RAPPORT DU COMITÉ |
Le MARDI 21 janvier 2002 |
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense
a lhonneur de déposer son
CINQUIÈME RAPPORT
Votre Comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi, 30 octobre 2002 à étudier, afin d'en faire rapport, la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada, dépose maintenant son rapport intérimaire intitulé
Le mythe de la sécurité dans les aéroports
canadiens.
Respectueusement soumis,
Le
président,
COLIN KENNY
Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens
Le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité
Membres du Comité
Sén. Colin Kenny - Président
Sén. J. Michael Forrestall - Vice-Président
Sén. Norman K. Atkins
Sén. Tommy Banks
Sén. Jane Cordy
Sén. Joseph A. Day
Sén. Michael A. Meighen
Sén. David P. Smith
Sén. John (Jack) Wiebe
Deuxième Session-Trente-septième législature
Janvier
2003
MEMBRES
DU COMITÉ
37e
Législature – 2e Session
COMITÉ
PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
L’honorable
Colin Kenny, président
L’honorable J. Michael Forrestall, vice-président
et
Les honorables
sénateurs
Atkins
Banks
Cordy
Day
Meighen
Smith, c.p.
Wiebe
*Carstairs,
C.P. (ou Robichaud, C.P.)
*Lynch-Staunton (ou
Kinsella)
*Membres
d’office
DU COUTEAU INOFFENSIF À LA FOURCHETTE MORTELLE
EN AVEZ-VOUS VRAIMENT POUR VOTRE ARGENT?
LES CANADIENS DEVRAIENT ÊTRE AU COURANT DE CE QUE TOUS LES MÉCHANTS SAVENT DÉJÀ
I. FORMER LES ÉQUIPAGES, LES AGENTS DE L'IMMIGRATION ET DES DOUANES AINSI QUE LE PERSONNEL D'ENTRETIEN EN MATIÈRE DE MENACES POTENTIELLES
L'ENVERS DU DÉCOR
LE PERSONNEL NAVIGANT VEUT ÊTRE FORMÉ, PAS SIMPLEMENT RÉCONFORTÉ
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION I :
II. AMÉLIORIATION DE LA SÉCURITÉ À BORD
POUR UN PERSONNEL NAVIGANT INFORMÉ
TOUT L'ÉQUIPAGE DOIT ÊTRE AU COURANT
TRAVAILLONS ENSEMBLE!
VERROUILLAGE DE LA PORTE DU POSTE DE PILOTAGE
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION II:
III. LE PROBLÈME DE LA MENACE POTENTIELLE QUE CONSTITUENT LES BAGAGES, LES COLIS ET LES LETTRES
LA VÉRIFICATION DES BAGAGES
RENIFLER LES PROBLÈMES
LE CANADA ACCUSE DEUX ANS DE RETARD
LES LETTRES ET COLIS
POURQUOI LE COURRIER DEVRAIT-IL ÉCHAPPER AUX CONTRÔLES?
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION III:
IV. RÉACTION FACE À DES TERRORISTES AGISSANT DISCRÈTEMENT DEPUIS L'INTÉRIEUR D'UNE AÉROGARE
SÉPARER LE BON GRAIN DE L'IVRAIE
UNE MAIN DE VELOURS DANS UN GANT DE FER
UN PROGRAMME D'ATTESTATION DE SÉCURITÉ QUI FONCTIONNE... PARFOIS
DES LAISSEZ-PASSER... QUI EN LAISSENT TROP PASSER!
PEUT-ON PARLER ICI DE CULTURE DE LA SÉCURITÉ?
QUI DIT " ALÉATOIRE ", DIT AU PETIT BONHEUR LA CHANCE
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION IV:
V. CONTRER LA MENACE D'ACTIVITÉS SUBVERSIVES ENTREPRISES DEPUIS LA PÉRIPHÉRIE IMMÉDIATE D'UN AÉROPORT
RIVERAINS DES AÉROPORTS AYANT UN DROIT D'ACCÈS AUX AIRES DE TRAFIC ET AUX PISTES À TITRE DE COURTOISIE
CAS DES AÉRONEFS PRIVÉS
LES COURRIERS DES POSTES ET LES TRANSITAIRES
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION V:
VI. MENACE D'ATTAQUES TERRORISTES LANCÉES CONTRE DES AVIONS DEPUIS L'EXTÉRIEUR
DU PÉRIMÈTRE D'UN AÉROPORT
VII. AMÉLIORATION DES SERVICES DE POLICE AÉROPORTUAIRE
À MENACES GRANDISSANTES, EFFECTIFS POLICIERS DÉCROISSANTS
UN SEUL CORPS POLICIER POUR LA SÛRETÉ AÉROPORTUAIRE?
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION VII :
VIII. AMÉLIORATION DE LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME AÉRIEN
VALSE HÉSITATION SUR LE THÈME DES RESPONSABILITÉS
LE RÔLE DE L'ACSTA
LES RELATIONS ENTRE L'ACSTA ET TRANSPORTS CANADA
LES LUTTES INTESTINES DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION VIII :
IX. ASSURER LA REDDITION DE COMPTE AU PLAN FINANCIER
COMBIEN LES AUTORITÉS AÉROPORTUAIRES LOCALES DÉPENSENT-ELLES AU TITRE DE LA SÉCURITÉ?
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION IX :
X. POUR UNE TRANSPARENCE RENOUVELÉE
LE PRINCIPE DU GOUVERNEMENT RESPONSABLE REPOSE SUR LE DROIT DE SAVOIR DE LA POPULATION
LES GENS HONNÊTES ONT PARLÉ
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ EN VUE DE RÉGLER LES PROBLÈMES DÉCRITS À LA SECTION X :
RECOMMANDATIONS
ORDRE DE RENVOI
ONT DISCUTÉ AVEC LE COMITÉ
QUI NOUS AVONS ENTENDU ET CE DONT NOUS AVONS PARLÉ
AMÉLIORATIONS DE LA SÉCURITÉ
RESPONSABILITÉS DE LA SÉCURITÉ À L'AÉROPORT PEARSON
AUTORITÉ AÉROPORTUAIRE DU GRAND TORONTO
AVIS JURIDIQUES FOURNIS AU COMITÉ
POLICE RÉGIONALE DE PEEL
LISTE DES PIÈCES
STATISTIQUES
ACTIVITÉS DES MÉDIAS
BIOGRAPHIES DES MEMBRES DU COMITÉ
BIOGRAPHIES DU SECRÉTARIAT DU COMITÉ
« On
nous confisque de simples épinglettes et des coupe-ongles, et tout le monde
quitte l’aéroport en se disant : < N’est-ce pas merveilleux,
ils n’oublient rien [...] il n’y a pas à s’inquiéter. > Mais
tout cela est insensé, tout à fait insensé! »
Le
propriétaire d’une compagnie d’aviation
« Actuellement,
la sécurité dans les aéroports n'est pas très bonne. Je pourrais montrer
à n'importe lequel d'entre vous en deux minutes comment placer une bombe à
bord d'un appareil dans n'importe quelle ville du monde. Si vous êtes disposé
à payer les frais voulus, nous pouvons vous garantir le vol sur lequel vous
serez — c'est aussi facile que cela. »
Chuck
Wilmink
Ancien
directeur de la sécurité
Lignes
aériennes Canadien International
Du
couteau inoffensif à la fourchette mortelle
Il
est clair que ce sont les défauts de sécurité dans les aéroports américains
qui ont favorisé la tragédie du 11 septembre 2001. Il n’est donc pas
surprenant que ces événements aient donné lieu à un resserrement de la
vigilance dans les transports aériens en Amérique du Nord. Il était sans
doute logique que les autorités réagissent aussi vivement, étant donné que
la menace d’agressions contre les États-Unis et ses alliés risque de ne
pas disparaître avant longtemps. Les prochaines pourraient d’ailleurs être
encore plus horribles que celles de l’an dernier. Il faut désormais
s’attendre à ce que les terroristes en puissance s’intéressent à
d’autres cibles nord-américaines (comme les réseaux d’approvisionnement
en énergie et en eau potable ou le réseau Internet), mais il serait insensé
de croire que l’un de nos actifs les plus vulnérables – le transport aérien
– ne sera plus jamais visé.
Dans
les semaines traumatisantes qui ont suivi le 11 septembre, on a assisté
à des réactions tout à fait prévisibles dans les aéroports et à bord des
avions canadiens. De longues queues se sont formées aux comptoirs
d’enregistrement et aux points de fouille à l’embarquement, les employés
des compagnies aériennes ayant reçu pour ordre de contrôler beaucoup plus
strictement les passagers et leurs affaires. Les trois premières questions
rituelles se sont fait plus insistantes :
« Avez-vous
fait vos bagages vous-même?
Savez-vous
ce qu’ils contiennent?
Vous
est-il arrivé de les quitter des yeux? »
Il
ne se passe pas un jour sans que des passagers voyageant en groupe, et dont
les bagages sont restés empilés de longues heures dans un hall d’hôtel,
mentent avec insouciance. Après tout, qui aurait envie de courir le risque
d’être refoulé à l’embarquement?
Qui
ne s’est pas fait confisqué des articles aussi inoffensifs qu’un
coupe-ongles ou un coquelicot du Jour du souvenir? Au début, sur les vols
d’Air Canada, les plateaux-repas étaient accompagnés d’une fourchette en
métal, mais il n’y avait pas de couteau; puis est venu le temps du couteau
en plastique sans toutefois que la fourchette de métal soit remplacée.
Il
est des gestes qui sont plus symboliques qu’efficaces. Comme une fourchette
métallique peut s’avérer une arme beaucoup plus dangereuse qu’un couteau
en métal émoussé, peu se sont étonnés du retour des couteaux en acier sur
autorisation du ministre des transports, en novembre dernier. Les autorités
américaines, quant à elles, ont laissé tombé les trois fameuses questions
susmentionnées après qu’il leur est apparu évident que presque aucun
passager ordinaire n’était disposer à dire toute la vérité. Toutefois,
au moment de la mise sous presse de ce rapport, on continue de poser ces
sempiternelles questions au Canada.
Le
renforcement des contrôles de sécurité aux comptoirs et aux portes
d’embarquement –parfois utiles, parfois frivoles – sont tous des
manifestations de la détermination d’Ottawa de rehausser la sécurité dans
les aéroports et à bord des avions canadiens. Même les aspects les plus
absurdes rappellent au public voyageur que les 24 $ imposés sur un
billet aller-retour en vue de financer le programme fédéral d’amélioration
de la sécurité aérienne (2,1 milliards de dollars sur cinq ans) est de
l’argent bien dépensé.
En
avez-vous vraiment pour votre argent?
Votre
argent est-il bien dépensé? L’investissement dans la sécurité qu’on
impose à ceux et celles qui prennent l’avion au Canada permet-il
effectivement d’améliorer la sécurité? On ne semble pas vraiment douter
que tel est le cas... dans une certaine mesure. Une vérification plus
minutieuse des bagages à main, qui dure deux minutes plutôt que 30 secondes,
ne peut, tôt ou tard, que donner de bons résultats. Il demeure que 40 millions
de personnes par an prennent l’avion dans un des aéroports canadiens. Au
Canada, le voyageur aérien doit acquitter une taxe 12 $ (aller) au titre
de l’amélioration des mesures de sécurité. Elle rapporte en tout 480 millions
de dollars, soit près d’un demi-milliard de dollars par an. Il y a lieu, à
cet égard, de se poser deux questions :
Les
passagers des compagnies aériennes canadiennes en ont-ils pour leur argent?
Les
voyageurs ont-ils lieu de croire que les nouvelles mesures de sécurité
qu’ils financent sont telles que le transport aérien au Canada est
nettement plus sûr qu’avant le 11 septembre 2001?
Le
Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense a
entrepris de répondre à ces deux questions à l’occasion d’une série
d’audiences et d’une tournée d’inspection débutées il y a plus d’un
an. Les conclusions auxquelles nous sommes parvenus au terme de cette enquête
d’un an sont pour le moins troublantes.
Le
comité estime, tout d’abord, que toute une série d’améliorations utiles
a déjà été apportée en matière de sécurité [annexe
IV]. Cependant, il juge que les autorités ont encore beaucoup de progrès
à réaliser et qu’elles devraient agir avec plus de célérité qu’elles
ne l’ont fait au cours des 16 derniers mois, soit depuis le 11 septembre.
Si, pour les membres du comité, la porte avant de la sécurité aérienne est
bien verrouillée, il semble que les portes latérales et de derrière sont
grand ouvertes.
Nous
sommes convaincus que la mise en œuvre de nos recommandations permettrait
d’accélérer considérablement le processus d’amélioration de la sécurité
des transports aériens au Canada.
Le
gouvernement fédéral et l’industrie canadienne du transport aérien se
sont attardés à adopter des mesures de renforcement de la sécurité qui ne
risquent pas de passer inaperçues aux yeux du public voyageur : contrôles
plus attentifs des bagages à main; questions visant à déterminer si une
tierce personne a pu glisser quelque chose dans les bagages; exigence faites
aux compagnies aériennes de s’assurer que les bagages sont à bord des mêmes
vols que leurs propriétaires, et ainsi de suite.
Toutes
ces mesures ont, certes, rassuré un grand nombre de voyageurs quant au
renforcement des mesures de sécurité dans les aéroports canadiens depuis
les événements tragiques du 11 septembre 2001. Malheureusement, peu
voire aucune amélioration n’a été apportée pour corriger les énormes défauts
de sécurité qui persistent en coulisses.
En
voici quelques-uns :
-
Le fret potentiellement dangereux transporté à bord des vols de passagers, comme les bagages et le courrier (colis et lettres) n’est pas contrôlé par des moyens électroniques.
-
Les employés des aéroports ayant accès aux avions ne font pas l’objet d’une vérification adéquate des antécédents de sécurité.
-
Les employés des aéroports ou des entrepreneurs qui ont accès aux avions sont insuffisamment contrôlés à l’entrée.
-
Les laissez-passer remis aux employés (pour leur permettre de pénétrer dans les zones à accès restreint d’un aéroport) sont désuets et n’offrent aucune protection.
-
Le contrôle des laissez-passer à l’admission se fait au petit bonheur la chance.
-
Les avions privés et leurs passagers ne sont soumis à presque aucune exigence de sécurité.
-
Les employés qui travaillent dans des bâtiments attenants aux aéroports et qui ont accès à des zones vulnérables ne sont soumis à aucun contrôle de sécurité.
-
Il n’existe pas de « délimitation » véritable, avec contrôles de sécurité à la clé, entre les aires de trafic et les bâtiments qui jouxtent les terrains d’un aéroport.
-
La mise en œuvre des programmes de formation du PN (personnel navigant), visant à outiller ce dernier face aux nouvelles menaces qui pèsent sur la sécurité aérienne, est l’objet de retards inacceptables.
-
Rien n’a été prévu pour former le personnel de maintenance et d’entretien en matière d’identification des personnes, des objets ou des substances présentant un danger potentiel.
-
Le PN est mal renseigné à propos de la présence d’agents de protection armés à bord des avions.
Le
comité a été critiqué pour avoir invité des témoins à faire part à la
population canadienne de ce qu’ils savaient des travers actuels en matière
de sécurité. M. Louis Turpen, responsable de l’autorité aéroportuaire de
Toronto, a refusé de se rendre à notre invitation, nous rappelant même sur
un ton de reproche qu’« un mot de trop [est] un vaisseau de moins ».
Il s’agit d’un vieux dicton du temps de guerre qui rappelait très
justement aux Canadiens que « les murs ont des oreilles » et que
toute indiscrétion susceptible de renseigner l’ennemi au sujet des
faiblesses militaires du Canada risquait de compromettre la sécurité
nationale.
Le
comité tient à faire remarquer deux choses à ce sujet. Tout d’abord, si
l’information que nous avons voulu obtenir de nos témoins n’est pas
vraiment connue du public voyageur canadien, elle n’est certainement pas un
secret pour ceux et celles qui travaillent dans les aéroports ou dans leur
voisinage immédiat. Il n’y a certainement pas de secret non plus pour ceux
qui cherchent à contourner les dispositifs de sécurité des aéroports,
qu’ils soient terroristes ou membres du crime organisé, afin de détourner
le système aérien à leurs fins. Il suffit de se rendre dans n’importe
quelle caféterie à proximité d’un aéroport canadien pour entendre le
genre de témoignages troublants que nous avons recueillis lors de nos
audience. De temps en temps, il en est même question sous la plume de
journalistes qui dénoncent la relative facilité avec laquelle les personnes
chargées de tester les systèmes de sécurité parviennent à les traverser,
munies de faux pistolets, de faux couteaux ou d’explosifs à blanc.
De
plus, nous estimons que les Canadiens ordinaires devraient être mis au
courant de ce que les « initiés » et leurs acolytes semblent déjà
savoir à propos des défauts de sécurité du système. L’industrie
automobile américaine n’a presque rien fait pour améliorer la sécurité
des véhicules privés avant la montée au créneau de Ralph Nader. Au Canada,
les responsable du système de collecte et de distribution du sang ne se sont
presque jamais préoccupés d’hygiène et de sécurité publique avant que
la population n’ait vent des problèmes existants, ce qui a entraîné
l’adoption de réformes.
La
quête du profit alliée à l’inertie bureaucratique engendre des problèmes
considérables qui ne sont pas réglés tant que la population ne se révolte
pas et n’exerce pas suffisamment de pression sur les politiciens et les
fonctionnaires pour les inciter à trouver des solutions.
Bref,
le comité refuse de se faire le complice d’une mascarade. Ce n’est
certainement pas un mot de trop qui risque « de faire couler le bateau »
à l’heure où ceux qui prennent le temps d’examiner de près les systèmes
de sécurité en place dans les aéroports – ce que font très certainement
les terroristes – savent bien qu’il y a d’énormes lacunes. Qui plus
est, les membres du comité n’ont pas posé aux témoins des questions du
genre : « Quel est le code permettant d’ouvrir telle ou telle
porte de sécurité? » Nous avons simplement voulu qu’on nous
garantisse que les portes de sécurité sont bien verrouillées.
Nous
sommes certains d’une chose : un navire ne risque vraiment de couler que si sa coque est perforée. Or, il y a peu de
chances que la coque d’un navire soit calfatée tant que la population
n’exerce pas suffisamment de pression pour que les autorités s’en
chargent. Or, nous sommes loin du moment où tel sera le cas.
Le
comité est conscient de la nécessité d’opposer, d’une part, le droit de
la population d’être informée et, d’autre part, les impératifs de
protection de la sécurité nationale. Néanmoins, le maintien déraisonnable
du secret va à l’encontre de la sécurité nationale, car il cache incompétence
et inaction dans une période où, au contraire, la compétence et l’action
sont plus que jamais de mise. Selon la loi qui le régit, le Parlement est le
principal agent chargé de veiller à ce que les Canadiennes et les Canadiens
soient bien gouvernés et de façon équilibrée. Le comité estime qu’il
contribue à l’accomplissement de ce rôle au nom de tous les Canadiens et
il juge parfaitement déplacée la résistance de certains qui ont décidé de
se réfugier dans le mutisme en invoquant de faux prétextes.
Les
canadiens devraient être au courant de ce que tous les méchants savent
déjà
Le
comité parviendra-t-il à accélérer la réforme? Jusqu’ici,
tout semble aller bien. Au début de nos audiences, nous avons voulu
savoir pourquoi les employés qui travaillant du côté piste n’étaient pas
contrôlés au même titre que les passagers ou les membres d’équipage. Un
témoin de Transports Canada nous a déclaré qu’il est beaucoup plus
important d’instaurer une relation de « confiance » avec les
employés des aéroports que de savoir si l’un d’eux transporte une arme
dans son coffre à outil ou dans sa gamelle.
Le
ton a changé au fil des semaines. Vers la fin de nos audiences, après que
les médias eurent répercuté certaines de nos séances, le ministre des
Transports a annoncé que la toute nouvelle Administration canadienne de la sécurité
du transport aérien (ACSTA) serait désormais chargée de contrôler de façon
aléatoire les employés des compagnies aériennes et d’améliorer le
programme d’attestation de sécurité qui laisse actuellement à désirer.
Les
contrôles allétoires à l’accès ne suffisent pas (il s’agit
d’ailleurs d’un aspect sur lesquel nous reviendrons plus loin dans ce
rapport). Malgré tout, les membres du comité se réjouissent de constater
que quelques semblants de progrès ont été réalisés après une période
d’inertie regrettable.
Grâce
à nos audiences, certains de nos interlocuteurs ont admis que le système
actuel est inadéquat et ils se sont engagés à apporter les correctifs nécessaires
dans plusieurs secteurs clés. Malheureusement, toutes ces belles promesses
sont encore loin de régler les dangers constatés.
Qui plus est, la mise en œuvre des mesures projetées demeure incroyablement lente. Nous souhaiterions moins de faux-semblants, une plus grande attention apportée aux véritables faiblesses et une réponse beaucoup plus adaptée à un ensemble de problèmes potentiellement mortels.
I. Former les équipages, les agents de l’immigration et des douanes ainsi que le personnel d’entretien en matière de menaces potentielles
Il
convient, ici, de souligner une chose. Plusieurs recommandations contenues
dans le présent rapport sont destinées à nous protéger contre les menaces
que représentent des « employés » corrompus (employés véritables
ou personnes se faisant passer comme tels), qui pourraient profiter de la
confiance dont ils sont investis dans leur travail à proximité ou dans un aéroport
pour saboter des avions. Cependant, les dizaines de milliers d’employés sérieux
sont beaucoup plus susceptibles de contribuer à trouver une solution au problème
de la sécurité dans les aéroports qu’à alimenter la menace qui pèse
contre ces derniers.
Les
dispositifs électroniques et biométriques ne peuvent être qu’une toute
petite partie d’un système de sécurité valable. On pourrait d’ailleurs
soutenir à ce sujet que la dépendance excessive de la technologie risque de
susciter un sentiment de confiance qui serait injustifié envers n’importe
quel système, parce que toute personne intelligente finit toujours par
trouver un moyen de contourner la technologie la plus perfectionnée
soit-elle, raison pour laquelle on n’a d’autres choix que de l’améliorer
sans cesse.
La
sécurité exige beaucoup plus que la mise en œuvre de moyens technologiques.
Elle est synonyme d’attitude, de culture, si bien que ce sont les gens –
autrement dit les passagers et les employés du secteur des transports aériens
– qui sont au cœur de la sûreté aérienne au Canada. La plupart de ceux
et de celles qui travaillent dans les aéroports canadiens sont honnêtes,
soucieux et vigilants. Il est bien connu que les préposés aux contrôles de
sécurité au pré-embarquement (qui, jusqu’à ces dernières années,
relevaient des compagnies aériennes) manquent nettement de formation,
qu’ils sont sous-payés et qu’ils doivent effectuer des quarts de travail
incroyablement longs derrière leurs écrans, au point de ne plus voir assez
clair pour être efficaces.
L’Administration
canadienne de la sécurité du transport aérien a, très sagement, fait de la
formation de ces employés sa grande priorité. Cette formation, entreprise en
2002, se poursuit. À la fin de l’année dernière, l’ACSTA a hérité de
la responsabilité du programme d’attestation de sécurité des employés et
elle a promis d’augmenter très vite le niveau de rémunération de cette
catégorie de personnel pour le porter du salaire minimum à 11 $ de
l’heure (selon l’emplacement).
La
recertification des agents de sécurité est l’une des nombreuses facettes
sur lesquelles les autorités ont décidé de faire porter l’accent. Elles
veulent ainsi corriger les problèmes les plus apparents, mais aux dépens de
la sécurité en arrière scène. Pourquoi donc, par exemple, dispenser une
formation à ceux et celles qui sont chargés de vérifier les bagages à
main, mais pas au personnel d’entretien et de maintenance? Ces employés,
qui avitaillent, réparent ou nettoient les avions, sont invités à la
vigilance. Cependant, personne ne leur a jamais dispensé la moindre formation
pour identifier des matières potentiellement dangereuses. Transports Canada
estime que cette responsabilité incombe aux transporteurs aériens.
Il
était certes crucial de resserrer les mesures de sécurité dans la phase de
pré-embarquement, mais il aurait été tout aussi important de le faire pour
les vols à l’arrivée. En revanche, les agents des douanes et de
l’immigration ont-il reçu la formation appropriée et disposent-ils des
outils nécessaires pour repérer les passagers en provenance de l’étranger
qui sont susceptibles de constituer une menace pour les Canadiens?
Le
18 novembre 2002, la vérificatrice générale du Canada, Mme
Fraser,
déclarait ce qui suit au comité :
« Nous
avons constaté que les agents des douanes n'avaient pas l'information adéquate
pour évaluer les risques que présentent les voyageurs pour le Canada et que
beaucoup d'agents comptant de nombreuses années de service n'avaient pas reçu
les cours de recyclage nécessaires. [...] Nous avons constaté que les agents
des visas disposaient de peu d'information et d'appui pour vérifier la
possibilité que les demandeurs de visa soient engagés dans des activités
criminelles ou constituent une menace pour la sécurité des Canadiens. [...]
la plupart des recommandations que nous avons faites à la suite des vérifications
mentionnées précédemment sont mises en œuvre de manière satisfaisante.
Une exception cependant au chapitre de la formation relative à la sécurité
du transport aérien : ni l'Agence des douanes et du revenu du Canada ni
Citoyenneté et Immigration Canada n'ont signalé beaucoup de progrès. »
Plus
d’un an après les attaques du 11 septembre, le comité apprenait, par
exemple, que rien depuis dix ans n’a été modifié dans la formation du PN
d’Air Canada dans les questions de sûreté en cabine. Aucune nouvelle
formation n’a été offerte dans le sillage des tragiques événements de
l’année dernière qui auraient pourtant dû donner lieu à une profonde
modification des protocoles appliqués par les compagnies aériennes en vue
d’assurer la sécurité en cabine.
Qui
plus est, le PN n’a pas été formé au rôle qu’il est sensé jouer en
cas de présence en cabine d’agents de protection de bord (APB). De tels APB
– qui appartiennent à la GRC – sont systématiquement présents à bord
des vols à destination de l’Aéroport Reagan à Washington (à
l’insistance des autorités américaines), mais nous avons appris qu’ils
sont aussi présents sur certains vols intérieurs canadiens. Leur présence
est secrète et les APB ne sont pas sensés intervenir, sauf en situation extrême.
Ils sont essentiellement chargés de veiller à ce que le poste de pilotage
demeure sûr.
Aux
États-Unis, les sky marshals (agents
de sécurité armés) expliquent aux membres d’équipage le rôle qu’ils
devront jouer en cas d’incident à bord. Ce n’est pas le cas au Canada.
Tous les membres d’un équipage n’ont pas à être informés de la présence
éventuelle d’un APB à bord. Que doit faire un agent de bord qui n’est
pas au courant quand il aperçoit un inconnu bondir de son siège pistolet au
poing? Lui laisser le champ libre ou lui asséner un coup de bouteille de vin?
Nul ne le sait.
Le
personnel navigant
veut être
formé,
pas simplement réconforté
D’après
les témoignages que nous avons recueillis, le PN d’Air Canada et des autres
compagnies aériennes attend toujours que le ministère des Transports impose
de nouvelles normes de formation. Nous avons appris que les compagnies aériennes
ne veulent pas mettre en œuvre leurs propres programmes de formation par
crainte qu’il ne corresponde pas ensuite à ce que seront les nouvelles
exigences de Transports Canada. Le ministère, quant à lui, estime que les
nouvelles procédures de formation ne seront pas en place avant l’été
2003.
Cette
situation est intolérable. Pourquoi faudra-t-il attendre deux bonnes années
après les événements du 11 septembre pour contrer le nouveau terrorisme,
celui conduit par des gens prêts à se sacrifier en transformant un avion en
arme pouvant occasionner le plus de destruction possible?
Voici
quelques exemples de témoignages que le comité a recueillis à ce sujet :
Art
Laflamme, représentant principal, Airline Pilots Association International,
14 août 2002 :
« ALPA
a défini cinq motifs d'inquiétude. L'un concerne les protocoles, les procédures
et la formation des pilotes et agents de bord concernant des événements qui
pourraient mettre en danger la sûreté et la sécurité d'un aéronef, que ce
soit des passagers qui tiennent des propos agressifs ou des terroristes qui
tentent de défoncer la porte du poste d'équipage. Les États-Unis ont élaboré
une stratégie ou un programme complet à ce chapitre. Nous constatons que cela
ne
s'est pas fait au Canada. Dans une lettre que nous avons adressée à Transports
Canada, nous avons recommandé que la priorité soit donnée à cette question.
[...] En ce moment, ces derniers [les agents de sécurité à bord] se présentent
au capitaine avant l'envol, mais nous avons le sentiment que les protocoles, les
procédures et la formation associés à une question aussi importante lorsqu'il
s'agit d'un avion n'ont pas été définis. Il pourrait ne s'agir que du simple
fait que l'agent de bord sache s'il faut se protéger ou donner un coup de main. »
| Le
sénateur Cordy, 4 novembre 2002 : « Quel
type de formation les pilotes reçoivent-ils sur les comportements à
adopter avec les terroristes ou les pirates de l'air et comment
collaborez-vous avec l'agent de la GRC à bord de l'avion, soir le
policier de l'air? Recevez-vous de la formation? M.
Don Johnson, président, Association des pilotes d’Air Canada : Non.
En résumé, la réponse est non, aucune. Nous recevions de la formation
sur les comportements à adopter avec les pirates de l'air avant
d'apprendre qu'ils voulaient prendre le contrôle de l'avion et le faire
s'écraser. [...] Depuis le tout début, nous demandons la mise en place
de consignes sur la façon de réagir dans de telles situations. Que
nous faut-il savoir? Comment devons-nous coordonner notre équipage et
tout le reste? On ne nous dit rien. » |
Le
premier officier Russ Cooper, Comité de la sécurité, Association des pilotes
d’Air Canada, 4 novembre 2002 :
« L'une des toutes premières recommandations que nous avons proposées
[...] consistait à changer d'attitude quant aux détournements d'avion. Avant
le 11 septembre [...] la politique établie [consistait] à se plier aux ordres
des pirates, à ralentir la progression des événements, à poser l'avion au
sol, puis les forces de l'ordre sur place s'en occuperaient ensuite. Nous avons
recommandé que cette politique de docilité soit remplacée par une politique
de non-docilité et de reconnaissance de la nouvelle menace, du nouvel
environnement dans lequel nous nous trouvons. [...] Cette recommandation, nous
l'avons faite à Transports Canada pendant des réunions de groupes de travail.
[...] Jusqu'à maintenant, je ne crois pas que nous ayons reçu une quelconque réponse... »
M.
Richard Balnis, attaché de recherche principal, SCFP (syndicat représentant
les agents de bord), 18 novembre 2002 :
« ... il n'est pas garanti que tous les agents de bord affectés à un
vol sont au courant qu'il y a un agent de la GRC armé à bord de l'avion. À
notre avis, ce manque d'information pourrait créer de la confusion et faire
interférence involontaire avec le travail des agents de sécurité aérienne
dans l'exercice de leurs fonctions si une attaque terroriste survenait.
Les
méthodes de formation des agents de bord sur la façon de gérer le nouveau
type d'attentat-suicide des terroristes sont dépassées. Nos procédures et
notre formation se fondent toujours sur des scénarios de détournement
d'avion des années 70: essayer de négocier, offrir des boissons, et cetera.
[...] Malheureusement, l'élaboration des nouvelles normes de formation a été
reportée en raison d'une guerre intestine entre la Direction de l'aviation
civile et la Direction de la sécurité de Transports Canada. »
(Le
2 décembre 2002, William Elliott,
sous-ministre adjoint, Groupe de la sûreté et de la sécurité, Transports
Canada, a refusé d’admettre qu’il existait une guerre intestine au
sein de son ministère.)
Mme
France Pelletier, agente de bord, Affaires législatives et réglementaires,
division du transport aérien, SCFP, 18 novembre 2002 : « Le
manuel de nos agents de bord contient essentiellement toutes les procédures
de fonctionnement standard. Ce n'est qu'après que j'ai insisté qu'une
certaine procédure a été ajoutée au manuel sur la façon de réagir si
l'on remarque une substance inconnue à bord d'un aéronef. Cependant, il n'y
a absolument aucune formation à ce propos, et rien du tout n'a avancé en ce
sens chez Transports Canada non plus.
[...]
Par ailleurs, on demande aux agents de bord d'examiner l'appareil à la
recherche de bombes ou d'autres objets du genre alors qu'ils ne sont pas formés
pour effectuer de telles vérifications. Nous ne savons même pas à quoi
ressemble une bombe.
[...]
Un des transporteurs aériens qui essaie de mettre en place cette formation
veut que les agents apprennent à maîtriser un passager très agressif, par
exemple — le combat verbal, l'autodéfense et la façon de mettre les
menottes. [...] Il y a des nécessaires d'immobilisations à bord des avions,
et on ne nous a jamais appris à nous en servir. »
|
Le
sénateur Banks : « Madame
Pelletier, seriez-vous en mesure de reconnaître un explosif en
plastique, par exemple, si vous en verriez un? » Mme
Pelletier :
« Non monsieur. » Le
sénateur Banks : « Vous
avez dit que, dans le pire des cas, si vous êtes en train de servir un
verre à un passager et que, tout à coup, une personne se lève et
commence à sortir une arme, vous n'hésiteriez pas à le frapper avec
une bouteille. » Mme
Pelletier :
« C’est exact. » Le
sénateur Banks :
« Est-ce que c'est ce qu'on vous enseigne? » Mme
Pelletier :
« On ne nous enseigne rien. [...] Nous ne savons pas à quel point
nous devons intervenir. Nous ne savons pas ce que nous sommes censés
faire. » |
M.
Dave McLeod, International Association of Machinists and Aerospace Workers,
chef préposé d’escale (supervise la manutention des bagages et les opérations
sur l’aire de trafic), 15 août 2002: « Est-ce
que je recherche des valises ou des choses suspectes? Oui, c'est le cas. Il
est généralement admis que vous êtes censé signaler tout ce qui est
suspect. Ai-je été formé sur ce que pourrait être une valise suspecte?
Non. »
M.
William Elliott, sous-ministre adjoint, Groupe de la sûreté et de la sécurité,
Transports Canada, 2 décembre 2002 : « Nous
avons reconnu la nécessité de modifier et d'améliorer la formation des équipages.
Nous sommes en train de mettre au point cette formation renforcée, dans cette
perspective. »
Après
avoir recueilli de nombreux témoignages à ce sujet, le comité est parvenu
à la conclusion qu’il est tout à fait intolérable que le PN canadien, les
agents des douanes et de l’immigration ainsi que les employés de la
maintenance – autrement dit ceux-là même sur qui nous devons compter pour
nous avertir d’un éventuel danger et nous aider à repérer les risques qui
échappent à la technologie – n’aient pas encore reçu une formation
actualisée dans la lutte contre le terrorisme, et cela près d’un an et
demi après le 11 septembre.
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ en vue de régler les problèmes décrits à la section I :
I.1
Transports Canada devrait, d’ici le 31 mars 2003, parachever ses programmes
de formation normalisée destinés à enseigner au personnel navigant
commercial (PNC) comment agir en présence de terroristes ou de matières ou
produits utilisés par des terroristes. Cette formation devrait être terminée
le 30 septembre 2003.
I.2
Les responsables de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et
Immigration Canada devraient, d’ici juin 2003, prouver de façon
substantielle au comité qu’ils ont donné suite aux recommandations de la vérificatrice
générale visant à améliorer la formation du personnel des aéroports pour
qu’ils repèrent « toute personne susceptible de s’engager dans des
activités criminelles ou de menacer la sécurité des Canadiens ». En
outre, ils devraient prouver qu’ils ont pris les dispositions nécessaires
pour avoir un meilleur accès aux banques de données des services de police
afin de contribuer à ce genre d’identification et de fournir à leurs
employés la formation et des instruments technologiques nécessaires pour
exploiter pleinement ces banques de données.
I.3
Transports Canada devrait, d’ici le 30 septembre 2003, veiller à ce que les
compagnies aériennes dispensent des cours de formation à leur personnel
d’entretien et de maintenance et à tous les autres employés travaillant à
proximité des avions afin de les aider à repérer les situations et les matières
potentiellement dangereuses.
Le
comité est convaincu de l’urgence et du caractère raisonnable de ces échéances
et il assurera donc un suivi auprès des parties concernées. Le comité
invite toute partie qui estimerait avoir des motifs valables de ne pas
respecter les échéances fixées, à lui faire part de ses explications par
écrit et à lui proposer d’autres dates.
II. Amélioriation de la sécurité à bord
Il
est évident que les équipages, le personnel de maintenance et d’entretien
ainsi que les agents des douanes et de l’immigration doivent bénéficier
d’un recyclage destiné à les aider à contrecarrer d’éventuelles
activités terroristes; ce recyclage doit être entrepris dans les plus brefs
délais.
En
marge de ses recommandations visant à améliorer la formation du personnel
navigant, le comité a tenu consacrer cette section à l’univers dans lequel
évoluent les agents de bord : la cabine d’un avion.
Pour
un personnel navigant
informé
Outre
que tous les membres d’équipage d’un avion doivent être formés aux
situations dans lesquelles les agents de protection à bord (APB), armés,
peuvent être appelés à intervenir, il convient de les mettre au courant de
la présence de ces APB en cabine. Le comité a appris que, pour l’instant,
seul le personnel navigant technique (PNT, autrement dit les pilotes) et le
chef de cabine sont informés de cette présence et qu’il leur appartient de
mettre le reste de l’équipage au courant s’ils le désirent.
Le
caractère « facultatif » de cette politique va à l’encontre
des souhaits exprimés par la GRC – qui estime que moins de personnes sont
au courant de la présence en cabine d’un APB et mieux c’est – ainsi que
des membres des syndicats des compagnies aériennes dont la plupart jugent que
tous
les agents de bord doivent être informés afin de pouvoir éventuellement
aider l’APB ou de ne pas entraver son action, en cas d’intervention.
L’argument
invoqué à l’encontre du principe d’information générale des membres
d’équipage est le suivant : un membre d’équipage subordonné
pourrait, par inadvertance, s’adresser à un APB pour lui demander
d’intervenir afin de maîtriser un passager au comportement perturbateur, ce
qui permettrait à un éventuel groupe de terroristes de contraindre l’APB
à se trahir pour le neutraliser avant de prendre le poste de pilotage
d’assaut.
Tout
l’équipage doit être au courant
Le
2 décembre 2002, le sous-commissaire de la GRC, Garry Loeppky,
informait le comité que la principale responsabilité des APB consistait à
« éviter qu'une personne non autorisée puisse accéder au cockpit »,
tandis qu’aux États-Unis, les sky marshals « ont par ailleurs le mandat d'intervenir
lorsqu'il s'agit de faire face à des passagers indisciplinés ». Si, au
début, le comité s’est inquiété qu’un APB puisse décider de ne pas
intervenir pour maîtriser un passager violent menaçant de mort un agent de
bord ou un passager, le sous-commissaire Loeppky nous a assurés que les APB
sont « également entraînés à réagir à toute menace envers la sécurité
à bord d'un aéronef qui pourrait mettre en péril l'intégrité de
l'aviation civile ou porter atteinte à sa sécurité. »
Selon
le sous-commissaire, la différence entre les sky
marshals et les APB canadiens tient au fait que ces derniers « n'interviendront
pas dans les cas d'incidents qui relèvent habituellement de la responsabilité
des compagnies aériennes ». Cette différence, a-t-il soutenu, est
suffisante pour justifier que les Américains aient décidé d’informer tout
l’équipage de la présence à bord d’un agent de sécurité aérienne,
tandis que la pratique canadienne consiste à n’informer que le pilote et le
ou la chef de cabine.
Le
comité a aussi appris que si le commandant de bord et le ou la chef de cabine
sont effectivement informés de la présence
d’un ou possiblement plusieurs APB, on ne leur dit pas de qui il
s’agit parmi les passagers. La GRC soutient que cette discrétion vise à ne
pas révéler la présence des APB à bord, car il ne faudrait pas qu’à
l’occasion d’une manoeuvre de diversion par les terroristes, le personnel
à bord ne demande, par inadvertance, l’assistance de l’APB. Celui-ci,
obligé de se dévoiler, se trouverait paralysé juste avant que le poste de
pilotage ne soit pris d’assaut.
Le
comité a trouvé ce dernier argument plus convaincant que celui voulant
qu’il est simplement inutile de mettre tous les membres de l’équipage au
courant de la présence à bord d’un APB. Il demeure que certains de nos témoins
ont l’impression que le Canada devrait adopter la pratique américaine qui
consiste à présenter à tout l’équipage les agents de la sécurité aérienne,
lesquels font ensuite un exposé au personnel navigant.
M.
Richard Balnis, attaché de recherche principal, SCFP, 18 novembre 2002 :
« La
seule réponse que j'ai reçue de la GRC, c'est que les agents de sécurité aérienne
mènent des opérations secrètes d'infiltration et c'est pourquoi leur
identité doit être préservée. Nous sommes parfaitement d'accord avec ce
principe. Cela pourrait très bien s'appliquer à des opérations
d'infiltration dans un bar ou dans le milieu de la drogue, mais la situation
est différente à bord d'aéronefs. Nous devons travailler en équipe. [...]
Notre crainte [...] c'est que si quelqu'un surgit soudainement et sort un
fusil, qu'on ne connaît pas cette personne et qu'on passe près d'elle, on
risque de la frapper. C'est ce qu'on entend par interférence involontaire. »
Pour
l’instant, le comité est disposé à accepter l’argument de la GRC pour
que les APB ne soient pas connus de l’équipage. Cependant, comme il est nécessaire
de travailler en équipe dans une cabine – surtout dans des situations où
plusieurs personnes irrationnelles mais en position de force peuvent vouloir détruire
l’avion ou en prendre le contrôle – le comité ne voit pas pourquoi un équipage
complet devrait ne pas être informé de la présence des APB. À cause de
cela, ils ne sont pas en mesure de se préparer mentalement à des situations
où il vaudrait mieux aider activement ou passivement celui qui brandit un
pistolet que de chercher à le maîtriser.
Verrouillage
de la porte du poste de pilotage
Presque
tous les spécialistes de la sécurité s’entendent sur le fait que la
mesure la plus susceptible d’empêcher la répétition d’une tragédie
comme celle du 11 septembre consiste à installer un sas de sécurité
(composé de deux portes) dans le poste de pilotage. L’ACSTA a prévu un
budget de 35 millions de dollars pour aider les transporteurs aériens
canadiens à renforcer les actuelles portes des postes. Transports Canada
exige actuellement que les portes en question soient renforcées, mais
n’impose pas l’installation de sas.
M.
William Elliott, sous-ministre adjoint, Groupe de la sécurité et de la sûreté,
Transports Canada, 27 novembre 2002 :
« Le Règlement canadien est maintenant en vigueur et exige que les
modifications prévues soient apportées d'ici le 9 avril 2003, à savoir
l'installation de portes fortifiées qui peuvent être verrouillées ou déverrouillées
par les pilotes sans qu'ils aient à quitter leur siège. »
Dans
toutes les versions qu’Air Canada est en train de tester, au moins une des
deux portes du sas demeure verrouillée en permanence même quand un pilote
veut aller aux toilettes ou que le personnel de bord apporte les repas au PNT.
Nous avons appris que, dans un vol moyen courrier, la porte du poste de
pilotage est ouverte huit fois en moyenne.
La
très grande majorité des spécialistes de la sécurité et des équipages
nous a affirmé que, si le renforcement des portes est un grand progrès, il
conviendrait d’installer des sas à bord des avions où la chose est
possible. En outre, des pilotes ont rajouté qu’il serait utile
d’installer des caméras vidéo à bord afin de surveiller les activités en
cabine.
Voici
quelques exemples de témoignages que le comité a recueillis à ce sujet :
|
M.
Don Johnson, président, Association des pilotes d’Air Canada, 4 novembre
2002 : « Non.
Nous avons fait un sondage auprès de nos pilotes à ce sujet et,
essentiellement, ils nous disent, «Si nous pouvons avoir un poste de
pilotage totalement sécuritaire... » Le
Sénateur Meighen :
« Doubles portes? » M.
Johnson :
« Doubles portes — alors nous n'avons pas besoin d'armes. [...] » |
| Le
Sénateur Smith : « ... Avez-vous des doubles portes [...]. » M.
Johnson :
« Comprenez bien que la plupart des portes des postes de pilotage
se trouvent à la fin d'un genre de petit couloir où se trouve une
cuisinette, une salle de bain, peu importe. Il existe un système
permettant de tirer un rideau de métal au bout de ce corridor. C'est
seulement temporaire, lorsqu'une personne entre dans le poste de
pilotage ou en sort. On peut même voir au travers. Il se compose
parfois seulement de quelques barres d'acier semblables à celles qu'on
tire devant les boutiques fermées. » Le
sénateur Kenny :
« Êtes-vous satisfait que les portes du poste de pilotage soient
maintenant plus sûres? » M.
Johnson : « Je
ne dirais pas qu'elles sont aussi sûres que nous le souhaitons. Elles
le sont plus qu'avant. Nous estimons qu'il nous faudrait la double
porte. »
|
Mme
France Pelletier, Affaires législatives et réglementaires, Division du
transport aérien, SCFP, 18 novembre 2002 : « J'y
suis favorable [aux doubles portes]. »
Le
sénateur Atkins :
« Comment installez-vous un tel dispositif dans un appareil? »
Mme
Pelletier :
« ...J'ai assisté à une démonstration. Vous devez entrer un code
d'accès pour ouvrir la première porte. Ensuite, cette porte se referme derrière
vous. Vous vous retrouvez donc dans un sas et vous devez entrer un autre code
pour ouvrir la deuxième porte. Il s'agit d'une barrière supplémentaire.
J'ai vu comment cela fonctionne et je pense que c'est un bon système. »
M.
Art Laflamme, représentant principal, Airline Pilots Association
International, 14 août 2002 :
« Dans le cas des lignes aériennes El Al, Israël a installé le système
à deux portes, ce qu'on qualifie de «trappe humaine». Cette possibilité
est actuellement à l'étude et nous appuyons son examen très approfondi. »
Le
propriétaire d’une compagnie d’aviation, huit
clos
du
24 juin 2002 : [traduction] :
« . . . de tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, celui-ci
est le plus facile à régler. D’ailleurs, il l’est déjà en grande partie.
Il suffit de poser des portes en kevlar et d’appliquer des procédures très,
très strictes exigeant des pilotes qu’ils poursuivent le vol quoi qui se
passe en arrière. C’est donc très simple à régler. C’est le seul aspect,
dans tout ce concept de la sécurité totale dans les aéroports, que l’on
puisse régler facilement. »
| Le
sénateur Atkins: « Le
SCFP est-il favorable à ce que les pilotes soient armés? » Mme
Pelletier: « Nous
étions contre. Des terroristes, des policiers de l'air armés, et
maintenant des pilotes armés? Ce serait un champ de bataille. »
|
Le
propriétaire d’une compagnie d’aviation, huit
clos du 24 juin 2002 : [traduction] :
« Tout le monde parle d’armer les équipages, mais peu se demandent :
‘Que se passerait-il si l’on faisait feu à 35 000 pieds?’
Quelqu’un a-t-il déjà entendu parler de décompression explosive? On m’a
enseigné ce que c’est. En général, personne ne s’en sort. »
RECOMMANDATIONS
DU COMITÉ en vue de régler les problèmes décrits à la section II :
II.1
Tous les membres d’équipage devraient être informés de la présence éventuelle
en cabine d’un agent de protection à bord (APB).
II.2
Transports Canada devrait, d’ici le 30 juin 2003, exiger la conception
d’un système à double porte ou de tout autre système destiné à protéger
les postes de pilotage, et il devrait ordonner que les compagnies aériennes
installent ces systèmes avant le 31 décembre 2004.
II.3
Il conviendrait de donner pour consigne aux APB d’intervenir en cas de
comportement perturbateur violent constaté en cabine et, bien évidemment, dès
l’instant que la vie des membres d’équipage ou des passagers est menacée,
plutôt que de se limiter à une intervention de dernier recours, quand
quelqu’un décide de s’en prendre au poste de pilotage.
II.4
Les pilotes ne devraient pas être armés.
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