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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 4, Témoignages du 25 novembre 2002


OTTAWA, le lundi 25 novembre 2002

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 17 h 05 pour examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada, et en faire rapport.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude sur la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité par un examen de la question de la sécurité dans les aéroports.

Je m'appelle Colin Kenny. Je suis Ontarien et je préside ce comité.

La personne assise à ma droite est notre vice-président, Mike Forrestall, le distingué sénateur de la Nouvelle-Écosse. Après un début de carrière comme journaliste au Chronicle-Herald de Halifax et comme membre de l'équipe de direction d'une compagnie aérienne, il s'est lancé dans la politique et a été élu une première fois à la Chambre des communes en 1965. Depuis plus de 37 ans, il est au service de la population de Dartmouth, ce qui nous rappelle particulièrement l'importance du 12 Wing Shearwater. Au cours de sa carrière parlementaire, il a suivi les questions de défense, a été membre de divers comités parlementaires et représenté le Canada à l'Association des parlementaires de l'OTAN.

Je vous présente également les autres membres de notre comité.

À mon extrême droite se trouve le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick. Il est titulaire d'un baccalauréat en génie électrique du Collège militaire royal de Kingston, d'un baccalauréat en droit de l'Université Queens et d'une maîtrise en droit de Osgoode Hall. Avant sa nomination au Sénat en 2001, il a fait une brillante carrière d'avocat en exercice privé. Ses centres d'intérêt dans le domaine juridique portent sur le droit des brevets et des marques de commerce et sur les questions liées à la propriété intellectuelle. Au Sénat, il a été membre du Comité des droits de la personne et s'est rendu dernièrement au Costa Rica pour étudier les rouages de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Il est également membre actif de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

À côté de lui se trouve le sénateur Smith, un nouveau membre du comité. Au cours de sa carrière d'avocat, il a fait preuve d'excellence dans le domaine du droit municipal, administratif et réglementaire. Lorsqu'il a été nommé au Sénat, il était président et partenaire de Fraser Milner Casgrain, un des plus gros et des plus vieux cabinets d'avocats du Canada. Au cours des années 70, il a été membre du Conseil municipal de Toronto et a été nommé adjoint au maire en 1976. De 1980 à 1984, il a siégé à la Chambre des communes et a été ministre d'État aux Petites entreprises et au Tourisme.

À côté de lui, c'est le sénateur Atkins, de l'Ontario. Le sénateur Atkins est arrivé au Sénat en 1986 avec un solide bagage de connaissances dans le domaine des communications. Il a également été conseillé auprès de l'ex-premier ministre de l'Ontario, M. Davis. Diplômé en économie de l'Université Acadia, de Wolfville (Nouvelle-Écosse), il a reçu un doctorat honorifique en droit civil en 2000 de son alma mater. Comme sénateur, il s'est intéressé à diverses questions touchant l'éducation et la pauvreté; il est ensuite devenu le champion de la cause des anciens combattants de la Marine marchande canadienne. Il est actuellement président du Caucus conservateur au Sénat et vice-président du Comité de la régie interne et de son Sous-comité du budget.

À côté de lui, c'est le sénateur Cordy, de la Nouvelle-Écosse. Éducatrice accomplie, elle a aussi été très engagée dans l'action communautaire. Elle a été vice-présidente de la Halifax-Dartmouth Port Development Commission et est présidente du conseil d'arbitrage de Développement des ressources humaines Canada pour la région de Halifax. Elle est également membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales qui a publié dernièrement un rapport marquant sur les soins de santé. Elle joue un rôle actif au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN et vient de rentrer d'Istanbul où elle a assisté à des réunions.

À mon extrême gauche se trouve le sénateur Jack Wiebe, de la Saskatchewan. C'est un des citoyens les plus éminents de cette province. Il a été un agriculteur très prospère et il a aussi été membre de l'Assemblée législative de la Saskatchewan. En 1994, il a été le premier agriculteur depuis des années à être nommé lieutenant-gouverneur de la province. Il s'intéresse beaucoup aux Réserves et a été président pour la Saskatchewan du Conseil de liaison des Forces canadiennes.

À côté de lieu, c'est le sénateur Banks, qui est un homme très connu car c'est un de nos artistes les plus accomplis et les plus polyvalents; il est un porte-étendard de la culture canadienne à l'étranger. Lauréat du prix Juno, il s'est fait connaître sur la scène nationale et internationale comme chef d'orchestre ou directeur musical de nombreux événements marquants comme les cérémonies inaugurales des Jeux olympiques d'hiver de 1988. Il habite Edmonton et est un fervent partisan de la Princess Patricia's Canadian Light Infantry.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent ayant pour mandat d'examiner la sécurité et la défense. Au cours des 16 derniers mois, nous avons terminé une étude, qui a duré sept mois, sur les principaux enjeux pour le Canada, à l'issue de laquelle nous avons publié un rapport intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense». Nous avons en outre publié un rapport sur la défense côtière intitulé «La défense de l'Amérique du Nord: Une responsabilité canadienne» et, au cours des quatre dernières semaines, notre comité a publié un autre rapport intitulé «Pour 130 $ de plus... Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes, Une vue de bas en haut».

Le Sénat a demandé à notre comité d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité et la question sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui est celle de la sécurité dans les aéroports. Jusqu'à présent, notre comité a visité les aéroports de Montréal et de Vancouver et a tenu des audiences à Toronto, en juin, et à Ottawa, en août.

Avant de demander aux témoins de s'avancer, nous voudrions faire une courte présentation. J'invite M. Dan Turner à s'avancer vers nous.

Bonjour, Dan. Au nom du comité, je voudrais vous remettre la Médaille du Jubilé de la Reine pour le travail que vous avez accompli pour le comité. Il est très apprécié. Nous y joignons un certificat et un livret d'instructions sur le port de la médaille. Toutes nos félicitations.

Des voix: Bravo!

Le président: Le comité apprécie beaucoup le travail que vous avez accompli et tient à vous rendre hommage.

M. Dan Turner: C'est le premier prix que je reçois depuis que j'ai terminé mes études secondaires.

Je vous remercie infiniment.

Le président: J'invite maintenant les témoins à s'avancer vers la table.

(Jacques Duchesneau, assermenté.)

(Mike Baker, assermenté.)

(Mark Duncan, assermenté.)

Le président: Soyez les bienvenus, messieurs. Notre premier témoin est M. Jacques Duchesneau, président et chef de la direction de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA).

À la suite des événements du 11 septembre, le gouvernement fédéral a créé l'ACSTA le 1er avril 2002 en lui donnant pour mandat de fournir des services de contrôle aux 89 aéroports désignés; il l'a en outre chargée de la responsabilité de l'équipement de détection des explosifs et de la mise en oeuvre du programme des «policiers de l'air». Le 5 novembre, deux nouvelles responsabilités ont été ajoutées aux précédentes: le système des laissez-passer pour les employés des aéroports et le contrôle des autres personnes que des passagers qui ont accès aux zones réglementées.

Soyez les bienvenus.

Veuillez nous présenter votre collègue, puis vous pourrez faire votre exposé.

M. Jacques Duchesneau, président et chef de la direction de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien: Je vous présente M. Mark Duncan, qui est vice-président des Opérations de l'ACSTA et M. Mike Baker, vice- président de la Gestion générale. M. Duncan et M. Baker sont deux personnes qui ont une connaissance approfondie et une longue expérience du transport aérien au Canada puisqu'à eux deux, ils ont travaillé pendant plus de 60 ans pour Transports Canada.

[Français]

Merci beaucoup de nous avoir invités aujourd'hui. Je voudrais féliciter le président et les membres du comité pour l'énorme travail qu'ils accomplissent relativement aux questions de sécurité aérienne.

En fait, à l'examen des recommandations contenues dans votre rapport de juin 2000, en particulier celle relative à la fouille au hasard de membres de la collectivité aéroportuaire au moment d'entrer dans une zone réglementée, je suis heureux de constater que le ministre des Transports a récemment confié cette responsabilité à l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. L'ACSTA a entrepris des consultations auprès des intervenants sur cette question. Je suis convaincu que nous partageons tous le même but, soit d'avoir le système de transport aérien le meilleur, le plus sûr au monde et qui assure la sécurité des Canadiens.

Ce n'est que tout récemment que j'ai été nommé président et chef de la direction de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Toutefois, c'est en avril 2002 que l'administration a entamé ses activités. De fait, depuis ses débuts, l'ACSTA a été habilement dirigée par son président, M. Brian Flemming. Il avait l'énorme responsabilité de mettre sur pied une nouvelle société d'État à partir de zéro. Il a dû trouver des bureaux, embaucher du personnel et jeter immédiatement les bases de l'ACSTA pour qu'elle puisse commencer à s'acquitter de son mandat. Grâce à M. Flemming, nous avons pu accomplir autant de choses en si peu de temps. Je tiens à le remercier d'avoir mis en place cette organisation professionnelle.

Je tiens à souligner que le Canada possède l'un des meilleurs systèmes d'aviation civile au monde avec un dossier enviable au chapitre de la sécurité et de la sûreté. L'ACSTA tire profit des mesures déjà prises par Transport Canada et nos partenaires de l'industrie du transport aérien.

Les événements du 11 septembre 2001 ont forcé tous les pays à réévaluer leurs mesures de sûreté aérienne et à mettre en place des initiatives de sûreté plus complètes et ayant une plus grande portée. Par exemple, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement du Canada est intervenu immédiatement en fournissant un investissement initial de 55,7 millions de dollars pour l'achat de systèmes de détection d'explosifs devant être déployés dans tous les aéroports; 35 millions de dollars sur deux ans pour aider les compagnies aériennes à couvrir les coûts associés aux modifications de sûreté apportées aux aéronefs existants; 20 millions de dollars pour des services de police et de sûreté accrue aux aéroports; 10 millions de dollars pour la mise en oeuvre immédiate d'amélioration aux pratiques de contrôle et la présence d'agents de la GRC armés à bord de tous les vols à destination de l'aéroport Reagan National. L'ACSTA va continuer de bâtir sur les mesures qui ont déjà été prises.

Les experts en matière de sûreté nous disent qu'aucune mesure de sûreté n'est infaillible parce que les différents secteurs d'un aéroport sont vulnérables à différents types de risque. Vous avez entendu la même chose lors de vos délibérations. On ne pourra jamais éliminer la possibilité d'événements imprévisibles ou d'attentats terroristes en particulier, dans une société aussi ouverte, libre et diversifiée que la nôtre. Je crois qu'avec le mandat de l'ACSTA, nous pouvons grandement réduire notre vulnérabilité aux attentats terroristes avec le temps. À cet égard, notre mandat a récemment été élargi afin d'inclure l'élaboration d'un système national de laissez-passer amélioré et l'accroissement des contrôles du personnel des aéroports.

Avant d'élaborer sur ces deux nouvelles responsabilités, il serait bon de faire un bref rappel du mandat initial de l'ACSTA et des progrès que nous avons réalisés.

[Traduction]

L'ACSTA est chargée d'assurer de façon efficace et efficiente des services de contrôle aux 89 aéroports désignés, à savoir le contrôle préembarquement des passagers et de leurs effets personnels. Avant le 11 septembre 2001, le contrôle préembarquement était sous la responsabilité des compagnies aériennes. Elles accordaient des contrats à des entreprises de services de sécurité du secteur privé pour le contrôle des passagers aux aéroports.

Depuis la création de l'ACSTA, nous avons remboursé les compagnies aériennes pour les coûts du contrôle préembarquement. Ce nouveau financement représente une augmentation de 78 p. 100 par rapport aux dépenses des compagnies aériennes pour l'année dernière.

En prévision du 31 décembre 2002, date où elle assumera l'entière responsabilité du contrôle préembarquement, l'ACSTA a mis en place un programme de formation poussée pour les 3 000 agents de contrôle du pays. Cette formation sera complétée d'ici quelques semaines. De plus, l'ACSTA a conçu un nouveau programme de formation et de certification à plusieurs niveaux pour tous les agents de contrôle. Ce programme sera mis en place à partir du 1er janvier 2003.

Le deuxième volet de notre mandat est l'acquisition, l'exploitation et l'entretien des systèmes de détection d'explosifs aux aéroports. En plus du déploiement et de l'installation de l'équipement acheté grâce à l'investissement initial de 55 millions de dollars fait par Transports Canada, l'ACSTA procède actuellement au déploiement et à l'installation de systèmes de détection d'explosifs d'une valeur de 100 millions de dollars à tous les principaux aéroports. Cet investissement initial de 100 millions de dollars a été fait dans le cadre de l'engagement qu'a pris le gouvernement de consacrer 1 milliard de dollars sur cinq ans pour des systèmes de détection d'explosifs. Et de fait, les honorables sénateurs ont peut-être vu certains de ces équipements lors de leurs déplacements.

Des appareils capables de détecter des traces de divers types d'explosifs ont été installés à la plupart des points de contrôle préembarquement aux aéroports canadiens. De plus, des systèmes de détection d'explosifs pour les bagages de soute ont été installés à de nombreux aéroports. Afin de faciliter l'intégration continue de ces appareils dans le système complexe de contrôle des bagages aux aéroports, l'ACSTA a élaboré des lignes directrices pour leur déploiement et leur installation. Tous les efforts sont mis en oeuvre pour satisfaire aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) d'ici le 1er janvier 2006.

Le troisième volet de notre mandat sont les contributions fédérales pour les services de police aux aéroports. L'ACSTA établit actuellement des ententes avec certains aéroports, en vertu desquels elle versera des contributions à l'égard des coûts des services de police reliés à la sûreté aérienne.

Le quatrième volet est le Programme de protection des transporteurs aériens canadiens: en collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada et Transports Canada, l'ACSTA agit à titre de gestionnaire de ce programme. Il a été mis en place afin de couvrir tous les vols à destination de l'aéroport international Reagan et a depuis été élargi afin de couvrir d'autres vols intérieurs, transfrontaliers et internationaux, selon une évaluation des risques.

Des progrès significatifs ont été accomplis dans l'élargissement de ce programme, qui devrait être entièrement opérationnel d'ici la fin de 2004.

À titre de gestionnaire de programme, l'ACSTA est chargée du financement, de la vérification et de l'évaluation de ce programme. Ces quatre secteurs de responsabilités représentent les principaux éléments du mandat de l'ACSTA, tel que défini dans la loi.

J'aimerais maintenant présenter brièvement les deux nouvelles responsabilités récemment attribuées à l'ACSTA par le ministre des Transports, l'honorable David Collenette, afin d'accroître la sûreté du transport aérien.

Comme je l'ai mentionné précédemment, l'ACSTA est chargée de concevoir et de mettre en oeuvre un système permettant le contrôle aléatoire des non-passagers qui pénètrent dans les zones réglementées en passant ailleurs que par les points de contrôle aux principaux aéroports canadiens. Le contrôle va s'appliquer au personnel des compagnies aériennes, aux employés de l'aéroport, aux avitailleurs, aux peintres et au personnel d'entretien. L'ACSTA aura la responsabilité d'administrer le programme, de former le personnel de contrôle et d'acheter, déployer, exploiter et entretenir tout l'équipement de contrôle. L'ACSTA va travailler avec Transports Canada et les autres intervenants de l'industrie afin d'élaborer les paramètres de ce système amélioré avant la mise en oeuvre du programme.

L'autre nouvelle responsabilité assignée à l'ACSTA consiste à élaborer et à mettre en oeuvre un système amélioré de laissez-passer pour zones réglementées pour les non-passagers, qui va permettre de contrôler l'accès aux zones réglementées aux principaux aéroports canadiens. Ce système va recourir à une base de données qui servira à la délivrance, la vérification, l'annulation et le suivi des laissez-passer pour zones réglementées. Le programme utilisera des techniques biométriques, auxquelles je crois s'est intéressé le comité.

À l'heure actuelle, les laissez-passer sont délivrés par chacune des administrations aéroportuaires sur l'approbation de Transports Canada, à la suite de vérifications approfondies des antécédents par la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité.

Avant de conclure, je crois comprendre que les honorables sénateurs voulaient que je traite de la question du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Comme vous le savez, l'ACSTA n'établit pas, n'administre pas et ne perçoit pas ce droit. Notre financement provient du Trésor. En fait, le ministre des Finances a récemment annoncé son intention d'inviter les parties intéressées à faire part de leurs observations concernant le droit. Cela fera partie des consultations budgétaires. C'est pourquoi il ne serait pas indiqué que je fasse des commentaires à ce sujet. En ce qui a trait aux futures responsabilités de l'ACSTA, il s'agit d'une décision d'orientation qui devra être prise par le ministre des Transports. Nous nous efforçons actuellement d'exercer les rôles qui nous sont dévolus, dans le cadre des crédits budgétaires fédéraux actuels. Nous allons continuer de travailler en étroite collaboration avec Transports Canada afin de nous adapter à un environnement en évolution.

[Français]

Mon équipe et moi serons heureux de répondre à vos questions au sujet du mandat de l'ACSTA et/ou de ses plans actuels ou futurs.

[Traduction]

Le président: À propos de votre dernier commentaire, quant à l'opportunité de faire des commentaires sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, je signale que nous nous attendons à ce que vous en fassiez sur certains aspects de ce droit. Nous vous poserons des questions à ce sujet.

Le sénateur Banks: Étant donné que le ministre des Finances a demandé que l'on fasse des commentaires sur toutes les questions qui ont un rapport avec le budget, comme chaque année, pourriez-vous dire comment vous est venue l'idée qu'il ne serait pas indiqué que vous fassiez des commentaires sur un droit qui assure indirectement le financement des dépenses de votre organisme? Vous n'êtes pas devant un tribunal. Ce n'est pas comme si vous étiez au tribunal où il pourrait être inopportun de répondre à des questions sur les fonds. Nous comptons vous poser des questions à ce sujet et nous nous attendons à ce que vous y répondiez.

M. Duchesneau: Je comprends votre point de vue, sénateur, mais le budget de l'ACSTA lui a été accordé par le gouvernement. Je ne pense pas qu'il soit indiqué que je fasse des commentaires sur le droit, sur son montant ou sur la méthode de perception. Cela ne fait pas partie de notre mandat. Notre mandat est de veiller à ce que nous ayons les fonds nécessaires et à s'assurer — et il est très précis à ce sujet — que les Canadiens puissent prendre l'avion au Canada dans des conditions où toutes les mesures de sécurité qui s'imposent ont été prises pour assurer leur sécurité.

Je pense que la personne la plus apte à répondre à cette question est le ministre des Finances lui-même. Comme je l'ai mentionné, l'ACSTA n'intervient nullement dans l'établissement du droit. Notre seul rôle est de veiller à ce que les mesures de sécurité soient mises en oeuvre.

Le sénateur Banks: Une des questions qui nous préoccupe, bien entendu, est la capacité de déterminer le montant réclamé aux voyageurs chaque fois qu'ils prennent l'avion et le montant dépensé. D'après la façon dont ce droit a été présenté aux Canadiens, un lien devrait exister entre ces deux montants. Je sais que le gouvernement n'aime pas les taxes ciblées. Je sais que ce n'est pas une taxe et que les sommes récoltées sont versées au Trésor. Je sais que les fonds que vous recevez viennent du Trésor; cependant, compte tenu de la façon dont la question a été présentée aux Canadiens, il devrait y avoir un lien entre les deux.

Permettez-moi de formuler ma question autrement. Dans le dernier budget, on a réservé 2,2 millions de dollars pour toutes ces questions de sécurité. Votre organisme a-t-il reçu les fonds nécessaires pour accomplir sa tâche? Êtes-vous satisfaits des fonds que vous recevez? J'apprécierais que vous mentionniez, ne fût-ce que brièvement, comment vous faites votre demande de fonds et qui décide si vous les obtenez. J'aimerais que vous expliquiez la nature du lien entre vous, le ministère des Transports et les sommes dépensées. Le ministère des Transports a déjà fait des dépenses dans ce domaine et vous aussi.

Où est la ligne de démarcation? Où y a-t-il chevauchement? Obtenons-nous le meilleur rapport qualité-coût ou sommes-nous en train de patiner?

M. Duchesneau: Nous avons présenté un plan général portant sur une période de cinq ans au ministre. Au cours de ces cinq années, nous avons besoin d'un budget de 2,2 milliards de dollars. Au cours de la première année, le budget prévu était de 416 millions de dollars. Nous ne dépenserons que 323 millions de dollars cette année pour la formation ainsi que pour le contrôle préembarquement. La majeure partie du budget est destinée à l'achat d'équipement. Cependant, sur une période de cinq ans, nous dépenserons les 2,2 milliards de dollars. Vous avez demandé si nous avions actuellement suffisamment de fonds. Eh bien, nous en avons assez pour établir un système de sécurité très complet pour les passagers canadiens.

Le sénateur Banks: Pour employer le langage courant, dépensez-vous moins de fonds que vous n'en aviez demandés parce que vous n'avez pas pu obtenir ce que vous demandiez ou parce que vous n'avez pas encore mis en place les dispositifs nécessaires pour dépenser ces fonds à bon escient?

M. Duchesneau: Même si nous avons un budget, notre tâche consiste à bien le gérer. Nous avons acheté de l'équipement neuf. Nous en avons acheté pour tous les aéroports et Mark Duncan est en mesure de répondre à des questions précises à ce sujet. Je pense qu'avec 323 millions de dollars cette année, nous pourrons répondre à tous les besoins précis et nous acquitter de notre mandat comme il se doit.

Le sénateur Banks: En ce qui concerne la façon de procéder, pensez-vous que les voyageurs canadiens — et nous sommes de grands voyageurs — aient le droit de prendre des décisions en connaissance de cause sur leurs voyages et que, pour cela, ils doivent être bien informés sur la nature de la sécurité dans les aéroports et les avions qu'ils prennent?

M. Duchesneau: Vous devez avoir vu dans les notes biographiques que j'ai été chef de police. Je pense que nous devons être transparents. Les Canadiens doivent savoir ce que nous faisons de leur argent mais nous ne pouvons pas donner des informations qui permettraient aux malfaiteurs de déjouer nos tactiques. Je pense que les Canadiens sont bien informés. Nous devons être très transparents. Le ministre des Transports examine nos activités. Nous avons un comité de vérification. Nous avons un conseil d'administration. Les membres du conseil d'administration de l'ACSTA représentent globalement 300 années d'expérience dans le secteur des transports. J'ai eu une réunion avec eux la semaine dernière et je vous garantis qu'ils sont capables de poser des questions pertinentes. Ce sont des professionnels et je pense que, du ministre au plus petit employé, nous tenons à mettre en place un système très efficace de transport aérien.

Le message que le ministre m'a communiqué quand je l'ai rencontré est très clair: nous devons nous assurer que les Canadiens se sentent en sécurité, qu'ils aient l'impression qu'il n'y aura aucun problème pendant leur voyage; par conséquent, nous nous efforçons de faire disparaître la crainte de l'avion. Je pense que les passagers ne devraient avoir aucune crainte lorsqu'ils embarquent dans l'avion. Nous nous efforçons de faire disparaître cette crainte. J'ai comparé les systèmes en place dans divers pays et je vous garantis que notre système de sûreté aérienne est très efficace.

Le sénateur Banks: Êtes-vous convaincu que l'on a mis en place des dispositifs dont les malfaiteurs n'ont pas connaissance?

M. Duchesneau: Je l'espère. Quand on est dans une position comme la nôtre, il ne faut pas raisonner comme un expert en sécurité mais il faut se mettre dans la peau d'un terroriste. Les dispositifs que nous mettons actuellement en place devront être améliorés en 2003. C'est inévitable. Il faut toujours être un peu en avance sur le terroriste. Nos dispositifs doivent dissuader ceux qui seraient animés de mauvaises intentions.

Le sénateur Banks: Tous les passagers qui embarquent sont fouillés une fois, voire deux ou trois fois, et doivent présenter une pièce d'identité qui est l'équivalent dans ce cas d'un laissez-passer pour le personnel côté piste. Vous avez mentionné dans vos observations liminaires que vous aviez recommandé que l'on procède à la fouille au hasard du personnel des aéroports. Je pense que nous nous sommes plaints du fait que l'on procède à un contrôle et à la fouille de tous les passagers alors que le personnel aéroportuaire n'y est généralement pas soumis. Je pense que nous avons précisé que s'il y est soumis, c'est de façon aléatoire et que ce n'est pas suffisant.

Vous avez mentionné que cette responsabilité a maintenant été ajoutée à vos autres responsabilités, c'est-à-dire que la sécurité en ce qui concerne le personnel des aéroports, le personnel d'entretien des avions, les avitailleurs, les bagagistes et autres employés qui ont au moins autant l'occasion, voire davantage, s'il s'agissait de malfaiteurs, d'avoir accès aux appareils et aux zones situées au-delà du périmètre de sécurité.

Dans quelle mesure assure-t-on cette sécurité? Quel pourcentage des employés des aéroports font l'objet d'une fouille lorsqu'ils arrivent au travail, comme moi, lorsque je prends l'avion?

M. Duchesneau: C'est une très bonne question à laquelle il est toutefois très difficile de répondre.

Le sénateur Banks: Non. Vous pourriez dire «Tous». Ce serait une bonne réponse.

M. Duchesneau: Oui. On peut effectivement fouiller les employés pendant trois jours, puis décider de ne plus le faire pendant deux ou trois jours. C'est une des méthodes utilisées. Quand on dit à quelqu'un qu'il fera l'objet d'une fouille une fois par mois, si la fouille a eu lieu aujourd'hui, ça ne veut pas dire qu'il n'y en aura plus d'ici la fin du mois.

Je pense que le contrôle aléatoire présente des avantages. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une industrie. Nous tenons à ce que cette industrie reste en affaires. Nous pouvons faire des contrôles quotidiens systématiques mais ce serait très coûteux. Il faut donc adopter une approche très dosée.

Le sénateur Banks: Personne n'a demandé quel serait le coût de la fouille systématique des passagers. Nous avons décidé que c'était nécessaire, quel qu'en soit le coût, et nous avons dit comment on le financera.

Pensez-vous que des fouilles aléatoires des passagers seraient une bonne solution et qu'elles assureraient un niveau de sécurité acceptable?

M. Duchesneau: C'est beaucoup plus facile en ce qui concerne les passagers parce qu'ils viennent d'un point pour se rendre à un autre. Ils viennent du comptoir, passent par le contrôle préembarquement, puis montent dans l'avion alors qu'un employé, lui, doit se déplacer partout dans l'aéroport ou sur le territoire de l'aéroport. Nous avons entamé des consultations avec les autorités aéroportuaires et les compagnies aériennes. Nous voulons adopter une approche bien dosée et assurer une sécurité accrue.

Nous améliorerons notre système avec le temps. Nous ne déciderons pas nécessairement d'ici un an de faire une fouille systématique. Ce ne sera peut-être pas nécessaire. Nous devons éviter de transmettre un message négatif aux passagers en poussant la sécurité à l'extrême; les passagers pourraient en conclure, juste avant d'embarquer, qu'il y a un réel danger. C'est exactement ce que je veux dire quand je parle d'approche bien dosée. Nous devons collaborer avec nos partenaires et avec les intervenants pour garantir la meilleure sécurité possible.

Le sénateur Forrestall: Je ne suis pas beaucoup plus informé qu'il y a 15 minutes. Vous pensez peut-être que ça n'a pas beaucoup d'importance.

Nous voulons savoir — et les Canadiens aussi — si les fonds perçus sont réinvestis dans la sécurité. Comment pouvons-nous le savoir?

M. Duchesneau: Le ministre Collenette doit témoigner la semaine prochaine et c'est lui qui serait le plus apte à répondre à cette question, puisqu'il a participé aux discussions au cours desquelles le budget de l'ACSTA a été établi.

Le sénateur Forrestall: Savez-vous combien de voyages en avion font les Canadiens en une année?

M. Duchesneau: Environ 80 millions.

Le sénateur Forrestall: Combien sont des voyages aller-retour?

M. Mark Duncan, vice-président, Opérations, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien: Le nombre de personnes qui embarquent dans un avion et en débarquent s'élève à 80 millions. On peut donc dire que l'on fait 80 millions de voyages.

Le sénateur Forrestall: Quel montant cela représente-t-il?

M. Duncan: Le nombre de départs est de 40 millions. Dans le secteur des aéroports, on compte généralement les allers-retours.

Le sénateur Forrestall: Ces fonds sont-ils destinés uniquement à la sécurité? Quel montant pensez-vous que l'on perçoit?

M. Duchesneau: Je ne suis pas apte à répondre à cette question.

Le sénateur Forrestall: Vous êtes chargé de faire le nécessaire pour que je me sente en sécurité. N'essayez pas de me faire croire que vous ignorez de quel montant vous disposerez, selon votre plan.

M. Duchesneau: Nous avons présenté un plan pour une période de cinq ans.

Le sénateur Forrestall: Quel chiffre avez-vous indiqué dans ce plan?

M. Duchesneau: Environ 1,9 milliard de dollars.

Le sénateur Forrestall: Comment êtes-vous sûr de recevoir les fonds perçus et pas des fonds du Trésor?

M. Duchesneau: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

M. Mike Baker, vice-président, Gestion générale, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien: Sénateur, les fonds nécessaires sont indiqués dans notre plan général. Ce plan est soumis à la procédure habituelle et il est examiné par le Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor nous attribue ensuite ces fonds annuellement. Nous nous représentons chaque année avec notre plan pour exposer nos besoins pour une période de cinq ans.

Le sénateur Forrestall: Prévoyez-vous que lorsqu'elle ne sera plus nécessaire, cette taxe sera supprimée?

M. Baker: Cela n'a aucun rapport direct en ce qui nous concerne. Nous indiquons nos dépenses. Les recettes de la taxe relèvent du ministre des Finances. Elles ne relèvent pas de nous.

Le sénateur Forrestall: Vos dépenses ont surtout été consacrées à l'équipement et au «software».

M. Duchesneau: À l'équipement et au personnel.

Le sénateur Forrestall: Vous ne l'avez pas indiqué. Vous avez mentionné que les dépenses que vous avez faites jusqu'à présent avaient été consacrées principalement à l'équipement.

M. Duchesneau: À l'équipement et au personnel.

Le sénateur Forrestall: Vous avez indiqué ces deux types de dépenses.

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Forrestall: Quelles autres dépenses avez-vous prévues?

M. Duchesneau: Je pourrais parcourir les documents que j'ai sous la main. Les dépenses prévues en ce qui concerne le personnel et la formation s'élèvent à environ 128 millions de dollars; en ce qui concerne le matériel de détection des explosifs, elles se chiffrent à 115 millions de dollars; il faut y ajouter les frais d'administration ainsi que les frais liés au Programme de protection des transporteurs aériens canadiens; ces dépenses s'élèvent au total à 323 millions de dollars pour cette année.

Le sénateur Forrestall: S'agira-t-il d'une année moyenne?

M. Duchesneau: Les dépenses annuelles s'élèveront à environ 420 millions de dollars.

Le sénateur Forrestall: Pour une année moyenne?

M. Duchesneau: Oui.

M. Baker: Les dépenses peuvent varier d'une année à l'autre, sénateur.

Le sénateur Forrestall: Que fera-t-on des 600 millions de dollars qui restent? Pourquoi avez-vous autant de difficulté à comprendre ce que je voudrais savoir? Les Canadiens veulent savoir ce que devient cet argent. Cela coûte cher d'emmener sa femme et trois enfants en voyage. Du jour au lendemain, le prix du billet d'avion ne compte plus. Que fera-t-on des 600 millions de dollars supplémentaires que l'on percevra?

M. Duchesneau: C'est indiqué dans notre plan général. Je n'aime pas beaucoup répéter continuellement la même réponse. Je veux éviter que cela ne vous irrite.

Le sénateur Forrestall: Je n'insisterai pas davantage. J'espère que vous deviendrez un peu plus hardi avec le temps et que vous aurez plus d'assurance en ce qui concerne vos activités.

À la page 4, vous mentionnez un investissement initial de 55,7 millions de dollars pour l'achat de systèmes de détection d'explosifs devant être déployés dans les aéroports. Pouvez-vous dire où ces systèmes ont été installés? Je pourrais peut-être vous poser d'abord la question suivante: êtes-vous en mesure de préciser ce qu'on considère comme un aéroport important au Canada?

M. Duncan: Je présume qu'il s'agit des neuf aéroports de «catégorie 1» comme ceux que vous avez vus à Montréal et à Vancouver. Ce sont les grands aéroports internationaux.

Le sénateur Forrestall: Sont-ils situés entre Montréal et Vancouver?

M. Duncan: C'est bien cela.

Le sénateur Forrestall: Est-ce entre Halifax et Vancouver ou est-ce entre Montréal et Vancouver?

M. Duncan: Il y en a neuf. Je peux les mentionner, si vous voulez. Il s'agit de ceux de Vancouver, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Halifax, Montréal, Mirabel et Ottawa.

Le sénateur Forrestall: Je ne vous suis plus après le septième.

M. Duncan: Il y a ensuite deux aéroports de catégorie 2.

Le sénateur Forrestall: À partir de quand pourrait-on dire que l'aéroport de Moncton est un grand aéroport?

M. Duncan: D'après la classification des aéroports de Transports Canada, celui de Moncton est considéré comme un aéroport de catégorie 2. Cette classification est basée sur le volume de la circulation et sur le statut de capitale d'une province. Pour les catégories 1 et 2, le nombre d'aéroports est de 29.

Le sénateur Forrestall: Cette classification n'est pas établie en fonction de la perception du risque mais en fonction du volume.

M. Duncan: Ces divers facteurs entrent en ligne de compte.

Le sénateur Forrestall: J'espère bien.

En ce qui concerne l'acquisition, le déploiement, l'exploitation et l'entretien des systèmes de détection des explosifs dans les aéroports, pouvez-vous indiquer parmi ces principaux aéroports et les autres, ceux où de tels systèmes sont actuellement en place?

M. Duchesneau: Je n'ai pas compris votre question, monsieur. Je suis désolé.

Le sénateur Forrestall: En plus de tout l'autre équipement que vous avez acheté, pouvez-vous dire dans combien d'aéroports canadiens des dispositifs de détection des explosifs sont actuellement en place?

M. Duchesneau: Dans l'ensemble...

Le sénateur Forrestall: Dans la plupart d'entre eux ou dans tous?

M. Duchesneau: Dans la plupart. Ne pensez-vous pas qu'il pourrait être néfaste pour la sécurité générale des aéroports de le mentionner?

Le sénateur Forrestall: Je ne le sais pas. Actuellement, on me confisque ma pince à ongles et je me demande bien ce qu'on me confisquera la prochaine fois. Vous nous aviez dit que nous pouvions emporter notre pince à ongles alors que maintenant, on nous la confisque.

D'ici un an ou deux, vous aurez réalisé la plupart de vos acquisitions d'équipement et celui-ci sera en place. Que fera-t-on des sommes importantes qui seront perçues?

M. Duchesneau: Nous faisons nos achats d'équipement en fonction d'une évaluation de la menace et des événements qui se produisent l'année suivante. Nous faisons dans notre plan général des prévisions pour les cinq prochaines années et nous demandons 1,9 milliard de dollars.

Le sénateur Forrestall: Sur les cinq ans?

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Forrestall: Et ce montant couvrira tous les besoins, je présume.

M. Duchesneau: Oui. Chaque année, nous vérifions si ces chiffres sont exacts.

Nous préparons actuellement les chiffres pour le plan de l'année prochaine. Nous révisons donc le plan en fonction des dépenses que nous avons déjà faites et des dépenses qui sont prévues pour l'année suivante.

Le sénateur Forrestall: Vous révisez donc votre plan.

M. Duchesneau: Bien sûr.

Le sénateur Forrestall: Je présume que le nombre de passagers augmentera.

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Forrestall: Par conséquent, les recettes de cette taxe, qui sont actuellement de 1 milliard de dollars, augmenteront.

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Forrestall: Dans votre plan, vous ne prévoyez toutefois que 2 milliards de dollars en dépenses. Nous atteindrons probablement ce niveau de recettes en deux ans et demi. Que ferez-vous des recettes des deux années et demie suivantes? Seront-elles versées au Trésor pour financer les services de santé?

M. Baker: Le plan porte sur une période de cinq ans, sénateur.

Le sénateur Forrestall: C'est encore pire.

M. Baker: Les fonds que nous estimons nécessaires, soit 1,9 milliard de dollars, serviront à couvrir les frais pour cette période de cinq ans. Plus tard, nous devrons envisager de remplacer l'équipement. La durée de vie de certains dispositifs est de cinq à sept ans. Il faudra en outre des fonds pour acheter les nouvelles technologies jugées utiles.

C'est pourquoi nous procédons de cette façon. Nous déterminerons nos dépenses au cours de la révision annuelle de notre plan général. Si nous avons besoin de fonds supplémentaires, soyez certain que nous ne demanderons pas plus que ce dont nous avons besoin.

Le sénateur Forrestall: Je présume que vous direz à un certain moment au ministre de réduire le montant des fonds parce que vous ne les dépenserez pas entièrement et que vous n'aurez pas besoin d'un tel montant.

M. Baker: Le ministre des Transports sera le premier à poser la question. C'est lui qui nous demandera si nous avons besoin de fonds.

Le sénateur Forrestall: Ne serez-vous pas les premiers à le signaler? Attendrez-vous qu'il vous pose la question?

M. Baker: C'est lui qui nous posera la question et c'est nous qui déterminerons nos besoins.

Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous me faire une faveur? Pourriez-vous le lui signaler en premier, sans attendre qu'il vous pose la question?

M. Baker: Je vous le promets, sénateur.

Le président: Je voudrais éclaircir un point.

Si je vous ai bien compris, pour les 80 millions de départs et d'arrivées, le montant sera la somme de 40 millions fois 12.

M. Duncan: Quarante millions d'embarquements.

Le président: Les recettes totales pourraient donc être d'environ 40 millions de fois 12, soit 480 millions de dollars?

M. Duncan: Je pense que c'est exact. J'interroge Mike du regard.

Le sénateur Banks: Est-ce le chiffre approximatif?

M. Duncan: Oui.

Le président: Je tenais à ce que ce soit bien clair.

M. Duncan: Je pense que vous avez lu dans les journaux que les recettes ne sont en réalité pas aussi élevées que prévu.

[Français]

Le sénateur Day: M. Duchesneau, j'ai quelques questions de clarification sur votre excellente présentation, M. Baker ou M. Duncan pourront répondre, libre à vous de décider qui donnera la réponse.

[Traduction]

Le sénateur Day: À la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez les systèmes de détection d'explosifs. S'agit-il du système à balayage que les passagers connaissent déjà?

M. Duncan: Oui. Il est utilisé pendant le contrôle préembarquement. Il s'agit d'appareils permettant de détecter les traces d'explosifs. Il s'agit donc d'un dispositif de détection des explosifs. Si l'on vous choisit et que l'on prend ce petit tampon pour le placer dans la machine, celle-ci en fait l'analyse en environ 30 secondes pour y détecter éventuellement des traces d'explosifs.

Le sénateur Day: Je n'ai pas encore eu de résultat faux positif, mais un de mes collègues en a eu un ce matin à l'aéroport d'Ottawa. C'est toujours amusant. Je suis sûr qu'il est préférable d'obtenir de temps en temps un résultat faux positif qu'un faux négatif. Nous sommes conscients des problèmes de sécurité et nous appuyons les mesures qui sont prises. Je crois sincèrement que la plupart des voyageurs les approuvent. Je trouve que les passagers se montrent beaucoup plus tolérants qu'avant en ce qui concerne les retards. Nous vous félicitons pour la tâche que vous accomplissez.

Au paragraphe suivant, vous mentionnez les bagages de soute. S'agit-il des bagages que je dépose au guichet et qui sont acheminés quelque part au sous-sol? J'ai présumé que c'est de cela qu'il s'agit.

Le système de détection des explosifs est-il un système analogue au système de balayage manuel ou s'agit-il d'un système analogue au système de passage intégral des bagages dans une machine?

M. Duncan: Nous utilisons des systèmes à niveaux multiples. Nous adoptons des solutions légèrement différentes selon le type d'aéroport et selon le volume de circulation. Le système diffère également selon la configuration de l'aéroport. La difficulté de ce type de programme, si l'on veut l'exécuter avec rapidité, consiste à l'intégrer à un système qui aide l'industrie tout en tenant compte du fait qu'il y a toujours des travaux de construction dans les aéroports.

Il est bien entendu plus facile d'installer le système dès la préparation des plans d'un aéroport que pendant des travaux de modernisation. Nous utilisons un système à plusieurs niveaux, qui varie selon l'aéroport.

Le sénateur Day: Si un aéroport voulait mettre en oeuvre un système qui obligerait les passagers à se soumettre à un contrôle de sécurité avec leurs bagages, avant de les faire enregistrer, s'agirait-il d'une décision que vous auriez prise pour cet aéroport, d'une décision prise de concert avec la direction de l'aéroport concerné ou encore d'une décision personnelle de la direction?

M. Duncan: Ce serait une décision prise de concert avec la direction de l'aéroport.

Le sénateur Day: Prévoit-on instaurer un système de ce type au Canada?

M. Duncan: Vous l'avez vu dans certains aéroports.

Le sénateur Day: Pas au Canada.

M. Duncan: Si. Si vous êtes passé par l'aéroport de Halifax pour aller aux États-Unis, vous l'avez peut-être vu.

Le sénateur Day: Merci.

Au bas de la page 7, vous mentionnez que tous les efforts sont mis en oeuvre pour satisfaire aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale d'ici 2006.

Avez-vous sous la main un document où sont indiquées les normes que vous vous efforcez d'appliquer d'ici quatre ans? Pourriez-vous le mettre à notre disposition et mentionner quelles normes vous n'appliquez pas encore entièrement et pourquoi il vous faut aussi longtemps pour arriver à respecter ces normes internationales?

M. Duchesneau: Voulez-vous dire les normes de l'OACI?

Le sénateur Day: Oui.

M. Duncan: L'annexe 17 de l'OACI est un protocole généralement reconnu entre les pays et nous pourrions certainement vous procurer ce document.

Le sénateur Day: Nous l'apprécierions beaucoup. Vous pourriez peut-être indiquer quelles sont les normes que vous n'atteignez pas encore et pourquoi il vous faudra aussi longtemps pour appliquer entièrement ces normes internationales. Seriez-vous en mesure de le faire?

M. Duncan: Je pense que ce que nous avons mentionné, c'est que nous satisferons aux normes internationales pour une date qui a été convenue entre les divers pays concernés.

Le sénateur Day: Est-ce que le passage «tous les efforts sont mis en oeuvre pour satisfaire ces normes» suscite trop d'attentes de ma part?

M. Duchesneau: Nous mettons des efforts en oeuvre, mais nous devons tenir compte de bien d'autres facteurs.

Le sénateur Day: Monsieur Duchesneau, j'en conclus que vous ne satisfaites pas encore à ces normes et que vous avez encore bien des difficultés à surmonter au cours des quatre prochaines années. Pouvez-vous préciser de quelles difficultés il s'agit et quelles mesures il faut prendre pour atteindre cet objectif?

M. Duchesneau: Nous avons demandé à un cabinet de consultants d'examiner la situation dans diverses régions du monde et il semblerait que nous soyons en avance sur la plupart des autres pays. Voici pourquoi.

Les machines nécessaires sont-elles disponibles? Très peu de compagnies, et ce, à l'échelle mondiale, sont capables de fabriquer ces machines. C'est un aspect du problème. Nous devons en outre tenir compte de plusieurs autres facteurs. Nous mettons effectivement tous les efforts en oeuvre mais si nous construisions ces machines nous-mêmes, ce serait peut-être plus rapide. C'est un problème auquel nous ne pouvons pas échapper.

Le sénateur Day: Un des obstacles est donc lié à la pénurie qui touche l'équipement nécessaire pour satisfaire à cette norme.

Y a-t-il d'autres normes qui ne soient pas encore respectées? J'apprécierais que vous les indiquiez quand vous me remettrez le document sur les normes. Nous aimerions avoir des renseignements plus précis à ce sujet.

M. Duchesneau: Je vous communiquerai des renseignements à ce sujet, sénateur.

Le sénateur Day: Je vous remercie. La question suivante concerne le troisième point indiqué dans votre exposé, à la page 8, celui où vous mentionnez que vous établissez des ententes avec certains aéroports, en vertu desquels le coût des services de police reliés à la sûreté aérienne relèverait de la responsabilité de l'aéroport mais que vous verseriez des contributions financières. Est-ce bien cela?

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Day: Qui fixe les normes en ce qui concerne les services que ces policiers et policières doivent assurer à l'aéroport?

M. Duchesneau: C'est Transports Canada qui les fixe, en se basant sur une évaluation de la menace. C'est ce ministère qui fixe les normes.

Le sénateur Day: Pourriez-vous nous procurer un document qui nous permettrait de savoir à quelles normes vous prévoyez que les aéroports satisfassent avec les fonds que vous leur remettez à cette fin?

M. Duchesneau: La personne la mieux placée pour répondre à cette question est M. Elliott. J'ai cru comprendre qu'il témoignerait mercredi. C'est le sous-ministre adjoint qui est chargé de fixer les normes.

Le sénateur Day: Qui indique le montant de la contribution que vous devriez verser?

M. Duchesneau: Transports Canada.

Le sénateur Day: Donc, Transports Canada décide que «l'ACSTA verse tel montant à tel aéroport qui assurera des services de police pour votre compte».

M. Duchesneau: D'après l'évaluation de la menace.

Le sénateur Day: Vous ne savez pas en quoi consistent exactement ces services de police mais le ministère vous demande de verser une contribution. Est-ce bien cela?

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Day: La question des non-passagers qui ont accès à l'avion est une des responsabilités supplémentaires qui vous ont été confiées.

Quelqu'un a mentionné qu'il s'agit de la responsabilité du contrôle des non-passagers qui pénètrent dans les zones réglementées de l'aéroport mais, d'après les commentaires que vous faites à la page 9, au cinquième point, c'est l'ACSTA qui est chargée d'élaborer et de mettre en oeuvre un système de contrôle aléatoire. Qui a décidé que ce contrôle serait aléatoire?

M. Duchesneau: Nous venons d'amorcer le processus de consultation avec nos intervenants — les aéroports et les compagnies aériennes. Nous devrions savoir à quoi nous en tenir d'ici deux ou trois mois. Nous devons fixer ces normes ensemble.

Le sénateur Day: Ainsi, c'est Transports Canada qui vous a demandé de prendre en charge le contrôle des non- passagers.

M. Duchesneau: Il nous a accordé ce mandat et nous venons d'entamer le processus de consultation.

Le sénateur Day: Est-ce Transports Canada qui a décidé que ce contrôle serait aléatoire?

M. Duchesneau: Non. Comme je l'ai mentionné, nous n'avions que deux mandats, celui de créer et celui de mettre en oeuvre un système de contrôle aléatoire des non-passagers.

Le sénateur Day: Est-ce Transports Canada qui a décidé que ce serait un système aléatoire?

M. Duchesneau: Nous venons d'amorcer le processus de consultation. Ma tâche consiste à tenir le ministre au courant des mesures qu'il faudrait prendre pour améliorer la sécurité. Ce sera peut-être différent après le processus de consultation.

Le sénateur Day: Quand Transports Canada vous a demandé de vous charger de cette nouvelle responsabilité, vous a-t-il donné l'instruction de faire un contrôle aléatoire?

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Wiebe: D'après votre réponse à la question du sénateur Day concernant les niveaux de surveillance policière dans divers aéroports, en fonction d'une évaluation du risque, j'ai l'impression que c'est vous et votre organisme qui êtes responsables de la sécurité dans les aéroports. Si l'on fait une évaluation du risque — qui est certainement faite par votre organisme —, pourquoi n'est-ce pas vous, plutôt que le ministre des Transports, qui déterminez le montant des fonds qui devraient être versés à l'aéroport?

M. Baker: Au début, c'est le ministre des Transports qui a déterminé que nous devrions participer aux frais liés au transport aérien. Il s'agissait d'un programme minimal visant à aider les aéroports à récupérer une partie des coûts, mais notre contribution était strictement liée à ce que nous appelons les «coûts de surveillance policière liés à l'aviation». Cette contribution ne couvre pas tous les coûts de surveillance policière à l'aéroport. En tenant compte du degré de risque, qui est un des facteurs que nous avons évalués avec Transports Canada, nous avons tenté de déterminer le montant de la contribution financière pour les divers aéroports. Est-ce qu'elle couvre tous les coûts? Non. Il s'agit d'un programme minimal ayant pour but de les aider à payer leurs frais. C'est ainsi que l'on a procédé.

Le sénateur Wiebe: Dans ce cas, ces fonds viennent-ils d'une autre source que des recettes du droit de 12 $?

M. Baker: Non, ils proviennent de ce programme également, sénateur.

Le sénateur Wiebe: Si vous faites une évaluation du risque, vous savez que le niveau de surveillance policière devrait être plus élevé à tel aéroport et vous recommandez que l'on alloue des fonds supplémentaires. Que faites-vous si le ministre refuse? Quelle position adoptez-vous dans ce cas? Vos agents n'assument-ils pas en partie les services de sécurité?

M. Duchesneau: La politique est établie par Transports Canada.

Le sénateur Wiebe: Ce qui me préoccupe, c'est que la politique de Transports Canada consiste à établir un certain niveau de surveillance policière dans les aéroports en fonction d'une évaluation du risque. Cette politique est établie. Pourquoi dès lors devriez-vous demander des fonds supplémentaires au ministre pour un aéroport précis? Pourquoi n'avez-vous pas le pouvoir de prendre cette décision dans le cadre de votre budget?

M. Baker: Les services de renseignement dans ce domaine relèvent de Transports Canada. C'est l'organisme de réglementation. C'est Transports Canada qui fixe la norme, en se basant sur le temps qu'il faut à un agent de police pour intervenir dans les domaines que nous finançons ou que nous contribuons à financer. Nous ne finançons pas tous les services de surveillance policière. Les aéroports interviennent toujours; ils fournissent une partie des fonds et nous en fournissons une autre. Le but n'a jamais été de couvrir tous les frais.

La réglementation relève de Transports Canada. C'est sa responsabilité de déterminer les besoins. Dans le cadre de notre programme, nous contribuons aux frais mais les aéroports en paient toujours une partie.

Le sénateur Wiebe: Ne faites-vous pas l'évaluation du risque?

M. Duchesneau: Nous n'avons pas les ressources nécessaires. C'est Transports Canada qui fait l'évaluation parce que c'est lui qui a les renseignements. Nous n'avons pas de service de renseignement. C'est Transports Canada qui s'en charge, avec la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Nous ne sommes pas équipés pour cela et ça ne fait pas partie de notre mandat. Pour évaluer une menace, il faut avoir l'équipement et les outils nécessaires, ce que nous n'avons pas.

Le sénateur Wiebe: Lorsqu'il s'agit de décider du niveau de formation qu'il est nécessaire de donner aux agents de contrôle, la décision est-elle prise par vous ou par Transports Canada?

M. Duchesneau: C'est nous qui la prenons.

Le sénateur Wiebe: Quelle est la différence?

M. Duchesneau: C'est très différent. Nous avons les ressources nécessaires pour assurer la formation. Nous connaissons notre situation précise et nos procédures d'exploitation; nous organisons la formation en conséquence. Lorsqu'il s'agit cependant de faire une évaluation du risque, il faut des renseignements. Nous ne sommes pas chargés d'assurer un service de renseignement.

Le sénateur Day: Pouvez-vous indiquer quel type de contrôle aléatoire vous avez décidé de faire en ce qui concerne les non-passagers?

M. Duchesneau: Cette décision fait partie de la stratégie et la loi sur l'ACSTA précise que je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet.

Le sénateur Banks: Que dit la Loi sur le Parlement du Canada à ce sujet?

Le président: D'après le Règlement, un témoin qui refuse de témoigner peut être signalé au Sénat et reconnu coupable d'outrage.

M. Duchesneau: Il s'agit du paragraphe 32.2 de la loi.

Le président: Je ne pense pas que l'on vienne de vous poser une question, monsieur.

M. Duchesneau: Excusez-moi.

Le sénateur Cordy: Monsieur Duchesneau, vous occupez ce poste depuis un mois. Quelles sont les difficultés que vous devez surmonter dans l'immédiat?

M. Duchesneau: Former une équipe. Le 31 décembre, nous aurons un peu plus de 3 000 nouveaux employés en formation qui représenteront l'ACSTA dans les aéroports. Lorsque j'ai amorcé la formation de cette équipe, nous étions 30 et nous sommes actuellement environ 75. Notre équipe est en pleine croissance. Nous faisons face à une crise de croissance et c'est à ce niveau que réside le défi, mais nous sommes en mesure de le relever.

Le sénateur Cordy: Ça fait un grand nombre de personnes à réunir en peu de temps.

M. Duchesneau: Oui, et c'est le nombre d'employés que comptera notre équipe le 31 décembre.

Le sénateur Cordy: Quels défis l'ACSTA s'attend-elle à devoir relever au cours des prochaines années?

M. Duchesneau: Il faudra toujours être en avance sur les personnes qui sont animées de mauvaises intentions. Nous avons du pain sur la planche. Au cours des 12 prochains mois, je devrai établir des liens avec le milieu policier, les services de renseignement, les aéroports, les compagnies aériennes et avec des organismes étrangers. Il y a environ deux semaines, j'ai rencontré l'amiral Loy, qui est président de la Transportation Security Administration américaine et il est confronté à des problèmes semblables. Nous ne devons pas nécessairement commettre les mêmes erreurs que lui. En formant une association avec cet organisme, nous aurons accès à des informations qui nous permettront de rajuster notre tir plus rapidement.

Le sénateur Cordy: Votre organisme coopère-t-il avec ceux d'autres pays, surtout avec d'autres organismes américains?

M. Duchesneau: Au cours de notre conversation, M. Loy s'est montré très réceptif. Nous avons décidé de nous rencontrer en janvier, à Washington, pour discuter des problèmes respectifs des deux organismes.

Le sénateur Cordy: Quels changements les Canadiens pourront-ils constater d'ici cinq à huit ans? Quels changements pensez-vous que les Canadiens pourront remarquer en entrant dans un aéroport?

M. Duchesneau: La compétence du personnel. Je pense que nous avons amélioré le salaire des employés et leur formation. Nous avons d'ailleurs reçu des compliments au sujet de notre méthode de formation. En fait, d'autres organismes fédéraux veulent l'adopter. Nous mettons beaucoup l'accent sur le service à la clientèle. Je pense que c'est possible parce que 99,99 p. 100 des personnes auxquelles nous avons affaire sont des citoyens respectueux de la loi et qu'il faut les traiter comme tels. Comme je viens de le mentionner, nous mettons beaucoup l'accent sur le service à la clientèle.

Le sénateur Cordy: Vous attendez-vous à avoir terminé d'ici la fin de l'année?

M. Duchesneau: Pour le 31 décembre, mais il s'agit du premier volet de la formation. Nous ferons également de la formation en cours d'emploi et nous mettrons en place un processus d'accréditation. Il ne s'agit pas d'une formation ponctuelle ou d'une formation de trois jours ou d'une semaine; au contraire, nous améliorerons le processus de formation avec le temps.

Le sénateur Cordy: Vous organiserez donc des cours de perfectionnement en cours d'emploi...

M. Duchesneau: De façon régulière.

Le sénateur Cordy: ... lorsqu'on adopte de nouvelles techniques. C'est bien.

Nous avons lu des articles ou entendu des anecdotes au sujet de personnes qui avaient réussi à embarquer dans un avion avec des objets interdits à bord. Fait-on des tests d'infiltration à l'aéroport?

M. Duchesneau: Oui. Transports Canada fait actuellement des tests d'infiltration et l'ACSTA se prépare à procéder à des tests analogues, principalement pour améliorer la formation et accroître les compétences de notre personnel.

Le sénateur Cordy: Les Canadiens sont-ils informés des résultats de ces tests? Je sais bien que vous ne révélerez pas le nom des aéroports où il est plus facile de déjouer les services de sécurité, mais est-il possible de faire en sorte que les Canadiens aient l'impression d'obtenir un bon rapport qualité-coût?

M. Duchesneau: Je vous le garantis. Quant à savoir si on devrait en parler, c'est une autre question. Comme je l'ai mentionné, nous avons mis en place de nombreux comités. Le cabinet du ministre des Transports surveille nos activités. Quant à savoir s'il est de l'intérêt public de signaler que quelqu'un a déjoué facilement notre système de surveillance, c'est très délicat. Je ne suis pas convaincu qu'il soit nécessaire de mettre les Canadiens au courant des problèmes. Si de hauts fonctionnaires ou le ministre nous posent la question, nous leur donnerons les renseignements, mais je ne suis pas certain qu'il faille les rendre publics.

Le sénateur Cordy: Dans quelle mesure les Canadiens sont-ils informés? Je comprends que vous ne puissiez pas divulguer certaines informations et que tout ce que vous puissiez dire, pour convaincre les Canadiens que la situation s'est améliorée depuis un an, c'est que tout va bien et qu'il faut vous faire confiance.

M. Duchesneau: Je suis une personne très transparente mais, je le répète, pouvons-nous révéler nos stratégies? Si j'avais toujours affaire à des citoyens respectueux de la loi, je le ferais volontiers, mais nos efforts seraient compromis si je révélais des informations susceptibles d'aider d'autres personnes à commettre un délit. J'ai des réticences à ce sujet. J'en ai toujours eu.

J'ai été chef de police et est-ce qu'un chef de police peut donner des informations sur ses stratégies? Non. Le système comporte un aspect visible de la sécurité et un autre aspect, qui est invisible. Dans les villes, il y a des agents de police en uniforme et des détectives en civil qui font de la surveillance policière, mais nous ne le révélons pas, sinon l'efficacité du système serait compromise. Il en est de même en ce qui concerne la sécurité. J'aurais un cas de conscience si je divulguais des informations susceptibles d'avoir des conséquences néfastes.

Le sénateur Cordy: Dans certains domaines de la surveillance policière, on fait participer activement les citoyens; il ne s'agit pas de la surveillance dans les aéroports mais des programmes de surveillance de quartier ou de divers autres programmes dans le cadre desquels les citoyens s'assurent de la sécurité de leur quartier. Serait-il possible de faire participer les Canadiens pour s'assurer que les aéroports et les avions soient des lieux sûrs?

M. Duchesneau: J'aime cette question. Je suis un fervent partisan de la surveillance communautaire. La police n'a pas les outils ni le budget nécessaires pour s'assurer qu'aucun crime ne soit commis. C'est pourquoi nous demandons aux citoyens de participer à la surveillance policière. La situation est la même dans les aéroports. L'ACSTA ne peut pas assurer une surveillance efficace sans communiquer avec les autorités aéroportuaires, les compagnies aériennes et les employés d'aéroport. Ce sont en quelque sorte les yeux de l'aéroport et du système. Nous devons les sensibiliser et nous assurer que toutes les personnes participant à une procédure aéroportuaire veillent en même temps à ce que la sécurité atteigne son niveau maximal.

Le sénateur Cordy: Comment procéderiez-vous pour sensibiliser la population?

M. Duchesneau: Nous avons déjà mis en place un programme appelé «Prenez l'air averti». J'apprends à mesure que nous progressons. Nous avons déjà fait distribuer deux circulaires aux passagers pour qu'ils prennent l'avion en toute sécurité, grâce à des petits conseils et à des informations très utiles. En fait, nous le ferons dans tous les aéroports. Nous installerons des écrans aux endroits où les passagers attendent pour le contrôle préembarquement, qui leur signaleront ce qu'il faut faire pour passer plus rapidement le contrôle préembarquement et quels objets il est interdit d'amener à bord de l'appareil. Nous devons les informer et nous le ferons. En 2003, les relations publiques constitueront un poste important de notre programme. Nous devons informer les usagers.

Nous devons mettre un terme aux tracasseries. Nous devons être fermes tout en nous efforçant de supprimer toutes les tracasseries inutiles. Je pense qu'il faut informer les usagers et nous le ferons.

Le sénateur Atkins: Je vous remercie de votre participation. Votre président a eu un gros défi à relever depuis sa nomination. C'est un peu injuste de vous poser cette question maintenant, puisque vous n'occupez ce poste que depuis peu mais, depuis le 1er avril, a-t-on apporté des changements importants à votre mandat ou mis en place des règlements pour accroître votre efficacité ou vous rendre la tâche plus facile, par l'intermédiaire de Transports Canada?

M. Duchesneau: Depuis que j'occupe ce poste, le ministère nous a beaucoup soutenus. La preuve est que les deux personnes qui m'accompagnent aujourd'hui étaient deux des meilleurs employés de Transports Canada qui nous ont été confiés. Chaque fois que je me suis adressé au ministère ou que je lui ai demandé de l'aide, il m'a toujours appuyé ou apporté de l'aide. Je sais, pour en avoir parlé avec lui, que le ministre veut que l'ACSTA assure une présence et atteigne un niveau d'excellence.

Le sénateur Atkins: Et les compagnies aériennes?

M. Duchesneau: J'ai rencontré hier des représentants d'Air Canada. Ils sont aussi très réceptifs. C'est dans leur intérêt. Nous voulons démontrer que l'on peut voler en toute sécurité avec les compagnies aériennes canadiennes. Ils ont fait des commentaires très pertinents. Le message est qu'il faut s'entraider. Je crois qu'ils l'ont compris.

Le sénateur Atkins: Et les autorités aéroportuaires locales, celles de l'aéroport Pearson, par exemple?

M. Duchesneau: Leur réaction est excellente. J'ai passé les deux dernières semaines avec les représentants, une à Salt Lake City, dans le cadre d'une conférence internationale, et la semaine dernière, avec l'ATAC, à Calgary. J'ai de bons contacts et j'entame une tournée des 29 aéroports canadiens, en commençant par les principaux, pour avoir des contacts avec les exploitants de ces aéroports.

Le sénateur Atkins: L'ACSTA a-t-elle son mot à dire dans les plans de construction de nouvelles aérogares?

M. Duncan: En ce qui concerne l'installation des systèmes à niveaux multiples, nous avons collaboré avec un bureau d'ingénieurs-conseils très connu et nous collaborons aussi avec les aéroports pour établir les lignes directrices en cours de travaux.

Le sénateur Atkins: Êtes-vous convaincus que le produit final sera à la fine pointe?

M. Duncan: Bien sûr! Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous examinons continuellement les nouvelles technologies parce que nous devons employer la technologie la plus efficace quand on fait une installation. Nous travaillons en étroite collaboration avec les États-Unis, ainsi qu'avec les aéroports et les compagnies aériennes.

Le sénateur Atkins: Vous avez mentionné que vous avez collaboré avec les compagnies aériennes. Une agente de bord, qui a témoigné la semaine dernière, a dit que les procédures de sa compagnie en ce qui concerne les agents de bord n'avaient pas changé depuis le 11 septembre et qu'ils ne reçoivent pas de formation. Elle a même reconnu qu'elle était moins rassurée qu'avant en allant au travail et en embarquant dans un appareil. Qui est responsable de cette situation? Est-ce Transports Canada ou est-ce vous? C'est une question de sécurité.

M. Duchesneau: La personne la plus apte à répondre à cette question est M. Elliott, que vous verrez mercredi. Il est chargé d'établir ces politiques.

Le sénateur Atkins: Pensez-vous que l'identité des «policiers de l'air» devrait être révélée aux équipages»

M. Duchesneau: Non, pas du tout. C'est une opération secrète et il est bon qu'elle le reste.

Le sénateur Atkins: Quand on parle aux personnes qui pilotent ces appareils...

M. Duchesneau: Le capitaine est au courant. Il est informé.

Le sénateur Atkins: Le capitaine est enfermé dans le nez de l'appareil. Il est impuissant si un incident se produit dans la cabine et si l'équipage ignore ce qui se passe. C'est tout à fait illogique.

M. Duchesneau: Je pense que plus on en parle, moins le système est efficace.

Le sénateur Atkins: Cela a pourtant un rapport avec la transparence que vous avez évoquée.

M. Duchesneau: Je n'ai aucune difficulté à être transparent. Je peux être transparent quand c'est utile. Nous ne pouvons toutefois pas divulguer certaines informations.

Je suis tourmenté parce que je voudrais vous donner certaines informations que je ne peux pas révéler. Je pense que je ne respecterais pas mon mandat en révélant des informations qui pourraient avoir des conséquences néfastes sur le système.

Le sénateur Forrestall: Ne nous donnez pas de faux espoirs, je vous prie.

M. Duchesneau: Non.

Le sénateur Atkins: Qui serait responsable de la formation des agents de bord dans le cadre du nouveau système de sécurité?

M. Duchesneau: Transports Canada peut établir des politiques à ce sujet. La formation du personnel est assurée par les compagnies aériennes.

Le sénateur Atkins: Qui va les pousser à donner cette formation? Est-ce Transports Canada? Les compagnies n'assurent pas cette formation.

M. Duchesneau: Je ne suis pas la personne apte à faire des commentaires à ce sujet. Je me contente de m'acquitter du mandat que le Parlement a confié à l'ACSTA. Je voudrais revenir dans six mois pour vous parler de nos réalisations. Vous pourrez alors nous critiquer. Je n'ai aucune objection à ce qu'on nous critique, bien au contraire.

Vous nous critiquez mais nous sommes dans le même bateau. Si l'on a créé votre comité, c'est parce qu'on veut améliorer la sécurité. Je comprends le message. Je tiens à contribuer à la recherche d'une solution mais je ne veux pas aggraver le problème.

Le président: Cette question concerne votre mandat. Votre mandat inclut le programme des «policiers de l'air». Est- ce bien cela?

M. Duchesneau: Oui.

Le président: C'est pourquoi mon collègue vous pose cette question. Je pense que vous êtes le témoin auquel il faut la poser. Vous pouvez continuer à poser des questions.

Le sénateur Atkins: Il ne me reste plus qu'une autre question pour l'instant: pensez-vous que les pilotes devraient être armés?

M. Duchesneau: Pas du tout. J'en suis absolument convaincu. J'ai utilisé des armes pendant 30 ans. J'ai dû m'en servir dans des situations très stressantes. Je suis convaincu que les pilotes ne devraient pas être armés.

Ma tâche consiste à m'assurer que les personnes qui embarquent dans un avion ne portent pas une arme ou n'aient pas des explosifs. C'est ma tâche. Je devrai en répondre devant vous et devant la population canadienne.

Si un pilote devait utiliser une arme dans l'avion, ce serait parce que je n'aurais pas bien fait mon travail. Je devrais donc en répondre.

Le sénateur Atkins: Une des premières directives qui a été établie après le 11 septembre concerne le remplacement des couteaux de métal par des couteaux en plastique. Un collègue a mentionné que l'on confisquait les pinces à ongles lors du contrôle de sécurité. Et les fourchettes? Ne sont-elles pas une arme dangereuse? Quelle distinction faites-vous dans ce contexte?

M. Duchesneau: Le système n'est manifestement pas parfait. Il faut l'améliorer. C'est ce que nous ferons avec le temps. Notre mandat consiste notamment à informer Transports Canada des problèmes éventuels. C'est ce que je ferai.

Je suis certain que si je me présente à nouveau devant vous dans six mois, je pourrai confirmer que nous avons amélioré le système. J'en suis convaincu. Notre organisme vient d'être créé et nous faisons de notre mieux pour assurer la protection des Canadiens.

Le sénateur Atkins: C'est tout un défi à relever.

M. Duchesneau: Effectivement.

Le sénateur Smith: Cette discussion est très instructive, monsieur. Je ne tiens pas du tout à vous torturer. Je suis conscient que vous n'occupez ce poste que depuis peu.

Je voudrais cependant poser plusieurs questions liées à des commentaires qu'un autre témoin a faits au début du mois, le 4 novembre. Ce témoin est Chuck Wilmink. Il a été directeur de la sécurité à Canadian Airlines. Avez-vous eu l'occasion d'examiner les commentaires qu'il a faits à cette occasion?

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Smith: Il a vivement critiqué le système, pas seulement votre organisme, mais le système en général. Je voudrais mentionner deux ou trois de ses commentaires. Au début de son exposé, il a dit ceci:

La sécurité des aéroports est très insatisfaisante. Je pourrais enseigner en deux minutes à n'importe laquelle des personnes ici présentes comment placer une bombe dans un avion à destination de n'importe quelle ville du monde.

Je ne décrirai pas la méthode que M. Wilmink emploierait. Je veux simplement examiner deux ou trois de ses commentaires.

Il a dit ensuite ceci dans son exposé:

L'ACSTA a pris en charge le commandement des agents de contrôle des passagers dans les aéroports alors qu'il relevait des compagnies aériennes. À mon avis, c'est la responsabilité des compagnies aériennes d'assurer une sécurité suffisante sur leurs vols. Dans leur secteur d'activité, tout repose sur la sécurité. Le contrôle des passagers est une question qui, à mon avis, relève d'elles en définitive. Elles devraient être en charge de ce contrôle.

Je suppose que c'est une question de politique. Vous ne tenez peut-être pas à faire des commentaires à ce sujet. Je voudrais toutefois vous en donner l'occasion. Quelle est votre réaction à ces commentaires?

M. Duchesneau: Premièrement, nous n'avons pas encore pris en charge les agents de contrôle préembarquement. Nous le ferons à partir du 31 décembre. Deuxièmement, je crois que le gouvernement du Canada a pris une décision judicieuse en confiant la responsabilité de la sécurité à un organisme distinct.

Quel que soit le secteur d'activité, la sécurité ne sera jamais une source de profits. Nous devons assurer la protection de nos citoyens. Nous sommes là pour assurer la sécurité. Ce n'est pas une activité commerciale. Ce n'en est qu'un aspect.

D'autre part, nous nous spécialisons dans la sécurité, mais pas les compagnies aériennes. Ce n'est pas la première fois que l'on prend une décision semblable. De nombreux motifs la justifient. Je l'appuie sans réserve.

Le sénateur Smith: Je suppose qu'il y a des fonctions que les deux doivent assumer.

M. Duchesneau: La tâche des compagnies aériennes consiste à assurer le transport aérien des passagers. La mienne consiste à veiller à ce que les passagers soient en sécurité dans les avions. Ce n'est pas une mince tâche.

Le sénateur Smith: M. Wilmink a fait de longs commentaires sur les machines de détection d'explosifs par analyse de vapeurs. Il a dit notamment:

On a installé à l'aéroport de Vancouver deux machines capables de contrôler 200 bagages à l'heure. On manipule actuellement 1 200 bagages dans cet aéroport et on ne peut par conséquent pas faire un contrôle systématique. Ces machines sont par ailleurs très coûteuses et d'entretien très difficile; elles ont en outre un taux de résultats faux positifs élevé. Elles signalent la présence d'une arme dans un bagage sur cinq et ces bagages doivent être fouillés manuellement. C'est long et cela nécessite un grand nombre d'agents de contrôle de sécurité. Ce n'est pas efficace. Il s'agit d'un outil de sécurité mais une fois qu'il est construit, tout est fait pour qu'il tombe en panne.

À un certain moment, il a mentionné la possibilité d'utiliser des chiens faisant des allées et venues le long des files de passagers. Pour gagner du temps, j'ai dit à M. Wilmink qu'il avait d'abord mis l'accent sur les faiblesses de ces machines de détection par analyse de vapeurs. Je lui ai demandé si on en avait installé dans des aéroports canadiens. Il a dit qu'on en avait déployé à Vancouver. Je le cite:

C'est le seul aéroport que je puisse mentionner, mais un problème se pose. On y a mis en place deux machines mais l'une est certifiée au Canada et pas aux États-Unis alors que l'autre est certifiée aux États-Unis mais pas au Canada. Les bagages doivent passer dans les deux machines, ce qui est illogique.

Je lui ai ensuite demandé qui avait pu commander ces machines et il a dit que c'était l'ACSTA. Cette décision a-t-elle été prise intentionnellement? S'agit-il d'une bavure? Pourquoi l'ACSTA a-t-elle commandé deux machines différentes? Voici sa réponse:

Ce sont d'excellentes questions et je voudrais être en mesure d'y répondre, mais je n'ai pas la moindre idée des raisons pour lesquelles il en est ainsi. Il aurait fallu y réfléchir plus tôt.

Je veux être juste et vous donner une chance, à vous ou à vos collègues, de répondre à ces critiques.

M. Duchesneau: L'expert en ce qui concerne ces machines est M. Duncan.

M. Duncan: La réponse est liée au système à niveaux multiples que nous avons adopté. Nous avons mis en place divers types de machines en fonction du volume de circulation et nous ne tenons pas à donner des informations précises sur les combinaisons mais c'est la raison. Les divers types de machines ont, bien entendu, des niveaux de détection différents. On les utilise de la façon la mieux adaptée au volume de circulation.

Le sénateur Smith: Avez-vous des commentaires à faire au sujet de la suggestion d'utiliser des chiens?

M. Duchesneau: Nous en avons discuté tout récemment. Ça pourrait être une option que je n'écarte donc pas d'emblée.

Le sénateur Smith: Vous étudiez la question.

M. Duchesneau: Oui.

M. Duncan: À ce propos, on peut encore avoir recours aux chiens dans les principaux aéroports dans le contexte d'un mécanisme de réponse d'urgence et d'intervention policière.

Le sénateur Smith: Ce témoin a ensuite fait sept recommandations. Je ne tiens pas à les passer systématiquement en revue, mais sa première recommandation portait sur une réglementation de la responsabilité en matière de sécurité. Toutes les entreprises du secteur du transport aérien, qu'il s'agisse des compagnies aériennes, des services de traiteur ou des autorités aéroportuaires, devraient avoir la responsabilité de faire une évaluation de sécurité adéquate. Pensez-vous que votre mandat soit suffisamment clair ou y a-t-il un problème à ce niveau? Comment réagissez-vous à cette critique?

M. Duchesneau: Tous les intervenants devraient se préoccuper de la sécurité, et pas seulement l'ACSTA mais, comme je l'ai mentionné au sénateur Cordy...

Le sénateur Smith: Je voudrais savoir si les responsabilités sont définies et réparties de façon très précise.

M. Duchesneau: L'ACSTA procédera à ces contrôles grâce au système des laissez-passer pour zones réglementées et elle devra s'assurer que les employés de ces entreprises sont en sécurité ou qu'ils ne représentent pas une menace pour les avions et les passagers.

Le sénateur Smith: Sa deuxième recommandation portait sur le déploiement d'agents de police aux postes de contrôle. Il a été notamment question d'agents de la GRC. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Duchesneau: Des agents de police sont actuellement présents dans les principaux aéroports.

Le sénateur Smith: ... aux postes de contrôle.

M. Duchesneau: Je n'en vois pas l'utilité. Je n'aborderai pas les aspects techniques des mesures de sécurité, mais il est possible de s'assurer que des agents de police puissent se rendre sur les lieux dans de brefs délais en cas d'alerte.

Le sénateur Smith: Je pourrais poser d'autres questions à la suite de ces réponses, mais je m'efforce d'examiner la plupart de ces recommandations. Sa troisième recommandation est d'accroître l'efficacité des agents de contrôle des passagers. Ce témoin dit que l'on pourrait réduire le nombre de bagages à main. Actuellement, les passagers sont autorisés à avoir deux bagages à main. Est-ce bien cela? On pourrait peut-être n'autoriser qu'un seul bagage à main par passager.

M. Wilmink a également fait des commentaires sur le niveau de formation des agents de contrôle qu'il juge nettement insuffisant. Qu'en pensez-vous?

M. Duchesneau: Je suis très impressionné par la qualité de la formation. J'étais à Calgary la semaine dernière, où j'ai rencontré des agents de contrôle préembarquement en formation et leurs instructeurs. À mon avis, ils reçoivent une formation de tout premier plan. J'ai parcouru les documents qui nous ont été remis et je ne pense pas qu'ils étaient à jour. Ce témoin faisait peut-être allusion à des versions antérieures du programme de contrôle. Les 3 000 agents de contrôle auront reçu leur formation de base le 31 décembre. Comme je l'ai mentionné, leur formation ne s'arrêtera pas le 31 décembre, mais elle sera permanente.

Le sénateur Smith: La recommandation suivante qu'il a faite — et c'est probablement son principal sujet de préoccupation — concerne la sécurité des employés des compagnies aériennes.

Actuellement, les passagers, les pilotes et les agents de bord sont soumis à un contrôle très strict lorsqu'ils passent par le poste de contrôle des passagers. Par contre, les mécaniciens, les membres des équipes de nettoyage et ceux des équipes de chargement doivent seulement montrer leur laissez-passer pour zones réglementées. Ce n'est pas du tout suffisant.

Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Duchesneau: Il a raison et c'est pourquoi nous avons ce nouveau mandat. Nous améliorerons la situation dans ce domaine après avoir entamé des discussions avec les autorités aéroportuaires et les compagnies aériennes.

Le sénateur Smith: Sa dernière recommandation concerne la sécurité du fret.

C'est actuellement la plus grosse faiblesse du système. Je pourrais me présenter sans difficulté dans les bureaux du service de fret avec un colis destiné à ma grand-mère; on me remercierait et il serait placé dans la soute de l'avion.

Quelle est votre réaction à ce commentaire?

M. Duchesneau: Ce problème sera examiné dans le courant de 2003.

Le sénateur Smith: Ne pouvez-vous pas le régler immédiatement?

M. Duchesneau: En 2003, nous entamerons des discussions à ce sujet. Je rappelle que c'est une question de politique qui relève de Transports Canada; nous jouerons le rôle de conseillers.

Le sénateur Smith: Est-ce pour vous une priorité?

M. Duchesneau: Bien sûr!

Le sénateur Smith: Je pourrais exiger des informations plus précises, mais je ferai preuve de compréhension.

Le sénateur Banks: Je voudrais poser une question qui se greffe à la dernière question du sénateur Smith concernant le chargement du colis destiné à la grand-mère dans l'appareil. On peut faire, si je ne m'abuse, des tests assez rapides qui sont liés à la compression, à la décompression, à la pression atmosphérique, et cetera, qui permettent de détecter les types de détonateurs ou de dispositifs de déclenchement utilisés le plus souvent dans des colis piégés. Ces tests permettent de détecter ce type de colis. Dans quelques aéroports que nous connaissons, tous les bagages de soute sont testés pour que, si l'un d'entre eux devait exploser, il le fasse au sol et pas dans l'avion. A-t-on mis en place des dispositifs analogues dans certains aéroports canadiens?

M. Duchesneau: Je l'ignore. Transports Canada examine toutefois la question. M. Bill Elliott est la personne apte à répondre à cette question. Comme je l'ai mentionné, je sais que nous examinons cette possibilité.

Le sénateur Banks: Je présume qu'on vous demandera de revenir témoigner dans quelque temps, compte tenu de la nature de certaines des questions qui ont été posées cet après-midi. Vous devez bien vous rendre compte que nous sommes pour la plupart extrêmement frustrés parce que, comme l'a mentionné le sénateur Smith, nous éprouvons de la difficulté à savoir exactement qui est responsable. Est-ce que l'ACSTA est en charge de la sécurité à l'intérieur des aéroports canadiens?

M. Duchesneau: Non.

Le sénateur Banks: Qui est en charge?

M. Duchesneau: Nous sommes responsables du contrôle préembarquement. L'aéroport a une équipe de sécurité et la police est présente également. Nous ne sommes responsables que d'une tâche précise.

Le sénateur Banks: C'est une question qui préoccupe bien des Canadiens, moi y compris. M. Baker a mentionné ceci tout à l'heure. Il y a une ligne de démarcation. Il faut tenir compte des coûts supplémentaires liés à la surveillance policière. Ce type de surveillance policière sème la confusion en ce qui concerne l'identité des responsables. C'est irritant parce qu'on n'arrive pas à savoir qui est responsable. Nous sommes au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et pourtant, je n'arrive pas à savoir qui est en charge. Vous êtes d'un côté de la porte, mais c'est quelqu'un d'autre qui est en charge et quelqu'un d'autre qui paie — les fonds viennent d'une source différente.

Nous suivrons cela de très près.

Voici ma dernière question. Vous avez mentionné que les dépenses avaient augmenté de 78 p. 100 en raison des augmentations progressives. Une partie de ces fonds est consacrée à la formation que reçoivent 3 000 agents de contrôle pour qu'ils soient plus qualifiés. S'agit-il des 3 000 personnes qui sont actuellement en poste?

M. Duchesneau: Non. Par les 3 000, mais environ 75 p. 100 d'entre eux étaient déjà agents de contrôle et ont été réengagés après avoir suivi une formation et un test d'évaluation, pour autant qu'ils aient réussi. Nous avons recruté de 20 à 25 p. 100 de ces 3 000 personnes alors qu'aux États-Unis, on n'a gardé qu'environ 15 p. 100 des anciens employés. On a engagé du nouveau personnel alors qu'ici, pas.

Le sénateur Banks: Cela signifie-t-il que la norme américaine est d'un niveau supérieur à la nôtre?

M. Duchesneau: Non. Ça signifie que nous investissons dans la formation. À titre de gestionnaires, notre tâche consiste à transformer des personnes ordinaires en personnes extrêmement qualifiées ou à améliorer la qualité de la formation et celle du service.

Le sénateur Banks: Je dois dire que les agents de contrôle que j'ai rencontrés jusqu'à présent étaient très aimables mais ils ne font peur à personne. J'espère que vous arriverez à ce qu'on les craigne.

Je vous remercie.

Le sénateur Atkins: Par pure curiosité, est-ce que les agents de contrôle sont rémunérés à l'heure?

M. Duchesneau: Oui.

Le sénateur Atkins: S'agit-il d'un poste rémunéré au salaire minimum?

M. Duchesneau: Non. Dans certaines régions, le salaire horaire est passé de 6 $ ou 7 $ à 11 $. Tout dépend de la région.

Le sénateur Atkins: Le salaire est-il également proportionnel aux années d'expérience?

M. Duchesneau: Certainement. Il existe quatre ou cinq niveaux d'agents de contrôle, selon leur formation et les résultats de l'évaluation. Ceux qui ont une meilleure formation reçoivent un meilleur salaire.

Le sénateur Atkins: Le salaire d'un agent de contrôle de l'aéroport de Fredericton est-il différent de celui d'un agent de contrôle de l'aéroport Pearson?

M. Duchesneau: Oui, il varie selon les régions, mais le salaire moyen est de 11 $ l'heure.

Le sénateur Forrestall: On nous a assuré qu'ils ne recevraient aucune formation axée sur des profils. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Duchesneau: Sur l'établissement de profils? Non, nous n'établissons pas des profils.

Le sénateur Forrestall: Les dernières fois que j'ai pris un vol d'Air Canada, le second officier était à la porte et examinait attentivement toutes les personnes qui embarquaient. Ce n'est qu'après la fermeture de la porte intérieure qu'il fermait sa porte et rentrait. Pourquoi? Ne le savez-vous pas?

M. Duchesneau: Non.

Le président: Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier pour votre participation à nos audiences. Je vous promets que nous vous réinviterons d'ici quelque temps et nous nous en réjouissons d'avance.

Je recommande aux personnes qui suivent nos travaux de visiter notre site Web à www.sen-sec.ca. Il contient le compte rendu des témoignages et les horaires des audiences qui sont confirmées. Elles peuvent également communiquer avec la greffière du comité au 1-800-267-7362 pour obtenir de plus amples informations ou de l'aide pour entrer en contact avec des membres du comité.

Bonsoir. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité par l'examen de la question de la sécurité dans les aéroports.

Notre témoin suivant est M. Peter St. John. M. St. John a rédigé de nombreuses études sur la sûreté aérienne et sur la sécurité dans les aéroports dans le contexte du terrorisme contemporain.

(Peter St. John, assermenté.)

Le président: Monsieur St. John, pourriez-vous vous présenter?

M. Peter St. John, professeur à la retraite, Relations internationales, Université du Manitoba: Permettez-moi de signaler brièvement que je me suis intéressé de près à la sécurité dans les aéroports parce que j'ai perdu mon meilleur élève, en fait, mon assistant, dans le vol 182 d'Air India. Sa disparition a donc été très subite. Plus tard, j'ai compris ce qu'était le stress post-traumatique. De nombreux détournements d'avions ont eu lieu en 1985 et en 1986. Je participais à un «cross-country» et je me demandais si je ne devrais pas voir un médecin. C'est peu après cet événement que l'on m'a demandé d'écrire un livre sur les détournements d'avions et sur la sécurité des aéroports. J'ai examiné de près les cas de 1 200 détournements et j'ai profondément perturbé ma famille en en parlant sans cesse à la maison. J'ai donc écrit un livre à ce sujet mais j'ai aussi accumulé beaucoup d'informations sur les aéroports, les avions, les détournements, les terroristes et autres sujets semblables. Je suis aussi spécialisé dans le Moyen-Orient et je me suis donc évidemment intéressé de près à toutes ces questions.

Mon livre, qui a pour titre Air Piracy, Airport Security and International Terrorism, est paru en 1991, mais il n'est pas trop dépassé, même si 12 années se sont écoulées depuis sa publication, parce que les principes sont toujours les mêmes. C'est au cours de cette période que l'on a assisté à l'émergence des terroristes islamiques intégristes.

J'ai donné pendant 28 ans un cours intitulé «Renseignement de sécurité, espionnage et terrorisme» à l'Université du Manitoba, qui a été suivi par 150 étudiants. Un grand nombre de mes étudiants ont rédigé des études remarquables et ont examiné personnellement la sécurité des aéroports.

En 1990, j'ai aidé Air Canada à réaliser deux vidéos pour la formation des agents de bord. Je suis en mesure de confirmer les commentaires qui ont été faits précédemment à leur sujet, à savoir qu'ils sont remplis de crainte, n'ont pas de formation et ne veulent même pas y penser actuellement. Ces vidéos n'ont pas été mis à jour depuis 1990 et pourtant, ce serait nécessaire.

En 1990, alors que j'étais directeur du centre d'études antiterroristes, nous avons organisé une conférence sur le terrorisme islamique intégriste contre l'Amérique du Nord. À la suite de cette conférence, j'ai prédit à l'émission Good Morning America qu'une attaque semblable à celle qui est survenue à New York aurait lieu. Autrement dit, ces événements sont prévisibles lorsqu'on arrive à se mettre dans la peau des personnes qui tentent de commettre de tels actes.

Au cours des 12 derniers mois, j'ai fait 421 exposés portant directement ou indirectement sur les événements du 11 septembre, plus particulièrement un exposé intitulé — il ne s'agissait pas d'une conférence mais d'une séance d'information — «Le 11 septembre et l'état d'esprit des terroristes islamiques intégristes». Le but de cet exposé était d'expliquer, en remontant jusqu'au Prophète, comment la tradition radicale avait été rétablie dans l'Islam, tant dans l'Islam suni que dans l'Islam chiite, que ses racines sont lointaines et que cette mentalité s'explique. Nous devons nous efforcer de comprendre l'état d'esprit de ceux qui nous attaquent au lieu de manifester uniquement de la surprise. C'est là qu'est l'ennemi. L'autre ennemi est, bien entendu, notre indolence.

En 1998, j'ai rédigé un chapitre de l'ouvrage de Paul Wilkinson portant sur les aspects politiques du terrorisme aérien et j'ai été choqué de constaté à quel point les gouvernements mentent ou ménagent la chèvre et le chou et font des déclarations contradictoires. Je recueille beaucoup d'informations sur le trafic de stupéfiants et sur d'autres activités liées au transport aérien. J'en ai tiré des conclusions très pessimistes en ce qui concerne la sécurité des aéroports.

J'ai donc fait beaucoup d'exposés. Je suis très franc. Je ne vous promets pas de dire toute la vérité, parce que je suis chrétien pratiquant. Je ne connais pas toute la vérité, mais je vous dirai tout ce que je crois savoir; c'est la meilleure promesse que je puisse faire la Bible en main.

J'ai interviewé un grand nombre d'agents de bord dans le calme, de nuit, en cours de vol. J'ai interviewé des directeurs de la sécurité. Je suis indépendant. Je ne dois rendre de comptes à personne. Je peux donc m'exprimer en toute liberté. Aussi, je m'efforce de faire des commentaires objectifs sur cette question très complexe.

J'ai fait de nombreux voyages en Europe et, comme vous l'avez probablement déjà remarqué, le système de sécurité européen est très en avance sur le système nord-américain. Nous avons beaucoup de retard à rattraper.

Permettez-moi de vous signaler une revue très intéressante appelée Aviation Security.

Je pourrais peut-être vous passer quelques-uns de ces documents pour quelques minutes afin de vous permettre de les examiner à loisir. Voici la photo d'un tout jeune enfant habillé en commando-suicide. Vous en avez probablement entendu parler dernièrement. Voici des missiles sol-air qui ont déjà été et seront à nouveau utilisés pour abattre des avions. J'ai ici un excellent numéro de la revue consacré au 11 septembre contenant un article sur la sécurité des aéroports et un autre sur les technologies émergentes. Je suis abonné à cette revue depuis trois ans. Elle est extrêmement intéressante. Je vous la recommande. Elle devrait vous être utile. Je pense que vous devriez vous y abonner. Elle contient des articles très pertinents sur les questions que vous examinez.

Vous avez devant vous un document de 12 pages sur ce sujet et je ne tiens pas à trop insister. J'y ai d'abord signalé que la létalité des attaques terroristes contre les avions n'a cessé d'augmenter depuis les premières attaques lancées par des terroristes naïfs, vers la fin des années 60. Au cours des années 70, on faisait exploser des appareils en plein vol et toutes les personnes à bord perdaient la vie. Au cours des 30 dernières années, on a fait exploser environ 110 avions en utilisant diverses méthodes. Ces statistiques sont dans mon livre mais elles ne sont pas dans la plupart des études, parce qu'on ne veut pas vraiment y penser.

La létalité a augmenté de façon exponentielle jusqu'au jour où l'attentat du 11 septembre a eu lieu, alors que la sécurité des aéroports laissait à désirer, par 11 ou 12 personnes armées de couteaux polyvalents qui ont détruit l'appareil, détruit le World Trade Center. Le terrorisme a peut-être atteint alors son paroxysme. Je signale qu'il est toujours possible pour un commando-suicide armé d'une bombe de faire exploser un appareil en embarquant avec ses bagages dans l'avion. C'est une variante du 11 septembre. C'est une possibilité et cela donne une idée du type de sécurité qu'il faudrait mettre en place dans nos aéroports. C'est pourquoi j'ai décrit la courbe ascendante de la létalité.

J'ai expliqué que les motifs de l'attentat du 11 septembre sont la querelle entre Al-Qaida et les États-Unis. Depuis que le Canada participe activement à la lutte contre Al-Qaida, de l'Afghanistan au Golfe, il est maintenant désigné comme cible d'attaques. Il n'y a pas le moindre doute dans mon esprit que nous serons un jour ou l'autre victimes d'une attaque parce que notre politique dans ce domaine est très alignée sur celle des États-Unis. L'attaque n'aura peut-être pas lieu. Elle sera peut-être déjouée, mais nous sommes devenus une cible et nous devons prévoir une attaque. Nous devons nous préparer en conséquence parce que, même si l'attaque n'est pas lancée directement contre nous, nous pourrions être la cible d'une attaque indirecte contre les États-Unis.

J'ai mentionné en outre qu'Al-Qaida est une organisation qui est devenue très puissante depuis le début des années 90, période au cours de laquelle Oussama ben Laden a semé à travers le monde le ferment des mouvements terroristes islamiques intégristes et les a regroupés dans son organisation. J'estime par conséquent que nous devons considérer que la situation est grave.

J'ai également mentionné dans mon rapport que les mesures de sécurité ont été considérablement renforcées dans les aéroports américains. Je pense qu'avant le 11 septembre, la sécurité des aéroports canadiens était supérieure à celle des aéroports américains. Je voyageais régulièrement aux États-Unis pour faire des exposés à la U.S. Special Operations School on Insurgency et j'ai eu l'occasion de constater le manque de sécurité des aéroports américains et même d'exercer une certaine influence à ce niveau.

Depuis lors cependant, les Américains ont vraiment mis les bouchées doubles. Ils s'efforcent de mettre en place dans leurs 531 aéroports un système extrêmement efficace. Ils investissent beaucoup dans la sécurité. Ils font beaucoup de formation. Ils ne respecteront pas l'échéance souhaitée, et le Canada non plus, mais je pense que la sécurité des aéroports aux États-Unis est actuellement très supérieure à celle des aéroports canadiens. Ce qui me préoccupe au Canada, c'est que l'on ne sache pas exactement qui est responsable de la sécurité. Je pense que c'est une question que vous avez posée aujourd'hui. Après cette discussion, je ne sais vraiment plus qui peut bien être responsable de la sécurité au Canada.

J'espérais que l'ACSTA était sous la direction d'une personne qui inspirerait de la crainte, qui aurait du pouvoir et qui aurait pour mandat de décider d'instaurer un système de sécurité efficace fondé sur les mêmes normes à l'échelle nationale. Un jeune agent de contrôle de sécurité à l'aéroport d'Ottawa m'a dit que je devais sortir mon appareil photographique du sac et le faire examiner immédiatement. J'ai donc obéi. Quand je suis rentré à Winnipeg, ou plutôt quand j'ai pris l'avion à Winnipeg, on m'a dit que l'on n'examinait plus les appareils photographiques. Le système n'est pas normalisé. On n'adopte pas les mêmes procédures dans tous les aéroports du pays et de toute façon, il n'y a que neuf aéroports internationaux au Canada.

Qui contrôle la sécurité des aéroports? J'aimerais le savoir.

Le deuxième point que j'ai abordé dans mon mémoire est que la diffusion des renseignements est absolument essentielle. Non seulement, comme nous avons pu le constater au cours des travaux de deux comités sénatoriaux, la GRC et le SCRS ne collaborent-ils pas, mais les agents de ces deux services ne communiqueront pas des avertissements et des renseignements pertinents à des agents qui ne gagnent que 7,60 $ de l'heure, à Winnipeg. Ils ne gagnent pas 11 $ de l'heure et on ne peut pas s'attendre à ce qu'une personne ne gagnant que 7,60 $ de l'heure soit efficace. Je le sais. Mes filles travaillent parfois comme serveuses à ce tarif-là, et c'est terrible.

Le sénateur Banks: Elles touchent des pourboires.

M. St. John: Les pourboires aident. La diffusion aux aéroports des renseignements concernant d'éventuelles attaques doit être rapide mais le problème est qu'il y a actuellement au moins 12 organismes au Canada dont les activités sont liées au processus de la sécurité nationale. Ces 12 organismes n'ont donc pas la possibilité de communiquer simultanément les renseignements qui pourraient être diffusés à un aéroport précis. Il faut d'abord mettre en place un mécanisme permettant de centraliser ces renseignements.

Le troisième point concerne le personnel chargé du contrôle de sécurité: j'affirme depuis longtemps que le système des policiers engagés par l'aéroport ne serait pas efficace. Il est nécessaire de mettre en place une force de sécurité fédérale qui utilise les mêmes méthodes, applique les mêmes normes et ait une formation complète. En Malaisie, par exemple, le salaire offert à ces agents de sécurité était tellement intéressant que des policiers ont quitté leur emploi pour se joindre aux forces de sécurité des aéroports. C'est un système efficace que l'on devrait envisager de mettre en place dans un petit pays comme le Canada, soumis à un régime fédéral.

Quatrièmement, le rapprochement entre les bagages des passagers et leur propriétaire est nécessaire. Ce n'est pas très coûteux. Le coût des bagages égarés est énorme, 200 $ l'unité. Aux États-Unis, en 1986, ce coût s'est élevé à 400 millions de dollars. Il n'en aurait pas été ainsi si un système efficace avait été en place et les drames de Lockerbie et d'Air India auraient pu être évités.

Autrement dit, le rapprochement des bagages est au coeur du système. On le fait dans tous les pays d'Europe. En Amérique du Nord, on ne s'en est guère préoccupé. De même, le contrôle systématique des bagages est bien établi en Europe, mais pas ici. Il s'agit d'acquérir des technologies qui sont efficaces. En Europe, elles le sont. On utilise des technologies spéciales en même temps qu'un système à multiples niveaux. C'est très intéressant. Le premier niveau de ces systèmes est l'examen des bagages par une machine. Les bagages suspects sont retirés et sont soumis à des tests, des tests d'analyse de vapeurs par exemple, sous le contrôle d'agents. Si, après ces tests, les bagages en question sont toujours suspects, ils sont soumis à une fouille ou à une autre série de tests. Il s'agit donc d'un système de sécurité à multiples niveaux qui fait intervenir à la fois la technologie et le facteur humain.

Les trois étapes qui suivent sont nécessaires: l'examen par un personnel de contrôle de sécurité qui est extrêmement compétent, le rapprochement des bagages avec les passagers et le contrôle approfondi des bagages. C'est le prix à payer pour que les Canadiens, les Américains et les Européens puissent prendre l'avion en toute quiétude.

L'autre point que j'ai mentionné concerne le personnel de l'aire d'embarquement. Le sujet a été abordé ce soir. Il est important. C'est une énorme faille du système de sécurité des aéroports. Ces employés ne font pas l'objet d'un contrôle efficace. On sait qu'il y a infiltration de stupéfiants à ce niveau. On sait que des criminels opèrent à ce niveau. Au cours des deux dernières semaines, au cours des conversations que j'ai eues avec des agents de police d'aéroport, on m'a parlé d'un groupe d'employés qui avait «mal tourné», c'est-à-dire que ces employés ouvraient des bagages et volaient des objets. C'est arrivé à ma femme en Amérique latine. Cela peut apparemment arriver également au Canada. Certains employés de l'aire d'embarquement volent et la police doit essayer de les coincer.

C'est un problème de taille. Vous aurez l'occasion de poser des questions. Ce qui est certain, c'est qu'il faut accroître l'efficacité du système à Pearson et dans les autres aéroports.

Suis-je convaincu de l'efficacité du système d'établissement de profils de sécurité? Oui, mais je crois que ce système repose sur 42 profils différents — aux États-Unis, on l'appelle le CAPS.

Quand on applique ce système, on est pratiquement certain d'intercepter les suspects.

Je signale que le contrôle ne vise que 2 p. 100 des voyageurs au maximum, voire 1 p. 100 s'il est efficace.

Il faut utiliser toutes les méthodes susceptibles de permettre de détecter un terroriste, y compris celle des «profils raciaux». Au cours d'une certaine période, ce sont les sikhs qui étaient visés. Au 11e ou au 13e siècle, c'étaient les assassins. Ils pouvaient être noirs, jaunes, rouges, de n'importe quelle race. La criminalité n'est pas liée à la race. Cependant, les terroristes islamiques intégristes sont tous des Arabes ou des musulmans. Je suis désolé de ne pas être politiquement correct. Il faut toutefois être réaliste. Il ne s'agit pas d'un profil racial; c'est tout simplement un constat que l'on fait à l'époque actuelle.

En ce qui concerne les « policiers de l'air» et les agents de sécurité, je pense que les agents de sécurité sont nécessaires. Je ferai des commentaires à ce sujet si vous le désirez. Par contre, je trouve que les «policiers de l'air» ne devraient pas tenter de neutraliser les terroristes sans la collaboration du pilote. Quant à savoir s'il serait possible de faire intervenir les agents de bord dans ce genre de situation, c'est une autre question. Je vous laisserai le soin de l'examiner.

On devrait installer des caméras dans les avions pour que les pilotes sachent ce qui se passe dans l'avion. Il faudrait en outre renforcer les portes. C'est très important lorsqu'il s'agit de faire face à une telle situation en vol sans faire exploser l'avion, comme en Pennsylvanie le 11 septembre.

Enfin, les compagnies aériennes, les autorités aéroportuaires et le gouvernement devront régler le problème ensemble. Ils devront prendre des responsabilités. L'un ou l'autre de ces intervenants tentera de réaliser des profits et de nier toute responsabilité. Leur collaboration sera indispensable pour assurer la sécurité des aéroports, mais les voyageurs ont aussi un rôle essentiel à jouer dans ce domaine. Ce qui me semble évident, et ce sera mon dernier commentaire, c'est que les voyageurs canadiens font preuve de beaucoup de bon sens et d'intelligence. Ils remarquent beaucoup de faiblesses et certains m'ont signalé des choses que je n'aurais pas remarquées. Je crois que les voyageurs sont plus intelligents et plus perspicaces qu'on ne le pense. Je pense qu'ils veulent qu'un système de sécurité plus efficace soit mis en place au Canada et je pense qu'ils le méritent.

Le sénateur Atkins: Soyez le bienvenu, monsieur St. John. Nous attendions votre exposé avec impatience il y a une semaine mais vous avez malheureusement eu un empêchement.

Avez-vous suivi entièrement l'exposé du témoin précédent?

M. St. John: Oui.

Le sénateur Atkins: Dans ce cas, vous êtes au courant de quelques-unes des questions qui nous intéressent. Je présume que vous êtes heureux que notre comité examine la question de la sécurité.

M. St. John: J'en suis très heureux.

Le sénateur Atkins: Vous affirmez que les États-Unis sont très en avance sur nous en ce qui concerne le contrôle et la sécurité dans les aéroports. Vous avez mentionné qu'il y avait un peu plus de 500 aéroports aux États-Unis alors qu'il n'y en a que neuf chez nous. Vous l'avez mentionné brièvement, mais pourriez-vous être un peu plus précis et indiquer quel type de contrôle font les Américains que nous, nous ne faisons pas.

M. St. John: En 1988, pendant le drame de Lockerbie, la FAA avait donné l'instruction de faire le rapprochement des bagages. Pan American n'a pas fait ce contrôle à cause de mesures de réduction des coûts; elle n'a pas tenu compte du mandat de la FAA. C'est à cause de cette négligence qu'a eu lieu le drame de Lockerbie qui a entraîné, bien entendu, des frais de plusieurs millions de dollars, notamment en frais de procès et d'avocats. La FAA n'a toujours pas tiré la leçon de cet événement.

Le sénateur Atkins: Ne forçait-elle pas les compagnies aériennes à faire ce contrôle?

M. St. John: Non, et c'est à cause de cela que les événements du 11 septembre ont eu lieu. Les autorités américaines savaient que ce contrôle était nécessaire mais on a fait passer l'appât du gain et les problèmes de rentabilité des compagnies aériennes avant la sécurité tout en sachant très bien qu'au milieu des années 90, les Européens avaient mis sur pied un système de sécurité efficace et y avaient investi des sommes importantes. En 1994 — et c'est mentionné dans mon rapport — les Américains ont dépensé au total 142 millions de dollars pour les aéroports. En Grande-Bretagne, on a dépensé 100 millions de livres rien que pour l'aéroport de Manchester. Le sénateur Wyden de l'Oregon s'est demandé pourquoi. C'est parce que les Européens mettaient en place un système de sécurité efficace.

Je n'ai toutefois pas répondu à votre question. Les événements du 11 septembre ont traumatisé les Américains. Ils ont pris conscience de façon brutale de l'inefficacité du système de sécurité des aéroports. Je croyais que la FAA serait placée sous le contrôle du département de la Justice. Je ne suis pas sûr que ce soit déjà fait, mais c'est ce qui était prévu, si j'ai bien compris.

La FAA est actuellement chargée de fixer les normes et de les faire appliquer à l'échelle nationale.

Le sénateur Atkins: De qui relèvent ces normes?

M. St. John: Je ne sais pas si elles relèvent actuellement du département de la Justice ou si elles relèvent toujours de la FAA; j'ignore si celle-ci a un mandat spécifique en ce qui les concerne.

Le sénateur Atkins: Ne relèvent-elles pas du gouverneur Ridge?

M. St. John: Je n'en suis pas certain. Je ne le pense pas. Je pense que celui-ci a la responsabilité en matière de défense intérieure. Je ne pense pas que cela inclue la sécurité des aéroports.

Par ailleurs, tout le personnel de sécurité des aéroports a été fédéralisé. Les États-Unis sont conscients que pour donner à un nombre suffisant de personnes la formation nécessaire pour appliquer le type de normes qui s'imposent, il faudra beaucoup plus de temps que prévu initialement; l'objectif ne sera atteint qu'en 2004, voire plus tard. Les autorités américaines sont décidées à mettre ces normes en application et à désigner des responsables pour la sécurité.

Que la FAA soit autonome ou qu'elle relève du département de la Justice, l'objectif est le même. Il est d'établir ce niveau de sécurité. On a nommé un sous-secrétaire au transport pour la sécurité. J'espère que cette personne fera preuve de fermeté et qu'elle mettra l'accent sur certaines normes.

Le sénateur Atkins: A-t-on augmenté le salaire des agents de sécurité aux États-Unis?

M. St. John: J'ai cru comprendre que les salaires sont actuellement augmentés dans de fortes proportions; dans un plus petit pays comme le Canada, on pourrait les augmenter encore beaucoup plus et mettre en place un système de sécurité extrêmement efficace sans courir à la faillite.

Le sénateur Atkins: Si vous deviez choisir un modèle en matière de systèmes de sécurité, lequel adopteriez-vous?

M. St. John: Voulez-vous dire le système mis en place dans un pays en particulier?

Le sénateur Atkins: Oui.

M. St. John: J'ai mentionné le système de sécurité malaisien, surtout en ce qui concerne le personnel de sécurité dans les aéroports. Je pense que c'est un excellent modèle qui a permis d'attirer des agents des forces policières nationales dans les services de sécurité.

La zone de contrôle est le point central de la sécurité des aéroports. C'est le pilier de la sécurité. C'est là que toutes les normes sont établies. C'est là que les terroristes observent ce qui se passe pour voir si les employés sont alertes. Quand on a mis en place des personnes extrêmement compétentes, consciencieuses et bien rémunérées, qui sont à l'affût de la plus petite anomalie et que, comme je l'ai mentionné, des agents de sécurité accompagnent la cargaison de bagages du comptoir jusqu'à la zone de sécurité, puis jusqu'à la rampe d'embarquement, montent ensuite à bord pour remplir les fonctions de «policiers de l'air», ce sont là d'excellentes conditions pour évaluer l'efficacité des méthodes et pour détecter les vrais suspects, ces personnes ayant assuré la surveillance sur toute la ligne.

Est-ce que je m'écarte du sujet?

Le sénateur Atkins: Non.

M. St. John: J'ai fait une petite digression, mais c'est à mon avis sur ce type d'agent de sécurité qu'il faudrait compter.

Le sénateur Atkins: Vous avez mentionné Israël et comment procède El Al. Est-ce un bon modèle?

M. St. John: C'est le meilleur modèle au monde en ce qui concerne la sécurité aéroportuaire. J'aurais dû le mentionner. Je trouve que le système britannique est excellent, mais c'est en Israël qu'il est le plus efficace. Il s'agit d'une petite compagnie aérienne. En Israël, on est prêt à aller très loin en matière de sécurité pour assurer la protection des Juifs. Le système de sécurité est extraordinaire. J'ai tenté de le décrire dans un chapitre de mon ouvrage, mais je sais très bien qu'il aurait fallu lui consacrer quatre fois de pages.

Il s'agit d'un système de sécurité extrêmement élaboré; on fait même au besoin des appels à de la parenté qui vit en Amérique du Nord pour vérifier les déclarations d'un voyageur qui prend l'avion au Moyen-Orient. On fait des contre- interrogatoires qui peuvent durer jusqu'à trois heures. Lors de mon passage à l'aéroport de Lod, les contrôles de sécurité ont duré trois heures alors que le vol jusqu'au Caire n'a duré que 25 minutes. C'est le type de contrôle de sécurité au troisième degré dont j'ai fait l'expérience.

Je l'ai apprécié et les Canadiens apprécient un contrôle de sécurité au troisième degré dans les aéroports. Je n'ai jamais entendu un Canadien se plaindre d'avoir été retardé pour des raisons de sécurité. Les Canadiens ne sont pas inconscients et ils sont prêts à se soumettre à un contrôle efficace si c'est pour arriver sains et saufs à destination.

Le sénateur Atkins: En matière de sécurité, c'est en définitive la formation du personnel qui est capitale.

M. St. John: Oui, la formation est le fondement du système. Le personnel doit faire le contrôle des bagages manuellement et d'autres contrôles avec l'aide de la technologie. Les deux sont essentiels; ce n'est pas l'un ou l'autre. Aucune technologie ne peut remplacer l'intelligence et le savoir-faire humains. C'est un facteur extrêmement important.

Le sénateur Atkins: Vous avez mentionné l'existence d'une rivalité à Pearson entre la police et les employés d'aire d'embarquement. Pouvez-vous donner des informations plus précises à ce sujet?

M. St. John: Vous êtes probablement mieux informé que moi à ce sujet. J'évite Toronto comme la peste. Je suis venu par Thunder Bay aujourd'hui et je retournerai demain par Hamilton, uniquement pour ne pas devoir passer par un aéroport que je considère comme l'un des moins sécuritaires au monde. Je crois que c'est le cinquième plus gros aéroport à l'échelle mondiale, en ce qui concerne le volume de circulation. J'ai dressé une liste des aéroports canadiens et étrangers où la sécurité est toujours insuffisante et où l'on peut s'attendre à une catastrophe d'un moment à l'autre. L'aéroport Pearson a beaucoup de difficulté en ce qui concerne les employés des aires d'embarquement.

En 1986, lorsque j'ai entamé la rédaction de mon livre, des incidents se sont produits parce que la GRC n'était pas autorisée à examiner des cas manifestes d'immigrants illégaux travaillant à l'aéroport. Des rumeurs circulent actuellement à ce sujet. Si la pègre ou le crime organisé sont présents à Toronto, c'est toujours le même système qui est en place. Les agents de police et les agents de sécurité se méprisent mutuellement et il en est de même des employés que l'on appelle avec dédain «les rats d'aire d'embarquement». Ce sont des citoyens de la collectivité. On ne devrait pas les dénigrer du tout. Cependant, ils se considèrent mutuellement comme des étrangers. Ils se regardent avec méfiance.

Des agents de la GRC et des agents de la police de Peel travaillent à l'aéroport Pearson mais ils adoptent une attitude de méfiance réciproque. C'est très mauvais signe. Le roulement est très élevé parmi le personnel des aires d'embarquement à Toronto et il est donc impossible de vérifier en permanence si l'on peut faire confiance à ces employés. Le nombre d'employés est extrêmement élevé. On n'a pas le temps ni les fonds nécessaires pour mettre en place un système efficace à cet aéroport. C'est une des énormes faiblesses de notre système de sécurité des aéroports.

Le niveau de sécurité d'un aéroport est directement lié au maillon le plus faible du système. J'ai mentionné trois ou quatre failles, mais c'est peut-être au niveau de l'aire d'embarquement que la faille est la plus profonde parce que, quand on peut faire passer facilement à bord des stupéfiants et divers autres articles illégaux, alors les terroristes ne sont pas bien loin. Il faut agir à ce niveau du système et s'arranger pour qu'il soit efficace.

Je n'ai pas vu ce qui se passe dans les coulisses à Toronto. J'étais seulement de passage dans cet aéroport. Je n'ai pas vu ce qui se passait dans les coulisses. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir ce qui s'y passait. Je ne sais pas si vous irez vérifier. C'est une situation qui est très, très malsaine.

Si j'étais un terroriste, c'est l'aéroport que je choisirais pour passer au Canada tout comme les exécutants de l'attentat du 11 septembre 2001 ont choisi deux aéroports bien précis aux États-Unis.

Le sénateur Atkins: Quelle est votre opinion au sujet de la transparence? Vous avez entendu ce qu'a dit le groupe de témoins qui vous a précédé à ce sujet. Nous avons discuté des informations qui peuvent être révélées publiquement et du type d'information qu'il ne convient pas de divulguer.

M. St. John: Le terme «transparence» est un terme amusant. L'information que vous révélez publiquement doit être choisie avec beaucoup de prudence. Lorsqu'un pays est sous la menace des terroristes et lorsque le système de sécurité des aéroports est menacé, il faut agir comme si l'on était en guerre, c'est-à-dire qu'il faut publier une information susceptible de rassurer la population tout en dissuadant les terroristes, quand c'est possible. Il y une part de vérité et d'exagération dans l'information que l'on diffuse.

Quand on annonce que des systèmes de sécurité sont en place dans un aéroport, il est préférable qu'ils soient efficaces.

La même question se pose en ce qui concerne les alertes à la bombe. Il y en a des centaines par an. La population est- elle toujours mise au courant? Non, parce que ce serait la panique générale. Le public doit cependant être au courant de certaines informations.

J'ai dit que les Canadiens qui voyagent sont très intelligents. On ne peut pas tout leur cacher. Ils ne sont pas suffisamment informés. Ils ignorent si le système de sécurité de l'aéroport est vraiment efficace. Ils remarquent toutefois un certain nombre de failles dans le système et cela les inquiète beaucoup. Je pense qu'il faut révéler suffisamment d'informations, à moins que vous ne preniez aucune mesure pour répondre à ces critiques et à ces attentes. Je ne pense pas qu'on y réponde. Si on n'y répond pas en ce qui concerne les agents de bord, qui sont très préoccupés au sujet d'un éventuel incident, ceux-ci se contentent d'espérer que leurs craintes se dissiperont et qu'il ne leur arrivera rien. C'est très mauvais de monter dans un avion dans cet état d'esprit.

Le sénateur Atkins: Soyons précis. Est-ce que les agents de bord devraient être au courant de la présence de «policiers de l'air» dans l'avion?

M. St. John: Je crois que les «policiers de l'air» — permettez-moi de les appeler des «agents de sécurité» — donc, les agents de sécurité, les agents de bord et les pilotes devraient recevoir une formation axée sur la collaboration. Je pense que les portes devraient être renforcées pour pouvoir résister au besoin si quelqu'un tentait d'en forcer l'ouverture. Je pense qu'il faudrait installer des caméras pour que le pilote puisse suivre les allées et venues à bord. Je pense en outre qu'il faudrait prévoir une porte de secours qui donne directement sur l'extérieur pour le pilote, comme celles qui sont en place sur les appareils de la compagnie El Al.

On se trouvera certainement un jour dans des situations délicates qui nécessiteront la coopération de ces trois groupes d'employés. Les pilotes canadiens ne veulent pas être armés. Les pilotes américains veulent être armés. Je crois que les Canadiens préféreraient que les «policiers de l'air» soient remplacés par des agents de sécurité car les «policiers de l'air» étaient trop facilement reconnaissables lorsque le programme a été mis en place au début des années 70. Ils étaient tellement faciles à reconnaître qu'on pouvait les bousculer pour leur voler leur arme. Il faudrait utiliser un type d'agents de sécurité «invisibles». Je préconise l'emploi d'armes qui ne risquent pas de détruire l'appareil mais qui permettraient d'abattre un terroriste. Il s'agit d'un type d'arme particulier, dont l'usage nécessite une formation très particulière.

Je pense qu'il serait tout à fait raisonnable de prévoir la possibilité d'un autre attentat comme celui du 11 septembre, de révéler les craintes au grand jour et de prévoir une formation commune pour les agents de bord, les pilotes et les agents de sécurité. Il faudrait examiner les diverses possibilités d'intervention de leur part dans des conditions précises.

Un type d'incident fréquent est lié à la rage de l'air. Certains passagers deviennent incontrôlables et il faut les maîtriser. Il faut aussi faire face à des personnes telles que Richard Reid qui avait tenté de faire exploser sa chaussure. Divers incidents peuvent se produire à bord d'un avion. Il y a aussi les détournements classiques que certaines personnes tentent de provoquer sous la menace d'un couteau.

Le sénateur Atkins: Dieu merci pour les agents de bord.

M. St. John: Ce sont des femmes formidables.

Le sénateur Banks: Et des hommes aussi.

Le sénateur Atkins: Êtes-vous étonné que certains témoins que nous avons reçus la semaine dernière nous aient affirmé que l'on n'avait pas apporté le moindre changement à la formation des agents de bord?

M. St. John: Non.

Le sénateur Atkins: Aucune modification n'a été apportée à leur formation depuis des années, même pas depuis le 11 septembre.

M. St. John: Je connais la jeune dame qui est chargée de la formation des agents de bord d'Air Canada. C'est une des mes anciennes élèves. Elle est très préoccupée à ce sujet.

La grosse préoccupation d'Air Canada est d'essayer de digérer les restes de Canadian Airlines, tel un boa constrictor qui vient d'avaler un porc ou un autre animal. Les agents de bord se battent pour des questions d'ancienneté. Ils n'ont pas le temps de se préoccuper de la sécurité. C'est bien là le problème. Ils devraient pourtant s'en préoccuper car c'est capital.

La femme que l'on peut voir sur les vidéos que nous avons réalisés est Uli Derickson. Au cours du vol 847 de la TWA, elle a pris l'initiative de jeter tous les passeports juifs dans les toilettes pour s'en débarrasser et a négocié la liberté de tous les passagers, un après l'autre. Elle a dû faire une avance de 23 000 $ sur sa carte Visa pour faire le plein à Alger, que la compagnie ne veut pas lui rembourser. C'est une femme extraordinaire. Ce détournement d'avion a détruit sa vie.

Elle souffre encore beaucoup de stress post-traumatique mais elle a pris les initiatives qu'il fallait prendre et a pu sauver ainsi des vies. Plusieurs agents de bord ont fait preuve d'un grand héroïsme dans des situations semblables. On pourrait citer de nombreux exemples d'héroïsme dans des cas d'urgence. Cependant, plus on est informé sur le terrorisme, plus on est au courant des moyens que les terroristes emploient pour arriver à leurs fins et de leurs tentatives de manipulation par la terreur, et moins on risque de se laisser intimider par leurs menaces. Plus on est informé à leur sujet et plus on a de chances de bien réagir. Par conséquent, je voudrais que les agents de bord, les pilotes et les employés des services de sécurité reçoivent une formation spéciale pour instaurer un système de sécurité aussi efficace qu'en Grande-Bretagne.

Le sénateur Forrestall: Monsieur St. John, je suis heureux que vous soyez ici. J'apprécie votre franchise. Je voudrais vous poser la question suivante: qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à vouloir abattre un avion? C'est à la fois tragique et insensé. Les personnes qui attaquent un avion le font-elles pour pouvoir faire ce qu'elles veulent après en avoir pris le contrôle? Quelle est leur motivation?

M. St. John: Les avions fascinent les terroristes. Ils ont un pouvoir quasi hypnotique sur eux. Les terroristes les adorent. Ils ne peuvent pas s'empêcher de les attaquer. C'est pour eux la forme la plus exaltante de terrorisme parce qu'un avion est vulnérable, qu'il vole à très haute altitude et que les passagers sont sans défense et sont à leur merci. J'ai constaté, au cours des recherches que j'ai faites pour rédiger mon livre, que c'est pour cette raison qu'ils agissent ainsi. Ils sont irrésistiblement attirés par les avions, comme un insecte l'est par la lumière. Par conséquent, ce type d'attaque ne disparaîtra jamais complètement, c'est sûr et certain.

Pour répondre à votre question, je signale que d'après l'article paru dans le numéro de novembre 2001 de la revue The Atlantic Monthly au sujet de l'écrasement du vol 990 d'EgyptAir — et la commission de sécurité américaine n'a pas retenu la thèse de l'auteur de cet article, M. Langewiesche —, il est évident, si l'on tient compte de toutes les informations disponibles à ce sujet, que le pilote de cet appareil avait des troubles émotifs profonds et de gros problèmes personnels. Il faisait des avances aux filles dans son hôtel de New York et essayait d'aller coucher avec toutes celles qu'il pouvait séduire. Il était terriblement endetté et avait de gros problèmes. Je pense qu'il a coupé les moteurs, baissé le manche à balai et qu'il s'est suicidé en entraînant dans sa mort toutes les autres personnes présentes à bord. Je crois que la tragédie du vol 990 est due à un suicide et je pense aussi que les auteurs de l'attentat du 11 septembre se sont plus ou moins inspirés de cet exemple. C'est alors qu'ils ont préparé leur coup.

Les auteurs des attentats du 11 septembre avaient en quelque sorte une double personnalité. Ce sont des gens issus de familles de la classe moyenne ou de la classe supérieure dont les parents, les frères et les soeurs sont des personnes très respectables et connues. Ces jeunes sont allés suivre une formation dans des pays occidentaux, comme Mohammed Atta. Il représentait le type classique de terroriste. Il adorait l'Occident, adorait la promiscuité et la liberté de pensée et de mouvement mais il avait un sentiment de culpabilité profondément enraciné. Ces deux aspects de sa personnalité se sont confondus lorsqu'il s'est joint aux fidèles d'une mosquée intégriste où on lui a dit qu'il pouvait régler son problème. Cela a provoqué une rupture en lui. Les Allemands ont un terme pour désigner cela. J'essaie de m'en souvenir. C'est un terme qui veut dire quelque chose comme une cassure soudaine. Il a décidé subitement qu'il devrait participer à cette attaque contre les États-Unis pour le bien de la postérité, sans exiger quoi que ce soit en contrepartie ni la moindre explication. Ce genre d'attitude nous permet de comprendre l'état d'esprit des terroristes islamiques intégristes. Ces personnes sont prises entre deux cultures mais doivent prendre une décision pour hâter l'avènement d'un monde nouveau en détruisant Satan, le maléfique, c'est-à-dire les États-Unis. C'est entièrement insensé pour nous mais, si vous aviez vécu et voyagé au Moyen-Orient, comme je l'ai fait à Gaza, par exemple — qui est un bouge pour les humains — vous comprendriez pourquoi on peut échafauder des théories semblables.

Le sénateur Forrestall: Les terroristes semblent être également fascinés par les navires. Ils ont fait sauter des navires de guerre et ont menacé de faire sauter des traversiers. C'est une attitude bien particulière.

Faudrait-il améliorer notre capacité de collecte de renseignements, nos capacités d'analyse ou encourager l'échange de renseignements? Il semblerait qu'actuellement, le plus proche allié du Canada à cet égard soit l'Australie, ce qui est étonnant. Ce ne sont pas les États-Unis, le Royaume-Uni ni l'Allemagne.

Serait-il possible d'être plus efficaces en axant nos efforts sur l'amélioration des relations avec nos plus proches alliés et amis de longue date en ce qui concerne l'échange de renseignements de sécurité qu'en élaborant en toute hâte un système personnel de collecte?

M. St. John: C'est un énorme guêpier. J'ai une opinion bien précise après avoir donné pendant des années des cours de niveau universitaire sur le renseignement de sécurité et après avoir suivi certains événements.

Nous sommes le seul pays occidental au monde qui se comporte comme un unijambiste dans le domaine de la sécurité. Tous les autres pays ont des services de renseignement positif, des services de renseignement négatif, des services de contre-espionnage, comme la CIA ou le FBI ou comme le MI5 et le MI6. Au Canada, un service analogue au FBI a été mis en place, il s'agit du SCRS, mais rien d'autre. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous ne recueillons pas des renseignements de sécurité à l'échelle mondiale alors que nous avons passé le plus clair de notre temps à critiquer la politique extérieure des États-Unis.

J'ai donné également pendant une trentaine d'années des cours sur la politique étrangère du Canada. Nous avons passé le plus clair de notre temps à critiquer les Américains. Nous ne pouvons pas compter sur leurs services secrets; nous voulons avoir nos propres sources de renseignements de sécurité et les Canadiens, parce qu'ils sont tournés vers l'étranger et parce qu'ils voyagent beaucoup, parce qu'ils ont une vision multiculturelle éclairée de l'univers — et je crois que Winnipeg, la ville où je vivais, alors que je suis né en Colombie-Britannique, est un milieu multiculturel dans lequel le multiculturalisme est bien vivant —, ont un intérêt et une ouverture sur le monde que d'autres peuples n'ont pas. Les Américains ne s'intéressent pas aux autres cultures alors que les Canadiens s'y intéressent.

Je pense par conséquent que nous devons faire la collecte de renseignements. Quant à savoir comment s'y prendre, c'est une tout autre question. Je pense toutefois que nous devrions avoir notre propre système de collecte de renseignements. Lorsque j'étais à Lahr, en Allemagne — je me suis trouvé brusquement nez à nez avec mon commandant de base de Lahr ici même et il sait donc de quoi je parle —, un excellent service de renseignement militaire était en place. Ce service a recueilli de nombreux renseignements militaires très utiles sur le terrorisme en Europe. Depuis que nous n'avons plus de base en Europe, nous ne faisons plus la collecte de ce type de renseignement, je présume. C'est très regrettable. J'insiste sur le fait qu'il faut coordonner les activités des services de renseignement de nombreux organismes.

Le sénateur Forrestall: Notre incapacité de collaborer est-elle due au fait que nous n'ayons pas développé nous- mêmes une capacité semblable?

M. St. John: Je pense que depuis 1945, la culture politique a emprunté deux voies différentes. Diefenbaker et les défenseurs des droits civiques prétendaient qu'on ne pouvait pas fouler aux pieds les droits des Canadiens alors qu'à la GRC et dans d'autres milieux, on estimait que la sécurité nationale était indispensable parce qu'on était en période de guerre froide. Les deux groupes — les deux solitudes, pour citer le Britannique C.P. Snow — ont emprunté des voies différentes et c'est ainsi qu'un dédoublement de culture s'est produit au Canada. De nombreuses personnes refusent que l'on restreigne leurs droits alors que d'autres répliquent: «Ne comprenez-vous donc pas que nous pouvons être victimes d'une invasion?» La question n'a jamais été réglée.

Le sénateur Forrestall: Y a-t-il dans la structure canadienne une plate-forme intéressante d'où on pourrait lancer un effort concerté dans ce domaine? S'agirait-il d'une force militaire ou d'une force conjointe, par exemple?

M. St. John: Non. Je ne pense pas que cela puisse être une force policière ou une force miliaire. Il faut que ce soit un service civil. Je pense qu'on commence à comprendre comment il faut s'y prendre grâce aux Britanniques. On a toutefois cessé de faire de la formation avec les Britanniques.

Le service britannique reste un des meilleurs services de renseignement au monde et la CIA est un des pires services qui soient.

Le sénateur Forrestall: Pourquoi avons-nous mis un terme à cette collaboration? Pouvez-vous dire à partir de quand? Pouvez-vous établir un lien avec le retrait de nos troupes d'Europe?

M. St. John: Oui, je pense que c'est cela. On a publié un livre très connu intitulé For Services Rendered qui a été écrit par John Sawatsky. C'est un ouvrage brillant. Je vous recommande de le lire du début à la fin parce qu'il montre comment on a intégré au service de sécurité de la GRC diverses méthodes du MI5. La GRC n'a toutefois pas compris ces méthodes. La GRC veut trouver un coupable à condamner; les services de sécurité veulent suivre des indices pour recueillir des informations supplémentaires. Ces deux façons de procéder sont incompatibles. Elles ne peuvent être combinées dans la pratique. Il faudrait établir un système entièrement nouveau et distinct. Je pense que ce serait amusant d'installer le SCRS et un service de renseignement positif dans des locaux qui se trouvent dans le même édifice. Ce serait fascinant. Ça pourrait marcher, mais ce n'est pas certain.

Le sénateur Forrestall: Je voudrais que les deux organismes soient dans des locaux situés dans le même édifice.

Le sénateur Banks: Pourriez-vous donner des indications plus précises sur l'autre service qu'il faudrait établir, parce que je n'ai pas très bien compris? Dans quel autre domaine que ceux où le SCRS est actif faudrait-il mettre un système en place? Pensez-vous à un service de renseignement sur l'étranger?

M. St. John: Oui. Je m'excuse; j'aurais dû mentionner qu'il s'agissait d'un service de renseignement sur l'étranger.

Le sénateur Banks: Je vous remercie. C'est une simple anecdote mais il y a quelque temps, on m'a fait débarquer d'un avion parce qu'il y avait à bord un bagage dont le propriétaire n'était pas dans l'avion. Je pense qu'il s'agissait d'un avion canadien. Vous avez dit que nous ne faisions pas de rapprochement entre les bagages et les passagers. Est-ce que ma mémoire me jouerait des tours et était-ce peut-être dans un autre pays?

M. St. John: Étiez-vous à Thompson ou à Tuktoyaktuk?

Le sénateur Banks: Non. Je suis déjà allé à Thompson et à Tuktoyaktuk, mais pas dernièrement. Cela s'est passé dans le courant des 12 derniers mois.

M. St. John: Je n'ai jamais dû débarquer d'un avion pour cette raison. Pourtant, j'aurais aimé que ça m'arrive.

Le sénateur Banks: C'était peut-être dans un autre pays.

Nous aimerions entendre encore quelques commentaires au sujet de la différence entre la vérité et la transparence. Les témoins qui vous ont précédé et qui sont, dans une certaine mesure du moins, responsables de la sécurité pour une compagnie aérienne, ont déclaré qu'il ne serait pas indiqué de nous révéler, et par conséquent de révéler au public, certaines informations précises sur les méthodes employées pour assurer la sécurité et sur le degré d'utilisation de ces méthodes car cela risquerait d'en compromettre l'efficacité.

Êtes-vous également d'avis que certaines informations doivent être tenues jalousement secrètes et qu'il faut éviter de révéler nos méthodes à des malfaiteurs?

M. St. John: Je pense qu'il faut éviter de communiquer dans un lieu public certains types d'informations. Si j'avais été à la place de la personne à laquelle vous faites allusion, j'aurais répondu plus franchement, mais je présume que c'est parce que c'est dans ma nature. Ce n'est donc pas une réponse valable.

Je pense qu'on ne peut pas protéger ses arrières dans ce domaine. Je pense qu'il faut instaurer un système de sécurité efficace dans notre pays et pour cela, il faut écouter, il faut parler, il faut faire des concessions et il faut commettre des erreurs et les reconnaître. Notre système n'est pas efficace. C'est là le problème.

Vous avez interrogé un témoin qui a été nommé à ce poste tout récemment et je me demande s'il connaissait toutes les réponses aux questions que vous lui avez posées. Il a été chef de police. Je fais des suppositions. Il ne suit pas le système comme je l'ai fait depuis 15 ans. Il n'a pas eu l'occasion de l'observer, de l'analyser à fond et de poser des questions. Je pense que son manque de clarté est dû à un manque d'expérience. Je pense que lorsqu'il reviendra témoigner, il sera mieux informé et qu'il pourra donner certaines réponses.

Le sénateur Banks: Il a pourtant dit qu'il était tourmenté parce qu'il n'était pas autorisé à révéler bien des renseignements qu'il aurait souhaité pouvoir nous donner.

Dans votre ouvrage, et encore aujourd'hui, vous avez mentionné la rivalité entre les services. Vous avez probablement lu l'ouvrage intitulé The Clash of Civilizations.

M. St. John: Bien sûr!

Le sénateur Banks: Adhérez-vous à sa prémisse de base?

M. St. John: Je pense que l'auteur de cet ouvrage a fait un constat extrêmement important. Je n'approuve pas tous ses commentaires, mais je pense qu'il existe des incompatibilités profondes au sein des civilisations ainsi qu'entre des civilisations transnationales. Huntington est un spécialiste très renommé dans mon domaine. On n'ose pas le critiquer. Ses connaissances sont très étendues.

Je me suis beaucoup inspiré de l'ouvrage de Robert Kaplan intitulé The Coming Anarchy lorsque j'ai rédigé l'article paru dans le numéro de février 1994 de la revue The Atlantic Monthly. Ses prédictions se réalisent progressivement sous nos yeux. C'est un ouvrage remarquable et un article de 23 pages remarquable.

Un affrontement se produit actuellement entre le monde musulman et le monde chrétien. Il est mené par les intégristes qui sont imprégnés d'un certain nombre de croyances très spécifiques. Je me demande si c'est le genre de réponse qui vous plaira, mais une des options pour accroître la sécurité des aéroports serait de régler certains problèmes politiques qui sont à la source des attaques lancées contre les aéroports.

Dans l'article de l'ouvrage de Paul Wilkinson que j'ai mentionné, et que j'ai lu pour le plaisir, j'ai analysé tous les détournements qui se sont produits pour savoir quel groupe est responsable de la plupart d'entre eux et j'ai constaté qu'un groupe ethnique est responsable de 74 p. 100 des détournements qui ont eu lieu jusqu'à présent. Savez-vous lequel? Les Palestiniens et les groupes et organisations qui leur sont associés. Si l'on accordait l'autodétermination aux Palestiniens et si on leur donnait un État, on couperait l'herbe sous le pied aux intégristes. Une des principales raisons des attaques lancées contre l'Occident disparaîtrait parce que c'est ce qui se passe actuellement au sein de l'Intifada. C'est une des possibilités mais il ne faut pas négliger les solutions politiques. En effet, les Palestiniens en veulent à mort aux États-Unis parce qu'ils appuient Israël et que cet appui est considéré comme injuste par les musulmans du monde entier. C'est ce que m'ont dit de nombreux musulmans et de nombreux Arabes.

Le sénateur Banks: Et à cause de la présence militaire américaine en Arabie Saoudite.

M. St. John: Les dernières paroles que le Prophète a prononcées avant sa mort sont qu'il ne faut pas permettre aux infidèles de pénétrer dans la péninsule arabique. Techniquement, c'est rigoureusement exact. Oussama ben Laden en a fait en quelque sorte une doctrine pour se faire des alliés contre les États-Unis.

Le sénateur Banks: Pourriez-vous faire des commentaires, puisque vous considérez qu'il s'agit à certains égards d'une guerre, sur le principe qu'en temps de guerre, la vérité est une denrée si précieuse qu'elle doit toujours être accompagnée d'un rempart de mensonges, énoncé par Churchill?

M. St. John: J'utilise cette citation dans mon cours.

Oui, pour autant que l'on ne pense pas que Churchill a laissé bombarder la ville de Coventry. Il n'a pas laissé bombarder cette ville, parce qu'il ne savait pas ce qui allait se produire cette nuit-là. La duperie est effectivement indissociable de la guerre. Elle fait partie intégrante de la stratégie militaire. Elle a toujours été présente. Notre représentant à Téhéran, M. Taylor, a eu recours à cette tactique pour faire sortir les Américains et les Canadiens de Téhéran. On l'accepte, bien entendu. On ne peut pas s'en indigner moralement. Cela fait partie intégrante de la diplomatie.

Le sénateur Banks: Vous avez déjà répondu à la question, mais je voudrais pousser l'interrogatoire un peu plus loin et je ne le fais pas gratuitement. Joue-t-on un double jeu quand on a recours à un contrôle ethnique?

M. St. John: Oui.

Le sénateur Banks: Dans les deux cas?

M. St. John: Oui. Je n'aime pas beaucoup les termes «contrôle ethnique». Actuellement, l'Occident est la cible des attaques des terroristes islamiques intégristes qui sont surtout originaires d'Arabie Saoudite, d'Égypte, du Yémen, de l'Afghanistan, du Pakistan et d'autres pays analogues. Le Pakistan est une culture. Les Iraniens représentent une autre culture. Les Arabes forment un groupe différent. Ce sont pourtant tous des musulmans. On constate que nos ennemis, c'est-à-dire les personnes qui nous attaquent, sont des musulmans. Il peut s'agir de musulmans arabes, de musulmans perses ou de musulmans turcs — il n'y en a pas beaucoup —, de musulmans du Yémen et on peut dire qu'ils représentent «l'ennemi» à l'heure actuelle.

Par contre, nous entretenons de très bonnes relations avec la plupart des pays arabes pour le moment.

Le sénateur Banks: Ce n'est pas juste de dire que ce sont nos ennemis. Il est exact de dire que certains d'entre eux sont nos ennemis.

M. St. John: Il s'agit d'un petit groupe qui adhère à cette doctrine. Dans notre société, les personnes qui ont la même couleur de peau sont automatiquement jugées suspectes.

Savez-vous quoi? On fait très peu de discrimination dans les milieux où j'évolue, c'est-à-dire dans les milieux universitaires. J'ai de nombreux étudiants islamiques et musulmans. J'ai tenu le même discours sur la mentalité islamique intégriste. Plusieurs étudiants islamiques m'ont dit après mon exposé que c'était juste et que je les avais traités comme il fallait à ce propos. Ils m'ont remercié en disant que c'était une discussion très utile.

Le sénateur Banks: Peut-on faire cela au point de contrôle? Peut-on être juste tout en ciblant certaines personnes parce qu'elles ont les cheveux roux ou parce qu'elles portent une ceinture brune?

M. St. John: Le contrôle doit être fondé sur des méthodes beaucoup plus sophistiquées que sur un simple examen de la couleur de la peau. De nombreux facteurs interviennent dans un contrôle.

Il faut savoir que l'on fait déjà un contrôle de sécurité lorsque vous faites une demande de carte de crédit. Avant de vous l'accorder, on vérifie votre cote de solvabilité, votre statut social, le lieu où vous vivez et la fréquence de vos voyages en avion. On vérifie si vous payez comptant ou si payez avec la carte Visa. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte dans le contrôle. Actuellement, c'est un des facteurs.

Il n'y a pas si longtemps, les sikhs qui portaient le turban étaient jugés très suspects. Ils peuvent maintenant circuler partout et agir en toute liberté. Ils ne sont plus considérés comme suspects. À un autre moment, c'est un autre groupe, comme les Palestiniens, qui est jugé suspect. Ce n'est qu'un petit facteur qui entre en ligne de compte.

La sécurité des aéroports est beaucoup trop complexe pour être fondée sur le seul facteur de l'identité ethnique. Le comportement d'une personne qui est sur le point de provoquer un incident dans un avion trahit souvent ses intention. C'est souvent visible d'après ses attitudes physiques et ses mouvements de mains. C'est pourquoi j'ai dit qu'un agent de sécurité qui a reçu une très bonne formation a de bonnes chances de repérer les personnes qui pourraient mettre en danger la vie des passagers et de l'équipage. Ce n'est pas nécessairement lié au caractère ethnique.

Le sénateur Banks: On pourrait alors se poser tout naturellement la question suivante: A-t-on le choix? Pour cela, il faudrait mettre des agents de sécurité sur les 200 000 vols canadiens annuels. En avons-nous les moyens?

M. St. John: C'est comme le jeu de la vérité et de l'erreur. On ne révélera jamais le nombre exact d'agents de sécurité. On ne dira jamais sur quels vols ils sont. On fera simplement savoir qu'il y a des agents de sécurité sur un nombre suffisant de vols pour qu'il soit préférable de ne pas faire de tentative, parce que le système est très efficace.

Les aéroports doivent actuellement mettre au point une propagande qui n'est pas trompeuse et faire comprendre clairement qu'ils font de la surveillance pour repérer les terroristes, que des mesures de défense sont en place et qu'il est préférable de renoncer à toute tentative d'attentat. C'est possible. C'est très faisable. Un directeur de la sécurité d'un aéroport qui est vraiment dynamique peut très bien donner à cet aéroport une réputation qui arrivera aux oreilles des terroristes.

Le sénateur Banks: Voici ma dernière question: est-ce le principal obstacle auquel est dû ce manque de concentration des responsabilités?

M. St. John: Je le pense.

Le président: Monsieur St. John, en ce qui concerne la transparence, pourriez-vous citer brièvement un motif de ne pas nous informer ou de ne pas en informer les Canadiens lorsque le système de sécurité manque d'efficacité? Autrement dit, quand vous faites des tests sur les systèmes, les résultats devraient-ils être gardés secrets et pour quelles raisons?

M. St. John: Je ne pense pas que les résultats des tests doivent être gardés secrets. J'ai communiqué les résultats de plusieurs tests dans mon témoignage. Je pourrais mentionner également ceux d'un certain nombre d'autres tests qui ont été effectués. Les tests permettent de déterminer le degré de sécurité. Si le taux d'échec est de 30 p. 100, c'est que le système de sécurité n'est pas efficace. Ça veut dire que vous n'assurez pas une sécurité suffisante.

Le président: D'après certains articles, le taux d'échec atteint 50 p. 100 dans certains aéroports américains. Si les autorités canadiennes gardent le silence à ce sujet, faut-il en conclure que ce n'est pas pour des raisons de sécurité mais par incompétence ou parce qu'on n'a pas mis de système de sécurité efficace en place?

M. St. John: C'est ce que penseront les Canadiens. Je crois que c'est ce qu'ils pensent déjà. Je vous ait dit que les Canadiens étaient intelligents. Ils sont habitués à voyager. Ils ont raison de penser ainsi si on ne leur donne pas les informations pertinentes. Ils veulent des preuves concrètes que le système est efficace. Ils veulent pouvoir le constater de visu. Ils veulent savoir quels tests ont été effectués et en connaître les résultats. Lorsque le taux d'échec sera ramené à 10 ou 15 p. 100, nous saurons que le système en place est efficace.

Le sénateur Smith: Je vous remercie, monsieur le président. Même si certains points que j'ai notés ont déjà été abordés, je voudrais malgré tout poser quelques petites questions.

Je voudrais d'abord aborder la question suivante: les représentants de l'ACSTA ont fait des commentaires au sujet des machines de détection par analyse de vapeurs et de l'utilisation de chiens. Avez-vous des informations particulières à ce sujet qui, d'après vous, pourraient nous être utiles, à moins que cela ne fasse pas partie du domaine dans lequel vous êtes spécialisé?

M. St. John: Cela ne fait pas partie de mon domaine. Je signale qu'il existe quelques technologies très différentes qui s'améliorent constamment, notamment les technologies d'analyse des odeurs et les technologies d'analyse de vapeurs ainsi que les technologies de scanographie. C'est en ayant recours à ces trois technologies à la fois que l'on tente de rendre le système infaillible. Ces technologies viennent de divers pays; quelques-unes viennent des États-Unis, du secteur privé, d'autres de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne.

La question n'est pas encore réglée. On ignore encore quelles machines donneront des résultats parfaits. Cependant, comme l'a mentionné le témoin précédent, c'est en utilisant simultanément un système de sécurité à plusieurs paliers, avec l'aide de machines qui sont ou plutôt seront très performantes, qu'on atteindra ce but. Leur performance sera améliorée au fil des ans, surtout grâce à l'usage de Semtechs, qui peut ressembler à un gilet pour femmes. Il est possible de faire une contre-vérification de divers types de contrôle de sécurité pour que si un système ne détecte pas quelque chose de suspect, un autre prenne la relève.

Le sénateur Smith: Je voudrais plutôt faire un commentaire. La technologie ressemble un peu à celle des ordinateurs personnels. J'ai trois enfants et je suis très découragé quand je pense au nombre d'ordinateurs que j'ai achetés au cours des dix dernières années et qui sont maintenant dépassés. Bien. Je crois que cette question est réglée.

L'établissement des priorités en matière de dépenses est un casse-tête. Je sais que vous avez surtout mis l'accent sur une formation solide du personnel. Y a-t-il d'autres informations qui, d'après vous, pourraient nous aider à comprendre la situation et à tirer certaines conclusions en matière de priorités?

M. St. John: Parlez-vous de domaines qui n'ont pas été abordés où nous devrions faire des dépenses?

Le sénateur Smith: Non. Je veux que ce soit simple. On pourrait recevoir une liste contenant une multitude de suggestions. Cependant, parmi les priorités dans lesquelles on devrait investir toutes les ressources que l'on peut obtenir des gardiens du coffre, je sais que vous avez mentionné principalement la formation systématique du personnel. Y a-t-il d'autres domaines à signaler où les ressources sont insuffisantes?

M. St. John: N'est-ce pas indiqué dans la liste des dix priorités que j'ai mentionnée dans mon mémoire?

Le sénateur Smith: Oui. Avez-vous établi cette liste en fonction d'un ordre de priorité?

M. St. John: Non. Il s'agit d'une simple liste des maillons du système que je trouve faibles.

Le sénateur Smith: Dans ce cas, je pense que je n'ai pas examiné la liste assez attentivement. Quelles seraient les trois priorités principales?

M. St. John: Le rapprochement des passagers et des bagages, le personnel des aires d'embarquement, le personnel des services de contrôle de sécurité et le contrôle des bagages.

Le sénateur Smith: La formation du personnel ne permettrait-elle pas de régler ces questions?

M. St. John: C'est précisément ce que je voulais dire.

Le sénateur Smith: Abordons à nouveau la question délicate de l'établissement de profils. Nous tenons à être justes.

Le pourcentage d'intégristes du type Al-Qaida, c'est-à-dire de fanatiques qui sont prêts à courir au suicide, est probablement infime. Je suis conscient que la tâche du personnel des services de sécurité n'est pas de faire le tour des commissions des droits de la personne; leur tâche est d'ordre stratégique.

Avez-vous une méthode à suggérer qui permettrait malgré tout de témoigner du respect et de faire preuve de justice envers les 99,99 p. 100 de musulmans pour lesquels ces actes sont absolument abominables et qui ne tiennent pas du tout à y être associés?

M. St. John: Cela peut se faire dans les écoles et les universités. Nous côtoyons des musulmans et des personnes de culture arabe. Je voyage depuis 35 ans au Moyen-Orient et je n'ai pas été une seule fois agressé physiquement ou traité d'une façon qui ait pu me choquer. Dans les 12 ou 15 pays arabes où j'ai voyagé, je n'ai rencontré que des personnes d'une extrême amabilité. Les personnes que j'ai rencontrées étaient d'une politesse remarquable à mon égard. J'étais un blanc et je n'appartenais pas à leur race. Pourtant, les personnes que j'y ai rencontrées se sont toujours montrées extrêmement aimables. Leur attitude m'a impressionné. Je pense que nous devrions faire preuve d'une délicatesse semblable à l'égard des membres d'autres groupes culturels.

Le premier ministre a donné l'exemple en mettant l'accent sur le fait que les musulmans et les personnes d'ascendance arabe sont des citoyens à part entière de notre pays. Nous devons insister sur ce point; c'est un aspect essentiel de notre multiculturalisme. Je voudrais toutefois que l'on encourage certaines de ces personnes à repérer les mauvais sujets dans leurs rangs, si vous voyez ce que je veux dire.

Nous savons maintenant que les éléments radicaux qui voulaient créer une Palestine indépendante avaient pris le contrôle des assemblées sikhs. Pourtant, à un moment donné, les modérés ont probablement dit qu'ils refusaient que l'on s'engage dans cette voie, que ce n'était pas bien et qu'un drame allait se produire. Trois cent vingt-neuf personnes ont perdu la vie au cours de l'écrasement de l'appareil d'Air India. Je présume qu'ils le déplorent et c'est probablement pour cela qu'ils se comportent de plus en plus comme des Canadiens. Peut-on être plus canadien que Ian Hanomansing? Quand je le vois au réseau télévisé anglais de la CBC, cela me rassure au sujet des sikhs. Il est aussi canadien que la tarte aux pommes.

Le sénateur Smith: À propos, alors que j'avais garé ma voiture à proximité de l'aéroport pour me rendre à la «bat mitzvah» de la fille de la ministre Caplan, j'ai regardé rouler un appareil d'Air India sur la piste. J'ai vu les visages des passagers aux fenêtres et la plupart d'entre eux portaient le turban. Je n'oublierai jamais comment je me sentais le lendemain matin. J'avais vu ces visages d'assez près.

Êtes-vous nerveux quand vous prenez l'avion? Quand vous montez dans l'avion, cherchez-vous des indices qui seraient susceptibles de vous rassurer?

M. St. John: De me rassurer ou d'aviver mes craintes?

Le sénateur Smith: Si vous ne les remarquez pas, cela vous rassure, mais si vous les remarquez, vous pourriez peut- être décider de débarquer. Quels types d'indices cherchez-vous?

M. St. John: Je suis fataliste. Je prends souvent l'avion et je n'y pense pas. Je suis vraiment fataliste face à la mort.

Le sénateur Smith: Et si vous remarquiez quelque chose?

M. St. John: Je ne cesserais certainement pas de prendre l'avion par crainte de perdre la vie.

Le sénateur Smith: Si vous remarquiez un comportement suspect, que feriez-vous?

M. St. John: J'irais trouver l'agent de bord en chef et je le prierais d'en parler au pilote. J'ai remarqué des comportements qui m'ont intrigué sur certains vols transatlantiques.

Le sénateur Smith: Est-ce que c'est ce que vous avez fait dans ces cas-là?

M. St. John: Oui. Il s'agit généralement de personnes qui avaient exagérément bu et qui devenaient incontrôlables. Il s'agit surtout de cas liés à la rage de l'air. Je pense qu'il faudrait donner davantage de pouvoirs aux agents de bord; en outre, les capitaines devraient davantage exercer leur autorité dans certains cas et dire: Ça suffit! Je suis le capitaine de ce vol.

Un de mes amis a participé à la bataille d'Angleterre. Il est le seul membre de son escadron qui ait survécu. Il fait de la culpabilité parce qu'il est resté en vie. Il a l'impression qu'il aurait dû perdre la vie comme ses amis. Il ne s'en est jamais remis. Un jour, un agent de bord lui a remis une note portant la mention suivante: «C'est un détournement. Je veux de l'argent». Il a lu la note, a traversé l'avion et a dit: «Donnez-moi cette arme». Le terroriste lui a remis son arme sans opposer la moindre résistance et l'incident a été clos en deux secondes. Je ne dis pas que cela se passe toujours aussi bien; on s'est toutefois souvent montré trop tolérant et il y a trop de nourriture et de boisson à bord. Ce serait probablement plus sain de ne plus servir de repas sur les avions parce qu'on a eu trop de problèmes avec des personnes qui boivent, fument et mangent.

Le sénateur Cordy: Ce fut une discussion extrêmement intéressante. Lorsque vous avez dit que c'était mon tour, j'étais encore en train d'écouter.

Une des questions qui me préoccupe est celle de savoir qui est responsable. Comment régler ce problème? J'ai l'impression, d'après mon expérience, que lorsque personne n'est en charge, personne ne prend la responsabilité. Comment mettre fin à ce dilemme?

M. St. John: Je pense que le problème a été réglé. J'ai tenu la première conférence sur la sécurité des aéroports à Winnipeg, en 1986. Comme elle n'avait pas été organisée par Transports Canada, ce ministère a tenté de la saboter. Il a recommandé aux représentants d'Air Canada de ne pas y assister. Le dirigeant d'Air Canada a pourtant téléphoné à tous ses collaborateurs pour leur demander d'y assister et c'est ce qu'ils ont fait. C'est ce qui a sauvé la conférence. Au milieu de la conférence, il y a eu une prise d'otages à l'aéroport de Winnipeg qui aurait pu se terminer par une explosion qui aurait détruit tout l'aéroport. Les médias ont immédiatement manifesté leur présence à la conférence et la nouvelle s'est ébruitée. Cet incident a été nécessaire pour qu'ils s'y intéressent.

J'ai eu énormément de problèmes avec Transports Canada qui m'a dit à maintes reprises «C'est de l'information secrète et nous ne pouvons pas la communiquer» ou «Nous examinons le problème, mais ça ne vous regarde pas». Je n'ai aucune confiance dans Transports Canada. Je trouve que ce n'est pas le type d'organisme qui convienne pour assumer la responsabilité de la sécurité des aéroports. Ce ministère a confié cette responsabilité aux compagnies aériennes et s'est complètement déchargé de celle du gouvernement. Il invoque toutes sortes d'excuses. J'ai vu à la télévision une interview avec Anna Maria Tremonti au sujet de la rage de l'air. C'était un spectacle très troublant. Le représentant de Transports Canada est resté muet. Quand on lui a demandé si l'on renforcerait les portes des aéroports, il a répondu qu'il ne le savait pas. Je voudrais que la responsabilité de la sécurité des aéroports soit confiée, comme aux États-Unis, au ministère de la Justice ou à un organisme qui serait prêt à délimiter clairement les pouvoirs et à assumer la responsabilité de la sécurité des aéroports, un organisme décidé à mettre un système de sécurité en oeuvre et à faire le nécessaire pour qu'il soit efficace. Il faudrait un organisme qui soit prêt à faire tomber des têtes s'il n'est pas efficace. Voilà le type d'organisme que je voudrais que l'on mette en place et c'est le genre d'attitude que je voudrais de la part de l'ACSTA. Je voudrais que la responsabilité soit assumée par des personnes qui se font craindre de leurs subalternes pour que ceux-ci ne soient pas tentés de contourner les règlements.

Le sénateur Cordy: Vous avez mentionné que si le mandat de l'ACSTA était élargi, elle pourrait assumer cette responsabilité.

M. St. John: Le ministre actuel adore les trains, mais pas les avions. Je suis désolé, mais je me pose des questions sur sa compétence dans le domaine aéronautique. C'est à l'émission Town Hall du réseau anglais de Radio-Canada, animée par Peter Mansbridge, que certaines personnes ont déclaré que la sécurité était inexistante dans les aéroports du Nord. Ces personnes se posaient donc des questions sur la sécurité. Le ministre leur a répondu qu'eux et tous leurs bagages devaient passer par le contrôle de sécurité à Winnipeg quand elles se rendent de Thompson à Toronto. Ce n'est pas vrai. Les bagages sont directement expédiés à Toronto et on peut parfois éviter également de passer à nouveau par le contrôle de sécurité. Ce n'est donc pas vrai. Il devrait être au courant de son mandat. Nous avons besoin de quelqu'un qui soit très bien informé, qui connaisse la différence entre un système de sécurité défaillant et un système efficace, qui mette le système de sécurité en oeuvre et terrorise les exécutants jusqu'à ce qu'ils l'appliquent. C'est ce que veulent les Canadiens. Je voudrais que l'on confie cette responsabilité à un organisme qui soit prêt à faire cela. Si l'on veut confier cette responsabilité à l'ACSTA, il faudrait qu'elle cesse d'être sous le contrôle de Transports Canada, parce que les antécédents de ce ministère sont épouvantables sur ce plan.

Le sénateur Cordy: Vous avez mentionné le ministère de la Justice. Aimeriez-vous que ce ministère prenne en charge la responsabilité de la sécurité des aéroports?

M. St. John: Je suis désespéré.

Le sénateur Cordy: Nous le sommes tous. Suggérez-vous qu'il faut absolument que quelqu'un assume cette responsabilité?

M. St. John: Quelqu'un qui mette l'accent sur le respect des normes. La FAA s'est laissée avoir par les compagnies aériennes. C'était un jeu politique. Les compagnies aériennes ont fait du chantage en disant qu'elles feraient faillite ou en faisant d'autres menaces. La FAA a donc renoncé à faire appliquer certains règlements de force. C'est ce qui est arrivé à Lockerbie. Il ne faut pas se laisser impressionner par ce que disent les compagnies aériennes car elles brandiront le spectre de la faillite. Les directeurs d'aéroports diront qu'ils sont là pour réaliser des profits et qu'il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils investissent des fonds dans la sécurité. Si, on s'y attend. On vous demandera des comptes. Vous devez établir des règlements et les mettre en application. Vous devez créer un organisme qui ait de la poigne. C'est pourquoi je voudrais que l'on confie la responsabilité de la sécurité des aéroports à une personne comme un directeur de la sécurité intérieure par exemple, parce que ce sont les deux plus lourdes menaces qui pèsent actuellement sur le Canada. L'introduction clandestine d'une arme nucléaire dans un container dans un port est un risque très réel. Ce ne serait pas très difficile.

Le sénateur Cordy: Pour passer à un autre sujet, pensez-vous que les fonds destinés à la sécurité soient utilisés de façon judicieuse ou plutôt que nous n'ayons pas suffisamment de fonds à investir dans ce secteur?

M. St. John: Je pense que nous en avons plus que nous n'en avons besoin pour mettre en place un système de sécurité efficace. Je pense que les fonds sont dépensés de façon peu judicieuse et que le système est troué comme une passoire parce que de nombreux éléments ne sont pas encore en place. Le système de sécurité doit être étanche. Vous vous souvenez de l'histoire du maillon de la chaîne? Tous les rouages du système doivent fonctionner à la perfection. On ne peut pas se contenter d'un fonctionnement partiel. Un peu de sécurité par-ci, un peu de renseignement secret par-là et un peu de poivre ici et notre hamburger est prêt. Non. Tous les rouages du système doivent bien fonctionner à la perfection.

Le nombre d'aéroports n'est pas très élevé au Canada. Il n'y a que huit ou neuf aéroports internationaux et environ 29 au total. On pourrait mettre en oeuvre un système de sécurité hors pair si l'on ne passait pas d'une crise à l'autre et si l'on ne tentait pas de résoudre les problèmes après coup, à coups de millions de dollars, au lieu de mettre en place à la première occasion un système de sécurité hors pair. Je crois que c'est ce qu'on devrait faire, même s'il fallait repartir à zéro.

Le sénateur Cordy: Je vous remercie pour votre franchise.

Le sénateur Banks: Étant donné que vous avez mentionné que le système britannique pourrait être un excellent modèle pour nous, pourriez-vous dire quel serait le coût approximatif de la mise en place d'un système analogue pour nos 29 aéroports? Avez-vous pensé à cet aspect?

M. St. John: Oui. Les Britanniques ont mis en place un système extrêmement efficace. On a fait une expérience qui a eu un gros retentissement à l'aéroport d'Abbotsinch, en Écosse, où l'on a investi 100 millions de livres, puis plus tard, 50 millions de livres pour mettre en place des technologies de contrôle total et un système de rapprochement des passagers et de leurs bagages. Les résultats ont été tellement concluants que les Britanniques ont fait un investissement analogue au cours des années suivantes à Heathrow.

À ce propos, l'aérogare no 3 de Heathrow est conçue comme un abri antiterroriste, avec de long couloirs où l'on ne peut pas tirer sur les personnes qui embarquent et un système de surveillance des passagers qui se rendent à l'avion. La prochaine fois que vous irez à Heathrow, examinez l'aérogare no 3 et vous verrez à quoi ressemble un aéroport conçu en fonction de la sécurité. N'allez pas à Munich; c'est un immense champ de tir. N'allez pas non plus à Rome ni à Vienne, même si ce sont des villes très agréables.

Le sénateur Forrestall: Que pensez-vous de la Hollande?

M. St. John: L'aéroport de Schipol est très sécuritaire. Est-ce la réponse que vous cherchiez?

Le sénateur Banks: Pourriez-vous dire combien cela coûterait approximativement pour importer ce système?

M. St. John: Ce sont les Britanniques qui ont mis la technologie au point et, par conséquent, ce serait beaucoup moins onéreux pour nous. Ce sont eux qui ont fait toute la recherche. Ce qui est intéressant, c'est qu'après l'incident de Lockerbie, le département britannique des Transports (DOT) a nié la nécessité de la mise en place d'un tel système pendant près de cinq ans. C'est la direction de l'aéroport qui a investi dans la technologie qui est maintenant utilisée dans plusieurs pays. Elle a mis au point la technologie avec l'aide du secteur privé. Les économies réalisées grâce à ce système ont permis de couvrir le coût de la sécurité.

Le président: Monsieur St. John, je tiens à vous remercier au nom de tous mes collègues. Nous avons trouvé votre exposé extrêmement intéressant et très instructif. Puis-je vous demander de vous mettre à la disposition de notre secrétariat pour nous permettre de faire un suivi sur certains des commentaires que vous avez faits aujourd'hui? Je pense que le secrétariat serait très intéressé à connaître les sources de certains commentaires que vous avez faits dans le contexte de votre exposé car je crois qu'il serait intéressant que nous puissions citer ces sources en note dans notre rapport et les documenter. Ça nous aiderait beaucoup.

Je recommande aux personnes qui suivent nos travaux de visiter notre site Web à l'adresse www.sen-sec.ca. Il contient le compte rendu des témoignages et les horaires des audiences qui sont confirmées. Elles peuvent également communiquer avec la greffière au 1-800-267-7362 pour obtenir de plus amples informations ou de l'aide pour entrer en contact avec des membres du comité.

Ce volet de la séance est ajourné. Nous poursuivrons brièvement les audiences à huis clos dans la pièce qui se trouve à ma gauche.

La séance se poursuit à huis clos.


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