Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 11 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 26 mars 2003
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 30 pour examiner diverses questions touchant les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain au Canada, et notamment, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, je désire, en votre nom, souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Le comité a été autorisé à examiner diverses questions touchant les jeunes Autochtones au Canada, et notamment l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes. Nous avons donc un mandat très large. Cette étude représente une sorte de plan d'action pour le changement. Déjà les ministères et les ministres me disent que ce travail les intéresse. Ils attendent avec impatience de recevoir notre rapport pour que nous les aidions à élaborer une politique qui aidera les peuples autochtones, notamment ceux vivant en milieu urbain.
Voilà ce dont on parle. Plus de 50 p. 100 des Autochtones ont quitté la réserve et les établissements métis. Ils s'installent dans les centres urbains. Il nous faut donc examiner la question des services qui sont assurés par les organismes autochtones. Nous voulons en savoir plus long sur les problèmes que vous rencontrez en travaillant avec votre peuple dans les différentes collectivités.
[Français]
M. Pierre Nolet, président (région 3), Alliance autochtone du Québec: Madame la présidente, avant de débuter ma présentation, j'aimerais remercier les gens qui ont fait en sorte que ce document soit produit rapidement et qui m'ont permis de comparaître devant vous. Je remercie M. Hyppolite, le directeur du Centre régional de réception, et M. Lachapelle, mon gérant d'unité, pour m'avoir permis de me préparer et de me présenter devant vous de manière adéquate.
En tant que président de l'Alliance autochtone du Québec pour la région 3, je trouve intéressant que le Comité sénatorial des peuples autochtones se penche sur la réalité des Autochtones vivant hors réserve et particulièrement en milieu urbain. Dans le document que je vous ai remis, il est mentionné que l'Alliance est constituée de plusieurs communautés et d'une région qui, au cours des dernières années, ont vécu une situation financière pratiquement fondée sur la survie puisque ces communautés actives bénéficient de peu ou pas de fonds pour fonctionner. Entre autres, une communauté à Sherbrooke survit grâce à la généalogie et grâce aux fonds qui proviennent du gouvernement provincial. La communauté en question ne reçoit aucun fonds du gouvernement fédéral et doit faire preuve d'ingéniosité et de créativité pour continuer à offrir des services.
Il existe une disparité quant à la capacité à donner des services. D'une part, dans certaines communautés la prestation de services peut se faire de manière assez adéquate par des présidents de communauté et par des individus qui s'assurent que l'information circule. D'autre part, d'autres communautés ont besoin d'un coup de pouce supplémentaire. Il faut donc en conclure qu'il n'y a pas d'uniformité dans la prestation des services.
J'aimerais aborder la question des services offerts aux Autochtones vivant hors réserve et particulièrement aux diverses composantes de l'Alliance autochtone du Québec. Il y a des services de logement pour les personnes défavorisées, il y a des programmes de rénovation de maisons et aussi ce qu'on appelle le «Fonds Weskahegen» qui a pour mission d'aider de jeunes autochtones à démarrer une entreprise.
Pour ce qui est du développement de l'emploi, la Corporation Weskahegen, qui est la corporation de services de l'Alliance autochtone du Québec, a reçu au cours des trois dernières années moins de 600 000 $ pour faire du développement. L'Alliance a aidé une soixantaine de personnes à trouver de l'emploi. Si l'on compare le financement que l'Alliance reçoit à celui que le Congrès des peuples aborigènes reçoit pour les réserves et le nombre de personnes qu'on devrait desservir, on ne peut pas aider un grand nombre d'Autochtones avec 200 000 $ par année.
Je crois qu'on fait le maximum. En réalité, l'Alliance aurait besoin d'une base solide. Je crois qu'elle est fragilisée parce que les gens ont peu de moyens financiers et bénéficient de peu de formation.
Lorsqu'on devient président d'une communauté, on apprend sur le tas, on vit une réalité qui se résume à donner des services et à apprendre énormément en même temps. Tout se fait sur la base du bénévolat car on ne se paie pas de salaire et on travaille parce qu'on croit à la cause autochtone.
Si on veut faire quelque chose pour les Autochtones, il faut changer la situation actuelle et s'assurer que l'Alliance autochtone et les communautés de base supposées offrir des services soient capables de le faire. Il faut pouvoir le faire avec une base solide et être capable de financer des activités et la prestation de services.
Je voudrais mentionner qu'à titre d'agent du bureau de libération conditionnelle, métier que je fais depuis 15 ans, j'ai la chance de participer à l'implantation des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Actuellement au Centre régional, trois ou quatre personnes s'occupent spécifiquement des Autochtones. Ce sont de très bonnes mesures qui ont été prises. Il faut continuer dans le même sens pour les Autochtones qui sont incarcérés. Il ne faut pas les oublier. Il faut tenter de leur donner les services et tenter de les réintégrer. Si ces gens ne peuvent pas retourner dans des réserves et doivent retourner dans des communautés, il faut s'assurer que nos communautés autochtones en milieu urbain soient assez fortes pour les accueillir.
Pour résumer la situation, je dirais que l'Alliance autochtone est en état de survie. Il est difficile d'appliquer les objectifs et de répondre aux questions que le comité sénatorial a mentionnées dans l'invitation qu'il nous a faite. J'ai fait des recommandations en termes d'investissements financiers et humains. Je pense que ces recommandations sont justes et qu'elles correspondent aux besoins. Si on réussit à améliorer cet aspect et à supporter l'investissement humain des gens impliqués dans l'Alliance, on va pouvoir aider les jeunes Autochtones qui vivent en milieu urbain. C'était l'essence de ma présentation.
[Traduction]
Mme Manon Tremblay, coordonnatrice, Centre de soutien aux étudiants autochtones, Université Concordia: Honorables sénateurs, vous verrez si vous regardez mes notes que j'y ai inclus quelques informations biographiques à mon sujet. Je voulais simplement vous signaler que je travaille non seulement à titre de coordonnatrice du Centre de soutien aux étudiants autochtones de l'Université Concordia, et que je suis donc chargée d'aider la population autochtone dans cette université-là, mais que j'ai aussi grandi dans un centre urbain. Je suis donc en mesure d'apporter un éclairage à la fois personnel et professionnel à votre étude des différents problèmes et questions touchant les peuples autochtones vivant en milieu urbain.
Le Centre de soutien aux étudiants autochtones aide les étudiants, du moment qu'ils décident que les études postsecondaires pourraient les intéresser — que ce soit à l'Université Concordia ou ailleurs — pour leur assurer un parcours aussi aisé que possible, tant qu'ils fréquenteront l'Université Concordia ou d'autres établissements. Nous n'assurons pas de services formels. Nous aidons les étudiants de façon ponctuelle. Bien que certains problèmes se présentent régulièrement, nous avons constaté qu'il n'est tout simplement pas possible de créer des programmes qui répondent aux besoins de tous les étudiants qui s'adressent au Centre. Je travaille à l'Université Concordia depuis huit ans. La question des études postsecondaires des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain soulève effectivement un certain nombre de problèmes.
J'ai inclus dans mes notes quelques statistiques qui sont tirées des données recueillies par le ministère des Affaires indiennes en 2001 et du dernier recensement du Canada. Elles indiquent que 32 p. 100 des jeunes Autochtones obtiennent leur diplôme d'études secondaires. Ces statistiques concernent l'ensemble du pays. Certaines collectivités autochtones ont de meilleurs taux de diplômation; dans d'autres cas, les taux de diplômation sont déplorables.
Ce document indique également que, pendant l'année scolaire 1999-2000, 26 800 étudiants autochtones parrainés étaient inscrits dans des établissements d'enseignement postsecondaire. Cela inclut non seulement les universités, mais les collèges techniques, les cégeps et au fond tout établissement d'études supérieures.
Le taux d'inscription à des établissements d'enseignement postsecondaire des jeunes Autochtones âgés de 17 à 34 ans était de 6,6 p. 100 en 2000, comparativement à 11,4 p. 100 pour tous les Canadiens du même groupe d'âge. Cela signifie que le taux de fréquentation des universités et autres établissements postsecondaires des Autochtones est la moitié du taux qu'on observe dans la population générale. De plus, nous avons tendance à être plus âgés que les Canadiens qui fréquentent ces établissements en même temps que nous. Je dis «nous», parce que je poursuis encore mes études. À l'Université Concordia, par exemple, l'âge moyen des étudiants autochtones est de 33 ans, comparativement à une moyenne de 26 ans pour l'ensemble des étudiants non autochtones, et ce résultat est assez constant dans toutes les universités.
Au Québec, 143 étudiants autochtones ont obtenu un diplôme d'une université en 2000, dont 22 de l'Université Concordia. Sur une population globale de 7 millions d'habitants au Québec, seulement 143 étudiants autochtones ont obtenu un diplôme. Pour nous, ces statistiques sont tout à fait étonnantes. Chaque nouvel étudiant qui obtient un diplôme nous donne des raisons de nous réjouir, mais le nombre de diplômés est encore très faible par rapport aux résultats que nous pourrions obtenir.
Comme je vous l'ai déjà dit, je travaille à l'Université Concordia depuis huit ans, et le ratio femmes-hommes dans les universités n'a jamais changé au cours de cette période. Généralement de 75 à 80 p. 100 des étudiants autochtones sont des femmes, par rapport à 15 ou 20 p. 100 qui sont des hommes. Nous ne pouvons que conjecturer sur les raisons de cette différence. Aucune étude n'a jamais été menée en vue de savoir pourquoi les hommes s'intéressent moins aux études universitaires que les femmes. Mais ce serait un sujet de recherche très intéressant.
Il existe essentiellement deux types de jeunes Autochtones en milieu urbain poursuivant des études postsecondaires. Il y a ceux qui se trouvent en milieu urbain par nécessité — c'est-à-dire qui sont venus s'installer dans la ville pour fréquenter l'université — et ceux qui s'y trouvaient avant d'entreprendre leurs études et qui vont y rester parce que c'est là qu'ils habitent.
Ces deux groupes font face à des problèmes semblables, même s'il existe certaines différences. J'ai énuméré les problèmes les plus graves et les plus évidents. Il y a d'abord l'isolement. Je ne peux pas vous affirmer que c'est le cas dans chaque centre urbain, mais Montréal ne compte aucun quartier autochtone qui serait comme le quartier chinois ou le quartier latin. Les Autochtones ne se regroupent pas dans un même quartier. Ils n'ont pas le sentiment d'appartenir à une collectivité en tant telle, si ce n'est pas leurs contacts avec des organismes comme le Centre d'amitié, par exemple.
La pauvreté pose également problème. Je crois que M. Ravenelle compte examiner cette question avec vous. L'indemnité de subsistance mensuelle que touchent les étudiants autochtones — et là je ne parle pas du Conseil scolaire cri qui a conclu un accord distinct avec la province — n'est pas suffisante pour répondre à leurs besoins fondamentaux. Selon les chiffres du Dispensaire diététique de Montréal, la somme qu'ils touchent n'est pas suffisante pour répondre à leurs besoins fondamentaux, c'est-à-dire se nourrir, se vêtir et se loger; autrement dit, on ne parle pas d'abonnement pour l'autobus, ni de la possibilité d'acheter un journal ou de se faire couper les cheveux. Selon ces chiffres, les étudiants auraient besoin d'au moins 745 $ par mois, alors qu'ils ne touchent que 675 $. Donc, cela pose forcément problème.
Au niveau postsecondaire, nous faisons également face à des problèmes de toxicomanie, notamment chez les Autochtones du sexe masculin. Voilà l'une des raisons pour lesquelles certains étudiants ne réussissent pas à terminer leurs études et à décrocher un diplôme. Le logement représente également une grande préoccupation — c'est d'ailleurs notre plus grande préoccupation à l'Université Concordia à l'heure actuelle, de même que les services de garderie. À l'heure actuelle, le taux d'inoccupation à Montréal se situe à 0,6 p. 100. Les appartements se louent généralement de juillet en juillet. Par conséquent, pour les étudiants du niveau postsecondaire qui arrivent à la fin août ou au début septembre, il ne reste plus grand-chose. Les logements qui restent à ce moment-là sont soit des taudis, soit extrêmement coûteux, si bien que les étudiants n'auront pas les moyens de les louer.
De plus, la plupart des étudiantes autochtones sont également des mères célibataires. La grande majorité d'entre elles ont déjà des enfants, qu'elles soient âgées de 17 ou de 45 ans. Donc, elles viennent avec leurs enfants. Elles doivent donc jongler pour concilier leurs responsabilités familiales et leurs études postsecondaires. Le logement et les services de garderie sont les deux grandes questions qui influencent la capacité de nos étudiants de poursuivre leurs études postsecondaires. Comme je vous l'ai déjà dit, les toxicomanies posent problème chez les Autochtones de sexe masculin. Chez les étudiants autochtones, le facteur le plus fréquemment cité pour expliquer l'abandon des études est l'absence de logement ou de services de garderie appropriés.
Dans le cas d'étudiants qui se sont installés en milieu urbain depuis peu de temps et qui ont surtout fait leurs études près des réserves, notamment dans les collectivités du Nord, le problème qui se pose est celui d'une formation scolaire insuffisante pour être en mesure de poursuivre des études postsecondaires. Nous observons un phénomène particulier au Québec en ce moment, à savoir que bon nombre d'étudiants autochtones laissent tomber complètement le cégep. Ils terminent leurs études secondaires, attendent cinq ans et demandent à être admis à l'université à titre d'étudiants adultes. Cela veut donc dire qu'ils savent à peine lire et écrire.
Les étudiants qui vivent provisoirement en milieu urbain font également face à d'autres types de difficultés. Il y a d'abord le choc culturel. Très souvent, il s'agit de la première fois que les étudiants autochtones se trouvent dans ce genre de milieu. Ils n'ont jamais vécu dans une ville. Ils ne savent pas négocier un loyer. Ils ne savent pas en quoi consiste un loyer approprié ou abordable. Ils ne savent si le propriétaire essaie de les rouler ou non. Ils ne savent pas faire un budget ni où aller pour faire leurs commissions. Dans cette population, les problèmes sont nombreux.
Il y a aussi le fait que ces étudiants s'ennuient de leur famille et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles ils décident souvent d'abandonner leurs études. Ils retournent chez eux parce qu'ils ne peuvent pas supporter de vivre seuls dans une ville sans le soutien de leur famille. Les obstacles linguistiques sont également considérables, notamment chez les étudiants inuits. Ce n'est pas qu'ils ne sachent pas parler l'anglais ou le français; c'est plutôt qu'ils ne savent pas écrire dans ces deux langues. Au niveau universitaire, il s'agit nécessairement d'un obstacle important.
Encore une fois, le logement pose problème à tous les étudiants vivant en milieu urbain, qu'ils viennent d'arriver ou non. Il en va de même pour les services de garderie.
Mais les étudiants qui vivent depuis longtemps en milieu urbain — des gens comme moi, par exemple — font également face à des problèmes particuliers, dont un qui est très fréquent. J'assiste à de nombreuses conférences sur l'éducation des Autochtones, et je peux vous assurer que le problème le plus important dont il est question dans ce contexte est celui de l'érosion linguistique et culturelle chez les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. S'ils se sont installés dans une ville avec leurs parents, très souvent ils ne savent pas parler leur langue autochtone et connaissent très peu leur culture, et cette lacune les touche au vif. Ils ont l'impression d'être exclus. Lorsqu'ils rencontrent des gens qui connaissent leur langue et leur culture, ils ont l'impression d'être des Autochtones de deuxième ordre en comparaison.
La pauvreté représente également un grave problème pour les étudiants poursuivant des études postsecondaires, même parmi ceux qui vivent en milieu urbain depuis longtemps. De plus, les autorités scolaires ont souvent des règles strictes sur l'aide financière accordée aux étudiants et dans quelles conditions. Nous avons une étudiante du Nunavut qui fait actuellement face à ce problème. Le Nunavut refuse de financer les études d'un résident du Nunavut qui vit à l'extérieur du territoire depuis plus de 12 mois. L'étudiante en question a 25 ans et a vécu au Nunavut pendant 24 ans. Elle est venue à Montréal il y a 13 mois mais on lui a refusé de l'aide financière pour ses études postsecondaires. On comprend facilement à quel point la situation des étudiants autochtones peut être difficile avec des règles de ce genre. Les étudiants n'ont pas les moyens de payer eux-mêmes leurs frais de scolarité. S'ils ne peuvent pas obtenir de l'aide, ils ne peuvent tout simplement pas survivre pendant une longue période d'études universitaires.
Nous constatons que le logement et les services de garderie correspondent aux besoins les plus urgents de la population étudiante autochtone de l'Université Concordia, de même qu'un programme d'enseignement adapté à la culture autochtone.
Nous prenons actuellement des mesures pour répondre aux besoins de cette population en matière de logement et de services de garderie. Nous avons soumis un plan à l'examen des responsables de l'Université Concordia. Je ne vous en ai pas remis une copie, puisqu'il s'agit toujours d'une ébauche, et que l'Université ne me permet pas pour le moment d'en parler à d'autres.
Nous envisageons également de construire un immeuble d'habitation de 80 unités pour nos étudiants, afin qu'ils puissent demander un appartement au moment de présenter une demande d'admission à l'Université, avant même de venir à Montréal. Il est prévu de doter cet immeuble d'une garderie, pour que ces mêmes étudiants puissent demander une place de garderie et être sûrs d'en avoir une au moment de venir faire leurs études universitaires.
Nous travaillons également à l'élaboration d'une majeure en études des peuples autochtones qui donnera droit à 45 crédits en études des Premières nations. Puisque vous, honorables sénateurs, vous avez déjà visité l'Ouest du Canada, cela ne vous semblera peut-être pas très impressionnant, étant donné que ce genre de programme existe dans toutes les autres universités. Mais au Québec, la nôtre sera la première université à offrir un programme d'études des premiers peuples. C'est tout un exploit au Québec, et ce programme suscite déjà beaucoup d'intérêt. Nous espérons pouvoir l'offrir dès septembre 2005.
Un autre problème sur lequel nous devrons nous pencher est celui de savoir pourquoi les hommes ne s'intéressent pas aux études universitaires. Il faudra qu'on prenne des mesures pour rectifier ce problème.
La présidente: Les programmes d'études des Premières nations posent effectivement problème dans tout le Canada. Nous nous battons depuis des années pour faire corriger la situation. On peut espérer que si nous faisons front commun, on finira par nous écouter.
M. Eric Ravenelle, secrétaire, conseil d'administration, Centre d'amitié autochtone de Montréal: Honorables sénateurs, c'est à moi qu'on a demandé à la dernière minute de remplacer le témoin qui devait faire cet exposé. Je suis un Mohawk âgé de 25 ans, et j'ai toujours vécu hors réserve dans la région de Montréal. À l'heure actuelle, je suis le secrétaire du Conseil d'administration du Centre d'amitié autochtone de Montréal. Je siège au conseil depuis environ trois ans. Je suis également vice-président du Conseil national de la jeunesse autochtone de l'Association nationale des Centres d'amitié. Pendant trois ans, j'ai été le représentant de l'Est, du Québec et des provinces de l'Atlantique. Je participe également aux activités d'un éventail d'autres groupes, et c'est à ces activités que je consacre la majeure partie de mon temps.
Le Centre d'amitié autochtone de Montréal est un organisme autonome de développement communautaire à but non lucratif, dont la mission consiste essentiellement à promouvoir et à développer la communauté autochtone urbaine de Montréal et à améliorer sa qualité de vie.
Les Autochtones vivant dans la région du Grand Montréal sont au nombre de 44 155, dont 60 p. 100 sont des sans- abri. Les membres de Premières nations, les Métis et les Inuits qui veulent poursuivre leurs études, qui doivent être soignés loin de leur collectivité, ou qui ont besoin de repos, d'un repas chaud ou d'une formation quelconque, s'adressent au Centre d'amitié autochtone pour obtenir de l'aide.
À Montréal, un problème clé est le nombre de jeunes Autochtones qui sont des sans-abri.
Cette population connaît également un certain nombre de graves problèmes de santé, y compris le VIH/SIDA, les MTS, l'hépatite A, l'hépatite B et l'hépatite C, ainsi que la tuberculose. La tuberculose n'est pas courante ailleurs au Canada, mais à Montréal, elle commence à représenter un grave problème.
De plus, comme vous l'expliquait Mme Tremblay, les niveaux d'instruction des Autochtones sont faibles. Parallèlement, le taux de chômage chez les jeunes Autochtones est élevé, il y a des problèmes de racisme et de discrimination, et l'industrie du sexe à Montréal est très active, ce qui donne lieu à des grossesses précoces.
De même, les compétences linguistiques des jeunes Autochtones sont faibles. Bon nombre d'entre eux sont unilingues. Souvent ils parlent soit le français, soit l'anglais, ou encore la langue de leur collectivité autochtone, mais peu de jeunes Autochtones sont bilingues ou trilingues, et c'est forcément un gros problème à Montréal.
Le fait que les Autochtones ne possèdent pas toujours des connaissances élémentaires ou pratiques pose problème, ainsi que la toxicomanie, la violence physique, et la violence sexuelle. La mobilité représente également une difficulté grave. Lorsque quelqu'un d'une petite localité du Nord arrive dans une grande ville comme Montréal, il y a forcément un choc culturel, et cette personne peut ne pas savoir où aller ou à qui s'adresser. Certains Autochtones ne sont pas au courant du Centre d'amitié et ont donc tendance à se perdre dans la foule.
Ces jeunes connaissent mal la culture, et bon nombre de ceux qui viennent de petites collectivités autochtones ont des démêlés avec la justice et finissent en prison.
Parmi les politiques et programmes qui favorisent les pratiques exemplaires à Montréal, nommons le Centre polyvalent urbain de la jeunesse autochtone, basé au Centre d'amitié, et le Conseil de la jeunesse autochtone de Montréal. Ce sont les deux programmes à Montréal qui s'adressent spécifiquement aux jeunes. Il y a également le Programme de sensibilisation au SIDA à l'intention des Autochtones citadins, le projet pilote de Montréal à l'intention des sans-abri autochtones, les services destinés aux étudiants autochtones dans les universités et collèges de Montréal, et les services d'emploi pour Autochtones.
Parmi les obstacles à l'élaboration de programmation appropriée, notons un manque de services destinés spécifiquement aux jeunes Autochtones. Comme je viens de vous le dire, il n'y en a que deux à Montréal, ce qui n'est pas suffisant, surtout comparativement à ce qui se fait dans les autres régions du pays. Il n'y a pas de coordination entre les administrations fédérale, provinciale et municipale en vue d'examiner ou d'élaborer des politiques ou programmes à l'intention des jeunes Autochtones vivant hors réserve au Québec.
Il y a aussi un conflit de compétence, pour ce qui est de savoir qui se chargera de quoi. Ça, aussi, c'est un gros problème. La population autochtone, qui comprend les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits, est très diversifiée. Bon nombre de villes au Canada n'ont pas à traiter avec ces trois groupes.
De même, le cycle de financement annuel et l'incertitude d'une année à l'autre nous causent des difficultés, notamment au Centre d'amitié.
À Montréal, nous avons le Conseil de la jeunesse autochtone qui s'occupe du Centre urbain polyvalent des jeunes Autochtones, soit le CUPJA, en préparant la proposition et en mettant en oeuvre le programme. Le CUPJA donne également des emplois, mais uniquement aux jeunes. Si vous avez moins de 29 ans, il est plus probable que quelqu'un âgé de plus de 29 ans obtienne l'emploi à votre place.
En ce qui concerne la participation des jeunes au Conseil d'administration, il y a moi-même, car j'ai moins de 29 ans, et un autre jeune siège au Conseil de la jeunesse.
Au cours des deux dernières années environ, le bénévolat chez les jeunes a beaucoup augmenté.
J'aimerais aborder maintenant la question de l'accès au financement et de la prestation de programmes et de services. Le financement accordé d'année en année est irrégulier. Chaque année, nous rencontrons la même difficulté. Les crédits arrivent toujours tardivement. Nous dispensons un programme qui début chaque année au 1er avril, mais fréquemment nous ne recevons les crédits nécessaires que cinq mois plus tard. Nous sommes un organisme à but non lucratif et nous n'avons donc pas accès à une grosse marge de crédit pour nous permettre de continuer d'exécuter nos programmes.
Il y a un manque de représentation des Autochtones hors réserve pour ce qui est du processus décisionnel de la province. Le Regroupement des Centres d'amitié autochtones du Québec est rarement consulté à l'égard d'une décision quelconque envisagée par les autorités québécoises.
De plus, de façon générale, la population du Québec connaît mal les Autochtones. Bon nombre de responsables gouvernementaux ne connaissent rien des peuples autochtones. Ils ne connaissent pas notre culture ni notre façon de faire les choses. Ils ne savent pas qui nous sommes. Il faut absolument que ça change.
La présidente: Permettez-moi de vous remercier tous trois pour vos exposés. Les membres du comité ont des questions à vous poser.
Le sénateur Pearson: Je ne sais trop où commencer. Pendant vos exposés, je trouvais intéressant de constater les similitudes et les différences entre ce que vous disiez et ce que nous avons déjà entendu. L'un des points qui ressort de vos remarques et de celles des autres témoins que nous avons reçus, c'est que le financement représente un gros problème. On dirait que vous vous heurtez tous à cette difficulté-là, et je peux vous assurer que c'est une question que nous envisageons très sérieusement d'aborder dans nos recommandations.
Un système de financement annuel ne tient pas debout. Si un programme est prometteur, il faut lui donner l'occasion de s'implanter convenablement. C'est ridicule de penser que vous pouvez simplement avoir recours à une marge de crédit. Les gouvernements peuvent vivre à crédit, mais des organismes comme le vôtre, non.
Il s'agit sans doute d'une situation particulière au Québec qui est en rapport avec la culture de cette province. Votre commentaire à propos du manque de connaissance de la culture autochtone dans la province m'a vraiment frappée.
Lorsque nous étions à Winnipeg la semaine dernière, par exemple, on nous parlait de toutes les initiatives très sérieuses qui sont actuellement élaborées pour aider la population autochtone. C'est en partie en raison de sa situation démographique particulière. Non seulement la municipalité, mais les entreprises commencent à s'intéresser à cette question parce qu'elles se rendent compte que cette population sera une source éventuelle de main-d'oeuvre. Les Autochtones représentent 20 p. 100 de la population scolaire à Winnipeg.
Au Québec, vous n'êtes pas présents en aussi grand nombre. Il faut donc du temps pour sensibiliser la population à votre situation, ce qui a nécessairement des avantages et des inconvénients. Bien sûr, les préjugés des gens sont renforcés par la présence de bandes.
Mais nous sommes au courant d'un certain nombre d'exemples d'initiatives prometteuses, notamment dans le domaine de l'emploi. On a l'impression qu'il y a une sensibilisation accrue à votre situation.
Comment peut-on favoriser davantage cette sensibilisation? Que peut-on faire pour vous aider? Qu'est-ce qui vous aiderait à accroître encore cette sensibilisation au sein de la société québécoise?
Mme Tremblay: Cette sensibilisation à quoi, au juste?
Le sénateur Pearson: Eh bien, M. Ravenelle disait que les décideurs ne comprennent pas votre situation. Est-ce parce qu'on n'en parle pas assez?
Mme Tremblay: L'ignorance de la population québécoise de la situation des peuples autochtones du Québec est tout à fait ahurissante. Nous en avons la preuve tous les jours, et ce n'est pas juste le grand public qui est en cause; on constate cette même ignorance dans certains milieux où on ne s'y attendrait pas. Dans les universités, par exemple, nous constatons que les professeurs sont souvent ignorants. Certaines remarques qu'ils font en classe nous le prouvent. Par exemple, ils se servent de certains termes pour décrire les peuples autochtones qui sont maintenant dépassés et insultants. J'entends encore des gens utiliser le terme «esquimaud». Et nous les entendons dans la bouche de professeurs titulaires d'université.
De plus, certains professeurs utilisent des ouvrages de référence qui sont insultants pour les peuples autochtones. Par exemple, certains s'appuient sur les oeuvres de Thomas Flanagan pour enseigner un cours sur les peuples autochtones.
Face à ce genre de situations, il n'est guère étonnant que les gens ne sachent rien sur les peuples autochtones. Dans le cadre de mon travail actuel, je fais un stage dans un jardin d'enfants fréquenté exclusivement par des non-Autochtones. Pour la première fois, le ministre de l'Éducation a demandé aux écoles québécoises d'incorporer dans le programme d'études à tous les niveaux un module sur le Canada.
Bien que les enseignants soient tout à fait capables d'organiser les activités sur le thème du castor, le drapeau du Canada, et cetera, ils ne savent absolument pas quoi faire pour parler des Premières nations. Ils viennent souvent me voir en me disant: «Qu'est-ce que je dois faire? Est-ce que ça va, ça?»
Comment sensibiliser davantage la population à notre situation? Eh bien, nous travaillons à la création d'une majeure de 45 crédits au niveau postsecondaire. Ainsi nous allons encourager les étudiants universitaires qui veulent travailler pour ou avec les peuples autochtones de prendre une majeure double. C'est-à-dire qu'ils garderaient leur autre matière principale tout en prenant cette majeure, pour qu'ils sachent vraiment à quoi ils s'exposent.
Dans le cadre de cette majeure, des cours seront dispensés qui examinent le passé, le présent et le futur. Les cours relatifs au passé viseront à expliquer qui nous sommes et en quoi consistent nos cultures. Les cours sur le présent examineront ce que nous sommes maintenant et les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Et dans les cours sur le futur, il sera question des mesures que nous comptons prendre pour rectifier la situation. Nous espérons que les gens voudront suivre ce programme s'ils comptent travailler avec les peuples autochtones.
Le sénateur Pearson: Monsieur Ravenelle, avez-vous des idées sur ce qu'on peut faire?
M. Ravenelle: J'essaie de penser à de nouveaux moyens qui nous permettraient d'éduquer les gens, et surtout le gouvernement. Il s'est produit quelque chose de formidable la semaine dernière à Lyon, en France. C'est là que s'est tenu le Colloque des Nations Unies sur les peuples autochtones du monde.
C'est vraiment une idée intéressante. Ce genre de colloque offre à tous l'occasion d'apprendre. C'est vraiment instructif. C'est tout ce que je peux proposer pour un grand nombre de personnes.
Le sénateur Pearson: Mais dans l'esprit du public, vous avez tout de même la Convention de la baie James, que ce soit à votre avis un bien ou un mal. On pourrait supposer que les gens soient un peu conscients des répercussions sur les Cris, et cetera. Il y a eu également la crise d'Oka, et cetera. Tout cela s'est produit dans la province du Québec.
Même nous sommes surpris d'apprendre qu'il y a autant d'Autochtones qui vivent à Montréal. Vous avez tout à fait raison. Personne au Québec ne semble parler de la situation des Autochtones.
Peut-être conviendrait-il de faire des recommandations sur la disponibilité des crédits. Il y a le nouveau programme sur les langues. Il devrait y avoir un mécanisme qui permet aux organismes universitaires d'obtenir des fonds pour organiser des manifestations culturelles visant à sensibiliser la population.
En l'absence de cette sensibilisation, d'autres questions prennent le dessus. Les gens ne se préoccupent pas beaucoup de vous à ce moment-là.
[Français]
M. Nolet: Lors des réunions des deux derniers conseils d'administration provinciaux on a parlé de plus en plus de notre visibilité qui est un des problèmes permanents et majeurs que l'Alliance autochtone du Québec a toujours eu.
Les gens doivent être conscients que des Autochtones vivent au Québec, qu'ils soient statués ou non. Dans le document exécutif de l'Alliance autochtone du Québec que je vous ai remis, on démontre qu'il y a 23 000 Autochtones de l'Alliance autochtone à travers le Québec dont la plupart sont des Métis d'origine indienne ou d'origine inuit. Cinq pour cent d'entre eux sont des C31 et constituent notre population. Ces gens ne sont pas reconnus, même après 31 ans d'existence à l'Alliance autochtone du Québec. On a des difficultés à négocier avec le gouvernement du Québec.
Dans ce document on parle de chasse et de pêche. On essaie d'amener des changements et souvent on fait face à des problèmes. Nous ne sommes pas assez connus. Je vous donne un exemple pour sensibiliser les gens. Ma région commence à Saint-Jérôme et comprend les Basses-Laurentides, Laval, Québec, Montréal, l'Estrie, Trois-Rivières, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. C'est énorme comme région.
J'ai l'intention de sensibiliser nos hommes politiques provinciaux. Je vais aller voir tous les députés provinciaux et fédéraux pour leur dire qu'on existe et leur demander de nous aider.
J'irai bientôt en Gaspésie. Je vais laisser des cartes d'affaires afin que les membres de la Gaspésie sachent qu'il y a un bureau pour eux à Laval.
J'aimerais sensibiliser le député de Rivière-du-Loup, et le prochain ministre au Québec qui s'occupera des Autochtones. Je visiterai aussi mon député fédéral. Il faut aller voir ces gens et se rendre visibles. Les organismes autochtones n'ont jamais eu tendance à foncer de l'avant et à être vus.
Si on veut être connus, il faut être vus. Je pense qu'à partir de là, on pourra commencer à faire avancer la roue.
[Traduction]
Le sénateur Sibbeston: J'aimerais savoir si la population du Québec est sensible ou compatit à la situation des peuples autochtones, étant donné que les Francophones ont vécu des expériences semblables par le passé, sous la domination des Anglais. Diriez-vous que la situation future des peuples autochtones au Québec est plus prometteuse en raison de la compassion de la population québécoise pour le sort des peuples autochtones?
Mme Tremblay: D'après mon expérience, les Francophones ne compatissent aucunement à la situation des peuples autochtones. Il s'agit au contraire du segment qui a le plus de préjugés à notre endroit. Ce sont les Anglophones du Québec qui font preuve de compassion à notre égard. Comme notre université est multiculturelle et compte de nombreux étudiants étrangers, ce sont eux qui témoignent de beaucoup de sympathie à notre égard. Mais l'ignorance qui existe au Québec est très inquiétante. Avant de trouver cet emploi à l'Université Concordia, je travaillais pour l'Agence Parcs Canada. J'étais étudiante et je travaillais dans certains lieux historiques du Québec, où nous recevions des touristes d'un peu partout, c'est-à-dire des Francophones, des Anglophones et des gens d'autres pays. Ce qui était intéressant, c'était de voir la façon dont différents segments de la population réagissaient dans un lieu historique. Très souvent les Francophones arriveraient dans ces lieux historiques en nous demandant ce qu'il y a à voir. Par contre, les Anglophones qui venaient connaissaient déjà le lieu et voulaient en savoir plus. Les Francophones s'arrêtaient souvent dans ces lieux en se disant qu'il y aurait peut-être quelque chose à voir. Ce comportement, qui était très courant, explique également leur manque total de connaissance des peuples autochtones. La crainte qu'ils éprouvent à notre égard résulte de leur ignorance.
[Français]
M. Nolet: Depuis quatre ans, j'ai le sentiment que les gouvernements ignorent nos tentatives de négociation. Le sentiment d'aliénation est plus envers l'état québécois. À une époque, le Parti québécois disait qu'il acceptait l'Alliance autochtone du Québec et que nous étions reconnus. Toutefois, depuis que ce parti est au pouvoir, la cause autochtone n'avance pas rapidement.
Du point de vue de mon organisation, il s'agit donc d'un état plutôt que d'un problème ou d'un conflit entre groupes linguistiques. Il y a un sentiment d'aliénation d'une part et un sentiment de domination d'autre part.
[Traduction]
M. Ravenelle: Je suis d'accord avec les propos de Mme Tremblay en ce qui concerne le racisme. Si vous demandez à n'importe qui au Québec si les peuples autochtones sont des minorités, ils vous diront que oui. Tout le monde considère les peuples autochtones comme des minorités. Nous essayons de combattre cette attitude, mais elle refait constamment surface.
Le sénateur Pearson: Est-ce qu'ils considèrent les Autochtones comme le troisième groupe fondateur du Canada?
M. Ravenelle: Non.
[Français]
Le sénateur Chaput: Monsieur Nolet, est-ce qu'il y a des liens de travail entre les trois?
[Traduction]
Est-ce qu'il vous arrive à vous trois de travailler ensemble dans le cadre de diverses activités?
[Français]
M. Nolet: C'est la première fois que je les rencontre.
Le sénateur Chaput: C'est bien.
[Traduction]
Le sénateur Chaput: Êtes-vous présent dans différents quartiers de Montréal? Je ne connais pas du tout la ville.
Mme Tremblay: L'organisme de M. Ravenelle et le mien travaillent en collaboration.
[Français]
On a des liens et beaucoup de clients en commun. On a des services que nous ne pouvons pas offrir à nos étudiants, mais que le Centre d'amitié va offrir. Le Centre d'amitié nous réfère des gens en retour également.
Pour l'instant, l'Alliance autochtone du Québec n'a pas de bureau à Montréal ce qui occasionne un problème de réseau.
M. Nolet: J'aimerais répondre à cette question et je vais faire un peu d'histoire. Il y a environ 13 ans, le bureau régional de l'Alliance autochtone du Québec a toujours été dans la région de Trois-Rivières et les dirigeants de l'époque étaient des personnes unilingues. La plupart des personnes d'Alliance autochtone du Québec ne parle pas anglais. Il s'agit donc d'une organisation francophone plutôt qu'anglophone.
J'ai été élu en juin 2002. J'ai amené le bureau ici et il a fallu tout réorganiser. Dans le plan d'action 2002 de la région 3, il est prévu de réactiver la communauté de Montréal. Ce sera un défi, mais cela peut se faire. C'est là qu'on pourra faire des liens plus particuliers avec les différentes organisations et c'est souhaitable. Actuellement, chaque fois qu'il se passe un événement à Montréal, ils appellent au bureau de Hull et c'est envoyé chez nous, pour toute la région de Montréal.
J'ai un travail qui m'occupe 37,5 heures par semaine. Je suis bénévole le soir et je suis le seul. D'où l'importance de réactiver la communauté de Montréal assez rapidement pour qu'elle puisse prendre en charge un certain nombre de besoins. Il y a du travail à faire. Il sera intéressant d'organiser ce travail dans les semaines et les mois à venir.
[Traduction]
Le sénateur Christensen: Je voudrais examiner plus en profondeur ce phénomène de la population québécoise qui ne reconnaît pas les Premières nations de la région pour essayer de le comprendre. Comme je suis du Yukon, où les membres des Premières nations font partie intégrante de nos collectivités, je pourrais difficilement imaginer qu'on ne reconnaisse pas ou qu'on n'ait pas régulièrement des contacts avec eux.
La grande majorité des communautés de Premières nations ont-elles le plus souvent vécu à l'écart des autres localités par le passé? Je peux très bien comprendre que ce soit le cas dans une grande ville comme Montréal, où tant de cultures sont présentes. Et selon vous, est-ce le cas dans tout le Québec, et pas simplement à Montréal?
M. Ravenelle: Oui.
Le sénateur Christensen: Par le passé, les collectivités des Premières nations ont-elles vécu à l'écart des autres localités ou ont-elles eu des liens étroits avec ces dernières? Je me demande ce qui a pu causer ce phénomène.
Mme Tremblay: Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. D'abord, dans certaines collectivités autochtones, qui représentent la moitié de la population autochtone du Québec, l'anglais est la première ou la deuxième langue. L'autre moitié a le français comme langue première ou seconde. Donc, dès le départ, il y a un problème de communication. Certaines collectivités sont très éloignées et n'ont pas de rapports avec d'autres — par exemple, celles du Labrador, y compris la collectivité qui vient d'être relocalisée.
Bien que les collectivités cries aient des rapports entre elles, elles sont éloignées les unes des autres, ce qui n'est pas le cas de la localité dont je suis originaire, par exemple, qui se trouve à une heure et demie de route de Saskatoon. Dans cette région, il existe un grand nombre de réserves cries qui se trouvent à proximité les unes des autres, ce qui permet une plus grande cohésion. Par contre, les neuf communautés cries du Québec sont éparpillées dans toute la province, et il faut faire plusieurs heures de route pour aller de l'une à l'autre.
Le sénateur Christensen: Elles sont éloignées les unes des autres et du reste de la société québécoise aussi.
Mme Tremblay: C'est exact.
Le sénateur Christensen: On dirait que le fait que de nombreux Québécois soient préoccupés par la séparation et désireux de trouver leur propre «identité» a fait qu'ils sont repliés sur eux-mêmes, au lieu d'être tournés vers l'extérieur et inclusif.
Mme Tremblay: Ce qui est intéressant en ce qui concerne cette passion pour la séparation, c'est que les sondages d'opinion publique indiquent — et tel a été le discours du gouvernement provincial aussi — que même si les Québécois estiment avoir le droit de se séparer du reste du Canada, ils n'accordent pas ce même droit aux Autochtones. Ils nous considèrent comme une menace, et notamment le peuple cri, qui revendique tout le nord du Québec, avec les Inuits. Si le gouvernement reconnaît les droits des peuples cris à cet égard, une bonne partie d'un Québec qui serait éventuellement indépendant disparaîtrait. Voilà l'une des raisons pour lesquelles ils n'éprouvent pas de sympathie pour nous sur des questions de ce genre.
Le sénateur Christensen: Monsieur Ravenelle, les Inuits ont-ils des centres spéciaux ou se servent-ils de votre Centre d'amitié?
M. Ravenelle: Il existe un groupe inuit à Montréal. Son nom m'échappe pour l'instant. De nombreux Inuits fréquentent tout de même le Centre d'amitié, parce que cet organisme inuit n'existe pas depuis longtemps. Par contre, le Centre d'amitié est bien connu. Je dirais que la majorité de nos clients sont des Inuits. Il y a une diminution chaque année, mais il reste que la plupart de nos clients sont des Inuits.
Le sénateur Christensen: Pour ce qui est du ratio hommes-femmes dont vous parliez dans le contexte universitaire, la situation est-elle la même aux Centres d'amitié? Accueillez-vous plus de filles que de garçons ou est-ce l'inverse?
M. Ravenelle: Depuis un moment, je constate que nous avons plus de clients masculins. Par le passé, il y avait beaucoup de femmes. C'est justement ça la caractéristique principale de notre Centre d'amitié. Avec chaque saison, ça change complètement.
Le sénateur Christensen: Il existe quand même certaines tendances, car vous avez observé que les femmes poursuivent leurs études postsecondaires; je me demande par conséquent si vous auriez observé certaines tendances à l'autre bout de l'échelle. Est-ce raisonnable de penser qu'un changement s'opère à un moment donné et que les femmes qui s'adressent à vous viennent donc d'ailleurs? Est-ce que les tendances sont plus stables de ce côté-là?
M. Ravenelle: Il peut y avoir un changement radical d'une saison à l'autre.
Le sénateur Christensen: Donc, selon vous, il n'y a pas de tendance particulière que nous pourrions essayer d'analyser?
M. Ravenelle: Non, pas vraiment.
Le sénateur Christensen: Je m'intéresse au syndrome et aux effets de l'alcoolisme foetal. Constatez-vous la présence de ce genre de problème chez les jeunes avec qui vous travaillez?
Mme Tremblay: Oui, tout à fait. Je suis bien au courant de ce problème car j'ai fait de la recherche à ce sujet dans le cadre de mes études de premier cycle. Disons que ce problème est moins évident en milieu urbain, entre autres, parce que les Autochtones ne sont pas tellement en évidence. Comme il n'y a pas de quartier autochtone et que Montréal est une ville très multiculturelle, les Autochtones se mêlent à la population générale. Le Montréalais moyen aurait beaucoup de mal à repérer un Autochtone dans la rue. Nous nous reconnaissons facilement, mais les gens n'arrivent pas à distinguer entre une personne d'origine asiatique et un Autochtone dans les rues de Montréal. À Saskatoon, c'est évident.
D'ailleurs, cela pose vraiment problème à Kahnawake — en tout cas, c'est ce que les étudiants qui viennent de cette réserve me disent. De nombreux bébés naissent atteints du syndrome de l'alcoolisme foetal, je n'ai jamais vu d'adultes à l'Université qui soit atteint du syndrome à proprement parler, mais j'ai certainement constaté les effets de l'alcoolisme foetal chez certaines personnes.
Le sénateur Christensen: Les Centres d'amitié autochtones ont-ils créé des programmes en vue de dépister des problèmes de ce genre chez les personnes qui les fréquentent? Les systèmes scolaires ont-ils des programmes de ce genre?
Mme Tremblay: Pas en milieu urbain, mais une initiative relative au syndrome et aux effets de l'alcoolisme foetal est en voie de préparation à Kahnawake.
[Français]
Le sénateur Léger: Monsieur Nolet, vous êtes agent de libération conditionnelle dans les prisons?
M. Nolet: Oui.
Le sénateur Léger: Vous travaillez spécifiquement avec les Autochtones en prison?
M. Nolet: Non, mais depuis environ deux ans, on peut nous référer directement un détenu autochtone au CRC Waseskun sur le plan de l'application des articles 81 et 84 afin de favoriser la réintégration des Autochtones dans leur communauté. Il existe une volonté du ministère de s'assurer d'un meilleur service auprès des Autochtones.
Quatre agents de libération conditionnelle ont été formés quatre ont reçu une formation sur la réalité autochtone. Par la suite, on nous a dit qu'on devait s'occuper des Autochtones.
Je travaille présentement au Centre régional de réception, l'endroit où arrivent les nouveaux détenus autochtones. Quand un nouveau détenu autochtone arrive, on évalue si on doit l'envoyer au CRC Waseskun, un établissement considéré comme étant à sécurité minimum ou si on doit l'envoyer ailleurs dans le cas où il aurait besoin de programmes plus spécifiques. Par exemple, un délinquant sexuel sera envoyé à La Macaza.
Le sénateur Léger: Ce n'est pas nécessairement seulement pour les Autochtones?
M. Nolet: Non.
Le sénateur Léger: Je ne me souviens pas des proportions, mais dans l'Ouest il y aurait neuf fois plus d'Autochtones incarcérés. Les proportions sont-elles les mêmes ici étant donné qu'il y a moins de population?
M. Nolet: Au Québec, le seul établissement à sécurité maximum s'appelle le USD et au-delà de 50 p. 100 des détenus incarcérés à cet établissement à sécurité maximum sont des Autochtones.
Le sénateur Léger: Quel est le pourcentage?
M. Nolet: C'est au-delà de 50 p. 100 et cette donnée m'étonne. Après 15 ans de pratique, je constate que ce ne sont pas les Indiens inscrits ou les Métis qui ont le plus de difficulté à s'adapter, mais bien les Inuits et ce, à cause de la langue.
Certains d'entre eux ne parlent ni le français ni l'anglais. Ils sont beaucoup plus isolés que les autres et c'est plus difficile d'intervenir auprès de ces gens. Ce ne sont pas tous les agents de libération conditionnelle qui ont cet intérêt pour les Autochtones.
Le sénateur Léger: Avec un tel pourcentage, y a-t-il beaucoup de racisme?
M. Nolet: J'ai déjà vu des situations qui frôlaient le racisme, mais je n'ai pas rencontré de situations extrêmes. Parfois on me fait des blagues, mais je vois qu'il y a beaucoup de respect envers les Autochtones. Chaque fois qu'ils arrivent au Centre régional, ils sont identifiés par Marc-André Laberge, notre agent de liaison, qui leur explique les programmes et qui les sensibilise. À l'établissement où je travaille au Québec, il y a quand même un bon encadrement.
Le sénateur Léger: Madame Tremblay, il faudrait quasiment qu'il existe quelque chose du genre pour les enseignants.
Mme Tremblay: L'Université Concordia travaille présentement à implanter un programme de sensibilisation automatique pour tous les nouveaux professeurs et tous les professeurs déjà en place. Ce ne sera pas seulement pour les Autochtones, mais bien pour toute personne qui n'est pas canadienne ou de race blanche.
Le sénateur Léger: Beaucoup d'immigrants fréquentent l'Université Concordia. J'aimerais savoir si on distingue les nations autochtones à l'Université Concordia.
Mme Tremblay: Non. Présentement, on ne nomme pas les nations autochtones. En fait, nos étudiants représentent 26 nations et on ne parle que d'Autochtones.
Le sénateur Léger: Cela se fait certainement sans mauvaise volonté puisqu'on ne s'en aperçoit même pas.
M. Tremblay: Si on demandait aux étudiants ou aux professeurs de nommer 26 nations, ils ne seraient pas capables. Ils n'ont pas l'impression qu'il y a autant de nations au Canada, alors qu'il en existe 60.
Le sénateur Léger: Que doit-on faire?
M. Tremblay: Présentement, on est en train de changer les termes qui nous représentent puisque les Autochtones n'ont pas choisi ces termes. On sait par exemple que le mot «Cri» vient du mot français «christino» qui signifie les petits-enfants du Christ. On sait aussi que le mot «esquimau» vient du mot cri qui signifie «qui mange cru». On appelle maintenant les Mohawks des Gognankehaga. Non seulement ils ne connaissent pas les termes, mais on est en train de les changer. C'est la raison pour laquelle la confusion est totale.
Le sénateur Léger: J'ai remarqué une différence incroyable entre les femmes et les hommes puisque c'est 80 p. 100 d'un côté et 20 p. 100 de l'autre. Avez-vous des solutions en ce qui concerne le logement? Vous avez dit que l'Université Concordia était en train de faire construire des logements. Puisque c'est le problème de logement qui prévaut, le gouvernement peut-il faire quelque chose? On entend parler partout que c'est un problème majeur.
M. Nolet: La Corporation Weskahegen existe depuis 25 ans au Québec et gère environ 2 200 logements. C'est insuffisant, j'en conviens, mais beaucoup d'Autochtones au Québec, qu'ils soient Métis, Indiens inscrits ou non, disposent de logements à prix modique.
Cependant, pour pouvoir bâtir des logements, la Corporation Weskahegen se doit d'avoir des listes d'attente et un des problèmes de la Corporation, c'est qu'elle n'en a pratiquement pas. S'il y avait des listes d'attente, la Corporation pourrait faire bâtir de nouveaux logements. Ils sont en train d'en construire dans le coin de Gatineau, mais les négociations sont difficiles avec les villes.
Il y a aussi le logement abordable où les prix sont un peu plus bas que ceux du marché. On veut en bâtir dans les grandes villes du Québec puisqu'il y a une entente avec le gouvernement du Québec en matière de logement. Sauf qu'en raison d'un lobbying qui se fait avec des organismes municipaux, le projet ne fonctionne pas. Il faut dire que le coût des terrains est un élément qui contribue à retarder le projet de construction de ces nouveaux logements.
Au Québec, la Corporation Weskahegen est un leader national. Elle a organisé la dernière rencontre du National Housing Association au Canada et a payé les frais. C'est un organisme très utile qui mérite qu'on l'aide à grossir son inventaire de logements.
Le sénateur Léger: Ce n'est pas surprenant que l'on ne vous connaisse pas du tout au Québec. Comme le sénateur Christensen le disait, est-ce que ce ne serait pas le séparatisme? Étant Acadienne, les Québécois ont été tellement surpris et heureux de nous connaître. On existait déjà, mais j'ai l'impression que c'est la même chose pour vous? C'est ce que j'ai compris. Je me demande si avec l'arrivée des immigrants c'est pareil pour eux. Je pense que cela peut aussi nous arriver hors Québec.
M. Nolet: Il faut être écouté du gouvernement du Québec. En 1995, M. Chalifoux avait envoyé une lettre au ministre des Affaires autochtones du Québec. Il a reçu une réponse deux ans plus tard. Je n'invente pas cette histoire.
Comme je le dis dans mon document, il est important que le gouvernement du Québec donne des réponses aux revendications des Autochtones hors réserve. Le gouvernement s'occupe beaucoup des Autochtones de réserve et négocie avec certaines nations. Je trouve cela tout à fait correct. Ce qui est important, c'est que le gouvernement du Québec ne néglige pas les Autochtones hors réserve.
Il y a des organisations qui s'occupent d'eux, dont l'Alliance autochtone. Lorsqu'on leur présente un dossier et qu'on leur demande des choses, il faut être à l'écoute de nos revendications.
Notre problématique est aussi politique. Il faut que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial soient présents lors des négociations avec les Autochtones hors réserve. Si le provincial décide qu'il ne veut pas négocier, la progression des demandes et des revendications n'avancent pas vite. Il faut continuer dans cette approche. Il faut que les gens voient ce que font les personnes de Concordia et celles du Centre d'amitié autochtone de Montréal. Tout le monde se mettra à dire, oui, on existe, non pas de manière agressive mais de manière constructive par rapport à tout le monde. Alors, il y aura une progression. Rome ne s'est pas bâti en un jour.
[Traduction]
La présidente: J'ai une question sur le financement qui s'adresse à M. Ravenelle et à M. Nolet. Monsieur Ravenelle, êtes-vous membre de l'Association nationale des Centres d'amitié?
M. Ravenelle: Oui.
La présidente: Et comment obtenez-vous votre financement?
M. Ravenelle: Pour le Centre?
La présidente: Oui.
M. Ravenelle: Pour quel projet?
La présidente: Obtenez-vous un financement de base pour administrer votre Centre?
M. Ravenelle: Oui. Nous obtenons des crédits pour le Centre de la jeunesse, et nous venons d'obtenir des fonds pour un projet pilote touchant les sans-abri. Nous avons également obtenu des fonds dans le cadre du Programme de sensibilisation au SIDA destiné aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain.
La présidente: Donc, vous obtenez un certain financement de base, et ensuite vous obtenez des crédits de différents ministères pour vos programmes. La province vous aide-t-elle, ou votre financement provient-il exclusivement du fédéral?
M. Ravenelle: Exclusivement du fédéral.
La présidente: Entretenez-vous des rapports avec la province?
M. Ravenelle: Non, pas vraiment. Les crédits provinciaux bénéficient surtout à l'AFNQL.
La présidente: Qu'est-ce que l'AFNQL?
Mme Tremblay: Il s'agit de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador.
La présidente: C'est un organisme d'ordre politique.
M. Ravenelle: Oui. Nous siégeons à leur conseil de la jeunesse, mais les jeunes de la ville n'ont aucunement bénéficié des crédits qui devaient servir à aider les jeunes.
La présidente: Et quels programmes exécutez-vous par l'entremise du CUPJA?
M. Ravenelle: Nous administrons le Centre de la jeunesse, où nous donnons des ateliers. Autrefois nous avions une personne qui était chargée d'aider les jeunes qui arrivaient à Montréal à trouver un logement ou à répondre à d'autres besoins. Mais nous n'offrons plus de services, en raison du projet sur les sans-abri. La grande majorité de ceux et celles qui bénéficiaient de ce programme seront visés par le projet. Nous continuons à l'offrir au Centre de la jeunesse, mais ce ne sera pas un élément bien important. La plupart de nos clients qui s'adressaient à cette personne pour obtenir de l'aide étaient des sans-abri.
Beaucoup de jeunes voyagent et vont donc assister à des ateliers dans différentes régions du pays. Notre Centre est surtout un centre de jeunesse où les jeunes peuvent passer un moment et fréquenter d'autres jeunes Autochtones.
La présidente: Il s'agit essentiellement d'un bon centre de jeunesse.
M. Ravenelle: Oui.
La présidente: Lorsque nous étions à Winnipeg, on nous a parlé de la société Keewatin, qui a commencé à assurer une présence dans un secteur où habitent beaucoup d'Autochtones. Ils ont lancé une initiative très intéressante grâce aux crédits du CUPJA. Ils ont dispensé des cours de formation de pré-emploi et des cours sur l'art d'être parent, ainsi qu'un atelier sur le SIDA. Il y avait une trentaine d'étudiants, et cela semblait donner de bons résultats. Avez-vous déjà contacté d'autres Centres d'amitié à l'extérieur de Montréal pour vous renseigner sur les activités et vous mettre en réseau avec eux?
M. Ravenelle: Nous entretenons des rapports avec d'autres centres. Au Québec, nous recevons moins de crédits que dans d'autres provinces au titre des CUPJA. Nos projets sont moins sophistiqués que d'autres.
La présidente: Il ne s'agissait pas d'un projet sophistiqué. Ces cours se donnaient dans un vieux garage qu'ils avaient rénové. Personne n'a beaucoup d'argent.
Monsieur Nolet, toujours sur la question du financement, avez-vous un organisme d'ordre politique qui puisse vous aider? Et dans l'affirmative, travaillez-vous avec l'APN, les Métis ou un autre organisme national?
[Français]
M. Nolet: On est en communication avec le congrès des peuples aborigènes du Canada. On est un affilié du Congress of Aboriginal People. Notre bureau provincial est financé par Héritage Canada pour un montant d'environ 280 000 $. Pour les régions, la situation est plus précaire. Comme je l'ai dit dans ma présentation, les dernières années on recevait une subvention de 12 000 $ du secrétariat des Affaires autochtones. Il y a environ deux ans, le secrétariat des Affaires autochtones a décidé qu'il n'y avait plus de subvention. Il nous a demandé, en avril 2002, de faire une demande à la SACA, le secrétariat à l'Action communautaire autonome.
On a fait la demande et un an plus tard, on a eu la réponse. Le 18 mars, on nous octroyait un montant de 12 000 $ pour le fonctionnement de l'organisation. Entre temps, le seul montant d'argent que nous avons eu pour tenter de faire fonctionner le régional, le maximum, c'était 2 500 $. On était grosso modo en état de survie. On va pouvoir travailler un peu plus et prendre soin de notre monde.
On a aussi comme source de financement les cotisations des nouveaux membres. La carte de membre coûte 16 $ par année et de ce montant, le bureau régional reçoit un montant de cinq dollars. On commence à respirer pour ce qui est du financement au niveau régional. Cela devient plus difficile pour les communautés parce qu'ils ne reçoivent aucune autre source de financement gouvernementale. Ils se doivent d'être proactifs. Je donnais l'exemple de la communauté de Sherbrooke où les deux responsables de la communauté font de la généalogie. Au dernier budget, ils avaient 10 000 $, mais la généalogie est faite par ces gens. Ce ne sont pas des fonds qui viennent d'ailleurs. Les gens doivent être créatifs et foncer parce qu'il n'y a pas de sources financières stables.
Au niveau de certaines communautés, il y a toujours le cinq dollars des nouveaux membres, mais ce n'est pas un montant majeur car tout dépend des communautés. Il y a aussi un montant de 15 $ par logement donné par la Corporation Weskahegen. Si on suppose qu'une communauté a 12 logements, cela ne fait pas de gros montants. Certaines communautés, comme Sherbrooke, n'ont pas de logements. L'octroi de subventions pour les communautés n'est pas uniformisé. Il y a quelques logements dans la région de Montréal. Il y en a environ 12 dans la région de Saint- Jean-sur-le-Richelieu. Il y en a dans la communauté de Saint-Jérôme, mais je n'ai pas le nombre exact. Nos organismes sont sous-financés. À cause de cette situation, tout se fait sur la base du bénévolat.
[Traduction]
La présidente: Recevez-vous de l'aide du Congrès des peuples autochtones?
[Français]
M. Nolet: Oui, on reçoit de l'aide du CAP. Une somme d'environ 2 millions de dollars est donnée par le DRHC pour le développement de l'emploi à travers le Canada dans les zones urbaines et à l'ensemble des communautés urbaines au Canada. Sauf qu'au Québec, on reçoit 199 500 $. Dans mon document, il est indiqué qu'on aide environ 25 à 26 personnes pour le plan de l'emploi. C'est une goutte d'eau comparativement au montant de 24 millions que reçoivent les réserves pour le développement d'emploi par année. Une des recommandations était d'augmenter le pourcentage du financement que l'Alliance reçoit via sa corporation de services pour aider plus d'Autochtone hors réserve. Ce serait une recommandation réaliste.
[Traduction]
La présidente: Autrement dit, vous faites tous un excellent travail avec très peu d'argent. Je vous en félicite. Moi- même je suis passée par là à l'époque où je faisais de la mobilisation.
Le sénateur Pearson: Madame Tremblay, nous avons demandé aux représentantes de l'Association des femmes autochtones du Québec de comparaître devant le comité. Malheureusement, elles n'ont pas pu venir. J'ai déjà reçu de la documentation de cette organisation par le passé. Je sais qu'elle fait face aux mêmes difficultés de financement et de retard que vous. Tout le monde nous dit que même lorsque des crédits sont disponibles, il faut toujours attendre très longtemps pour les recevoir. Vous disiez qu'il avait fallu attendre un an pour obtenir une réponse au sujet d'une demande de financement de 12 000 $. Cela me paraît bien inefficace.
D'après mes discussions avec elles, j'avais l'impression qu'elles faisaient un excellent travail. Avez-vous déjà travaillé avec l'Association des femmes autochtones du Québec?
Mme Tremblay: J'ai travaillé pour cette association pendant un certain temps, avant d'accepter un poste à l'Université Concordia.
Je ne peux pas vraiment vous parler de leurs problèmes de financement, qui sont semblables à ceux que nous connaissons tous. Comme je travaille depuis bien des années à l'Université Concordia, je suis un peu déconnectée de la réalité en ce qui concerne le financement. Nous sommes l'un des rares organismes à ne pas avoir de problèmes de financement. Notre budget de base nous est donné par l'Université. Dans notre cas, l'argent ne pose jamais problème.
Le sénateur Pearson: Ce n'est pas tellement la question du financement qui m'intéressait, bien que je reconnaisse que cela pose problème. Ce dont j'ai discuté avec cette association concernait plutôt l'éducation sexuelle des adolescents, et elle m'a fait parvenir un excellent livre qui porte justement là-dessus. De toute évidence, il existe un grand besoin d'éducation de ce genre. À votre avis, cet organisme continue-t-il d'exercer une certaine influence?
Mme Tremblay: Oui, absolument. L'Association des femmes autochtones de Montréal est justement l'un des organismes clés issus de la lutte menée sur le projet de loi C-31. Cette association estime, d'ailleurs, qu'elle n'a jamais vraiment remporté la bataille. À son avis, le projet de loi C-31 n'allait pas assez loin pour reconnaître le statut d'Indien des enfants de femmes autochtones. Elles voudraient que les petits-enfants soient également reconnus.
À l'heure actuelle, leurs principales préoccupations sont la violence familiale et, bien entendu, l'éducation. Voilà les grandes priorités auxquelles elles donnent suite actuellement à l'intérieur et à l'extérieur de la collectivité. Nous savons tous que les femmes qui font l'objet de violence dans leur collectivité d'origine vont s'installer dans les centres urbains pour y échapper.
Le sénateur Pearson: J'admirais beaucoup le travail de cette association. J'aurais aimé qu'elle obtienne le soutien dont elle a besoin.
Le sénateur Christensen: Monsieur Nolet, vous êtes agent de probation de formation et de métier?
M. Nolet: Oui.
Le sénateur Christensen: Avez-vous reçu de la formation pour vous sensibiliser aux problèmes qu'on rencontre chez les personnes souffrant du syndrome ou des effets de l'alcoolisme foetal?
M. Nolet: J'ai eu à traiter un certain nombre de cas de ce genre.
Le sénateur Christensen: En tant qu'agent de probation professionnel, recevez-vous de la formation pour vous aider à traiter ces cas-là?
M. Nolet: Non.
Le sénateur Christensen: Donc, on peut supposer qu'aucun autre agent de probation n'aurait reçu de la formation de ce genre. Je ne parle pas de formation visant à vous apprendre à diagnostiquer ce syndrome, mais plutôt pour vous sensibiliser aux problèmes.
M. Nolet: Je sais que dans deux ou trois cas qui me concernaient, le syndrome avait été diagnostiqué. Mais je n'ai jamais assisté à un atelier visant à m'apprendre à traiter des cas de ce genre.
[Français]
M. Nolet: Au Québec, on n'a jamais eu de formation particulière. C'est la première fois que j'en entends parler.
[Traduction]
Le sénateur Christensen: Madame Tremblay, l'Université Concordia offre-t-elle un programme de baccalauréat en éducation pour ceux qui voudraient devenir enseignants?
Mme Tremblay: Oui.
Le sénateur Christensen: Est-il question d'incorporer dans le programme d'études un cours qui aurait pour objet de présenter l'histoire des peuples autochtones et de sensibiliser tous les enseignants potentiels à la situation des membres des Premières nations?
Mme Tremblay: Non. Nous comptons rectifier le problème du manque de sensibilisation en créant une majeure en études des peuples autochtones. L'un des cours que nous comptons dispenser s'intitulera «Les peuples autochtones et l'éducation». Dans ce cours, toute la démarche et l'histoire des peuples autochtones seront examinées, c'est-à-dire notre façon d'éduquer nos propres enfants avant les premiers contacts avec les non-Autochtones, l'intervention des non- Autochtones, et toute l'évolution de la situation, y compris ce qui se passe présentement et notre désir de revendiquer nos propres systèmes d'éducation. Nous nous attendons à ce que le département de l'éducation prévoie que ces étudiants suivent ce genre de cours parallèle.
Le sénateur Christensen: Tous les enseignants devraient posséder une telle connaissance, que leurs élèves soient membres des Premières nations ou non.
Mme Tremblay: J'imagine que ce n'est pas quelque chose qui se fait uniquement au Québec. On peut supposer que c'est la même chose dans d'autres régions du Canada.
La grande majorité des enseignants qui travaillent dans les écoles fréquentées par les Autochtones ne sont pas Autochtones. Et cette situation est problématique parce qu'il s'agit le plus souvent de jeunes enseignants qui viennent d'obtenir leur diplôme — qui sont doute âgés de 22 ans — et qui doivent accumuler un certain nombre d'heures d'enseignement pour obtenir leur brevet d'enseignement et qui ont donc besoin d'acquérir de l'expérience quelque part. Il y a beaucoup de postes dans les régions du Nord, et le salaire est excellent, parce que nous essayons justement d'attirer des gens vers ces régions. Mais ils deviennent rapidement désenchantés et cette attitude a un effet défavorable sur les enfants.
Le sénateur Christensen: Combien de jeunes en moyenne viennent dans vos centres régulièrement? Les jours- personnes sont également importants.
M. Ravenelle: J'ai cette information quelque part. Mais je n'ai pas ces statistiques dans mon document. Je sais que nous avons des chiffres sur le nombre de jeunes qui sont membres de notre Centre d'amitié, car nous demandons à tous de remplir et de signer un formulaire d'adhésion. Nous avons maintenant bien plus de 500 membres et cela ne comprend pas tout le monde. Il y en a un certain nombre qui fréquentent le Centre un certain temps et s'en vont; d'autres restent, mais je peux vous affirmer que plus de 500 jeunes fréquentent notre Centre.
Le sénateur Christensen: Est-ce qu'il s'agit de jeunes qui vivent dans la rue ou ont-ils un foyer quelque part?
M. Ravenelle: Comme je vous le disais tout à l'heure, la situation change avec chaque saison. Au cours de la dernière année, la plupart des clients du Centre de jeunesse étaient des jeunes de la rue âgés de 10 à 29 ans. Lorsque le Centre a ouvert pour la première fois, nous accueillions un plus grand nombre de jeunes âgés de 10 à 14 ans. Mais après quelques mois, l'âge moyen des jeunes a commencé à augmenter, et l'été d'après, nous avons accueilli une masse de jeunes sans-abri. Depuis lors, nous accueillons surtout de jeunes sans-abri qui sont au début de la vingtaine.
La présidente: Madame Tremblay, il existe deux ou trois écoles autochtones à Edmonton. La Dre Phyllis Cardinal a fondé l'Amiskwaciy Academy et y enseigne à l'heure actuelle. Avez-vous cherché à vous mettre en rapport avec elle pour parler de leur programme d'études?
Mme Tremblay: J'ai rencontré la Dre Cardinal l'été dernier à Banff, lors de la Conférence mondiale des peuples autochtones sur l'éducation, où elle donnait un atelier. C'était très intéressant, parce que son école est l'une des rares à avoir connu du succès dans ce domaine. À Montréal, nous devons nous contenter pour l'instant de rêver du jour où nous pourrons fonder une telle école. À mon avis, ce n'est pas pour tout de suite. À Montréal, nous nous efforçons pour l'instant d'ouvrir une première garderie pour les enfants autochtones. Vous comprendrez donc que nos services sont encore assez basiques, surtout que la garderie doit ouvrir depuis 18 mois. Les personnes qui pilotent ce projet ont du mal à obtenir un permis du ministère. Nous serions évidemment ravis de disposer d'une école comme celle-là, mais ce n'est sans doute pas réaliste étant donné la grande diversité de Premières nations qui existent au Québec. Quelque 11 Premières nations sont représentées au Québec, et encore davantage dans la Communauté urbaine de Montréal parce qu'il y a des membres de Premières nations qui viennent de l'extérieur de l'extérieur. Comment ferions-nous pour déterminer quelles cultures autochtones nous devons représenter?
La présidente: Il faudrait faire comme ils font à l'Amiskwaciy Academy, où tout le monde est représenté — les Pieds- Noirs, les Kainahs, les Sioux, les Métis, et cetera. Chacun sait à quelle Première nation il appartient et tous se respectent. Mais dans un premier temps, vous devriez peut-être vous mettre en rapport avec la Dre Cardinal pour vous renseigner sur leurs activités. Cela vous aiderait peut-être à réaliser votre rêve et votre vision. C'est ainsi que tout a commencé pour la Dre Cardinal — au départ, elle n'avait qu'un rêve et une vision. Mais à force de travailler, elle a réalisé son rêve.
Cette école existe depuis trois ans, et on nous a dit que 350 étudiants recevront leur diplôme cette année. Leurs programmes d'enseignement s'adressent aux élèves de 10e, 11e et 12e années. C'était un simple rêve au départ, mais il ne faut jamais cesser de rêver, parce que cela nous permet de survivre.
Cela présente une excellente occasion de faire du réseautage — d'ailleurs, le comité devrait peut-être recommander qu'une campagne de réseautage soit lancée d'un bout à l'autre du pays. Je pourrais dire à tout le monde que je suis Métisse, au lieu de dire que je suis de sang mixte. D'ailleurs, aux jeunes que je rencontre, je leur dis qu'ils ne sont pas Autochtones, mais plutôt Cris, Pieds-Noirs ou Sioux, et cetera. Je leur dis que c'est ça leur nationalité. Quand nous commencerons à nous identifier à notre nationalité autochtone, les gens nous remarqueront davantage.
S'il n'y a plus de questions, je voudrais remercier nos trois témoins de leur présence ce soir. Nous continuerons à tenir compte de toutes vos recommandations.
La séance est levée.