Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 18 novembre 2002
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 16 h 20 pour examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada, puis en faire rapport.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bienvenue au Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen de la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Je suis le sénateur Colin Kenny, de l'Ontario, et assume la présidence de ce comité.
Laissez-moi vous présenter les autres membres du comité.
Le sénateur Michael Forrestall est originaire de la Nouvelle-Écosse. Après avoir fait carrière comme journaliste pour le Halifax Chronicle-Herald et gestionnaire d'une compagnie aérienne, il a fait son entrée en politique et a été élu une première fois à la Chambre des communes en 1965. Pendant plus de 37 ans, il a représenté la circonscription de Dartmouth, ce qui nous rappelle l'importance particulière de la 12e Escadre Shearwater. Tout au long de sa carrière parlementaire, le sénateur Forrestall a suivi de près les questions de la défense, il a siégé à divers comités parlementaires et a représenté le Canada à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.
Le sénateur David Smith vient de l'Ontario. C'est une nouvelle recrue au sein du Sénat et de notre comité. Au fil de sa carrière d'avocat, il s'est distingué par sa pratique du droit municipal, administratif et réglementaire. Lorsqu'il a été nommé au Sénat, le sénateur Smith était PDG et partenaire de Fraser Milner Casgrain, l'un des cabinets d'avocats les plus anciens et les plus grands du Canada. Dans les années 70, il a fait partie du conseil municipal de Toronto, dont il a été nommé maire suppléant en 1976. De 1980 à 1984, le sénateur Smith a siégé à la Chambre des communes et a occupé le poste de ministre d'État chargé de la Petite entreprise et du Tourisme.
Le sénateur Jack Wiebe est l'un des plus éminents citoyens de la Saskatchewan. Cet agriculteur très prospère a aussi siégé à l'assemblée législative de la Saskatchewan. Nommé lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan en 1994, il était le premier agriculteur à accéder à cette fonction depuis près de 50 ans. Le sénateur Wiebe s'intéresse beaucoup aux réserves et préside la section de la Saskatchewan du Conseil de liaison des Forces canadiennes.
Le sénateur Norman Atkins vient de l'Ontario. Il est entré au Sénat en 1986 avec une grande expérience dans le domaine des communications. Il a également été conseiller d'un ancien premier ministre l'Ontario, M. Davis. Diplômé en économie de l'Acadia University, qui située à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, le sénateur Atkins a reçu un doctorat honorifique en droit civil en 2000 de son alma mater. Depuis qu'il est sénateur, il se préoccupe de diverses questions liées à l'éducation et à la pauvreté et défend la cause des vétérans de la marine marchande canadienne. Le sénateur Atkins est actuellement président du Caucus conservateur du Sénat.
Le sénateur Michael Meighen vient de l'Ontario et est spécialisé en droit administratif et commercial. Il a une vaste expérience des affaires et s'intéresse à divers enjeux communautaires. Nommé au Sénat en 1990, il a siégé au comité mixte parlementaire chargé d'étudier la politique sur la défense avant la sortie du Livre blanc sur la défense de 1994. Le sénateur Meighen est chancelier de l'Université de King's College, à Halifax, et appuie activement le Stratford Festival.
Le sénateur Tommy Banks vient de l'Alberta. Il est reconnu au Canada comme étant l'un de nos artistes les plus accomplis et les plus polyvalents. Il contribue en outre au rayonnement de la culture canadienne dans le monde. Musicien lauréat d'un prix Juno, M. Banks s'est fait connaître sur la scène nationale et internationale à titre de chef d'orchestre ou de directeur musical de divers événements marquants, dont la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver de 1988. Il habite à Edmonton et appuie activement la Princess Patricia's Canadian Light Infantry.
Le mandat du comité consiste à examiner les questions liées à la sécurité et à la défense. Au cours des 16 derniers mois, nous avons conclu une étude de sept mois sur les grands enjeux auxquels est confronté le Canada et avons produit un rapport intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense». Nous avons également produit un rapport portant sur la défense côtière intitulé «La défense de l'Amérique du Nord: Une responsabilité canadienne». La semaine dernière, le comité a publié un rapport intitulé «Pour 130 $ de plus... Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes: une vue de bas en haut».
Le Sénat a demandé au comité d'examiner la nécessité d'adopter une politique nationale sur la sécurité. Nous allons nous concentrer aujourd'hui sur la sécurité dans les aéroports.
Avant de passer aux travaux du comité, j'aimerais prendre quelques secondes pour faire une annonce importante. J'aimerais remettre une distinction à la greffière du comité, Barbara Reynolds. Au nom du comité, je suis heureux d'offrir à Mme Reynolds, pour les bons services qu'elle a offerts au Sénat et à ce comité en particulier, la Médaille du jubilé de la reine, qui commémore le 50e anniversaire de l'accession au trône de Sa Majesté.
Je demanderais au général Keith McDonald de s'avancer également. Le général McDonald est conseiller militaire auprès du comité depuis sa création et il nous est d'un très grand service. Au nom du comité, j'ai l'honneur de lui décerner la Médaille du jubilé de la reine.
Jusqu'à maintenant, notre comité a visité les aéroports de Montréal et de Vancouver, puis a tenu des audiences sur le sujet à Toronto, en juin dernier et à Ottawa, en août.
Notre premier témoin d'aujourd'hui est Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada. Elle a été nommée en mai 2001, après avoir occupé le poste de sous-vérificatrice générale pendant deux ans. Avant d'entrer à l'emploi du gouvernement fédéral, Mme Fraser menait une carrière prospère et stimulante dans le secteur privé. Elle a participé à plusieurs missions de vérification en collaboration avec le Bureau du vérificateur général du Québec et plusieurs ministères québécois. Le Bureau du vérificateur général a mené une étude sur la cession de propriété des aéroports. Il a également réalisé plusieurs vérifications du contrôle à la frontière du Canada qui ont un lien direct avec la sécurité.
Madame Fraser, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Auriez-vous l'obligeance de nous présenter vos collègues, s'il vous plaît?
Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada: Monsieur le président, honorables sénateurs, c'est un plaisir d'être ici ce soir pour discuter du travail réalisé par notre Bureau en ce qui a trait à la sécurité du transport aérien. Je suis accompagnée de M. Shahid Minto, vérificateur général adjoint, actuellement responsable de Citoyenneté et Immigration, et qui a été à la fois responsable des vérifications de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et de celles portant sur les cessions d'aéroports. Nous avons également avec nous M. Peter Kasurak, directeur principal des vérifications du portefeuille du solliciteur général et de la sécurité nationale.
Je vais résumer brièvement les rapports que nous avons déjà publiés sur la sécurité du transport aérien, puis je vais vous donner un aperçu des projets en cours pertinents.
Nos travaux sur le transport aérien ne sont pas récents et ont été menés avant les attaques du 11 septembre. En somme, notre Bureau n'a pas vérifié la sécurité du transport aérien directement. Notre plus récente vérification dans le domaine des transports, dont les résultats ont été publiés en octobre 2000, ciblait la cession de la propriété d'aéroports du Réseau national d'aéroports. La vérification était axée sur la surveillance et les aspects financiers de la cession et non sur la sûreté et la sécurité du transport aérien. Cependant, nous avons réalisé plusieurs vérifications du contrôle à la frontière du Canada qui ont un lien direct avec la sécurité.
En avril 2000, nous avons publié deux rapports sur le déplacement des personnes. Le premier examinait comment l'Agence des douanes et du revenu du Canada gère les risques aux points d'entrée, y compris dans les aéroports. Nous avons constaté que les agents des douanes n'avaient pas l'information adéquate pour évaluer les risques que présentent les voyageurs pour le Canada et que beaucoup d'agents comptant de nombreuses années de service n'avaient pas reçu les cours de recyclage nécessaires.
Quelques-unes de nos constatations visaient particulièrement la sécurité du transport aérien. Le Système automatisé de surveillance à la ligne d'inspection primaire utilisé pour identifier les voyageurs était désuet et les inspecteurs des douanes ne l'utilisaient pas régulièrement. De plus, l'information permettant de cibler les voyageurs aériens laissait à désirer. Les agents des douanes avaient une capacité limitée de recevoir de l'information sur les voyageurs avant leur arrivée; ils devaient se fier aux données fournies à la discrétion des transporteurs aériens.
Dans le même rapport, nous avons présenté nos constatations sur la composante économique du programme d'immigration géré par Citoyenneté et Immigration Canada. Nous avons constaté que les agents des visas disposaient de peu d'information et d'appui pour vérifier la possibilité que les demandeurs de visa soient engagés dans des activités criminelles ou constituent une menace pour la sécurité des Canadiens. Il n'y avait aucune mesure en place pour décourager les gens de présenter des demandes contenant des renseignements erronés, et les agents des visas s'en remettaient souvent à des méthodes de détection coûteuse. Nous avons constaté que le contrôle des recettes, des formulaires de visa et des systèmes informatiques étaient inadéquats.
En plus de vérifier l'aspect identification des personnes du contrôle à la frontière, nous avons également vérifié le contrôle des expéditions commerciales qui entrent au Canada. En décembre 2001, nous avons effectué une vérification qui incluait 13 grands aéroports. Nous avons mis en question l'efficacité des mesures prises pour cibler les expéditions à risque élevé. Lors de notre vérification, l'Agence des douanes et du revenu du Canada ne recueillait pas l'information nécessaire pour établir si ses activités de ciblage conduisaient à plus d'activités d'application de la loi. En d'autres mots, l'Agence ne savait pas si l'approche qu'elle utilisait pour la gestion des risques était satisfaisante.
Comme vous le savez, nous faisons le suivi de toutes nos recommandations un an plus tard en demandant aux ministères et aux organismes de nous dire ce qu'ils ont accompli. Selon l'information que nous avons obtenue, la plupart des recommandations que nous avons faites à la suite des vérifications mentionnées précédemment sont mises en oeuvre de manière satisfaisante. Une exception cependant au chapitre de la formation relative à la sécurité du transport aérien: ni l'Agence des douanes et du revenu du Canada ni Citoyenneté et Immigration Canada n'ont signalé beaucoup de progrès.
J'aimerais maintenant vous parler des travaux en cours sur lesquels nous n'avons pas encore fait rapport. Comme le comité le sait sans doute, le gouvernement a prévu dans le Budget de 2001, de financer les améliorations prévues à la sécurité du transport aérien de l'ordre de 2,2 milliards de dollars par l'imposition d'un droit de 12 dollars au titre de la sécurité des passagers du transport aérien. Les transporteurs aériens doivent remettre les sommes perçues chaque mois à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, qui les dépose à son tour dans le Fonds du revenu consolidé du gouvernement.
Le Budget de 2001 prévoyait le versement de fonds additionnels à Transport Canada pour renforcer sa capacité d'établir des règlements, d'examiner les normes et enfin, de surveiller et d'inspecter les services de sécurité aérienne. Le Budget de 2001 annonçait aussi la création de l'administration canadienne de la sûreté du transport aérien qui est responsable d'un certain nombre d'activités clés en matière de sécurité. L'administration peut fournir des services directement ou encore payer d'autres organismes, comme par exemple la GRC, les administrations aéroportuaires ou le secteur privé pour assurer la prestation des services de sécurité. Les recettes sont donc versées dans le Fonds du revenu consolidé alors que la plupart des dépenses sont engagées par l'administration.
Le ministère des Finances a plusieurs études en cours pour examiner et mettre à jour les estimations initiales de ces recettes et dépenses. Le ministère des Finances, en collaboration avec d'autres ministères et organismes concernés, prépare actuellement un état financier distinct faisant état des recettes liées aux droits payés par les voyageurs et des dépenses visant une sécurité aérienne améliorée.
À la demande du ministre des Finances, nous avons entrepris une vérification financière de cet état financier, afin de fournir l'assurance que les recettes et les charges y sont présentées fidèlement, et nous comptons bientôt terminer cette vérification. Nous croyons que c'est une bonne idée d'avoir des états financiers annuels distincts pour ce programme et si le ministère des Finances décide de continuer à les préparer, nous serons heureux de les vérifier.
Comme l'exige l'article sur les sociétés d'État de la Loi sur la gestion des finances publiques, au cours des prochains exercices, nous effectuerons des vérifications financières annuelles de l'administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ainsi qu'un examen spécial tous les cinq ans. En plus de faire une surveillance annuelle des progrès découlant de nos recommandations, nous effectuons également des suivis approfondis lorsque nous le jugeons approprié.
Nous présenterons le rapport de suivi des vérifications des douanes et de la vérification des activités d'application de la Loi sur l'immigration au printemps 2003. Les vérifications ciblent les activités liées au contrôle et à l'application de la loi, notamment la mise à jour du protocole d'entente entre Citoyenneté et Immigration Canada et l'Agence des douanes et du revenu du Canada servant à coordonner leurs travaux, la formation en immigration pour les agents de douanes et de l'immigration, le contrôle de la qualité de l'identification des voyageurs aux points d'entrée, le soutien informatique de la ligne d'inspection primaire aux points d'entrée, les améliorations apportées pour fournir à l'avance des données sur les passagers et finalement, les progrès du plan d'action en 30 points, Canada-États-Unis. La vérification couvrira ces activités dans quatre grands aéroports ainsi qu'aux points d'entrée.
Nous effectuons actuellement une vérification de portée gouvernementale de cette initiative de 7,7 milliards de dollars annoncée dans le budget de 2001, et qui a pour objet d'améliorer la sécurité nationale. Comme vous le savez, de cette somme, 2,2 milliards de dollars ont été affectés à la sécurité du transport aérien. D'autres fonds destinés à améliorer la collecte de renseignements et l'initiative Frontière efficace auront aussi une incidence sur le transport aérien. Cette vérification en est toujours au stade de la planification et il est difficile de préciser l'importance que nous accorderons à un sujet donné dans le rapport final. Toutefois, la sécurité du transport aérien est l'une des six questions prioritaires de la vérification.
Les autres questions sont les décisions stratégiques liées à l'affectation des ressources, c'est-à-dire où va l'argent et pourquoi; la capacité des ressources humaines; les technologies de l'information et l'infrastructure matérielle; la gestion des conséquences; et les rapports au Parlement sur l'utilisation de nouveaux pouvoirs.
En ce qui concerne le transport aérien, la vérification portera vraisemblablement sur le rôle de Transports Canada dans la gestion de la sécurité aérienne globale. Nous notons qu'en réponse au rapport du Comité des comptes publics sur les cessions d'aéroport, le gouvernement a indiqué qu'il prendrait des mesures provisoires pour améliorer la sécurité aéroportuaire avant la mise sur pied de l'ACSTA. Nous examinerons ces améliorations au cours de la phase de planification de notre vérification.
Monsieur le président, voilà qui complète ma déclaration d'ouverture. Je serai heureuse de répondre aux questions du comité. Je vous serais particulièrement reconnaissante de faire des commentaires sur des secteurs d'intérêt ou des préoccupations que nous pourrions traiter dans nos travaux futurs.
Le sénateur Banks: Merci d'être venue nous rencontrer. Je me permets de poser cette question même si vous n'êtes pas encore en mesure d'y répondre. Vous avez dit être en train de vérifier le droit de 12 $ qui a été imposé au titre de la sécurité des passagers du transport aérien, et que vous comptez terminer cette vérification bientôt. Je formule donc mes questions en partant du principe que vos données sur les recettes et les dépenses sont essentiellement exactes. J'ai trois questions à poser au sujet de cette taxe, qui inquiète de nombreux voyageurs et prestataires de services au Canada. Certains la jugent prohibitive. D'abord, à votre avis, est-il juste d'imposer une taxe de 12 $ par personne aux voyageurs qui se rendent d'Ottawa à Vancouver, et d'Ottawa à Toronto, vu que la distance entre ces deux dernières villes est moins grande?
Ensuite, vous avez parlé des entrées et des sorties de fonds. Je sais qu'il est difficile de suivre l'utilisation qui est faite de fonds particulier, mais la plupart des Canadiens pensent que les 12 $ seront affectés à l'amélioration de la sécurité du transport aérien. En supposant que la vérification montre que vos données sont exactes, croyez-vous qu'il existe un juste équilibre entre les recettes générées par la taxe de 12 $ et les dépenses prévues au titre de la sécurité du transport aérien? Troisièmement, le ministre a déclaré, quand il en a fait l'annonce, que la taxe serait réduite si elle était jugée trop élevée. Il a dit cela, en partie, pour apaiser les inquiétudes des transporteurs aériens, notamment des transporteurs court-courriers. Si les recettes générées par cette taxe dépassaient largement les besoins prévus, la taxe serait réduite. Pensez-vous effectivement que cette taxe pourrait être réduite?
Mme Fraser: Je dois préciser que la vérification que nous sommes en train d'effectuer est avant tout financière. Nous allons vérifier le montant des recettes qui apparaît sur l'état financier, et aussi le montant des dépenses.
Le sénateur Banks: C'est précisément ce que je veux savoir.
Mme Fraser: Quand nous effectuons une vérification de ce genre, nous ne nous demandons pas si le montant imposé est juste, compte tenu des distances parcourues. Nous examinons le montant qui est exigé et nous déterminons s'il est présenté fidèlement dans l'état financier. Nous ne posons aucun jugement de valeur.
Pour ce qui est des coûts, nous croyons comprendre que cette taxe de 12 $ doit servir à couvrir les dépenses supplémentaires engagées au titre de la sécurité. Nous allons vérifier si cette taxe sert effectivement à couvrir les dépenses liées à la sécurité, et s'il s'agit bien de coûts supplémentaires. Dans certains cas, il est facile d'établir une telle chose, dans d'autres, non. Cela fait partie de la vérification des dépenses.
Pour ce qui est de votre dernière question, je crois comprendre que si les recettes dépassent les dépenses, des correctifs seront apportés. Il y a plusieurs études en cours au ministère des Finances. Nous ne sommes pas encore en mesure de faire une déclaration à ce sujet. Le ministère des Finances décidera des mesures qu'il convient de prendre, en se fondant sur les résultats de ces études et sur ce premier état financier. Il ne faut pas oublier que cet état financier porte sur une période très courte, les données sur les recettes et les dépenses n'étant connues que depuis quelques mois. Je suppose qu'ils vont faire des prévisions à long terme pour voir si cette taxe est raisonnable ou non.
Le sénateur Banks: J'aimerais poser une brève question sur un autre sujet. Vous avez parlé de l'ADRC, qui est maintenant une agence et non un ministère.
Est-ce que l'ADRC peut faire l'objet d'un «examen spécial» en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques?
Mme Fraser: Non, elle ne fait pas l'objet d'un examen spécial parce que ce n'est pas une société d'État, mais elle fait l'objet d'une vérification d'optimisation. Nous vérifions également les états financiers de l'Agence. Nous réalisons tous les ans des vérifications de l'Agence et examinons des aspects précis de ses activités.
Le sénateur Banks: Vous avez dit, à un moment donné, que la formation des agents de douanes et de l'immigration présentait certaines lacunes. Est-ce que cela fait partie de votre vérification d'optimisation?
Mme Fraser: Oui.
Le sénateur Banks: Est-ce que nous pouvons continuer de compter sur votre Bureau pour qu'il nous dise si la situation s'est améliorée?
Mme Fraser: Absolument. Ce sujet va faire partie de la vérification de suivi que nous allons effectuer au printemps. C'est un point qui soulevait beaucoup d'inquiétudes à l'époque, et nous allons voir si des améliorations ont été apportées depuis la dernière vérification.
Le président: Je voudrais vous demander de clarifier la réponse que vous avez donnée au sénateur Banks. On a l'impression que les coûts supplémentaires correspondent tout simplement à de nouvelles dépenses. Je crois comprendre que ce sont les transporteurs aériens qui assuraient le contrôle des passagers qui montent à bord des avions, et que c'est le gouvernement fédéral qui a pris en charge cette dépense. Est-ce qu'on considère cela comme un coût supplémentaire?
Mme Fraser: Non. Le recrutement de policiers des airs, qui n'existaient pas auparavant, entrerait toutefois dans cette catégorie.
Le sénateur Meighen: Pouvez-vous nous donner d'autres exemples?
Mme Fraser: Je vais demander à mes collègues de le faire, mais je sais que les policiers des airs, par exemple, n'existaient pas auparavant. Le recrutement de nouveaux inspecteurs, par exemple, serait considéré comme un coût supplémentaire, tout comme l'achat de nouveaux appareils de contrôle. Il faut vraiment que ces dépenses viennent s'ajouter à celles qui existaient déjà. C'est au niveau des frais généraux qu'il risque d'y avoir des problèmes, parce que si vous embauchez 100 personnes de plus, cela veut dire que vous aurez plus de formalités administratives à remplir. Il peut être difficile de quantifier celles-ci.
Le sénateur Banks: Le gouvernement, quand il a pris en charge le contrôle des passagers, et le sénateur Kenny en a parlé, s'est engagé à améliorer la qualité et l'efficacité de ces contrôles. Si ces tâches commandent un salaire plus élevé ou une formation plus poussée, est-ce qu'on va considérer cela comme un coût supplémentaire?
Mme Fraser: Je vais demander à M. Kasurak de vous donner des précisions.
M. Peter Kasurak, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada: Il est important de signaler que lorsqu'on parle de coûts supplémentaires, on parle des coûts qui sont assumés par le gouvernement. Par conséquent, si la GRC était appelée à fournir des policiers des airs, alors les dépenses supplémentaires qu'entraîne la formation de ces policiers et le recrutement de nouveaux agents de la GRC seraient considérées comme une dépense raisonnable au titre de l'initiative d'amélioration, mais pas les coûts liés à l'utilisation du dépôt de la GRC, à Regina.
Donc, aux fins de la discussion, les coûts supplémentaires ne s'appliquent pas à l'ensemble du réseau de transport aérien, mais aux activités du gouvernement en ce sens que les ministères qui fournissent le service sont autorisés à dire: «Il s'agit d'une dépense supplémentaire. Nous devrions être dédommagés.»
Le président: Cela ne comprendrait pas les dépenses déjà assumées par les transporteurs aériens.
M. Kasurak: C'est le gouvernement qui en est maintenant responsable. Pour revenir à ce qu'on a dit plus tôt, les contrôles sont censés être plus efficaces qu'avant. Toutefois, les dépenses de l'Administration canadienne de la sécurité du transport aérien, l'ACSTA, qui fait appel à des contractuels ou qui fournit directement le service, s'ajoutent aux dépenses déjà engagées dans ce domaine par le gouvernement. Or, on devrait assister à une diminution compensatoire des dépenses des transporteurs aériens depuis que le gouvernement a pris en charge cette responsabilité. C'est là que cet écart devrait être comblé.
Le sénateur Wiebe: J'aimerais revenir à la première question qu'a posée le sénateur Banks. Je ne connais pas grand chose aux finances du gouvernement, et la majorité des Canadiens non plus. Voilà pourquoi nous trouvons utile le travail que vous effectuez au sein de votre bureau.
Par exemple, si, au cours du présent exercice, la taxe de 12 $ génère 5 millions de dollars, et qu'à la fin de l'exercice, seulement 2 millions ont été consacrés à la sécurité, que fait-on des 3 millions qui restent? Le montant est versé dans le fonds du revenu consolidé, mais va-t-il être automatiquement appliqué au remboursement de la dette nationale, ou servira-t-il à financer d'autres mesures de sécurité au cours du prochain exercice?
Mme Fraser: Les 5 millions de dollars que vous mentionnez sont versés dans le fonds du revenu consolidé et utilisés à n'importe quelle fin. Le Parlement redistribue cette somme à l'Agence ou à d'autres ministères, qui s'en serviront pour couvrir les dépenses liées à la sécurité des aéroports.
Le sénateur Wiebe: Vous dites dans votre exposé, et je cite:
Nous croyons que c'est une bonne idée d'avoir des états financiers annuels distincts pour ce programme et si le ministère des Finances décide de continuer à les préparer, nous serons heureux de les vérifier.
Ma question est la suivante: les 12 $ que nous déboursons en tant que contribuables vont-ils servir à améliorer la sécurité, ou seront-ils versés dans le fonds du revenu consolidé et considérés tout simplement comme une autre taxe?
Mme Fraser: Je ne le sais pas. Ces recettes doivent servir à couvrir ces dépenses. Comme nous l'avons fait dans d'autres cas, si nous jugeons que les recettes consacrées à une dépense dépassent largement les besoins, nous l'indiquerons dans notre rapport.
La meilleure façon de le savoir, c'est de jeter un coup d'oeil sur l'état financier du ministère des Finances, qui donne une idée précise des recettes et des dépenses, parce que les deux ne sont pas liées à l'ACSTA. L'ACSTA assume les dépenses engagées, mais pas toutes, de sorte qu'il est important d'avoir un état financier distinct. J'espère que le ministère va continuer d'en préparer un.
Le président: Donc, les recettes générées par la taxe de 12 $ sont versées dans le fonds du revenu consolidé. Comment l'ACSTA ou le ministère des Transports ont-ils accès aux 12 $ perçus pour chaque vol? Comment l'argent versé dans le fonds du revenu consolidé est-il affecté aux mesures de sécurité?
Mme Fraser: Par la méthode habituelle, c'est-à-dire par voie de crédits.
Le président: On procède de la même façon qu'on le fait pour les autres dépenses. Par conséquent, est-il possible de savoir de façon précise à quelle fin l'argent est utilisé?
Mme Fraser: On préparera un état financier distinct pour l'ACSTA, comme on le fait pour n'importe quelle autre société d'État, et cet état fera l'objet d'une vérification. Cet état financier portera sur les dépenses de l'Agence.
Il se pourrait qu'il y ait des dépenses dans d'autres ministères qui ne passent pas par l'ACSTA. Le gros du montant ira vraisemblablement à l'ACSTA, et des crédits seront attribués pour financer ces dépenses.
Le président: Est-ce que l'ACSTA va rembourser la GRC, par exemple? L'argent ne sera pas directement versé à la GRC?
Mme Fraser: C'est exact. L'ACSTA servira d'intermédiaire.
Le sénateur Meighen: Pour revenir à l'exemple du sénateur Wiebe, si les 5 millions de dollars sont versés dans le fonds du revenu consolidé, est-ce que le contribuable canadien sera en mesure de savoir quel montant sera consacré à la sécurité des aéroports au cours d'une période donnée? Si l'on verse 5 millions de dollars dans le fonds, sera-t-on en mesure de savoir si on a dépensé un million ou 10 millions de dollars?
Mme Fraser: Oui, parce que des crédits seront alloués à l'ACSTA, et ceux-ci figureront dans les états financiers de l'Agence. Vous saurez combien d'argent l'ACSTA aura reçu du fonds du revenu consolidé.
Toutefois, si vous n'avez pas accès à cet autre état financier qui est en train d'être préparé, vous ne saurez pas à combien s'élèvent les recettes liées à la taxe de 12 $ et les dépenses engagées. Ces renseignements ne figureront pas uniquement sur un seul état.
Le sénateur Meighen: Le montant versé à l'ACSTA comprendrait la location de bureaux et les salaires versés aux employés. Par conséquent, si nous voulons savoir combien d'argent est affecté à l'amélioration de la sécurité aérienne — et je ne dis pas par là que les employés de l'Agence ne joueraient aucun rôle à ce chapitre — et à l'achat d'équipement, par exemple, sera-t-il possible de procéder à une ventilation de ces dépenses?
Mme Fraser: Nous avons rencontré des représentants de l'ACSTA pour discuter des états financiers. Le premier état financier sera produit en mars, et nous nous demandons dans quelle mesure les dépenses engagées seront bien détaillées. Nous sommes en train de discuter avec l'Agence des détails qui, à notre avis, devraient à tout le moins être fournis.
Le sénateur Meighen: Votre vérification sur les cessions d'aéroports ne faisait aucunement état de la sûreté et de la sécurité du transport aérien. Qui décide de la portée de la vérification? Le Bureau? Les gens qui font l'objet d'une vérification? Un ministre? Comment procédez-vous?
Mme Fraser: C'est nous qui décidons de la portée des vérifications. Dans ce cas-ci, la vérification était surtout axée sur les aspects financiers des cessions, et non sur la sécurité. Sinon, elle aurait eu une portée trop vaste. Nous avons d'ailleurs dit que nous allions nous pencher sur la question de la sécurité un peu plus tard.
Le sénateur Meighen: Êtes-vous en mesure de me dire si des mesures ont été prises en vue de rendre les administrations aéroportuaires plus transparentes, responsables et cohérentes dans l'ensemble du réseau national d'aéroports?
Mme Fraser: Nous n'avons pas effectué d'étude qui nous permet de commenter la situation.
Le sénateur Meighen: Prévoyez-vous, plus tard, effectuer une telle étude?
Mme Fraser: Ce pourrait être un sujet d'étude intéressant. On en prendrait note si le comité jugeait bon que le Bureau se penche là-dessus.
Le sénateur Meighen: Vous avez dit, dans votre rapport, qu'il fallait mettre l'accent sur la transparence, la responsabilité, la cohérence. Il serait intéressant de voir si des progrès ont été réalisés à ce chapitre.
Enfin, le ministère des Transports vous a-t-il expliqué pourquoi il a décidé de déroger au principe selon lequel les aéroports doivent être cédés «dans leur état actuel, là où ils se trouvent», principe qui devait régir la cession, et d'accorder à l'autorité aéroportuaire du Grand Toronto une réduction de loyer de 185 millions de dollars pour financer des projets d'immobilisations?
Mme Fraser: Non, mais je vais demander à M. Minto de vous donner des précisions au sujet des questions que nous avons posées.
M. Shahid Minto, vérificateur général adjoint du Canada: Je vous répondrai probablement par un non moi aussi.
L'entente a été renégociée quelques semaines après avoir été conclue, et environ 185 millions de dollars ont été accordés sous forme de crédits de loyer à l'administration aéroportuaire de Toronto. Tout cela s'est passé en 1997. Nous avons posé des questions. Deux choses nous préoccupaient. D'abord, le cabinet avait dit que toutes les cessions d'aéroports devaient se faire de façon équitable, ce qui veut dire que tous les aéroports devaient être traités également. La première question que nous avons posée est la suivante: «Avez-vous effectué une analyse qui démontre que cette exigence a été satisfaite?» La réponse était non. Nous avons ensuite posé la question suivante: «Quels étaient les projets d'immobilisations qui devaient être financés?» On nous a remis un communiqué qui faisait état des trois projets d'immobilisations qui avaient été financés. Or, quand nous avons examiné le bail original, nous avons constaté qu'on avait déjà émis un communiqué dans lequel on précisait que ces trois projets figuraient déjà dans le coût d'origine. Nous avons alors demandé: «Existe-t-il d'autres exigences juridiques? Cela n'a aucun sens.» On nous a répondu qu'il n'y avait que les deux communiqués. Comme je l'ai mentionné, la réponse est non.
Le sénateur Meighen: Je trouve cela plutôt étrange.
Le sénateur Forrestall: Pour revenir à la dernière question du sénateur Meighen, je veux savoir, d'abord, si on a accordé une réduction aux autres aéroports pour financer des projets d'immobilisations.
M. Minto: Aucune réduction de cette ampleur n'a été accordée aussi rapidement après la négociation d'un bail. Il fallait faire en sorte que les aéroports du réseau soient tous traités de façon équitable.
Le sénateur Forrestall: Ces 175 millions de dollars, même s'ils n'ont pas été dépensés au cours de la même année, le seront sans doute sur une période de cinq ans. Ils perçoivent maintenant des droits au départ de 12 $ — et je ne parle pas de sécurité — et des droits de correspondance de 7 $ pour les projets d'immobilisations. Est-ce bien cela?
M. Minto: Oui.
Le sénateur Forrestall: L'aéroport de Toronto a fait l'objet d'une cession en 1997. Cela remonte à cinq ou six ans. Savons-nous à combien s'élèvent les recettes perçues? Je voudrais savoir si Pearson a bénéficié d'un traitement de faveur. J'aimerais bien savoir combien d'argent nous versons, tous les ans, aux présidents de ces conseils, aux administrateurs. Je me demande si cela correspond au salaire que nous versons à un administrateur de Marine Atlantique. Ces questions me préoccupent beaucoup, et elles préoccupent la plupart des Canadiens que je rencontre. Vous a-t-on fourni un chiffre approximatif?
Mme Fraser: Je tiens d'abord à dire, sénateur, que ces ententes ne font pas l'objet d'une vérification. Nous n'avons pas beaucoup de renseignements sur les administrations aéroportuaires et leurs activités. Pour ce qui est des salaires et autres questions du genre, si ces données ne figurent pas dans les états financiers ou dans un rapport annuel, que vous pouvez consulter sur notre site Web, nous n'avons alors aucun moyen de les obtenir, et les Canadiens, pour la plupart, non plus.
Le sénateur Forrestall: C'est un club très secret, n'est-ce pas?
Mme Fraser: Nous avons cherché à savoir, dans notre vérification, si Transports Canada assurait la surveillance des administrations, et si certains principes étaient respectés. On s'attendrait à ce qu'il y a ait des règles qui régissent la passation de marchés et à ce que ceux-ci fassent l'objet d'appels d'offres. Or, il n'y en avait pas. L'utilisation et la gestion des frais, la création de filiales prospères, ainsi de suite, étaient toutes des questions qui, à notre avis, devaient être examinées en collaboration avec les administrations qui, à bien des égards, opéraient de façon indépendante du gouvernement.
Le sénateur Forestall: Dans son rapport de 1998, votre prédécesseur a fait valoir que l'administration aéroportuaire du Grand Toronto n'avait pas divulgué la valeur des marchés à fournisseur unique dépassant 75 000 $, et qu'aucun marché à fournisseur unique n'avait été indiqué pour les revenus provenant de concessions, par exemple. La cession des aéroports se fait de façon cachée, et permet la perception de revenus sous forme de taxes. Il n'y a pas d'alternative. Est- ce que ce problème a été corrigé? Avez-vous accès aux données sur les marchés à fournisseur unique?
Mme Fraser: Non, nous n'avons pas le pouvoir ou le mandat de nous pencher là-dessus. Les administrations aéroportuaires font toutes l'objet en fait d'une vérification financière indépendante. Elles doivent faire l'objet d'un examen quinquennal, et c'est Transports Canada qui en est responsable. Toutefois, s'il n'existe aucune disposition dans les ententes et les contrats qui traite de ces questions fondamentales, on peut se demander si celui-ci a lieu.
Le sénateur Forestall: Est-ce que l'AAGT a un rôle à jouer à ce chapitre? Elle reçoit vraisemblablement des fonds et les distribue. Exerce-t-elle un contrôle sur l'utilisation qui est faite de cet argent?
Mme Fraser: Transports Canada a un rôle à jouer sur ce plan, parce qu'il demeure le propriétaire de l'aéroport. Il a conclu un contrat de location de 60 ans avec l'administration aéroportuaire. Il existe des dispositions dans ces contrats. Transports Canada doit les administrer de près. Or, nous avons indiqué à l'époque que la gestion des contrats de location laissait à désirer, que Transports Canada agissait toujours comme un ministère opérationnel. Il doit faire encore plus pour veiller à ce que les modalités des contrats de location soient respectées, et pour obtenir des renseignements sur les filiales et la passation de marchés. Nous n'avons pas encore évalué les progrès qui ont été réalisés à ce chapitre.
Le sénateur Forestall: Avez-vous le mandat de le faire?
Mme Fraser: Nous pouvons examiner ce que fait Transports Canada, mais nous ne pouvons pas examiner ce que font les administrations aéroportuaires.
Le sénateur Forestall: Vous n'avez pas le mandat de nous dire combien touche le président du conseil d'administration?
Mme Fraser: Malheureusement, nous n'avons pas accès à ces renseignements.
Le sénateur Forestall: Qui a le droit de poser cette question, à votre avis?
Mme Fraser: J'ose croire que ces renseignements seraient divulgués dans leurs états financiers. Sinon, je suppose qu'il faudrait poser la question à Transports Canada, qui compte divers représentants au sein des conseils d'administration.
Le sénateur Forestall: Est-ce que ces renseignements figurent dans tous les états financiers, pas seulement ceux de Pearson, mais dans ceux des aéroports qui ont fait l'objet d'une cession?
Mme Fraser: Je ne le sais pas.
Le sénateur Forestall: C'est un club très privé, très sélect, si je peux m'exprimer ainsi...
Mme Fraser: Je n'irais pas jusqu'à dire cela.
Le sénateur Forestall: Je ne prétends pas que c'est ce que vous avez dit. Je songe tout simplement aux milliers de Canadiens qui paient 110 $ pour faire l'aller-retour entre Halifax et Toronto, montant qui atteindra rapidement 300 $ si on calcule ces taxes supplémentaires de 10 et 12 $.
Est-ce qu'elles s'en tirent bien? Elles ont eu cinq ou six ans pour s'adapter. Est-ce qu'elles font preuve de sens social? Après tout, il est question ici de projets d'intérêt public, de deniers publics. Vous êtes les seuls à pouvoir nous fournir ce service professionnel et de voir ce qui se passe.
Mme Fraser: À ma connaissance, nous n'avons pas examiné, récemment, les états financiers des administrations aéroportuaires.
M. Minto: Quand nous avons effectué notre vérification en 2000, nous avons indiqué à Transports Canada que, même s'il ne gérait plus les aéroports, il en demeurait le propriétaire et que les contrats de location étaient assortis d'obligations. Le ministère a lui aussi des obligations à remplir pour ce qui est de la sécurité et de la viabilité du réseau. Il y a des choses qu'il devrait savoir.
Le problème, c'est que, à l'époque, le ministère des Transports n'avait pas songé à cela. Il était tellement occupé à se départir des aéroports qu'il ne s'était pas préparé à faire face à l'étape suivante.
Le ministère a dit au Comité des comptes publics qu'il essayait d'accroître ces efforts de surveillance. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Nous le saurons quand nous effectuerons notre vérification de suivi.
Le sénateur Forestall: Vous ne savez pas ce que cela veut dire, mais nous pouvons l'imaginer.
M. Minto: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je ne le sais pas parce que nous n'avons pas effectué de suivi.
Le sénateur Forestall: Vous faites de l'excellent travail. Continuez. Merci.
Le sénateur Atkins: Pour autant que votre Bureau ait pu le constater, les efforts visant à rendre la gestion des administrations aéroportuaires plus transparente, comptable et uniforme dans tout le réseau national d'aéroports ont- ils donné des résultats encourageants?
Mme Fraser: Je reviens aux réponses que nous avons déjà données. Nous n'avons pas effectué de suivi pour voir si des progrès avaient été réalisés. C'est quelque chose qui nous intéresse. Les nouveaux accords de gestion présentent parfois des lacunes au niveau de la reddition de comptes, de la divulgation de renseignement, et c'est un point qui nous préoccupe. Je pense qu'il serait intéressant d'effectuer un suivi sur les aéroports. Malheureusement, nous n'avons encore rien fait à ce chapitre.
Le sénateur Atkins: Pourquoi Transports Canada veut-il céder les aéroports? On a posé une question au sujet de l'entente que le ministère a conclue avec l'administration aéroportuaire du Grand Toronto, avec Fredericton, pour que les cessions aillent de l'avant. Je pense que les petits aéroports seraient maintenant plus vulnérables à de telles cessions, à cause des facteurs coûts et utilisation. Vous n'avez aucune idée, pour l'instant, de l'impact que cela peut avoir sur les petits aéroports?
Mme Fraser: Non, bien qu'au moment de notre vérification, nous ayons fait remarquer que bon nombre des prévisions financières étaient optimistes. Ils continuaient de prévoir une hausse de l'achalandage, et nous leur avons demandé s'ils avaient effectué une analyse de la pire éventualité. Qu'arriverait-il s'il y avait une baisse de l'achalandage? Aucune analyse n'avait été faite. C'est une question sur laquelle ils devraient se pencher, car de nombreux aéroports ont contracté des dettes énormes pour pouvoir financer leurs travaux d'améliorations. Est-ce que les aéroports vont pouvoir maintenir leur viabilité financière s'il y a une baisse importante de l'achalandage?
Les aéroports, même au moment de la vérification, ne versaient toujours pas de loyer, ce qui veut dire que c'est le gouvernement qui payait.
Le sénateur Atkins: C'était le cas à Charlottetown.
Mme Fraser: Seul un petit groupe d'aéroports versaient un loyer. La plupart n'en versaient pas. Nous avons un tableau qui montre la situation qui existait à l'époque.
Le sénateur Atkins: Donc, à votre avis, bon nombre de ces aéroports ne sont pas rentables?
Mme Fraser: Ils ne l'étaient pas à l'époque. Le sont-ils maintenant?
Le sénateur Atkins: Il y a eu, bien entendu, les événements du 11 septembre.
Mme Fraser: C'est exact. Toutefois, cette vérification portait sur la période allant jusqu'en 1999.
Le sénateur Atkins: On pensait que le secteur privé allait trouver des moyens plus efficaces de générer des revenus, n'est-ce pas?
Mme Fraser: On avait réalisé des études sur quatre aéroports, si je ne m'abuse. On était parti du principe qu'il serait avantageux pour le gouvernement de céder les aéroports. Cela s'est avéré juste dans un cas, mais pas dans les trois autres.
M. Minto: C'est vrai. Les études étaient peu concluantes, et le ministère n'a pas voulu s'y fier. Il a décidé d'en mener d'autres.
Les frais d'améliorations aéroportuaires, qui n'étaient pas perçus dans le passé, ont eu pour effet d'entraîner une hausse des recettes. Il s'agit presque d'une taxe spécialement affectée, si je peux m'exprimer ainsi. L'argent sert à financer les travaux entrepris dans un aéroport particulier. Dans le passé, l'argent était versé dans le fonds du revenu consolidé et redistribué sous forme de crédits pour les améliorations. On ne peut pas comparer la qualité du service parce que les fonctionnaires ne pouvaient pas gérer les aéroports comme une entreprise. Il est maintenant possible de le faire.
Au moment de la vérification, il y avait de nombreux aéroports qui ne versaient aucun loyer. En fait, il y avait trois aéroports qui généraient 95 p. 100 des recettes.
Le sénateur Atkins: Je pense savoir quels sont ces aéroports.
M. Minto: Les autres ne représentent que 5 p. 100 des recettes.
Le sénateur Atkins: Transports Canada fixe les règlements qui s'appliquent aux divers aéroports. Souvent, cela veut dire que les autorités locales doivent payer davantage pour mettre ces règlements en application. Qui assume ces frais?
Mme Fraser: Il existe des règlements pour ce qui est de la sécurité, mais c'est le contrat de location qui constitue le document principal. Comme dans n'importe quel cas, le locataire est tenu de respecter certaines normes. Je ne peux pas vous dire si cela entraîne des dépenses additionnelles.
Le sénateur Atkins: Personne ne s'attendait à ce que les événements du 11 septembre se produisent. Cela a eu pour effet d'accroître de façon considérable les dépenses des administrations aéroportuaires locales.
Mme Fraser: Elles ont, à tout le moins, connu une baisse de l'achalandage.
M. Kasurak: C'est l'ACSTA qui sert d'intermédiaire. Entre-temps, des fonds ont été versés aux transporteurs aériens et aux administrations aéroportuaires locales pour qu'ils resserrent et améliorent la sécurité, mais ces travaux ont été financés dans le cadre du programme du gouvernement fédéral sur la sécurité publique et la lutte antiterroriste. Les administrations aéroportuaires n'ont pas à eu à financer ces travaux. C'est le gouvernement fédéral qui a payé.
On part du principe que l'ACSTA va recevoir presque tous les fonds consacrés à la sécurité et qu'elle va ensuite faire le travail elle-même, c'est-à-dire en faisant appel aux administrations aéroportuaires et en les payant pour les services qu'elles fournissent, ou avoir recours à des agences comme la GRC. Si les administrations aéroportuaires locales sont appelées à faire plus en matière de sécurité, des fonds additionnels seront versés par le biais de l'ACSTA pour financer les services qu'elles vont fournir.
Le sénateur Atkins: Donc, les frais d'améliorations aéroportuaires de 12 $, qui sont acheminés par le biais de l'ACSTA...
Mme Fraser: Non, la taxe de 12 $ s'applique au prix du billet. Les frais d'améliorations aéroportuaires sont payés avant qu'on ne monte à bord de l'avion. Ces frais sont versés à l'administration aéroportuaire, tandis que la taxe est versée au gouvernement.
Le sénateur Atkins: Il y a quelqu'un qui assume ces coûts. Est-ce l'ACSTA?
M. Kasurak: Les dépenses en matière de sécurité seraient financées par le biais de l'ACSTA, et ce serait à l'Agence de décider si elle veut que les services soient fournis par la GRC, l'administration aéroportuaire locale ou une agence de sécurité.
Le sénateur Atkins: Vous avez dit que vous alliez procéder à la vérification de quatre aéroports. Savez-vous lesquels, ou préférez-vous ne pas les mentionner?
Mme Fraser: Je préfère ne pas les mentionner pour l'instant.
Le sénateur Smith: Je m'acharne peut-être inutilement sur la question, quoique je n'en sois pas entièrement convaincu. Je vais essayer de résumer ce qui a été dit jusqu'à maintenant, et ensuite vous posez quelques questions.
Le gouvernement, quand il a annoncé l'imposition de cette taxe supplémentaire, avait, j'en suis sûr, de bonnes intentions. Je suppose qu'à l'origine, on pensait que les recettes perçues correspondraient plus ou moins aux dépenses engagées. Toutefois, quand je jette un coup d'oeil sur certaines des données qui nous ont été fournies, je constate que Toronto accueille environ le tiers des passagers. Cette année, il accueillera environ 30 millions de passagers. Or, 30 fois 12 donne 360 millions. Si cela correspond à un tiers, nous devons déjà avoir franchi la barre de un milliard. Si on compte accueillir autant de passagers tous les ans, il faudra faire beaucoup pour améliorer les mesures de sécurité.
Est-ce que la vérification que vous avez entreprise nous permettra, à un moment donné, de savoir plus ou moins combien de recettes cette taxe a généré, et aussi de savoir ce qu'on entend par les coûts supplémentaires qui sont liés à la sécurité? Nous saurons, ensuite, dans quelle mesure les recettes dépassent les dépenses. Pouvez-vous nous dire quand vous serez en mesure de faire une telle constatation?
Mme Fraser: Nous sommes en train de vérifier les recettes et les dépenses pour la période se terminant le 30 juin 2002. Par conséquent, les données ne couvriraient que trois mois, soit avril, mai et juin. Les dépenses pourraient couvrir la période allant de septembre à juin, qui est une période plus longue.
Je m'attends à ce que l'état financier pour cette période puisse être rendu public d'ici deux ou trois semaines. De son côté, le ministère des Finances effectue des études et des analyses pour prévoir les recettes et les dépenses à venir, parce que la période de trois mois ne sera peut-être pas représentative d'une année complète. Il ne serait pas raisonnable, à mon avis, de rajuster un droit seulement en fonction de ce premier état financier. Le ministère va faire d'autres études. De plus, les états financiers de l'ACSTA, que nous aurons le 31 mars prochain, nous fourniront un résumé plus complet des coûts. Si le ministère des Finances les présente chaque année, nous les aurons sur une base permanente.
Le sénateur Smith: Le ministère des Finances a-t-il manifesté l'intention de rajuster le droit pour faire en sorte que les recettes équivalent à peu près aux dépenses, et que ce droit ne serve pas à amasser de l'argent?
Mme Fraser: Je crois comprendre que le ministre a déclaré publiquement que ce droit sera rajusté pour couvrir les coûts, et rien de plus.
Il faut aussi se rendre compte que, quand on a fixé le montant du droit au départ, il était probablement difficile d'obtenir des chiffres précis à partir de prévisions sur le nombre de voyageurs et les coûts. Le ministère n'avait pas de meilleures données que celles-là. Il a indiqué qu'il rajusterait le montant plus tard.
Le sénateur Smith: Ces précisions sont satisfaisantes pour moi. Merci.
Le président: Dans vos discussions avec l'ACSTA sur l'organisation de son système d'information comptable, envisagez-vous de lui demander de ventiler ses dépenses par aéroport?
Mme Fraser: Nous discutons davantage de postes de dépenses. Je pense qu'elle aurait des réserves à ventiler les dépenses par aéroport, mais c'est une simple supposition de ma part pour l'instant.
Le président: Pour ce qui est des postes de dépenses, pouvez-vous nous donner une idée de ce que les rubriques comprendront?
Mme Fraser: Nos discussions ont à peine commencé parce que les états financiers seront présentés seulement en mars prochain. Je sais que la sécurité est une préoccupation. À ce sujet, évidemment, nous aimerions qu'on fournisse le plus d'informations possible. Nous allons travailler avec le ministère. Si le comité a des opinions à formuler là-dessus, nous aimerions qu'il nous en fasse part. À ce stade-ci, les discussions sont peu avancées.
Le président: Nous avons certes entendu les préoccupations des représentants de l'aéroport Pearson au sujet de la sécurité. Nous trouvons, cependant, qu'elles sont rarement liées à la sécurité, mais davantage à quelque chose qui n'existe pas du tout. Après avoir entendu d'autres témoignages, nous nous sommes rendu compte que des raisons de sécurité sont alléguées pour empêcher la communication juste et raisonnable des informations. Nous aimerions vraiment que les dépenses soient ventilées par aéroport et par poste. D'après nous, ceux qui soutiennent que c'est une question de sécurité devraient être tenus de prouver que c'est effectivement le cas, et qu'ils n'invoquent pas cette excuse pour dissimuler des informations sur la qualité de l'administration. Si on peut en faire la preuve, d'accord. Sinon, il faudrait qu'il y ait assez de transparence pour qu'on sache si l'argent sert à installer des clôtures ou des appareils de détection à rayons X ou à faire exécuter des fouilles par des agents, et dans quelle région du pays les dépenses sont faites.
Est-il vrai que les baux sont, pour le gouvernement fédéral, le seul moyen de contrôler la façon dont les administrations gèrent les aéroports?
Mme Fraser: Je crois aussi qu'il y a des représentants du gouvernement qui siègent aux conseils d'administration des administrations aéroportuaires. Cependant, ils sont en minorité, seulement deux ou trois. Le bail est le principal outil.
Le président: Nous avons la liste des membres qui siègent au conseil d'administration de certaines administrations aéroportuaires. Nous pouvons vérifier quelle est la représentativité des municipalités et des différents ordres de gouvernement au sein des conseils. Avez-vous examiné des baux?
Mme Fraser: Oui, nous l'avons fait pour la vérification.
Le président: Est-ce qu'il est question de la régie dans les baux?
Mme Fraser: Je demanderais à M. Minto de répondre à cette question.
M. Minto: Oui. Les baux définissent les grands principes à respecter par le conseil d'administration.
Le président: Donnent-ils des détails sur les conflits d'intérêts, par exemple? Les administrations doivent-elles respecter certaines normes ou certains critères en ce qui a trait aux conflits d'intérêts?
M. Minto: Les baux sont tous différents et adaptés aux besoins de chaque administration. D'après l'énoncé de principes général, il ne doit y avoir aucun conflit d'intérêts. Cependant, je ne sais pas comment cet énoncé de principes a été précisé dans le document détaillé. Chaque contrat de location est volumineux et comprend toute une série de documents.
Le président: Vous dites que le bail de chaque aéroport est unique, mais que chaque bail énonce une série de normes communes qui s'appliquent à tous les aéroports?
M. Minto: Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il y a une série de normes communes. Je sais qu'avant la signature des baux, des principes avaient été énoncés pour indiquer qu'il fallait traiter de la gestion et d'autres aspects. Je ne peux cependant pas vous dire comment cela a été expliqué dans chacun des baux.
Le président: Nous avons entendu des témoignages sur l'attribution à un fournisseur unique de contrats de plus de 75 000 $ à l'aéroport Pearson. Qu'est-ce qui est prévu dans le bail à ce sujet? Est-ce que l'énoncé de principes traite de questions comme l'attribution de contrats à un fournisseur unique?
Mme Fraser: Pour vous répondre, monsieur le président, je vais vous lire le paragraphe 10.127 de notre rapport d'octobre 2000, qui traite du recours à des marchés à fournisseur unique par les aéroports.
Le paragraphe 10.127 dit:
Les administrations aéroportuaires locales établies avant 1994 (les AAL) n'étaient pas tenues, aux termes de leur bail original, de faire un appel d'offres pour tout marché qu'elles attribuent — c.-à-d. de l'adjuger au terme d'un processus concurrentiel pour recevoir la valeur optimale — et de respecter cette valeur du secteur public qu'est l'égalité d'accès pour tous les fournisseurs. Par contraste, les administrations aéroportuaires canadiennes, créées depuis l'établissement de la Politique nationale des aéroports de 1994, sont tenues de respecter les principes de responsabilité envers le public, selon lesquels elles doivent normalement faire un appel d'offres pour tous les marchés de plus de 75 000 $ visant des biens et des services. Si une AAC décide d'attribuer un marché à un fournisseur unique, son rapport annuel doit divulguer de l'information sur l'entrepreneur et les sommes en jeu et justifier la décision d'octroyer le marché sans concurrence. À l'heure actuelle, cette obligation n'existe pas pour la plupart des AAL.
Ce sont les administrations établies avant 1994.
Le paragraphe 10.128 dit:
Transports Canada a examiné le rapport annuel, pour 1998, de la Greater Toronto Airports Authority [...] Le rapport énumérait un grand nombre de marchés à fournisseur unique de plus de 1 million de dollars. De l'avis du ministère, les renseignements contenus dans le rapport n'étaient pas conformes aux principes de responsabilité envers le public [...] De plus, aucun marché à fournisseur unique n'était indiqué pour les revenus provenant de concessions. Le bail actuel ne renferme aucune clause qui pénaliserait l'administration dans les cas de non- conformité à l'exigence de divulgation. Le ministère a informé la GTAA de ses préoccupations et collabore avec l'administration pour régler la question.
Le président: Si je vous ai bien compris, la Greater Toronto Airports Authority attribue des marchés à fournisseur unique de plus de 1 million de dollars?
Mme Fraser: C'est exact.
Le président: Elle n'indique pas à qui les contrats sont attribués, pourquoi, ou si l'argent est bien dépensé.
Mme Fraser: C'était le cas pour le rapport de 1998, oui.
Le président: À ce sujet, Transports Canada vous a seulement répondu qu'il discutait de la question avec la GTAA?
M. Minto: Il est clair que cette question inquiétait Transports Canada. Le ministère a indiqué bien franchement que cela ne respectait pas les principes convenus avec la GTAA. Cependant, le bail signé ne renfermait aucune clause permettant d'imposer des pénalités, et on ne pouvait pas rendre les principes exécutoires.
Le président: On semble avoir pu lui remettre 185 millions de dollars, ce qui n'était pas prévu dans le bail. Pourquoi n'est-il pas possible de revenir là-dessus pour régler cette question d'attribution de marchés à un fournisseur unique, y a-t-il une raison?
M. Minto: L'argent a peut-être été versé au moment où tous les autres changements ont été apportés, mais je ne le sais pas. Quand nous avons effectué notre vérification, il n'y avait rien dans le bail qui pouvait obliger la GTAA à fournir ces informations.
Le président: De quelle durée est ce contrat?
Mme Fraser: Soixante ans.
Le président: Soixante ans, sans possibilité de révision?
M. Minto: C'est un peu exagéré, parce que le gouvernement fédéral, avec l'appui du Parlement, peut faire bien des choses. Messieurs, vous avez vous aussi votre mot à dire, et c'est toujours possible.
Mme Fraser: J'ajouterais que notre rapport souligne que le ministère a le droit de vérifier les administrations aéroportuaires.
Le président: Madame Fraser, je pensais que vous aviez dit que le ministère ne peut prendre aucune mesure disciplinaire contre elles, s'il n'approuve pas ce qu'elles font.
Mme Fraser: Si on estimait que c'est assez grave, on pourrait aller vérifier ce qui se passe maintenant.
Le président: Est-ce qu'on l'a fait?
Mme Fraser: Non. Au moment de notre rapport, on ne l'avait pas fait.
Le président: Croyez-vous que les choses ont changé?
Mme Fraser: Je ne le sais pas.
Le président: Comment pouvons-nous exercer un contrôle sur les frais d'améliorations dont il est question? Je ne parle pas des droits liés à la sécurité des passagers, mais des frais d'améliorations que les aéroports facturent aux consommateurs. Il me semble qu'il y a un monopole ici. Quel moyen avons-nous de savoir si, oui ou non, un aéroport facture des frais d'améliorations qui sont raisonnables?
M. Minto: Nous avons indiqué dans notre chapitre que Transports Canada n'avait pas pris position sur le recours de plus en plus fréquent aux frais d'aéroport. À l'époque, 22 p. 100 des recettes des aéroports provenaient de ces frais. À notre avis, le ministère a pris du temps à recueillir des données là-dessus et à évaluer si l'augmentation des frais d'améliorations aéroportuaires était raisonnable. Le manque d'informations détaillées sur les FAA — les frais d'améliorations aéroportuaires — était vraiment déconcertant.
Dans son examen quinquennal, le ministère a constaté qu'il existait peu de renseignements sur la façon dont les administrations aéroportuaires utilisent les revenus provenant des frais d'améliorations aéroportuaires. Il a aussi remarqué que certaines administrations aéroportuaires n'ont pas encore mené d'étude sur l'établissement des coûts afin de déterminer si leurs tarifs et leurs taux ont un caractère raisonnable et se conforment aux dispositions de leurs baux se rapportant aux obligations prévues dans les accords nationaux et internationaux.
Le président: Monsieur Minto, cela nous ramène à ce à quoi je voulais en venir. Est-ce que vous ou quelqu'un d'autre savez si les frais d'améliorations aéroportuaires servent à améliorer et à accroître la sécurité?
M. Minto: Je ne pense pas que nous puissions répondre à cette question. Nous ne sommes pas les vérificateurs des administrations aéroportuaires. Il est possible que Transports Canada, à la suite des événements du 11 septembre, ait demandé qu'on lui fournisse cette information. Nous ne le savons pas.
Le sénateur Banks: Au sujet du droit pour la sécurité des passagers, la plupart d'entre nous se demandent s'il n'est pas trop élevé. Cependant, il pourrait ne pas l'être assez, selon la durée de la période envisagée. À quel moment commence-t-on à calculer les dépenses? C'est-à-dire qu'il est possible que plusieurs millions de dollars, et peut-être même des dizaines de millions de dollars, aient été dépensés par le gouvernement avant qu'il ne commence à imposer ce droit. Votre vérification porte sur une très courte période. À quel moment serez-vous en mesure de répondre à la question du sénateur Smith au sujet d'un rajustement? Ce ne sera sûrement pas au cours des trois premiers mois, parce que je sais que le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent avant de commencer à percevoir ce droit. À quel moment pouvons-nous demander qu'il y ait un rajustement?
Mme Fraser: C'est une excellente question. On parle essentiellement des recettes pour trois mois, parce que le droit a été imposé seulement à partir du 1er avril, et que notre vérification se termine à la fin de juin. Par ailleurs, nous vérifions les dépenses à partir du 11 septembre 2001. Nous allons recueillir toutes les dépenses jusqu'au 30 juin. Il est fort probable qu'il n'y ait pas de correspondance exacte parce que la période est très courte. J'espère que les études faites par le ministère des Finances vont nous apporter quelques réponses. Ces études devraient indiquer les dépenses, nouvelles ou actuelles, et les nouvelles dépenses en capital, par exemple, qui pourraient devoir être engagées pendant une certaine période, ainsi que des prévisions sur l'affluence des passagers. Leurs études pourraient nous donner des indications sur ce que serait un bon moment.
Le sénateur Banks: Vous convenez qu'il est possible qu'il y ait un déséquilibre du côté des dépenses dans la première vérification?
Mme Fraser: C'est possible.
Le sénateur Banks: Les dépenses en capital dont vous venez de parler et les autres coûts seront-ils inscrits pour l'année où ils ont été engagés, ou le ministère pourra-t-il en amortir une partie sur une plus longue période? Avez-vous les réponses à ces questions? Ou est-ce un problème auquel personne ne pourra répondre?
Le sénateur Fraser: Cette question est très pertinente. Nous nous la posons aussi parce qu'il y a deux façons de faire. On peut inscrire l'achat de l'équipement comme étant une seule dépense, et se servir des frais pour la payer. On pourrait aussi acheter l'équipement et l'amortir sur une certaine période. L'ACSTA n'a pas le pouvoir d'emprunter, si bien qu'elle est financée entièrement par des crédits budgétaires même si, dans le merveilleux monde de la comptabilité des sociétés d'État, l'équipement serait probablement financé puis amorti durant sa vie utile. Les politiques et les décisions comptables pour ce qui est de la présentation des chiffres peuvent varier.
Le sénateur Banks: Un contrat de vente conditionnelle est-il un emprunt? Je blague.
Mme Fraser: Tout à fait.
Le sénateur Banks: Sur un autre sujet, vous avez parlé des agents des visas. Au septième paragraphe de votre exposé d'aujourd'hui, vous avez dit avoir constaté que les agents des visas disposaient de peu d'information et d'appui pour vérifier la possibilité que les demandeurs de visas soient engagés dans des activités criminelles ou constituent une menace pour la sécurité des Canadiens. C'est une double négation. Si je rencontre un agent d'immigration, comment puis-je lui prouver que je ne suis pas susceptible de constituer une menace pour la sécurité des Canadiens? Comment puis-je le prouver, ou comment l'agent d'immigration peut me demander de le prouver?
Mme Fraser: Je vais demander à M. Minto de fournir plus de détails, mais on demande entre autres aux autorités policières et à d'autres de confirmer que cette personne n'a pas de casier judiciaire et n'a pas été engagée dans des activités criminelles. Cependant, au cours de la vérification, nous avons constaté que, dans à peu près 60 pays, les garanties ou les lettres de ce genre ne sont pas jugées valables, et qu'une très forte proportion de nos immigrants viennent de ces pays.
Le sénateur Banks: Ce sont des pays où appeler la police est la dernière chose à faire.
Mme Fraser: Oui. C'est un problème. Les agents des visas doivent avoir une bonne connaissance du pays, ou de la situation dans ce pays, et il faut leur fournir des informations. De plus, la communication et la coordination des informations, que ce soit avec le SCRS ou d'autres, étaient quelque peu déficientes.
Le sénateur Banks: Ces problèmes sont liés à l'accès à l'information à l'avance, et non à la décision à prendre sur place.
M. Minto: Vous avez tout à fait raison. Il y a des limites inhérentes dans ce domaine. Comment pouvez-vous prévoir qu'une personne va commettre un acte criminel au Canada?
Le sénateur Banks: Selon votre rapport, si je suis un immigrant, on devrait me demander que je fasse la démonstration que je ne serai pas un fauteur de troubles. Comment fait-on cela?
M. Minto: Pendant la vérification, les gens à qui nous avons parlé disaient qu'étant donné cette limite inhérente, vous avez besoin de bons outils, d'une bonne formation, d'une bonne coordination entre les organismes gouvernementaux qui interviennent dans ce domaine et d'une méthode pour évaluer le tout. Dans chacun de ces secteurs, nous avons décelé des problèmes importants.
Par exemple, le protocole d'entente qui définit les rapports entre l'Immigration et la GRC, un joueur clé, est en révision depuis 1986. C'était en octobre 2000 et les fonctionnaires travaillaient sur cette question avec le SCRS depuis 1987. Dans un autre chapitre, nous avons souligné combien les choses traînaient en longueur à l'ADRC. Les gens en place n'ont pas été capables de démêler tout cela. L'agent d'immigration qui doit prendre une décision immédiate doit se fier à l'information qui se trouve dans son ordinateur, et qui vient de la GRC ou d'ailleurs. Nous énumérons toutes les lacunes dans un chapitre. Ces ordinateurs ne communiquent pas entre eux et c'est là un gros problème.
Autre gros problème, c'est qu'un grand nombre de personnes font une demande depuis un point à l'étranger. Par exemple, quelqu'un qui vient de Beijing et qui fait une demande depuis Buffalo. Vous pouvez avoir à Beijing quelqu'un qui connaît les conditions locales et qui peut faire des vérifications. Par contre, lorsque la personne de Beijing fait sa demande à Buffalo, vous ne pouvez pas vous attendre que la personne à Buffalo sache quelle est la situation dans tous les pays du monde. Ce sont là quelques-uns des problèmes auxquels il faut faire face.
Le sénateur Banks: Vous parlez de quelqu'un qui arrive ici par un autre moyen et qui sort du pays dans le but précis de faire une demande pour obtenir le statut d'immigrant reçu. Cette personne ne peut être considérée comme un réfugié. Nous avons résolu ce problème.
M. Minto: Nous n'examinions que le volet économique du programme canadien d'immigration. Ces personnes avaient de l'argent.
Le sénateur Meighen: M. Minto a parlé de l'importance de la formation. Dans votre présentation aujourd'hui, vous avez signalé que la plupart des réponses données à vos recommandations étaient satisfaisantes. Par contre, un domaine où la réponse que vous avez reçue ne l'était pas, c'est celui de la formation. Pouvez-vous élaborer davantage sur ce point et me dire spécifiquement si ADRC ou Citoyenneté et Immigration Canada ont donné une raison pour expliquer pourquoi ils n'ont pu faire mieux?
M. Minto: Pour l'instant, ce sont leurs prétentions. Nos gens sont actuellement sur place pour tenter de valider ces prétentions. Lorsqu'ils reviendront avec les données, nous aurons une meilleure idée.
Pour ce qui est d'ADRC, que ce soit pour les voyageurs ou les entreprises commerciales, vous devez avoir une bonne formation. Laissez-moi vous donner un exemple du côté commercial. Pendant 100 ans, ADRC a travaillé au cas par cas, une transaction à la fois. Un camion s'amène, vous ouvrez, vérifiez son contenu, percevez la taxe et le camion repart. Nous avons maintenant abandonné cette façon de faire pour adopter l'approche de l'inspection, ce qui signifie que vous savez qu'un camion s'en vient, vous le laissez donc passer, vous dédouanez le chargement et ensuite, vous faites une inspection post-dédouanement. Il s'agit d'un système très différent de celui auquel vous étiez habitué. Il vous faut des personnes formées pour appliquer ce nouveau système. Où est la formation pour cela? C'est une bonne idée. Vous faites de la gestion du risque et nous en sommes très heureux, mais il reste qu'il faut montrer aux gens la nouvelle façon de faire.
Les méthodes de travail n'ont pas été adaptées aux nouveaux outils. C'est la même chose pour l'immigration. Tout à coup, des problèmes surgissent de toutes parts avec la nouvelle technologie. Mais où sont les gens qui reçoivent une formation? À cause de l'avalanche de personnes qui viennent au pays, on embauche du personnel temporaire dans les portes d'entrée à l'étranger et, à la frontière, on embauche des étudiants. La formation devient un élément important de ce travail. Les réponses que nous avons obtenues n'étaient pas satisfaisantes.
Le sénateur Meighen: La réponse que vous avez reçue, c'est: «Oui, nous sommes conscients de l'importance de la formation, mais nous sommes désolés de n'avoir pu progresser davantage.» Vous a-t-on dit pourquoi? Vous a-t-on dit que c'était à cause d'un manque d'argent ou de la difficulté à recruter du personnel compétent? Vous a-t-on donné une raison?
M. Minto: Les raisons données à l'origine s'appliquent toujours. Par exemple, les douanes fonctionnent 24 heures par jour, sept jours par semaine. Si vous envoyez des gens en formation, cela se répercute sur vos activités parce que les ressources sont limitées. Tout le monde dit que la formation est importante et qu'ils travaillent sur cette question. Cependant, travailler sur cette question et obtenir des résultats, ce sont deux choses différentes. Nous vous tiendrons au courant lorsque nous aurons terminé notre vérification.
Le sénateur Meighen: J'attends des nouvelles avec impatience.
Le sénateur Wiebe: Les deux derniers rapports d'avril 2000 portaient sur la formation. À la page 3 de votre mémoire, vous dites: «Nous faisons le suivi de toutes nos recommandations un an plus tard en demandant aux ministères et aux organismes de nous dire ce qu'ils ont accompli.» Dans le cas de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et de Citoyenneté et Immigration Canada, est-ce que cela signifie que vous avez fait le suivi une fois en 2001, et une autre fois en 2002, et que vous avez reçu la même réponse les deux années, ou avez-vous fait le suivi une seule fois?
M. Minto: Dans le premier cas, nous demandons à l'organisme qu'il réponde par écrit à la question: «Où en êtes- vous dans la mise en oeuvre des recommandations?» Nous recevons les réponses sans faire de validation. Nous en sommes maintenant à l'étape du processus où nous retournons sur place pour faire le travail de validation. Nous voulons un rapport d'activité au cours de la première année. L'organisme doit également faire rapport à la Chambre des progrès réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations. Cela fait partie du processus. À ce moment-là, nous n'aurions pas fait de validation; nous la faisons maintenant.
Le sénateur Wiebe: Si vous n'obtenez pas encore de réponses satisfaisantes, avez-vous un autre moyen de mettre du mordant dans votre demande?
Mme Fraser: Lorsque nous faisons les suivis, normalement, nous ne faisons pas rapport sur ces questions lorsque nous avons reçu de l'information sur les progrès réalisés par les ministères. C'est uniquement lorsque nous retournons faire notre propre validation, — et dans nombre de cas, il s'agit d'une nouvelle vérification — que nous faisons rapport au Parlement publiquement sur les progrès ou sur l'absence de progrès.
Le sénateur Forrestall: Parce qu'il est question de sécurité, l'argent joue un rôle très important. Il y a d'autres risques associés à l'indépendance dont jouissent les aéroports. Vous avez parlé, entre autres, de «risques liés à l'étranger». C'est une notion un peu vague pour moi, mais je pense que je peux comprendre ce que pourrait bien vouloir faire une administration aéroportuaire avec des filiales et des pays. On peut lire ce qui suit dans le paragraphe 123 de votre rapport:
Transports Canada ne sait pas si les administrations ont garanti les prêts consentis aux filiales par d'autres parties.
De telles garanties créeraient un passif éventuel pour les administrations aéroportuaires, lequel pourrait entraîner à son tour des coûts pour l'État. Le ministère a obtenu récemment des données financières restreintes et non vérifiées sur les filiales, qui laissent supposer que ces dernières ont généré, en 1997, des revenus totaux d'environ 16,3 millions de dollars, qu'elles possédaient un actif de 25,7 millions de dollars et qu'elles affichaient une perte nette de 53 000 $.
Ce n'est pas beaucoup — c'est très très bien.
Dans votre dernière phrase, vous dites qu'elles avaient également reçu à peu près 17 millions de dollars sous forme de prêts sans intérêt de la part des administrations aéroportuaires mères. Pouvez-vous élaborer davantage sur cette question?
Mme Fraser: Certaines administrations aéroportuaires ont créé des filiales qui faisaient du travail de consultation ou qui aidaient les pays en voie de développement à implanter des aéroports. Elles aidaient à implanter ces aéroports dans des pays étrangers — si vous voulez, elles vendaient leur expertise. Fondamentalement, il n'y a rien de mal à cela tant et aussi longtemps que cette activité est gérée de manière appropriée et qu'elle ne met pas en péril la situation de l'administration aéroportuaire.
Cependant, lorsque je vois des prêts de 17 millions de dollars, mes antennes se dressent. La question que nous soulevons ici, c'est que Transports Canada ne surveillait ces activités et que ce ministère ignorait ce qui se passait.
Le sénateur Forrestall: C'était il y a cinq années financières. Savez-vous si la situation a changé?
Mme Fraser: Je n'ai pas les chiffres actuels. Toutefois, je sais qu'il y avait une administration aéroportuaire qui éprouvait certaines difficultés avec une filiale qu'elle avait créée en Europe de l'Est. L'affaire a été reprise dans les journaux et les médias d'information. J'ignore quelles ont été les conséquences financières. Au moins une des administrations aéroportuaires a eu des problèmes.
Le président: Une administration aéroportuaire avait une filiale en Europe de l'Est?
Mme Fraser: Oui. C'était une filiale qui travaillait à l'implantation d'un aéroport en Hongrie.
Le sénateur Forrestall: C'est une pratique répandue de voir ces aéroports créer des filiales en propriété exclusive, de les sortir de l'aéroport et, ainsi, changer toute la donne. Ai-je raison?
M. Minto: Sénateur, au moment de notre vérification, un certain nombre d'administrations aéroportuaires l'avaient fait. Nous avions deux préoccupations. Par exemple, si vous êtes en train de bâtir un aéroport en Hongrie et que pour une raison quelconque — le gouvernement a nationalisé cet aéroport — vous faites des pertes énormes, vous devez alors récupérer cet argent soit par l'intermédiaire des frais d'améliorations aéroportuaires soit de l'argent des contribuables canadiens? Qui paie la note? Quels sont les effets de cette pratique sur la viabilité de notre propre administration aéroportuaire? C'est une de nos préoccupations. Transports Canada n'avait pas de réponse. Nous ne disons pas qu'il y avait un danger, parce que nous n'avons pas vu l'information. Nous avons frappé à la porte de Transports Canada pour savoir si le ministère avait examiné cette situation et ce n'était pas le cas.
L'autre question qui nous préoccupait, c'était: qu'arrive-t-il lorsque vous transférez les éléments rentables d'un aéroport à vos filiales qui, par la suite, ne font plus partie de votre équation pour le recouvrement des frais ou le paiement du loyer? Alors, le propriétaire perd de l'argent parce que quelqu'un d'autre en fait. Transports Canada ne savait pas grand-chose à cet égard et nous a assuré qu'il y verrait. Ce ministère était vraiment préoccupé lorsqu'il a appris ce qui se passait.
Je n'ai pas d'information détaillée sur les mesures prises par Transports Canada. Toutefois, je sais, d'après des discussions que nous avons eues et d'après la comparution de ce ministère devant le Comité des comptes publics, que ce ministère s'est dit très préoccupé de cette situation.
Le sénateur Wiebe: Allez-vous faire également le suivi de cette question?
M. Minto: Nous avons l'intention de faire le suivi de tout ce qui est inclus dans ce chapitre. Nous allons parler de nouveau à Transports Canada pour dire: «En tant que propriétaire et organisme chargé du maintien de l'intégrité de notre système aéroportuaire, qu'avez-vous fait à cet égard?»
Le président: Madame Fraser, au nom du comité, je voudrais vous remercier, vous et vos collègues, pour être comparus devant nous. Nous sommes toujours impatients d'entendre votre témoignage, et nous n'avons pas été déçus ce soir. Votre participation est très utile aux travaux de notre comité et nous vous en sommes reconnaissants. Au plaisir de vous revoir prochainement.
Mme Fraser: Merci beaucoup.
Le président: Nos prochains témoins nous viennent du Syndicat canadien de la fonction publique, SCFP, syndicat qui représente les agents de bord. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Richard Balnis et à Mme France Pelletier.
(Richard Balnis, assermenté)
(France Pelletier, assermentée)
M. Richard Balnis, attaché de recherche principal, Syndicat canadien de la fonction publique: Je travaille pour le Syndicat canadien de la fonction publique. Je fais de la recherche pour cet organisme depuis que la Division du transport aérien s'est jointe au SCFP en 1986. J'ai représenté notre Division du transport aérien devant le Parlement et divers organismes de réglementation de Transports Canada. Je l'ai fait à la demande de la direction élue de la Division du transport aérien.
Mme France Pelletier, Affaires législatives et réglementaires, Division du transport aérien, Syndicat canadien de la fonction publique: Je suis agente de bord depuis 1972. De plus, j'ai représenté les agents de bord devant des ministères tels Transports Canada, Développement des ressources humaines Canada et différents organismes de réglementation pour toutes sortes de questions qui touchent les agents de bord.
M. Balnis: C'est la première fois que France comparaît devant un comité sénatorial, elle est donc un peu nerveuse, mais je lui ai dit que les membres du comité seraient gentils avec elle.
Nous avons fait distribuer quelques-unes de nos observations. Je vais les résumer rapidement afin de laisser le plus de temps possible pour vos questions.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous ce soir. Pour ceux qui ne le savent pas, le Syndicat canadien de la fonction publique, ou SCFP, est le plus grand syndicat du Canada. Il représente 500 000 travailleurs. La Division du transport aérien s'est jointe au SCFP en 1986. Nous représentons environ 10 000 agents de bord répartis d'un bout à l'autre du Canada et qui sont au d'Air Canada, d'Air Transat, de Calm Air, de Cathay Pacific, à Vancouver, ou de First Air. Nous avons représenté nos membres à maintes reprises devant des organes parlementaires.
Certains sénateurs se rappellent peut-être qu'en 1995, nous vous avons montré une vidéo sur une initiative de Transports Canada visant à réduire le nombre d'agents de bord. Grâce à l'aide des sénateurs, nous avons réussi à faire avorter cette initiative. Nous comparaissons maintenant au sujet de la sûreté du transport aérien.
Nous vous avons remis notre plan de sécurité, qui porte en 54 points. Comme vous pouvez le voir à la page 4 de nos commentaires, ce plan vise à renforcer nos lignes de défense à terre et dans l'avion. Comme le montrent les six points, nous espérons renforcer les mesures mises en place pour prévenir l'accès non autorisé à la zone stérile, assurer un meilleur contrôle des personnes qui peuvent entrer dans cette zone ou dans l'appareil et de ce que peut transporter l'appareil, améliorer notre capacité de réagir aux situations dangereuses à bord et, chose plus importante encore, améliorer la formation.
Nous avons aussi remis au comité et à son personnel les rapports de deux groupes de travail établis par Transports Canada depuis novembre 2001, pour examiner différents moyens d'améliorer la sécurité. L'un des deux a déposé son rapport en mars 2002 et l'autre, en juin. Ces groupes de travail ont présenté des recommandations unanimes sur 47 points différents, mais bon nombre de celles qui touchent directement les agents de bord, comme l'amélioration de la formation et les relations avec les agents de sécurité aérienne armés présents dans les aéronefs, n'ont toujours pas été appliquées.
D'autres mesures d'amélioration de la sécurité, notamment pour gérer les attaques chimiques ou biologiques, ne seront pas mises en place avant de nombreux mois, voire de nombreuses années. Bon nombre de questions n'ont toujours pas été examinées comme le précise la recommandation 21 du rapport du groupe de travail, qui dresse une liste de questions qu'il reste à discuter.
Comme vous pouvez le voir à la page 7 de nos commentaires, nous posons la question suivante: «La sécurité est-elle meilleure un an plus tard?» Pour les questions de sécurité touchant les agents de bord, la réponse est non ou du moins, pas encore. Il y a six éléments sur lesquels nous aimerions vous mettre au jour. Le premier porte sur la formation des agents de bord. Les méthodes de formation des agents de bord sur la façon de gérer le nouveau type d'attentat-suicide des terroristes sont dépassées. Nos procédures et notre formation se fondent toujours sur des scénarios de détournement d'avion des années 70: essayer de négocier, offrir des boissons, et cetera.
La nécessité d'améliorer la formation fait l'objet de la recommandation 24 de l'un des groupes de travail. La proposition consiste à mettre à jour les comportements recommandés aux agents de bord pour gérer les problèmes de façon intégrée, qu'il s'agisse de passagers indisciplinés ou de terroristes suicidaires violents, mais Transports Canada n'a toujours pas établi les normes voulues. Nous demandons aussi, comme en témoigne cette recommandation, que de la formation de base sur les techniques d'autodéfense soit dispensée aux agents de bord.
Malheureusement, l'élaboration des nouvelles normes de formation a été reportée en raison d'une guerre intestine entre la Direction de l'aviation civile et la Direction de la sécurité de Transports Canada. Il semble qu'un groupe de travail interne ait été formé à Transports Canada, mais nous n'avons toujours pas été informés du moment où il terminera son travail préparatoire. Entre-temps, certains transporteurs aériens, qui méritent notre admiration et nos éloges, ont pris le risque de mettre en place leurs propres programmes de formation améliorés. Cependant, ils courent le risque d'avoir à reformer leurs agents de bord lorsque Transports Canada aura établi ses normes.
Le second élément consiste à améliorer l'identification des passagers suspects. Des techniques améliorées et de la formation rendront les travailleurs de l'industrie et du transport aérien plus conscient des situations suspectes et favoriseront les interventions à terre et non dans les airs, lorsqu'il est trop tard. C'est l'objet de la recommandation 15 du Groupe de travail sur la sûreté des aéroports. On espère que ce concept de surveillance de quartier permettra d'enseigner de nouvelles techniques de base à tous les travailleurs, de ceux qui travaillent à l'enregistrement des passagers à ceux qui sont à bord de l'aéronef, pour reconnaître et signaler les situations suspectes à l'avance et de façon raisonnable. Malheureusement, la réponse qu'a donnée le ministre le 5 novembre indique, à notre avis, qu'il n'a pas bien saisi. Nous craignons que le problème flagrant du personnel non qualifié et non préparé se perpétue.
Nous sommes en faveur de l'introduction d'agents fédéraux armés à bord de tous nos vols. Transports Canada a lancé le Programme canadien de protection des transporteurs aériens, le PCPTA. Malheureusement, le processus d'élaboration de ce programme est lent, et ni le SCFP ni ses membres n'ont été invités à y participer. Comme nous le soulignons à la page 11 de nos commentaires, cela pourrait créer des situations dangereuses. En effet, il n'est pas garanti que tous les agents de bord affectés à un vol sont au courant qu'il y a un agent de la GRC armé à bord de l'avion. À notre avis, ce manque d'information pourrait créer de la confusion et faire interférence involontaire avec le travail des agents de sécurité aérienne dans l'exercice de leurs fonctions si une attaque terroriste survenait.
De plus, Transports Canada a déjà six mois de retard pour l'établissement de normes visant le personnel de cabine. Pire encore, la volonté de la GRC que ses agents de sécurité demeurent anonymes est contraire aux programmes semblables mis en place aux États-Unis, en Israël, en Autriche et ailleurs, où tous les membres de l'équipage savent qu'il y a un agent de sécurité aérienne à bord de l'avion et participent à des séances d'information conjointes avant le vol. À notre avis, le PCPTA devrait se rapprocher davantage de la norme internationale.
La recommandation no 11 du Groupe de travail sur la sûreté des aéronefs souligne la nécessité d'élaborer une stratégie de réaction aux attaques chimiques et biologiques. À l'annexe E de ce rapport, nous précisons ce que cette stratégie comprendrait. En juin dernier, le ministre a reconnu que c'était très important. En novembre, son ministère continue d'affirmer qu'il travaille à concevoir la stratégie recommandée, ce qui nous semble beaucoup trop lent pour parer à cette nouvelle menace bien réelle.
Je suis convaincu que vous avez déjà entendu d'autres témoins vous parler de la vérification, dans les aéroports, des employés ayant une autorisation de sécurité. Nous croyons que tous les passagers, les pilotes, les agents de bord et le reste du personnel ayant accès au côté piste ou à l'aéronef devraient faire l'objet d'un contrôle. Le 5 novembre 2002, il semble que le ministre a confié le dossier à l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l'ACSTA, mais apparemment, les vérifications ne sont faites que de façon aléatoire, ce qui ne change en rien la situation actuelle. Nous attendons d'obtenir de plus amples détails, mais cette mesure semble bien insuffisante.
Pour ce qui est d'améliorer les laissez-passer de sécurité des employés, vous pouvez constater à la page 14 que notre système actuel est très disparate. La technologie utilisée est déficiente, la qualité de la sécurité est variable et le système manque de rigueur. Nous faisons un certain nombre de suggestions que vous pouvez lire dans nos remarques. Les aéroports résistent à cette initiative, parce qu'ils croient ne pouvoir contrôler l'accès qu'aux terres et aux édifices que le gouvernement fédéral leur loue. Il semble que la question a été confiée à l'ACSTA. Nous espérons que comme ce sont des détails qui posent problème, nous serons en mesure d'atteindre une partie de nos objectifs.
Pour terminer, Transports Canada aime bien affirmer que le Canada dispose de l'un des systèmes de transport aérien les plus sûrs au monde, mais nous tentons de montrer dans notre mémoire que beaucoup de choses pourraient être faites plus rapidement pour assurer la sécurité du transport aérien. Nous estimons que nous et nos passagers ne méritons rien de moins.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions. Nous allons le faire au meilleur de nos connaissances. Si vous avez des questions précises sur la façon dont les agents de bord travaillent, je pense que je vais laisser Mme Pelletier, qui a passé 30 ans dans les avions, vous répondre et je vais vous donner mon point de vue sur quelques enjeux du gouvernement.
Le sénateur Forrestall: En juin 1999, j'étais président du comité devant lequel vous avez comparu pour parler de certains de ces problèmes. Serait-ce possible et envisageable selon vous, que les employés qui nous donnent nos billets et enregistrent nos bagages cessent de nous demander si nous les avons faits nous-mêmes et s'ils sont restés sans surveillance. Ces employés ont mené leur propre sondage pendant un an. Il n'est jamais arrivé que quelqu'un réponde «non» à la première question et «oui» à la deuxième. J'ai dit que j'allais vous le demander, parce que je suis d'accord avec cela. J'en ai marre de répondre à ces questions. Je ne réveillerais jamais mon épouse à cinq heures du matin pour lui demander de faire mes bagages. Est-ce une question de sécurité pour vous?
M. Balnis: Oui, si je ne trompe pas, cette règle a été mise en place afin de repérer les personnes insouciantes qui pourraient transporter quelque chose de façon involontaire. Ce n'est pas pour vous, sénateur, qui faites attentivement vos bagages, ou pour nous, qui faisons les nôtres, qu'elle a été établie. Je crois qu'elle l'a été parce qu'il est déjà arrivé que quelqu'un transportant quelque chose de façon involontaire dans l'avion dise «oui, mes bagages sont restés hors de ma vue» et cela a mené à d'autres questions. Selon nous, ces trois questions doivent être élaborées davantage pour nous aider à reconnaître les passagers qui pourraient poser problème.
Plutôt que de répondre simplement et de façon très instinctive — ne serait-ce qu'à nos membres — que si une personne est d'une certaine origine, elle est suspecte, nous croyons qu'il doit y avoir de la formation sur la façon de repérer les passagers susceptibles de poser des risques afin d'en aviser le personnel en bout de ligne.
Nous croyons que ces trois questions ont un but et qu'il faudrait en fait approfondir ce point de contact.
Le sénateur Forrestall: Êtes-vous d'accord avec cela?
Mme France Pelletier, Affaires législatives et réglementaires, Division du transport aérien: Je suis d'accord. Je crois qu'il est très bien de poser ces trois questions, mais si ceux qui les posent ne sont pas formés pour savoir repérer...
Le sénateur Forrestall: Ils ne le sont pas, vraiment. Cela ne fait aucun doute.
Je voulais vous parler de formation. Depuis le 11 septembre, avez-vous remarqué si Air Canada, n'importe quel transporteur aérien canadien, le ministère des Transports ou un autre organisme avait concentré davantage sa formation sur les protocoles, comme vous pourriez les décrire, entourant les attaques biologiques ou chimiques? Avez- vous reçu une quelconque formation à cet égard? Y a-t-il des cours donnés aux recrues ou aux membres plus expérimentés de votre profession?
Mme Pelletier: Absolument aucune.
Le sénateur Forrestall: Pas même pour le personnel le plus expérimenté affecté aux vols importants?
Mme Pelletier: Absolument aucune. Ce n'est qu'après que j'ai insisté qu'un transporteur a conçu une certaine procédure qu'il a incluse dans le manuel des agents de bord. Le manuel de nos agents de bord contient essentiellement toutes les procédures de fonctionnement standard. Ce n'est qu'après que j'ai insisté qu'une certaine procédure a été ajoutée au manuel sur la façon de réagir si l'on remarque une substance inconnue à bord d'un aéronef. Cependant, il n'y a absolument aucune formation à ce propos, et rien du tout n'a avancé en ce sens chez Transports Canada non plus.
Le sénateur Forrestall: Combien de temps supplémentaire vous faudrait-il, par exemple, pour former les recrues ou donner des séances de perfectionnement? Serait-ce beaucoup de temps?
Mme Pelletier: Je ne peux pas répondre à cette question, parce que je n'ai pas étudié en profondeur les programmes de formation déjà en place. D'après ce que j'ai vu, les employés de Postes Canada reçoivent de la formation. Je ne peux vraiment pas répondre à cette question, parce que je n'ai aucune idée du temps qu'il faudrait pour donner de la formation sur cet aspect précis seulement.
Le sénateur Forrestall: N'y a-t-il aucune raison pour laquelle la GRC ne vous avise pas lorsqu'il y a un agent de sécurité armé à bord?
Mme Pelletier: D'après ce que je comprends, cela semble dépendre de la façon dont les transporteurs aériens interprètent les mesures de sécurité qui s'appliquent à eux et qui dictent que le pilote peut en informer l'équipage. Les transporteurs disent que le reste de l'équipage ne doit pas nécessairement le savoir, seulement ceux qui sont en charge de l'avion.
M. Balnis: Pour étoffer un peu, nous avons eu trois directeurs généraux de la sécurité depuis le 11 septembre et le deuxième est celui à qui on doit cette règle. Nous lui avons dit que si le règlement garantissait que le pilote le savait et que le chef de cabine le savait aussi, nous croyions que tout l'équipage devait le savoir. Malheureusement, l'interprétation c'est que le chef de cabine et le pilote n'ont pas nécessairement besoin d'en informer l'équipage. On nous a dit que ce n'était pas l'intention visée, que tout le monde devrait le savoir, et nous avons répondu que les transporteurs ne l'appliquaient pas de cette façon.
La seule réponse que j'ai reçue de la GRC, c'est que les agents de sécurité aérienne mènent des opérations secrètes d'infiltration et c'est pourquoi leur identité doit être préservée. Nous sommes parfaitement d'accord avec ce principe. Cela pourrait très bien s'appliquer à des opérations d'infiltration dans un bar ou dans le milieu de la drogue, mais la situation est différente à bord d'aéronefs. Nous devons travailler en équipe. On ne peut pas s'enfuir d'un avion en vol. Nous n'avons pas réussi à convaincre la GRC de faire en sorte que nous en soyons informés. Nous avons eu une réunion, il y a deux semaines, avec le nouveau directeur général et le sous-commissaire adjoint de la GRC, où nous avons mis l'accent sur ce point encore une fois, mais je crains que nous n'ayons toujours pas réussi à les convaincre. Notre crainte, et c'est ce que nous disons à notre direction, c'est que si quelqu'un surgit soudainement et sort un fusil, qu'on ne connaît pas cette personne et qu'on passe près d'elle, on risque de la frapper. C'est ce qu'on entend par interférence involontaire.
Mais on nous assure que si un agent se lève, nous saurons parfaitement qu'il s'agit d'un agent armé de la GRC et nous saurons quoi faire, mais nous craignons de poser des gestes nuisibles par inadvertance. Il nous faut convaincre la GRC. À ce que nous sachions, dans d'autres pays, dont les États-Unis, l'ensemble de l'équipage participe à des séances d'information avec les agents de sécurité aérienne avant chaque vol. Nous estimons que ce serait la meilleure chose à faire. Nous n'arrivons pas à convaincre la GRC de faire de même au Canada.
Mme Pelletier: Nous n'avons même pas de séance d'information pour tout l'équipage avant les vols, même sans la présence des agents de sécurité aérienne.
Le sénateur Forrestall: Il y a effectivement des dangers, pour les raisons que vous avancez dans votre document. Comme vous le dites, un incident pourrait arriver. Un geste posé par inadvertance pourrait causer du tort.
Mme Pelletier: Voilà.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous une quelconque idée de la nature des armes que les agents de sécurité aérienne ont avec eux?
Mme Pelletier: On ne nous dit rien.
Le sénateur Forrestall: Vous n'en avez aucune idée?
Mme Pelletier: Non, monsieur.
M. Balnis: On nous garantit qu'il s'agit d'armes mortelles et efficaces, qui ne devraient pas endommager l'aéronef. C'est ce qu'on nous dit. En d'autres mots, la victime sera morte avant de s'écrouler. Tout se passera en quelques secondes. Nous voulons savoir ce qu'on attend de nous. Devons-nous tous nous coucher par terre? Devons-nous aider les agents d'une quelconque façon? Nous ne le savons toujours pas. Le sous-commissaire adjoint de la GRC nous a dit que nous pourrions peut-être les aider à repérer d'autres terroristes, mais nous devons le savoir et nous devons savoir quoi chercher, parce qu'il risque de régner un désordre indescriptible dans la cabine. Nous n'en sommes même pas à ces détails. Il y a eu une réunion en avril, où on nous a promis des mesures. On nous a promis un programme de formation. Nous nous sommes réunis au début novembre, et tout est encore à l'état d'ébauche.
Mme Pelletier: Certaines situations préoccupent les agents de bord. Par exemple, si un agent est en train de servir un verre à un passager, et que, tout à coup, une personne munie d'une arme se lève, l'agent de bord ne sait pas si cette personne est un policier des airs ou un terroriste. L'agent pourrait très bien prendre une bouteille sur le chariot et frapper la personne, mais il peut s'avérer que la personne en question était en train de faire quelque chose qu'ignorait l'agent. La réaction de l'agent de bord aurait été normale.
Le sénateur Forrestall: Il s'agirait d'une réaction normale; du moins d'une réaction de défense.
Avez-vous eu l'occasion de consulter vos homologues dans d'autres pays qui font appel à des policiers des airs? Que vous ont-ils dit?
Mme Pelletier: Tout l'équipage et les policiers des airs se réunissent avant un vol. Les policiers des airs s'identifient afin que l'équipage sache qui ils sont. Ils savent combien d'agents de bord sont affectés au vol en question et ils leur conseillent de ne pas intervenir, de les laisser faire. Ils demandent aux agents de bord de ne pas intervenir lorsqu'ils sont en service.
Le sénateur Forrestall: Existe-t-il des différences entre les compagnies aériennes canadiennes et celles d'autres pays à ce sujet? Autrement dit, est-ce que le recours aux services de policiers des airs est répandu?
Mme Pelletier: Nous ne savons pas. Nous savons seulement que, en raison de la réglementation en matière de sécurité, un de nos transporteurs qui dessert l'aéroport Ronald Reagan a recours à des policiers des airs, mais nous ne savons pas en ce qui concerne les autres transporteurs.
Le sénateur Forrestall: C'est l'avion qui vous préoccupe.
Mme Pelletier: C'est exact.
Le sénateur Forrestall: Jadis, on clôturait les aéroports afin d'éviter que les gens se prennent dans les hélices et se blessent. Aujourd'hui, nous protégeons les avions, mais pas les gens. Sommes-nous en mesure de les protéger? Pouvons-nous fournir à ceux d'entre vous qui travaillent à bord des avions des appareils qui soient sécuritaires à vos yeux et capables d'effectuer un vol jusqu'à destination? Est-ce possible? Le cas échéant, comment y arriver?
Mme Pelletier: Il s'agit d'une excellente question qui nous touche de très près. Nous estimons qu'il y a encore beaucoup à faire. Je ne peux parler au nom de tous les agents de bord, mais je crois que je peux parler pour la plupart d'entre eux. Nous ne nous sentons pas entièrement en sécurité. Nous pensons que d'autres mesures peuvent être prises. Je crois que beaucoup de petites choses peuvent être faites. Par exemple, l'autre jour, les membres d'un équipage sont montés à bord d'un avion où une boîte contenant des couteaux polyvalents était posée sur un des sièges. Cela s'est produit tout récemment. Nous ne savons toujours pas comment cette boîte s'est retrouvée à bord, mais nous pensons que les personnes qui ont accès aux avions, notamment les traiteurs, doivent faire l'objet d'une vérification. Par ailleurs, on demande aux agents de bord d'examiner l'appareil à la recherche de bombes ou d'autres objets du genre alors qu'ils ne sont pas formés pour effectuer de telles vérifications. Nous ne savons même pas à quoi ressemble une bombe.
Le sénateur Forrestall: Est-ce que cela se produit au Canada?
Mme Pelletier: Oui. Cela fait partie de nos fonctions.
Le sénateur Forrestall: Comment procédez-vous?
Mme Pelletier: Nous devons vérifier chaque compartiment de l'office, les chariots et l'avion au complet, mais nous n'avons absolument pas été formés pour effectuer ce genre de tâche. Nous ne savons pas à quoi ressemble une bombe ou ce qui pourrait constituer une arme. Bien plus pourrait être fait.
Le sénateur Banks: Vous avez peut-être lu notre rapport. Je présume que vous savez que nous partageons bon nombre de vos préoccupations et que nous en avons déjà parlé. Le sénateur Meighen et moi-même discutions justement du fait que lorsqu'on demande à un gouvernement ce qu'il fait à propos d'un problème, on ne veut pas entendre qu'il est en train de s'y pencher. C'est une réponse que l'on craint. Avez-vous constaté que les sommes recueillies par l'entremise du droit de 12 $ ont été investies dans la sécurité? Je vous pose en fait la même question que plus tôt, c'est-à- dire que je vous demande si vous avez constaté des améliorations sur le plan de la sécurité depuis le 11 septembre.
Mme Pelletier: Quelques-unes, comme une augmentation du nombre de policiers et d'agents de sécurité.
Le sénateur Banks: Dans les avions ou à l'entrée de l'aire sécuritaire où la vérification des passagers est effectuée?
Mme Pelletier: Tout dépend de l'aéroport, mais il est évident qu'il y a davantage de policiers qui se promènent. Au poste de vérification des passagers de certains aéroports, il semble qu'il y ait davantage d'employés. Ce n'est pas pareil dans tous les aéroports.
Le sénateur Banks: Vous subissez probablement plus souvent que nous les contrôles de sécurité.
Mme Pelletier: En effet.
Le sénateur Banks: Êtes-vous traitée plus ou moins comme un passager?
Mme Pelletier: Plus ou moins. Parfois pire qu'un passager, car certains des employés chargés des vérifications se méfient davantage des agents de bord et des pilotes que des simples voyageurs.
Le président: On nous a porté à croire qu'il y avait maintenant une entrée distincte pour les membres d'équipage dans certains aéroports.
Mme Pelletier: C'est le cas dans certains aéroports.
Le président: On nous a aussi laissé entendre qu'on effectuait plus de vérification systématique auprès des membres d'équipage avant chaque vol, que c'était aléatoire.
Mme Pelletier: C'est ce qu'on fait dans certains aéroports.
M. Balnis: Nous croyons savoir que les aéroports de Vancouver, de Toronto et de Dorval n'effectuaient pas de vérification systématique. Nous croyons que les aéroports de Vancouver et de Dorval sont allés de l'avant avec l'exemption et que c'est seulement l'aéroport Pearson de Toronto qui insiste pour que les membres de l'équipage, les pilotes et les agents de bord passent par les postes de vérification des passagers. France parlait de l'attestation sécuritaire que nous a accordé le SCRS qui prouve que nous ne possédons pas de casier judiciaire et que nous avons réussi leur examen. Pourtant, on nous fouille comme si nous avions l'intention d'amener à bord un objet qui servirait à nous enlever la vie comme si nous étions une cible. Nous avons discuté de la question avec la GTAA et un groupe de travail. Nous avons tenté de réfuter leurs arguments, mais ils ont en tête que nous sommes une menace. Nous leur avons demandé pourquoi alors, si nous sommes une menace, tout le reste du personnel ne subit pas de vérification?
Il faut être constant.
Le sénateur Banks: Parlez-vous de tout le reste du personnel qui a accès à l'avion?
M. Balnis: Oui, comme un mécanicien. Où est l'uniformité? Certains aéroports affirment que c'est un gaspillage de ressources, car il s'agit d'employés qui ont obtenu une attestation sécuritaire. Mais dans d'autres aéroports à l'étranger, on veille — et des consultants embauchés par Transports Canada l'ont confirmé — à ce que chaque personne qui entre dans la zone stérile subisse une vérification. Il s'agit d'un poste de vérification distinct de celui des passagers, mais il demeure que chaque personne qui entre dans la zone est fouillée afin de s'assurer qu'elle n'emporte rien pouvant causer des problèmes. Tout ce que nous demandons, c'est l'équité.
M. Balnis: Nous ne comprenons pas pourquoi il n'y a pas d'équité.
Le sénateur Meighen: Pardonnez-moi. Je veux seulement obtenir un éclaircissement. Avez-vous dit que vous deviez prouver que vous n'avez pas de casier judiciaire?
Mme Pelletier: Non. Dans le cadre de l'enquête de sécurité, on examine nos antécédents. On prend nos empreintes digitales et on vérifie que nous ne possédons pas de casier judiciaire.
Le sénateur Meighen: Si vous aviez un lourd casier judiciaire, pourriez-vous travailler?
M. Balnis: Je n'obtiendrais pas l'attestation de sécurité, et, par conséquent, je ne recevrais pas ce que nous appelons la carte verte, qui est maintenant rouge, bleue et orange.
Mme Pelletier: Mais vous n'auriez pas d'emploi.
Le sénateur Meighen: Savez-vous si d'autres employés comme les traiteurs et les mécaniciens subissent le même type d'enquête rigoureuse sur le plan des antécédents criminels? D'après nos informations, ce n'est pas le cas.
M. Balnis: Je pense que chaque employé d'une compagnie aérienne subit une telle enquête. Mais je ne suis pas au courant en ce qui concerne les traiteurs.
Mme Pelletier: Je ne sais pas moi non plus.
M. Balnis: La petite carte qu'ils portent au cou fournie par l'aéroport constitue-t-elle une attestation de sécurité? Nous détenons l'attestation de sécurité. Nous l'avons depuis cinq ans, et elle est accordée par le SCRS. Elle n'a pas été renouvelée depuis, car le SCRS manque de personnel. Nous estimons que le renouvellement devrait être plus fréquent, mais l'enquête est menée sur nos cinq dernières années, et l'attestation est renouvelée tous les cinq ans.
Le sénateur Banks: Nos informations diffèrent des vôtres. Par exemple, on nous a dit que, dans beaucoup d'aéroports, les bagagistes notamment ne subissent pas une enquête aussi rigoureuse. Mais cela reste à vérifier.
Vous avez dit dans votre exposé que l'une des raisons pour lesquelles les améliorations sur le plan de la sécurité à bord des avions et dans les aéroports n'étaient pas apportées plus rapidement concernait une guerre intestine entre deux sections de Transports Canada. Donnez-nous votre point de vue à ce sujet ou expliquez-nous ce que vous savez ou ce que vous avez entendu à propos de cette situation.
M. Balnis: Quand est venu le temps de faire approuver les procédures relatives aux policiers des airs, le directeur général de la sécurité prétendait qu'il lui incombait de les approuver et le directeur général de l'aviation civile prétendait la même chose. Les deux hommes ont argumenté sur la question pendant environ deux heures. Au bout du compte, nous leur avons demandé de s'entendre.
Jusqu'à maintenant, ce que nous comprenons — je ne suis pas entré dans les détails lors de mon exposé, car je ne voulais pas dépasser la limite de temps — c'est que les procédures concernant les policiers des airs armés sont approuvées négativement. Autrement dit, tant que les procédures ne vont pas à l'encontre d'autres dispositions, elles peuvent être appliquées. Cependant, les normes d'application des procédures n'ont toujours pas été élaborées. Je me demande qui s'en occupe.
La section de la sécurité affirme qu'elle est en train de vérifier quelle formation existe. La section de l'aviation civile affirme, quant à elle, qu'elle essaie de mettre à jour la formation donnée aux agents de bord. Les deux sections sont logées à la même enseigne et relèvent d'un seul ministre, alors elles devraient être en mesure de travailler à l'élaboration des normes.
Malheureusement, nous sommes déjà en novembre, et, au mieux, nous obtiendrons une ébauche en janvier. Pourtant, le ministre avait annoncé la création du PPTAC dans son budget de décembre 2001. Nous suivons l'évolution de la situation.
Le sénateur Banks: Madame Pelletier, seriez-vous en mesure de reconnaître un explosif en plastique, par exemple, si vous en verriez un?
Mme Pelletier: Non monsieur.
Le sénateur Banks: Je crois que M. Balnis a dit que c'était la compagnie aérienne qui avait décidé que certains des agents de bord n'allaient pas être au courant de la présence d'un policier des airs — ce n'est pas le terme que nous employons — d'un agent armé de la GRC à bord de l'avion.
Mme Pelletier: C'est exact.
Le sénateur Banks: Quelqu'un a dit que c'était la GRC qui tenait à ce que ce ne soit pas su. C'est la compagnie aérienne et la GRC qui ont décidé, pour une raison quelconque, que certains agents de bord n'allaient pas être mis au courant de la présence d'un agent armé à bord ni même, le cas échéant, de qui il s'agit, du siège où il prend place et de son apparence.
Mme Pelletier: Je crois que ce sont les deux. Je crois que c'est la compagnie aérienne et la GRC. Pourquoi ne les appelons-nous pas les APA? Ce sera plus simple.
Pour devenir un APA, disons à bord d'un avion d'Air Canada, il faut suivre une formation sur les procédures d'utilisation normalisées afin d'apprendre notamment comment un avion réagit à la décompression, ce que font les agents de bord et où se trouve l'office. Il faut suivre une formation précise. J'ai l'impression que, lorsque les agents de la GRC ont suivi la formation pour devenir des APA, ils ont discuté avec la compagnie aérienne de la question de savoir si les agents de bord devaient ou non connaître l'identité des APA qui sont à bord des avions.
M. Balnis: Je voudrais ajouter que nous croyons savoir que l'ACSTA a accordé un contrat à la GRC pour qu'elle assure les services de police, alors une entente contractuelle doit avoir été conclue. Nous avons aussi appris que les APA rencontrent les compagnies aériennes pour élaborer des procédures d'utilisation normalisées.
La plupart des agences de sécurité qui travaillent pour les compagnies aériennes sont composées notamment d'anciens policiers ou agents de la GRC qui, bien entendu, connaissent le métier. Mais ce que nous voulons qu'ils comprennent, c'est qu'ils doivent tenir compte de l'équipage afin que le programme fonctionne. Disons seulement qu'ils mettent du temps à comprendre. Parfois, ils font un signe de la tête en guise de compréhension, mais nous savons qu'ils ne comprennent pas. Ils estiment que nous entravons l'exécution de leurs tâches de policiers, mais, selon nous, à bord d'un avion, s'il survient un incident, nous avons des tâches à exécuter et nous devons faire en sorte que l'intervention se déroule bien et que l'issue soit heureuse. Nous voulons qu'ils soient présents. Nous croyons qu'il est maintenant nécessaire qu'ils soient à bord des avions. Nous voulons seulement voir au bon déroulement de l'intervention et veiller à ce que tout se termine bien.
Le sénateur Banks: Je voudrais confirmer vos propos madame Pelletier. Vous avez dit que, dans le pire des cas, si vous êtes en train de servir un verre à un passager et que, tout à coup, une personne se lève et commence à sortir une arme, vous n'hésiteriez pas à le frapper avec une bouteille.
Mme Pelletier: C'est exact.
Le sénateur Banks: Est-ce que c'est ce qu'on vous enseigne?
Mme Pelletier: On ne nous enseigne rien. Ce serait une réaction normale de la part d'un agent de bord, car, parfois, des pilotes nous disent qu'ils s'attendent à ce que nous empêchions quiconque d'entrer dans le poste de pilotage, coûte que coûte, quitte à risquer notre propre vie. C'est ce que certains pilotes nous demandent, mais nous ne recevons aucune formation sur le sujet. Nous ne savons pas à quel point nous devons intervenir. Nous ne savons pas ce que nous sommes censés faire.
Le sénateur Banks: Recevez-vous une formation quelconque en arts martiaux?
Mme Pelletier: Pas du tout monsieur.
Le sénateur Wiebe: Est-ce que les préposés au nettoyage des avions sont membres du syndicat?
M. Balnis: Non, ils ne le sont pas.
Le sénateur Wiebe: J'ai cru comprendre, d'après les propos de témoins qui ont comparu devant nous, que c'était le préposé au nettoyage — après le passage des traiteurs — qui confirme la propreté et la sûreté de l'avion avant que les agents de bord et les passagers puissent embarquer. Est-ce exact?
Mme Pelletier: Non, les préposés au nettoyage ne confirment pas la sûreté d'un avion. Ce sont plutôt les préposés à l'entretien.
Le sénateur Wiebe: Ont-ils déjà fini leur travail quand les agents de bord arrivent?
Mme Pelletier: Pas nécessairement. Souvent, il y a très peu de temps entre deux vols. Tout le monde est là en même temps: les traiteurs, les préposés au nettoyage, les responsables du ravitaillement en carburant et les bagagistes.
M. Balnis: Et les agents de bord effectuent leur vérification d'avant le vol. Ce peut-être mouvementé.
Mme Pelletier: C'est très mouvementé.
M. Balnis: On présume ici que l'avion est nettoyé à ce moment-là, car ce n'est pas toujours le cas.
Le sénateur Wiebe: L'avion n'est pas nécessairement nettoyé avant chaque décollage, ai-je raison?
Mme Pelletier: Oui.
Le sénateur Wiebe: Les pochettes des dossiers ne sont pas toujours vérifiées, n'est-ce pas?
Mme Pelletier: C'est vrai.
Le sénateur Wiebe: J'ai cru comprendre qu'il s'agissait de la responsabilité des préposés au nettoyage. Est-ce exact?
M. Balnis: Ils vérifient les pochettes des sièges, mais pas à chaque vol.
Mme Pelletier: Et ils ne cherchent pas des bombes. Ils ne font que ramasser les déchets.
Le sénateur Wiebe: Ils ne reçoivent aucune formation eux non plus?
Mme Pelletier: Aucune.
Le sénateur Wiebe: J'ai fait une observation à plusieurs reprises à bord d'un avion de Canadair qui transporte 50 passagers et qui effectue des vols d'Ottawa à l'aéroport international Ronald Reagan. Un policier des airs est censé être à bord de l'avion durant ce vol. Avant le 11 septembre, j'ai effectué ce vol un certain nombre de fois et j'ai observé que l'agent de bord s'assoyait dans un siège situé sur le côté ou il s'assoyait à l'avant s'il y avait un siège libre. Après le 11 septembre, j'ai été plutôt étonné de voir qu'il y avait un siège pliant qui faisait directement face à la porte du poste de pilotage et dans lequel l'agent de bord prenait place.
Mme Pelletier: C'est le siège de service de notre agent de bord.
Le sénateur Wiebe: Si j'étais un terroriste et que je voulais pénétrer dans la cabine de pilotage, je devrais d'abord m'occuper de l'agent de bord. Pour en revenir à ce vol vers Reagan, est-ce que la personne qui occupe le siège de service à cet endroit a reçu une formation spéciale?
Mme Pelletier: Non, monsieur.
Le sénateur Wiebe: Pourquoi, alors, a-t-on placé le siège à cet endroit?
Mme Pelletier: C'est Air Canada qui l'a voulu ainsi. À l'origine, l'appareil devait compter deux sièges de service — il faut normalement deux agents de bord dans un avion de 50 places, puisque les règles actuelles prévoient un agent de bord pour 40 passagers —, mais Air Canada a obtenu une exemption pour cet avion et n'a donc besoin que d'un agent de bord. C'est ce qui explique pourquoi on a retiré le siège du fond. Lorsque la compagnie a pris livraison de l'appareil, il n'y avait qu'un siège à l'avant. Si, pour des raisons de service, il fallait embarquer un deuxième agent de bord, ce dernier devrait s'asseoir dans la cabine.
Le sénateur Wiebe: Où doit-il s'asseoir s'il n'y a qu'un seul siège de service?
Mme Pelletier: Sur un siège passager.
Le sénateur Wiebe: Très bien.
Mme Pelletier: Et parfois, à l'intérieur du poste de pilotage.
Le sénateur Wiebe: Croyez-vous qu'il y a des policiers de l'air sur chaque vol partant du Canada à destination de Reagan?
Mme Pelletier: C'est obligatoire.
Le sénateur Wiebe: Je le sais, mais...
Mme Pelletier: Je n'en sais rien, monsieur.
Le sénateur Meighen: J'aimerais vous poser deux ou trois questions. Madame Pelletier, si un aéroport vous émet un laissez-passer, pouvez-vous l'utiliser dans n'importe quel aéroport?
Mme Pelletier: Non, car il ne serait pas nécessairement reconnu par les autres aéroports, c'est pourquoi devons passer au travers des contrôles de sécurité.
Le sénateur Meighen: Si ce laissez-passer ne vous permet pas de contourner les contrôles de sécurité, à quoi sert-il?
Mme Pelletier: Il permet d'éviter les contrôles de sécurité dans l'aéroport où il a été émis.
Le sénateur Meighen: Cela me paraît bien. Ainsi, le laissez-passer n'est plus valable dès lors que vous changez d'aéroport, n'est-ce pas?
Mme Pelletier: C'est exact. Cela dépend de l'aéroport.
M. Balnis: Il y a eu des cas, dans des aéroports à l'étranger, où des équipages venant de bases différentes présentaient des laissez-passer rouges ou bleus. Les gendarmes qui les contrôlaient se demandaient pourquoi ils avaient tous des laissez-passer différents. On avait donc émis des laissez-passer appelés «cartes vertes» pour ceux qui devaient transiter par plusieurs aéroports. Aujourd'hui, toutes les cartes sont différentes et j'estime que nous devrions revenir à l'utilisation d'une carte unique. Nous devrions également suivre l'exemple des États-Unis qui utilisent des appareils sophistiqués d'identification biométrique. Nous espérons que le ministre aura confié ce mandat à l'ACSTA et que celle- ci mènera à bien sa mission. Sur ce point, nous sommes confiants. Nous sommes inquiets de la lenteur du processus, mais nous espérons quand même pouvoir avancer plus rapidement que sur d'autres dossiers.
Le sénateur Meighen: Pour en revenir aux policiers de l'air, vous faites référence, dans votre dernière note, à la nécessité d'ajuster le PPTAC aux normes internationales extrêmement strictes en la matière. Existe-t-il vraiment des normes internationales?
M. Balnis: Je pense que nous faisions référence au paragraphe précédent concernant les programmes aux États-Unis, en Israël et en Autriche, où il y avait une certaine interaction.
Le sénateur Meighen: Ainsi, à votre connaissance, il n'y aurait pas de normes?
M. Balnis: Nous savons que l'OACI envisage de modifier l'Annexe 17, et nous avons déjà vu certains de ses travaux. Elle nous a promis qu'elle nous enverrait une copie de l'ébauche. Nous attendons toujours, mais nous savons qu'elle y travaille.
Le sénateur Meighen: Vous est-il déjà arrivé, madame Pelletier, d'identifier un policier de l'air, sans même qu'on vous ait dit qui il était?
Mme Pelletier: Oui.
Le sénateur Meighen: Cette personne savait-elle que vous l'aviez reconnue?
Mme Pelletier: Non. J'étais très discrète.
Le sénateur Meighen: Vous étiez très discrète?
Mme Pelletier: Oui.
Le sénateur Meighen: Si vous pouviez, d'un coup de baguette magique, changer quelque chose immédiatement, que feriez-vous? Autrement dit, quelle est, selon vous, la plus grande faille dans le système de sécurité actuel?
Mme Pelletier: L'absence de formation adéquate.
Le sénateur Meighen: L'absence de formation adéquate pour les agents de bord?
Mme Pelletier: Pour les agents de bord et le personnel au sol. Nous devons empêcher certaines personnes de pénétrer à bord des avions. Nous devons donc être vigilants à partir du moment où le passager entre dans l'aéroport jusqu'au moment où il pénètre dans l'avion. De plus, nous devons savoir quoi faire en cas de problème à bord.
Le sénateur Atkins: Cela fait 30 ans que vous êtes agente de bord.
Mme Pelletier: Oui. Cela ne me rajeunit pas.
Le sénateur Meighen: Vous avez commencé à 15 ans.
Mme Pelletier: Merci.
Le sénateur Atkins: Vous avez dû voir beaucoup de changements au cours de votre carrière.
Mme Pelletier: Certainement.
Le sénateur Atkins: Avec votre ancienneté, tenez-vous compte des questions de sécurité quand vous choisissez sur quel vol travailler?
Mme Pelletier: Oui.
Le sénateur Atkins: J'imagine que vous volez sur des 767 ou des 747, de gros appareils, n'est-ce pas?
Mme Pelletier: Je peux travailler sur des vols internationaux. Je peux faire un peu tout ce que je veux. Bien sûr, je préfère éviter certains vols, comme ceux qui assurent la liaison avec Tel Aviv, par exemple. Je n'entrerai pas dans des questions de réglementation en matière de santé et de sécurité au travail, mais d'après la partie 2 du code, nous avons le droit de refuser de faire un travail dangereux, et beaucoup d'agents de bord ont exercé ce droit en refusant de travailler sur des vols en partance pour Tel Aviv en raison de la durée du repos en escale. Les équipages doivent attendre dans le pays avant de repartir, et la compagnie n'a pas daigné nous fournir les plans d'urgence à mettre en oeuvre en cas de problème pendant l'escale. C'est la raison pour laquelle je ne choisirai pas ce type de vol.
Le sénateur Atkins: Ainsi, il y a 30 ans, vous travailliez sur un 8 ou un 9...
Mme Pelletier: Sur un DC-8.
Le sénateur Atkins: Un DC-8, et vous avez aimé votre expérience, j'imagine. Avez-vous peur de voler, ces temps-ci?
Mme Pelletier: Oui et non. Oui. Oui. Je ne me sens pas en sécurité. Les responsabilités qui incombent aux agents de bord ne cessent de croître. Pourtant, si on en juge par le nombre d'agents de bord dans les appareils, il ne semble pas que la sécurité soit la priorité absolue de tout le monde. Nous devons assurer le service et chacun doit être à son poste en classe affaires pour assurer ce nouveau service; il y a donc très peu de gens dans la cabine arrière pour s'occuper des passagers qui montent à bord. C'est stressant.
Le sénateur Atkins: Ainsi, quand vous faites vos choix, vous tenez compte de critères comme la destination et la taille de l'appareil, n'est-ce pas?
Mme Pelletier: Pas nécessairement de la taille de l'appareil. Celle-ci dépend de la destination; selon l'endroit où vous vous rendez, vous pouvez voler sur un A-340, un 747 ou un RJ. Ce qui nous préoccupe, essentiellement, c'est la destination.
Le sénateur Atkins: Compte tenu de votre expérience, qu'est-ce que vous cherchez chez les passagers qui montent à bord des appareils, même sans avoir reçu de formation?
Mme Pelletier: Actuellement, ce que nous faisons, quand nous le pouvons — c'est un grand problème. Nous avons un tel besoin d'agents de bord et la durée des escales est si courte, parfois, que nous devrions rester en cabine plus longtemps, être vraiment très concentrés, observer les passagers et deviner s'ils sont nerveux ou agités. Cela se voit. Je veux dire qu'au bout de 30 ans, on peut faire la différence entre quelqu'un de tendu, de décontracté, de fatigué ou de simplement inquiet. Lorsqu'un passager vous semble mal à l'aise, vous allez le rassurer. Nous avons de bonnes et de mauvaises journées. Il y a des façons de s'adresser aux gens, et nous n'avons pas toujours le temps de bien nous y prendre car on nous demande beaucoup trop de choses en préparation des vols, dont l'inspection de l'office pour vérifier qu'il n'y a pas de bombe. Nous devons être en cabine pour accueillir les passagers au moment de l'embarquement, mais ceci pourrait également être fait par le personnel au sol.
Le sénateur Atkins: Le SCFP est favorable à ce que les policiers de l'air portent des armes.
Mme Pelletier: Des armes non létales.
Le sénateur Atkins: Qu'est-ce qu'une arme non létale?
Mme Pelletier: Il s'agit d'une arme non meurtrière qui ne peut endommager l'appareil.
Le sénateur Atkins: Le SCFP est-il favorable à ce que les pilotes soient armés?
Mme Pelletier: Nous étions contre. Des terroristes, des policiers de l'air armés, et maintenant des pilotes armés? Ce serait un champ de bataille.
M. Balnis: En outre, il convient de mentionner que les cabines de pilotage ont été renforcées et sécurisées. Il devrait y avoir des procédures empêchant les pilotes de quitter leur poste. Ces derniers ne devraient pas être autorisés à sortir pour aider les agents de bord ni attirés à l'extérieur de l'habitacle de quelque façon que ce soit. S'il existe des ressources pour former les pilotes, formons les équipages et ajoutons des policiers de l'air qualifiés.
Le sénateur Atkins: Est-ce que tous les appareils qu'utilise Air Canada sont plus sécurisés qu'ils ne l'étaient?
Mme Pelletier: Il existe une procédure temporaire. Ils devront tous l'avoir été d'ici avril 2003. Toutes les portes d'accès à la cabine de pilotage seront munies d'une barre transversale.
Le sénateur Atkins: Que pensez-vous du dispositif de double porte?
Mme Pelletier: J'y suis favorable.
Le sénateur Atkins: Comment installez-vous un tel dispositif dans un appareil?
Mme Pelletier: J'ai assisté à une démonstration. Vous devez entrer un code d'accès pour ouvrir la première porte. Ensuite, cette porte se referme derrière vous. Vous vous retrouvez donc dans un sas et vous devez entrer un autre code pour ouvrir la deuxième porte. Il s'agit d'une barrière supplémentaire. J'ai vu comment cela fonctionne et je pense que c'est un bon système.
Le sénateur Atkins: Le sénateur Wiebe a dit que sur certains appareils, il n'y avait qu'un seul agent de bord, à l'avant, près de la porte d'entrée. Dans d'autres avions, il y a deux sièges de service à cet endroit et deux agents de bord y prennent place. Êtes-vous en train de dire que si ces personnes étaient formées correctement, elles pourraient réagir efficacement à toute situation difficile?
Mme Pelletier: Certainement, et comme nous pourrions aussi nous protéger, nous serions mieux à même de faire face et d'aider les passagers.
Le sénateur Atkins: Avez-vous déjà eu affaire à des passagers turbulents, pris de ce que l'on appelle la rage de l'air?
Mme Pelletier: Oh oui.
Le sénateur Atkins: Que faites-vous en pareil cas?
Mme Pelletier: Pour cela non plus, nous n'avons pas reçu de formation. Cela dépend des situations. Il faut faire preuve de beaucoup de patience et de tact. Il arrive que nous soyons malmenés, frappés et même que l'on nous jette des objets à la figure. Nous n'avons reçu aucune formation sur la façon de nous protéger face à de tels comportements violents. Il arrive aussi que des passagers nous coincent dans les offices.
Le sénateur Atkins: Le SCFP ne peut-il rien faire auprès des compagnies aériennes pour prévenir de telles situations?
M. Balnis: Nous faisons tout ce que nous pouvons. D'ailleurs, nous avons conclu une entente avec un transporteur aérien, après le 11 septembre et l'apparition du phénomène de la rage de l'air, afin d'élaborer un programme de formation semblable à celui qui existe aux États-Unis. Il y a 4 niveaux. Le tout consiste à reconnaître les passagers qui ont eu une mauvaise journée et refusent d'attacher leur ceinture et à empêcher toute escalade de la violence. Cela permet également de reconnaître un acte terroriste. Nous voulons aussi que les agents de bord reçoivent une formation de base en autodéfense. Nous avons trouvé un terrain d'entente avec ce transporteur, mais s'il décide d'assurer la formation des 8 500 agents de bord qu'il emploie et que Transports Canada arrive ensuite avec quelque chose d'autre, ce transporteur n'aura pas les moyens de reformer les agents de bord. Nous voulons que Transports Canada livre la marchandise. Nous attendons toujours; il nous a dit qu'il s'en occupait.
Mme Pelletier: C'est encore une guerre de territoire.
Le sénateur Atkins: Pourquoi n'usez-vous pas de votre pouvoir, pourquoi n'exercez-vous pas de moyens de pression?
M. Balnis: C'est pour cela que nous sommes ici ce soir. Nous cherchons des alliés.
Mme Pelletier: Nous cherchons de l'aide.
M. Balnis: Nous cherchons des alliés partout où nous le pouvons. Nous faisons valoir nos points de vue auprès de Transports Canada et des transporteurs, mais ils finissent par nous dire...
Mme Pelletier: Nous y travaillons.
M. Balnis: Non, pire. Nous avons reçu la visite d'un très haut fonctionnaire de Transports Canada qui nous a dit que le phénomène de la rage de l'air avait été exacerbé par les médias et qu'il ne pensait pas qu'il fallait faire plus. Nous lui avons poliment dit que ce n'était pas une bonne stratégie. Toutefois, comme le ministère a vu que les médias s'intéressaient moins à cette question, il considère peut-être que la rage de l'air n'est pas un problème, que nous allons progressivement oublier ce qui s'est passé le 11 septembre et que tout finira par rentrer dans l'ordre. Cette complaisance nous désole puisque nous devrions au contraire prendre des mesures préventives.
Nous essayons de trouver des alliés et d'exercer le plus d'influence possible. Il est aussi vrai que Transports Canada a une philosophie très arrêtée en matière de sécurité car il considère qu'il fait bien son travail. Il est assez réfractaire aux idées des autres. Il est même paranoïaque et peu ouvert sur l'extérieur, craignant qu'on ne l'accuse de ne pas avoir prévu le 11 septembre. On fait également face à ce type d'inertie très ancrée.
Le sénateur Meighen: Ces incidents ont-ils été rapportés et répertoriés; avez-vous des informations permettant de déterminer si leur nombre augmente ou demeure stable?
Mme Pelletier: Vous voulez parler des cas de rage de l'air?
Le sénateur Meighen: Oui.
Mme Pelletier: Il y en a encore.
Le sénateur Meighen: J'en suis sûr, mais observe-t-on une augmentation ou une diminution des incidents, et ceux-ci sont-ils rapportés par écrit?
Mme Pelletier: Oui, tous.
Le sénateur Meighen: Lorsqu'un incident se produit, vous faites un rapport que vous classez quelque part, n'est-ce pas?
Mme Pelletier: Oui, nous disposons d'un formulaire de rapport spécial que nous devons remplir toutes les fois que nous avons affaire à un passager turbulent.
Le sénateur Meighen: L'envoyez-vous à Transports Canada?
M. Balnis: Pas nécessairement. Nous attendons que le ministère mette au point une procédure de rapport. Il existe une proposition d'amendement destinée à établir un formulaire de rapport pour que Transports Canada crée une base de données et que nous fassions le suivi des cas.
Le sénateur Meighen: Où sont envoyés les rapports, actuellement, finissent-ils dans la corbeille à papier?
M. Balnis: C'est le transporteur qui les garde. Il n'y a pas d'exigences relatives à la consolidation des données concernant un transporteur A, B ou C, afin de dégager une tendance pour un transporteur particulier ou voir s'il y a un système. Chaque transporteur a ses propres rapports. Chaque agent de bord prépare un compte rendu de vol dans lequel il décrit en détail les incidents éventuels.
Le sénateur Meighen: Le public a-t-il accès à ces renseignements?
M. Balnis: Non, ces données sont conservées par les compagnies aériennes. Nous espérons que certaines informations essentielles seront consignées dans une base de données centrale pour que nous puissions commencer à analyser certaines questions. Nous espérons que ce sera possible bientôt. Les événements survenus le 11 septembre ont fait voler tout cela en éclat et nous voudrions maintenant recoller les morceaux. Nous voulons réussir du premier coup pour permettre aux transporteurs d'épargner de l'argent et à nos agents de bord d'être formés adéquatement.
Le sénateur Atkins: Si vous deviez choisir le meilleur modèle en matière de procédures de sécurité parmi les différentes compagnies aériennes dans le monde, lequel choisiriez-vous?
Mme Pelletier: Je ne choisirais pas nécessairement celui d'une compagnie aérienne. J'en ai vu plusieurs. Certains sont trop agressifs, d'autres trop spectaculaires. J'aimerais mieux que les services chargés de l'application de la loi forment les agents pour leur apprendre à faire face à des situations du genre et à calmer le jeu. Je préfère le combat verbal. Un des transporteurs aériens qui essaie de mettre en place cette formation veut que les agents apprennent à maîtriser un passager très agressif, par exemple — le combat verbal, l'autodéfense et la façon de mettre les menottes. Ça, c'est autre chose. Il y a des nécessaires d'immobilisations à bord des avions, et on ne nous a jamais appris à nous en servir. Nous surveillons l'évolution de la situation dans différentes compagnies aériennes. Je ne choisirais pas de compagnies en particulier, mais je comparerais différents modules de formation.
Le sénateur Atkins: Mais vous êtes certainement favorable à l'ouverture.
Mme Pelletier: Absolument.
Le sénateur Smith: En ce qui concerne le phénomène de la rage de l'air, est-ce que les transporteurs conservent les données dans un ordinateur et verbalisent ensuite les personnes qui se sont montrées agressives?
M. Balnis: Oui, c'est ce qu'ils font, et l'Office des transports du Canada le leur permet, tant que c'est clairement précisé dans leurs tarifs. Dans la plupart des cas, ce droit a été confirmé. Récemment, il y a eu un cas où le processus a avorté parce que la compagnie aérienne ne l'avait pas clairement spécifié. Tant que le public est informé, que c'est indiqué dans la petite partie imprimée au verso du billet et que c'est raisonnable, l'Office canadien des transports le permet, ce dont nous nous félicitons, puisque c'est vraiment utile.
Le sénateur Smith: Lorsque le sénateur Meighen vous a demandé quel changement devrait être fait, vous avez parlé de formation. Vous travaillez chez Air Canada depuis tout ce temps, n'est-ce pas?
Mme Pelletier: C'est exact.
Le sénateur Smith: Parlons un peu d'Air Canada. Les dernières années ont été difficiles sur le plan financier. La société a tout de même affiché un bénéfice trimestriel, il n'y a pas longtemps, et je suis certain que les employés en étaient ravis.
Laissons le gouvernement de côté pendant quelques minutes.
Quel est le moteur de cette résistance? Par exemple, est-ce que le seul facteur pris en considération pour le programme de formation est le coût?
Mme Pelletier: Avant le 11 septembre, c'était une question de coût. Depuis le 11 septembre, c'est une question de priorité. S'il n'y a pas de date limite pour former tous les agents de bord, je ne sais pas si le transporteur le fera s'il n'y est pas forcé. Et, comme l'a expliqué Richard un peu plus tôt, les transporteurs manifestent une certaine réticence à donner la formation parce que toute la formation fournie par un transporteur doit être approuvée par Transports Canada. Donc, s'ils préparent un programme de formation et qu'ils le soumettent, Transports Canada ne peut pas l'approuver parce qu'aucune base n'a été définie pour l'approbation de pareils programmes. Ils hésitent donc à donner de la formation. Lorsque Transports Canada sera prêt et qu'il aura élaboré une norme de formation, il n'est pas dit que la formation offerte par les transporteurs aériens satisfera nécessairement à cette norme. C'est pourquoi ils hésitent. Nous faisons vraiment tout ce que nous pouvons pour qu'ils donnent cette formation. J'ai d'ailleurs commencé à travailler avec Air Canada à mettre sur pied un programme de formation, mais cela prend du temps et c'est aussi une question de priorité.
D'autres genres de programmes de formation sont donnés. Par exemple, on a récemment offert une formation de trois jours à propos d'un nouveau genre de produit. Cette formation a en quelque sorte éclipsé la formation sur la sécurité.
Le sénateur Smith: Pour qu'un transporteur puisse obtenir son permis, je suppose que ses pilotes doivent répondre à certaines exigences, qu'ils doivent réussir certains examens ou tests par exemple?
Mme Pelletier: Nous aussi.
Le sénateur Smith: Quelles sont les exigences en ce qui concerne les agents de bord?
Mme Pelletier: Chaque année, nous devons suivre une formation et répondre à la norme de formation élaborée par Transports Canada. Les transporteurs aériens doivent respecter la norme, qui peut être modifiée tous les ans. Cette année, nous enseignerons aux agents de bord comment amerrir à l'aide d'un vrai radeau. L'année prochaine, nous leur enseignerons comment éteindre un feu en simulant un véritable incendie et nous parlerons un peu des premiers soins. De petits changements peuvent être apportés à la formation. En ce moment, nous préparons la formation annuelle de 2003. Lorsque l'élaboration du programme de formation est terminée, il faut obtenir l'approbation de Transports Canada, qui doit confirmer que toutes les exigences de la norme de formation sont satisfaites. Cependant, rien n'est prévu pour la formation sur la sécurité.
Le sénateur Smith: Croyez-vous que Transports Canada contrôle cette formation? Êtes-vous au courant?
Mme Pelletier: C'est la raison pour laquelle nous y participons, pour que la formation réponde aux exigences. Les transporteurs répondent aux exigences de la norme de formation conformément aux règlements canadiens de l'aviation en vigueur, mais il n'existe aucune exigence en matière de formation sur la sécurité.
M. Balnis: La formation donnée en matière de sécurité est vraiment minimale. Elle est décrite à l'annexe 8 des mesures de sécurité que doivent prendre les transporteurs aériens; et les services de sécurité ont entrepris la mise à jour de ces mesures parce qu'ils se rendent compte que celles-ci reflètent les conditions qui existaient dans les années 70 et qu'elles ne tiennent pas compte des nouvelles réalités du XXIe siècle. Nous attendons donc que ces mesures soient mises à jour. Ensuite, les deux transporteurs mettront leurs mesures en commun, et il est à espérer qu'ils réussiront à le faire.
Le sénateur Smith: Le SCFP a-t-il une opinion au sujet du principe? Avant votre témoignage, nous avons entendu celui de la vérificatrice générale. Il a été surtout question de la surtaxe de sécurité de 12 $ et de toutes les recettes qu'elle produit. Si l'on multiplie le montant de 12 $ par les quelque 100 millions de personnes qui prennent l'avion chaque année au pays, on obtient plus d'un milliard de dollars par année. Selon vous, qui devait être responsable de cette formation? Transports Canada devrait-il établir une école de formation financée en partie par le produit de la surtaxe? Il pourrait ainsi répondre aux besoins en matière de sécurité. Croyez-vous au contraire que les transporteurs aériens devraient assumer seuls cette responsabilité? En êtes-vous arrivés à une prise de position qui ferait en sorte que tous les agents de bord reçoivent une formation convenable en matière de sécurité? Est-ce qu'une partie des recettes de la surtaxe pourrait être affectée à l'établissement d'une école de formation? A-t-on pensé à quelque chose du genre?
M. Balnis: J'aimerais répondre à cette question. L'enquête du juge Moshansky sur l'écrasement d'un appareil d'Air Ontario à Dryden a entre autres mené à l'adoption d'une norme de formation améliorée pour les agents de bord, une norme de Transports Canada à acquérir. Comme France l'a expliqué, les transporteurs aériens respectent cette norme. C'est la voie à suivre.
Il faudrait renforcer ces aspects - soit la formation en matière d'indiscipline des passagers et de sécurité - qui deviendraient alors les normes que doivent respecter les transporteurs. Les attentes seraient ainsi uniformes et identiques pour tous. Les transporteurs formeraient leur personnel de bord pour qu'il réponde à ces exigences. S'il y avait des coûts additionnels...
Le sénateur Smith: Donc, selon vous, les transporteurs devraient fournir cette formation.
M. Balnis: Oui. Ils pourraient le faire dès maintenant.
Mme Pelletier: Ils ont les installations de formation requises.
M. Balnis: Les simulateurs.
Le sénateur Smith: Air Canada le ferait, mais je ne sais pas si ce serait le cas de Bearskin, par exemple.
M. Balnis: Non. Ils le font. Nos agents de bord de Calm Air, de Cathay Pacific, de FirstAir et d'Air Transat reçoivent tous de la formation du transporteur. Je crois que si le transporteur demandait de l'aide en expliquant qu'il doit donner deux jours de formation de plus à son personnel, nous ne nous y opposerions pas. Il ne s'agit pas vraiment d'une responsabilité de l'ACSTA, mais certaines obligations sont prévues par la loi. Il y a d'abord eu les contrôles de sécurité, puis les policiers des airs. Deux responsabilités supplémentaires ont été ajoutées, et il faut peut-être discuter du financement de ces nouvelles mesures.
Toutefois, puisque les contrôles de sécurité ne font plus partie des responsabilités des transporteurs, leurs obligations ont été réduites de 100 millions de dollars. Mais, vous avez probablement raison, les temps sont difficiles pour les transporteurs de tous les coins du monde, y compris pour ceux du Canada. Nous sommes bien placés pour le savoir. Nous sommes en train de négocier une convention collective avec Air Canada, qui vit une période difficile. La surtaxe de 12 $ pourrait peut-être servir à payer la formation additionnelle requise. Nous ne rejetons pas cette possibilité, pourvu que la formation soit offerte.
Le sénateur Smith: Savez-vous si des pays ont adopté cette voie?
Mme Pelletier: Si des pays forment leurs agents de bord?
Le sénateur Smith: Si des pays financent cette formation ou s'ils ont établi des exigences en matière de formation de sécurité pour les agents de bord dans le cadre de l'octroi de licences?
M. Balnis: Vous voulez savoir si un gouvernement a débloqué des fonds supplémentaires pour la formation additionnelle exigée par les événements du 11 septembre? Je ne sais pas. Je ne le sais vraiment pas.
Mme Pelletier: Un des obstacles que je dois surmonter chez Air Canada en ce qui concerne la formation, c'est que certains volets de la formation durent trois jours, d'autres, quatre jours et d'autres encore, deux jours. Air Canada aimerait ramener cette durée à une demi-journée ou à une seule journée. C'est bien de parler de formation, mais nous devons tenir compte de la valeur réelle et de la pertinence de cette formation.
Il serait sensé de verser des fonds additionnels au transporteur pour qu'il fournisse la formation adéquate. Mais je ne connais pas de pays qui a de telles exigences et qui finance...
Le sénateur Smith: Il n'y a pas un seul transporteur aérien qui pourrait en quelque sorte servir de modèle?
Mme Pelletier: Il y a British Airways.
M. Balnis: Après les événements du 11 septembre, notre syndicat affilié aux États-Unis a manifesté pour obtenir une meilleure formation. Donc, les modèles américains ne sont pas très bons.
Il existe peut-être d'autres modèles à l'étranger, mais nous tentons de mettre en place des mesures spécifiques au Canada, à l'Amérique du Nord. Jusqu'à maintenant, nous n'y sommes pas arrivés. Transports Canada a embauché des conseillers qui ont examiné les modèles de sécurité d'Israël, de l'Allemagne et de l'Angleterre. Ils en sont venus à la conclusion que ces modèles étaient adaptés aux trois cultures en question et que le modèle du Canada devrait être différent. Je ne sais pas combien on a payé ces conseillers, mais à la fin de leur analyse, nous leur avons demandé ce qui conviendrait au Canada, et ils n'avaient pas de réponse à nous donner. C'est un grave problème. On peut analyser les modèles existants et en choisir une composante ici, une autre là. C'est la raison pour laquelle nous avons établi notre programme en 54 points: pour essayer de répondre à cette question et pour tenir compte de toutes ces pratiques. On ne peut pas simplement affirmer que tel ou tel transporteur est le meilleur et que nous devons adopter ses pratiques puisque, malheureusement, ils n'ont pas tous ce qu'il y a de mieux.
Le président: Le sénateur Banks a une brève question supplémentaire à ce sujet.
Le sénateur Banks: À laquelle vous pouvez répondre par oui ou par non, monsieur Balnis. Si je vous ai bien compris, si Air Canada met sur pied un programme de formation crédible de deux jours pour les agents de bord, le SCFP serait d'accord pour que les agents de bord suivent cette formation sans qu'Air Canada n'ait à en assumer les coûts?
M. Balnis: Si les transporteurs démontrent que ces coûts additionnels résultent des exigences mises en place à la suite des événements du 11 septembre, nous pourrions envisager une telle possibilité. Il ne faudrait pas qu'ils s'attendent à ce que la formation annuelle habituelle d'un jour ou deux soit payée par le gouvernement. Mais, s'ils affirmaient devoir former leurs agents de bord pour que ceux-ci connaissent mieux les mesures relatives à la sécurité et à l'indiscipline des passagers, et s'il fallait choisir d'offrir la formation ou de ne pas l'offrir, je crois que nous aurions déjà entamé les discussions avec Air Canada. Nous ne sommes pas opposés à cette idée. Nous agissons rarement ainsi, mais dans ce cas, puisque la formation est une si grande priorité, nous le ferions. Comme je le disais, nous n'agissons pas souvent de la sorte, mais nous sommes d'accord avec l'idée et nous tentons de nous faire des alliés.
Le sénateur Wiebe: Si j'étais embauché à 19 ans comme agent de bord chez Air Canada, quelle serait la durée de ma période de formation avant que je puisse commencer à travailler?
Mme Pelletier: Cinq semaines.
Le sénateur Wiebe: Je suppose que vous y avez déjà pensé, mais quelle devrait être la période de formation de ce même agent de bord pour qu'il puisse reconnaître une bombe ou un cas de rage de l'air? Quel genre de programme avez-vous envisagé?
Mme Pelletier: Pour simplement savoir repérer un terroriste potentiel parmi les passagers ou pour obtenir une formation complète?
Le sénateur Wiebe: Une formation complète. Vous avez dit que l'un des plus grands besoins à combler était la formation.
Mme Pelletier: Oui.
Le sénateur Wiebe: Je ne crois pas beaucoup à la formation complémentaire d'une demi-journée, d'une journée ou de deux jours. Pour être honnête, je crois que c'est une perte de temps et que la formation fournie n'est pas adéquate. Je crois qu'un cours complet de recyclage d'une durée assez longue devrait être donné ou que la formation de base devrait être fournie dès l'entrée en fonction. Quelle devrait être la durée de cette formation?
Mme Pelletier: C'est une excellente question. Les meilleurs cours de formation que j'ai vus — ils étaient offerts à des personnes qui suivaient le cours pour la première fois — durent cinq jours environ.
Le sénateur Wiebe: Vous sentiriez à l'aise dans vos fonctions après une formation de cinq jours?
Mme Pelletier: Je me sentirais beaucoup plus à l'aise et beaucoup plus apte à faire face à de telles situations.
Le sénateur Wiebe: Les agents de bord doivent-ils passer des examens ou des tests de qualification?
Mme Pelletier: En ce moment, nous devons obtenir une note de 100 p. 100 lors de notre formation annuelle. Donc, je crois qu'il faudrait qu'il y ait un examen ou des exercices pratiques. Nous faisons de tels exercices à l'aide de simulateurs. Nous reconstituons des incendies et du bruit; les simulateurs bougent et ainsi de suite. J'opterais pour les exercices pratiques et les méthodes d'utilisation des dispositifs de contention. Nous avons de l'équipement à bord; on doit nous enseigner comment nous protéger. On doit nous enseigner à avoir confiance en nous.
Le sénateur Wiebe: En ce qui concerne le syndicat, que se passerait-il si nous obtenions ce que nous voulons, c'est-à- dire une période de formation de cinq jours? Que se passerait-il si un agent de bord à l'emploi d'un transporteur depuis dix ans ne réussissait pas cette formation? Qu'adviendrait-il de cette personne?
Mme Pelletier: Actuellement, lorsqu'un agent de bord n'obtient pas une note de 100 p. 100 à l'examen, qu'il a commis deux ou trois fautes, il doit le reprendre. S'il ne répond pas aux exigences d'évaluation du programme lors des exercices pratiques, des exercices à l'aide du simulateur, il doit refaire l'exercice. S'il ne réussit toujours pas après un deuxième essai, il peut suivre une autre formation. S'il échoue une fois de plus, s'il ne répond pas aux exigences, il n'est plus qualifié à titre d'agent de bord.
Le sénateur Wiebe: Il perd donc son emploi?
Mme Pelletier: C'est exact. C'est ainsi que cela se passe.
Le sénateur Forrestall: Qui, des transporteurs aériens ou du gouvernement, devrait donner cette formation?
Mme Pelletier: Il faudrait selon moi avoir recours à des professionnels qui ont l'habitude de donner ce genre de formation. Nous avons le même débat dans d'autres domaines de formation, par exemple pour le secourisme. La formation en premiers soins devrait être donnée par une personne certifiée par un organisme reconnu en formation de premiers soins. Nous avons toujours certains points à régler à ce sujet avec Transports Canada. Je ne crois pas qu'il suffise de remettre un plan de cours à un agent de bord et de lui demander de donner le cours pour offrir une formation adéquate. Les personnes avec lesquelles j'ai discuté de cette question, surtout dans le secteur du maintien de l'ordre, m'ont confirmé que des personnes étaient spécialement formées pour enseigner comment avoir le dessus dans un échange verbal et comment utiliser des dispositifs de contention, par exemple. Il faudrait que ce soit des professionnels du domaine.
Le sénateur Forrestall: Donc, il faudrait peut-être que des agents d'un corps policier national participent à la formation?
Mme Pelletier: Oui, la GRC ou d'autres agents.
Le sénateur Forrestall: Recevez-vous de la formation en maîtrise de soi?
Mme Pelletier: Non.
Le sénateur Forrestall: C'est très important pour les militaires, les policiers et bien d'autres. Vous ne recevez aucune formation du genre?
Mme Pelletier: On l'acquiert avec le temps, et je suppose qu'il s'agit d'une qualité recherchée lors des entrevues de sélection, mais il n'y a pas de formation du genre.
Le président: Je voudrais vous remercier tous deux d'avoir répondu à notre invitation. Vos témoignages nous ont été très utiles. Nous aurons peut-être d'autres questions à vous poser à une date ultérieure.
Les téléspectateurs qui suivent nos travaux de chez eux peuvent visiter notre site Web, à l'adresse www.sen-sec.ca. Nous y affichons les témoignages, ainsi que le calendrier officiel des séances. Vous pouvez aussi communiquer avec le greffier du comité, au 1-800-267-7362, pour obtenir de plus amples renseignements ou pour entrer en contact avec des membres du comité.
Le comité poursuit ses délibérations à huis clos.