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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 17 - Témoignages du 4 juin 2003


OTTAWA, le mercredi 4 juin 2003

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 18 h 34 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte.

Je suis très heureuse d'accueillir chacun d'entre vous. J'espère que votre voyage pour vous rendre ici s'est bien déroulé. J'ai cru comprendre que l'un d'entre vous est venu à Ottawa en voiture, traversant tout ce magnifique pays qui est le nôtre, ce qui est une expérience merveilleuse.

Nous examinons ce soir le projet de loi C-6, qui vise la création du Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières et modifiant certaines lois en conséquence.

Nous accueillons donc parmi nous ce soir, de la Union of British Columbia Indian Chiefs, le chef Phillip; de l'Alliance of Tribal Nations, le Grand chef Pennier, Yewal Syiam (président) de la nation Sto:lo; et des B.C. Treaty 8 First Nations, le Chef Roland Willson et Mme Smithson. Merci d'être venus.

Nous allons écouter chacun d'entre vous à tour de rôle après quoi le comité vous posera des questions. Nous pourrons alors avoir une bonne discussion sur les différents aspects.

Le chef Stewart Phillip, président, Union of British Columbia Indian Chiefs: Honorables sénateurs, je suis le chef de la bande indienne de Penticton, qui fait partie de la Nation Okanagan, et président de la Union of British Columbia Indian Chiefs. Je tiens à remercier le comité de permettre ainsi à la Union of British Columbia Indian Chiefs de lui exposer sa position relativement au projet de loi C-6, Loi sur le règlement des revendications particulières.

La Union of British Columbia Indian Chiefs effectue des recherches sur le règlement de revendications particulières pour nos collectivités membres et d'autres groupes des Premières nations en Colombie-Britannique. Le département de recherches de l'UBCIC oeuvre à l'heure actuelle à 83 dossiers de règlement de revendications particulières. Cela représente le plus important nombre de communautés des Premières nations dans la province, et nous nous occupons d'environ le tiers de toutes les revendications particulières de la Colombie-Britannique.

Je représente ici ce soir nos chefs, membres du conseil et membres à la base de partout en Colombie-Britannique. Nous tenons à vous exprimer notre opposition catégorique et totale au projet de loi C-6 dans sa forme actuelle.

Après mûre réflexion et beaucoup de discussion, il ressort clairement que le projet de loi aura une incidence néfaste sur nos collectivités et, contrairement aux déclarations du ministre, entravera sensiblement tout effort visant l'instauration d'un processus véritablement indépendant et juste en vue du règlement de revendications particulières. Nous demandons que le projet de loi dans son libellé actuel soit retiré et que le comité sénatorial recommande la reprise de discussions équitables et ouvertes sur la politique de règlement des revendications particulières entre le gouvernement fédéral et les Premières nations.

L'ensemble des communautés des Premières nations de la Colombie-Britannique avait espéré qu'un nouveau projet de loi visant la création d'un organe véritablement indépendant de règlement des revendications aurait facilité le règlement juste et équitable des obligations légales non encore exécutées du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations et le traitement de l'énorme arriéré tout à fait inacceptable de revendications qui sont déjà dans le système. Le projet de loi C-6 est très loin de réaliser cet objectif.

Contrairement aux attentes du ministre, le projet de loi C-6 ne contribuera pas à l'établissement de collectivités plus fortes et plus saines. Il ne livrera pas non plus de nouveaux outils en vue de l'autosuffisance économique des Premières nations, ni ne nous offrira une meilleure qualité de vie. En fait, il nous refusera en définitive ces droits fondamentaux.

Aussi inacceptable soit-il, l'actuel processus de règlement des revendications particulières est, de l'avis de nos chefs et de nos membres que je représente, préférable à ce à quoi nous serions confrontés en vertu du projet de loi C-6.

Les propos que je vous tiens ici ce soir sont empreints de regret et de colère. Le franc optimisme exprimé par les dirigeants des Premières nations, les spécialistes et les membres des collectivités pendant les années de travail actif du groupe de travail mixte a cédé la place à un sentiment généralisé de frustration, de trahison et de ressentiment.

Comment et en vertu de quel pouvoir les lignes directrices et critères convenus par accord réciproque en vue de l'acquittement par le gouvernement fédéral de ses obligations légales non encore réglées envers les peuples des Premières nations ont-ils été ramenés à de simples voeux pieux en matière d'indépendance et d'équité? Comment et pourquoi, après la prise d'engagements pour travailler dans une collaboration et une consultation véritables auprès des Premières nations, de tels changements fondamentaux ont-ils été apportés au projet de loi sans d'abord en discuter comme promis avec les Premières nations?

Comment des conflits d'intérêt inhérents et des retards, identifiés comme étant les principaux défauts de l'actuel processus de règlement des revendications particulières, ont-ils pu s'enraciner, au lieu d'être corrigés, contrairement au caractère d'un organe de règlement de revendications véritablement indépendant?

Voilà des questions que les membres de notre communauté, tant à Penticton, où j'habite, qu'ailleurs dans la province lorsque j'y circule, me posent à répétition.

Je sais que vous avez déjà entendu les témoignages du ministre, de l'Assemblée des Premières nations et de chefs et de spécialistes de partout au pays. Je sais que vous connaissez maintenant très bien les aspects techniques du projet de loi C-6 et que vous avez entendu maintes fois répéter les mêmes arguments quant à l'échec du projet de loi C-6 par rapport à son objet déclaré, soit l'établissement d'un organe juste et indépendant par le biais duquel le gouvernement du Canada respecterait ses propres lois et commencerait à régler les centaines de revendications particulières en attente.

Il est certain que ces arguments commencent à se confondre et que cela paraît presque mécanique. Cela fait des décennies que les dirigeants et membres des communautés des Premières nations écoutent, avec espoir et avec scepticisme, les promesses d'usage des politiciens fédéraux qu'ils vont exécuter leurs responsabilités légales à notre endroit, pour voir ces promesses rompues fois après fois et l'honneur de la Couronne ramené à une éventualité vide de sens.

Il semble que l'actuelle situation ne soit pas différente, vu l'examen accéléré de ce projet de loi, ce qui tranche tellement sur ce qu'avaient espéré les Premières nations à l'issue du travail du groupe de travail mixte.

Les Premières nations de partout en Colombie-Britannique ont relevé dans le projet de loi C-6 de nombreux sérieux problèmes, dont la plupart ont déjà été identifiés par d'autres témoins, notamment le conflit d'intérêt inhérent qu'enchâsse le projet de loi C-6, et dont certains sont attribuables à l'histoire unique de la Colombie-Britannique en matière de création de réserves. Vu le temps limité dont nous disposons ce soir, je vais me concentrer ici sur deux aspects. Le premier est le contenu du projet de loi dans son incidence sur nos communautés des Premières nations membres. Le deuxième est le processus par lequel le projet de loi est arrivé jusqu'à vous.

Le projet de loi C-6 ne reflète pas comme il se doit toutes les obligations légales non encore exécutées du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations. Le projet de loi établit des critères plus étroits quant à la validation de revendications particulières, ce au détriment des Premières nations de la Colombie-Britannique. Par exemple, il exclut les revendications relatives à des engagements unilatéraux. Les ramifications de cette exclusion en Colombie-Britannique sont très graves, étant donné qu'un grand nombre de réserves dans notre province ont été établies en vertu d'engagements unilatéraux pris par la Couronne, c'est-à-dire de promesses faites en dehors de traités ou de lois.

Pour mettre notre préoccupation en contexte, je vais vous livrer quelques statistiques. Il y a au Canada 2 717 réserves indiennes, dont 1 681, soit environ 62 p. 100, se trouvent en Colombie-Britannique. Un petit nombre d'entre elles ont été créées par voie de traités, dans l'extrémité sud de l'île de Vancouver et dans la partie nord-est de la province, allant jusqu'en Alberta. Un nombre légèrement supérieur de réserves ont été créées en vertu de vieilles lois autorisant une commission royale à faire la tournée de la province et à créer des réserves ou à modifier des réserves existantes. Cependant, la majorité des réserves indiennes en Colombie-Britannique sont le produit de promesses faites aux communautés des Premières nations par des agents de la Couronne, comme par exemple des gouverneurs coloniaux ou des commissaires aux réserves indiennes. C'est le cas de ma propre communauté de la bande indienne Penticton: des commissaires aux réserves indiennes ont distribué nos terres des réserves en 1877, une commission subséquente venant en amputer plusieurs décennies plus tard.

L'article 26 du projet exclut toute référence directe aux engagements unilatéraux, déclarant que seuls les traités et les accords peuvent donner lieu à une revendication admissible. Cette exclusion ne fait rien pour corriger les manquements des agents agissant avec la sanction des gouvernements colonial et canadien en vertu des décrets en conseil pour honorer des promesses faites à des Premières nations relativement au consentement de terres et de ressources, ni ne corrige les nombreux échecs subséquents de fonctionnaires fédéraux chargés de protéger ces dispositions en vertu de la Loi sur les Indiens. Le refus d'examiner de telles revendications particulières ignore par ailleurs de nombreuses décisions judiciaires récentes sur les conditions nécessaires à l'établissement et à la reconnaissance de réserves indiennes, notamment celle rendue dans l'affaire Ross River.

Sur l'ensemble des revendications particulières soumises au Canada depuis 1970, tout juste un peu moins de la moitié sont issues de la Colombie-Britannique. Les recherchistes de la Union of B.C. Indian Chiefs et leurs collègues à l'Alliance of Tribal Nations estiment que le tiers des revendications particulières émanant de la Colombie-Britannique seraient exclues par la nouvelle commission dont la création est proposée dans le projet de loi C-6. Il est inacceptable qu'il n'y ait aucune forme de recours négocié pour ces violations d'obligations fédérales. Les Premières nations de la Colombie-Britannique ne devraient pas être pénalisées pour les illogismes ou contradictions dans la politique de la Couronne en Colombie-Britannique comparativement au reste du pays.

La loi est claire: lorsque la Couronne prend un engagement unilatéral, c'est-à-dire lorsqu'elle prétend agir pour le compte d'une autre partie, non pas dans son intérêt propre mais dans celui de cette partie, alors elle doit être gouvernée par une obligation fiduciaire. Aussi paternalistes soient les hypothèses et les implications, la Couronne est légalement obligée d'agir de façon honorable, en conformité d'une norme qui est supérieure à celle à laquelle elle serait astreinte pendant le déroulement d'une négociation. C'est cela que signifie l'honneur de la Couronne. Si la Couronne ne s'acquitte pas de son devoir légal et, en plus, n'assure pas un mécanisme de recours adéquat, alors l'honneur de la Couronne est entaché et existe au simple niveau de la rhétorique plutôt qu'en droit substantiel.

Le point suivant dont j'aimerais traiter est la question de l'accès au tribunal. Le projet de loi C-6 propose de refuser l'accès au tribunal pour toutes les revendications susceptibles de donner lieu à une indemnisation supérieure à 7 millions de dollars. Cela signifie qu'il n'y aura nulle part où déposer les grosses revendications, sauf devant les tribunaux, et ces revendications plus importantes étant également plus complexes, et le gouvernement fédéral et les Premières nations consacreront leur temps et leur argent à des litiges au lieu de négocier des règlements justes et raisonnables, ce qui viendra miner l'intention sous-tendant la création d'un organe indépendant de règlement des revendications.

Le ministre justifie cette décision en disant que la majorité des revendications réglées à ce jour ont une valeur inférieure au plafond de 7 millions de dollars imposé par le projet de loi. Ce chiffre ne correspond pas du tout à celui fixé en 2002 par la Commission des revendications des Indiens, qui a souligné qu'au cours de 100 audiences, seules trois revendications avaient été évaluées à moins de 7 millions de dollars. Je connais un certain nombre de revendications qui sont à l'heure actuelle quelque part dans le système en Colombie-Britannique et dont la valeur dépasse ce montant. Par exemple, la revendication du site du village de Williams Lake, qui a été soumise pour réévaluation après la décision de 1997 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Delgamuukw, dépassera, et de loin, les 7 millions de dollars, les terres visées se trouvant aujourd'hui à l'intérieur du village même de Williams Lake. La bande indienne d'Upper Nicola, à l'intérieur de la Colombie-Britannique, est en train de négocier une revendication en matière de pâturage communal dans la région de Douglas Lake et dont la valeur estimative dépasse elle aussi le seuil des 7 millions de dollars. Ce que je suis en train de vous dire est que vous ne pouvez pas faire une évaluation juste des valeurs des règlements sans tenir compte des revendications qui sont présentement dans l'arriéré.

Un autre grave problème qui intéresse tout particulièrement les Premières nations de la Colombie-Britannique est celui des retards. De l'avis des recherchistes et des experts juridiques partout au pays, le projet de loi C-6, au lieu de traiter de façon constructive de l'actuel arriéré de revendications particulières viendra augmenter encore les retards. D'autre part, il récompensera en fait le gouvernement fédéral du fait de traîner.

J'ai déjà dit qu'il existe un énorme arriéré inacceptable de revendications. La plupart des revendications dans l'arriéré émanent de la Colombie-Britannique. Des 520 revendications qui sont présentement à l'étude à l'intérieur du système, environ 48 p. 100 viennent de la Colombie-Britannique. Des 200 revendications dans l'actuel arriéré du ministère de la Justice, près de 60 p. 100 viennent de la Colombie-Britannique. La revendication de la bande d'Upper Nicola que j'ai évoquée il y a un instant a été soumise pour examen à la Direction générale des revendications particulières en 1993, c'est-à-dire il y a dix ans. Nous avons des revendications pour lesquelles nous avons fait nos recherches à la fin des années 80 et qui n'ont toujours pas abouti, et dont on n'a même pas encore décidé de la validité.

Le projet de loi C-6 ne propose pas du tout de changements qui permettraient de traiter de façon constructive du retard, par exemple embauche d'un plus grand nombre d'avocats au ministère de la Justice pour liquider l'arriéré ou augmentation de l'argent réservé au règlement des obligations légales courantes du gouvernement sur le plan recherche, ou encore consentement de nouveaux fonds en vue du règlement des revendications en suspens. Rien dans le projet de loi n'oblige le gouvernement à régler rapidement les revendications. Cela pourrait traîner indéfiniment. Si une revendication atteint le plafond des 7 millions de dollars, la Première nation concernée ne pourra pas récupérer ses intérêts et frais de négociation, facteurs qui sont tels qu'il sera encore plus difficile d'évaluer la valeur d'une revendication donnée. Le projet de loi C-6 prévoit également le versement d'indemnités en dollars réduits pour tenir compte de l'inflation. Ma question est la suivante: en quoi un système qui oblige les Premières nations à accepter moins que la juste valeur peut-il être considéré comme impartial et indépendant?

Les chefs et les membres de la communauté à la base, à l'échelle de la Colombie-Britannique, veulent l'accès à un tribunal indépendant et à l'arbitrage exécutoire comme incitatif pour amener le gouvernement fédéral à négocier et à régler leurs revendications. Clairement, les écarts quant à la valeur des règlements de revendications particulières justifient un examen plus poussé.

J'aimerais maintenant vous entretenir brièvement du manque de consultation entourant ce projet de loi déposé au Parlement. Comme je l'ai déjà dit, le projet de loi C-6 ne reflète aucunement, selon les communautés des Premières nations, le contenu et l'esprit du projet de texte législatif entériné mutuellement par le gouvernement fédéral et les Premières nations dans les recommandations du groupe de travail mixte.

Suite au rejet de certains éléments du projet de loi par une majorité de membres du Cabinet, le projet de loi a été retravaillé de façon unilatérale par le ministre au lieu d'être soumis à nouveau pour discussion aux Premières nations. Cela viole l'esprit de négociation de bonne foi dans lequel le groupe de travail avait entrepris son examen et a fait naître une énorme méfiance de la part des Premières nations à l'égard de toute mesure pouvant être prise par le ministre relativement au nouveau projet de loi sur les revendications particulières.

À l'automne 2001, M. Ed John, travaillant sous contrat pour le ministre, a communiqué avec la Union of British Columbia Indian Chiefs pour lui soumettre l'esquisse d'un projet de loi unilatéralement remanié. Il a livré ce qui revenait à un aperçu préliminaire du projet de loi, et une invitation à faire des commentaires. Il avait été clairement dit à l'époque que cette seule réunion ne constituait pas une consultation sérieuse. Nous n'avons toujours pas vu copie du rapport final dont on allègue qu'il renferme nos vues et que M. John aurait déposé auprès du ministre.

Par ailleurs, en dépit de la vaste opposition au projet de loi C-6, comme en témoignent les lettres que nous avons envoyées au Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes, il n'y a pas eu consultation en bonne et due forme des Premières nations. Nous avons fait des demandes répétées que soient tenues des audiences régionales afin que des représentants de nos nombreuses communautés puissent rencontrer des représentants fédéraux et des dirigeants locaux pour discuter des ramifications du projet de loi C-6. Cette requête a été refusée. La Union of British Columbia Indian Chiefs a également déposé une demande formelle de financement en vue de la tenue de séances d'information régionales pour informer les communautés au sujet du projet de loi et pour formuler des recommandations. Nous n'avons même pas reçu ne serait-ce qu'une réponse du ministre.

J'ai eu le bonheur de comparaître comme témoin devant le comité permanent de la Chambre en novembre dernier. Cependant, de nombreux groupes des Premières nations se sont vu refuser cette possibilité. Même là, les présentations étaient limitées à une piètre période de dix minutes et nous n'avions été avisés des dates qu'à la toute dernière minute. Les Premières nations qui ont témoigné étaient unanimes dans leur opposition au projet de loi C-6 et ont toutes demandé son retrait. Pourtant, la majorité libérale du comité l'a adopté rapidement sans tenir compte des témoignages des Premières nations. Comment cela pouvait-il arriver? Quelle confiance à l'égard du processus parlementaire cela peut-il inspirer chez les Premières nations? Quelles assurances avons-nous que le gouvernement du Canada est véritablement intéressé par nos opinions et par la tenue d'audiences équitables?

Même à l'actuelle étape de l'examen du projet de loi par le comité sénatorial ici réuni, nous connaissons plusieurs communautés de la Colombie-Britannique qui ont demandé à comparaître devant vous au sujet du projet de loi mais qui ont vu leur demande refusée. Il s'agit des Premières nations Lyackson, Lytton et Nuxalk, ainsi que des Bandes indiennes de Bonaparte, Comox, Shackan et Mount Currie. J'ai encouragé les chefs de chacune de ces collectivités à vous soumettre pour examen des mémoires écrits.

L'on demande aux communautés des Premières nations d'accepter que l'objet de ces audiences est de découvrir et d'examiner nos vues et évaluations de ce très important projet de loi. Il semble qu'il y ait une urgence à faire avancer ce projet de loi à la Chambre et au Sénat, urgence qui est contraire à un examen réfléchi. Cette urgence semble viser la limitation des responsabilités du gouvernement du Canada plutôt que l'exécution de ses obligations légales envers notre peuple. Nos voix devraient interloquer chacun des membres du comité. Trois semaines d'audiences sporadiques sont bien insuffisantes, étant donné la nature technique du projet de loi et, sauf le respect que je vous dois, ne montrent pas que les membres du comité savent réellement ce qui est en jeu si le projet de loi est adopté.

Le refus de prévoir dans la loi le redressement des revendications particulières en suspens laisse deux possibilités aux gens: premièrement, recourir aux tribunaux ou, deuxièmement, prendre les choses en mains au niveau communautaire.

Je viens d'une région du pays qui ne manque pas de conflits sur le terrain. Je sais, sur la base de ma propre expérience et de commentaires que j'ai entendus lors de mes déplacements dans les différentes communautés de la province, que les actions en justice coûtent cher. Je prédis de l'instabilité et une colère croissante. C'est ce qui résulte lorsqu'on se sait ignoré, lorsqu'on subit les ramifications de recours juridiques qui sont ostensiblement en place pour sa propre protection et lorsqu'on constate une absence d'options qui devraient exister.

Le gouvernement du Canada trouve régulièrement des millions de dollars pour honorer des engagements internationaux pour alléger la souffrance de personnes vivant dans les régions dévastées du monde, et je songe notamment à la récente promesse de stopper la propagation du sida en Afrique. Il justifie ces dépenses en invoquant des motifs humanitaires, et en tant que société, les Canadiens, et tout particulièrement les Premières nations, appuient ces engagements. Pourtant, les peuples des Premières nations dans ce pays continuent de souffrir du fait de la confiscation illégale de nos terres et de nos ressources et de l'accès limité qu'on nous y reconnaît. L'exécution des obligations du Canada en matière de revendications particulières n'est pas une question de dépenses sociales justifiées par des motifs humanitaires. C'est une question de loi, de dignité et d'honneur de la Couronne et d'intégrité de nos normes judiciaires. Cela doit se traduire dans la capacité des Premières nations de s'autodéterminer, de réaliser leurs propres aspirations et d'être optimistes quant à leur avenir.

Le Grand chef Clarence Pennier, Alliance of Tribal Nations, Yewal Syiam (président) de la nation Sto:lo: Honorables sénateurs, merci d'avoir invité l'Alliance of Tribal Nations à venir comparaître devant vous relativement au projet de loi C-6, loi sur le règlement des revendications particulières.

Le territoire traditionnel de notre peuple englobe la vallée du fleuve Fraser à l'est de Vancouver, en Colombie- Britannique. La population totale de la nation Sto:lo est supérieure à 6 000, et la plupart de nos citoyens sont des jeunes gens âgés de moins de 25 ans. Pour notre nation, la poursuite de la justice et d'un règlement équitable des nombreuses revendications particulières de nos bandes est directement liée à la qualité de vie dont pourront jouir nos jeunes et les générations futures.

Je comparais devant vous ce soir au nom de l'Alliance of Tribal Nations, dont les membres englobent la plupart des 24 bandes qui constituent la nation Sto:lo, ainsi que plusieurs autres bandes de la nation Shuswap. L'Alliance of Tribal Nations a été créée en 1985 par trois organisations tribales, ce dans le but d'appuyer les efforts de nos peuples d'empêcher le CN, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, de doubler sa ligne principale traversant les vallées de la rivière Thompson et du fleuve Fraser. Nous habitons et pêchons dans la vallée du fleuve Fraser de toute ancienneté. Cette vallée est également le principal corridor de transport et de services d'utilité publique de la Colombie- Britannique. Les efforts de l'Alliance ont abouti et le CN a été stoppé net, littéralement.

Cela fait également 18 ans que l'Alliance est chargée de documenter et de déposer des revendications particulières contre le gouvernement du Canada pour le compte de nos membres. À ce jour, plus de 50 revendications particulières ont été documentées, et une vingtaine d'autres en sont à différents stades du processus de recherche. La plupart de ces revendications portent sur la prise impropre d'emprises ferroviaires par CN et CP, le Canadien Pacifique, dans la petite base territoriale de nos bandes. Ces revendications englobent généralement les effets des travaux de construction des chemins de fer et de leur exploitation au niveau de l'érosion des rives, des terres agricoles, des terres à bois et consacrées à d'autres usages traditionnels et des habitats de poissons. Il est important de souligner que nos terres des réserves sont également traversées par des grandes routes, des lignes téléphoniques, des câbles à fibres optiques, des lignes de transmission d'électricité et des gazoducs. Nos terres des réserves sont petites, mais elles ont une valeur économique et sociale énorme pour les nôtres. Étant donné leur emplacement dans le corridor de la vallée du Fraser, elles sont également d'une très grande valeur pour l'économie de toute la vallée du bas Fraser.

Au fil des ans, nos bandes membres ont été très prudentes, se refusant à soumettre prématurément au gouvernement leurs revendications particulières définitives. C'est le cas à cause du conflit d'intérêt permanent du Canada dans le cadre de l'actuel processus de règlement des revendications particulières, des très longs retards, de l'énorme arriéré de revendications qui demandent d'être validées par le ministre et du refus d'adapter la politique gouvernementale aux progrès importants réalisés devant les tribunaux quant à la définition de nos droits légaux. Les membres de l'Alliance ont soumis une douzaine de revendications au Canada en vue de leur règlement par le biais du processus de règlement des revendications particulières. À ce jour, aucune n'a encore été réglée.

Nos bandes membres sont très désireuses de régler leurs revendications particulières. Ces dernières années, nous envisagions avec plaisir une réforme sérieuse du processus de règlement des revendications particulières sur la base du rapport de 1998 du groupe de travail mixte. Nous pensions qu'il allait nous être possible de soumettre nos revendications particulières à un processus de règlement véritablement indépendant, juste et efficace. Au lieu de cela, le ministre des Affaires indiennes a déposé unilatéralement le projet de loi C-6, loi sur le règlement des revendications particulières, qui échoue lamentablement sur les trois tableaux.

Sénateurs, l'Alliance of Tribal Nations a passé en revue les témoignages qui vous ont été livrés par les intervenants qui nous ont précédés, y compris l'Assemblée des Premières nations. Nous partageons l'ensemble des préoccupations fondamentales exprimées par l'APN au sujet du projet de loi C-6.

Celles-ci sont esquissées par l'Alliance dans le document 1 de l'annexe à notre mémoire.

Nous estimons que le projet de loi est si défectueux et si différent de ce que proposait le groupe de travail mixte dans son rapport que s'il est adopté dans son libellé actuel il créera un processus qui sera encore pire que ce que nous avons à l'heure actuelle. À cet égard, je vous recommande un principe directeur en médecine: avant toute chose, ne faites aucun tort.

Je sais que le temps dont nous disposons avec vous ici ce soir est limité, et je ne voudrais pas répéter ce que d'autres ont déjà dit. Je vais donc me concentrer principalement sur un élément important du projet de loi C-6, l'article 26. Je vais également évoquer une grave omission du projet de loi, l'absence d'une clause de non-dérogation. Mais j'aimerais auparavant traiter brièvement du processus qui a amené jusqu'ici au Parlement le projet de loi C-6.

Sénateurs, d'autres vous ont dit que lorsque le projet de loi C-6 a été déposé auprès du Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes, un très grand nombre de Premières nations ont demandé à comparaître devant lui mais ont été refusées. L'Alliance of Tribal Nations a eu le bonheur de compter parmi les rares invités. Cependant, dans notre cas, le comité de la Chambre n'a accordé à Ken Malloway, membre de conseil tribal, que cinq minutes pour faire notre présentation au sujet du projet de loi C-6, avec encore dix minutes pour les questions. Nous avons jugé la distribution du temps ainsi que le calendrier d'ensemble suivi par le comité de la Chambre dans son examen du projet de loi tout à fait inadéquats et manquant complètement de respect pour nos nations.

Le ministre des Affaires indiennes a omis de consulter les Premières nations au sujet du projet de loi C-6 avant sa présentation au Parlement. Le projet de loi a été examiné à toute vitesse par le comité de la Chambre et est ensuite passé à la hâte à la troisième lecture à la Chambre. L'Alliance of Tribal Nations est très bien renseignée au sujet de la procédure accélérée et nous le savons lorsqu'on essaie de nous faire avaler quelque chose de force.

Le projet de loi C-6 est maintenant rendu au Sénat, la Chambre du Parlement chargée en vertu de la Constitution de procéder à un second examen objectif des lois adoptées par la Chambre des communes. S'il y a jamais eu un projet de loi qui méritait un second examen très attentif par le Sénat, c'est bien le projet de loi C-6. Dans nos communautés Sto:lo, nous chérissons et respectons nos anciens à cause de leurs connaissances, de leur sagesse et de leur expérience. Sénateurs, vous êtes les anciens du Parlement du Canada. Dans un esprit de respect semblable, je vous encourage maintenant à appliquer vos connaissances, votre sagesse et votre expérience, et ce de façon approfondie et délibérée, à la tâche dont vous êtes saisis.

Je vous encourage respectueusement à prendre le temps qu'il faut pour entendre toutes les Premières nations désireuses de comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-6.

Je vous encourage respectueusement à rappeler Bryan Schwarz et Rolland Pangowish de l'Assemblée des Premières nations afin qu'ils puissent achever leurs témoignages et vous livrer une analyse complète et approfondie du projet de loi C-6 et des différences qui le distinguent fondamentalement de l'ébauche dont il était question dans le rapport du groupe de travail mixte. Je vous encourage également respectueusement à chercher conseil auprès d'experts indépendants comme le juge Gerard LaForest et l'Association du Barreau canadien.

L'Alliance of Tribal Nations croit que le Parlement du Canada a pour obligation fiduciaire de consulter pleinement et sérieusement les Premières nations lorsqu'il examine des projets de loi qui auront une incidence directe sur les droits et intérêts de notre peuple. Nous croyons que ce devoir doit l'emporter sur tout échéancier législatif accéléré fabriqué dans le but de polir le legs laissé par un premier ministre qui prépare sa retraite.

Nous exhortons respectueusement le comité sénatorial à faire son devoir. Prenez le temps d'entendre ce que les nôtres ont à dire au sujet du projet de loi C-6. Prenez le temps d'entendre ce qu'ont à en dire les experts. Prenez le temps de discuter de la façon de corriger au mieux les nombreuses faiblesses du projet de loi et l'absence totale de soutien dont il jouit de la part des Premières nations. Si cela veut dire que votre travail sur le projet de loi C-6 ne sera pas terminé avant que le Parlement ne s'arrête pour l'été, alors tant pis. Nos nations y verront un signe de respect et vous remercieront d'avoir tenu à exercer consciencieusement vos responsabilités fiduciaires.

Je vais maintenant revenir aux deux questions importantes que j'ai mentionnées tout à l'heure.

L'Alliance of Tribal Nations aimerait attirer l'attention du comité sur une grave omission du projet de loi C-6, l'absence d'une clause de non-dérogation. Nous savons qu'une clause de non-dérogation avait été incluse dans l'ébauche élaborée par le Canada et par nos Premières nations dans le rapport du groupe de travail mixte. Son absence du projet de loi C-6 suscite notre méfiance. Nous savons que le ministère de la Justice souhaite rayer rétroactivement toutes les clauses de non-dérogation qui figurent dans les actuelles lois fédérales. Cela suscite chez nous encore plus de méfiance. Il est tout naturel que nous considérions l'absence d'une clause de non-dérogation dans le projet de loi C-6 comme étant une menace à l'égard des droits et des intérêts des Premières nations. Si des clauses de non-dérogation ne protégeaient pas nos droits, le ministère de la Justice ferait-il si grand cas de leur suppression?

Je ne veux pas répéter ce que d'autres ont déjà dit au sujet de l'absence d'une clause de non-dérogation dans le projet de loi C-6. Je renverrai plutôt le comité aux préoccupations soulevées en la matière par l'Assemblée des Premières nations. L'Alliance of Tribal Nations les partage toutes. En bout de ligne, si le projet de loi C-6 doit être adopté par le Parlement, alors il doit absolument inclure une clause de non-dérogation.

La deuxième question fondamentale que nous souhaitons soulever dans le cadre de notre témoignage est l'article 26 du projet de loi C-6. Cet article renferme des changements de politique clés visant la soumission de revendications particulières à la commission dont la création est proposée. Il s'agit de l'une des dispositions du projet de loi les plus dommageables pour les Premières nations de la Colombie-Britannique.

Sénateurs, 44 p. 100 des revendications soumises au Canada depuis 1970 sont venues de Premières nations de la Colombie-Britannique. Des 506 revendications dans l'actuel arriéré en attente, 246, soit 48 p. 100, viennent des Premières nations de la Colombie-Britannique. Clairement, les résultats et les ramifications du projet de loi C-6 toucheront davantage les revendications émanant de la Colombie-Britannique que de n'importe quelle autre région du Canada. Nous vous demandons de tenir tout particulièrement compte de ce fait.

En Colombie-Britannique, les réserves indiennes ont été créées de trois façons: par traité dans le sud de l'île de Vancouver et la partie nord-est de la province, par voie d'engagements unilatéraux d'agents de la Couronne, notamment des gouverneurs coloniaux et des commissaires aux réserves indiennes et, enfin, en vertu d'une loi qui a créé une commission royale qui a été active de 1913 à 1916 et qui a été connue sous le nom de commission McKenna- McBride.

La plupart des réserves indiennes en Colombie-Britannique ont été établies du fait d'engagements unilatéraux de la part de la Couronne — par le gouverneur James Douglas de 1848 à 1865, par d'autres agents coloniaux de 1866 à 1871, puis par des commissaires aux réserves indiennes de 1875 à 1910. De nombreuses revendications particulières de Premières nations de la Colombie-Britannique concernent des engagements unilatéraux à réserver des terres de réserves, consentis par la Couronne.

Je sais de première main, du fait de mon travail avec la nation Sto:lo et l'Alliance of Tribal Nations, que le ministère de la Justice refuse d'accepter les revendications particulières fondées sur des engagements unilatéraux de la Couronne, surtout lorsque celles-ci concernent la taille et l'emplacement de réserves et le refus de constituer des réserves conformément aux instructions. Le ministère de la Justice suit une position très étroite: de tels engagements unilatéraux n'imposent jamais à la Couronne d'obligations légales.

C'est cette position limitée du ministère de la Justice qui est énoncée au paragraphe 26(1) du projet de loi C-6. C'est une perspective qui n'est pas acceptée par les Premières nations. Elle n'est pas non plus appuyée par les tribunaux. Le refus par le ministère de la Justice de revendications légales sur la base d'engagements unilatéraux de la Couronne a été contesté devant la Cour suprême du Canada il y a trois ans dans l'affaire Ross River. La nation Sto:lo est intervenue dans l'affaire Ross River dans le cadre d'une coalition de Premières nations de la Colombie-Britannique intéressées et désireuses de contester le ministère en la matière. Au bout du compte, la Cour suprême du Canada a rejeté la position du ministère de la Justice, déclarant que les engagements unilatéraux pris par des agents de la Couronne pourraient bel et bien créer des obligations légales pour la Couronne.

L'automne dernier, lorsque nous avons pour la première fois eu l'occasion d'examiner le projet de loi C-6, nous avons été abasourdis et scandalisés de constater que l'article 26 renfermait la même position étroite en matière d'engagements unilatéraux que celle-là même que la Cour suprême du Canada avait rejetée il y a moins de deux ans. Au paragraphe 26(1), le ministère de la Justice espère enchâsser dans la loi sa position légale défaite voulant limiter les genres de revendications particulières que la commission et le tribunal proposés pourraient accepter en vue de négociations et de règlements. Cela est extrêmement injuste envers nos nations et est de surcroît illégal.

L'alinéa 26(1)a) limite l'obligation en droit du Canada aux revendications découlant d'un accord, d'un traité ou d'un texte législatif canadien ou colonial. Sont exclues de ces critères les obligations en droit concernant des terres indiennes découlant d'engagements unilatéraux de la Couronne tels des instructions impériales, des lettres patentes, des décrets en conseil, des instructions à des agents de la Couronne ou des engagements envers des Premières nations pris sur le terrain par des agents de la Couronne. Les revendications particulières fondées sur de tels engagements unilatéraux de la Couronne seraient, en vertu de la nouvelle loi, interdites de dépôt. La seule option pour les Premières nations désireuses de régler de telles revendications serait de lancer une action en justice, en supposant qu'elles en aient les moyens.

En Colombie-Britannique, toute une classe de revendications préconfédération, que l'on connaît sous le nom de revendications Douglas Reserve, se verrait refuser à la porte de la commission.

De nombreuses autres revendications particulières en Colombie-Britannique concernent l'établissement ou le refus d'établir des réserves indiennes par des commissaires aux réserves indiennes, et celles-ci se verraient elles aussi refouler à la porte de la commission.

Permettez que je vous donne rapidement un exemple des genres de revendications particulières qui seraient exclues de la commission et du tribunal proposés au projet de loi C-6.

En 1863, Sir James Douglas, gouverneur de la Colonie de Colombie-Britannique, a chargé les Ingénieurs royaux de consulter les chefs de la nation Sto:lo et de mettre de côté pour chaque communauté des réserves renfermant ou protégeant tous nos villages, pêcheries et jardins. Des colons blancs affluaient dans la vallée du Fraser à cause de son potentiel agricole. Les Ingénieurs royaux ont mis à exécution leurs ordres et ont, en 1864, réservé et marqué sur le terrain 15 réserves pour les communautés Sto:lo, englobant 40 000 acres en tout. Les Ingénieurs royaux ont dressé une vaste carte indiquant l'emplacement et les limites de ces réserves ainsi que la superficie de chacune d'elles.

En 1865, une nouvelle administration coloniale, celle-ci dominée par les intérêts des colons, a pris le pouvoir. En 1868, le commissaire en chef des terres et des travaux a décidé que les réserves Sto:lo Douglas étaient trop grandes et a unilatéralement décidé d'en réduire la taille. À la fin de l'année, les communautés Sto:lo se sont ainsi retrouvées avec 22 petites réserves recouvrant en tout seulement 3 761 acres, soit une réduction de plus de 90 p. 100. Aucun dédommagement n'a jamais été versé à notre peuple.

Entre 1870 et 1874, nos chefs ont protesté la perte de nos terres de réserves auprès du gouverneur colonial de la Colombie-Britannique et du nouveau commissaire fédéral aux affaires indiennes, mais ce fut en vain.

En 1879, certaines de nos réserves restantes ont été légèrement agrandies par le commissaire des réserves du jour, mais nous nous sommes néanmoins retrouvés avec moins de 15 p. 100 de la superficie de nos réserves Douglas originales et le gouvernement du Canada a refusé de verser un quelconque dédommagement correspond à cette perte.

En 1997, 13 bandes de la nation Sto:lo ont déposé une revendication particulière auprès du gouvernement du Canada, demandant le rétablissement de leurs terres des réserves Douglas ou une autre solution acceptable. En 1999, le gouvernement a rejeté cette revendication. Une audience devant la commission intérimaire des revendications territoriales des Indiens est présentement en attente.

En attendant, nos terres des réserves Douglas continuent d'être aliénées par les gouvernements fédéral et provincial, et elles sont de ce fait exclues de tout règlement par voie de revendication particulière ou de traité.

J'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur la récente expérience de l'une des 13 bandes revendicatrices, la bande Soowahlie, dont les terres de la réserve Douglas englobent le site de la base des Forces canadiennes de Chilliwack, qui a été fermée par le gouvernement fédéral en 1997. Une petite partie de cette gigantesque base militaire avait été mise de côté en vue de règlements possibles en vertu de traités ou de revendications territoriales, mais les terres sont pour la plupart contaminées par l'usage militaire qui en a été fait. Le reste de la base, dont 388 anciennes unités de logements militaires, ont été versées à la Société immobilière du Canada pour fins de réaménagement.

Étant donné le rejet par le Canada de cette revendication particulière, une revendication fondée sur un engagement unilatéral pris par la Couronne en 1864, et de mesures prises pour aliéner les terres les plus précieuses visées par la revendication, la bande de Soowahlie s'est vu obliger d'intenter une action. Au lieu de jouir des avantages économiques et sociaux découlant du règlement négocié de sa revendication à l'égard de la réserve Douglas, le peuple de Soowahlie se trouve confronté à d'importants frais juridiques et au report d'importantes initiatives de développement économique et social.

Comme je l'ai dit au début, ce sont avant tout nos jeunes qui bénéficieront du règlement des revendications. Cependant, ce sont également eux qui paieront le prix le plus fort si le Canada continue de refuser ses obligations légales envers notre peuple. L'expérience de la bande de Soowahlie montre qu'au lieu de réduire les coûts juridiques pour les Premières nations et les contribuables du Canada, les litiges entourant les revendications particulières vont certainement augmenter si le projet de loi C-6 est adopté et proclamé dans sa forme actuelle.

La revendication de la réserve Sto:lo Douglas n'est qu'une revendication parmi plusieurs des Premières nations de la Colombie-Britannique portant sur des engagements unilatéraux de la Couronne. L'Alliance of Tribal Nations a fait une évaluation sommaire des revendications particulières de la Colombie-Britannique qui se trouvent présentement dans l'arriéré ainsi que des 27 revendications de la Colombie-Britannique que le Canada a déjà rejetées. Notre conclusion est que près de 30 p. 100 de ces revendications de la Colombie-Britannique ne pourront jamais être déposées auprès de la commission en vertu des critères établis au paragraphe 26(1).

Pour les Premières nations de la Colombie-Britannique, le projet de loi C-6 n'est pas une loi de règlement des revendications particulières. Il s'agit d'une loi d'extinction des revendications particulières. L'Alliance of Tribal Nations souligne que la Federation of Saskatchewan Indian Nations vous a recommandé de supprimer l'article 26 en son entier et de remplacer le paragraphe 10(1) par le texte figurant dans l'ébauche de projet de loi du rapport du groupe de travail mixte. Nous croyons que ce changement serait une amélioration sensible du projet de loi mais estimons que cela ne suffirait pas. Pour que ce changement soit opérationnel, il faudrait éliminer le plafond de 7 millions de dollars pour les revendications pouvant être soumises au tribunal proposé. Si cela était fait, alors il importerait de faire la même chose pour le plafond quant aux règlements monétaires que le tribunal pourrait accorder, et ainsi de suite.

L'Alliance of Tribal Nation demeure convaincue que les défauts du projet de loi C-6 sont si fondamentaux et si nombreux que la meilleure chose serait de remanier le projet de loi dans son entier, en consultation avec les Premières nations, en vue de l'aligner sur les dispositions énoncées dans le rapport du groupe de travail mixte.

À ce jour, le ministre des Affaires indiennes refuse de retirer le projet de loi et de revenir à la table. Il prétend que le projet de loi C-6 est identique à ce qui est proposé dans le rapport du groupe de travail mixte, à l'exception de deux dispositions: le plafonnement et le processus de nomination. Ou le ministre est très mal informé au sujet de son propre projet de loi ou il induit délibérément en erreur le Parlement. Ou lui et ses fonctionnaires devraient être censurés pour incompétence ou alors il mérite d'être déclaré coupable d'outrage au Parlement.

Le ministre n'est pas la seule personne qui puisse s'asseoir avec nous en vue de remanier le projet de loi C-6. Le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre aurait pu le faire, mais a plutôt choisi d'adopter le projet de loi à toute vapeur en n'autorisant aucun amendement de fond. Et c'est maintenant le comité sénatorial ici réuni qui est saisi du projet de loi. Vous avez vous aussi l'occasion, par le biais de ces audiences, d'élargir et d'approfondir votre examen du projet de loi. Vous avez l'occasion de le remanier en partenariat avec nos Premières nations.

Au nom de l'Alliance of Tribal Nations, je vous recommande respectueusement de relever le défi et de poursuivre sur cette voie.

Le chef Roland Willson, British Columbia Treaty 8 First Nations: Je vais m'efforcer d'être bref. Je sais qu'il commence à se faire tard.

J'aimerais remercier le comité de l'occasion qui nous est ici donnée ce soir de nous prononcer sur ce projet de loi, qui aura de graves conséquences pour notre peuple. Je tiens à souligner au départ que, vu les contraintes temporelles auxquelles ce processus est assujetti, mon intervention ne peut pas être considérée comme ressemblant, même de loin, à une participation sérieuse à une consultation sur le projet de loi C-6.

Je m'appelle Roland Willson. Je suis chef des Premières nations West Mobley. Je représente également ici six Premières nations qui ont adhéré au Traité 8 dans le nord-est de la Colombie-Britannique entre 1899 et 1914. Il s'agit des Premières nations de Blueberry River, Doig River, Halfway River, Prophet River, Fort Nelson et Saulteau.

Nous avons une grande diversité culturelle et englobons les peuples Dunne-za, cri, Saulteau, Slavey et Sekanni. Ma famille est Dunne-za. Notre traité recouvre près du quart de la Colombie-Britannique, le tiers boréal de l'Alberta, le nord-ouest de la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest, soit près de 900 000 kilomètres carrés, et près de 40 Premières nations.

La Colombie-Britannique compte sur les riches ressources gazières et forestières de nos terres traditionnelles pour sa survie financière.

Les Premières nations du Traité 8 que je représente aujourd'hui ont demandé à comparaître devant le comité permanent de la Chambre chargé d'étudier le projet de loi, mais ne se sont vu accorder que cinq minutes dans le cadre d'une vidéoconférence. Cela nous a beaucoup troublés et désillusionnés. Jusqu'ici, nos Premières nations ont participé de bonne foi au processus de règlement des revendications particulières. Nous croyions le ministre lorsqu'il disait que nous aurions l'occasion de participer aux délibérations de la Chambre des communes. Il semble que notre bonne foi ait été trahie.

Nous comptons maintenant sur le Sénat pour qu'il fasse ce qu'il faut. Vous avez le pouvoir de réécrire le projet de loi afin qu'il soit juste et perçu comme étant juste par les Premières nations.

L'objet premier de la politique de règlement des revendications particulières originale était d'établir un processus qui permette de résoudre hors cours les revendications des Premières nations. Le projet de loi C-6 était également censé supprimer le conflit d'intérêt fédéral. Malheureusement, le projet de loi, dans son libellé actuel, échoue sur les deux tableaux. Vous avez déjà entendu de nombreuses Premières nations de partout au pays et l'Assemblée des Premières nations vous dire que le projet de loi est irrécupérable tel quel.

C'est parce que nos spécialistes techniques, juridiques et politiques sont unanimes à penser qu'il y a un si grand nombre de détails à peaufiner ou à modifier que nous craignons que vous n'apporterez que quelques-uns des changements nécessaires au lieu de la totalité. Il y a un risque que parce que vous verrez qu'il y a un trop grand nombre de détails à revoir, vous vous découragiez et n'apportiez que trois ou quatre changements.

Nous comprenons, après examen des procès-verbaux des réunions du comité tenues à ce jour, que vous envisageriez peut-être des amendements relativement aux questions des délais, du plafond et du processus de nomination ainsi que l'insertion d'une clause de non-dérogation. Vu l'heure, nous vous exposerons brièvement notre position sur ces questions pour passer ensuite aux aspects plus controversés.

Nous croyons qu'une clause de non-dérogation pour protéger nos droits ancestraux et issus des traités en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle doit être incluse. Par ailleurs, pour que les Premières nations perçoivent les commissaires et les membres du tribunal comme étant neutres et impartiaux, les Premières nations doivent être parties au processus de nomination. Nous estimons que toutes les Premières nations ayant des revendications particulières quelque part dans le processus, pas juste des revendications qui ont été acceptées en vue de négociations, devraient avoir la possibilité de participer au processus des nominations mixtes du fait qu'elles ont toutes un intérêt très réel dans le résultat. L'APN devrait elle aussi faire partie de ce processus.

Nous nous opposons au plafond de 7 millions de dollars pour l'indemnité que le tribunal pourra ordonner, pour les raisons qui ont déjà été énoncées par de nombreux témoins qui nous ont précédés. Nous nous opposons également à ce que les règlements soient désignés comme postes budgétaires discrétionnaires, ce qui permet au gouvernement d'imposer une limite absolue de 75 millions de dollars au titre de règlements pour une seule et même année. Les revendications des Premières nations sont des responsabilités légales de la Couronne et non pas des postes budgétaires discrétionnaires.

Lorsque le gouvernement doit s'acquitter d'autres responsabilités légales à l'issue d'actions en justice, l'argent correspondant au règlement provient du Trésor. Le comité ici réuni a déclaré qu'il ne peut pas traiter de questions financières ni entraver les processus budgétaires parlementaires annuels. Le Sénat peut-il suggérer que les indemnités soient puisées dans le Trésor? C'est déjà le cas de nombreux règlements. Cela ne ferait que formaliser le processus.

La capacité du ministre d'empêcher le règlement en temps opportun des revendications est une violation flagrante de son devoir fiduciaire. Sa capacité de retarder indéfiniment sa décision de rejeter ou de valider une revendication doit, partout où elle figure dans le projet de loi, être supprimée. Je reviendrai un petit peu plus tard sur la question des retards ministériels.

Bien que de nombreuses Premières nations partout au pays aient dit qu'elles aimeraient voir ce projet de loi retiré afin qu'il soit possible de reprendre un processus véritablement conjoint, nous reconnaissons que le Sénat ne veut pas retirer le projet de loi, mais, plutôt, le modifier. Sauf tout le respect que nous vous devons, nous allons proposer une solution de compromis. Établissez un sous-comité ou un petit groupe de travail, composé de sénateurs et de représentants des Premières nations, et chargez-le d'examiner pendant l'été des amendements au projet de loi. Ce n'est certainement pas trop demander pour veiller à ce que les Premières nations perçoivent le nouveau processus comme étant juste, rapide, efficace et efficient, et que l'on ne nous demande pas de laisser nos droits à la porte. Pourquoi ne modifier que quelques articles alors qu'en y consacrant un tout petit peu plus de temps, cela pourrait déboucher sur un projet de loi beaucoup plus acceptable que celui que nous avons devant nous en ce moment?

Sénateurs, nous croyons que vous êtes honorables et que vous ne seriez normalement pas partie à un processus qui sacrifierait le legs de tous les enfants des Premières nations dans l'intérêt de celui d'une seule personne. En tant que dirigeants, nous ne pouvons pas simplement laisser le gouvernement du Canada manquer à ses promesses et engagements pris dans les traités et les accords et légitimiser ces procédés déloyaux en faisant avaler son projet de loi au Parlement. En tant que dirigeants, nous ne pouvons pas compromettre l'avenir de nos enfants ni trahir l'honneur de nos anciens qui ont signé le traité.

Pour comprendre la politique des revendications particulières de notre point de vue, il vous faut d'abord comprendre l'histoire de notre région et notre relation avec les Couronnes provinciales et fédérales. Étant donné l'heure, je vais vous en faire un résumé, mais vous trouverez davantage de renseignements dans le texte de notre mémoire.

Notre peuple habite ce territoire depuis fort longtemps. Il y a une histoire qui nous a été transmise par les anciens et qui parle d'une bête gigantesque qui arpentait la terre. Elle a pourchassé un homme mais celui-ci l'a trompée et la bête est tombée du haut d'une falaise pour atterrir dans la rivière qui coulait en bas. Des os de dinosaure ont été trouvés à cet endroit.

Notre peuple chasse sur ce territoire depuis fort longtemps. Des preuves archéologiques remontant à il y a plus de 10 000 ans appuient notre histoire orale d'occupation continue de cette terre. Notre peuple est ici depuis très longtemps. Nous serons ici lorsqu'il n'y aura plus de pétrole et lorsque les compagnies forestières seront allées ailleurs, lorsque le réchauffement de la planète ou une autre catastrophe aura frappé notre planète. Nos rêveurs nous ont parlé d'un lieu de refuge, aujourd'hui protégé en tant que Klin ze za.

Les peuples Sekanni et Dunne-za ont une culture de rêveurs et de prophètes. L'un de nos puissants rêveurs, du nom de Makenunatane, avait prédit la venue des Européens. Ce jour est venu en 1793, avec l'arrivée d'Alexander Mackenzie. Celui-ci avait été si impressionné par la multitude d'animaux dans notre région qu'un poste de traite y a été établi l'année suivante au confluent des rivières Moberly et Peace.

Nous avons toujours vécu des ressources de la terre. Les commerçants de fourrure étaient toujours heureux d'acheter nos fourrures et d'échanger avec nous pour la viande que nous apportions et que les blancs mangeaient.

Selon nos anciens, lors des négociations des traités en 1899, les négociateurs des Premières nations n'ont pas accepté les conditions qu'on leur présentait. Nous voulions un traité de paix et de partage confirmant nos droits à la terre. Dans un document dont la Cour suprême du Canada a déclaré qu'il fait partie de notre traité, le commissaire a rapporté que:

[...] sa principale difficulté était que les privilèges en matière de chasse et de pêche allaient être restreints [...] En plus de dispositions prévoyant la fourniture de munitions et de ficelle. Nous devions solennellement les assurer que ne seraient prises que des lois en matière de chasse et de pêche qui seraient dans l'intérêt des Indiens et jugées nécessaires pour protéger les poissons et les animaux à fourrure, et qu'ils seraient aussi libres de chasser et de pêcher après le traité qu'avant sa signature.

On nous avait dit que nous ne serions pas obligés de vivre dans des réserves ni d'y être limités, mais que nous pourrions prendre les terres des réserves ou des terres distinctes au besoin.

Comptaient parmi d'autres promesses des traités l'accès à l'éducation libre de toute ingérence religieuse, le dégagement de toute obligation de payer des impôts et du service militaire, une aide pour les personnes âgées et indigentes, des outils agricoles, du bétail, des munitions et de la ficelle. On nous avait dit: «Vous ne cédez rien et tout ce que vous obtiendrez sera clairement un avantage net pour vous».

Les B.C. Treaty 8 First Nations ont une trentaine de revendications particulières dans l'arriéré. Au moins 22 d'entre elles concernent des promesses de traité non respectées portant sur des terres, des outils agricoles, du bétail, des munitions et de la ficelle ainsi que des arrérages de rentes.

À l'exception des revendications en matière de droits fonciers découlant de traités, nous ne savons pas très bien si ces diverses revendications cadreront dans la définition qui est donnée dans le projet de loi C-6. Nous avons plus de 20 revendications qui en sont à différents stades de recherche.

Une autre importante promesse faite dans les traités mais qui a depuis été rompue concerne le trappage. Cela illustre bien pourquoi la définition de «revendication» doit être réconciliée avec la définition existante. Dans les années 20, le gouvernement de la Colombie-Britannique avait décidé de lever des fonds et d'imposer des contrôles au trappage au moyen d'un système d'enregistrement des parcours de piégeage. L'agent des sauvages local avait dit à la Colombie- Britannique que le système d'enregistrement violait les conditions du traité et avait refusé d'enregistrer les lignes de trappage des Indiens. Malheureusement, la Colombie-Britannique est malgré tout allée de l'avant avec son système et, du fait qu'on ne comprenait pas nos parcours familiaux de piégeage qui recouvraient le gros du territoire visé par le traité — ou peut-être bien qu'on les comprenait — on a enregistré au nom des trappeurs blancs toutes les terres qu'ils voulaient parce que celles-ci apparaissaient sur les cartes de la Colombie-Britannique comme étant «disponibles».

Les trappeurs blancs rencontraient ainsi sur leurs parcours de piégeage nouvellement acquis des familles indiennes qui y trappaient déjà, dans leur territoire de piégeage traditionnel. Ce sont les Indiens qui ont été traînés devant les tribunaux et non pas les trappeurs blancs. Le chef Dokkie de ma bande est allé au tribunal avec toute sa famille en 1928.

Dans les cinq ans suivant l'imposition du système d'enregistrement des parcours de piégeage, les Premières nations du Traité 8 s'étaient vues priver de leurs droits et renvoyé des terres. Dès les années 20, un membre du Traité 8 s'est fait arrêter pour avoir tiré sur un orignal à l'extérieur des terres de réserves.

Le Canada n'a pas défendu le traité et n'a pas demandé de comptes à la Colombie-Britannique. Il a tenté de mettre en oeuvre une politique de rachat des lignes de piégeage, mais les trappeurs blancs, qui n'avaient aucun intérêt pour la terre, avaient tout pris sur le territoire avant de pousser plus loin. Un agent de conservation de la Colombie- Britannique avait menacé les trappeurs blancs, leur disant que s'ils vendaient leur parcours de piégeage à un Indien ou au ministère des Indiens, alors ils n'obtiendraient plus jamais de ligne de trappage en Colombie-Britannique.

Voilà qui a caractérisé notre relation avec la Colombie-Britannique et le Canada au cours du siècle dernier. La Colombie-Britannique nie nos droits et le Canada ne défend pas le traité, ce qui revient à nier nos droits.

Nous croyons que le vol et la perte de nos territoires de piégeage dans les années 20 et 30 constituent une violation grave et directe des promesses utilisées pour convaincre nos négociateurs de signer le traité. En vertu de l'actuelle politique de règlement des revendications particulières, une revendication en matière de piégeage ne serait pas admissible en tant que non-exécution d'une obligation découlant d'un traité. En vertu du projet de loi C-6, la définition a été resserrée pour n'englober que les obligations liées à des terres et à des biens. Nous ne disposons pas de suffisamment de temps ici pour vous donner d'autres exemples de l'incidence qu'aura sur nous le resserrement de la définition de revendication à l'article 26. Toutes les promesses des traités ont été rompues ou n'ont jamais été respectées, à l'exception des droits fonciers issus des traités ou DFIT. Aucune des revendications que nous avons mentionnées ne sera admissible en vertu du projet de loi C-6.

Nous demandons que le comité remplace l'article 26 par l'article 10 du rapport du groupe de travail mixte ou, au minimum, qu'il supprime l'article relatif aux terres et autres éléments d'actif, sans quoi les nations signataires de traités de tout le pays se retrouveront devant les tribunaux car leurs revendications particulières ne cadreront plus dans les définitions plus étroites que renferme le projet de loi C-6.

D'autres nations ont parlé de la nécessité d'inclure les engagements unilatéraux et de tenir compte des clauses préconfédération. Nous appuyons ces changements.

Le paragraphe 26(2) établit des exceptions explicites pour des catégories entières de revendications dont nous pensons qu'elles devraient toujours être admissibles dans le cadre du processus. Nous pourrions vous fournir des détails pour expliquer pourquoi la plupart de ces articles nous empêcheraient de présenter des réclamations en vue de l'exécution d'obligations légales de la Couronne.

La décision de changer la définition de «revendication» aura d'importantes conséquences. Par exemple, le ministre a dit que les Premières nations ont le choix d'opter pour le nouveau système ou de s'en tenir à l'ancien. S'il n'y a pas conciliation de la définition de revendication et de l'actuelle définition, comment le ministère des Affaires indiennes pourra-t-il établir un ordre de priorité en vertu de l'ancien système et du nouveau système, alors qu'il ne semble pas y avoir de nouvelles ressources prévues pour liquider l'arriéré? Si une Première nation choisit de documenter une revendication en vertu de l'ancienne définition, comment le nouveau centre prendra-t-il les décisions de financement si cette revendication ne cadre pas avec les critères qu'utilise le centre pour valider les revendications?

Vous avez entendu dire qu'il y a dans l'arriéré plus de 500 revendications. Nous vous avons fourni copie du sommaire des revendications et de leur statut à compter du 31 décembre 2002. Des 525 revendications à l'étude, 227 en sont à l'étape de l'examen des arguments par les conseillers juridiques du ministère de la Justice qui travaillent pour la Direction générale des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes. De ces 227, 135 sont dans l'arriéré du ministère de la Justice en Colombie-Britannique. En d'autres termes, 60 p. 100 de toutes les revendications qui sont en train d'être examinées par des avocats du ministère de la Justice émanent de la Colombie-Britannique. Il y a trois avocats qui ont été chargés de traiter les revendications particulières pour la région de la Colombie-Britannique. Pour mettre cela en contexte, il y a 25 avocats à Ottawa qui s'occupent des 92 autres revendications pour le reste du pays.

La charge de travail pour le reste du Canada est de 3,7 revendications par avocat. La charge de travail pour les revendications émanant de la Colombie-Britannique est de 45 par avocat. Il s'agit manifestement là d'une charge de travail écrasante et parfaitement inacceptable.

Je suis certain que ces personnes travaillent très fort, mais elles ne sont tout simplement pas assez nombreuses. Le projet de loi C-6, dans son libellé actuel, ne changera rien du tout à cet état de choses. Le ministre rapportera consciencieusement tous les six mois que les avocats n'ont pas encore liquidé leur arriéré, mais c'est lui qui a décidé de ne pas embaucher suffisamment d'avocats au ministère de la Justice, surtout en Colombie-Britannique. C'est son ministère qui établit les priorités pour les avocats. Rien d'étonnant, donc, à ce que les grosses revendications se fassent ensevelir sous la pile. Il n'y a rien dans le projet de loi C-6 pour encourager le ministre à changer sa pratique. Du point de vue des Premières nations de la Colombie-Britannique, cela a tout l'air d'une politique délibérée de sous- financement et d'étalement de l'examen des revendications émanant de notre région.

Ces retards semblent être tout particulièrement le cas des revendications plus importantes ou plus difficiles. Pour protéger encore le gouvernement, l'on a inséré dans le projet de loi des articles qui disent qu'aucun retard ne pourra être considéré comme un rejet et que toutes les défenses possibles pourront être invoquées devant les tribunaux, ce qui paraît raisonnable, jusqu'à ce que l'on se rende à l'évidence que le gouvernement a délibérément créé cette défense eu égard à ses propres retards.

Nous aimerions proposer une solution en vue de réduire les incitations à retarder intentionnellement les choses. Le comité pourrait insérer un article qui arrêterait le compteur de la Loi sur la prescription à la date à laquelle la Première nation soumet sa revendication au centre. Le tribunal est, après tout, un organe quasi-judiciaire et fait partie du centre. Ce qui est proposé n'est pas possible. Il faudra peut-être que toutes les Premières nations déposent un exposé de leur demande lorsqu'ils livrent leurs revendications au centre.

Le projet de loi est truffé d'iniquités. Les Premières nations doivent fournir toutes les preuves et toute la jurisprudence qu'elles comptent faire intervenir et déposer auprès du ministre tout nouveau cas survenant dans l'intervalle, pour examen tardif par lui, ce qui relance à nouveau toute la boucle.

En contrepartie, le ministre n'a pas à donner de raisons ni à fournir de documents pour appuyer son rejet ou sa validation d'une revendication. En cas de rejet, la Première nation est censée travailler avec la commission dans le cadre d'un processus de règlement de différends en vue de faire changer d'avis le ministre. Or, comment pouvez-vous en discuter si vous ne connaissez même pas les raisons du rejet par le ministre?

S'il s'agit d'une grosse revendication, il vous faut mettre de côté vos droits en matière d'indemnisation pour obtenir l'avis du tribunal. Si vous choisissez d'intenter une action, le gouvernement dispose alors de tous les documents et de toute la jurisprudence utilisée par la Première nation pour bâtir son dossier, mais la Première nation, elle, n'a rien. Si le gouvernement est confiant quant à ses motifs de rejet, il devrait être prêt à les justifier. La Cour suprême du Canada a déclaré que la Couronne ne doit aucunement agir de façon déloyale. Or, le Canada peut intentionnellement faire traîner un dossier en attendant qu'un tribunal rende une décision en sa faveur, puis ne même pas la communiquer à la Première nation.

Nous vous demandons d'inscrire dans le projet de loi un article qui exigerait du gouvernement qu'il fournisse des documents et des motifs pour appuyer son rejet ou sa validation d'une revendication. La Première nation devrait pouvoir s'adresser directement au tribunal une fois sa revendication rejetée par le ministre pour chercher à obtenir une décision neutre sur la validation. Il ne devrait y avoir aucune exigence de renonciation à toute indemnité en sus des 7 millions pour obtenir une telle décision. Toutes les revendications de Premières nations, quelle que soit leur valeur, devraient pouvoir être déposées auprès du tribunal pour validation. Le projet de loi pourrait être facilement modifié en vue de régler cette question: il suffirait, au paragraphe 32(1), de mettre un point après «particulière» et de supprimer les alinéas a), b) et c).

Il y a également dans le projet de loi un grave problème d'iniquité et de déséquilibre s'agissant des décisions de validation par le tribunal et qu'il nous faut régler ici. En vertu des articles 71 et 72, il est imposé, en matière de décisions établissant le bien-fondé d'une demande, une condition particulièrement odieuse et qui est parfaitement inéquitable.

Si le tribunal décide qu'une revendication est valide, «la décision de la formation établissant le bien-fondé de la revendication particulière... est inadmissible en preuve». Cependant «lorsque la formation rend une décision établissant qu'une revendication particulière est mal fondée... chaque partie intimée est libérée de toute responsabilité, à l'égard de la Première nation revendicatrice et de chacun de ses membres... (et) le revendicateur est tenu de garantir chaque partie intimée contre toute somme dont elle est tenue par suite du recours pris», si un membre de bande poursuit un tiers et gagne.

Une décision en faveur du revendicateur ne peut pas être utilisée en cour, mais une décision en faveur de la Couronne signifie que le revendicateur doit garantir le Canada et la province contre toute somme par suite d'un recours contre un tiers fondé sur les mêmes faits.

La différence de traitement de la décision est inéquitable et devrait être supprimée.

Nous avons également des inquiétudes quant à la façon dont fonctionnerait le partage des responsabilités pour les tiers, surtout en ce qui concerne les décisions de validation et le plafond en matière d'arbitrage.

Nous n'avons pas le temps d'aborder toutes nos préoccupations relativement au projet de loi. La plupart d'entre elles sont esquissées dans le document supplémentaire fourni avec notre mémoire. Nous demandons respectueusement que le comité se penche sérieusement sur les préoccupations dont vous ont fait part toutes les Premières nations et organisations autochtones. Nous croyons que la création d'un sous-comité ou d'un petit groupe de travail auquel siégeraient des représentants des Premières nations et qui serait chargé d'examiner des changements au projet de loi au cours des quelques mois à venir pourrait résulter en un projet de loi plus équitable qui satisferait les obligations légales de la Couronne et réglerait les préoccupations des Premières nations.

La présidente: Merci, chef Willson. Les trois présentations étaient chacune très réfléchies. Nous allons maintenant passer aux questions et à la discussion.

Le sénateur Stratton: Vos témoignages cadrent avec ce que nous avons déjà entendu. Chef Willson, vous aimeriez que l'on crée un petit groupe de travail qui siégerait pendant l'été. En avez-vous discuté avec quelqu'un du parti au pouvoir?

M. Willson: Non.

Le sénateur Stratton: Pensez-vous que si vous le faisiez cela réglerait vraiment les problèmes du projet de loi? Pour le moment, ayant examiné les mémoires des trois groupes, je constate que vous demandez tous une clause de non- dérogation. Je vous cite le dernier exposé, celui de M. Willson: «Processus de nomination conjointe pour les commissaires», «Plafond pour les indemnités pouvant être ordonnées par le tribunal et règlement des revendications» et «Retards». Le projet de loi permettrait des retards sans fin. Tous les différents groupes que nous avons entendus nous disent que si nous envisagions des amendements, ce serait ceux-là qui seraient absolument nécessaires, au minimum.

Chacun d'entre vous me donnerait-il la même réponse? J'invite chaque chef à répondre, si vous le voulez bien. Cela nous donnerait-il au moins un projet de loi qui pourrait selon vous fonctionner? Êtes-vous plutôt convaincus qu'au lieu de proposer de quelconques amendements au projet de loi, il vaudrait mieux le rejeter carrément?

Je demanderais à chacun d'entre vous de répondre. Nous envisageons la possibilité d'apporter des amendements visant ces quatre aspects.

M. Pennier: S'il était question d'apporter de nombreux amendements, il faudrait beaucoup de temps et de réflexion en vue d'intégrer les nombreuses suggestions qui sont ressorties de l'analyse juridique qu'a faite l'APN des problèmes du projet de loi. Il nous faudrait examiner ces recommandations. Cela ne se limiterait peut-être pas tout simplement à quatre, cinq ou six recommandations; il faudrait qu'il y en ait beaucoup d'autres encore pour que ce projet de loi soit à nos yeux acceptable.

Le sénateur Stratton: Les quatre amendements que j'ai évoqués ne seraient pas suffisants pour rendre ce projet de loi acceptable à vos yeux. Je songe ici à la clause de non-dérogation, au processus de nomination conjoint, au plafond pour les indemnités ordonnées par le tribunal et aux retards.

M. Pennier: Non, il faudrait qu'il y ait beaucoup plus de changements que cela.

M. Phillip: Premièrement, il est clair qu'il faut que les revendications particulières en attente soient réglées. Il importe de s'attaquer sérieusement à l'arriéré. Le fait de ne pas avoir accès à un processus de règlement juste, de ne pas voir aboutir nos revendications et de ne pas être en mesure de satisfaire les besoins croissants de nos collectivités crée pour celles-ci d'énormes coûts de renonciation. Cependant, le projet de loi que nous avons devant nous est tout à fait insuffisant pour amener ce résultat. Je devine que les opinions que vous avez entendues exprimées ce soir vous ont été répétées fois après fois par d'autres groupes au cours des dernières semaines.

Le projet de loi a fait l'objet de plusieurs avis juridiques, d'examens techniques, et ainsi de suite. Le résultat net est qu'il lui faut subir une refonte complète, ce qui serait une entreprise majeure.

Cela nous frustre énormément que nous nous soyons ainsi démenés dans le cadre de tout cet exercice de groupe de travail mixte. Ce processus avait fait l'objet chez nos peuples d'un bout à l'autre du pays d'un débat très vif et incroyablement explosif. En bout de ligne, nous avons accepté la conclusion de cette initiative, qui a été déposée auprès du Cabinet. Nous espérions tous que nous aurions enfin une loi qui permettrait de liquider l'arriéré. En dépit du fait que nous étions nombreux à ne pas obtenir ce que nous avions souhaité avoir à l'issue de cet exercice, cela avait été un travail de compromis. Cependant, cela n'a pas débouché. Au lieu de cela, nous nous trouvons ici confrontés à cette approche unilatérale venant du gouvernement. Le projet de loi est si défectueux qu'il lui faut être soumis à un processus mixte semblable.

Le seul espoir quant au règlement de l'arriéré de revendications particulières est de retourner à ce processus mixte et de poursuivre ce travail pour veiller à ce que le projet de loi ainsi obtenu jouisse d'un large appui et constitue une solution pratique au problème de l'arriéré. Comme l'a dit M. Pennier, cela exigera un effort exhaustif. Il ne suffira pas de se concentrer sur les trois ou quatre points qui reviennent dans tous les mémoires et d'en traiter d'ici l'automne pour avoir un projet de loi satisfaisant. Nous nous trouvons dans une très grave situation, surtout en Colombie-Britannique, d'où émanent la majorité des revendications en attente.

Le sénateur Stratton: L'arriéré semble être un grave problème qui existe depuis fort longtemps. J'ai relevé le nombre de revendications versus le nombre de règlements dans un des documents déposés par le chef Pennier. Que faire pour liquider l'arriéré? Auriez-vous des idées là-dessus? Si nous avons un tel arriéré, comment pouvons-nous faire pour le réduire?

M. Phillip: Premièrement, j'ai une idée au sujet de l'arriéré qui m'est venue à l'esprit pendant que j'écoutais l'exposé du chef Pennier. Nous nous débattons avec cette question depuis longtemps. Nombre de nos communautés étaient très mécontentes du statu quo. Nous nous sommes investis corps et âme dans le rapport du groupe de travail mixte. Nombre de nos collectivités attendaient l'issue de cet exercice. Au lieu d'aller de l'avant avec les revendications particulières dans le contexte du statu quo avant le dépôt du rapport, nous avions décidé d'attendre l'aboutissement de ce travail afin qu'il y ait un processus par le biais duquel traiter des revendications. Comme nous le savons, ce n'est pas ce qui est arrivé. Voilà qui explique l'augmentation de l'arriéré — nous attendions un processus satisfaisant pour le traitement des revendications.

L'une de nos préoccupations quant au projet de loi est que lorsque le ministre se fait interroger au sujet de la transition, il n'a pas vraiment de réponse à donner. Il dit en gros que cela va venir, que ce sera formidable et que cela fournira aux Premières nations les outils nécessaires à l'établissement de collectivités plus saines et plus prospères. Cependant, cela ne liquidera pas l'arriéré. Cela multipliera les litiges et ne traite pas véritablement du problème.

Le sénateur Stratton: Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne l'arriéré car le projet de loi lui-même ne comporte pas d'échéancier. Le ministre pourrait en définitive prendre une éternité, faire traîner très longtemps les choses, bien au-delà du délai initial de six mois, sans avoir à le justifier.

M. Phillip: Je m'occupe de politique autochtone depuis le début des années 70. Je n'avais jamais passé autant de temps à Ottawa que je ne l'ai fait tout récemment, convaincus que nous sommes que c'est une situation de crise que nous vivons à l'heure actuelle étant donné les changements législatifs que le gouvernement du Canada tente d'imposer de façon tout à fait unilatérale.

Ce projet de loi ne doit pas être vu isolément du reste. Il y a deux autres projets de loi qui sont en train de passer par le processus parlementaire. Ceux-ci amènent à Ottawa de nos membres désireux de comparaître devant le comité de la Chambre et le comité sénatorial. Il y a eu quantité de défilés et de manifestations. J'étais au téléphone avant que la séance ne commence ici, et l'on était en train d'organiser une marche à Vancouver pour exprimer notre position au projet de loi.

Plus importante encore est la façon dont le projet de loi est en train d'être soumis au fer à repasser. C'est grave. Cela se trouve reflété dans les lacunes de tous ces projets de loi.

Le sénateur Christensen: Merci de vos mémoires exhaustifs. Le projet de loi C-6 vous pose manifestement de sérieux problèmes.

Vous avez parlé de la création d'un sous-comité. Qui pourrait selon vous y représenter les Premières nations? La Colombie-Britannique compte, certes, pour une part importante des revendications en attente, mais qui représenterait les Premières nations?

M. Willson: Nous avions pensé qu'il faudrait qu'il y ait une représentation de cinq Premières nations.

Le sénateur Christensen: D'où?

M. Willson: Ce serait davantage un groupe technique. Il y aurait des représentants de l'APN.

Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

Le sénateur Christensen: Qui représenterait les Premières nations au sein de ce groupe de travail qui se pencherait sur le projet de loi?

Mme Deborah Smithson, directrice de recherche, British Columbia Treaty 8 First Nations: Il y a déjà tout un bassin de connaissances au sein de la communauté des Premières nations. Il y a des personnes qui ont travaillé pendant des années avec le groupe de travail mixte et qui sont très au courant du dossier. Le Comité des revendications du chef, établi par le biais de l'APN, y a beaucoup travaillé et connaît très bien les différents problèmes du projet de loi. Il existe déjà toute une masse de compétences au sein des Premières nations. Il s'y est fait beaucoup d'analyse du projet de loi. Il ne faudrait que très peu de temps pour monter un solide groupe de travail.

Le sénateur Christensen: Je me demandais si vous en aviez une idée de la composition. L'on parle ici d'un petit groupe qui représenterait toutes les Premières nations qui ont déposé des mémoires et qui ont des préoccupations relativement au projet de loi.

Mme Smithson: Il serait assez facile de créer un groupe de travail réunissant des spécialistes et des chefs, et nous pourrions sans doute élaborer un système de communication pour veiller à ce que toutes les Premières nations soient tenues au courant.

Le sénateur Stratton: Vous parlez d'un petit groupe de travail, mais c'est toujours une question de définition. Que signifie «petit»? Avez-vous un nombre en tête? Est-ce 10, 20, 50 ou 100 personnes?

Mme Smithson: J'imagine que le Sénat a sans doute traité par le passé avec des groupes de travail ou des sous- comités, et vous auriez peut-être quelques idées à nous soumettre à ce propos.

Le sénateur Stratton: Que diriez-vous de cinq environ?

Le sénateur Gill: C'est un bon nombre pour une équipe de travail.

Le sénateur Stratton: J'étais préoccupé par la question de l'échelle. Si vous voulez que ce soit un groupe inclusif, alors il faut qu'il ait une taille raisonnable. Vous voudrez veiller à ce qu'il soit inclusif et à ce que des gens ne soient pas délibérément laissés de côté. Si vous avez un système de communication, comme vous l'avez dit, ce serait peut-être la meilleure solution.

M. Phillip: C'est là une question clé. Suite à une discussion au sein de nos propres cercles, quelqu'un assis autour de notre table dirait: Nous avons déjà l'infrastructure en place avec cet exercice du groupe de travail mixte». Les personnes qui ont des compétences en la matière, qui connaissent bien les revendications particulières, ont été réunies à cette fin. Depuis, la question a pris une envergure nationale, et la question des revendications particulières s'est posée partout au pays. C'est ainsi que les gens seraient nombreux à prendre connaissance de cette initiative hypothétique. Au bout du compte, vous vous retrouveriez avec l'infrastructure du groupe de travail mixte englobant les compétences dont il a été question ici.

Nombre des témoignages qui ont été faits, et en tout cas des commentaires que nous avons entendus, indiquent qu'il nous faut retourner à ce processus mixte si nous voulons en arriver à un projet de loi qui soit appuyé par les gens, qui fonctionne et qui traite de l'arriéré et de toutes les revendications qui viendront par la suite. C'est là, selon nous, la seule solution. Ce projet de loi-ci n'amènera tout simplement pas de tels résultats.

Le sénateur Christensen: Peut-être que votre suggestion pourrait être que l'on réunisse simplement à nouveau le groupe de travail et qu'on le charge de remanier le projet de loi.

Le sénateur Austin: J'aimerais simplement exprimer un mot de bienvenue tout spécial à mes collègues de la Colombie-Britannique. Merci de vos présentations. Vous avez raconté une très bonne histoire au sujet de votre situation.

Comme vous le savez, c'est moi qui suis le parrain du projet de loi. Cela veut dire que le ministre et le gouvernement m'ont demandé d'appuyer ce projet de loi au Sénat et au comité sénatorial. J'ai accepté de le faire après avoir examiné l'historique du projet de loi.

Comme vous le savez peut-être, le ministre nous a dit qu'il est prêt à apporter certains amendements et à les recommander au Cabinet.

Je vais commencer par faire quelques commentaires afin qu'ils figurent au procès-verbal. Premièrement, les choses sont toujours difficiles lorsqu'il s'agit de traiter avec la Couronne — et cela ne vaut pas seulement pour votre communauté, mais pour tout le monde — car non seulement la Couronne a pour rôle de passer des contrats et de négocier des ententes, mais elle a également le droit de légiférer, c'est-à-dire de changer n'importe quelle loi qui est en place. C'est là notre système et vous le connaissez bien. Vous composez avec lui.

Ce qui est arrivé ici, si j'ai bien compris — et je vous invite à me livrer vos réactions — c'est qu'un groupe de travail mixte très efficace auquel siégeaient des représentants du gouvernement et des représentants des groupes membres de l'APN a travaillé très fort et en est arrivé à un certain nombre de conclusions. Ces conclusions nous ont été soumises. Nous les avons examinées et les avons comparées avec ce que le ministre a proposé dans le cadre du projet de loi. Il y a des différences. Chef Phillip, je pense que c'est vous qui avez dit que le ministre avait déclaré qu'il n'y avait que deux choses qu'il avait changées. La première était le processus de consultation et la deuxième était le plafond. Il y a d'autres changements. Le ministre considère ces deux-là comme étant peut-être les plus importants.

La question qui se pose toujours est celle de savoir si un demi-pain vaut mieux que pas de pain du tout. Faute de grives, on mange des merles. C'est là l'une des grandes difficultés de la vie.

Je ne prétends pas, ni personnellement, ni au nom du comité, que le projet de loi C-6 est un pain entier. Je reconnais que c'est, au mieux, un demi-pain, et que la question est de savoir si un demi-pain amélioré par quelques amendements vaut la peine d'être essayé, comparativement à l'autre possibilité, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de projet de loi du tout. Vous pouvez négocier et discuter tant que vous voulez, mais si une partie n'est pas prête à accepter l'entente, alors il n'y en aura pas.

Le gouvernement a fait une offre à la communauté autochtone. Ce n'est pas le rapport du groupe de travail mixte; c'en est une version. Vous direz peut-être que c'est une bien pâle version de ce rapport, et je partagerai peut-être votre opinion, mais c'en est une version. En quoi le projet de loi améliore-t-il l'actuelle Commission des revendications particulières des Indiens? Je dirais, premièrement, qu'il sort le processus du ministère et qu'il crée une entité distincte qui en sera chargée. Je conviens — et nous en avons entendu parler ici — qu'il y a plusieurs intervenants actuels au MAINC dont vous vous attendriez à ce qu'ils siègent au tribunal; mais disons plutôt que l'on soupçonne qu'ils y seront nommés. La question de l'impartialité est très importante. Comment réaliser cela? Plusieurs personnes ont soulevé cette question. Rolland Pangowish et Bryan Schwartz, représentant l'APN, et d'autres témoins ont soulevé la question de l'impartialité. Nous sommes préoccupés par cela et avons proposé un certain nombre d'amendements. Je ne peux pas les partager avec vous, mais je peux vous les mentionner. Nous avons donc proposé un certain nombre d'amendements relativement à l'impartialité.

Voilà pour la première étape. La fourniture de fonds adéquats, comme vous le savez, est une chose que propose d'assurer le gouvernement. Au Sénat, bien que nous soyons habilités à modifier ce qui nous est renvoyé, nous ne pouvons pas lancer une proposition donnant lieu à des dépenses, mais un progrès, selon moi, aussi graduel soit-il, est que le centre, avec sa commission et son tribunal, fera l'objet d'un poste budgétaire distinct et l'argent réservé à cette fin devra donc être clairement identifié dans le budget. En ce moment, il s'agit d'une sous-sous-catégorie au sein du ministère faisant l'objet de transferts internes lorsque les comptables sortent leurs crayons et disent: «Mon Dieu, il va peut-être y avoir dans ce programme 10 millions de dollars en fonds non utilisés, alors prenons cet argent», et c'est ainsi qu'une ou deux revendications de plus ne peuvent pas aboutir.

Je tiens à vous dire que nous ne sommes pas heureux en tant que comité — en tout cas moi qui suis le parrain du projet de loi je ne suis pas heureux — du plafond existant. Cela dissuade sans doute les gens de recourir au tribunal, car c'est le rôle du tribunal qui est présentement plafonné à 7 millions de dollars. Ce ne serait probablement pas une désincitation à recourir à la commission, et ce peut-être là un avantage, car au moins la commission examinera davantage de revendications.

La clause de non-dérogation est une question plutôt complexe. Le gouvernement a au cours des deux derniers jours déposé une motion au Sénat en vue d'un examen par un comité sénatorial de la fonction de la clause de non-dérogation dans les lois fédérales. Cela est très bien. J'estime, franchement, que c'est une excellente initiative, mais cet examen ne va pas être bouclé avant la fin de l'année, et cela ne va donc pas nous aider avec ce projet de loi-ci. Il faudra que le comité discute de ses choix relativement à ce projet de loi.

La limitation de la compétence de la commission et du tribunal, qui est, je pense, un resserrement par rapport aux dispositions de 1991, est elle aussi troublante. Le gouvernement a dit que sa priorité est de traiter de l'ensemble plus étroit d'engagements et d'accords territoriaux, et il estime que cela accélérera le règlement de la question, et que les autres sont de nature différente. Le gouvernement n'a pas dit de quelle façon les autres questions seront traitées.

La dernière chose que j'aimerais mentionner dans le contexte de notre examen est le pouvoir du tribunal, et peut-être celui de la commission, je ne sais pas trop, d'exiger des documents et la comparution de témoins. Ici encore, Bryan Schwartz s'est plaint auprès de nous de l'absence d'un pouvoir d'assignation à comparaître pour avoir accès à des éléments de preuve non fournis volontairement. Ce ne sont pas que les revendicateurs qui peuvent disposer de preuve; ce peut également être le cas de tiers; ou encore, un revendicateur peut savoir que la Couronne dispose de preuves qui n'ont pas été déposées. L'on peut être au courant de travaux de recherche, de rapports; l'on peut demander que ces documents soient exigés, et c'est là quelque chose que nous aimerions voir mieux défini ici.

Je n'ai pas le moindre doute quant à la grande valeur de vos soumissions, lorsque vous esquissez des cas de revendications particulières, comme vous l'avez tous les trois fait ici, et je songe aux revendications Douglas et à d'autres que vous avez citées. Je reviens à mon demi-pain. Vous avez un choix. Vous nous avez dit, comme position initiale: «Mettons cela de côté et relançons un groupe de travail». Le gouvernement est quant à lui en train de dire: «Cela ne nous intéresse pas de faire faire plus de travail par un groupe de travail mixte. Nous écouterons certaines des suggestions du comité en matière d'amendements».

C'est notre responsabilité, mais nous aimerions vous écouter vous. Êtes-vous prêts à proposer des amendements au projet de loi et à en discuter avec nous afin que nous puissions, après avoir entendu tous les témoignages, déterminer quoi faire en matière d'amendements?

M. Phillip: J'aimerais commencer par dire que nous avons ici une relation quelque peu symbiotique. Nous sommes tous et chacun chargés, dans le cadre de nos grandes responsabilités, de faire notre maximum pour veiller à ce qu'une certaine justice soit faite s'agissant de la question historique des obligations non encore exécutées par la Couronne. Nous avons fait le tour de la question et savons que le gouvernement a dit que cela ne l'intéresse pas de revenir à une approche de travail conjoint.

Je tiens à souligner que cette déclaration a été faite par l'actuel gouvernement. Je pense que nous savons tous qu'il va y avoir sous peu d'importants changements dans le gouvernement du Canada. Nous avons des raisons de croire que le nouveau gouvernement aura une optique quelque peu différente, et selon certaines déclarations publiques, de plus grands efforts seront consentis dans le cadre d'initiatives conjointes.

La question que je me pose relativement au projet de loi n'est pas tant celle de savoir si un demi-pain vaut mieux que rien du tout, mais plutôt si deux croûtes valent mieux qu'une, et je dirais que non.

Il est absolument exclu que l'on sélectionne un ou deux amendements et que l'on dise qu'il s'agit de choses qui devraient selon nous être en place, qui seraient acceptables et qui pourraient amener le résultat final que nous recherchons tous. Je ne pense pas que ce soit là une option.

Enfin, j'aimerais dire que nous avons l'actuel système. Nous avons la Commission des revendications des Indiens, qui nous offre certains recours s'agissant des revendications. Je pense que nous pouvons continuer de travailler de la sorte en attendant qu'il y ait un virage fondamental et que l'on revienne à l'esprit du livre rouge, du discours du Trône et de toutes ces déclarations du gouvernement du Canada quant à la nécessité pour nous de travailler ensemble, dans un esprit de respect et de confiance mutuelle, et cetera. Je pense que c'est là la seule façon dont nous pourrons régler cela.

Le gouvernement du Canada peut, bien sûr, comme nous le savons tous, faire estampiller le projet de loi. Il nous faudrait alors en assumer les conséquences. Il y aurait davantage de litiges et davantage de conflits. Des torts irréparables auraient été faits à la relation entre les Premières nations et le gouvernement du Canada.

Le sénateur Austin: Je vais vous poser une question, chef Phillip, car vous avez fait une déclaration intrigante. En réponse au sénateur Stratton, vous avez décrit l'environnement législatif. J'ai eu l'impression que le projet de loi C-6 aurait un retentissement émotionnel moins chargé si nous n'étions pas en train de regarder un programme gouvernemental englobant également le projet de loi C-7, et peut-être que vous y incluriez même le projet de loi C-19, je ne sais pas. Serait-il juste de dire, comme j'ai cru vous comprendre le dire, que si nous l'examinions isolément du reste, sans les autres problèmes de la relation, vous seriez peut-être ouverts à l'idée d'une discussion portant sur des amendements?

M. Phillip: Ce que je suis en train de dire est qu'il est très clair pour nous que l'actuel gouvernement n'a aucunement envie de revenir à l'approche du groupe de travail mixte s'agissant de l'un quelconque de ces projets de loi. Il semble qu'il se pose ici une question de legs. Nous avons le sentiment qu'on nous considère un petit peu comme un problème en suspens depuis 1969. Cela n'a pas aidé la façon dont tout ce programme législatif a été mené.

J'espère et je prie ardemment que l'on pourra mettre cela de côté en attendant de retrouver cet esprit de coopération et de partenariat qui se trouve reflété dans un si grand nombre de déclarations du gouvernement mais qui ne semble pas s'être matérialisé.

Le sénateur Austin: Considérez-vous les trois projets de loi comme constituant en fait un tout qui devrait être examiné et déposé en une fois à l'avenir? Est-ce là votre position?

M. Phillip: Oui. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a un schéma. Tout cela a un parfum bien particulier. Les peuples des Premières nations d'un bout à l'autre du pays perçoivent les choses ainsi. Cela est dommage, mais c'est ce à quoi nous sommes pour le moment confrontés.

Le sénateur Austin: Je sais, vu les remarques que vous avez faites, que vous avez étudié les témoignages. Vous avez tous les trois fait clairement ressortir cela dans vos déclarations. J'aimerais mentionner qu'il y a des Premières nations qui se sont dit prêtes à discuter d'amendements. Il n'est pas vrai qu'il n'y a pas d'amendements sur la table. Nous avons entendu plusieurs Premières nations qui sont désireuses de discuter d'amendements et de la façon dont des amendements pourraient être formulés. Ce sera difficile pour le comité, mais nous finirons par discuter de toutes ces questions.

Ceci ne sera peut-être pas pertinent, d'après les remarques que vous avez faites, chef Phillip, et je suppose que les autres — à moins qu'ils puissent dire quelque chose au sujet de ces questions — partagent votre avis. Je vais supposer cela aux fins du commentaire que je vais faire. La question de la consultation relativement aux nominations faites par le ministre a suscité beaucoup de discussions intéressantes. Comme vous le savez, le ministre a écrit une lettre à l'APN disant qu'il est prêt à consulter et c'est tout. «Donnez-moi vos idées et je vais y réfléchir.»

Je réserve votre position selon laquelle nous ne devrions rien faire ici. Cependant, ayant compris que c'est là votre position, si nous allons de toute façon envisager des amendements, la question que nous posons aux différents dirigeants est la suivante: Voulez-vous être consultés relativement aux nominations ou bien cela vous satisferait-il que nous ne prenions que les conseils de l'APN? Ce serait si simple de demander à l'APN ce que vous pensez, et l'APN aurait ainsi à faire tout le travail de consultation, et cetera, pour en arriver à une liste. Ou bien devrions-nous consulter les revendicateurs, les personnes qui ont un intérêt direct dans l'issue du processus — ce n'est pas là un problème en cette ère de la technologie. Nous connaissons tout le monde — et l'on pourrait leur demander «Avez-vous des suggestions?» Devrions-nous ne consulter que l'APN ou bien devrions-nous faire de la consultation régionale? Peut- être que l'opinion en Colombie-Britannique est différente de celle des gens en Saskatchewan ou en Ontario. Sous réserve, comme on dit, de tout ce que vous avez déclaré quant à la nécessité de reconstituer un groupe de travail mixte, auriez-vous un commentaire à faire là-dessus?

M. Phillip: Sur la base de tous les débats et de toutes les discussions politiques que nous avons eus, ainsi que des avis juridiques et ainsi de suite, la conclusion incontournable est que ce projet de loi n'est même pas prêt de réaliser ce que nous tous visons. Nous pensons que le seul moyen pour nous de remettre les choses sur les rails serait de reprendre le mode de travail conjoint qui était reflété dans le groupe de travail mixte.

Je ne pense pas qu'il soit tout à fait juste de dire que la Union of B.C. Indian Chiefs que je représente propose que l'on ne fasse rien du tout. Ce que nous disons c'est qu'il s'agit d'une question très sérieuse et qu'il ne faudrait pas causer de torts irréparables. Mon collègue a parlé du principe médical fondamental, celui de ne faire aucun tort, et c'est de cela qu'il est question ici. L'arriéré doit être liquidé. Je ne pense pas que le fait de mettre une nouvelle couche de peinture sur ce projet de loi en espérant une autre issue soit une chose prudente ou responsable à faire. Nous avons de notre côté la volonté d'agir. Nous avons l'infrastructure qui nous a été livrée par le processus antérieur. Il n'y a tout simplement pas de volonté équivalente du côté du ministre. Le gouvernement veut faire avaler cela à la hâte pour pouvoir dire: «Nous l'avons fait. Nous avons adopté le projet de loi C-6».

Le sénateur Austin: S'il vous faut vivre encore plusieurs années avec le statu quo, vous n'en serez pas ravis, mais c'est votre préférence.

M. Phillip: Je ne pense pas que cela demandera plusieurs années. Je pense qu'il va y avoir un changement, un virage et une bouffée d'air frais.

Le sénateur Austin: Je tiens à vous remercier, chef Phillip, pour vos réponses et pour la façon dont vous nous les avez livrées.

Le sénateur Gill: J'aimerais revenir aux questions qui ont déjà été traitées. Il nous faut reconnaître que la plupart des groupes — et je pense que mon interprétation est la bonne — qui ont comparu devant nous ont dit: «Nous préférerions oublier le projet de loi plutôt que d'y apporter des amendements». La plupart des groupes ont dit: «Pourquoi ne pas avoir davantage de discussions et de consultations et réfléchir ensuite à un nouveau projet de loi?» Je pense que c'était là le consensus général.

J'aimerais revenir sur les résultats du groupe de travail. Le projet de loi ne reflète selon vous pas les résultats obtenus par ce groupe de travail mixte établi, je pense, par le ministère des Affaires indiennes et l'APN.

J'imagine que lors de l'établissement de ce groupe de travail celui-ci s'est vu accorder un mandat, et qu'étant donné que le ministère et que l'APN étaient directement intéressés, il y a eu entente quant au mandat du groupe. Vous souvenez-vous de cela? Quel avait été le cadre de référence? Les gens pensent parfois que lorsque le ministre consulte les Autochtones, c'est-à-dire les Premières nations, il n'a pas à suivre les résultats de la consultation. Cependant, au départ, lorsque vous établissez un mandat, vous avez alors un certain nombre d'obligations à entreprendre. Vous en souvenez-vous?

M. Phillip: Mon sentiment est que c'était un effort coopératif, un partenariat, jusqu'à la fin. En dépit de ce gros débat interne que nous avons eu et qui n'était souvent pas très joli, en bout de ligne nous nous sommes entendus et il y avait beaucoup d'optimisme quant à l'initiative législative qui allait s'ensuivre. Il semble que cela ait frappé un mur quelque part au Cabinet. Dans notre milieu, il était notoirement connu que le Cabinet allait l'endosser, puis il ne l'a pas fait.

Le sénateur Gill: Je viens de lire un cadre de référence là-dessus. Il y a eu un cadre de référence.

M. Willson: J'aimerais que Mme Smithson réponde à cette question. C'est elle qui est à jour quant à ce qui se passe.

Mme Smithson: Je me ferais l'écho des propos du chef Phillip. Il y a eu une entente très claire selon laquelle le ministre allait être tenu à jour quant au processus et aux progrès réalisés. Il y avait un mandat et des pouvoirs pour les gens du gouvernement qui y travaillaient. Nous avions confiance dans le système.

M. Pennier: J'aimerais ajouter quelque chose au sujet de cette question de consultation. La loi est en train de changer. Chaque fois que vous parlez aux Premières nations, si nous ne sommes pas d'accord sur beaucoup de choses, alors il faut qu'il y ait certains accommodements si vous voulez poursuivre avec ce qui est envisagé. Il n'y a aucun accommodement en ce qui concerne ces différentes questions.

La présidente: J'aimerais simplement ajouter un petit renseignement: il y a eu pendant ce processus un changement de ministre. C'était Jane Stewart au départ puis, en 1999, c'est le ministre Nault qui a été nommé, et c'est peut-être en partie ce pour quoi ces choses arrivent maintenant. C'est un élément intéressant.

Le sénateur Léger: Deux choses: premièrement, le gouvernement est en train de passer le projet de loi au fer à repasser — pour emprunter l'expression que vous avez utilisée — absolument. Vous dites, prenez le temps, et vous n'êtes pas les premiers à le dire. Pourquoi la bousculade? D'un autre côté, vous avez des arriérés pour lesquels il semble que le temps soit illimité. Il me semble que c'est le même problème. D'un côté, il faut tant de temps pour liquider l'arriéré, mais de l'autre, vous voulez prendre beaucoup de temps pour y réfléchir. Voilà ce que j'entends.

Mon deuxième point concerne cette idée du demi-pain. J'entends parler de quelque chose de nouveau pour la toute première fois ce soir. Dans quelle mesure le projet de loi C-6 est-il final — pour ne pas dire éternel? Ce ne peut pas être une première étape, ce demi-pain, avec les amendements et tout le travail qui se fait. Cependant, à vous entendre, chef Phillip, on a l'impression pour la toute première fois qu'il va y avoir un changement de gouvernement. Seigneur, tout cela va-t-il s'écrouler maintenant? Voyez-vous ce que je veux dire? J'ai moins d'expérience que beaucoup de gens autour de la table ici, mais cela n'est-il pas en train de devenir un jeu? Peut-être que le terme est mal choisi. Mais je vous le demande, que se passe-t-il?

Vous venez à l'instant de mentionner, madame la présidente, qu'il y a eu un changement de ministre. Eh bien, en ce qui concerne le projet de loi C-6 — ou n'importe quoi d'autre — cela est si important que ce que nous recherchons tous, je l'espère, ne se situe pas à ce niveau-là.

M. Phillip: Pour répondre brièvement, ce qui nous préoccupe certainement beaucoup est que l'arriéré lui-même représente une certaine valeur, un certain potentiel sur le plan valeur de règlement. C'est ce que peut faire cette valeur potentielle pour régler les besoins socio-économiques croissants de notre communauté. Le gouvernement du Canada, le gouvernement fédéral, est en train de proposer ceci: «Vous avez ici une valeur potentielle considérable. Nous allons offrir un processus en vertu duquel, pour traduire cette valeur en une indemnité afin que vous puissiez commencer à régler certains des problèmes de la communauté, nous vous demandons de renoncer à tout ce qui dépasse les 7 millions de dollars».

Le sénateur Léger: Je ne parlais pas du plafond. Je pense que nous espérons tous que cela changera. Je comprends ce que vous dites au sujet de cette valeur, si vous pouviez l'obtenir. L'avons-nous? Je sais que nous avons retiré cela au début. Vous voulez régler vos problèmes sociaux et si vous aviez ce...

M. Phillip: Je pense que vous comprenez. Si votre maison valait 3 millions de dollars et que je vous disais que je vous en donnerais 70 000 $ et que vous devriez accepter, vous diriez: «Non, je ne le pense pas. J'y ai trop investi».

Je pense que l'autre question concernait le changement de gouvernement. Ce que j'ai dit c'est que l'on allait voir la face du gouvernement changer. Ce qui va arriver est assez clair.

Le sénateur Léger: Même cela ne devrait pas figurer ici.

M. Pennier: Pour ce qui est de la question de l'arriéré, les statistiques qu'on lui a données indiquent que ceux qui sont chargés d'examiner les revendications émanant de la Colombie-Britannique doivent s'occuper chacun de 45 dossiers. Cela leur demandera beaucoup de temps.

S'il y avait plus de personnes qui étaient affectées à ce travail, cela irait plus vite. Si vous voulez liquider cet arriéré de revendications en attente, c'est chose faisable, car nombre d'entre elles pourraient être enlevées de la table. L'on n'en discuterait même pas parce qu'elles ne satisferaient pas les critères. En bout de ligne, cela déboucherait simplement sur une multiplication des litiges. Notre préférence est de négocier plutôt que d'intenter des actions.

M. Willson: Je partage l'opinion du Grand chef Pennier.

Si le projet de loi est adopté dans son libellé actuel, cela créera un goulot d'étranglement encore plus important. Cela resserrera la définition de «revendication» et nous nous verrons obligés de recourir aux tribunaux pour les autres questions, étant donné qu'il n'y a à l'heure actuelle en Colombie-Britannique que trois avocats chargés de s'occuper des revendications. Les amendements proposés, les définitions et les changements d'ensemble relâcheraient les choses. Que je sache, un projet de loi n'a jamais été rejeté. Ceci sera approuvé.

Le sénateur Austin: Nous avons déjà rejeté des projets de loi et nous en avons déjà suspendu.

M. Willson: Les changements proposés à ce projet de loi ne sont pas si exagérés qu'ils ne pourraient pas être adaptés. Avec le groupe de travail, le groupe de travail mixte, un problème se pose quant à la définition de «revendication» et quant à savoir si cela bloquera tout le système.

La présidente: La Federation of Saskatchewan Indian Nations a comparu devant nous et nous a proposé pour examen cinq amendements. Elle nous a dit que ce serait au moins un début — un cadre en vue de négociations futures. Êtes-vous au courant de ces amendements qui nous ont été proposés par la FSIN?

M. Phillip: Non, en tout cas pas notre organisation.

La présidente: J'ai été amenée à penser que ces amendements avaient été élaborés en consultation avec l'APN.

M. Phillip: C'est à ce moment-là que je vous ai pour la première fois rencontrée. Nous entreprenions une initiative de lobbying dans le cadre de notre rencontre en décembre et je me suis retrouvé dans votre bureau avec le groupe de la FSIN. Vous avez entendu deux avis différents, et j'en ai entendu parler le lendemain matin. Chacun d'entre nous s'était vu remettre une trousse de lobbying et nous avions rendu visite à un certain nombre de sénateurs. Je me suis présenté lors de cette réunion au cours de laquelle il était question de certains amendements. Lorsque nous avons quitté la réunion de l'APN, nous avons discuté du retrait du projet de loi et de la reprise du rapport du groupe de travail mixte.

Clairement, il y a dans notre monde des avis différents tout comme c'est le cas dans le vôtre. À ma connaissance, les cinq amendements n'ont pas joui d'un appui général. Encore une fois, le projet de loi est d'envergure nationale. Je respecte certainement leur droit d'exprimer leurs opinions, tout comme nous nous avons le droit d'exprimer les nôtres.

La présidente: J'ai encore une question. Si nous rejetons le projet de loi, nous reviendrons au statu quo. Vous dites qu'il y a en Colombie-Britannique 45 revendications par avocat et que l'arriéré est énorme, ce que nous savons. Seriez- vous prêt à retourner au statu quo plutôt que de laisser ce projet de loi être ne serait-ce qu'un début de cadre?

D'autre part, le ministre a dit que si le projet de loi est adopté, le système sera facultatif, ce qui veut dire que les revendicateurs ne seront pas obligés de suivre le nouveau processus. Ils pourraient très bien s'en tenir à l'ancien système s'ils y sont déjà.

Auriez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Phillip: Quelle était la première question?

La présidente: Souhaiteriez-vous vous en tenir au statu quo si nous rejetons le projet de loi?

M. Phillip: Oui. Cette notion d'intégration facultative est une vieille histoire que le gouvernement nous a maintes fois racontée — qu'il y a une option quant au processus des revendications. L'un des intervenants a parlé de la notion qu'il pourrait y avoir deux cheminements simultanés. Je n'y crois pas du tout.

Mme Smithson: J'aimerais faire un commentaire là-dessus. Nous avons dans notre mémoire parlé d'un système à deux vitesses. En vertu du projet de loi, il est exclu que cela puisse fonctionner car il y a les questions du financement et des priorités ainsi que l'arriéré. Comment le ministère des Affaires indiennes traiterait-il de revendications qui sont dans l'ancien système et de revendications qui sont dans le nouveau système alors qu'il n'a pas du tout de fonds réservés au traitement de l'arriéré? Nous avons dans l'arriéré des revendications vieilles de plus de dix ans, et certaines Premières nations en ont qui sont plus vieilles encore.

Si nous choisissons de les maintenir dans l'arriéré, la majorité de nos revendications ne cadrant plus avec la nouvelle définition, alors ce ne sera pas une option. L'option débouche sur des actions en justice. Pourquoi le ministre bougerait-il relativement à des revendications pour lesquelles il n'a jusqu'ici pas bougé? Nous ne croyons pas du tout que cela fonctionnerait et cela soulève de graves préoccupations.

M. Pennier: Nous préférerions nous en tenir au statu quo pour le moment et que l'on n'aille pas de l'avant avec le projet de loi, même s'il y aurait un plus important arriéré. Certaines de nos localités ont choisi de ne pas soumettre pour le moment leurs revendications à cause de l'incertitude quant à ce qui va se passer. Si le statu quo devait être maintenu, alors elles soumettraient sans doute leurs revendications. Ainsi, elles pourraient espérer s'inscrire au rang 531 et voir leurs revendications réglées d'ici une centaine d'années environ, à condition que le gouvernement continue d'en régler près de huit par an.

Le sénateur Stratton: Il est intéressant que nous parlions de cette question comme si la seule solution était ou d'accepter le projet de loi tel que modifié — avec, on l'espère, au moins quatre ou cinq amendements — ou de le rejeter et d'en mettre un autre sur la table suite à une autre ronde de consultations.

Vous avez apporté un grand bol d'air frais lorsque vous avez parlé de revenir à l'automne, si nous réfléchissions à cette question et avions l'engagement du gouvernement de se pencher sur une solution de rechange envisageable. Vous avez recommandé que l'on réunisse un petit groupe de travail pendant l'été avec le Comité sénatorial des peuples autochtones et que l'on rédige un projet de loi du Sénat à déposer à l'automne en plus du projet de loi modifié. Il y aurait ainsi un projet de loi qui entrerait en vigueur, mais également un projet de loi subséquent qui viendrait réparer les dommages que vous craignez. Envisageriez-vous une telle solution?

M. Phillip: Cela ressemble à un sacré maquignonnage.

Le sénateur Stratton: En effet, et j'essaie de déterminer quel cheval on négociera.

M. Phillip: Encore une fois, la courte réponse est non. Je ne pense pas qu'il y ait de solution simple à cela. Je ne pense pas qu'il y ait de raccourcis. La question est très grave, à un point tel qu'il nous faut revenir à l'exercice du groupe de travail mixte et déposer une proposition législative qui puisse aboutir.

Compte tenu de tout le travail qui a été consacré au rapport du groupe de travail mixte, il ne s'agit pas de réinventer la roue. Le rapport nous fait faire tout le tour du pot, si vous voulez, remontant jusqu'à la volonté politique. Nous avons expliqué que le gouvernement du Canada, par le biais du ministre, dit qu'il n'est pas prêt à faire cela. Je pense quant à moi qu'il va y avoir quelqu'un assis dans ce fauteuil qui dira: «Allons-y. Retournons au rapport du groupe de travail mixte».

Le sénateur Austin: J'aimerais revenir au niveau conceptuel, et non pas au projet de loi C-6 dans son libellé actuel, s'agissant de la question de la souveraineté. Que pensez-vous de la question du statut? Parlons-nous ici de souveraineté conjointe? Est-ce là un concept qui sous-tend véritablement votre position? Parle-t-on d'un partenariat efficace entre vos collectivités et le gouvernement?

Vous connaissez très bien la chef Roberta Jamieson, qui a comparu devant nous. Son argument est le suivant: «Nous étions une nation avant le Canada. Nous sommes une nation aujourd'hui. Nous sommes indépendants du Canada. Nous sommes prêts à entretenir avec vous une relation de traité pacifique et amical, mais nous ne sommes pas prêts à reconnaître la façon dont le pays est aujourd'hui organisé». Est-ce là votre position, chef Phillip?

De nombreuses autres communautés ont dit, en gros: «Nous faisons partie de la nation canadienne, nous avons des droits inhérents en vertu de l'article 35 et de tout ce qui a précédé l'article 35. Nos droits découlent de la Proclamation royale comme cela est affirmé à l'article 35».

Il s'agit là de deux pistes complètement différentes. J'aimerais savoir par où vous commenceriez.

M. Phillip: Permettez que je commence par dire que j'ai le plus grand respect pour Roberta Jameson. Elle est une vraie bouffée d'air frais. J'espère sincèrement qu'elle sera notre prochain chef national. Elle a l'énergie et l'engagement nécessaires pour s'attaquer de front aux questions au lieu de les mettre de côté. Je suis convaincu qu'elle sera en mesure d'obtenir de meilleurs résultats dans ces dossiers que ce que nous avons vécu par le passé.

Nous recherchons ici une résolution juste et un règlement équitable des questions entourant les revendications particulières, qui sont l'expression des torts et des injustices historiques infligées aux communautés des Premières nations. Il faut qu'il y ait redressement. Il nous faut veiller à ce que le gouvernement comprenne cela et à ce que soient mises en place des lois qui facilitent le processus.

Le sénateur Austin: Je songeais à vos commentaires qui englobaient le projet de loi C-7 et peut-être également le projet de loi C-19. Vous avez dit qu'il s'agissait essentiellement d'une seule et même initiative.

M. Phillip: C'est la même. Il faut qu'il y ait justice et équité.

Le sénateur Austin: Puis-je dire que vous êtes davantage axé sur le résultat pragmatique que sur le point de départ idéologique? Serait-ce là un bon résumé? Ou bien le point de départ est-il aussi important que le résultat?

M. Phillip: L'exercice de rapport du groupe de travail mixte n'a pas été entrepris à l'intérieur d'un cadre de souveraineté ou autre chose du genre. Il s'agissait d'un effort collectif déployé par des communautés qui ont souffert de l'aliénation de leurs terres et qui étaient désireuses d'établir un processus juste en vue du règlement de ces questions. Ce n'était pas un débat ésotérique sur la souveraineté, l'autodétermination, les droits de la personne ou d'autres choses du genre.

Le sénateur Christensen: Nous avons parlé d'un sous-comité ou d'un petit groupe de travail qui serait chargé de se pencher sur la question et d'esquisser un nouveau départ. Songeant aux autres témoignages que nous avons entendus, il est clair que nous n'avons pas besoin d'un autre sous-comité ou d'un autre groupe de travail. Le groupe de travail, selon vous et selon l'opinion d'autres, en est arrivé à une solution qui satisfaisait tous les intervenants du côté des Premières nations. Si cela était revu et si la loi en était tirée, il n'y aurait plus besoin d'un groupe de travail car le travail a déjà été fait, n'est-ce pas?

M. Phillip: C'est en gros ce que nous disons.

Le sénateur Christensen: Notre tâche serait alors de demander au ministre d'examiner les recommandations du groupe de travail et d'expliquer pourquoi celles-ci n'ont pas été suivies.

M. Willson: J'approuve ce que dit le chef Phillip. Il n'y a aucune raison de réinventer la roue. Une option est de jeter le projet de loi. Lorsque les deux parties se retrouvent pour travailler ensemble, l'on peut construire des ponts. C'est ce que nous avons vu dans le cas du groupe de travail mixte. C'est lorsque l'instinct paternaliste l'emporte et que quelqu'un décide qu'il fera quelque chose pour le bien de l'autre, sans que l'autre n'ait son mot à dire, que tout s'écroule.

Beaucoup de travail, bon ou mauvais, a été abattu ici. Les Premières nations espèrent de nombreux changements. Je ne m'oppose pas à ce que je projet de loi soit rejeté. Je ne m'oppose pas à ce que l'on regarde ce qu'il y a ici et à ce que l'on essaie de faire en sorte que l'affaire fonctionne. Cela m'inquiète que les choses se bousculent. Si nous prenons notre temps et faisons bien les choses, nous pourrions nous retrouver avec un bon document à partir duquel travailler. Dans le cas contraire, alors vous avez entendu l'opinion exprimée par toutes les Premières nations qui ont défilé devant vous. J'étais ici hier. J'ai entendu hier la même chose que ce que j'ai entendu aujourd'hui. Je devine que toutes les personnes qui sont venues ici ont dit les mêmes choses.

La présidente: Accepteriez-vous ce qu'a dit le sénateur Christensen, c'est-à-dire que nous n'avons pas besoin d'un autre groupe de travail étant donné que nous en avons déjà un?

M. Willson: S'il est déjà là, alors pourquoi réinventer la roue?

Le sénateur Christensen: Est-il déjà là, c'est la question que je vous posais.

M. Willson: Il a été créé.

Le sénateur Austin: J'aurais une observation à faire: il me semble que le chef Phillip et que ses collègues vont continuer de venir souvent à Ottawa.

La présidente: Merci beaucoup à tous d'être venus. J'espère que vous êtes satisfaits de vos témoignages et du dialogue que nous avons eu. Je sais que nous nous sommes très satisfaits. Nous prenons très au sérieux vos remarques et vos préoccupations. Merci d'avoir respecté le propre des audiences de comité.

La séance est levée.


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