Métis et membres des Premières nations. Chez nous, les services sont offerts sans égard au statut. Nous sommes un endroit où règnent le sentiment d'appartenance, la confiance et l'esprit communautaire.
Wabano utilise un modèle de services intégrés établi en fonction d'un modèle de collaboration intersectoriel et multidisciplinaire. Nous nous efforçons de suivre l'approche suivante: faire en sorte que tous nos programmes incorporent et traduisent les croyances, les principes et les traditions qui font partie de la culture autochtone. Pour commencer, nous tirons parti des qualités des membres de notre collectivité. En effet, les membres de notre collectivité autochtone participent pleinement à la conception, la prestation et l'évaluation des programmes et des services qui sont conçus à leur intention. Nous oeuvrons activement à la promotion du développement communautaire et au renforcement des capacités par l'entremise de liens de services directs inter-organismes et de partenariats dans le domaine de l'éducation et de la formation.
Nous avons toute une série de statistiques, et il y en a beaucoup sur lesquelles je ne m'étendrai pas aujourd'hui. Toutefois, je vais en mentionner quelques-unes dont vous n'avez peut- être pas entendu parler. Notre centre voudrait que l'on s'attaque d'abord aux statistiques suivantes: celles sur les taux élevés de suicide, sur l'incidence du VIH et sur l'augmentation alarmante du diabète de type II chez nos jeunes.
Nous avons parlé de pauvreté aujourd'hui. Les gens qui viennent nous rendre visite sont pauvres, ce sont des femmes, des jeunes qui se démènent pour essayer de trouver de la nourriture pour leurs enfants.
Les taux de grossesses chez les adolescentes autochtones publiés dans les provinces sont quatre fois plus élevés que ceux de la population en général. Pour les filles âgées de moins de 15 ans, on estime que les taux atteignent 18 fois ceux de la population adolescente en général au Canada. Voilà le genre de problèmes que nous devons affronter au centre Wabano.
Sylvia Maracle et l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres ont réalisé une étude en 2002. Je pense que ce rapport a été déposé devant le comité. Je tenais à vous en faire part parce que je pense qu'il vise la population qui nous intéresse.
Le rapport signale que 57 p. 100 des hommes et près de 78 p. 100 des femmes avaient conçu un enfant avant d'atteindre l'âge de 20 ans. La même étude a montré que 28 p. 100 des répondants sexuellement actifs avaient commencé à avoir des rapports sexuels à l'âge de 13 ans ou moins, et que 66 p. 100 avaient eu des rapports sexuels avant l'âge de 16 ans.
L'abus de solvant et la toxicomanie sont un sérieux problème dans les collectivités autochtones, et tout particulièrement chez les jeunes où la pauvreté, les préjugés et les perspectives d'avenir bouchées sont des conditions de vie. Lorsqu'on les considère de concert avec les statistiques sur les grossesses précoces, ces facteurs contribuent énormément à faire grimper le taux déjà élevé du syndrome d'alcoolisation foetale et les effets de l'alcoolisation foetale. La prévalence du SAF/EAF est dix fois plus élevée chez les Autochtones que la moyenne nationale.
Ces tendances sont très troublantes. Elles ont une incidence profonde sur le rendement scolaire et, par conséquent, sur le potentiel socio-économique des jeunes Autochtones. Les données suggèrent aussi un degré alarmant d'exposition aux maladies transmises sexuellement, ce qui aura pour effet d'engendrer une autre génération qui sera aux prises avec des problèmes de santé et avec le cycle de la pauvreté.
Quels sont les problèmes les plus criants que notre personnel doit affronter lorsque des jeunes viennent à notre centre? Ils voient beaucoup de pauvreté. Les niveaux de violence familiale demeurent inchangés. Ces enfants sont exposés à une énorme violence familiale; à la ghettoïsation des familles autochtones dans les quartiers les plus pauvres des villes où la criminalité et les autres influences négatives sur les jeunes sont déchaînées; à l'absence de soutien culturel et d'expériences culturelles positives dans la vie familiale, en particulier pour les Inuits qui vivent en milieu urbain et qui sont loin de leur famille étendue dans le Nord; le manque de soutien et de supervision de la part des parents et finalement, l'absence de plaisir et d'activités communautaires stimulantes.
Quels sont les résultats de tout cela? Un taux de décrochage élevé, un mauvais rendement scolaire, une fréquentation sporadique, un chômage élevé, une consommation excessive de boissons alcooliques et de drogues, des problèmes de santé qui sont souvent persistants et qui le seront durant tout le cycle de vie, et une sexualité précoce. Les taux de grossesses chez les adolescentes sont élevés. Par ailleurs, vous connaissez bien les statistiques sur l'incarcération des jeunes Autochtones.
Nous avons consacré passablement de temps et de créativité à essayer de régler les problèmes des jeunes Autochtones, et nous avons eu un certain succès à cet égard. Je vais vous faire part de quelques-unes de ces réussites.
Afin de combler le fossé des générations et de permettre aux jeunes de bénéficier de la sagesse culturelle, nous avons mis sur pied un programme intergénérationnel où aînés et jeunes se réunissent une fois par semaine pour échanger des récits et des enseignements. Lorsque les aînés sont capables de créer un lien entre le passé et les jeunes, et lorsque les jeunes sont capables de créer un lien entre les aînés et le futur, les liens de la confiance entre deux groupes essentiellement dissemblables se solidifient et chacun y gagne une perspective nouvelle et fraîche sur l'autre.
Notre programme de cybercafé encourage les jeunes à rester à l'école en leur donnant deux fois par semaine l'occasion d'améliorer leurs résultats scolaires ou de conserver leurs bonnes notes. Des tuteurs bénévoles les aident à faire leurs devoirs et à développer leurs habiletés à l'ordinateur et servent de modèle de comportement positif. J'aimerais prendre quelques minutes pour vous décrire ce programme plus en détail. Je vais présenter aux honorables sénateurs une étude de cas.
Les jeunes qui font partie de ce groupe ont en moyenne entre 14 et 15 ans, et ils sont en neuvième et en dixième année. Ils font partie de ces statistiques sur la pauvreté dont je vous ai parlé tout à l'heure; la plupart vivent dans des familles monoparentales, et ils sont souvent laissés à eux-mêmes. D'après un de nos bénévoles, les garçons viennent au cybercafé pour la relation avec les mentors. Ils aiment l'environnement et apprécient la possibilité de se retrouver avec des hommes plus âgés qui s'intéressent à eux. Les filles viennent pour qu'on les aide en mathématique et en français. Elles aiment l'environnement parce qu'il est sûr et qu'elles y sont respectées. «Tous les jeunes qui fréquentent cet endroit peuvent être fiers des Indiens lorsqu'ils sont ici.» Voilà une réflexion que j'ai glanée auprès de ces jeunes.
Un jeune Autochtone qui agit à titre de mentor bénévole a dit: «Vous êtes le produit des personnes que vous fréquentez. Ces jeunes se tiennent avec des paumés. Il arrive que nous devions nous occuper d'enfants difficiles, et que nous devions jouer le rôle de parents. Il faut apprendre aux parents comment prendre soin de leurs enfants.»
L'énergie juvénile qu'ils injectent dans ce programme est tangible et bien réelle. Nous voyons grandir leur confiance et leur estime de soi au fur et à mesure que leur amitié avec leurs pairs et leurs mentors se développe. Ils s'aident les uns les autres d'une manière pratique et sans porter de jugement tout en s'efforçant de trouver des moyens et des plans pour venir en aide à d'autres jeunes.
Durant la période qu'ils ont passée dans ce groupe, ils ont rédigé une proposition à l'intention de Centraide afin de pouvoir réaliser une vidéo. Ils espèrent que ce film pourra aider d'autres jeunes. Ce sont des adolescents de 13 et 14 ans. Ils voudraient que d'autres jeunes comme eux puissent éviter de connaître les mêmes problèmes. Voici une réflexion d'un de ces jeunes: «Nous voulons donner la chance à d'autres jeunes de faire les bons choix eux aussi. Nous connaissons nos problèmes, et il est impossible de faire comme s'ils n'existaient pas.» Voilà un bon exemple de renforcement des capacités, et de changement durable en action, nous assistons à un changement profond et chargé d'espoir.
Notre approche en ce qui concerne la prévention du VIH et l'éducation à cet égard est l'une des plus novatrices au Canada. Elle fait appel au théâtre d'intervention et aux récits traditionnels pour tenter de protéger nos jeunes contre l'infection. Nous encourageons la prise de décision responsable et tentons de réduire les comportements à risque en nous servant de contes, de vidéos, de théâtres de marionnettes et de théâtre d'intervention.
Nous avons tellement d'autres projets novateurs. Entre autres, un projet sur l'art et l'enfant. Nous avons un projet sur la prévention du SAF. Nous en avons un autre visant à établir un partenariat spécial avec la police d'Ottawa pour notre projet d'intervention précoce auprès des jeunes âgés de 6 à 12 ans. Ces projets sont décrits plus en détail dans notre mémoire et dans les rapports d'évaluation publiés par notre centre.
Quels sont les obstacles que nous devons affronter dans le cadre du modèle de prestation de services au centre? Nous trouvons qu'il est difficile de s'assurer un financement pour nos programmes étant donné que les budgets sont révisés chaque année et que les programmes sont considérés comme des projets pilotes ou expérimentaux. Je sais que ce problème a déjà été mentionné auparavant.
La rareté des ressources nous force à adopter un style de gestion de crises, plutôt que d'opter sur le renforcement des capacités ou la planification à long terme. Il arrive fréquemment que les programmes fonctionnent sans l'infrastructure nécessaire pour le personnel, les politiques et les procédures. En règle générale, nous manquons de financement pour le développement de l'infrastructure. Il est difficile d'avoir à former sans arrêt du personnel à cause de l'incertitude liée à l'absence d'un financement pluriannuel. Voici un élément essentiel. Il arrive même que l'on soit incapable de garder un médecin. Et toute l'organisation est à l'avenant. Lorsque les médecins ignorent si ce centre de soins de santé existera toujours dans un an et demi, pourquoi voudraient-ils rester dans notre clinique et pourquoi une infirmière praticienne voudrait-elle continuer à faire son travail?
Il n'existe aucune ressource pour la recherche et développement au niveau de la collectivité et qui nous permettrait de recueillir des données et de compiler des renseignements qui nous serviraient de guide afin d'améliorer la prestation des services. Sans cela, nous ne pouvons pas continuer à nous présenter devant vous pour vous dire que nous voulons vous faire part des résultats que nous avons obtenus.
J'ai de nombreuses recommandations, mais je n'en citerai que quelques-unes.
Les compétences parentales et les liens familiaux comptent parmi les enjeux les plus urgents pour les jeunes Autochtones aujourd'hui. Une initiative d'envergure nationale devrait être entreprise en vue d'éduquer nos jeunes à la sexualité responsable, aux risques associés au SAF/EAF, et aux joies d'être parent et de vivre une vie de famille plus tard. Les systèmes scolaires doivent élaborer à l'intention des jeunes Autochtones des programmes valorisants sur le plan culturel et qui créent un sentiment d'appartenance en reflétant de façon positive leur culture et leurs enseignements et en puisant à même la sagesse de ces derniers.
Le programme de santé standard doit inclure l'éducation, à un très jeune âge, concernant les risques liés au SAF/ EAF. Nous risquons de ne pas pouvoir régler le problème si nous ne commençons pas tôt à faire de l'éducation. Je m'entretenais avec un spécialiste américain qui me disait qu'ils commençaient en quatrième année, et que ce programme revenait tous les ans. Il ne suffit pas de donner un petit cours et de s'imaginer que cinq ans plus tard le problème sera réglé.
Il nous faut davantage de programmes pour venir en aide aux mères célibataires ainsi que des programmes qui enseignent la sexualité saine et responsable. Par ailleurs, il faut donner plus d'ampleur aux programmes de services de garde dans les écoles afin que les jeunes mères puissent poursuivre leurs études malgré la réalité de leur rôle de parent.
Les jeunes Autochtones qui vivent en milieu urbain ont besoin d'un programme qui fasse la promotion d'un solide sens de la fierté culturelle et de l'identité. Nous vous avons donné des exemples de programmes, mais je vous répète que ceux-ci dépendent d'un financement annuel et que leur existence n'est pas garantie.
Il ne faut pas oublier non plus que bon nombre de nos initiatives à l'intention des enfants sont victimes de la politique fédérale-provinciale qui limite l'accès au financement versé par le gouvernement fédéral aux membres des Premières nations qui vivent dans les réserves au détriment des Autochtones des centres urbains.
En dépit des statistiques qui montrent que les Autochtones souffrent de stress et de troubles psychologiques en plus grande proportion que les non-Autochtones, nous disposons de peu de ressources en santé mentale. La dépression est l'un des quatre principaux problèmes que l'on rencontre dans nos centres. Et ce sont les jeunes qui souffrent de dépression.
Nous avons un urgent besoin d'un programme de prévention du SAF/EAF destiné particulièrement aux jeunes touchés par ce syndrome et qui risquent de perpétuer le cycle durant leurs propres grossesses. Les taux de traumatisme familial, de toxicomanie et de suicide continueront de grimper en spirale tant que nous ne nous serons pas attaqués à ce problème sérieusement.
À Wabano, nous avons appris que la guérison et le rétablissement sont des processus vivants qui doivent être intégrés à la trame de la vie quotidienne dans nos familles, nos collectivités et nos nations. C'est la raison pour laquelle dans notre centre nous insistons sur le rétablissement de la santé des Autochtones, sur le renforcement de leurs capacités et sur le renforcement des liens avec les autres familles autochtones et avec la vie communautaire. Je pense que nous avons réussi.
Nous sommes payés pour savoir que, pour renverser la vapeur, il faut réduire les taux de violence, de toxicomanie et d'incarcération, et que ces conditions sont irrémédiablement liées à l'amélioration de la qualité de la vie pour nos jeunes. Mais pour réussir, nous aurons besoin de plus que des initiatives ponctuelles et au coup par coup, peu importe qu'elles soient bien intentionnées, créatives et couronnées de succès à l'échelle locale. En effet, nous avons prouvé que nous avons la détermination et la capacité de travailler efficacement à ce niveau. Voici ce que nous voulons obtenir de vous: une politique complète en matière de santé établie par et pour les Autochtones et qui vise à la fois les populations des centres urbains et celles qui vivent dans les réserves et dans les régions rurales, de même qu'une politique responsable sur le plan économique, social et environnemental et qui améliore manifestement la qualité de vie des Autochtones ainsi que les conditions du milieu. Il faut que vous exerciez une bonne gérance en créant un cadre politique qui élimine les obstacles juridictionnels et systémiques et qui permette aux divers paliers de gouvernement et à leurs ministères de travailler d'une manière coordonnée et en collaboration à des solutions. Enfin, nous vous demandons de nous montrer votre détermination à rétablir la santé et l'espoir chez les jeunes Canadiens autochtones en vous assurant que les expériences réussies du centre Wabano deviennent la norme plutôt que l'exception.
M. Jerry Lanouette, président, Centre d'amitié autochtone Odawa: Honorables sénateurs, au nom des membres du Centre d'amitié autochtone Odawa, c'est un honneur et un privilège de comparaître devant vous. Je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones durant son examen des questions qui touchent les jeunes Autochtones des centres urbains. Je vais m'efforcer d'user de ce privilège avec honneur et justice.
Je suis actif au sein de la collectivité autochtone d'Ottawa depuis 1979 dans de nombreux domaines. Je suis actuellement président du conseil d'administration du Centre d'amitié autochtone Odawa. J'appartiens aujourd'hui à la collectivité des Premières nations de la région d'Ottawa, mais je suis originaire d'une collectivité appelée Algonquin Barrier Lake, que l'on appelle aussi Mitchikanibikok Inik, qui se trouve à environ trois heures de route d'ici vers le Nord, du côté québécois. Bon nombre de membres de notre collectivité qui vivent aujourd'hui dans la région d'Ottawa sont natifs de Kitigan Zibi, autrement dit Maniwaki, pas très loin d'ici.
Je suis un homme d'affaires autochtone propriétaire de sa propre entreprise dans la région d'Ottawa, et je travaille dans l'industrie de la haute technologie depuis environ cinq ans et demi. Auparavant, je siégeais au conseil de l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones à titre de représentant de la collectivité de l'Ontario. Dans ce cas également, il s'agissait d'un poste bénévole.
Depuis 1979, tout le travail que j'ai accompli pour les Autochtones d'Ottawa, je l'ai fait à titre bénévole, en plus de mon travail dans le secteur de l'informatique. Par conséquent, je peux parler au nom des représentants des collectivités qui travaillent à titre bénévole.
J'ai apporté avec moi une plume d'aigle sacré qui appartenait à ma soeur Roxanne qui s'est enlevé la vie il y a environ six ans. Elle s'est suicidée. Ma soeur a connu bon nombre des problèmes que Mme Fisher a soulevés dans son exposé. Elle souffrait de dépression, et elle n'arrivait pas à s'en sortir. Elle était une de ces travailleuses sociales qui rapportent leurs dossiers à la maison. Tous ces problèmes l'affectaient tellement qu'elle a fini par se tuer. Elle était incapable de venir à bout de toutes ces difficultés.
Elle avait aussi été victime d'abus sexuel de la part des prêtres de notre collectivité lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Les membres de notre famille sont les produits du système de pensionnats. Mes deux parents sont allés dans les pensionnats. Nous avons été élevés par nos grands-parents — surtout mon frère et moi, jusqu'au début de l'adolescence — et ce fut une chance. Ils nous ont donné une bonne base, des valeurs solides et un bon esprit de famille.
Cette plume symbolise le travail que ma soeur a accompli durant son existence pour les jeunes Autochtones, et elle m'aide à me concentrer sur mes efforts au jour le jour. Elle m'a aidé aussi à changer mon mode vie en aidant à faire la promotion de notre culture auprès des jeunes Autochtones et en étudiant les enseignements de nos sept générations. Ces enseignements m'ont été communiqués par mon grand-père.
Cette plume d'aigle a une signification pour tous les peuples autochtones des quatre coins du pays et de l'Amérique du Nord. Elle est en quelque sorte un moyen de transmettre des messages à notre Créateur et à ceux qui doivent les entendre. Je vous raconte tout cela parce que j'espère que mon message sera entendu, et que nos recommandations au comité vont faire leur chemin.
Nous reconnaissons que nos enfants sont des cadeaux du Créateur et qu'ils représentent la ressource de plus grande valeur que possède notre nation. Les jeunes sont à la recherche d'un guide et ils ont besoin d'aide pour combler le fossé qui a été créé par notre génération et par ceux qui sont venus avant nous. Beaucoup de problèmes qui existent aujourd'hui sont des problèmes que notre génération et celle qui l'a précédée n'ont pas réglés et qu'elles ont tout simplement ignorés ou passés sous silence.
Ceci étant dit, j'aimerais vous expliquer ce que le Centre d'amitié autochtone Odawa s'efforce de faire pour les membres de notre collectivité. Notre centre a pour but de reproduire un lieu traditionnel et de se concentrer sur les fonctions habituellement remplies par les membres de la famille étendue qui a une telle importance dans la société autochtone. Ce rôle est défini dans la société autochtone comme le soutien offert à tous ses membres en temps de crise et de nécessité. Et la famille étendue joue un rôle tout aussi important en démontrant de l'acceptation et en offrant une certaine structure au sein de la collectivité. Le Centre d'amitié Odawa a défini son rôle auprès de la collectivité comme celui d'un fournisseur de soins continus, de la naissance jusqu'au grand âge.
Notre mission consiste à améliorer la qualité de vie des peuples autochtones dans la région de la capitale nationale en maintenant les traditions de la collectivité, ses règles d'éthique, son autonomie et son développement tout en offrant les enseignements traditionnels de nos aînés. Ces traditions sont importantes parce que, comme l'a mentionné Mme Fisher, l'un de nos programmes intergénérationnels les plus populaires est celui où jeunes et vieux s'assoient ensemble pour échanger leurs récits et leurs enseignements. C'est une bonne chose qu'ils puissent apprendre les uns des autres. Nous essayons d'encourager cela aussi.
Nous renforçons les traditions en continuant de faire la promotion de la culture autochtone et le développement d'une plus grande sensibilité aux autres cultures et en favorisant l'interaction avec elles. Nos activités comprennent notamment le powwow annuel d'Odawa, qui est une célébration de la culture autochtone et auquel participent plus de 20 000 visiteurs dans la collectivité autochtone d'Ottawa. Ces visiteurs sont des Autochtones et des non-Autochtones de tout le pays, et un grand nombre viennent de l'étranger. Il y a en effet des gens qui viennent d'aussi loin que le Japon, l'Allemagne et le Danemark et qui se font un point d'honneur de venir nous rendre visite chaque année.
Nous promouvons les images positives des Autochtones, le respect de soi-même et l'expression au moyen d'un éventail de programmes culturels et d'activités en facilitant le développement d'habiletés, du savoir et du leadership chez les jeunes Autochtones afin qu'ils puissent participer efficacement à la vie des collectivités environnantes. Nous continuons d'offrir une gamme de services destinés à répondre aux besoins particuliers des Autochtones qui ont besoin d'aide en milieu urbain.
L'un des buts visés par le Centre d'amitié autochtone Odawa est d'inciter les jeunes Autochtones à participer à des activités conçues pour les encourager à partager des valeurs qui les inciteront à développer une solide personnalité, une attitude saine, des relations interpersonnelles positives, le sentiment d'accomplissement, le sens des responsabilités et le respect de soi ainsi que l'appréciation des valeurs culturelles et des pratiques autochtones. Ces efforts visent à développer le leadership, des valeurs familiales positives et à comprendre que pour vivre dans une collectivité forte, il faut développer la force des individus qui y vivent. Nous utilisons divers moyens pour atteindre nos objectifs, mais nous faisons surtout appel à nos programmes. L'un de ceux-ci s'appelle l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones, et je suis sûr que plusieurs d'entre vous en ont déjà entendu parler. C'est l'un des programmes d'intervention précoce les plus efficaces du gouvernement pour venir en aide aux jeunes Autochtones et les aider à se développer dès leur plus jeune âge. Il existe plus de 114 de ces programmes dans les collectivités autochtones vivant en milieu urbain. C'est un programme très complet d'interventions précoces auprès des enfants des Premières nations, des Métis et des Inuits. Il comprend six volets: protection et promotion de la culture et des langues autochtones, éducation, santé, nutrition, counselling et participation des parents. Ce programme a remporté un tel succès auprès des collectivités des centres urbains que l'on a décidé de le reproduire dans les collectivités des Premières nations vivant dans les réserves.
Il y a de très sérieux problèmes liés à l'administration de ce programme, comme l'ont fait valoir des membres de la collectivité autochtone vivant en milieu urbain et comme je l'ai souligné moi-même à titre d'ancien membre de l'Initiative d'aide préscolaire aux Autochtones. D'ailleurs, j'ai présenté ma démission le printemps dernier afin de protester contre l'inactivité vis-à-vis de certains problèmes.
Dans le discours du Trône du 31 janvier 2001, et plus tard dans le discours du Trône du 30 septembre 2002, le gouvernement avait annoncé une augmentation du financement. Il ne s'est rien passé depuis. Ce financement n'a pas été mis à notre disposition. On craint que plus de 75 p. 100 du financement soit dirigé vers les programmes de l'Initiative menés dans les réserves plutôt que vers ceux qui sont organisés dans les régions urbaines, où bien entendu, nous avons aussi besoin d'aide
L'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones a été conçue et mise sur pied dans le but d'être gérée et administrée par la collectivité. Elle devait être structurée de manière à permettre l'élaboration de projets administrés à l'échelle locale. Nous avons vécu des conflits entre les diverses sources de financement, c'est-à-dire les bureaux régionaux de Santé Canada et les commanditaires, habituellement, les centres d'amitié, comme dans le cas qui s'est produit récemment à Odawa, en ce qui concerne les sites qui ne sont pas indépendants. Il n'existe pas de mécanisme de résolution des différends à l'échelle nationale. Il n'y a pas non plus de mécanisme de résolution des différends dans les sites de l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones. La procédure de règlement de griefs qui faciliterait la résolution des problèmes au niveau de la collectivité n'a pas été mise en place. Ces groupes doivent donc s'engager dans des procédures coûteuses et inefficaces pour régler toute contestation ou tout grief qui voit le jour avec les bureaux régionaux de Santé Canada. Le mécanisme de prestation des programmes est devenu autocratique, bureaucratique et ne laisse pas de place aux collectivités.
Au moment où l'on se parle, il n'existe aucun programme gouvernemental de soutien ou de développement à l'intention des jeunes Autochtones âgés de 6 à 12 ans offert par le Centre d'amitié autochtone Odawa, ce qui crée un grand vide pour la continuité de l'excellente base mise en place par l'Initiative d'aide préscolaire. Bien que le gouvernement fédéral reconnaisse que le financement d'une politique destinée aux enfants Autochtones devrait être une priorité, on attend toujours des développements à cet égard.
Il y a bien eu un programme dans notre Centre d'amitié qui s'appelait Little Beavers, mais le chef du gouvernement de l'Ontario l'a supprimé il y a quelques années. Bien des jeunes de ce groupe d'âge tentent souvent de s'intégrer dans un groupe d'âge différent afin de pouvoir participer à des programmes susceptibles de répondre à leurs besoins.
L'Ontario Federation of Indian Friendship Centres a présenté son Urban Multipurpose Aboriginal Youth Centres Initiative à l'intention des jeunes Autochtones des milieux urbains. Le 20 avril 2002, la fédération a présenté un exposé à et égard devant le comité sénatorial permanent. Il s'agit d'un projet de cinq ans financé par le ministère du Patrimoine canadien jusqu'en 2003, je crois.
Cette initiative visait à promouvoir les buts des jeunes membres des Premières nations, des Métis et des Inuits, sans égard à leur statut, en élaborant des projets et des activités pertinents sur le plan culturel et destinés aux collectivités autochtones vivant en milieu urbain ayant une population de 1 000 personnes ou plus. Les principaux objectifs de cette initiative étaient de venir en aide aux jeunes Autochtones en améliorant leurs perspectives sur le plan économique, social et personnel. Bien que ce projet soit destiné aux jeunes âgés de 15 à 24 ans, la plupart des participants ont entre 13 et 21 ans. Toutefois, des enfants de dix ans ont participé aux projets parce qu'il n'y existait aucun programme adapté à leur groupe d'âge.
L'emploi et la formation sont d'autres questions importantes. Selon les renseignements recueillis dans le cadre de la grande Initiative de l'OFIFC, que l'on appelle l'O-GI, qui est une étude sur le marché du travail à l'échelle de la province, les possibilités d'emploi et de formation présentent d'importants problèmes et sont de grands sujets de préoccupation pour les jeunes de nos collectivités. Les résultats obtenus dans le cadre de cette grande enquête sur le marché du travail nous révèlent que ce sont les clients qui se situent dans les catégories d'âge les plus jeunes qui connaissent les taux de chômage les plus élevés. Ces renseignements vous ont été communiqués par l'OFIFC le printemps dernier, plus exactement le 20 avril.
Notre Centre d'amitié est bien au fait de ces questions et, dans la mesure du possible, nous avons tenté d'offrir des solutions initiales par l'entremise de programmes comme celui qui est offert par l'Urban Multipurpose Autochtones Youth Centres Initiative et d'autres services destinés aux jeunes, comme la formation préparatoire à l'emploi et les programmes de recyclage.
L'éducation est un autre problème. Les obstacles qui empêchent les jeunes Autochtones de terminer leurs études sont peut-être les plus importants défis qu'ils doivent affronter. La réussite scolaire est l'élément qui déterminera plus tard leur capacité à occuper un emploi intéressant, à s'offrir un logement décent, ainsi que des conditions sociales et d'autres éléments qui sont à l'origine de la qualité de la vie. Bien des raisons incitent les jeunes à quitter l'école avant la fin des études, notamment le racisme systématique et institutionnel, l'absence de programmes culturels adaptés, le fait que l'on oriente les étudiants autochtones dans les programmes scolaires les moins intéressants et les études secondaires plus axées sur les métiers que sur les matières scolaires, le fait aussi que le système ne soit pas prêt à accueillir les étudiants autochtones, à les préparer aux études secondaires ou collégiales et, dans bien des cas, l'absence généralisée d'espoir.
L'OFIFC nous a aidés à nous attaquer à ce problème avec la création de trois écoles alternatives autochtones à London, Sudbury et Fort Erie. Nous avons récemment présenté une proposition à l'une de ces écoles. Elles tentent de trouver une solution aux difficultés qu'éprouvent les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain à terminer leurs études. Les écoles collaborent avec les commissions scolaires locales et sont situées dans les Centres d'amitié. Les commissions scolaires fournissent les enseignants et les ressources éducatives et les Centres d'amitié fournissent en revanche des conseillers, des programmes spécialisés pour les Autochtones, un milieu sûr et des services destinés à aider les jeunes à réussir. Récemment, le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario a examiné le programme et l'a approuvé. C'est encourageant, mais nous avons besoin d'un financement additionnel dans ce domaine.
En ce qui concerne le développement économique, nous nous sommes déjà penchés sur le problème criant de la pauvreté des jeunes Autochtones qui vivent en milieu urbain, ainsi que sur le fait qu'ils ne participent pas beaucoup au marché du travail et qu'ils éprouvent des difficultés à terminer leurs études. Étant donné ces trois facteurs, il semble pratiquement impossible d'encourager nos jeunes à participer activement au développement économique.
Malgré cela, le Centre d'amitié autochtone Odawa et l'OFIFC sont d'avis que des programmes et des initiatives de développement économique axés sur la collectivité sont un élément clé pour encourager la participation des jeunes Autochtones des villes à l'économie. Il y a longtemps que les experts ont déterminé qu'un climat propice au développement économique, un financement axé sur le développement économique, l'accès au capital, l'accès aux marchés et le soutien au renforcement des capacités de l'individu et de la collectivité ainsi que des institutions adaptées à la culture, à la région et au marché des emplois réel sont les éléments essentiels de la participation à l'économie.
Au Centre d'amitié autochtone Odawa, nous n'avons pas d'argent à jeter par les fenêtres; au contraire, nos ressources sont limitées, aussi nous devons nous inspirer d'études qui existent déjà. Nous faisons souvent appel à l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres pour bon nombre de nos rapports et de nos études, les statistiques sont là, il suffit de les consulter. Et la fédération est prête à nous aider. Nous n'essayons pas de nous excuser. Nous faisons appel à leurs ressources en maintes occasions. Nous puisons aussi à même les ressources de l'Association nationale des centres d'amitié.
Notre expérience nous enseigne que des stéréotypes répandus comme celui voulant que les jeunes Autochtones sont paresseux ou qu'ils ne veulent pas s'en sortir sont erronés. Nos jeunes voudraient bien avoir la capacité de dépenser de l'argent, tout comme la plupart des Canadiens de classe moyenne le font, ils aimeraient vivre dans des quartiers sûrs et pouvoir faire des projets d'avenir et des économies. Mais bien des jeunes Autochtones qui vivent dans les villes pensent que pour réaliser tout cela il faut avoir atteint une certaine réussite financière qui semble tout simplement hors de leur portée.
Ces dernières années, le gouvernement fédéral s'est concentré sur les initiatives de développement économique visant les Autochtones qui vivent dans les réserves. Cela signifie que très peu de projets de développement économique sont encouragés en milieu urbain, et il en résulte une diminution encore plus marquée de la capacité institutionnelle des Centres d'amitié à répondre aux besoins de développement économique des jeunes Autochtones.
Après avoir discuté avec des membres de notre collectivité et notamment des jeunes, j'ai obtenu des recommandations visant à combler les lacunes dans la prestation des services. Je ne vous livrerai que quelques-unes de ces recommandations. À titre de membres d'une collectivité, il nous incombe collectivement de situer les tribulations de nos jeunes dans leur contexte. Je souhaiterais que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones adopte les recommandations suivantes.
Premièrement, concernant l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones, nous recommandons que l'on répartisse équitablement entre les projets menés dans les réserves et ceux qui se tiendront hors réserve, c'est-à-dire l'Initiative d'aide aux autochtones des centres urbains, les nouveaux montants de financement qui seront accordés; que l'on entreprenne un examen avec pour objectif de voir à ce que les collectivités étudient la gouvernance globale du programme; et également, que davantage d'autorisations soient déléguées aux sites de projet pour leur permettre de diriger leurs programmes en consultation avec d'autres sites régionaux de l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones.
Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral soutienne et développe des programmes destinés aux jeunes Autochtones en milieu urbain âgés de six à douze ans; et que le gouvernement fédéral s'assure que les enfants autochtones deviennent une priorité sur le plan du financement et de la politique, et que cette priorité soit clairement communiquée et soutenue dans ses interactions avec les administrations provinciales.
Troisièmement, pour ce qui est de l'Urban Multipurpose Aboriginal Youth Initiative, nous recommandons que le gouvernement fédéral s'assure que l'initiative sera renouvelée et améliorée pour une période additionnelle de cinq ans.
Quatrièmement, en ce qui a trait à l'emploi, nous recommandons que le gouvernement fédéral s'assure que Développement des ressources humaines Canada travaille de concert avec ses bureaux régionaux ainsi qu'avec les organisations autochtones en milieu urbain, et en particulier avec le Centre d'amitié autochtone Odawa et l'Ontario Federation of Friendship Centres, en vue de consacrer des ressources importantes à l'élaboration d'une stratégie d'emploi et de formation à l'intention des jeunes Autochtones en milieu urbain.
Cinquièmement, concernant l'éducation, nous recommandons que le gouvernement fédéral collabore avec les organisations autochtones en milieu urbain, comme l'Association nationale des centres d'amitié, afin de voir à ce qu'une stratégie complète et dotée de ressources suffisantes s'attaque au problème du décrochage chez les jeunes Autochtones des milieux urbains.
Sixièmement, concernant le développement économique, nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte une approche interministérielle visant à élaborer une stratégie complète de développement économique afin que les jeunes Autochtones en milieu urbain aient un accès équitable aux programmes de développement économique.
Septièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral s'assure que les organisations autochtones, et en particulier les centres d'amitié, soient partenaires dans la Stratégie nationale sur les jeunes Autochtones afin que la voix de ces jeunes soit entendue à la table nationale.
Huitièmement, en ce qui concerne l'inclusion des centres d'amitié, nous recommandons que le Centre d'amitié autochtone Odawa soit inclus à titre de partenaire à part entière lors des échanges avec l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres, l'Association nationale des centres d'amitié et le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, avec une attention particulière aux questions qui touchent les jeunes.
Nous avons amorcé, il y a peu de temps, une initiative relative au développement économique dans la région d'Ottawa avec le Conseil de développement des ressources humaines autochtones. Donna Cona Inc. est une autre entreprise autochtone d'Ottawa qui est maintenant d'envergure nationale. Cette entreprise est dirigée par John Bernard, Willis Business College — le plus ancien du Canada — et le Centre d'amitié autochtone Odawa. L'initiative est appelée «Technowave». Nous envisageons de former chaque année 2 000 jeunes dans le domaine de la TI; de leur enseigner la dynamique de la vie et de leur donner une idée du monde du travail d'aujourd'hui.
Le sénateur Hubley: Il me vient à l'esprit une foule de questions, mais j'aimerais m'adresser aux centres. Dans la région d'Ottawa, quel est le pourcentage d'Autochtones qui connaissent vos centres et qui les fréquentent?
Mme Fisher: Je dirais que la moitié des Autochtones qui vivent dans la région d'Ottawa connaissent l'ensemble de nos services.
Le sénateur Hubley: Est-ce que le modèle que vous utilisez dans votre centre d'Ottawa est le même que celui qui est utilisé dans les autres régions du Canada? Est-ce que les centres appliquent le même modèle et offrent les mêmes programmes? Existe-t-il des similitudes entre les centres pour les jeunes de tout le pays?
Mme Fisher: Je ne peux répondre qu'au nom de mes collègues de l'Ontario parce qu'ils utilisent le même modèle de prestation de services. Les 11 centres qui sont répartis aux quatre coins de la province offrent les mêmes programmes. Il se peut qu'ils aient un centre d'intérêt différent, dépendant de l'endroit où ils se trouvent. Nous sommes privilégiés d'avoir des médecins dans notre centre, mais certains centres situés dans le Nord ne peuvent s'offrir ce luxe. Toutefois, ils sont censés offrir les mêmes programmes pour les jeunes. À Ottawa, nous avons la chance d'avoir établi de solides partenariats avec la Ville, ce qui nous permet d'offrir un éventail de projets que d'autres régions ne sont peut-être pas en mesure de proposer.
Le sénateur Hubley: Êtes-vous en mesure d'identifier, chez les jeunes Autochtones qui fréquentent votre centre, ceux qui seront les leaders de demain? Disposez-vous d'un programme d'éducation par les pairs ou de soutien par les pairs? Est-ce que cela fait partie du travail dans votre centre?
Mme Fisher: Je vous ai parlé du cybercafé, mais finalement il s'agit d'un club où l'on fait ses devoirs. Mais le nom encourage les jeunes à venir au centre. Chaque soir, nous accueillons 15 jeunes. Mais, comme ce programme est coûteux, nous ne pouvons l'offrir que deux fois par semaine. Ce programme nous permet de faire l'expérience du mentorat, parce que de jeunes Autochtones de niveau universitaire viennent pour aider les enfants. Nous servons un repas chaud et nous donnons de l'éducation à la santé. De nombreuses composantes culturelles sont rattachées au programme, il s'agit donc d'une approche holistique. Nous avons aussi mis en place un programme unique d'éducation au VIH que nous appelons «Entretenir la force du cercle».
Il nous fallait trouver le moyen de transmettre le message aux jeunes. Nous avons fait appel à la ville et nous lui avons demandé si quelqu'un voulait venir au centre pour fabriquer des masques — un projet artistique. Il est venu toutes sortes de gens pour fabriquer des masques d'animaux. En nous servant d'images traditionnelles, comme un ours ou une souris, nous avons réussi à faire de l'éducation au sujet du VIH en nous servant des masques. L'animateur s'adressait aux enfants à travers le masque. Selon l'âge des enfants, ce fut probablement le moyen le plus efficace que j'ai jamais vu pour leur transmettre de l'information. Nous avons aussi enseigné aux jeunes comment utiliser les masques, et l'activité s'est ainsi transformée en programme d'éducation par les pairs.
Tous nos programmes, et en particulier ceux qui s'adressent aux jeunes, sont axés sur les pairs, parce que nous nous efforçons toujours de faire en sorte que ce soit les jeunes eux-mêmes qui deviennent les enseignants.
Le sénateur Christensen: Le centre Wabano est une organisation provinciale, et vous avez mentionné qu'il en existe 11 autres en Ontario. Est-ce que ce centre bénéficie d'un financement de la part du gouvernement provincial?
Mme Fisher: Oui, tout à fait.
Le sénateur Christensen: Est-ce que le financement pour vos programmes provient de différentes sources — fédérale, provinciale et municipale?
Mme Fisher: Oui, en effet.
Le sénateur Christensen: On nous parle de la difficulté de planifier à long terme sans financement de base. Avez-vous des suggestions pour que cela puisse se faire? Tous les paliers du gouvernement ont de la difficulté à établir le financement de base. Est-ce que l'un d'entre vous a une suggestion à cet égard? Il y a de bons programmes, comme l'Initiative d'aide préscolaire aux Autochtones. On nous répète encore et encore qu'il y a de l'incertitude au sujet de la durée du programme en raison des problèmes de financement. Il se pourrait bien que juste au moment où le programme commence à donner de bons résultats et à démontrer son utilité, que le financement lui soit retiré et qu'il prenne fin brusquement, entraînant la perte de toute l'expertise, de la force d'impulsion et des initiatives utilisées pour travailler avec les enfants. Avez-vous une idée de la manière dont nous pourrions structurer le financement de ces programmes afin qu'ils deviennent permanents et que l'on puisse avoir un peu plus de certitude?
Mme Fisher: Les bailleurs de fonds hésitent toujours lorsqu'ils essaient une idée nouvelle et avant de déterminer s'ils vont avancer le financement et pour combien de temps. Tout projet pilote doit se dérouler sur une période d'au moins cinq ans. Durant les deux premières années, vous faites des essais. Certains projets durent un an, et d'autres deux. En Ontario, la stratégie de renouvellement s'échelonne sur cinq ans. Pour ce qui est du financement de base, c'est-à-dire pour les soins de santé primaires, je ne demande le renouvellement que tous les cinq ans. Le fardeau n'est pas trop lourd pour ce qui est des évaluations et ainsi de suite. Tout programme d'une certaine importance devrait s'échelonner au moins sur cinq ans. Je suis persuadée que mes collègues ont des commentaires à faire à ce sujet.
M. Jock: J'ai un commentaire d'ordre général. Une bonne partie de l'information figure dans le rapport sur les systèmes de santé pour les Autochtones que je vous ai distribué. Il y a deux éléments importants à prendre en compte. Le premier est que, de façon générale, les données montrent que les Premières nations utilisent au moins deux fois plus le système hospitalier que la personne moyenne au Canada. Nous pensons que la situation est la même pour tous les Autochtones.
Par ailleurs, les Autochtones rendent visite au médecin au moins deux fois plus souvent. Un moyen d'encourager les gens à collaborer tous ensemble consisterait créer un fonds spécial auquel on n'aurait accès qu'avec l'accord du fédéral, du provincial et des Autochtones. En un sens, cela pourrait contribuer à compenser pour les coûts additionnels associés au système de soins de santé. Essentiellement, cela pourrait servir à encourager les intervenants à s'attaquer à un problème très concret et contribuerait à améliorer l'accès de la bonne manière. À cet égard, Wabano est un bon exemple.
Par ailleurs, si ce financement était mis en place par le gouvernement fédéral, il offrirait plus de stabilité par rapport aux changements qui surviennent d'une province à l'autre. Je pourrais citer l'exemple de la Colombie-Britannique. Un bon départ a été pris avec le système de soins de santé des Autochtones. Les districts régionaux de la santé ont contribué énormément. Mais avec les réductions massives pratiquées dans le système de santé, tous ces efforts sont mis en péril. Examiner la possibilité de mettre en place un financement de base et des mesures incitatives fondées sur des accords réels entre les divers intervenants, y compris les Autochtones, serait un bon moyen de construire un modèle logique en vue d'améliorer l'accès aux soins de santé. Je vous soumets l'idée pour que vous y réfléchissiez, parce que je suis convaincu que tout système doit fonctionner à partir de mesures incitatives. C'est toujours préférable. Voilà, à mon avis, un bon exemple d'une situation qui pourrait encourager la mise sur pied d'un système de santé viable pour les Autochtones.
Le sénateur Christensen: Nous réalisons à quel point il est important que des aînés soient disponibles pour travailler avec les jeunes. Trouvez-vous difficile, en milieu urbain, de mettre en place un tel contexte? Les statistiques semblent dire que ce sont habituellement les jeunes qui quittent les réserves pour se rendre dans les villes. Est-ce qu'il y a des aînés dans les centres urbains pour dispenser les conseils aux jeunes qui ont quitté les réserves?
M. Lanouette: Nous avons mis en place un programme de soins continus. Je sais que Wabano offre un programme semblable à ses aînés. C'est vraiment fantastique. Les aînés participent de façon extraordinaire. Il suffit de dire que vous avez besoin d'un coup de main ou encore que ce serait une bonne idée qu'ils participent aux activités destinées aux jeunes, et ils sont les premiers à se porter volontaires. On peut compter sur eux.
Le sénateur Christensen: Est-ce qu'ils vivent en milieu urbain depuis longtemps, ou est-ce qu'il y en a aussi qui viennent des zones rurales?
M. Lanouette: Il y a un mélange des deux. Certains sont arrivés dans les centres urbains il y a 20, 30 ou même 40 ans. D'autres aînés viennent vivre dans les villes avec l'âge parce qu'ils trouvent que les soins de santé sont plus accessibles, que les ressources sont plus proches, que les centres commerciaux aussi, et ainsi de suite. Ils n'ont plus besoin de faire sans arrêt le trajet. Les choses deviennent moins lourdes pour eux. Je suis sûr que Mme Fisher pourrait vous en parler plus longuement.
Mme Fisher: En créant un environnement où l'on dispense des soins très variés, on peut s'attendre à recevoir des aînés de tous les âges.
À Wabano, nos soins primaires sont destinés pour une large part aux personnes âgées. À Odawa, ces soins sont offerts par l'entremise de visites à domicile. Nous allons les chercher chez eux et nous les emmenons chez le médecin ou chez un spécialiste. En retour, ils passent beaucoup de temps dans nos autres programmes. Nous avons des cuisines collectives. Nous nous attaquons à des problèmes comme les abus à l'endroit des personnes âgées. Nous avons aussi des programmes spéciaux sur la nutrition, par exemple les services d'une diététicienne pour les diabétiques. Un pourcentage élevé de personnes âgées souffrent du diabète. Mais, les aînés sont toujours là pour nous et ils ont le sentiment de donner quelque chose en retour à la collectivité. C'est ainsi que nous les intégrons à notre programmation. Il y a beaucoup de personnes âgées autour de nous. Ils ont leurs propres histoires à raconter sur la difficulté de se débrouiller dans la ville.
Le sénateur Christensen: Est-ce qu'ils font partie d'une famille étendue plus grande, une fois dans la région urbaine, ou bien se retrouvent-ils souvent laissés à eux-mêmes?
Mme Fisher: Il y a un peu des deux. Beaucoup de vieux Autochtones vivent seuls, et certains ont des bribes de famille étendue.
Nous encourageons les participants à nos programmes à se créer leur propre famille étendue, à se trouver des tantes, des oncles, des grands-pères et des grands-mères. Les gens se rendent dans ces clubs pour les jeunes garçons et les jeunes filles et ils deviennent des mentors, mais chez nous, les aînés deviennent un oncle ou une tante, ce qui leur permet de participer et de développer leur propre famille étendue. C'est le principe holistique du centre.
Le sénateur Christensen: Trouvez-vous qu'il y a une grande participation des Inuits dans ces centres? Sans doute que les membres des Premières nations et souvent les Inuits préfèrent avoir leurs propres centres?
Mme Fisher: Wabano n'a pas de problème de cet ordre parce que nous offrons des soins primaires. La moitié de la population inuite de cette ville fréquente Wabano de toute façon. Et pour cette raison, les Inuits commencent à participer à nos programmes. Nous sommes conscients qu'il existe des différences sur le plan culturel, bien entendu. Nous essayons de mélanger les cultures. Ils se retrouvent dans nos cuisines communautaires, dans nos programmes périnataux et dans nos programmes pour les personnes âgées.
Il n'y a pas beaucoup d'Inuits âgés dans le Sud. Lorsque nous organisons une activité particulière pour les Inuits, nous devons aller chercher un aîné dans le Nord. Cette situation est particulière à la collectivité inuite.
Le sénateur Léger: Je suis privilégiée d'être le témoin des témoins. C'est vraiment incroyable ce que j'entends dans ce comité semaine après semaine.
Monsieur Lanouette, j'ai l'impression que vous êtes l'incarnation de tout ce que vous essayez de réaliser, à la fois par votre travail en tant que bénévole et par votre style de vie. Vous avez une petite entreprise et, par conséquent, vous pouvez donner un peu de votre temps.
Au-delà des statistiques, car les statistiques ne disent pas tout, lorsqu'une personne est pauvre — qu'elle soit blanche, rouge ou de n'importe quelle couleur — cette situation peut entraîner la dépression. Est-ce que toutes les dépressions ont pour origine la pauvreté? Je l'ignore.
La continuité culturelle est tellement évidente. Je sais que l'accent doit être mis sur la recherche de solutions. Je vous félicite, je ne pense pas que je m'en serais sortie si j'avais vécu des choses aussi difficiles que vous et votre soeur. Je trouve merveilleux que vous la compreniez si bien. Nous n'avons pas souvent l'occasion d'entendre des histoires aussi touchantes.
Le travail des aînés est une nouveauté très encourageante. Pour l'amour du ciel, que s'est-il passé entre les jeunes d'aujourd'hui et leurs aînés? Nous le savons. Vous nous avez raconté des choses, monsieur Lanouette, et nous devons maintenant en subir les conséquences. Il est à espérer que nous arriverons à combler le fossé, et c'est ce que vous vous efforcez de faire.
Qui seront les aînés de demain? Peut-être que les aînés peuvent commencer à jouer ce rôle à un âge plus tendre, dans le sens de la sagesse et de l'entraide. Il est clair que vous avez des jeunes qui sont très prometteurs. Mais, tout est relatif. Vous pouvez compter sur les aînés. Mon Dieu, qu'est-ce qui a bien pu se passer?
Pendant que vous parliez, monsieur Lanouette, j'écrivais «Ça, par exemple!» Vous avez été élevé par votre grand- mère et votre grand-père. Sans doute que cela a été une bonne chose, mais c'est ce qui s'est passé entre-temps.
M. Lanouette: Nous sommes les aînés de demain. Nous devons offrir des modèles de comportement positifs à nos jeunes et leur montrer la voie à suivre parce qu'il y a bien des chemins faciles qui conduisent à la criminalité, à la violence et aux drogues. Nous ne voulons pas qu'ils empruntent cette voie. Nous essayons de personnifier un passé sain.
Naturellement, cette voie est semée d'embûches. Il n'y a pas assez de temps, de ressources et de gens pour aider, mais nous ne devons pas nous décourager. Il faut débroussailler, et faire le chemin plus large pour ceux qui vont suivre.
[Français]
Le sénateur Gill: Selon mon appréciation, je pense que vous avez décrit les situations d'une façon assez réaliste. Je viens du Nord du Québec et je pense que c'est la même chose partout; et dans les communautés, et hors des communautés.
Il est évident que hors des communautés, ce sont les produits des communautés. Ce qui nous indique un peu le portrait et les situations qui existent à peu près partout, dans les réserves et évidemment hors les réserves.
En fait, je vous félicite pour votre réalisme, vous avez mentionné souvent que les jeunes manquaient d'espoir, étaient en fait souvent sur le bord du désespoir qui les conduisait à un geste fatal, qui est le suicide, ou d'autres choses qui arrivent dans la société.
Vous avez mentionné, à quelques reprises, qu'il y a eu des réalisations. Vous avez eu de l'aide concernant les réalisations; que ce soit du ministère des Affaires indiennes, du Secrétariat d'État ou du ministère des Ressources humaines, et cetera, et que ces projets-là avaient souvent un certain succès et qu'ensuite les budgets étaient coupés. Est- ce que c'est arrivé souvent? J'imagine.
Une autre question que j'aimerais vous poser: je sais que vous vous êtes préparés sans doute, vous avez cumulé des statistiques des situations de votre organisation de la façon que vous l'avez décrite, quelles sont vos attentes en venant parler ici aux sénateurs? J'imagine que vous avez des attentes quand vous allez à la Chambre des communes ou aux comités de la Chambre des communes, quand vous venez ici, au Sénat, quelles sont vos attentes vis-à-vis les situations que vous nous décrivez et les solutions que vous aimeriez avoir et trouver?
M. Lanouette: Vous nous avez entendus, vous prenez nos recommandatons: que nous soyons inclus dans le développement des nouveaux programmes d'amélioration pour les Autochtones. Que nous soyons considérés dans la progression de la programmation et de nous entendre, simplement cela.
[Traduction]
Mme Fisher: Aujourd'hui, nous vous avons donné des exemples qui illustrent comment se déroulent des programmes communautaires en milieu urbain. J'aimerais que nos communautés bénéficient de services axés sur notre culture et nos points forts. Je veux que le comité comprenne bien que nous sommes en mesure de fournir de tels services, comme nous l'avons démontré déjà. Nous avons cependant besoin de soutien pour maintenir nos ressources. C'est le défi que je dois affronter du matin au soir.
Les jeunes représentent 27 p. 100 de la population des Autochtones sans abri dans la ville d'Ottawa. DRHC a canalisé des fonds par l'entremise de la Ville d'Ottawa, qui nous ont permis d'avoir un programme de deux ans. On nous demandait souvent comment nous allions maintenir le projet. Je sais que je n'y arriverai pas. Je fournis des services à des gens qui ne les obtiendraient pas autrement, si d'autres personnes ne pensent pas à eux.
Que ferai-je en avril? J'ai bâti des programmes et des partenariats. J'ai cherché des moyens pour que nos jeunes aient un toit, au moins en situation d'urgence. Nous distribuons de la nourriture en partenariat avec des centres de santé communautaires non autochtones. Tout cela va prendre fin.
Nous vivons des temps difficiles, voici notre message. Si nous n'obtenons pas de soutien et du financement à long terme, nous sommes perdus. Nous pouvons régler les problèmes, mais ce sera impossible sans ces ressources.
M. Jock: L'intérêt envers l'amélioration de la santé suit deux axes. L'un d'eux est le besoin d'améliorer les systèmes de santé autochtones. Nous avons cité aujourd'hui quelques exemples de systèmes conçus et dirigés par des Autochtones de notre organisation. Selon nous, c'est la voie à suivre. Il faudrait déployer, de façon systématique, un tel système à l'échelle du pays, pour que toute la population profite des meilleurs modèles éprouvés.
Il faut reconnaître que les facteurs déterminants en matière de santé sont tout aussi importants. Une partie des démarches consistera à trouver des solutions compte tenu des déterminants dont nous avons parlé. Nous devons nous concentrer sur l'éducation, l'emploi et les intérêts futurs, notamment sur l'autodétermination, comme étant les vecteurs des changements de fond de cette relation. Notre organisation en fait un cheval de bataille, et nous vous exhortons à en faire de même dans vos recommandations.
La santé est un domaine clé. Elle peut devenir un catalyseur qui amènera les gens à s'organiser et à s'engager. La santé est fondamentale pour tous les habitants de ce pays.
La présidente suppléante: J'ai été frappée par vos propos au sujet du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. J'ai entendu parler, de diverses sources, de certains problèmes relatifs à la gouvernance et aux inégalités, plus particulièrement pour ce qui est de la primauté accordée aux élèves vivant dans les réserves plutôt que hors réserve. À mes yeux, ça n'a aucun sens. Nous examinerons cette question de près.
Vous avez formulé des commentaires pratiques sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de grief et de résolution des différends. Ces questions surgissent quand un programme existe depuis un certain temps. Apparaissent peu à peu certaines difficultés concernant le contrôle. Vos commentaires sont pertinents; vous pourrez développer tout à l'heure.
Vous avez aussi parlé de la persévérance scolaire et de divers aspects relatifs à l'éducation. Ce sont des aspects importants de la vie des jeunes. J'ai beaucoup travaillé avec la Commission scolaire d'Ottawa et vos commentaires au sujet de la formation professionnelle m'ont interpellée. Ils nous donnent à penser que les écoles professionnelles n'attirent pas les jeunes. Elles offrent beaucoup de formations dans des domaines professionnels très lucratifs. Actuellement, l'âge moyen des briqueteurs est 56 ans. On délaisse toute une gamme de métiers, pas seulement chez les Autochtones, mais dans l'ensemble de la population. Au fil du temps, notre société a enlevé toute valeur au travail de ces gens. Maintenant, ce sont surtout des immigrants qui exercent ces métiers.
Madame Fisher, nous savons que des aspects comme la grossesse, la sexualité et le développement des jeunes enfants sont au coeur de toute solution à long terme. Les conditions dans lesquelles de jeunes femmes tombent enceintes influencent l'évolution des familles. J'aimerais vous entendre au sujet de l'importance de la création de liens familiaux, en allant plus loin que les aptitudes parentales généralement reconnues pour englober la famille élargie, une source importante de modèles pour les enfants. Ils ont besoin d'être entourés de tantes, d'oncles et de grands-parents.
Certains travaux de recherche m'encouragent. Il y a eu les premiers travaux d'envergure internationale, semble-t-il, sur le rôle des grands-mères. Aucune discipline ne s'était penchée sur la question jusqu'ici. J'aimerais savoir, monsieur Lanouette, si vous parliez de votre grand-mère maternelle ou de votre grand-mère paternelle?
M. Lanouette: Je parlais de mes grands-parents maternels.
La présidente suppléante: La grand-mère maternelle a une grande influence sur le bien-être des enfants.
Toute la question de la sensibilité des filles enceintes est importante. J'imagine que vous prodiguez certains soins aux filles enceintes. C'est une période où elles sont très sensibles à la nécessité de changer des choses.
La grossesse procure une ouverture propice aux changements dans le style de vie, une ouverture qu'une personne ne revivra peut-être jamais à un autre moment. J'aimerais que vous nous parliez des programmes que vous offrez à ces filles et à ces jeunes femmes. Le problème est plus aigu quand le SAF ou toute autre toxicomanie est en cause. J'ai appris hier qu'un centre de Montréal s'occupait particulièrement des bébés souffrant d'une dépendance à la méthadone. Une fille qui en consommait s'était laissé dire qu'elle devait continuer d'en prendre pendant sa grossesse. Selon ses informateurs, si elle cessait sa consommation, le bébé risquait de faire une crise cardiaque parce qu'il était intoxiqué dans l'utérus. Certaines rumeurs assez étranges circulent. Pourriez-vous nous informer au sujet de la programmation qui s'adresse aux jeunes toxicomanes? Pouvez-vous nous faire quelques suggestions utiles?
M. Lanouette: Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones a été annoncé lors du discours du Trône de 1995; les propositions ont été acceptées en 1996. Il s'agit d'un programme relativement jeune, mais pas nouveau.
J'ai participé à des travaux d'envergure nationale sur les mécanismes de résolution des différends, mais je ne sais pas où les discussions en sont rendues.
On s'interroge au bureau national quant à la propriété du Programme. Appartient-il à la collectivité ou à Santé Canada? À mon avis, il appartient à la collectivité.
Quand un groupe lance un nouveau programme, il développe un certain sens de la propriété. C'est humain. Toutefois, il faut apprendre à lâcher prise. C'est difficile pour certaines personnes à Santé Canada. Elles refusent de transmettre la gestion du programme à quiconque.
La décision de poursuivre ses études se prend quand on est très jeune. J'ai deux jeunes enfants. Cela en surprend certains. Mon fils a huit ans et ma fille, cinq ans. Nous avons attendu longtemps avant de devenir parents.
L'état d'esprit par rapport aux études se forge très tôt. Mon fils a participé au Programme d'aide préscolaire aux Autochtones pendant trois années. Il est ensuite entré en première année. Ses aptitudes en lecture, à l'oral et en mathématique correspondaient à celles d'un élève de deuxième année. Ma fille a participé au Programme pendant une année. Elle fait actuellement sa maternelle dans une école bilingue, anglais et français. Nous tenions à ce qu'ils reçoivent une éducation bilingue. Ce sera certainement un avantage par rapport à d'autres élèves quand ils seront plus âgés.
Je parle trois langues: l'algonquin, le français et l'anglais. Je n'ai aucun doute quant aux avantages que j'en ai tirés.
Il faut aider les jeunes à comprendre qu'ils n'iront nulle part s'ils ne font pas d'études. J'ai personnellement décroché en dixième année. Je suivais des cours de physique, de chimie et d'informatique de douzième année. Je m'ennuyais et je suis parti.
J'ai fréquenté des gaillards assez peu recommandables quand j'étais jeune. Puis j'ai décidé de prendre un autre chemin. Je me suis engagé dans les Forces canadiennes. J'y ai passé plusieurs années. J'ai obtenu mon diplôme d'équivalence d'études secondaires. Quand j'ai quitté les Forces, je suis devenu chauffeur de taxi à Ottawa, en 1979. Je me suis inscrit en sciences politiques et histoire autochtone à l'Université Carleton.
Ce que j'ai appris dans la rue, c'est que tous ont besoin de recevoir une éducation. Tous ont besoin de poursuivre leur éducation et de former leur esprit. Cela m'a aidé. Je n'ai pas de solutions pour retenir les enfants à l'école. Je peux certes partager mes expériences avec eux et leur dire pourquoi ils doivent être scolarisés, mais chacun est différent. Chacun trouvera sa propre motivation pour rester à l'école et apprendre. Les motivations varient d'une personne à l'autre. Certains seront motivés par les louanges, d'autres par l'argent. Chacun est différent.
La rétention scolaire a fait l'objet de recherches à la Federation of Indian Friendship Centres et à d'autres centres. Un conseil de jeunes formé par la National Association of Friendship Centres s'intéresse à la question. Il me fera grand plaisir de leur demander de vous faire part de leurs découvertes.
Une grande partie de notre bagage nous vient de notre grand-mère maternelle. Dans mon cas, elle était enseignante sur la réserve. Elle m'a enseigné quand j'étais enfant.
La présidente suppléante: Vous représentez un bon modèle.
Mme Fisher: Les jeunes mères ont peu de ressources vers qui se tourner. Dans notre centre, toute la programmation vise à attirer de nouvelles venues. Nous l'appelons notre cercle de bienveillance. Au début, la mère ou la jeune femme qui discute de sexualité avec l'infirmière praticienne — elles y viennent toujours, même si elles sont venues à l'origine pour un mal de gorge — reçoit des outils d'accès aux ressources du milieu. Elle est dirigée immédiatement vers une grand-mère parce que nous savons toute l'importance de pouvoir se confier à quelqu'un de plus âgé. Pas nécessairement un médecin ou une infirmière. Ils font partie du cercle de bienveillance, mais la femme entre en lien immédiatement avec une grand-mère prête à jouer le rôle de sa grand-mère ou de sa tante. C'est l'élément essentiel, présent dans tous nos programmes, notamment notre programme prénatal. Si les femmes n'ont pas de famille étendue, nous les mettons immédiatement en contact avec quelqu'un. À ce premier stade, l'aînée joue un rôle tout aussi fondamental que le professionnel de la santé.
De même, nous accordons beaucoup de valeur à la culture. Beaucoup veulent retrouver cet élément. Nous enseignons le respect aux jeunes mères célibataires pour qu'elles fassent des prises de conscience à cet égard et qu'elles commencent à le témoigner envers elles-mêmes. Elles peuvent participer à des cérémonies de la suerie et à des activités aussi simples que les cuisines collectives. Dans ces cuisines, elles entrent en lien avec d'autres mères et elles peuvent se donner des enseignements mutuels, entre mères.
Si nous avions beaucoup d'argent, ou un programme établi, nous pourrions entreprendre d'autres activités liées à la toxicomanie. Présentement, rien ne nous permet d'agir dans ce domaine, si ce n'est par l'entremise de nos médecins et infirmières. Les cas de toxicomanie leur sont dirigés pour la plupart.
Nous incitons les mères et les jeunes à s'engager dans des activités telles que les cuisines collectives, les cérémonies et les célébrations. C'est le mieux que nous pouvons faire.
La présidente suppléante: C'est un bon début. La toxicomanie, même si elle est liée, est une question distincte. Nous savons tous que les ressources manquent pour venir en aide aux jeunes toxicomanes.
Mme Fisher: Pour notre clientèle, l'élément phare est le cybercafé, qui s'adresse aux jeunes de 13 et 14 ans. C'est là qu'ils saisissent à quel point l'école est importante. C'est là que nous avons un pouvoir de changer des choses. Nous nous sommes débattus pour obtenir des fonds voués à ce cybercafé. Nous n'avons pas trouvé l'argent pour faire vivre ce merveilleux programme. Pourtant, c'est celui qui a le plus de rayonnement, et de loin. Il permet aux jeunes de parler de sexualité et de tout ce qui les intéresse. Nous pouvons orienter les discussions. L'environnement est sûr et accessible. Nous pouvons les amener à parler du rôle de parent, de ce qu'il signifie. Qu'est-ce qu'un parent? Ces discussions les amènent à parler avec leurs propres parents.
Nous offrons au centre des séances enfant et thérapie par l'art. Nous bénéficions des services d'un arthérapeute à temps plein. Nous utilisons l'arthérapie pour stimuler les communications entre parents et enfants. Les jeunes femmes dirigées vers ce programme sont sensibilisées à la communication. Voilà, il y a tous ces éléments, mais ces femmes ont besoin d'être enveloppées par de multiples programmes.
Le sénateur Sibbeston: Je viens d'une région rurale des Territoires du Nord-Ouest. Les gens vivent en petites communautés et il arrive que des Autochtones émigrent vers des centres plus importants tels que Yellowknife. Le sort des Autochtones vivant dans le Nord n'est pas si mauvais, en partie parce qu'ils sont suffisamment nombreux pour ne pas se perdre dans la population non autochtone. Certains aspects de notre société nordique permettent aux Autochtones de réussir assez bien et d'avoir une bonne estime d'eux-mêmes.
Vous parlez du sort réservé aux Autochtones en milieu urbain, qui vivent dans des conditions difficiles, douloureuses. J'en connais très peu sur le sujet parce que je n'ai pas beaucoup vécu dans les centres urbains moi-même. Cependant, je sais que les communautés nordiques et rurales sont en grande partie peuplées par des Autochtones. Pour chasser et trapper, les Autochtones occupaient le territoire. Ce sont les origines de tous les Autochtones et, à différents degrés, ce sont les racines qu'ils ont quittées.
Dans le Nord, je me sens choyé parce que je peux encore chasser, parler ma langue et vivre entouré de mon peuple. Nous créons une société où les Autochtones ont encore la chance de réussir. Ils peuvent aller à l'école et jouer un rôle au gouvernement. Des Autochtones occupent des postes aussi élevés que ministres dans notre gouvernement. Nous bâtissons aussi une économie qui réserve une place aux Autochtones. Nous avons des mines de diamant à Yellowknife. J'ai visité une mine voilà trois semaines, où des Autochtones travaillent. Les camions, les services de restauration et les logements appartiennent en partie à des Autochtones. Ils s'impliquent de cette façon.
J'imagine que les difficultés des Autochtones vivant en milieu urbain sont dues à un contexte différent. Ils sont perdus parmi dans la masse de non-Autochtones. Ils sont une minorité au sein d'une grande société. Plus ils vivent longtemps en ville, plus il devient difficile pour eux de se situer par rapport à leurs origines et de comprendre qui ils sont: ils ne reçoivent aucune forme d'encouragement à cet égard. Il n'y a pas d'assise linguistique ou culturelle. D'une façon ou d'une autre, il faut garder ces racines vivantes et s'accrocher à ce qui fait de vous un être unique, autre que la couleur de votre peau. Je saisis toute l'ampleur du défi.
Ma femme n'est pas Autochtone. Elle m'a toujours encouragé. Elle m'a dit: «Ton peuple a beaucoup de qualités, et la société canadienne peut apprendre et s'enrichir à votre contact.» Votre façon d'aborder les choses, telle que votre approche holistique de la médecine, peut être profitable pour la société canadienne. Ce que vous faites sur le plan culturel, ou d'autres plans, peut servir d'inspiration. Ils sont uniques et peuvent certainement apporter leur contribution à la mosaïque et à la couleur canadiennes. C'est un véritable combat.
Je dois admettre que j'ai été renversé par l'information dont vous nous avez fait part. Comment digérer tout ça? Nous n'avons pas grand-chose à dire aujourd'hui parce que nous devons lire tous ces documents. Plus tard, nous pourrons décider de ce qu'il faut faire.
Notre défi consiste à trouver un moyen d'améliorer la vie des Autochtones, et surtout des jeunes vivant dans les centres urbains. La tâche n'est pas facile. Nous devons fouiller dans l'histoire de la migration des Autochtones vers les villes et de leur combat pour recréer leur vie, en quelque sorte. La migration entraîne la pauvreté et les difficultés de vivre en milieu densément peuplé.
Je comprends ces difficultés. Quand notre rapport sera terminé, j'espère que nous pourrons, à notre mesure, formuler des recommandations ou tenir des propos porteurs de sens. Notre défi sera de dire des choses ou de poser des gestes pertinents. Ils devront être signifiants. Ils devront être assez limpides pour indiquer aux gouvernements ce qu'ils peuvent faire pour améliorer de façon certaine la vie des gens. C'est notre tâche.
Je vous suis très reconnaissant d'avoir échangé avec nous aujourd'hui. Avec le temps, nous serons en mesure de faire le tri et d'en tirer profit le plus possible.
Mme Fisher: Si vous en avez le temps, messieurs et mesdames les sénateurs, je vous invite à visiter le centre. Si nous pouvions vous expliquer le processus en long et en large, vous pourriez mieux comprendre l'approche holistique du service. Notre centre est situé au 229, chemin de Montréal.
M. Lanouette: Tous les jeudis, nous organisons un souper traditionnel au Centre d'amitié, c'est ouvert au public. Vous êtes cordialement invités.
M. Jock: Nous n'avons pas abordé la question des carrières dans les domaines de la santé au sein de la population autochtone. Étant donné que notre population est très jeune, on devrait sans doute nous considérer dans une vision stratégique puisque les personnes qui peuvent prodiguer des soins au reste de la population sont vieillissantes. Un investissement réel dans la santé et le développement social, comme le recommande la commission royale, pourrait devenir un centre d'intérêt majeur pour nos jeunes.
La présidente suppléante: Merci à tous les participants. La matinée a été fort intéressante.
Honorables sénateurs, nous discuterons maintenant de questions budgétaires. Nous allons poursuivre notre séance publique, sans transcription.
Le comité poursuit la séance publique.