Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 10 - Témoignages pour la séance de l'après-midi
EDMONTON, le vendredi 21 mars 2003
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 13 h 20 pour faire une étude sur les problèmes touchant les jeunes Autochtones urbains au Canada et en particulier sur l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Je suis très heureuse d'accueillir le Révérend James Holland. Je voudrais que la personne qui vous accompagne se présente.
Mme Heather Jacobson, travailleuse sociale, Centre d'apprentissage autochtone: Honorables sénateurs, au cours d'une discussion que j'ai eue avec le père Jim au sujet de l'exposé qu'il présente aujourd'hui, celui-ci m'a demandé de l'accompagner et je lui ai répondu que j'accepterais volontiers.
La présidente: Avant d'entendre les témoins, je voudrais que mes collègues se présentent.
Le sénateur Carney: Je m'appelle Pat Carney et je viens de la Colombie-Britannique. Je vous demande de faire preuve d'indulgence à mon égard, parce que je ne connais pas très bien les noms de lieux qui sont mentionnés et que j'ai de la difficulté à prononcer les noms autochtones de l'Alberta. Ils sont différents des noms de la région côtière.
Je suis très heureuse d'être ici. Je suis membre de ce comité parce que les questions autochtones occupent une place extrêmement importante en Colombie-Britannique et parce que ça me donne l'occasion de travailler avec le sénateur Chalifoux.
Le sénateur Pearson: Je suis le sénateur Landon Pearson, et je suis Ontarienne.
Le sénateur Sibbeston: Je m'appelle Nick Sibbeston et je suis résident des Territoires du Nord-Ouest. Je confirme que j'étais à l'église dimanche, à Sacred Heart, et que je vous ai vu, mon père.
La présidente: Je m'appelle Thelma Chalifoux. Je suis présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous tenons des discussions sur ces problèmes depuis près de trois ans et nous les examinons de façon soutenue depuis 18 mois.
Plutôt que de demander à la communauté non autochtone de faire une autre étude sur nous, nous avons décidé de faire participer la communauté autochtone aux discussions sur les réussites, les problèmes et les obstacles que connaissent les Autochtones qui vivent en milieu urbain, en particulier les jeunes. Une approche globale est nécessaire en ce qui concerne les jeunes. Il est nécessaire d'englober la famille dans les discussions qui les concernent. C'est ce que nous avons fait. C'est la dernière étape de notre tournée dans l'Ouest.
Je suis très heureuse que vous soyez ici, père Jim.
Le révérend James L. Holland, O.M.I., Église Sacred Heart: Je suis le pasteur de l'Église Sacred Heart des Premier peuples. Nous représentons la paroisse nationale officielle pour les membres des Premières nations et les Métis de cet archidiocèse. Nous sommes en outre la seule paroisse autochtone désignée paroisse nationale. On compte de nombreuses paroisses autochtones dans les réserves ou à travers le pays, mais aucun évêque nord-américain n'avait encore désigné une paroisse spécifique pour les peuples autochtones et le peuple métis. Par conséquent, en vertu du droit canon, nous sommes gouvernés par notre culture et nos langues plutôt que par des frontières terrestres ou fondées sur les domaines de compétence. Dans cet archidiocèse, toute personne de sang autochtone ou métis qui décide de venir à l'Église Sacred Heart est mon paroissien ou ma paroissienne.
Nous sommes très fiers de notre identité et nous n'avons pas honte de la révéler. L'évêque nous a permis de respecter nos traditions autochtones en nous laissant toute la latitude voulue, tout en maintenant notre image catholique. J'y accorde beaucoup d'importance. Pour pouvoir être fier de mes origines, je dois être en mesure de les reconnaître.
J'ai une affection toute particulière pour les enfants parce que c'est sur eux que repose notre avenir. On m'a demandé de célébrer une messe autochtone à North Battleford parce que je porte des mocassins et une chasuble en daim et que nous utilisons du foin d'odeur.
La caractéristique principale de l'école communautaire St. Mary de North Battleford est que 85 p. 100 de la population étudiante est autochtone. Ce n'est que depuis peu que l'on introduit des éléments d'apparence autochtone, à part les enfants qui ont indéniablement toutes les apparences d'Autochtones.
Au cours d'une discussion que nous avons eue ce soir-là à une réunion de parents, les parents voulaient me recommander de fusionner l'Église catholique et les Autochtones parce que certains défenseurs des traditions deviennent très tendus et nerveux lorsque les écoles et les églises utilisent des symboles traditionnels. Les parents ont posé des questions sur leur patrimoine; la plupart d'entre eux n'étaient que très peu au courant de leur culture. Je pense que le patrimoine et les convictions autochtones sont importants. Il est par conséquent nécessaire de permettre l'utilisation de symboles culturels.
Je n'enseigne pas la spiritualité autochtone à l'église et j'encourage l'école à ne pas le faire elle-même. Je lui conseille d'inviter un Aîné à venir enseigner notre culture. À l'église, nous faisons venir des Aînés pour prier et pour enseigner. Si j'ai des difficultés, je m'adresse aux Aînés, parce qu'ils sont nos enseignants.
Mon église se trouve au centre-ville. C'est une vieille paroisse. C'est un quartier où vivent également des Italiens, des Français et des Vietnamiens. Lorsqu'ils viennent à l'église, ils sont également considérés comme des Autochtones parce que la tradition autochtone veut qu'on accepte les personnes de tous les milieux.
Ce qui me préoccupe en ce qui concerne nos enfants, c'est que les programmes du centre-ville sont généralement des programmes réactifs. Nous devons modifier nos modes de raisonnement. Nous devons être plus proactifs et nous occuper des jeunes dès leur plus jeune âge.
L'Edmonton Inner City Children's Project — dont je suis le trésorier —, qui est associé à notre église, est l'un des rares programmes préventifs du centre-ville. Nous intervenons dans le réseau scolaire. Nous ne nous préoccupons pas des convictions religieuses des élèves. S'ils ne prient pas, nous ne nous en formalisons pas; je n'y attache aucune importance. Les enfants ont besoin d'aide et nous les aidons.
Notre programme est un programme de prise en charge après l'école que le gouvernement de l'Alberta a rayé de sa liste des programmes importants. Nous aidons les enfants qui ont besoin d'aide. La plupart des enfants dont nous nous occupons n'ont personne pour les accueillir à la maison et n'ont personne pour les guider. Dans la plupart des familles, ce sont les enfants les plus âgés qui prennent soin des plus jeunes. Dans le cadre de notre programme, nous les aidons à faire leurs devoirs scolaires à domicile. Nous avons des programmes amusants. Nous collaborons avec d'autres organismes. Nous nous sommes assuré la participation de l'Alberta Piano Teachers Association. Elle donne des cours gratuits de piano à environ 120 enfants qui, sans cela, n'auraient jamais l'occasion de toucher à un piano, à plus forte raison d'apprendre à jouer. La musique est une discipline, qu'il s'agisse de tambour ou de piano. Il est important à nos yeux de tenir les enfants occupés.
Tommy Salo, qui est le gardien de but des Oilers d'Edmonton, et un autre joueur qui est, si je ne me trompe, le gardien de but de Buffalo, ont donné chacun 150 000 $ à titre de contribution à un programme ayant pour but d'apprendre à de très jeunes enfants à jouer au hockey. La commission scolaire catholique ne voulait pas se charger de ce programme sous prétexte qu'elle serait obligée de le rendre accessible à tous les enfants de la ville. Pour ne pas laisser passer cette occasion, nous avons décidé de le prendre en charge. Notre directrice a joué au hockey dans une équipe internationale, l'équipe féminine suisse de hockey. C'est une entraîneuse professionnelle. En fait, elle est allée à Lethbridge l'été dernier pour assister à un atelier et renouveler sa licence, afin de se mettre en règle.
Ces dons ont permis d'acheter de l'équipement de hockey pour les enfants. Nous accueillons trois jours par semaine des enfants dont les plus jeunes sont des élèves de première année. Nous les emmenons à la patinoire deux fois par semaine. Nous les véhiculons partout par autobus. Des membres de notre personnel les accompagnent parce que, quand ils reviennent à l'école, il n'y a peut-être personne qui les attend. Ce n'est pas comme dans les banlieues où la voiture familiale attend les enfants. Nous nous assurons qu'ils puissent rentrer chez eux en toute sécurité.
Le trait très particulier du programme est qu'ils ne doivent pas obtenir de bonnes notes pour participer; ils doivent toutefois remettre tous leurs devoirs faits à domicile. Pas de devoirs remis, pas de hockey et croyez-moi, ces enfants tiennent beaucoup à jouer au hockey. C'est pour eux l'occasion d'apprendre la discipline. Nous les faisons participer à un très jeune âge. Comme vous pouvez le constater, c'est un programme préventif plutôt qu'un programme réactif.
Le coût social des programmes réactifs est beaucoup plus élevé que celui des programmes préventifs. C'est une question d'attitude. Nous devons changer d'attitude à l'égard des programmes. Il est nécessaire d'aider ceux qui sont en difficulté. Je ne m'y oppose pas du tout. J'anime cinq ou six fois par semaine des rencontres de personnes qui ont atteint l'équivalent de la 5e étape du traitement des Alcooliques anonymes et j'entends parler des problèmes de jeunes dont la vie a été gâchée par l'alcool ou par la drogue parce qu'on n'avait mis aucun service en place pour les aider au moment où ils en avaient besoin. Il n'y avait aucun service pour les aider ni personne pour les encourager. C'est pourtant nécessaire.
Ma théorie sur la tradition — et je sais que mes Aînés n'ont pas nécessairement la même opinion que moi à ce sujet — est que la plus belle tradition, que ce soit à l'église ou dans la communauté autochtone, est l'adaptation. Nous nous adaptons à la situation. Nous utilisons les méthodes qui sont les plus efficaces pour les membres de notre communauté.
Par exemple, après un cours que j'avais donné dans le cadre du programme d'études autochtones de l'Université de l'Alberta, un des élèves de ma classe m'a appelé pour me dire qu'il avait aimé mes commentaires mais qu'il voulait avoir davantage d'information sur son peuple parce qu'il voulait l'inciter à faire un retour à ses traditions. Je lui ai alors posé les questions suivantes: «Jusqu'à quel siècle voulez-vous le faire revenir en arrière? Voulez-vous le faire revenir en arrière de cinq siècles, de deux siècles ou d'un siècle?»
Le commentaire de ce jeune homme m'a fait prendre conscience du fait que notre peuple, même s'il a maintenu son caractère autochtone et ses traditions selon les enseignements de ses Aînés, s'est adapté au monde contemporain également. Les Autochtones ont pris le meilleur de ce qu'ils ont pu obtenir.
C'est le but que nous poursuivons. Les enfants, qu'ils soient Autochtones ou non, restent des enfants et ils ont les mêmes droits que les autres citoyens. En ce qui concerne les Autochtones, on relève quelques différences comme on en relève en ce qui concerne les Français, les Italiens, les Portugais ou des personnes comme moi. Je suis originaire du sud des États-Unis et je vous assure que c'est une région très différente de celle-ci.
Nous devons nous préoccuper de ces questions, mais il ne faut pas perdre de vue que les enfants sont des êtres humains et qu'ils sont l'avenir de notre peuple.
J'ai déjeuné ce matin avec l'ex-surintendant de la commission scolaire catholique. Il m'a donné un livre au sujet duquel je voudrais faire quelques commentaires. Il s'agit d'un manuel sur l'éducation de la petite enfance en Ontario. On a constaté que, dans les écoles françaises, la participation aux programmes préscolaires à un jeune âge a des incidences positives sur les résultats scolaires ultérieurs et ce, dans tous les groupes socioéconomiques. Les résultats en première année sont d'autant meilleurs que la participation des enfants à ces programmes préscolaires, qui peut commencer à l'âge de deux ans et demi, est longue. Il s'agit en l'occurrence de programmes de prématernelles publiques mis en oeuvre dans le cadre du système éducatif. Les enseignants doivent être titulaires d'une maîtrise en éducation préscolaire. On investit à un stade précoce et pas en fin de parcours.
La situation est terrible en ce qui concerne les garderies et nous avons des programmes d'aide préscolaire. Les Sisters of the Atonement de ma paroisse ont mis en place un programme d'aide préscolaire pour les pauvres. C'est un programme préventif, mais c'est le seul. Nous n'avons pas de normes sur lesquelles nous appuyer pour nous assurer que nos programmes pour les enfants d'âge préscolaire sont de qualité supérieure. Quand on construit une maison, si les fondations ne sont pas solides, la maison ne restera pas debout très longtemps. Si nos enfants n'ont pas des bases solides quand ils arrivent en milieu scolaire, ils ne tiendront pas le coup longtemps.
J'espère beaucoup que votre étude aura des résultats positifs et que nous tirons des leçons des études qui ont déjà été faites — il suffit de lire les rapports et de mettre les recommandations en oeuvre.
J'assiste à de nombreuses réunions et un des mes associés qui assiste également à ces réunions a fait le commentaire suivant: «Nous assistons aux mêmes réunions et faisons les mêmes observations qu'il y a une dizaine d'années». Il faut s'arrêter de discuter et passer à l'action. Nos enfants d'âge préscolaire ont besoin de notre aide. Il est nécessaire d'établir des normes et de s'assurer que les fonds que le gouvernement investit dans ce domaine — et il est parfois très généreux — sont utilisés à bon escient. Nous devons nous assurer que cet investissement est rentable sinon, il est préférable d'investir dans un autre domaine où ce sera utile.
Mme Jacobson: J'ai appris que deux de mes collègues, Pam Sparklingeyes et Sean McGuiness, ont fait un exposé ce matin. Je travaille dans le même réseau scolaire. Je suis travailleuse sociale pour le district scolaire catholique d'Edmonton. Mon bureau se trouve au Centre d'apprentissage autochtone.
Notre objectif principal est d'inciter les écoles à garder les enfants plus longtemps et alors, de collaborer avec elles. Il est important de disposer de données sur les résultats pour évaluer les programmes. On a parfois de la réticence à apporter des changements car tout changement impose un surplus de travail. En ce qui nous concerne, nous recommandons plutôt de remplacer que d'ajouter.
Il s'agit quelquefois de déplacer des ressources. Je suis fière de travailler pour un organisme de services à l'enfance qui a entrepris de rassembler de l'information fondée sur des données axées sur les résultats. Comment évaluer des résultats positifs en ce qui concerne une famille? Comment prouver que ces résultats sont positifs? Quel est le but de tous ces efforts si l'on n'y arrive pas?
Ainsi, dans le système scolaire, si j'investis des sommes considérables pour faire passer des tests aux élèves et pour déceler leurs points faibles sans modifier de façon fondamentale mes méthodes d'enseignement ou ma façon de les traiter, ce ne sera pas avantageux pour eux. La seule personne pour laquelle ce sera avantageux est celle qui sera engagée pour faire les tests.
Je suis très contente que les systèmes soient davantage axés sur les résultats. Nous avons eu l'occasion de constater, dans le domaine des services à l'enfance, qu'il fallait plutôt modifier l'usage des ressources que prévoir des ressources supplémentaires. Cela permet de s'affranchir des vieilles méthodes.
Pour prendre des initiatives spéciales pour les Autochtones en outre de nos activités actuelles, nous nous efforçons de nous appuyer sur des pratiques exemplaires. D'excellentes études, sur lesquelles on peut s'appuyer, ont été faites.
Le Centre d'apprentissage autochtone est intégré au système scolaire catholique. Les milieux intégrés sont ce que les parents autochtones du Canada préfèrent. Je sais que ce n'est pas le cas à la Ben Calf Robe School, qui est un milieu particulier. Nous préconisons la mise en place d'une série de choix pour les familles, étant donné qu'elles ont des besoins différents. Les besoins de notre communauté sont actuellement nombreux et ils le resteront probablement au cours de ma carrière.
J'ai apporté quelques brochures que je vous remettrai. J'attends vos questions avec impatience.
Le sénateur Sibbeston: Père Jim, lorsque je suis en ville, j'aime beaucoup aller à la messe à l'église Sacred Heart. L'atmosphère et la musique sont excellentes. Certaines pratiques autochtones qui ont été adoptées sont uniques et absolument remarquables.
Vous êtes à Edmonton depuis plusieurs années. Quel est le résultat lorsque la société répond aux besoins des Autochtones comme le fait l'église, dans votre cas? Constatez-vous une différence au niveau de la santé ou de la spiritualité? Quelle est l'importance de l'aspect spirituel?
Le révérend Holland: Je pense que nous avons tous un esprit et qu'il n'est pas lié à la religion. Nous devons respecter l'esprit qui nous habite. Lorsque notre société ne me respecte pas, elle ne respecte pas mon esprit.
À Sacred Heart, nous acceptons toutes les personnes comme elles sont. Nous respectons leur esprit. Elles viennent à Sacred Heart pour se ressourcer et pour être en mesure d'affronter le monde extérieur. Il devrait en être ainsi dans toutes les églises, mais ce n'est malheureusement pas le cas — peu importe qu'il s'agisse d'une église catholique, d'une église protestante ou d'une autre église.
Je rends grâce à Dieu pour Vatican II. Le pape Jean XXIII a déclaré que ce sont les fidèles qui font l'Église. Il a déclaré que l'édifice est le lieu de rencontre mais que sans les gens, nous ne sommes pas une Église. C'est important pour les Autochtones. C'est important pour tous les citoyens. Je pense que dans la société actuelle, la pire des pauvretés est liée au manque d'appartenance, au fait de ne pas se sentir important. Si vous avez besoin de nourriture, je peux vous en donner; si vous avez besoin de vêtements, je peux vous en donner; si vous avez besoin d'un logement, je peux vous en procurer un. De nombreux organismes dispensent une aide précieuse dans ces domaines. À quoi cela sert-il cependant si vous pensez que personne ne se soucie de vous et que vous n'êtes pas important? C'est à ce niveau-là que nous tentons d'intervenir à Sacred Heart. Nous donnons aux personnes que nous aidons le sentiment que l'on se soucie d'elles et le sentiment d'être importantes. Pour moi, c'est ça la spiritualité.
Le sénateur Sibbeston: Avez-vous constaté une différence à la suite de vos efforts?
Le révérend Holland: Oui.
Le sénateur Sibbeston: Quels ont été en particulier les résultats de vos efforts en ce qui concerne les jeunes?
Le révérend Holland: Lorsque je suis arrivé à Sacred Heart, aucun programme pour les jeunes n'était en place. On ne peut toutefois pas tout faire soi-même. Il est important d'être ouvert et d'établir des réseaux. Le programme des églises est qu'elles ne sont pas assez ouvertes à l'égard des autres églises ou d'autres groupes. C'est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec l'Edmonton Inner City Children's Project. Nous assurons une présence dans les écoles parce que les familles ont confiance dans les écoles. Nous avons souvent suggéré de collaborer avec le Boys and Girls Club, mais la plupart des familles que nous aidons n'ont pas confiance dans cet organisme. Elles ont toutefois confiance dans les écoles.
C'est pourquoi nous nous adressons aux organismes dans lesquels elles ont confiance. Les Autochtones, et nos amis orientaux aussi, ne font pas confiance d'emblée, parce qu'on les a trompés. Les belles paroles ne sont que du vent. Il faut cesser de discuter pour passer à l'action. On a beau dire à un Autochtone qu'on l'aime, mais si on ne passe pas du temps avec lui, si on ne partage pas du pain de banique et du ragoût avec lui, on lui fait savoir en fait qu'on ne lui accorde pas beaucoup d'importance. La société a fait comprendre aux Autochtones qu'ils n'ont pas d'importance et qu'on ne leur accorde aucune valeur comme êtres humains.
Comme je l'ai mentionné, j'anime des rencontres avec des Autochtones qui ont atteint le niveau de la 5e étape de traitement. On a fait savoir à la plupart d'entre eux, dès leur tendre enfance, qu'ils ne valent rien, mais pas en paroles, sauf peut-être un enseignant qui pourrait faire de dépit une remarque comme: «Tu n'es bon à rien; tu n'arriveras jamais à rien». Ce sont plutôt diverses attitudes de notre société à leur égard qui les confortent dans cette opinion. Ils ont la perception que l'on a des préjugés à leur égard. De nombreuses personnes ont des préjugés à l'égard des Autochtones. S'il se coupe, un Autochtone saigne comme vous et moi. Nous sommes tous semblables. C'est l'aspect positif de leur spiritualité.
Le cercle d'influences que nous utilisons a quatre couleurs différentes à sa circonférence, qui représentent les quatre peuples de la terre. Lorsque je suis arrivé à Sacred Heart, l'église n'était pas très fréquentée et nous avions à peine de quoi survivre. Au cours des huit années qui se sont écoulées depuis lors, je n'ai jamais parlé d'argent. J'ai accueilli nos paroissiens. Nous leur donnons des funérailles, nous les baptisons et nous célébrons leur mariage. S'ils ont de l'argent, nous acceptons les dons. Cependant, nous inhumons, baptisons ou marions également ceux qui n'en ont pas. C'est notre approche. Nous acceptons tous les paroissiens comme des êtres importants. Je n'ai aucune objection à ce que l'on fasse une collecte ou à ce que l'on fasse des levées de fonds pour certaines activités.
Le sénateur Carney: J'irai d'ici à Vancouver pour aller assister à la fête du 80e anniversaire de mon cousin, le père Leo Casey, qui était membre de votre ordre, l'Ordre de Marie Immaculée. Il sera très content d'apprendre que vous étiez ici. Il a enseigné pendant des années dans les pensionnats de la côte Ouest, à l'époque où il fallait nourrir, instruire et loger des enfants autochtones pour environ 40c. par jour. C'était un tour de force dans certaines colonies.
Compte tenu de la controverse qui entoure la prestation des services d'éducation par l'Église, est-ce que leur prestation par Sacred Heart fait également l'objet de controverse?
Le révérend Holland: Non.
Le sénateur Carney: J'aimerais avoir des informations sur le recours à l'Église, et pas seulement l'Église catholique, mais aussi d'autres institutions, pour la fourniture des programmes. Êtes-vous victimes d'ostracisme comme le sont d'autres Églises?
Le révérend Holland: Non. Je réponds sans hésiter parce que je suis également membre du conseil d'administration des services sociaux catholiques qui, il y a plusieurs années, ont décidé de s'informer sur la spiritualité autochtone et d'engager des Autochtones. Au cours d'une réunion avec le p.-d.g. et quelques chefs, un des chefs a mentionné que tant que le terme «catholique» serait employé, on n'arriverait pas à recruter des Autochtones. Après avoir hésité pendant quelque temps, le conseil a décidé de recruter des Autochtones.
En ce qui concerne les pensionnats, de terribles abus ont effectivement été commis. Les Autochtones ont toutefois reçu une instruction. Ils sont maintenant capables de parler et de lire aussi bien que n'importe quel autre citoyen. Il est nécessaire de consacrer une partie du temps que l'on consacre à critiquer les pensionnats à faire savoir à la population que les Autochtones ont reçu de l'instruction et qu'ils sont capables d'accomplir aussi bien n'importe quelle tâche que quiconque. Ce n'est pourtant pas le message que l'on communique à la population.
Une dame qui m'avait demandé de bénir sa maison m'a raconté sa vie. À son décès, sa mère avait laissé cinq enfants, dont un bébé, à la charge de son père. Pour une raison ou une autre, on n'arrivait pas à s'entendre dans la famille. Aucun membre de la famille ne voulait prendre ces enfants. Mon père a amené les enfants chez les soeurs qui les ont élevés. Ma mère m'a dit que sans les soeurs, elle ne serait pas en vie aujourd'hui.
J'ai assisté récemment à des funérailles à Sturgeon Lake, à proximité du Petit lac des Esclaves. Le père Rouleaux a été directeur là-bas pendant des années. C'était un saint parce qu'il traitait les membres de la communauté comme des membres de sa famille.
La soeur Eva a été mon mentor. J'ai décidé de m'intéresser aux Oblats non pas grâce aux prêtres, mais plutôt grâce aux soeurs. Soeur Eva était mon mentor. Elle parlait la langue crie aussi bien que les Cris. Elle les acceptait. Je n'affirme toutefois pas pour autant que tous les prêtres et toutes les soeurs avaient autant de bonté.
Quand je réfléchis au problème des pensionnats, j'examine les deux aspects de la question. Comment nos dirigeants ont-ils reçu de l'instruction? Il est effectivement nécessaire de faire face à ces situations difficiles, mais on fera face à d'autres situations difficiles dans les systèmes scolaires actuels et futurs.
Le sénateur Carney: J'aimerais conter une anecdote. Le père Leo nous a signalé que lorsqu'il était jeune prêtre dans la vallée de l'Outaouais, il avait été envoyé vers la côte Ouest pour enseigner dans les pensionnats et qu'il n'avait alors aucune formation. On ne donnait aucune formation culturelle à cette époque. Lorsqu'il dormait dans sa couchette, dans un village que je connais très bien, il entendait le son des tambours, des feux et des cérémonies le samedi soir et était absolument convaincu qu'il allait être scalpé et que c'était la raison de toute cette agitation sur la plage. Il a toutefois passé sa vie ici.
Je trouve intéressant que l'Église catholique semble avoir été un mode de prestation très efficace de ces divers services en Alberta et que ce soit toujours le cas.
Le révérend Holland: Beaucoup de poursuites sont intentées. Ce qui me préoccupe cependant c'est que, dans ce contexte, ce sont les avocats qui s'enrichissent et qui se servent, une fois de plus, des Autochtones, pour leur profit personnel.
Le sénateur Carney: Je suis contre le fait de devoir verser ma contribution à l'église pour payer les avocats.
Le révérend Holland: Exactement.
Le sénateur Carney: Madame Jacobson, au cours de ces audiences, nous avons entendu dire qu'une génération d'Autochtones — dont vous faites partie — prend en charge la prestation des services qui étaient autrefois assurés par les Oblats ou par les Blancs ou par les gens de la vallée de l'Outaouais. Vous faites partie de la première génération de jeunes — enseignants, travailleurs sociaux et centres d'apprentissage autochtones — qui fournissent les services. Comment faites-vous pour persuader l'establishment de vous laisser prendre la relève?
Si l'on veut former des jeunes pour les préparer à des fonctions de leadership, il sera nécessaire d'identifier les obstacles auxquels ils sont confrontés et d'être conscients que bien des personnes ne tiennent pas à ce qu'un client auquel ils remettaient des chèques d'aide sociale devienne un collègue. Nous avons ce problème en ce qui concerne les services dans les centres urbains. Il est nécessaire que nous déterminions comment vous avez procédé et comment les Autochtones procèdent pour convaincre la société de leur laisser prendre la relève.
Mme Jacobson: Il est parfois nécessaire d'être insensible. De toute apparence, nous sommes très doués dans ce domaine. Ce n'est toutefois pas facile. Il est très difficile de mener de front l'accroissement des capacités dans les systèmes et dans sa communauté. C'est parfois une tâche ingrate parce qu'un système n'aura aucune reconnaissance à votre égard pour lui avoir rappelé qu'il n'a pas été très efficace. La perception que l'on a de nous est une perception collective. On ne nous perçoit généralement pas comme des individus.
Le sénateur Carney: Est-ce que ce sont des stéréotypes?
Mme Jacobson: La perception que l'on a de nous est collective. Autrement dit, lorsque des non-Autochtones rencontrent des Autochtones, tout ce que les non-Autochtones savent au sujet des Autochtones vient à l'esprit. La perception des Autochtones est donc collective. C'est pourquoi notre présence est mal interprétée par les systèmes en place.
J'ai mentionné qu'il était nécessaire de remplacer plutôt que d'ajouter. Je suis heureuse que l'époque où l'on pouvait gagner sa vie en territoire autochtone, pour rentrer ensuite chez soi en banlieue en fin de semaine et faire des commentaires sur le fardeau fiscal que représentent les Autochtones, soit une époque révolue. Notre confiance, notre estime culturelle et notre nombre augmentent. Ces changements ont des incidences pour les politiciens et pour d'autres groupes.
Cette évolution s'est toutefois faite au prix de nombreux conflits et de nombreux obstacles. Comme dans toute situation dans laquelle un individu est forcé d'agir de façon précise, il le fait parfois uniquement par besoin.
Le rôle de liaison est toutefois sous-évalué. Notre système culturel et notre communauté sont indissociables et, dans certaines régions, cela engendre des frictions. En termes de liaison, c'est pour ainsi dire comme si l'on créait une troisième culture, pour pouvoir fonctionner et négocier une bonne solution pour un enfant, un jeune ou une famille. Nous apprenons à définir notre valeur et à sensibiliser l'organisation à ce que nous lui apportons. Cette aptitude à la communication est d'une importance capitale.
Je sais que vous avez entendu le témoignage de M. Cardinal et d'autres personnes qui se sont appliquées à exprimer cette valeur que nous devons, bien entendu, toujours exprimer en anglais, puisque c'est la langue des systèmes en place.
J'espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Carney: En partie. Vous avez mentionné qu'il faut remplacer plutôt qu'ajouter; entendez-vous par là que vous comptez abattre les obstacles auxquels font face les Autochtones dans le système éducatif et leur donner davantage d'opportunités et qu'ils ne peuvent pas être traités comme des «pièces rapportées»?
Mme Jacobson: Oui, sinon, on n'y réfléchit qu'après coup. Il est nécessaire que ce soit une place aussi prédominante, qu'il s'agisse d'un programme scolaire ou de formation.
Le sénateur Carney: Et l'intégration?
Mme Jacobson: Oui. Je dois reconnaître que l'intégration est plus difficile. J'ai travaillé dans les deux milieux. Si je n'avais jamais dû abandonner ma culture, ou en serais-je maintenant? L'intégration est toujours plus difficile parce qu'il est nécessaire de tenir compte d'un beaucoup plus grand nombre de facteurs. L'intégration doit faire partie intégrante des programmes. J'apprends à des enseignants à comprendre ma communauté. Je travaille avec des enseignants qui ont des conflits avec les enfants et je dois trouver un moyen de les surveiller pour que le milieu d'apprentissage soit très propice. Je ne suis toutefois pas toujours disposée à le faire de bonne grâce.
Le sénateur Carney: Quelle est la méthode qui donne les meilleurs résultats dans ce contexte? Est-ce que la pratique la plus efficace consiste à donner des cours aux étudiants autochtones dans un contexte autochtone ou dans une paroisse autochtone, ou à le faire dans un milieu intégré?
Mme Jacobson: C'est un choix. Les non-Autochtones n'ont pas qu'un seul choix et par conséquent, je pense qu'il est nécessaire d'offrir plus d'un choix aux Autochtones. Ils devraient avoir plusieurs choix. J'ai quatre enfants, dont trois ont vécu dans un milieu intégré et l'un dans un milieu séparé. Ils s'en sont très bien tirés tous les quatre.
Le révérend Holland: Je suis du même avis que Heather sur ce point parce que les Autochtones veulent d'abord être traités comme des êtres humains. C'est ce qui nous permet d'être fiers de nos origines. Je veux d'abord être traité comme un être humain.
À ce propos, sénateur, lorsque j'ai immigré au Canada, je suis allé d'abord à Vancouver où j'ai suivi votre carrière politique pendant des années. Vous êtes un visage familier pour moi. Par conséquent, lorsque j'ai vu votre nom sur la liste, j'ai eu l'impression que j'allais voir quelqu'un que je connaissais déjà.
Le sénateur Carney: Avez-vous connu le père Leo?
Le révérend Holland: Peut-être. J'allais à l'église régulièrement. C'est toutefois lorsque je suis allé dans le Nord pour aider les Autochtones que je suis devenu membre de l'Église catholique.
Le sénateur Carney: Je lui remettrai vos compliments.
Le révérend Holland: Oui. Je suis issu d'un milieu baptiste du Sud et pentecôtiste. Je suis le seul catholique de ma famille.
Le sénateur Carney: Ça ne pose pas de problème parce que, dans le Nord, tous les catholiques sont également pentecôtistes.
Le révérend Holland: Nous formons une grande famille unie.
Le sénateur Pearson: Je ne sais pas si vous avez lu le livre intitulé Life of Pi, qui raconte l'histoire d'un jeune Indien fascinant qui est à la fois hindou, musulman, chrétien et qui voit l'aspect positif de toutes les religions. Il s'adapterait très bien à la société autochtone.
Au cours de nos audiences, nous avons entendu constamment des commentaires sur l'impact de l'éducation parentale. Vous avez fait allusion à l'éducation de la petite enfance et vous avez mentionné qu'il était important de confier ce rôle à des personnes très qualifiées. Est-ce que dans votre église, ou dans vos autres activités, vous vous intéressez à cette question de l'éducation parentale?
Le révérend Holland: Pas dans l'église proprement dite, parce que nous n'avons pas les fonds nécessaires. Nous sommes une paroisse du centre-ville. Les besoins sont toutefois énormes.
Il est nécessaire que nos systèmes scolaires s'intéressent à la question. Il y a des écoles inutilisées dans le centre-ville. On ne peut pas s'occuper uniquement de l'enfant. La famille joue un rôle très important. Je peux m'occuper d'un enfant après les cours et lui faire sentir qu'il est un être important, mais ce ne serait pas très utile si son père et sa mère le dévalorisent quand il est de retour à la maison.
Je n'ai pas tendance à condamner de façon catégorique les pensionnats. Les pensionnats étaient un produit de notre société et n'étaient pas uniquement réservés aux Autochtones. Les pensionnats étaient courants à cette époque. C'était un mode de prestation des services. Il n'était pas parfait, mais le mode actuel de prestation des services n'est pas parfait non plus.
Lorsque j'étais au séminaire, j'avais un professeur originaire du Canada, qui venait d'un diocèse de Victoria (Colombie-Britannique). Il disait que l'histoire n'était pas très reluisante mais qu'on l'embellissait. Dans les manuels d'histoire, on a tendance à présenter tous les personnages historiques sous leur plus beau jour.
Je suis originaire des États-Unis. Je considère les personnes qui ont signé la Constitution américaine comme des dieux. En réalité, ce n'étaient pas des dieux, mais des êtres humains ordinaires.
La vie est compliquée. Il est nécessaire de se serrer les coudes, pas seulement comme Autochtones, mais comme Canadiens, comme citoyens du monde, et d'aider les autres de notre mieux. C'est ce qu'il faut faire en ce qui concerne les Autochtones. Ils ont grand besoin d'aide pour développer leurs qualités au maximum et ils en sont capables. Il est nécessaire de changer les mentalités. Les Autochtones peuvent réussir aussi bien que tous les autres peuples, mais il faut leur offrir les mêmes possibilités. Il est nécessaire de s'assurer qu'ils reçoivent la meilleure éducation possible et d'apprendre aux parents à prendre soin de leurs enfants.
Nous avons mis en oeuvre deux programmes qui étaient financés par la Heritage Foundation et les résultats étaient impressionnants. Nous n'avions toutefois pas les bons contacts et le programme a été supprimé. Le gouvernement fédéral n'est pas partisan de l'octroi de fonds pour l'alimentation. On n'arrive toutefois pas à réunir un groupe d'Autochtones si l'on n'a pas de quoi manger à leur offrir. Dans toutes les rencontres, il faut prévoir un repas. Si nous faisons une réunion ici, il est nécessaire d'avoir du café à offrir. Nous apprenons à nous connaître en discutant autour d'un repas.
Nous organisons encore des vigiles à Sacred Heart. Nous sommes le seul groupe de la ville, pour toutes les religions, qui le fasse encore. Une vigile est un processus de guérison pour une famille. Les gens se réunissent et discutent en mangeant. La vigile joue le même rôle que la hutte. Dans la hutte, les Autochtones se réunissaient pour prier en mangeant. Ils apprenaient. C'est ce qu'il est nécessaire de faire. Il faut cesser de rejeter tous les torts sur les pensionnats.
Le sénateur Pearson: Je sais que nous voulons tous aller de l'avant dans ce dossier mais, dans le cadre de nos travaux, il est nécessaire de tenir compte de plusieurs points importants sur le système des pensionnats parce que nous avons entendu des commentaires sur les répercussions que ce système aurait encore sur des membres de la quatrième génération. Dans un cas, le problème n'était pas dû principalement à une question de qualité ou d'éducation, mais au fait que les enfants étaient généralement pris en charge contre la volonté de leurs parents.
Le révérend Holland: Dans certains cas.
Le sénateur Carney: Et dans d'autres, avec leur accord.
Le sénateur Pearson: Je ne dis pas dans tous les cas. Les enfants étaient pensionnaires et les parents ne les revoyaient généralement que pendant les quelques mois d'été. Les parents devaient s'adapter à leurs enfants pendant cette période.
Une des femmes qui a fait un exposé à Vancouver a mentionné que lorsqu'elle a eu ses premiers enfants, son expérience personnelle de la discipline était que celle-ci était punitive. Elle n'avait connu aucune autre expérience compensatoire dans sa communauté. C'est le type de facteur dont il faut tenir compte. Elle l'a reconnu et elle l'a appris; elle se débrouille très bien.
Ce ne sont pas uniquement les parents autochtones qui ont des problèmes. Dans la société contemporaine, les parents estiment que l'éducation de leurs enfants est leur rôle le plus important. Le problème est qu'ils le font par tâtonnements. Je pense que ce sont des problèmes humains bien réels. Consacrer du temps à des bébés et à de petits enfants est une tâche très exigeante.
Le révérend Holland: Quelqu'un m'a expliqué que les adultes qui ont été dans des pensionnats ont appris à être des surveillants parce qu'ils ont été élevés par des surveillants; ils n'ont pas appris à être parents. Les enfants imitent.
Il y a une conception du rôle des parents et des grands-parents qu'il est nécessaire de changer chez les Autochtones, mais pas de façon systématique, parce que certaines personnes s'en sont très bien tirées; cependant, un grand nombre d'entre eux, parce qu'ils ont été élevés dans un milieu institutionnel qui était impeccable et qui devait le rester, ont la même exigence à l'égard de leurs enfants. C'est l'éducation qu'ils ont reçue — pas tellement l'éducation, mais plutôt le modèle qu'ils ont vu.
Comme je l'ai déjà mentionné, j'aide beaucoup des personnes qui en sont à la cinquième étape du traitement, et pas seulement des Autochtones, mais toute personne qui a un problème. À une certaine étape de notre vie, il faut bien se dire: «À partir de maintenant, je prends la responsabilité de ma personnalité. Je tire les enseignements qui s'imposent de mon passé». Il est nécessaire d'apprendre à dire: «Je tirerai des leçons des problèmes qu'ont eus ma mère, mon père, mon grand-père ou mon arrière-grand-père». L'avantage dans la société contemporaine, c'est qu'on en parle. On ne passe plus ces problèmes sous silence.
Des jeunes familles ou des jeunes parents sont avides d'acquérir de meilleures compétences et d'apprendre des méthodes plus efficaces. Des programmes ont été mis en place à leur intention, mais ils ont beaucoup de responsabilités familiales et n'ont généralement pas les moyens de participer aux programmes. Ils n'ont généralement pas grand-chose à manger chez eux mais nous ne sommes pas autorisés à leur servir des repas. Nous ne pouvons pas leur donner des produits alimentaires. Nous devons avoir recours à des subterfuges pour nous assurer qu'ils mangent. Il est nécessaire que nos enfants mangent. On ne peut pas apprendre lorsqu'on a l'estomac vide.
Il est nécessaire de collaborer avec les parents. De nombreux jeunes ont des enfants. Nous devons les aider. Ce sont des bébés qui ont des bébés. Nous devons intervenir pour les aider.
Je reviens à la notion de l'action préventive pour éviter que nos enfants soient touchés par des problèmes auxquels nous devrons réagir plus tard. Nous n'avons peut-être pas toutes les solutions dans l'immédiat, mais il est nécessaire de prendre davantage de mesures préventives pour réduire les interventions réactives. J'espère que c'est efficace.
Mme Jacobson: J'aimerais faire un autre commentaire. La colonisation a fait beaucoup de tort au sein de la population, et je pense que toutes les nations du monde ont probablement connu la colonisation. La nôtre demeure un problème parce qu'elle est très récente.
Par conséquent, ce que nous demandons pour nos écoles, et probablement ce que nous devrions demander aux autres Canadiens et aux institutions canadiennes, notamment aux services éducatifs et aux services à l'enfance ainsi qu'à la justice, c'est d'être en relation mais qu'on nous permette d'avoir notre mot à dire sur la nature de cette relation. Nous aimons le Canada. Nous sommes sur la bonne voie. De nombreux changements intéressants se produisent. Si nous pouvons avoir une influence sur le rythme de cette relation et avoir un mot à dire sur sa conception et sur sa nature, nous serons les propriétaires de ce que nous créons et de ce que nous concevons.
Le sénateur Pearson: J'aime votre expression sur l'adaptation au rythme de la relation. Au cours de nos 51 années de vie commune, je pense que mon mari et moi avons tous les deux appris certaines leçons, non sans heurts, mais à un certain rythme.
Le révérend Holland: Le motif pour lequel on se marie et le motif pour lequel on reste ensemble sont parfois des motifs différents.
Le sénateur Sibbeston: Je pourrais faire des commentaires sur les pensionnats, parce que j'ai vécu en pensionnat pendant 12 ans.
Je pense que vos initiatives sont vraiment constructives. On est très optimiste pour l'avenir.
Le sénateur Carney: Je pense qu'il faut éviter soigneusement de créer des stéréotypes au sujet de certaines questions comme celle des pensionnats. Sans les pensionnats, un grand nombre de mes connaissances n'auraient pas reçu d'instruction. Grâce à cette instruction, un grand nombre d'entre elles sont devenues enseignants, avocats, ingénieurs, pilotes de ligne, et cetera.
Si je fais ce commentaire, c'est parce que l'image que l'on nous présente des institutions ne tient pas nécessairement compte de certains de leurs aspects positifs et je sais qu'il y en avait en Colombie-Britannique.
La présidente: Au nom de mes collègues, je vous remercie pour votre participation, père Jim et madame Jacobson.
Le témoin suivant est Mme Bronwyn Shoush.
Mme Bronwyn Shoush, directrice, Aboriginal Justice Initiatives Unit, ministère de la Justice de l'Alberta: J'apprécie cette occasion de vous rencontrer.
Je suis la première personne de ma famille à être titulaire d'un diplôme universitaire que j'ai obtenu il y a de nombreuses années. Je suis diplômée en chimie. Après avoir terminé mes études, je me suis mise à voyager. Mon projet initial était de voyager pendant quelques mois, mais j'ai finalement passé 11 années à l'étranger — le pire cauchemar pour des parents. J'ai travaillé à l'étranger. J'ai travaillé à Londres et dans le golfe Persique pendant plusieurs années. Certaines expériences que je mentionnerai aujourd'hui sont peut-être semblables à celles que j'ai vécues dans le golfe Persique.
Après cela, j'ai entrepris d'autres études universitaires et j'ai obtenu un diplôme de droit. J'ai terminé mes études de droit en 1991. Je me suis spécialisée en droit constitutionnel, en fédéralisme, en droit autochtone et en droit des traités. J'ai eu de nombreuses discussions sur l'unité nationale et sur les mesures que devraient prendre les Canadiens pour maintenir l'unité dans notre pays, sur les possibilités d'intégrer les diverses communautés et d'entretenir des relations entre elles.
C'est difficile d'être à la hauteur quand on fait son exposé à la suite de celui du père Jim. Il est extraordinaire et Heather aussi.
Je compte sur votre indulgence. Bien que je sois directrice de la Aboriginal Justice Initiatives Unit pour le ministère de la Justice et le Solliciteur général de l'Alberta, je ne prétends pas être la porte-parole de la Province. C'est le rôle des ministres. Ils savent toutefois que je suis ici et ont accepté que je participe à vos audiences. Je suis également membre du Conseil consultatif de l'Institut de la santé des Autochtones qui est l'un des Instituts de recherche en santé du Canada.
Lorsque j'ai reçu une invitation à participer à vos audiences, j'ai compris que j'allais faire un exposé sur certains problèmes de santé. Soyez donc indulgents.
La présidente: C'est bien.
Mme Shoush: Je pense que les commentaires qui ont été faits antérieurement au sujet de l'établissement d'une relation concernent un aspect très important de l'approche que nous adopterons avec les Autochtones, que ce soit dans les régions rurales, dans les régions isolées ou dans les régions urbaines. Puisqu'on nous demande de faire des commentaires sur les problèmes touchant les jeunes Autochtones urbains, je m'efforcerai de m'en tenir au contexte urbain.
Il y a deux ans, j'ai eu l'occasion de parcourir la province avec le ministre des Affaires autochtones et du Nord de l'Alberta, quand le gouvernement élaborait sa politique cadre pour les Autochtones. J'ai apporté un exemplaire de ce document pour vous le remettre.
Nous avons tenu des consultations dans de nombreuses collectivités. Ces collectivités ont établi des priorités. Elles voulaient une participation accrue à l'économie. La participation économique est donc la principale priorité. Elles voulaient ensuite qu'on leur donne accès à une infrastructure et à des services analogues à ceux qui sont offerts ailleurs. Elles voulaient que les rôles et les responsabilités des gouvernements soient clarifiés. Ce que nous avons trouvé intéressant, c'est que ces collectivités n'ont pas réclamé des programmes sociaux supplémentaires. Elles souhaitaient avoir des possibilités de participer activement à l'économie de la province. Elles ne réclamaient par conséquent pas d'autres types de programmes.
À la suite de ces consultations, le gouvernement de l'Alberta a adopté une Initiative en matière de politique autochtone. C'est une des quatre priorités du gouvernement qui touche tous les ministères. Le sixième objectif du gouvernement est que le bien-être et l'autonomie des Autochtones soient comparables au bien-être et à l'autonomie des autres Albertains. Tous les ministères interviennent. Tous les sous-ministres ont des responsabilités à ce chapitre.
Nous avons tenu d'autres consultations avec les collectivités, avec les colonies métisses, avec les Métis de l'Alberta, aux divers niveaux des traités, à savoir les traités 6, 7 et 8. Ces consultations nous ont aidés à identifier quelques objectifs. Ces objectifs concernent la santé et l'apprentissage. Les collectivités consultées pensaient que nous serions capables de réaliser des progrès sur le plan économique si nous trouvions des possibilités de permettre aux Autochtones de devenir de meilleurs «apprenants» et de tirer parti des occasions d'apprentissage, si l'on pouvait établir des programmes présentant un intérêt pour eux. Des objectifs ont été fixés en matière de santé pour trouver des possibilités de prendre davantage soin des enfants et des personnes âgées.
Le processus a été très intéressant. Les ministères responsables de cette initiative sont le ministère de la Justice, le ministère des Affaires autochtones et du Nord et les Services à l'enfance. Ils ont confié cette tâche à deux bureaucrates; je suis d'ailleurs l'une de ces deux bureaucrates. J'ai donc participé à de nombreuses réunions au cours des dernières années et j'ai eu l'occasion d'observer comment les divers ministères apprennent à collaborer. C'est un processus très intéressant.
Je suis certaine que l'on procède de la même façon à l'échelon fédéral et que l'on tente de trouver des possibilités de sortir de sa tour d'ivoire et de faire participer les personnes qui bénéficieront ou qui devraient bénéficier de cette initiative pour que l'opération soit une réussite.
Les Instituts de recherche en santé du Canada procèdent de la même façon. J'ai été membre de plusieurs comités de cet organisme. Grâce aux travaux de l'Institut de la santé des Autochtones, nous avons constaté que les Autochtones accordent une très grande importance aux problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Il est nécessaire de trouver une possibilité d'aider les collectivités dont certains membres sont aux prises avec des difficultés.
Elles sont également aux prises avec des problèmes de violence, notamment de violence conjugale et de violence dans la rue. La violence au sein de la famille se manifeste sous diverses formes et touche tous ses membres: les enfants, les femmes, les hommes et les Aînés.
J'ai eu l'occasion de collaborer avec l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies pour l'aider à trouver une initiative de recherche incluant des pratiques de recherche communautaires. Le projet consistait à faire collaborer des scientifiques avec les collectivités pour déterminer à quelles questions il était nécessaire d'apporter des réponses, puis de chercher ensemble des solutions aux problèmes relevés. Nous participons donc activement à des initiatives de recherche au niveau des collectivités.
Je participe également à l'établissement d'un code d'éthique pour la recherche. Je suis membre du Conseil consultatif sur l'éthique des Instituts de recherche en santé du Canada. Nous nous efforçons d'établir une politique en matière d'éthique qui tienne compte des conceptions autochtones du monde dans le cadre de l'élaboration de la recherche et de la fourniture de services de santé pour les Autochtones. Il est important que les gouvernements, à l'échelon provincial et fédéral, sachent que l'on peut aborder une question, un problème ou une opportunité, avec des visions du monde différentes. Les Autochtones examinent les problèmes sous un angle holistique.
Le recours à un modèle exclusivement médical pour tenter de régler un problème ne donnera peut-être pas les résultats espérés. Les chercheurs doivent examiner tous les problèmes et mettre d'abord l'accent sur un milieu familial et un milieu scolaire sécurisants afin de soutenir tous les membres de la famille qui vivent ensemble: Aînés, mère et père.
Nous leur avons recommandé d'examiner ce type de problèmes et de résister à la tentation de suivre des modèles strictement médicaux pour aider les Autochtones à régler les problèmes complexes auxquels ils doivent faire face dans le domaine de la santé.
Le même raisonnement s'applique au milieu d'apprentissage et je pense que les personnes qui ont parlé avant moi approuvent mes opinions à ce sujet. Le milieu d'apprentissage doit tenir compte de tous les aspects de la vie d'un enfant. Il est important de savoir que l'enfant vit peut-être dans un milieu familial qui n'est pas structuré, où il n'a pas eu l'occasion de prendre un déjeuner avant d'aller à l'école, où on ne lui impose aucune discipline en ce qui concerne les heures de coucher ou les devoirs scolaires à faire à domicile. L'apprentissage doit être la clé.
En me basant sur mon expérience personnelle, je pense que l'apprentissage est une des méthodes qui permettront aux Autochtones d'occuper une meilleure place dans la société. Il y en a d'autres. D'autres personnes qui sont influentes, y compris des Autochtones, ouvriront des portes. Un cercle de soutien les entourant depuis leur plus tendre enfance jusqu'à leurs années scolaires serait d'une aide précieuse pour les jeunes Autochtones. Il est nécessaire qu'ils puissent se tourner vers certaines personnes, vers des personnes qui sont en mesure de les aider.
J'ai passé mon enfance à Jasper Place et mes parents ne connaissaient pas les personnes influentes. Quand j'ai entrepris des études universitaires, j'ai toutefois appris à établir des relations avec d'autres personnes par l'intermédiaire des activités sportives. J'ai fait partie d'équipes de compétition. J'ai été championne canadienne de natation. Au cours de cette période, trois autres Autochtones — dont Willie Littlechild — sont devenus des champions canadiens dans une discipline sportive d'équipe. Notre participation à des activités sportives nous a permis d'acquérir des compétences en leadership, de travailler en équipe, d'aider d'autres personnes et de créer des réseaux. Je pense que l'on constate dans la société actuelle une déficience réelle à cet égard pour les jeunes.
Au début de l'année, j'ai eu l'occasion de participer à Crossroads 2002, une expérience extraordinaire. Il s'agissait d'une retraite pour des femmes et jeunes filles autochtones et pour d'autres femmes et jeunes femmes. Des femmes influentes d'Edmonton ont passé trois jours avec nous. C'était une excellente occasion pour les femmes autochtones et les jeunes étudiants de voir comment l'on pouvait établir des relations durables. Il ne s'agit pas de relations qui durent le temps d'une fin de semaine. Il s'agit de trouver des possibilités de collaborer, de décider de collaborer et de suivre les jeunes que l'on est intéressé à aider.
Cette fin de semaine, je procède de la même façon avec quelques jeunes qui voudraient entamer une carrière dans le domaine de la santé, à l'Université de l'Alberta. Les jeunes auront l'occasion de parler à diverses personnes. Ils seront encouragés à entreprendre des études universitaires qui leur permettront d'avoir accès à ce programme de carrières dans le secteur de la santé. Ils devront se discipliner et choisir des cours de science ainsi que les divers autres cours prérequis et se soumettre à tous les autres conditions nécessaires pour relever ce défi.
Le sénateur Sibbeston: Vous avez mentionné les activités gouvernementales en ce qui concerne les questions autochtones ou les initiatives concernant les Autochtones. Vous avez fait un résumé de l'approche adoptée par le gouvernement de l'Alberta pour tenter d'aider les Autochtones. Je suis heureux d'apprendre que le gouvernement de l'Alberta prend les Autochtones au sérieux et qu'il met en place des programmes efficaces en mettant tout particulièrement l'accent sur la santé.
Mme Shoush: C'est bien cela. La santé est un secteur où je me suis engagée à titre bénévole. Je suis membre du conseil des Instituts de recherche en santé du Canada et de plusieurs autres conseils d'administration, à titre bénévole. J'y consacre une partie de mon temps libre. Nous avons constaté qu'il est très important d'adopter des approches holistiques en matière de santé.
En février, j'ai assisté à une conférence de six jours à Bangkok, où l'on m'avait demandé de faire un exposé sur l'impact de la violence sur les femmes autochtones et sur l'influence de la violence sur les déterminants de la santé. La conférence était non seulement axée sur la violence dans le contexte familial, mais aussi sur la violence dans les conflits armés, le terrorisme et les autres types de problèmes de sécurité. De nombreuses sessions en petits groupes et de nombreux symposiums avaient été prévus. Un grand nombre de conférenciers participaient. C'était très intéressant de découvrir ce que les gens considèrent comme leurs priorités en matière de santé, parce que de nombreuses autres personnes ne les considéraient pas comme des problèmes liés à la santé.
La violence était considérée comme la priorité principale; la deuxième priorité était accordée aux problèmes de santé mentale et les toxicomanies étaient considérées comme la troisième priorité. Cet ordre des priorités a été établi en faisant une évaluation à laquelle ont participé les plus de 600 personnes qui assistaient à la conférence; il a fallu remplir des formulaires d'évaluation. D'autres problèmes qui ont été mis en évidence étaient liés au VIH/sida et à la sécurité alimentaire. On a toutefois accordé une grande importance à des problèmes de santé comme le diabète et le tabagisme. Je ne m'y attendais pas. Je ne pouvais vraiment pas imaginer les conclusions qui se dégageraient de cette conférence.
Le sénateur Sibbeston: Je voudrais savoir si, dans le domaine de la justice, le gouvernement de l'Alberta adhère au principe d'un autre type de justice pour les Autochtones, comme les conseils de détermination de la peine, qui est de plus en plus adopté par les Autochtones?
Mme Shoush: Oui. Le gouvernement de l'Alberta, par l'intermédiaire du solliciteur général, a établi plus de 90 comités de la justice pour les jeunes. Ce programme a remporté cette année la médaille d'or de l'Association canadienne des services publics. Il s'agissait d'une compétition serrée à l'échelle nationale couvrant un large éventail de domaines et ce sont les comités de la justice pour les jeunes qui sont arrivés en tête de classement. Ce programme a été sélectionné par cette association parce qu'elle le considère comme un modèle à imiter.
J'ai un emploi extrêmement intéressant. Je l'aime beaucoup. Je me déplace dans les collectivités pour les aider à donner une priorité aux problèmes dont elles pensent qu'il faut s'occuper.
J'ai discuté aujourd'hui avec les membres de deux communautés qui veulent porter leur attention sur le problème de la consommation abusive de médicaments sur ordonnance; nous avons convenu de trouver une possibilité de collaborer avec des personnes qui fournissent certains services dans la région où est située la communauté touchée. En ce qui concerne les initiatives en matière de justice autochtone, nous adoptons une approche qui consiste à aider les collectivités à décider quels problèmes elles veulent régler, puis à passer à l'action.
Les initiatives pour lesquelles nous n'avons pas fait participer les collectivités au processus décisionnel ont été un échec. Les tentatives ont également échoué dans les cas où des organismes nous ont fait la proposition suivante: «Nous avons un plan. Si vous nous fournissez des ressources, nous le mettrons en oeuvre pour vous». Nous avons constaté qu'il est nécessaire de collaborer et d'établir des partenariats avec les collectivités, et de les faire participer activement aux initiatives qui amélioreront leur situation.
Le sénateur Pearson: La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents entrera en vigueur le 1er avril. J'ai parrainé le projet de loi au Sénat et je suis donc très impatiente de voir si cette loi sera efficace.
Quelqu'un m'a dit qu'à Lethbridge, de nombreux jeunes Autochtones ont purgé une peine d'emprisonnement qui, dans de nombreux cas, avait été imposée pour des infractions administratives. On m'a dit que c'était surtout le cas en ce qui concerne des jeunes atteints du syndrome d'alcoolisme foetal ou des effets de l'alcool sur le foetus (SAF/EAF). Il s'agit d'un programme très innovateur qui a été conçu vraisemblablement par un agent de police. Avez-vous des informations à ce sujet? Il y a un lien avec un cercle d'intervenants.
Mme Shoush: Ce programme a été élaboré par des procureurs, par des employés des services correctionnels communautaires et par des membres de la tribu des Blood. Des comités de la justice pour les jeunes sont en place en Alberta; le premier a été créé à Fort Chipewyan il y a environ 12 ou 13 ans. C'est un concept autochtone qui a fait école. Des comités de la justice pour les jeunes ont été établis dans les centres urbains, dans les villes et dans les villages.
Je crois que je suis au courant de l'initiative que vous avez mentionnée. Elle repose sur la collaboration d'un procureur de la Couronne, de la police, des services correctionnels communautaires et de membres de la collectivité avec la personne en difficulté, pour trouver une possibilité d'élaborer un programme de surveillance intensive, qui permette de suivre cette personne afin de s'assurer qu'elle fait ce qu'on lui a demandé de faire.
Un système analogue — c'est une initiative formidable — est en place à la cour d'Alexis, à Alexis Nation, dans la banlieue immédiate d'Edmonton.
La présidente: C'est plus proche de Whitecourt.
Mme Shoush: Oui. Il s'agit d'un tribunal autochtone qui dispense des services dans la réserve depuis plus de dix ans; les juges et la collectivité collaborent. Depuis des années, les juges profitent de ce qu'on appelle leur «chamber days» pour se rendre dans la communauté et discuter avec les Aînés. Ils discutent du système judiciaire, des procédures judiciaires et de la loi. La communauté aide à son tour les juges et les procureurs à connaître la culture et les traditions du peuple Alexis. Les juges ont l'occasion de s'informer sur la structure sociale de la communauté. C'est un processus extraordinaire.
La présidente: Il comporte toutefois aussi de nombreux inconvénients. Nancy Potts est une Aînée de cette nation et dès le coucher du soleil, on ferme les portes à clé parce que les enfants se déchaînent. Ils n'ont aucune discipline ni aucun respect. Cette situation la préoccupe au plus haut point. Ce sont des Aînés de cette réserve et d'autres régions où les cercles de justice pour les jeunes ne sont pas assez efficaces qui m'en ont parlé.
Par conséquent, certains problèmes se posent également.
Mme Shoush: J'en conviens. Le Comité de la justice d'Alexis a fait les mêmes commentaires. Il l'a signalé aux juges et aux fonctionnaires du ministère de la Justice. Les membres du comité ont mentionné qu'ils aimeraient avoir un lieu de détention pour les jeunes qui vadrouillent toute la nuit. Cependant, il y a de fortes probabilités qu'ils seraient accusés d'avoir mis quelqu'un en détention sans avoir un mandat en bonne et due forme, donc d'agir illégalement. Ils ont mentionné qu'ils voudraient que l'on instaure des mesures qui seront efficaces dans leur communauté. Ils veulent qu'on leur laisse une certaine marge de manoeuvre pour que ce soit efficace.
C'est effectivement un point très important, madame la présidente.
Le sénateur Pearson: En prévision de l'entrée en vigueur de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, deux centres de détention pour jeunes ont déjà été fermés. D'après ce qu'ont mentionné des jeunes hier soir, à savoir que la culture de bande est renforcée dans les centres de détention, il est préférable d'éviter le plus possible la détention pour les jeunes.
Le concept du cercle d'intervenants de Lethbridge ne fait pas intervenir uniquement un agent des libérations conditionnelles; il consiste à inciter la communauté à surveiller les jeunes et à s'assurer qu'ils respectent les conditions de leur peine. En vertu des dispositions de la nouvelle loi, un jeune pourra purger une partie de sa peine en détention, mais il devra purger le reste de la peine dans la communauté; il sera donc nécessaire de mettre en place un processus de suivi.
Mme Shoush: J'aimerais revenir à une question qui a été abordée par la présidente, à savoir que certains Aînés se demandent comment cette nouvelle loi sera appliquée et craignent que les jeunes ne respectent pas la peine à laquelle ils ont été condamnés. Plusieurs communautés ont signalé qu'il est possible que des collectivités soient mises en charge de personnes qui étaient antérieurement placées dans un établissement de détention alors qu'elles n'ont pas la capacité d'assumer cette responsabilité. Ces communautés veulent avoir la possibilité de mettre ces fauteurs de troubles à l'écart de la communauté, pour un certain temps du moins. Elles signalent que si l'on ordonne à un jeune d'aller à l'école, il aura intérêt à bien se comporter.
Le sénateur Pearson: C'est un défi de taille. On a le choix entre la mise en détention, où ces jeunes seront en contact avec la culture des bandes, et une formule qui permettrait de collaborer avec eux dans la communauté. C'est une question de ressources. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est une loi fédérale, mais l'administration de la justice relève de la compétence des provinces. Alors que des fonds seront octroyés après la mise en place de cette loi, on n'a aucune garantie que ceux-ci seront investis de la façon prévue. La province aura tout intérêt à s'assurer que les fonds fédéraux qu'elle recevra seront destinés à ces mesures alternatives.
La présidente: Un autre facteur à prendre en considération est que les bénévoles sont généralement des Aînés et qu'ils ne sont pas rémunérés. Leur seul moyen de subsistance est une pension de vieillesse. La plupart d'entre eux reçoivent des prestations du RPC. Ils vivent dans la plus grande simplicité et leur niveau vie est nettement inférieur au seuil de la pauvreté. Ils ne reçoivent même pas des honoraires pour leur participation.
Le sénateur Pearson: Le Comité de la justice pour les jeunes peut-il se réunir pour en discuter?
Mme Shoush: C'est ce qu'il fait. Il en discute régulièrement.
Le sénateur Pearson: Est-ce qu'il fera des recommandations?
Mme Shoush: Oui.
La présidente: On discute à n'en plus finir. Il serait temps de passer à l'action. Plusieurs Aînés que je connais aimeraient beaucoup participer. Ils sont frustrés. La plupart d'entre eux se plaignent que les avocats soient grassement rémunérés pour leur participation alors qu'eux ne reçoivent aucune rémunération. Ils se sentent exploités et disent que l'on suit leurs recommandations mais qu'ils ne reçoivent jamais aucune rémunération. Ils s'estiment encore heureux lorsqu'ils reçoivent une tasse de thé. Il est vraiment nécessaire que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial étudient la possibilité de rémunérer les Aînés et les autres personnes qui participent à ces cercles avec ces jeunes.
Certains de ces jeunes sont très violents. Quand on punit un jeune, on se met souvent sa famille étendue à dos. Une formation accrue est nécessaire. Je ne suis plus active dans ce milieu depuis un certain temps et la situation a peut-être changé, mais je sais que c'était ainsi il n'y a pas plus d'un an.
Mme Shoush: Je ne suis pas active dans la division de la formation, bien que j'aie des liens étroits avec elle. On a organisé de la formation au cours des 12 derniers mois et elle est en cours actuellement. On tient des ateliers intensifs pour aider les collectivités à connaître les règlements qui leur seront imposés à partir du 1er avril. Je pense que ce sera un défi. De nombreuses possibilités d'apprentissage se présenteront au cours de ce processus.
Le sénateur Pearson: C'est une nouvelle occasion, mais certains problèmes y sont associés. D'autres facteurs entrent en jeu. Des problèmes de violence et de santé mentale se posent, et pas seulement dans les communautés autochtones, mais dans bien d'autres milieux également.
Avez-vous des programmes ou des méthodes à suggérer qui permettraient de réduire la violence apparemment omniprésente?
Mme Shoush: Chaque été, je participe à deux ou trois rencontres d'Aînés. Ce sont des occasions très intéressantes. Je peux mentionner des initiatives qui seraient utiles, d'après eux, dans leurs collectivités. Les Aînés demandent à leurs enfants adultes de reconnaître qu'ils ont peut-être des problèmes à régler et de devenir des parents responsables. C'était très intéressant d'entendre les Aînés dire: «Certaines choses t'ont peut-être manqué quand tu étais enfant. Tu es peut- être allé dans un pensionnat ou ailleurs, mais tu as maintenant des enfants, ou même des petits-enfants. Tu ne prends pas suffisamment soin de tes enfants».
Les Aînés n'y sont pas allés par quatre chemins en ce qui concerne les responsabilités que les parents ont à l'égard de leurs enfants. On signale aux parents que leurs enfants passent avant tout le reste. Les Aînés leur ont parlé de consommation abusive de boisson et leur ont recommandé de rester à la maison avec leurs enfants.
Ces problèmes ne sont, bien entendu, pas l'apanage des Autochtones. Les Aînés n'y sont toutefois pas allés par quatre chemins. Ils signalent en outre qu'il est nécessaire que les parents guident assidûment leurs enfants dans les domaines plus intimes, et qu'ils leur recommandent de faire preuve de prudence dans leurs relations sexuelles, ce qui est très difficile pour des Autochtones. De jeunes adolescents ont des enfants. Ils ne sont pas assez âgés pour être parents. Ils n'ont même pas encore vécu toute leur jeunesse; ils n'ont pas terminé leurs études. Ça pose un problème.
Le sénateur Pearson: En ce qui concerne le problème de la santé sexuelle et génésique, deux facteurs m'ont frappée. L'un d'entre eux représente l'aspect négatif. Un jeune homme qui a témoigné a signalé que la plupart des jeunes, en particulier les filles, ne savent même pas que l'expression «faire l'amour» a un rapport avec la sexualité. Ce jeune homme avait participé à un atelier ou à une activité semblable.
Par conséquent, pour ces jeunes femmes, ce manque de lien entre la sexualité et l'amour signifie probablement qu'elles n'ont pas été aimées et que leurs parents ne l'ont pas été non plus, probablement. Il est essentiel de tenter de régler ce problème.
Dans certains centres autochtones, on organise des cliniques de santé sexuelle et génésique où l'on tient des discussions sur ces questions. C'est un problème important. Il est essentiel de trouver une possibilité de le régler. La meilleure solution consiste à déléguer la responsabilité à la collectivité et aux membres de la famille étendue. Si les parents sont incapables de s'acquitter de cette responsabilité, les tantes pourront peut-être le faire. Je ne suis pas certaine que les grands-mères en soient capables.
La présidente: Les jeunes ont pris eux-mêmes l'initiative à Calgary. Ils ont pris les devants et ont décidé de s'entraider.
Le sénateur Pearson: C'est une initiative entre pairs.
Il est indéniable que les enfants étaient traditionnellement aimés. Plusieurs des témoins que nous avons entendus ont vu complètement changer leur vie quand ils ont eu des enfants. Je ne recommande pas nécessairement d'augmenter l'âge, mais je pense que certaines jeunes filles tombent enceintes pour de mauvaises raisons.
Mme Shoush: Le problème du sida est très répandu chez les Autochtones. Il est essentiel de prendre des mesures pour protéger les jeunes. Les Autochtones éprouvent de toute apparence de la réticence à admettre que c'est un problème grave et qu'il est nécessaire de s'y intéresser.
La présidente: Un club pour personnes à deux esprits a été ouvert à Calgary. Il paraît qu'il y en a un à Toronto également. On n'a pas entendu parler de club de ce type à Vancouver, mais à Toronto, et surtout à Calgary, on y tient des discussions sur les problèmes liés aux personnes à deux esprits, sur le VIH/sida, les grossesses chez les adolescentes et d'autres problèmes liés à la sexualité. Il serait peut-être bon de se renseigner auprès de ce club de Calgary.
Mme Shoush: J'en suis consciente. Plusieurs autres initiatives à travers le Canada sont financées par des subventions de recherche. L'Institut de la santé des Autochtones en finance quelques-unes. C'est une façon de faire participer les collectivités aux discussions sur ces problèmes et d'élaborer une approche communautaire à ces problèmes.
Le sénateur Pearson: Vous avez mentionné le problème du VIH/sida. Je sais que d'après certaines études, dans l'est du centre-ville de Vancouver, le pourcentage des personnes atteintes du VIH/sida est aussi élevé que dans plusieurs pays africains.
Mme Shoush: Oui. La perspective que les Autochtones soient décimés par cette maladie est très inquiétante. Il faut intervenir d'urgence. Il est nécessaire de trouver des solutions pour protéger les enfants lors de leur passage à l'adolescence, à l'âge auquel ils commencent à s'intéresser au sexe. Il est nécessaire de trouver des façons de les sensibiliser aux risques qu'ils pourraient courir et de les protéger.
Le sénateur Pearson: Nous n'avons pas demandé aux témoins qui représentent le milieu de l'éducation s'ils organisaient des cliniques de sensibilisation au sida dans leurs écoles. Le savez-vous?
Mme Shoush: Je pense que certaines écoles secondaires du premier cycle abordent les questions de santé sexuelle. Je ne suis toutefois pas sûre qu'elles abordent la question du sida ou si celle-ci est au programme d'études de niveau secondaire. Des programmes de sensibilisation à la santé sexuelle ont toutefois été mis en place. J'ignore ce que les jeunes retirent de ces occasions d'apprentissage. Je pense qu'une approche axée sur les pairs serait plus efficace.
Lorsque j'étais à l'école secondaire et que j'avais 14 ans, nous avions des discussions de 20 minutes sur les menstruations. Les garçons étaient conduits dans une autre classe. C'était à peu près tout en matière d'éducation.
Le sénateur Pearson: On faisait également des exposés sur les maladies sexuellement transmissibles, mais c'étaient des exposés très cliniques.
Mme Shoush: Oui. C'était le genre d'exposé qu'on oubliait.
Le sénateur Pearson: Il est nécessaire de prendre des mesures dans ce domaine au Canada. Le problème n'est pas exclusif à la communauté autochtone.
Mme Shoush: Les pourcentages sont toutefois particulièrement élevés chez les Autochtones. C'est un des problèmes au sujet desquels il est nécessaire d'aider les jeunes, dans les centres urbains et dans les régions rurales.
La présidente: Je vous remercie pour votre participation.
Nous accueillons maintenant Debbie Coulter et Lewis Cardinal qui représentent l'Edmonton Aboriginal Urban Affairs Committee (Comité des affaires autochtones d'Edmonton).
M. Lewis Cardinal, président, Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton, Ville d'Edmonton: Oui. Je vous présente M. Robb Campre. Il est également membre de l'Edmonton Urban Aboriginal Affairs Committee.
Je présente les compliments du Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton. Nous sommes reconnaissants pour cette occasion de faire un exposé sur certains problèmes qui nous tiennent à coeur. Notre comité considère les jeunes comme une de ses principales cibles stratégiques pour cette année. Dans le cadre du processus de nos traditions autochtones, nous avons instauré des sous-comités responsables de nos principaux secteurs stratégiques et nous avons décidé de demander au Sous-comité de la jeunesse de l'Edmonton Urban Aboriginal Affairs Committee de préparer un exposé pour les audiences du Sénat sur les problèmes qui touchent les jeunes.
L'Edmonton Urban Aboriginal Affairs Committee a été créé il y a sept ans. Chaque année, nous collaborons avec nos partenaires de la communauté afin d'examiner les questions et les préoccupations qui peuvent être portées à l'attention du conseil municipal et du maire. Nous transmettons également les préoccupations ou les questions qu'ont le conseil municipal et le maire aux communautés autochtones. Nous sommes donc un comité de facilitation.
Notre comité est composé de 16 membres qui constituent un échantillon représentatif de la communauté autochtone de la ville d'Edmonton. Notre rôle est de faciliter et d'accélérer le changement à la ville d'Edmonton. J'aimerais maintenant présenter Debbie Coulter, qui se chargera de faire l'exposé.
Mme Debbie Coulter, membre, Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton, Ville d'Edmonton: J'ai préparé une esquisse des divers problèmes mentionnés dans la lettre d'invitation que nous avons reçue.
Le premier point consiste à identifier les problèmes clés. Ils sont nombreux et nous avons décidé de n'aborder que les plus graves. Le premier est, bien entendu, la pauvreté. Nos jeunes ont désespérément besoin de fonds ou d'emplois.
La discrimination est un autre problème. Les jeunes sont quotidiennement victimes de discrimination. Un des membres de notre Sous-comité de la jeunesse travaille au Nechi Training, Research & Health Promotions Institute. Cet institut s'intéresse aux problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie. Cette personne dirige également l'organisme de la ville qui s'occupe des personnes à deux esprits.
Un autre problème majeur pour nous est celui des bandes, à savoir la criminalité et les criminels, et la culture que cette criminalité intègre à la culture autochtone — les rites de passage auxquels sont soumis les jeunes garçons qui sont incarcérés.
Les programmes axés spécifiquement sur les jeunes sont insuffisants. Il n'y a pas assez d'espaces récréatifs. Les modèles parentaux et les bonnes pratiques parentales font largement défaut.
Un des facteurs responsables des problèmes que nous avons identifiés est le pourcentage élevé de jeunes Autochtones dans les régions urbaines. J'ai apporté un exemplaire de l'étude intitulée «The Urban Aboriginal People in Western Canada: Realities and Policies» qui a été publiée par la Canada West Foundation. Les statistiques de cet organisme indiquent que, dans les provinces de l'Ouest, les Autochtones représentent 65,2 p. 100 de la population totale. J'ai ajouté ce rapport à la documentation.
J'y ai également inclus un exposé en PowerPoint sur le Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton que j'espérais utiliser aujourd'hui, mais l'ordinateur n'est pas fonctionnel. On pourrait peut-être en imprimer quelques exemplaires pour vous plus tard.
La présidente: Nous pourrions probablement le faire mardi, quand nous serons de retour à Ottawa.
Mme Coulter: Un autre facteur est l'attention que les médias accordent aux informations négatives concernant les jeunes Autochtones. Deux fois sur trois, les nouvelles concernant les jeunes sont mauvaises. Les opinions sont souvent stéréotypées. Les parents sont aux prises avec leurs problèmes personnels; en outre, les Aînés et les jeunes ont perdu le contact.
Vous demandez de l'information sur les programmes et les services. Le Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton a préparé une brochure intitulée: Programs and Services for Aboriginal Edmontonians «que j'ai ajoutée à la documentation. Elle contient des informations sur les divers programmes et services qui sont accessibles aux jeunes Autochtones.
On relève des lacunes dans ces services, notamment: un soutien transitoire insuffisant pour les jeunes pris en charge; une surcharge des services en place, une pénurie de travailleurs auprès des jeunes Autochtones ayant une formation adéquate et l'absence de financement régulier à longue échéance pour les programmes pour les jeunes mis en place dans le cadre de ces services. Par ailleurs, les programmes pour les jeunes Autochtones atteints d'un handicap sont quasi inexistants et les travailleurs sociaux autochtones n'ont pas l'information sur les déficiences qui leur serait nécessaire.
Vous demandez également des statistiques sur les services. Nous avons inclus un exemplaire du plan d'action sociale pour la ville d'Edmonton qui contient des statistiques à partir de 1996. On y met en évidence le fait que la population autochtone d'Edmonton ne représente qu'environ 4 p. 100 de la population totale de la municipalité. À un autre endroit, ce plan indique que les enfants autochtones pris en charge représentent 42 p. 100 des enfants d'Edmonton pris en charge et 46 p. 100 des enfants pris en charge par les services de protection de l'enfance. Par conséquent, même si le pourcentage d'Autochtones est minime dans la ville, ils sont trop présents dans les systèmes d'aide.
La plupart des fonds destinés aux jeunes Autochtones sont axés sur les projets, ce qui exclut les possibilités de développement ou de soutien à long terme comme le financement offert dans le cadre du programme des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones. C'est un très bon financement, mais il n'est pas durable.
M. Robb Campre, directeur, Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton, Ville d'Edmonton: Je compte donner un bref aperçu de mes antécédents et expliquer les événements qui m'ont poussé à m'intéresser aux questions autochtones, et plus particulièrement aux jeunes Autochtones.
Je suis membre d'une bande des Premières nations de Fort McKay. J'ai passé mon enfance dans la région d'Edmonton, et plus précisément dans le quartier de Beverly, qui est un quartier de passage où le taux de pauvreté et de criminalité est élevé. Un des facteurs qui m'a aidé à rester dans le droit chemin est le fait que j'avais beaucoup d'activités sportives et récréatives. Je pense que si je n'avais pas eu cette soupape, je ne serais pas ici aujourd'hui. Je serais peut-être une des personnes qui font les statistiques qui font beaucoup de bruit à l'heure actuelle.
Je voulais aider les jeunes et tenter d'établir des programmes et des services qui permettraient à un plus grand nombre de jeunes Autochtones de participer à des activités récréatives valorisantes. Les jeunes ont beaucoup d'aptitudes, mais ils ne participent pas en aussi grand nombre aux sports réguliers que les non-Autochtones. Je me demande pour quelles raisons les jeunes Autochtones se heurtent à cet obstacle.
Je pense que certains facteurs sont les difficultés de transport, le coût de l'équipement et les coûts d'inscription. Ce sont là quelques-unes des principales raisons pour lesquelles les jeunes Autochtones ne participent pas à ces activités. Lorsqu'une famille a déjà de la difficulté à subvenir à ses besoins alimentaires, elle est dans l'incapacité de faire des dépenses pour les activités récréatives.
Au cours des deux dernières années, j'ai amené environ 300 enfants à Sports Central pour leur procurer de l'équipement. Je dirais que 85 p. 100 de ces enfants sont des Autochtones. Je suis l'entraîneur de deux équipes. Ces enfants participent maintenant à des activités constructives. Je pourrais citer quelques exemples.
La présidente: Monsieur Campre, pourriez-vous expliquer à mes collègues ce qu'est Sports Central?
M. Campre: Sports Central est un organisme qui a été créé dans le but de distribuer de l'équipement aux enfants et aux familles qui n'ont pas les moyens de s'en procurer. C'est un organisme bénévole. Il est entièrement financé par des dons et par d'autres sources analogues. Il distribue de l'équipement non seulement à Edmonton, mais dans tout le nord de l'Alberta et dans les territoires également, y compris dans le nouveau territoire du Nunavut.
J'aimerais mentionner le cas d'un enfant sur lequel les activités sportives ont eu une bonne influence. Un des jeunes de mon équipe est issu d'une famille monoparentale qui compte quatre garçons. Il a 13 ans et il est le plus jeune membre de la famille. Ses frères aînés font malheureusement partie de bandes. Depuis trois ans, il s'intéresse tout particulièrement au hockey. Je l'ai encouragé à devenir bénévole, puis arbitre. Aujourd'hui, il joue non seulement au hockey, mais il est bénévole et remplit également les fonctions d'arbitre, pour lesquelles il est rémunéré.
Il a pris toutes ces décisions de son plein gré. Il cherche actuellement un emploi à temps partiel. Il a des activités saines et évite de se laisser entraîner dans le genre d'activités auxquelles s'adonnent ses frères.
Ce n'est qu'un exemple. Je pense que le nombre d'enfants participant à des activités criminelles ou violentes diminuerait si l'on pouvait offrir à un plus grand nombre d'enfants désavantagés comme lui la possibilité de participer à des activités récréatives saines. Comme l'a mentionné Mme Coulter, le pourcentage des Autochtones parmi les jeunes pris en charge par les services à l'enfance et par les organismes sociaux est trop élevé.
À quoi est due cette situation? Elle est liée en grande partie à des carences au niveau du financement et aux familles. La plupart de nos familles sont monoparentales. Un nombre extrêmement élevé de jeunes mères doivent élever leurs enfants seules alors qu'on n'a pas mis en place des mécanismes de soutien efficaces qui leur permettraient de subvenir aux besoins de leur famille en matière d'alimentation et de logement. Elles ont donc beaucoup de difficulté à faire participer leurs enfants à des activités récréatives.
Le taux de décrochage scolaire est élevé parmi les Autochtones. Deux jeunes sur trois seulement terminent leurs études. Ceux qui ne sont pas à l'école se laissent généralement entraîner dans des activités criminelles ou d'autres activités qui mènent à la criminalité: prostitution, grossesses précoces et grossesses chez les adolescentes. Les statistiques révèlent que le pourcentage d'Autochtones est extrêmement élevé dans ces domaines.
Il doit bien y avoir une possibilité d'enrayer cette tendance. D'après l'expérience que j'ai acquise avec les enfants au cours des dernières années, je pense que ce serait possible en aidant les familles à faire participer leurs enfants à des activités valorisantes, c'est-à-dire à des activités sportives ou culturelles.
Mme Coulter: Je voudrais faire des commentaires sur les pratiques exemplaires. Certaines des pratiques exemplaires que nous avons identifiées dans le cadre de nos activités sont liées à de nombreux programmes et services offerts à travers la ville par des organismes tels que la Oteenow Employment and Training Society (emploi et formation), qui aide les jeunes Autochtones, le Aboriginal Career and Employment Centre, qui est actif dans le domaine de l'emploi, et la National Aboriginal Health Organization (organisation nationale de la santé autochtone), qui établit maintenant des programmes apparemment très prometteurs pour les jeunes, bien que l'on ne sache pas encore très bien quel sera leur impact.
Il convient de signaler également des organismes comme l'Aboriginal Youth Network (réseau autochtone pour les jeunes), administré par l'intermédiaire du Nechi Institute, ainsi que des sources de référence et des tribunes pour jeunes Autochtones sur Internet. Le Nechi Institute a mis en place quelques programmes intéressants pour les Autochtones. Et on n'a, bien entendu, que des éloges à faire au sujet de l'Académie Amiskwaciy.
Les activités culturelles organisées au Canadian Native Friendship Centre sont très efficaces pour beaucoup de jeunes Autochtones. Le centre organise des pow-wows et bien d'autres activités. La Red Road Healing Society (société de guérison Red Road) d'Edmonton a une troupe théâtrale de jeunes qui s'active à sortir les jeunes de la rue et à les inciter à consacrer leurs énergies à des activités plus créatrices.
Le programme d'intervention auprès des jeunes de la Ben Calf Robe Society est un des meilleurs que je connaisse. Il fait intervenir des parents et s'adresse aux jeunes de tous âges, du niveau de la prématernelle jusqu'au niveau secondaire. Ce programme organise des cours d'initiation aux activités artistiques et artisanales, des activités récréatives et des activités sportives d'équipe. Je sais que les membres de bandes qui participent à ce programme abandonnent les couleurs de leur bande avant d'entrer en classe. Ils ont d'excellentes relations avec les jeunes.
M. Campre a apporté un document intitulé «Inclusion sociale» qui a été préparé par la Fédération canadienne des municipalités, si je ne me trompe. Je lui laisse le soin de faire des commentaires plus précis à ce sujet.
M. Campre: Ce document a été préparé avec l'aide de la Laidlaw Foundation. Il s'agit d'un organisme de Toronto qui étudie la possibilité d'établir une stratégie permettant aux municipalités régionales d'être plus inclusives. La fédération, à titre de coalition nationale des municipalités régionales, fait du lobbying auprès du gouvernement fédéral pour obtenir des fonds destinés spécifiquement à financer des activités dans ce domaine. La capacité des municipalités de financer des programmes de ce type est restreinte.
Dans le cadre de la table ronde, la fédération s'est déplacée à travers le Canada et a fait divers sondages. Une des questions était: «Quel serait le meilleur type de financement pour ces programmes — municipal, provincial ou fédéral?». La réponse la plus fréquente est: fédéral; le financement provincial vient en deuxième position et le financement municipal en troisième. Les réponses à la question: «Qui serait le plus apte à diriger ces services de façon à répondre efficacement aux besoins de la communauté?» ont donné les résultats suivants: première position, les municipalités; deuxième position, les provinces, et troisième position, le gouvernement fédéral.
Il y a un déséquilibre. Le gouvernement fédéral possède les fonds nécessaires mais n'a pas la capacité directe de répondre aux besoins de ces collectivités. On espère par conséquent former une coalition nationale chargée de faire du lobbying auprès du gouvernement fédéral afin de répondre aux besoins des municipalités régionales. Voici le document en question. Il a été préparé par Peter Clutterbuck et Marvyn Novick. Marvyn Novick est professeur de sociologie à l'Université de Toronto. C'est un document très bien écrit et vous y trouverez peut-être des informations très intéressantes.
Nous avons fait une présentation à Ottawa en décembre. L'honorable Jane Stewart était une de nos porte-parole vedettes. Elle comprend la nature de nos efforts et notre raison d'être. Nous avons l'appui nécessaire. Il ne reste plus qu'à faire de la sensibilisation à l'échelle nationale pour donner à cette initiative tout l'élan nécessaire.
Mme Coulter: Nous avons relevé plusieurs autres pratiques exemplaires à travers toute la ville. Le local des danses culturelles métisses est un très bon endroit — et un des seuls de la ville — où les jeunes Métis peuvent avoir des contacts avec leur culture. Il y a aussi les programmes sociaux de la Bent Arrow Society. C'est elle qui administre les programmes pour la zone ouest de la ville alors que Ben Calf Robe administre les programmes pour la zone est.
Notre Sous-comité pour les jeunes s'est réuni dernièrement pour faire des recommandations au sujet des besoins de financement et de la participation des jeunes Autochtones. Nous avons cinq recommandations à présenter.
La première recommandation est que le financement des programmes destinés spécifiquement aux jeunes soit accru dans tous les secteurs et qu'il ne soit nullement lié au statut. Un des principaux problèmes qui se pose dans la ville est que le financement des programmes autochtones est scindé selon qu'il s'agit d'Autochtones visés par des traités, d'Indiens non inscrits, et cetera. Pourtant, dans la ville, ils sont tous ensemble. Il est pratiquement impossible de mettre en place un programme ne s'adressant qu'aux Indiens visés par les traités dans la ville d'Edmonton; ce serait totalement inefficace.
Notre deuxième recommandation est d'élaborer une approche globale et coordonnée pour tenter de résoudre les problèmes complexes qu'ont les jeunes avec la loi. Il est, bien entendu, nécessaire de tenir compte de la pauvreté, du faible niveau d'instruction, bref de toutes les données démographiques que nous avons communiquées. C'est une question extrêmement complexe. Une approche coordonnée à divers paliers de gouvernement, et pas seulement au palier fédéral, sera essentielle.
Notre troisième recommandation est que les programmes sociaux soient élargis en proportion du nombre de jeunes Autochtones dans certains secteurs de la ville. La situation est telle que l'on peut maintenant dénombrer les jeunes qui résident dans un secteur précis. Leur nombre est donc très élevé dans certains secteurs. Les services de police utilisent notamment cette information pour cibler leurs programmes. Nous avons pensé que ça pourrait être utile.
La quatrième recommandation est que l'on fasse une étude plus approfondie sur la question de la gouvernance urbaine et que l'on mette en place des politiques qui incluent les jeunes Autochtones. C'est une question d'importance capitale à nos yeux. À titre de Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton, il nous incombe de jouer un rôle de chef de file dans l'établissement de ce type de modèle de gouvernance urbaine. Il sera nécessaire de se demander sous quelle forme il se présentera et comment il sera applicable. Il sera nécessaire de tenir compte des divers paliers de compétences et d'autres facteurs semblables. La gouvernance urbaine nous pose un problème majeur avec lequel nous sommes aux prises depuis un certain temps. Il nous serait utile d'avoir un peu d'aide pour examiner cette question.
Enfin, nous recommandons que les jeunes Autochtones jouent un rôle actif dans la conception et la fourniture des programmes et des services pour jeunes Autochtones. Nous avons constaté que l'approche axée sur les pairs est beaucoup plus efficace auprès des jeunes que les programmes sociaux.
M. Campre: En ce qui concerne le financement, la plupart des familles disposent de ressources financières limitées. Les familles qui reçoivent des prestations d'aide sociale reçoivent un certain montant pour les programmes récréatifs ou culturels. Lorsque ce montant est épuisé, les fonds nécessaires pour la participation à ces programmes doivent être prélevés sur le budget de subsistance. C'est une situation très difficile pour les familles qui n'ont pas les ressources financières nécessaires pour répondre aux besoins de leurs enfants. Je pense qu'un plafond annuel par enfant a été établi, ce qui limite la capacité de ces enfants de participer à ce type d'activités. La participation à des activités sportives peut être coûteuse. L'aide à la famille n'est pas adaptée aux besoins actuels; les sommes qui lui sont allouées ne correspondent pas aux coûts réels des activités récréatives.
Il y a quelques années, j'étais directeur sportif d'un organisme appelé «White Buffalo Athletic Club». Je créais les programmes en tenant compte des opinions d'un comité directeur consultatif composé de jeunes. Le fait que les jeunes puissent donner leur opinion et établir l'orientation du programme était très intéressant; le programme était mieux adapté à leurs besoins et ils y participaient de façon plus active.
Le sénateur Pearson: Je pense que nous nous intéressons tous au problème de la gouvernance. Vous êtes probablement légèrement en avance sur nous dans ce domaine. Deux questions de gouvernance ont été signalées au cours de nos audiences. L'une concerne l'éducation. Conviendrait-il d'établir un conseil scolaire autochtone distinct du conseil des écoles publiques ou de la commission des écoles catholiques? Si oui, quelle devrait en être la portée? Vous pourriez peut-être y réfléchir. J'aimerais savoir s'il y a des Autochtones parmi les membres du conseil municipal.
Une des questions qui se posent est: «Comment peut-on accroître la participation politique des Autochtones?» Il convient également de se demander si ce serait une bonne idée d'instaurer un conseil scolaire autochtone distinct. Je n'ai pas d'idée préconçue. Qu'en pensez-vous?
M. Cardinal: Notre comité est un comité bénévole. Les 16 membres du comité sont bénévoles; aucun des postes n'est rémunéré. En raison de notre mode de fonctionnement, nous sommes un organisme impartial. Aucun membre du comité ne représente un organisme politique, un organisme représentant les Indiens visés par un traité ou un organisme axé sur le statut. Nos préoccupations communes sont le bien-être et le développement des capacités de la collectivité.
En s'intéressant à la question de la gouvernance urbaine, notre comité tente d'influencer le programme municipal pour que les divers problèmes soient examinés. C'est une des façons de procéder pour tenter d'examiner et de régler les questions avec lesquelles nos communautés seront aux prises au cours des prochaines années. Nous ne nous considérons pas comme un organisme représentant une entité politique. Les dirigeants politiques le font déjà. Ce serait au-delà de nos capacités. Cependant, si nous facilitons le débat, nos communautés et dirigeants politiques auront l'occasion de s'engager activement dans des discussions.
Ce qui est très important pour nous, c'est d'inciter une collectivité à réagir aux problèmes. Nos dirigeants politiques ne sont pas toujours les porte-parole de notre peuple. Par conséquent, il est nécessaire qu'un processus permettant aux citoyens de communiquer avec les dirigeants politiques et avec les autorités municipales soit mis en place.
Le sénateur Pearson: Vous signalez que vous êtes des bénévoles. Je présume toutefois que sur le plan administratif, vous êtes rattachés au conseil municipal. Votre comité ne s'est certainement pas créé spontanément. Y a-t-il une structure par le biais de laquelle on vous consulte?
M. Cardinal: Je pense que c'est en 1994 que le maire Jan Reimer a suggéré de créer un comité consultatif autochtone. Le comité a ensuite été officiellement intégré à la structure de la corporation de la Ville d'Edmonton. Lorsque nous choisissons nos membres, le nom des candidats proposés est communiqué au conseil municipal qui approuve les choix. Nous avons notre place. Sur le plan administratif, nous faisons officiellement partie de la structure de la Ville d'Edmonton. Je pense que cette structure peut appuyer davantage une stratégie de communication qui permettrait à notre comité d'être plus actif dans les secteurs de la gouvernance urbaine et qui permettrait aux Autochtones de se faire entendre davantage.
Le sénateur Pearson: Pourriez-vous faire quelques commentaires sur les efforts que l'on pourrait faire pour encourager les jeunes Autochtones à être plus engagés sur le plan politique? Est-ce que la question suscite un certain intérêt?
M. Campre: Je peux citer un exemple. L'année dernière, nous avons cautionné un programme financé par le ministère du Patrimoine canadien dans le cadre de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones, avec l'Académie Amiskwaciy, qui est une école secondaire autochtone. Nous avons parrainé un programme d'animateurs, de moniteurs de natation et de sauveteurs pour les Autochtones. Il s'agit d'un programme de six mois qui permettra à 16 jeunes Autochtones de recevoir la formation nécessaire pour devenir sauveteurs et moniteurs de natation accrédités. Lorsque ce cours sera terminé, ils pourront postuler un emploi à la municipalité d'Edmonton.
C'est un programme prometteur à long terme. Au Department of Community Services (département des services communautaires), 30 p. 100 des cadres actuels ont débuté comme moniteurs de natation et sauveteurs. Si certains enfants débutent à un niveau très bas dans la structure hiérarchique municipale, c'est du moins une porte d'entrée. Ils acquièrent des compétences qui répondent aux critères de recrutement de la municipalité d'Edmonton.
Nous espérons que, grâce à un effet d'entraînement, les Autochtones seront un jour mieux représentés au sein de la direction de la municipalité d'Edmonton. Actuellement, les Autochtones représentent 0,01 p. 100 des employés municipaux. La représentation autochtone est donc minime.
Un de nos comités examine la possibilité d'élaborer des stratégies ayant pour but d'augmenter le pourcentage d'employés municipaux autochtones.
Mme Coulter: J'aimerais signaler que notre comité accorde chaque année un prix d'excellence à quatre jeunes de la ville d'Edmonton. Nous leur remettons une plaque et un certificat. Un comité de sélection a été mis en place pour choisir les quatre principaux lauréats, mais un certificat est accordé à tous les candidats nommés. C'est très encourageant. Le maire présente les prix et les certificats à l'hôtel de ville au mois de juin, à l'occasion de l'ouverture des festivités organisées dans le cadre de la Journée nationale des Autochtones.
M. Cardinal: Nous préparons une conférence des jeunes Autochtones ou une conférence sur le leadership. Nous reconnaissons que la voix de nos Aînés et de nos jeunes nous manque. En l'occurrence, nous voulons développer les aptitudes au leadership de nos jeunes dans la ville d'Edmonton. La province, la municipalité et le gouvernement fédéral veulent appuyer nos initiatives par l'intermédiaire de la Stratégie pour les Autochtones en milieu urbain pour élaborer une stratégie de leadership chez les jeunes.
En attendant l'approbation par notre comité, nous comptons réserver deux places au sein de notre comité à des jeunes. Dans l'intervalle, nous demanderons à deux jeunes d'assister aux réunions avec nous pendant le processus, jusqu'à ce qu'il soit officiellement reconnu et fasse partie de nos politiques. Nous pourrons ainsi aider les jeunes à instaurer un leadership des jeunes à la municipalité d'Edmonton, afin d'aider d'autres organisations.
Nos organisations ont souvent tendance à prescrire les initiatives qu'elles jugent bonnes pour les jeunes et les universités ont tendance à agir ainsi également. Les jeunes connaissent leurs besoins et il est nécessaire de les aider à instaurer le processus qui leur permettra de nous communiquer directement leurs besoins. Nous pourrons ensuite les aider à les combler. Aussi, nous faisons appel à l'aide de la Ville d'Edmonton pour élaborer une charte autochtone pour la Corporation de la Ville d'Edmonton. Nous espérons qu'un jour cette politique autochtone deviendra une politique cadre et que les jeunes seront inclus dans le processus.
Le sénateur Pearson: Mon autre question concerne la structure de gestion scolaire. Je sais que c'est une idée qui a été lancée, mais j'ignore si elle est bonne ou mauvaise. Vous êtes actifs dans le secteur de l'éducation.
M. Cardinal: En ce qui concerne une structure de régie — comme un conseil scolaire autochtone —, il sera nécessaire d'avoir des entretiens avec les entités politiques actuelles, à savoir les groupes représentant les Indiens visés par des traités, la nation métisse, les conseils ou commissions scolaires, la province, le gouvernement fédéral, et cetera. Le processus ne se limitera toutefois pas aux comités et conseils actuellement en place qui tiennent des discussions sur l'éducation.
Vous avez entendu ce matin les représentants de l'Edmonton Aboriginal Liaison Council (conseil autochtone de liaison d'Edmonton). Cet organisme intervient également. Plusieurs comités tiennent des discussions sur des questions concernant l'éducation. La situation change. Cependant, il sera peut-être nécessaire à un moment ou l'autre de regrouper ces voix pour s'attaquer vraiment aux problèmes liés à l'éducation.
Le sénateur Sibbeston: Vous êtes au courant du phénomène de la migration des Autochtones vers les villes. Est-ce le type de question que votre comité examine? Je présume que votre comité fait des recommandations générales aux politiciens municipaux. Vous êtes le «visage autochtone» de l'administration municipale d'Edmonton. Le phénomène de la migration des Autochtones vers les villes fait-il l'objet d'une prise de conscience ou suscite-t-il des préoccupations?
M. Cardinal: Oui. En 2001, Statistique Canada a recensé 42 000 Autochtones dans la ville d'Edmonton. Nous sommes donc le deuxième centre urbain où la population autochtone est la plus forte, derrière Winnipeg. En 2016, ces chiffres devraient avoir augmenté considérablement et Edmonton deviendra la ville du Canada où la concentration de la population autochtone urbaine sera la plus élevée. Si l'on n'instaure pas un processus permettant de communiquer nos doléances, nos préoccupations et nos opinions aux autorités municipales par l'intermédiaire de divers organismes et groupes communautaires, les sources de litiges et les frictions sociales qu'engendre parfois une aussi forte augmentation de la population seront plus nombreuses.
Par conséquent, il est nécessaire d'être en mesure de communiquer une structure de gouvernance qui pourrait être mise en place à l'administration municipale d'Edmonton dans le but d'examiner ces problèmes. Le sénateur Chalifoux a abordé la question du TLR ce matin. C'est un cas classique et représentatif de la tendance à s'appuyer sur des stéréotypes, des hypothèses et des idées fausses.
De nombreux organismes ont participé à la formation de ce mouvement au cours de cette période. Aucune structure qui nous aurait permis de réagir immédiatement n'était en place. Le maire m'a appelé pour me demander ce que je comptais faire. Je lui ai répondu qu'il fallait plutôt se demander ce que nous comptions faire ensemble. Il s'agissait d'adopter une approche commune et d'élaborer une structure de communication nous permettant d'aborder ces problèmes, surtout dans des situations de crise comme celle-là.
Il est d'abord nécessaire de demander que l'on se calme. Ensuite, il est nécessaire d'examiner les problèmes et de demander aux dirigeants de nos communautés d'en discuter posément. Cette façon de procéder nous permettra d'élargir le champ d'investigation et d'avoir une notion de plus en plus précise de la nature des problèmes.
Le sénateur Sibbeston: Lorsque les Autochtones décident d'aller s'établir dans un plus grand centre, c'est généralement parce qu'ils y ont trouvé un emploi. Les familles ne décident pas sans raison de quitter les petites collectivités et les régions rurales situées en périphérie d'une ville pour aller chercher un logement en ville. Ce sont les emplois qui attirent les gens dans les villes.
J'imagine que beaucoup d'autres personnes viennent à Edmonton pour y chercher un emploi et améliorer leur situation matérielle. Je présume que ces personnes se renseignent alors sur les services qui sont accessibles. La municipalité offre certains services, notamment des services de loisirs et des services municipaux de base. D'autres organismes — fédéraux et provinciaux — offrent des services d'aide au logement et d'aide sociale, par exemple. Je présume par conséquent que la Ville d'Edmonton n'est pas entièrement responsable du sort ou de la situation des Autochtones, mais que cette responsabilité est partagée avec d'autres paliers de gouvernement. Auriez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Cardinal: Les questions de compétence sont souvent une source de conflits. On se demande quel est le champ de compétence de chacun. C'est ce besoin qui est à la source de la création de notre comité.
Mme Coulter: À ce propos, le financement ne suit pas le client ou la personne. Il est destiné à la collectivité. Par exemple, la réserve reçoit des fonds pour fournir des services à un individu, mais lorsque l'individu quitte la réserve et va s'établir en ville, il crée une surcharge pour les services municipaux. C'est la raison pour laquelle nous sommes très surchargés.
M. Cardinal: Notre comité, qui subsiste par les bonnes grâces et grâce à la capacité intellectuelle de membres comme M. Campre et Mme Coulter, n'a même pas le soutien administratif qui serait nécessaire pour faciliter notre tâche. Nous consacrons beaucoup de temps — des centaines d'heures par mois — à notre communauté. Si nous demandons de l'aide financière, ce n'est pas pour nous mais pour avoir le soutien administratif nécessaire.
Nous avons une employée, Laura Auger, qui se charge du soutien administratif. D'après sa description de poste, elle doit faire pour nous seulement deux journées de soutien administratif par semaine, soit huit journées par mois. Pourtant, elle est la personne ressource pour la Ville d'Edmonton; toutes les tâches qui sont liées aux problèmes et aux questions autochtones lui sont confiées. Certes, elle nous appelle et nous intervenons. Cependant, les responsabilités et les tâches à accomplir sont insurmontables avec un soutien aussi insuffisant. Nous avons besoin d'aide. L'intégration dans les plus brefs délais d'un soutien administratif supplémentaire à notre structure administrative est essentielle.
Le sénateur Sibbeston: Le problème de la gouvernance se pose à l'occasion à propos des Autochtones qui vivent en milieu urbain. C'est un problème complexe que l'on a de la difficulté à cerner. La situation de la municipalité n'est pas la même que celle d'une petite ville ou d'une réserve où l'on a affaire à une entité qui a une compétence bien délimitée. Quelles sont vos opinions à ce sujet? Pensez-vous que la gouvernance urbaine soit un concept réaliste ou une option?
M. Cardinal: Oui. Il s'agit de coordonner les voix autochtones collectives tout en respectant les compétences politiques en place — en pays indien et dans les divers paliers de gouvernement.
Nous examinons la possibilité d'établir un processus de communication en vertu duquel le regroupement de ces diverses entités permettrait de s'attaquer à certains problèmes. Je pense que les autorités politiques ont la responsabilité de se charger de l'aspect politique des discussions et que les collectivités ont la responsabilité de se prendre en charge dans leurs domaines de compétence. C'est la raison pour laquelle les divers organismes existants ont été mis en place. Ils ont été créés dans le but de répondre à un besoin.
Il est nécessaire de réunir ces voix. Il y a cependant un manque de communication entre les organismes, les pouvoirs publics et les individus.
Mme Coulter: Les politiques et les changements stratégiques que nous tentons de mettre en place déboucheront également sur l'instauration d'un certain système de gouvernance urbaine. C'est par là qu'il faut commencer. Si l'on provoque le changement au niveau des politiques, ce changement nous entraînera peut-être vers une autre conclusion logique.
Le sénateur Sibbeston: Comme vous l'avez signalé, on ne fait aucune distinction parmi les Autochtones qui s'établissent en ville; qu'il s'agisse de Métis ou d'Indiens ayant vécu dans une réserve, ce sont des Autochtones qui luttent pour leur survie en milieu urbain. Pensez-vous que le gouvernement urbain le plus efficace soit un gouvernement composé tout simplement d'Autochtones plutôt qu'un gouvernement au sein duquel on fasse une distinction entre les Métis et les Indiens visés par un traité?
M. Cardinal: Oui.
Mme Coulter: Oui.
M. Cardinal: Une des questions qu'il convient de se poser consiste à se demander s'il faut établir un service d'accueil. C'est une question que nous tenterons de régler également.
Mme Coulter: Compte tenu de la diversité des cultures autochtones, il serait nécessaire d'envisager la question dans une perspective autochtone globale; en effet, ce ne sont pas seulement des Cris qui viennent s'établir ici, ni des Stoney, mais aussi des Blackfoot, et des Autochtones du Sud, ainsi que d'autres du Nord, des Inuits. Nos forces seraient éparpillées si nous faisions ce type de distinctions.
Le sénateur Sibbeston: J'ai des tantes originaires du Nord qui se sont établies ici il y a plusieurs dizaines d'années. Ce sont des personnes qui ne se mêlent généralement pas des affaires des autres. Ce n'est pas le type de personnes qui tiennent nécessairement à se réunir tous les semaines. Elles vont au bingo. C'est un bon lieu de rencontre. Elles vont aussi parfois aux soirées de danse carrée organisées au centre d'amitié, où les gens ont l'occasion de se rencontrer.
La situation en ce qui concerne les Autochtones est complexe parce qu'un certain nombre d'entre eux seulement veulent être identifiés comme tels. Je présume que les autres veulent mener leur vie comme ils l'entendent et ne tiennent pas à être identifiés ou considérés comme des Autochtones.
Mme Coulter: C'est bien cela.
Le sénateur Pearson: Toujours à propos de la gouvernance, lorsque nous étions à Winnipeg, nous avons visité un lieu où est mis en oeuvre un programme très innovateur et très encourageant dirigé par l'Association of Manitoba Chiefs (association des chefs du Manitoba). Le groupe politique dirige-t-il certains des programmes pour les jeunes qui sont en place dans la ville ou fournit-il de l'aide?
M. Cardinal: Oui. Par exemple, le centre de formation professionnelle Oteenow a été créé par des groupes d'Indiens visés par les traités et l'ACES est le volet métis de ce programme. Divers programmes sont en place. Ils ont été créés par des organismes qui sont actifs dans ces domaines. Il est toutefois nécessaire d'être vigilant pour ne pas dépasser les limites dans ce domaine politique.
Le sénateur Pearson: J'ai remarqué que vous aviez fait quelques commentaires à ce sujet. Que ce soit une question de communication ou de pouvoir, la tâche commune est d'améliorer la situation des jeunes Autochtones à Edmonton et dans les autres centres urbains. C'est l'objet de notre étude. Les organisations politiques, les administrations municipales, le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement fédéral ont un rôle à jouer dans ce domaine.
Y a-t-il une certaine coordination entre ces divers groupes? Dans la négative, comment serait-il possible de coordonner leurs activités? Ils se partagent la tâche.
M. Cardinal: Nous faisons des tentatives dans ce domaine depuis environ trois ans. Nous avions mis en place une initiative appelée «Edmonton Urban Aboriginal Initiative» (initiative autochtone urbaine d'Edmonton), qui a échoué à la suite de diverses attaques politiques. C'est un échec regrettable. Le potentiel est toujours là. La Stratégie pour les Autochtones en milieu urbain est coordonnée par l'Alberta Federal Council. Il étudie les possibilités de faciliter ce type d'initiatives et de leur apporter un soutien financier.
Le sénateur Pearson: Je présume que la tendance s'accentuera en raison des facteurs démographiques. Le centre de pouvoir se déplacera avec l'augmentation du nombre d'Autochtones qui s'établissent dans les centres urbains; il faudra cependant peut-être attendre encore un certain temps. Si vous avez des recommandations à faire à ce sujet, nous aimerions que vous nous le fassiez savoir.
La présidente: Vous aviez fait allusion deux ou trois fois aux médias. Votre comité a-t-il déjà eu des contacts avec des comités de rédaction ou ce type de contacts fait-il partie de votre mandat?
M. Cardinal: Ce serait conforme à notre mandat. Je pense que l'on a discuté au sous-comité exécutif, mais nous voulons soumettre d'abord la question au comité principal.
Mme Coulter: Nous publions un bulletin.
M. Cardinal: Nous avons également un site Web.
Mme Coulter: Notre site Web est annexé à celui de la municipalité. En ce qui concerne les rencontres avec les représentants des médias extérieurs, nous n'en avons encore jamais eu.
La présidente: Ces considérations m'amènent tout naturellement à ma question suivante qui concerne la communication. Vous avez mentionné des faits et des chiffres extrêmement intéressants à ce sujet. La population autochtone d'Edmonton est-elle au courant de vos activités? A-t-elle des contacts avec vous? Comment établissez-vous des contacts avec la communauté autochtone?
M. Cardinal: Nous ne sommes malheureusement pas très connus. Nous sommes, bien entendu, responsables de cette situation. Je pense que la communication a été restreinte en raison du budget limité dont nous disposons à cet égard. Je pense que nous générons davantage d'appui de la part de la communauté en reconnaissant notre rôle. Nous avons mis en place des processus qui permettent à tout membre de la communauté autochtone de se mettre en contact avec nous par l'intermédiaire de Laura Auger ou de notre site Web. Les Autochtones peuvent également venir à nos réunions pour y exposer leurs problèmes.
La présidente: Lorsqu'on a créé les centres d'amitié, ils répondaient à un besoin urgent. Étant donné que les communautés ont évolué et se sont agrandies, est-ce qu'ils jouent encore un rôle aussi utile qu'il y a quelques années, compte tenu du nombre élevé de petits organismes communautaires?
Si je vivais dans le nord d'Edmonton, je ne fréquenterais pas le centre d'amitié parce qu'il n'est pas dans mon quartier. Nous avons un petit organisme communautaire. Que pensez-vous des organismes communautaires? À travers le pays, bien des personnes ont signalé qu'elles ne fréquentaient pas les centres d'amitié parce qu'ils sont trop éloignés. Elles fréquentent toutefois les petits organismes de leur quartier.
Nous avons un petit centre communautaire autochtone et c'est là que je vais. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos opinions à ce sujet.
M. Cardinal: Je pense que les centres d'amitié ne sont plus aussi utiles qu'à l'époque où ils ont été créés. Ils jouent toutefois un rôle important dans les communautés autochtones.
Vous avez signalé que l'on assiste également à un changement dans les communautés et les organismes autochtones. Les centres d'amitié ont peut-être atteint cette étape également. Ils se remettent en question.
Vous avez parfaitement raison. Je reconnais que certains organismes qui fournissent des services et des programmes jouent en fait le rôle de centres autochtones ou de centres d'accueil, par exemple.
Cette évolution est due à un autre facteur. On commence à prendre conscience du fait que les Autochtones ne vivent plus dans des ghettos et ne sont plus concentrés dans une seule zone de la ville. Quand tous les membres d'une communauté sont établis dans la même zone, on peut implanter un centre à leur intention. Par contre, lorsqu'ils sont disséminés, non seulement sur le plan géographique, mais aussi pour des raisons financières, c'est alors que de plus petits centres sont créés. C'est une tendance naturelle. Un organisme doit parfois faire le point sur la prestation de ses services et sur les besoins auxquels il répond au sein de la collectivité.
La présidente: Pour en revenir à la question de la gouvernance urbaine, que pensez-vous de la création d'un poste d'ombudsman à l'administration municipale d'Edmonton pour s'occuper des questions concernant les Autochtones?
M. Cardinal: J'aimerais savoir qui est l'ombudsman.
La présidente: Quelles sont vos opinions au sujet du rôle d'un ombudsman?
M. Cardinal: Je pense que la création d'un poste d'ombudsman serait une bonne initiative en ce sens qu'elle permettrait d'établir un autre niveau de communication. Il faudrait que ce soit au niveau communautaire autochtone. Si l'on veut créer cette entité, il est nécessaire de se demander quel serait son objet, quelles seraient les compétences et en quoi consisterait son mandat. Nous ne tenons pas à réinventer la roue ni à provoquer un chevauchement avec les responsabilités de divers organismes qui sont déjà en place.
La présidente: Il s'agit en fait de migration à l'intérieur de notre propre pays. Vous avez mentionné que d'ici 2016, la population autochtone aura doublé. C'est déjà le cas, dans les villes où les Autochtones vont s'établir.
Quelles initiatives la municipalité prend-elle pour répondre aux besoins de soutien social des personnes qui viennent s'établir à Edmonton? Est-ce que des services de soutien spéciaux ont été établis à l'intention des immigrants?
Un autre problème se pose en ce qui concerne le programme anglais, langue seconde. Ceux qui n'ont pas de carte d'immigrant reçu, ne peuvent pas participer à ce programme. Un grand nombre d'Autochtones n'ont pas une connaissance suffisante de l'anglais. Que recommandez-vous à la municipalité en ce qui concerne ce type de problèmes?
M. Cardinal: Les organismes et organisations autochtones qui soutiennent les Autochtones ne reçoivent pas un soutien adéquat de la province ou de la municipalité. Ils ne sont pas en mesure de répondre aux besoins des nouveaux arrivants. Le personnel est surchargé et ne dispose pas de fonds suffisants. Ce sont des questions qu'il est nécessaire d'examiner à nouveau.
Nous recommandons un montant d'aide proportionnel au nombre d'Autochtones. Je pense que nous pourrons régler certaines de ces questions dans le cadre de la charte autochtone que nous nous appliquons à élaborer.
La présidente: Madame Coulter, je sais que vous aidez depuis des années des jeunes Autochtones atteints d'un handicap. Que fait votre comité pour tenter de régler ce grave problème, non seulement en ce qui concerne les jeunes atteints de déficiences physiques, mais aussi ceux qui sont atteints de déficiences mentales?
Mme Coulter: Comme je l'ai déjà mentionné, nous n'avons pas beaucoup de statistiques susceptibles de nous fournir l'information nécessaire pour faire du lobbying en faveur de l'instauration de programmes et de services pour jeunes déficients autochtones. Les seules données que j'aie pu trouver concernent des Autochtones atteints de déficiences qui sont âgés de plus de 15 ans. Par conséquent, aucune statistique concernant spécifiquement les jeunes Autochtones n'a été établie à ce jour.
Cette carence engendre divers problèmes. Nous ignorons le type de déficiences auxquelles nous avons affaire. Un autre problème est le fait que le SAF et les EAF ne sont pas considérés comme des handicaps en vertu de la définition du terme «handicap», bien qu'il semble que l'on soit en train de remédier à cette lacune.
Il y a un problème dont je ferais part à un ombudsman s'il y en avait un: les programmes et services pour jeunes Autochtones atteints de déficiences sont quasi inexistants.
Lorsque je travaillais pour la Ben Calf Rope Society, nous avons décidé de consacrer une soirée par semaine aux jeunes Autochtones atteints de déficiences, et le taux de participation à ce programme a dépassé nos capacités peu de temps après sa création. Au niveau communautaire, le SAF ou les EAF constituent un problème très courant. Bien que l'Aboriginal Disability Society of Alberta s'applique à offrir des services de soutien et des programmes, ses moyens financiers et ses capacités sont trop restreints pour pouvoir servir ce groupe cible.
La présidente: L'exploitation sexuelle des enfants est une des priorités du sénateur Pearson. C'est en fait une question qui nous préoccupe tous au plus haut point. Edmonton est une ville où le nombre d'enfants exploités sexuellement est très élevé. Votre comité s'intéresse-t-il à ce type de problème? Êtes-vous au courant des initiatives qui sont prises dans ce domaine?
Mme Coulter: Le Comité des affaires urbaines autochtones d'Edmonton est représenté par un de ses membres à l'initiative Pour des communautés plus sûres. Je suis actuellement la représentante du comité. J'ai attiré l'attention sur certains de ces problèmes dans le contexte de cette initiative. Je collabore avec la Prostitution Awareness and Action Foundation, dont la directrice, Kate Quinn, aide les prostitués et les victimes d'exploitation sexuelle.
Il y a aussi le nouveau projet de loi qui concerne ces enfants et fait une énorme différence. Un rapport a été présenté à ce sujet à notre dernière réunion. Notre comité n'est pas encore à la hauteur en ce qui concerne des problèmes liés spécifiquement aux Autochtones vivant en milieu urbain, mais j'espère attirer l'attention sur ces problèmes dans le cadre de mes activités. Je dois faire un exposé à la prochaine réunion pour mettre mes collègues au courant de certains problèmes et de certaines préoccupations des Autochtones d'Edmonton.
Je ne connais toutefois en ce moment aucun programme axé spécifiquement sur les Autochtones exploités sexuellement.
M. Campre: Depuis deux ans, notre comité participe à l'atelier municipal sur les Autochtones auquel participent également diverses villes de l'ouest du Canada. Nous nous réunissons pour échanger des idées et communiquer de l'information sur les stratégies adoptées dans les diverses collectivités et sur les liens entre les diverses initiatives.
Nous participons à cet atelier depuis deux ans. En fait, c'est nous qui l'avons organisé l'année dernière. Nous maintiendrons notre appui au cours des prochaines années. C'est une stratégie clé visant à rassembler les opinions et les idées des membres de la collectivité autochtone des diverses régions de l'ouest du Canada afin d'élaborer des solutions viables répondant à certains besoins dans les municipalités.
Nous avons rencontré Damon Johnson à Winnipeg, qui est un représentant de la corporation de la Ville de Winnipeg. La municipalité de Winnipeg a instauré un portefeuille des affaires autochtones. Je pense qu'une initiative semblable pourrait être efficace à Edmonton. Les gestionnaires municipaux ont tendance à discuter entre pairs, car ils se comprennent un peu mieux. Étant donné que cela vient du secteur bénévole, nos opinions ont une influence très restreinte au sein de l'administration municipale. Je pense que le portefeuille des affaires autochtones qui a été créé à la municipalité d'Edmonton répond à certains besoins et à certains critères de la collectivité autochtone.
Mme Coulter: On arrivera peut-être à établir des ententes tripartites pour régler certains problèmes de compétence qui se posent au niveau du financement, par l'intermédiaire d'un département des affaires autochtones. On arrivera peut-être à regrouper tout le financement à ce niveau, ce qui contribuerait également à régler la question de la gouvernance urbaine. Nous faisons du lobbying à cette fin.
La présidente: Je vous remercie infiniment. Vos exposés étaient très intéressants et très instructifs. Nous sommes enthousiasmés par certaines de vos initiatives, surtout celles qui visent à répondre aux besoins des jeunes Autochtones de notre ville.
La présidente: Je vous remercie d'être venu, monsieur Donald. Il est extrêmement important que nous entendions des commentaires sur les activités culturelles et l'influence qu'elles ont sur les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain en les aidant à rester à l'écart des éléments criminels.
M. Lyle Donald, coordonnateur, Edmonton Metis Cultural Dance Society: Je compte vous donner des informations sur le programme de notre centre culturel et aborder également deux ou trois autres sujets.
La Metis Cultural Dance Society a été créée en 1997. Ma mère, Georgina, travaillait pour le Canadian Native Friendship Centre depuis 1963. Elle était notamment en charge du volet culturel, et plus particulièrement des danses et de la culture traditionnelles des Métis. Mon père était danseur et nous étions danseurs également. Mes deux fils et ma fille — que vous voyez sur ces affiches — sont des danseurs. Les tout petits que vous voyez à l'avant-plan sont mes petits-enfants. Dans notre famille, nous en sommes à la quatrième génération de danseurs.
Nous estimons qu'il est très important de transmettre cette tradition et cette culture parce que le nombre de membres de la collectivité métisse qui pratiquent encore la culture et la danse traditionnelles est extrêmement réduit. Au cours de vos déplacements à travers le pays, vous avez probablement entendu des commentaires sur le problème de la disparition des langues autochtones et sur son acuité. C'est une tendance que l'on observe également dans d'autres domaines culturels comme la danse et la musique, qui constituent un de nos principaux moyens de subsistance. Je suppose que la musique ne disparaîtra pas parce qu'il reste encore beaucoup de violoneux. Nick en est la preuve vivante; il pratique encore.
Dans le domaine de la danse, par contre, la situation a beaucoup changé. Autrefois, nos danses traditionnelles comme le Reel of Eight, la Drops of Brandy et la Duck Dance étaient encore très pratiquées et de nombreuses compétitions de danse étaient encore organisées. Ce sont des danses métisses traditionnelles qui ont été transmises au cours des siècles. Depuis que d'autres groupes ont adopté d'autres types de danses, des danses plus sophistiquées pratiquées avec des claquettes, ils sembleraient avoir attiré un auditoire plus large. Je pense donc que certains groupes ont négligé le côté culturel pour avoir un auditoire plus large.
Nous nous efforçons de maintenir cet héritage. Comme je l'ai mentionné, ma mère a commencé en 1963. En 1993, elle a pris sa retraite anticipée du Canadian Native Friendship Centre. Elle n'était pas encore prête à prendre sa retraite et elle a signalé aux responsables du centre que si elle devait partir, elle emmènerait avec elle son groupe de danse parce qu'elle travaillait avec ces jeunes depuis des années. La plupart d'entre eux étaient ses petits-enfants et elle aurait de toute façon amené le groupe avec elle. Les responsables ont donc accepté parce que c'était un volet du programme qu'ils ne voulaient pas maintenir.
Après avoir pris sa retraite, elle a donc poursuivi ses activités à la maison. Nous avons pris des inscriptions et avons maintenu le groupe de danse. En 1997, nous nous sommes constitués en société. Nous avons reçu de petites subventions de l'Alberta Foundation for the Arts (fondation pour les arts de l'Alberta) et de quelques autres organismes semblables. En 1998, le programme des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones s'est développé et avait un peu de fonds pour des projets pilotes. Nous avons préparé un projet et présenté une demande de fonds.
Nous sommes à peu près le seul groupe métis qui ait procédé ainsi. Nous avons eu beaucoup de difficulté à obtenir les fonds, mais nous avions un léger avantage parce que nous représentions un secteur qui n'avait pas été pris en charge par la communauté.
Avec les premières subventions que nous avons obtenues, nous avons loué un édifice. Nous avons trouvé un bon endroit qui avait été une boutique de prêteur sur gages. Nous nous sentions comme chez nous quand nous nous y sommes installés. Les enfants en étaient très fiers. Ils ont fait du nettoyage. Nous avons dû refaire les planchers, nettoyer les murs et faire bien d'autres travaux. C'était notre édifice. Beaucoup de jeunes venaient nous aider.
Je pense que la fierté que l'on peut en tirer fait partie de l'enseignement. Les enfants avaient la fierté de pouvoir dire «C'est notre bâtiment. Prenons-en soin et faisons-en quelque chose de bien».
Quand nous avons reçu un peu plus de fonds, nous en avons investi dans la promotion. Depuis que ma mère et moi avons mis ce projet en place, nous n'avons pas été rémunérés. Nous ne faisons pas partie du personnel et nous y consacrons de nombreuses heures. Le programme des centres urbains polyvalents pour jeunes Autochtones ne finance que le salaire du travailleur auprès des jeunes et celui de la personne responsable des finances, parce qu'il faut s'assurer que les finances soient en ordre.
Je crois avoir entendu Mme Coulter mentionner que le programme des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones est axé sur le financement de projets et qu'il n'accorde pas de financement à long terme. Un de nos problèmes est que nous devons justifier nos dépenses chaque année pour renouveler le financement. C'est toutefois ce programme qui nous a permis de démarrer et de faire de la promotion. Il a en outre donné à d'autres jeunes l'occasion d'apprendre à danser et à jouer du violon.
Nous avons ensuite partagé notre édifice avec d'autres groupes. De nombreux autres groupes en formation ont besoin de locaux pour leurs réunions et leurs activités. Nous avons pu aider plusieurs autres groupes à s'établir. Nous pensions qu'il était logique de partager nos locaux avec eux.
Nous avons dû faire face à quelques problèmes. Nous avons notamment eu de la difficulté à obtenir des fonds de deux organismes culturels — l'Alberta Foundation for the Arts et le Conseil des arts du Canada. Même si notre groupe était en place depuis plus de 10 ans et que nous avions fait la promotion de notre culture à travers le pays, ces deux organismes estimaient que nous n'étions pas établis. Dans le «milieu des arts» — quel que soit le sens de cette expression —, nous n'étions pas considérés comme un groupe artistique ou culturel reconnu.
Nous avons finalement réuni suffisamment de fonds pour faire de la promotion efficace. Nous avons réalisé une vidéo sur les danses métisses et sur la musique d'accompagnement. À une certaine époque, les subventions de ce genre n'étaient accordées qu'à des organismes comme le Gabriel Dumont Institute. Quand d'autres groupes ont eu l'occasion de demander des subventions pour ce type d'initiative, nous avons réalisé deux vidéos sur notre type de danse.
Une vidéo était axée sur la danse carrée et sur l'animation de danse carrée (calling). De nombreuses personnes pensent que nos jeunes sont des danseurs de danse carrée, mais ce n'est pas le cas; ils sont avant tout des danseurs métis. Nous faisons de la danse carrée. Les danses carrées traditionnelles que nous pratiquons incluent toujours un animateur (caller). Nous avions également nos propres danses traditionnelles, mais la danse carrée avec animateur n'était pratiquée que par la communauté autochtone.
Nous avons en outre produit une cassette sur la personne qui apprenait aux enfants à danser. Il s'agit de Moise White. Il a enseigné la danse pendant une dizaine d'années à nos enfants et a voyagé avec le groupe; il a accompagné les enfants à diverses représentations et il animait les danses carrées. En 1998, il est tombé malade. Il était atteint d'une forme d'Alzheimer et on l'a amputé dernièrement des deux jambes à cause du diabète. Avant que le diabète et que la maladie d'Alzheimer ne progressent, nous voulions faire des enregistrements d'animation de danse carrée. Nous l'avons amené dans un studio d'enregistrement. Nous avons également réalisé plus tard une vidéo que nous pouvions projeter pour les danseurs pendant qu'il faisait l'animation.
Nous nous sommes déplacés à travers le pays. Étant donné que nous offrons des cours de danse gratuits aux membres de notre collectivité, nous n'avons pas de problèmes de recrutement. Actuellement, une cinquantaine de jeunes viennent danser deux fois par semaine. Le samedi, nous avons des leçons de violon. Environ neuf jeunes et probablement neuf adultes y participent. Les âges varient entre 6 et 62 ans. La danse et la musique suscitent beaucoup d'intérêt.
Dernièrement, à notre grand étonnement, les parents des enfants qui dansent ont également manifesté de l'intérêt. Ils veulent maintenant apprendre à danser et ont demandé que nous organisions des leçons pour adultes. Étant donné que les leçons pour adultes ne sont pas subventionnées dans le cadre du programme des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones, ils financeront les cours eux-mêmes.
Ce qui est passionnant, c'est que cet intérêt témoigne de l'influence qu'a l'intérêt manifesté par les enfants sur leurs parents. C'est un accomplissement dont notre organisation et notre collectivité ont lieu d'être fières. Nous nous sommes toujours efforcés de faire participer les parents.
Comme je l'ai déjà mentionné, nos danseurs se sont déplacés à travers le pays. Grâce à la promotion que nous avons faite, nous sommes devenus un organisme culturel reconnu.
J'insiste sur l'importance de notre culture. Il y a deux ans par exemple, on nous a demandé de nous rendre à Isle la Crosse, en Saskatchewan, qui fêtait son 225e anniversaire. Isle la Crosse est la plus vieille localité métisse du Canada. On nous a demandé de donner des cours aux enfants de cette collectivité qui pratiquaient toutes les autres danses carrées modernes. Nous avions de la difficulté à croire que dans une communauté aussi ancienne, les Aînés n'aidaient pas les jeunes.
Au cours de la première soirée, j'ai observé les danseurs. Ils pratiquaient toutes les vieilles danses traditionnelles et je ne voyais pas l'utilité de notre présence. Pourtant, pour une raison ou pour une autre, les Aînés n'étaient pas inclus et je présume que c'est précisément pour ça que nous avions été invités. Les jeunes apprennent peut-être plus facilement avec des jeunes. C'était une expérience étrange, intéressante mais étrange. Nos Aînés devraient en tirer plus de fierté.
Je pense qu'un des plus gros problèmes qui se pose dans la province de l'Alberta est l'absence de programmes de prévention. Nous avons tenté d'exploiter divers systèmes du volet culturel des services éducatifs et sociaux. La province refusait de reconnaître un programme de prévention et d'octroyer des fonds à cette fin sous prétexte qu'il était difficile d'observer des changements au sein de la communauté. Comment savoir si le programme de prévention a été efficace? On a beau leur communiquer des chiffres, les autorités provinciales ignorent à combien de jeunes nous avons pu éviter des ennuis grâce à la prévention.
Mme Coulter a mentionné certains chiffres concernant les Autochtones et a signalé combien de jeunes Autochtones ont été pris en charge. J'ai été chef de famille monoparentale pendant 13 ans et j'ai été actif dans le secteur des services sociaux comme travailleur des services de soutien à la famille. On a beaucoup de difficulté à s'en sortir en l'absence d'un système de soutien efficace. De nombreux dossiers des services d'aide à l'enfance n'auraient pas été ouverts si des services de soutien efficaces avaient été en place pour les familles. J'ai fait face à ces difficultés il y a 12 ans. Elles sont certainement beaucoup plus considérables de nos jours, compte tenu du coût du loyer, du gaz et de tous les autres frais de base. De nos jours, un chef de famille monoparentale a beaucoup de difficulté à s'en sortir. Les difficultés sont nombreuses et les gouvernements — surtout les gouvernements locaux — doivent être réceptifs afin de savoir comment ils peuvent aider et soutenir les familles à faible revenu.
Le programme des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones s'est avéré très utile dans bien d'autres cas que notre projet. Dans la ville d'Edmonton, 11 autres projets — c'est-à-dire 11 autres projets que le centre d'amitié — sont administrés par des organismes autochtones. Ces initiatives ont donné aux Autochtones de nombreuses possibilités d'obtenir les services et l'aide supplémentaires dont ils ont besoin. Je félicite Patrimoine canadien pour cette initiative. J'ignore si Mme Sheila Copps savait à quoi s'attendre lorsqu'elle a lancé ce projet, mais il a beaucoup aidé la communauté autochtone. Je l'en félicite.
Si seulement la province pouvait compléter le financement offert par d'autres organismes. La province est disposée à octroyer des fonds pour un jeune travailleur mais elle refuse de financer l'administration nécessaire pour superviser le projet. Ma mère et moi consacrons notre temps à ce projet depuis trois ou quatre ans.
Un autre problème qui se pose est que nous n'avons pas accès à l'Entente de développement des ressources humaines autochtones. Les fonds octroyés dans le cadre de cette stratégie sont destinés aux organismes autochtones représentatifs; une proportion importante de ces fonds sert à financer une administration très lourde. Nous n'avons pas eu accès aux chiffres exacts, parce que quand on assiste à une assemblée, on n'y donne pas des informations détaillées sur la ventilation des dépenses.
Nous estimons cependant que les frais d'administration absorbent environ 42 p. 100 des fonds. On a de la difficulté à avoir accès aux fonds qui sont distribués à la communauté parce que c'est un système politique. Si vous n'avez pas les faveurs de la communauté politique, on vous évite et vous êtes désavantagé. Si vous êtes assez fort, vous survivez, mais beaucoup de personnes n'ont pas la résistance nécessaire. On utilise également les fonds pour instaurer des services qui font concurrence à d'autres entrepreneurs, aux entrepreneurs métis et aux entrepreneurs autochtones.
C'est stressant d'essayer de s'en sortir sans pouvoir compter sur l'aide de votre communauté. Je m'attendais à ce que le Comité des affaires urbaines de la Ville d'Edmonton nous aide davantage qu'il ne l'a fait. Je m'attendais à ce que nous ayons plus facilement accès au conseil municipal. Je ne voudrais pas critiquer, mais il semblerait que le conseil municipal ne soit pas au courant de la plupart des problèmes qui se posent dans la ville.
Bill Smith est notre maire actuel. Je le trouve très sympathique, mais il axe surtout ses efforts sur l'embellissement de la ville. Il ne s'intéresse pas particulièrement aux questions sociales qui nous touchent en tant que membres de la communauté. Nous avons une communauté très forte. Un grand nombre d'Autochtones vivent dans les vieux quartiers. Je présume que c'est ce que vous appelez le centre-ville. On a tenté de déplacer les membres de notre collectivité dans divers quartiers, mais ils finissent toujours par échouer au centre-ville où sont leurs amis et les services. Il est nécessaire que nous soyons mieux représentés dans l'administration municipale d'Edmonton. Il est essentiel que nous la mettions au courant de certains problèmes.
Je suis heureux que vous teniez des audiences dans divers milieux urbains. Je tiens à féliciter le sénateur Chalifoux et les autres membres du comité de s'être déplacés pour entendre un aussi grand nombre de témoignages. Nous avons parfois l'impression que nous n'arriverons à nous faire entendre qu'une fois et, lorsque nous en avons l'occasion, nous tentons de faire passer le plus de messages possible.
La dernière fois que nous avons eu l'occasion de nous faire entendre, c'était devant la Commission royale sur les peuples autochtones. C'était il y a environ huit ou neuf ans. Nous espérons qu'on mettra en place des systèmes de soutien plus efficaces — pas seulement pour la communauté autochtone mais aussi pour toute la collectivité. Les Autochtones sont aux prises avec de nombreux problèmes, mais un grand nombre de non-Autochtones ont également de la difficulté à survivre.
Avant de m'en aller, je voudrais vous signaler un événement qui aura lieu bientôt, le «Fiddle and Bow». Nous avons organisé ce spectacle l'année dernière pour donner aux artistes métis des diverses régions de l'ouest du Canada l'occasion de jouer dans une salle intéressante. L'année dernière, le spectacle a eu lieu au Musée provincial de l'Alberta. Le sénateur Chalifoux était maîtresse de cérémonie. Notre but était d'attirer les Autochtones hors du circuit des bars. Un grand nombre de nos chanteurs ont fait des tournées dans les bars et ils n'avaient jamais eu l'occasion de jouer dans une salle de concert digne de ce nom.
Nos violoneux viennent de toutes les régions de l'ouest du Canada et des Territoires du Nord-Ouest. Nous voulions perpétuer la tradition de la musique et de la danse. Les artistes participants chantent tous leurs chansons traditionnelles à thèmes métis. Nous les avons inclus dans ce spectacle parce que certaines chansons sont très belles et qu'elles sont un témoignage de notre passé. Les artistes chantent également des chansons à thèmes contemporains. Nous sommes heureux de cette initiative, qui est une source de fierté pour notre communauté.
Nous organisons également une Metis Fest annuelle en novembre; elle a lieu la semaine du 16 novembre, c'est-à-dire le jour où Louis Riel a été pendu. Nous tenons à montrer qu'en dépit du sort que l'on a réservé à notre chef, nous sommes toujours là et la vie continue. Nous sommes un peuple très fier. Environ 3 000 personnes assistent à la Metis Fest. Mme Coulter a mentionné tout à l'heure que son conseil distribuait des prix d'excellence. Dans le cadre de cet événement, nous organisons le «Gala Louis Rie» au cours duquel nous rendons hommage à deux personnes qui ont joué un rôle marquant au sein de notre organisation.
La première personne à laquelle nous avons rendu hommage est un de nos danseurs, un jeune appelé Joey Gladue. Il a dansé avec nous pendant neuf ans. Il s'est joint à notre groupe à l'âge de 9 ans. Il a été six fois champion canadien de danse en 1999. C'est un des jeunes qui étaient fiers de nous aider à nettoyer le studio. Il était extrêmement fier que nous ayons nos propres locaux. En 1999, nous avons participé à un concours à Prince Albert, en Saskatchewan. Il a pris la route avec sa famille un peu avant nous. Ils ont eu un accident pendant le trajet et il a été tué. Il venait d'avoir 18 ans.
Nous avons fait des commentaires sur les jeunes et les études. Joey avait 18 ans et il venait d'entrer en 10e année. Il avait «décroché» pendant deux ans. C'était probablement un des jeunes les plus polis et les plus braves, mais il n'arrivait pas à réussir dans ses études. Il avait enfin pu s'inscrire dans un collège qui l'acceptait dans un milieu adulte, ce dont il avait besoin. Il se préparait à reprendre ses études lorsqu'il a perdu la vie au cours du long week-end de septembre. Son frère danse encore avec nous.
Tous les samedis, pendant la Metis Fest, nous rendons hommage à la mémoire de Joey Gladue. Nous offrons également une bourse qui porte son nom. La bourse est destinée à des jeunes qui font des études secondaires. Deux bourses de 500 $ — une pour un garçon et une pour une fille — sont décernées. Le but de cette bourse est d'aider des jeunes à poursuivre leurs études, de leur accorder un peu d'aide pour acheter des vêtements ou pour d'autres dépenses nécessaires. La bourse n'est pas attribuée en fonction des notes. Les notes interviennent dans la décision, mais nous attachons surtout de l'importance à l'activité communautaire, au bénévolat et à d'autres critères. Joey était un bénévole très actif. Il nous a aidés; il a aidé le centre d'amitié et plusieurs autres groupes autochtones. Nous nous basons donc surtout sur l'action communautaire et pas sur les notes scolaires.
Nous avons également créé la bourse Delia Grey. Delia était une Aînée de notre communauté. Elle connaissait très bien la culture. Elle connaissait les gens. C'était une encyclopédie vivante sur tout ce qui concerne les Métis. Elle connaissait tous les arbres généalogiques. Si vous lui disiez que vous étiez apparenté aux Durocher de Fort Assiniboine, elle citait le nom de tous les membres de la famille. Elle racontait beaucoup d'anecdotes. Elle connaissait également à fond les danses et la musique traditionnelles. Elle aidait beaucoup notre groupe. Nos jeunes l'aimaient beaucoup.
Sa famille a créé cette bourse par l'intermédiaire de notre organisation. Cette bourse est destinée aux chefs ou aux enfants de familles monoparentales qui font des études secondaires. Nous couvrons ces coûts avec le budget que nous avons pour la Semaine des Métis. Nous ne réalisons pas de bénéfices sur cet événement, mais nous couvrons généralement nos frais. Nous n'avons pas organisé cet événement pour faire des bénéfices mais pour commémorer notre culture et pour rendre hommage à la mémoire de Louis Riel et à celle de Delia et de Joey.
La présidente: Je suis très heureuse que cette séance se termine sur une histoire de réussite. C'est très encourageant après les difficultés, les épreuves et les tribulations que votre organisation a connues.
Le sénateur Pearson: J'attache beaucoup d'importance à l'expression culturelle pour les jeunes et je crois que les initiatives dans ce domaine méritent un appui.
Le Conseil des arts du Canada avait mis en place un programme culturel pour les enfants, mais il a apparemment disparu. Patrimoine canadien avait également entrepris d'élaborer un programme pour les jeunes artistes, mais le projet semble avoir été abandonné.
C'est non seulement essentiel pour préserver la culture métisse, mais aussi pour aider de jeunes artistes et leur donner l'appui et l'auditoire nécessaires.
Vous êtes la preuve de ce qu'on peut accomplir quand on décide de préserver un certain type de danse. Vous avez de toute évidence contribué à le faire mieux connaître.
Même si vous avez eu beaucoup de difficultés à obtenir des fonds, nous aimerions pouvoir vous citer comme modèle. Divers groupes devraient vous imiter. Notre société n'en serait que meilleure si l'on accordait davantage d'aide pour les jeunes — qu'il s'agisse des artistes ou des spectateurs.
M. Donald: Exactement. Nous sommes en fait les jeunes ambassadeurs de la Ville d'Edmonton depuis 16 ans. Pourtant, bien que nous ayons donné plusieurs de spectacles en présence des membres du conseil municipal et du maire, nous ne sommes pas encore reconnus par l'administration municipale. Bien que nous nous soyons déplacés dans toute l'Amérique du Nord, nous n'avons pas encore obtenu cette reconnaissance.
Le sénateur Pearson: Y a-t-il un conseil des arts à Edmonton?
M. Donald: Oui. Nous avons présenté une demande de fonds à trois ou quatre reprises. Le conseil des arts octroie un montant équivalent à environ 3 p. 100 du budget total de l'organisme bénéficiaire. Les deux premières années où nous avons présenté une demande, je pense que notre budget était de l'ordre de 4 000 $ ou 5 000 $. Malgré cela, notre demande a été rejetée. Nous avons donc abandonné. Quand on présente souvent des demandes, on vous encourage à recommencer, mais lorsque votre demande a été rejetée à deux ou trois reprises, vous n'avez plus l'envie de recommencer.
Le sénateur Sibbeston: Je vous félicite pour vos efforts et votre participation dans ce domaine. Je ne peux m'empêcher de penser que la danse est l'image d'une nation saine. C'est très vrai. Les habitants du Nord ne dansaient pas lorsque leur situation était particulièrement précaire. Ils se sont remis à danser après qu'elle se soit améliorée. C'est le cas en ce qui concerne les Métis et avec la danse carrée dans le Nord. Ce sont des traditions qui refont surface.
De nombreuses communautés de la vallée pratiquent la danse à tambour. La danse carrée métisse refait son apparition dans toute la vallée du McKenzie. C'est encourageant d'entendre l'histoire de votre groupe de danseurs. Ils sont tous très beaux et la musique est extrêmement agréable. C'est un signe de santé, de vitalité et de bonheur.
Pendant quelques années, nous avions une petite société de danse au pensionnat. Nous avons organisé une danse pour la première fois l'été dernier. Nous pensons que c'est un signe de santé. Nous surmontons la tristesse et la dépression engendrées par les problèmes liés aux pensionnats. Je vous félicite.
La présidente: Vous n'avez pas mentionné l'influence qu'a votre groupe sur les enfants. Vous avez fait brièvement allusion aux parents. Des familles entières viennent toutes les semaines de Lac La Biche — localité située au nord-est d'Edmonton, à environ deux heures et demie de route — pour que leurs enfants apprennent à danser. Les petits-enfants de M. Donald sont âgés de 3 et 4 ans. Ils adorent danser. Ils ont beaucoup d'estime de soi.
Ce type d'initiative ne fait pas uniquement revivre la culture; elle remet aussi nos enfants dans le droit chemin. Sans la danse, les enfants de M. Donald auraient peut-être mal tourné.
C'est sur cette note optimiste que nous nous séparerons. Je vous remercie. Certains membres de notre comité n'ont pas pu participer à cette séance. Ils ont dû retourner à Ottawa parce que le Sénat siège. Cependant, tous les membres du comité seront au courant des discussions qui ont eu lieu à Winnipeg, à Vancouver et à Edmonton.
La séance est levée.