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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Les côtes du Canada :

Les plus longues frontières mal défendues au monde


CHAPITRE TROIS :

Nécessité d’améliorer le SERVICE DU RENSEIGNEMENT de sécurité  

«   Dans ce monde axé sur la sécurité, le renseignement est comparable au sang dans notre corps. C’est le nutriment essentiel qui permet à l’organisme de fonctionner.  Le renseignement joue le même rôle.  Nous avons besoin d’un système de collecte capable de pomper l’information vers les décideurs, c’est-à-dire là où elle doit être connue. » M. Thomas Axworthy, président, Centre for the Study of Democracy, Université Queen's

« La véritable clé, c’est de savoir que ces navires ont quelque chose d’anormal ». Vice-amiral Ronald Buck, chef d’état major des Forces maritimes, ministère de la Défense nationale

La clé de la défense de nos côtes consiste en effet à savoir qu’un navire en route vers le Canada a une intention malhonnête.  Cette connaissance provient avant tout d’un bon service du renseignement.

Le service du renseignement a toujours été un élément essentiel de la sécurité nationale.  Mais il devient indispensable lorsque nous faisons face à une menace asymétrique, c’est-à-dire imprévisible.  La capacité militaire du Canada sera toujours plus que modeste, mais s’il existe un domaine où notre pays peut contribuer davantage à la défense de l’Amérique du Nord et à la stabilité mondiale, c’est bien celui du renseignement militaire.

Jusqu’à maintenant, le gouvernement fédéral a surtout cherché à améliorer la surveillance et les communications entre ses divers ministères et organismes au lieu de mettre l’accent sur le renseignement et l’interception.

« Je crois que la sécurité sur nos côtes et sur les Grands Lacs a toujours fait défaut.  Il y a toujours eu et il y a encore de grandes lacunes. Les efforts avaient comme objectif d’améliorer les communications afin de faciliter la collecte de renseignements.  Nous ne nous sommes pas suffisamment préoccupés, à mon avis, de ce que nous allions faire avec ces renseignements ».  John F. Thomas, partenaire, BMB Consulting Services, ancien commissaire de la Garde côtière

La collecte, l’analyse et la diffusion rapide et efficace des renseignements requièrent des gens, des ressources et des systèmes.  Les besoins de la communauté canadienne du renseignement sont les suivants :

·        des cadres hiérarchiques compétents possédant une bonne connaissance des autres cultures, des langues et une formation dans l’art délicat d’établir des liens avec des sources sur le terrain,

·        une technologie de pointe,

·        un leadership intelligent,

·        une bonne coordination entre les unités d’interception policières et militaires et

·        des canaux clairs vers un large éventail de sources de renseignements à l’étranger.

 

Recruter de bons analystes 

Un témoin s’est montré très critique face à l’incapacité du gouvernement fédéral de recruter de bons analystes du renseignement, surtout à l’extérieur du gouvernement.  Il s’agit de M. Wesley K. Wark, professeur agrégé, département d’histoire, Munk Centre for International Studies, Université de Toronto.  À son avis, « à défaut de pouvoir obtenir un portrait analytique juste, tout l’argent et tout le temps investis dans la collecte risquent de ne servir à rien.  Vous risquez de n’avoir rien de valeur à transmettre aux décideurs des niveaux supérieurs ».  

M. Wark croit que la difficulté du gouvernement à se doter d’un service du renseignement efficace réside en partie dans son incapacité à recruter des talents dans les universités canadiennes : « Même dans le contexte de l’après 11 septembre, et avec de nouvelles sommes d’argent à sa disposition, il n’a pas vraiment de processus en place pour le recrutement à l’extérieur du gouvernement ».  Ces deux dernières années, fait-il remarquer, même les agents du renseignement recrutés au sein du gouvernement ont été débordés de travail.  

M. Wark ajoute que le Canada n’a jamais consacré assez de ressources au renseignement.   Les décideurs se retrouvent ainsi dans un cercle vicieux : comme ils sont ne sont pas adéquatement servis par les conseillers au renseignement, ils perdent confiance dans la valeur du renseignement.  Il trouve particulièrement déplorable que les décideurs sous-estiment le rôle du renseignement à une époque où la guerre asymétrique réduit l’importance de la capacité de combat des pays pour renforcer celle du renseignement.  

« . . . Notre système d’analyse est trop diffus et dispersé, il est compartimenté, trop petit, trop fragmentaire et trop désordonné et ses effectifs sont disséminés à la grandeur du système.  Je ne crois pas que nos analystes aient vraiment eu l'occasion, ni la volonté peut-être, de s'arrêter pour réfléchir aux nouvelles exigences en matière d’analyse du renseignement après les événements du 11 septembre...  Je pense que cette petite communauté de l'analyse a probablement été l'une des ressources les plus débordées et les plus surchargées du gouvernement...  Il est temps de lui fournir les outils nécessaires et de repenser cette fonction selon une approche ascendante ».

 

 

M. Wark affirme que les décideurs gouvernementaux   n’ont pas assez confiance en leurs conseillers en renseignement.  Ils ont tendance à penser que le personnel du renseignement devine davantage qu’il ne sait.  Il ne faut pas s’en étonner.  Les récents gouvernements n’ont jamais accordé au renseignement la priorité qu’il mérite et ne se sont jamais donné la peine de recruter des talents à l’extérieur du gouvernement afin de rehausser la qualité de l’analyse;  ils n’ont jamais consacré les ressources requises pour permettre au personnel de se perfectionner et de se tenir bien informé.

 

Encourager les bons analystes à travailler à l’unisson  

« Il faut recueillir, analyser et diffuser les renseignements;  un service efficace du renseignement doit informer le service de planification d’urgence afin qu’il réussisse à mieux gérer les crises.  À l’heure actuelle, nous avons des lacunes à chaque étape de ce continuum de sécurité et de renseignement. ” M. Thomas Axworthy, président, Centre for the Study of Democracy, Université Queen’s  

Dans le cadre des efforts déployés pour promouvoir l’échange des renseignements soumis aux analystes du renseignement, le gouvernement a jugé opportun d’encourager dix-sept ministères et organismes à échanger des renseignements sur la sécurité maritime par le biais du Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime au moyen d’un simple système d’alerte mutuelle appelée le CANMARNET.  

Selon le ministère de la Défense nationale, le CANMARNET est un site Web à usage ouvert géré par le ministère.  Le CANMARNET fournit un portrait géospatial de la situation maritime au Canada en indiquant la position de tous les navires connus à un moment récent dans le temps.  Le site contient également des fenêtres qui affichent des données provenant d’autres ministères du gouvernement (Agence canadienne des douanes et du revenu, GRC, Pêches et Océans Canada et Citoyenneté et Immigration Canada) et susceptibles d’être utiles à des fins de sécurité.  Le site n’offre pas de fonction de courriel ni de discussion.  Ce sont les ministères qui, de leur propre gré et séparément, transmettent des renseignements au CANMARNET et le MDN en assure la compilation.  

Le Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime (GTISM) a souligné les lacunes de ce système et commandé une étude pour analyser les besoins en matière d’information ainsi que les fonds de renseignements des divers partenaires gouvernementaux de la sécurité afin de mettre au point un système plus efficace. 

 

Cette étude portant sur le Système de gestion de l’information maritime et de partage des données (le MIMDEX), a été confiée à Montage DMC, une division d’ATT Canada.  Elle conclut que les divers ministères et organismes concernés par la sécurité maritime n’ont ni l’infrastructure ni les méthodes d’information requises pour recueillir des renseignements de sécurité pertinents pouvant faire l’objet d’une analyse collective.

À l’automne 2003, le groupe de travail a présenté une proposition au Conseil du Trésor recommandant la mise en place d’un nouveau modèle de gestion de l’information et d’une nouvelle architecture de TI pour le soutenir.  Le MIMDEX permettrait la mise en commun de données et ferait l’objet d’un contrôle rigoureux au moyen d’un système d’authentification et de contrôle de l’accès.  Le MIMDEX est supérieur au CANMARNET en ce sens qu’il s’agit d’un réseau informatique autonome ayant ses propres opérateurs qui peuvent transmettre l’information, communiquer en temps réel et tenir les ministères au courant des préoccupations des autres.  

Dans sa première itération, fait remarquer le MDN, le système MIMDEX fonctionnera au niveau de sécurité « PROTÉGÉ » et, à une date ultérieure, il aura la capacité de migrer à un réseau gouvernemental de niveau « SECRET ».  Les avantages de ce système seront nombreux : affichage de renseignements géospatiaux en temps presque réel, possibilité de mise à jour en ligne par les membres, courriel et discussion.  Les documents de référence contenus dans une base de données partagée seront à la disposition des ministères participants et un système sera mis en place pour permettre à tous les membres d’alerter les autres en cas de problèmes particuliers.  Ce système novateur favorise la collaboration interministérielle tout en respectant les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements privés et de la Charte.  

En résumé, le MIMDEX est supérieur au CANMARNET parce qu’il s’agit d’un système bidirectionnel (ou multidirectionnel) qui permet aux membres de la communauté maritime d’interagir en temps réel, ce qui améliore l’échange de renseignements, et de s’avertir les uns les autres en cas d’éventuels problèmes ou menaces à la sécurité maritime.  

En juillet 2003, le Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime a « approuvé en principe » le MIMDEX.  À la fin août, l’entreprise retenue ( la "All Stream" Company) a exposé au GTISM son plan de mise en oeuvre et reçu l’autorisation de mettre son projet de l’avant.  Le financement du MIMDEX est conditionnel à l’approbation par le Conseil du Trésor d’une demande visant l’établissement d’un Fonds de coordination du GTISM (qui fournira les fonds pour le MIMDEX).  

Il ne fait aucun doute que le MIMDEX est un système d’échange de renseignements beaucoup plus perfectionné que le CANMARNET et qu’il est grandement nécessaire d’avoir un nouveau système.  Mais deux ans après le 11 septembre  2001, le GTISM,  qui constitue, selon le ministre des Transports David Collenette, le « foyer central » de la coordination de la sûreté maritime au Canada, communique encore au moyen d’un système désuet et dépassé.  

 

Travailler ensemble – au-delà de la technologie 

Le problème de la collecte d’information aux fins d’analyse ne découle pas uniquement de la technologie désuète, loin de là.  Il est également dû à la multitude d’organismes – chacun pouvant se voir confier le « commandement » durant une crise –  qui essaient de créer une structure cohésive en matière de sécurité alors que presque tous les éléments de cette « structure » souple sont affectés à d’autres priorités.  Voilà un exemple qui illustre la méthode typequement canadienne de régler les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent.

 

En fait, l’hydre à sept têtes se débat encore pour savoir s’il est constitutionnel d’échanger des renseignements entre les provinces et territoires :

 

« Plusieurs sous-comités [GTISM] ont été mis en place. Compte tenu des divers mandats des ministères, ces sous-comités ont la capacité de recueillir diverses quantités de renseignements sur les navires et leurs passagers, lorsque ces navires font route vers le Canada ou naviguent en eaux canadiennes.  Nous essayons de trouver le moyen de favoriser l’échange d’information entre les ministères.  Le ministère de la Justice nous aide beaucoup à cet égard.  Nous devons nous assurer que les renseignements recueillis l’ont été pour des motifs valables et que, s’il faut les partager, nous en aurons l’autorisation ». Capitaine Peter Avis, directeur, Politique, opérations et état de préparation maritimes, ministère de la Défense nationale  

Non seulement ces organismes aux mandats et intérêts divers n’ont pas encore résolu le problème qui consiste à déterminer s’ils ont le droit d’échanger des renseignements sensibles, mais certains membres de ce réseau ne sont pas encore certains de vouloir le faire ou sont limités par leur statut qui les empêche de le faire :  

« L'échange d'information comporte des inconvénients, si l'on ne sait pas à quel renseignement on a affaire.  Le système du renseignement peut s'autoalimenter très rapidement.  Avant de communiquer une donnée, on tient d'abord à s'assurer qu'elle est fiable.  Cela doit être confirmé de façon indépendante, et non par une autre personne qui communique à son tour la même information.  C'est très important. Par conséquent, selon le scénario, l'important est de savoir avec qui vous partagez l'information de façon à pouvoir respecter l'intégrité de l'enquête en cours.  La technique, le partage de l'information et les personnes qui interviennent seront différents selon qu'il s'agit d'une intervention pour des raisons de sécurité nationale ou d'une enquête sur le crime organisée, parce que dans le premier cas, les intérêts du Canada sont en jeu ». M. W. A. Lenton, commissaire adjoint, Direction des services fédéraux, GRC  

Même lorsque les divers intérêts divers représentés au sein du Groupe de travail interministériel sur la sûreté maritime auront réglé le problème de l’échange de renseignements, il y aura toujours un délai avant que les divers groupes ne choisissent celui qui assurera le leadership en cas de crise.  Il peut s’agir d’un délai de quelques minutes seulement, mais il peut aussi se mesurer en heures et, en période de crise, personne n’a les moyens de perdre des heures.  

Les mesures prises par le gouvernement fédéral pour recueillir des renseignements par l’intermédiaire de comités comme le GTISM sont comparables, selon le Comité, à l’utilisation de pompiers volontaires.  Les brigades de pompiers volontaires se composent de personnes qui ont en général d’autres priorités dans la vie – et qui risquent de ne pas être disponibles au moment où l’alarme se déclenchera.   Ces personnes sont utiles dans les petites collectivités qui ne disposent pas de ressources à temps plein pour les urgences.  Le Canada n’est pas une petite collectivité.   Il doit être capable de mobiliser et de coordonner des ressources à temps plein pour faire face aux menaces à la sécurité de sa population en l’espace de quelques minutes.  Il doit être capable de réagir rapidement en période de crise.  

Lorsqu’une crise survient, le Canada doit ou devrait pouvoir compter sur des analystes compétents capables d’agir rapidement et intelligemment, à l’unisson, sous un leadership fort.  

Le Comité suggère au gouvernement canadien d’écouter les conseils des sages observateurs qui sont venus témoigner sur cette question :  

« Le commandement et le contrôle centralisés et l'analyse centralisée de l'information sont les deux éléments principaux.  Il s'agit d'aspects fondamentaux...   D’une façon ou d'une autre, il faut transformer ce comité interministériel, qui n'évolue pas à une altitude très élevée dans la sphère bureaucratique, en une bête qui a du mordant, pour que les gens se disent : « Voilà qui est mauvais ».  Il doit y avoir une voie qui permette de saisir le Cabinet des problèmes urgents, de prendre des  décisions et de donner des directives ».  Peter T. Haydon, agrégé supérieur de recherches, Centre for Foreign Policy Studies, Université Dalhousie  

« La collecte de renseignements étant l'aspect essentiel de la sécurité, nous ne pouvons pas nous permettre de lésiner sur les infrastructures chargées de traiter l’information ». Vice-amiral (retraité) Gary L. Garnett, vice-président national pour les Affaires maritimes, Ligue navale du Canada  

« Tant que nous ne réussirons pas à nous débarrasser de l’idée que les opérations du gouvernement canadien sont des entités compartimentées reliées entre elles, pour le meilleur ou pour le pire, pour finalement adopter un système cohérent de coopération, définir les rôles clairement et promouvoir la valeur du renseignement, je crois que nous ne progresserons pas beaucoup ». M. Wesley K. Wark, professeur agrégé, département d’histoire, Munk Centre for International Studies, Université de Toronto  

Dans son rapport intitulé La défense de l’Amérique du Nord : une responsabilité canadienne, le Comité formule les recommandations suivantes :  

 

 

·    La coordination de toutes les ressources canadiennes – c’est-à-dire la Marine, la Garde côtière, l’Armée de l’air, l’Armée de terre, Citoyenneté et Immigration Canada, l’Agence des douanes et du revenu, les forces policières et les organismes chargés du renseignement et de la surveillance par satellite – pour améliorer la défense des côtes canadiennes. (Recommandation n2, page 13)

 

·          La coordination et utilisation efficace des nombreuses ressources de surveillance telles que : un système de compte rendu de position de navires; les atouts de la Marine canadienne, incluant les navires de défense côtière et les frégates canadiennes de patrouille; les ressources de repérage de satellites; les vols réglementaires Aurora; les services de patrouilles et de renseignements du ministère des Pêches et Océans, de la Garde côtière canadienne et de la Gendarmerie royale du Canada. (Recommandation no 2, page 14)

 

·          La création de centres d’opérations multiministérielles à Halifax et à Esquimalt pour recueillir et analyser du renseignement sur les expéditions et dresser un portrait opérationnel conjugué de tous les organismes gouvernementaux ayant affaire aux navires qui entrent au Canada, pour réagir aux menaces dirigées contre les côtes d’Amérique du Nord et pour concevoir des procédures destinées à répondre à tous les scénarios prévus. (Recommandation no 3, page 14)  


Ces recommandations mettent l’accent sur :  

·        le regroupement des ressources du Canada en matière de surveillance et de renseignement et  

·        la centralisation du commandement et du contrôle afin d’assurer une intervention rapide en cas de crise.  

Ces deux impératifs – regroupement et centralisation – sont particulièrement importants dans le domaine du renseignement.  En période de crise, il est primordial que nos décideurs aient le tableau le plus complet possible de la menace à laquelle ils font face et que ce tableau leur soit rapidement transmis par un centre de commandement et de contrôle.  

La GRC et la Marine canadienne gèrent tous les deux des centres des opérations sur les côtes est et ouest.  Pour la collecte du renseignement, cela n’a aucun sens.  De l’avis du Comité,  

il est nécessaire qu’un centre des opérations de sécurité sur chacune des côtes consolide l’information obtenue par les activités de surveillance et d’autres moyens et l’achemine à un centre de commandement situé à Ottawa, où les spécialistes du renseignement pourront l’analyser et la mettre en corrélation avec l’information provenant d’autres sources, notamment du SCRS, de nos alliés internationaux et de toute autre source fiable.


Le témoignage suivant illustre parfaitement l’approche fragmentée utilisée par le Canada dans ses opérations de sécurité :  
 

Le président :

« La Marine a-t-elle été chargée de la coordination des opérations à Esquimalt et à Halifax? »

 

Gerry Frappier, directeur général, Sûreté et préparatifs d’urgence, et président du Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime, Transports Canada :

 

« En ce qui concerne l'information et la compréhension du rôle actuel des navires au sein du système, c'est exact.  Mais en ce qui concerne les aspects opérationnels, je dois vous répondre «pas complètement».  Par exemple, les Douanes et la GRC font la même chose de leur côté ... »

 

 

Le témoignage suivant renforce l’opinion du Comité que la réforme est grandement nécessaire :

 

 

Vice-amiral (retraité) Gary L. Garnett, vice-président national des Affaires maritime, Ligue navale du Canada :

 

« À notre avis, il faudrait dresser un portrait de la situation localement, sur chacune des côtes, puis transmettre les données à un centre national chargés de plusieurs rôles annexes, dont

celui de commander des Forces déployées par le Canada, un rôle qui dépasse celui d’assurer la sécurité seulement intérieure ».

Un centre de sécurité maritime ou un centre des opérations, selon le nom qu'on voudra bien lui donner, doit pouvoir fournir des renseignements, faciliter leur intégration et la prise de décisions, de façon à pouvoir détecter et évaluer les menaces et intervenir de la manière appropriée.  En toute logique, ces centres doivent être administrés par la marine, mais ils doivent également compter sur les services permanents d’agents ou de fonctionnaires d'autres ministères, comme Pêches et Océans, la GRC, l'ADRC, Environnement ou Douanes. À titre de spécialistes dans leur domaine, ces agents seraient chargés de coordonner les activités du renseignement et de conseiller la structure de commandement.

Lorsque des mesures importantes sont envisagées pour faire face à une menace ou en cas de crise, des hauts fonctionnaires des différents ministères seront détachés au quartier général de ce centre des opérations maritimes.  À notre avis, il serait très avantageux d'intégrer les centres de sécurité maritime aux centres des opérations navales et à la structure de commandement en place.  La technologie nous permet de communiquer l’information en temps réel et il est tout à fait possible de rajouter un autre niveau de renseignement au plan national sans mettre en cause l'efficacité opérationnelle découlant d'une coordination étroite sur les côtes.

 

 

 

M. James A. Boutilier, conseiller spécial (politique), Forces maritimes, Quartier général du Pacifique, ministère de la Défense nationale :

 

« D’autres témoins se sont interrogés sur la nécessité d’avoir des centres d’opérations sur les deux côtes chargés de recueillir des données au lieu d’un seul centre interorganisations à Ottawa.  À mon avis, nous devrions mettre en oeuvre les deux options.  Les deux milieux sont différents mais complémentaires.  Le personnel d’Halifax et d’Esquimalt peut mieux prendre le pouls des conditions maritimes régionales qu’un centre situé à Ottawa.  En revanche, un centre d’opérations établi à Ottawa exerce ses activités dans un milieu « politique », peut rassembler de l’information provenant des deux côtes, puis la fusionner, l’analyser et la diffuser vers les paliers les plus élevés ».

 

 


Recommandations  

En plus de réitérer les trois recommandations énoncées plus haut tirées de notre rapport La défense de l’Amérique du Nord : une responsabilité canadienne, le Comité recommande :  

3.1                   Que le gouvernement augmente son effectif d’analystes du renseignement compte tenu des rapports qui laissent entendre que le personnel affecté à ce travail essentiel n’est pas assez nombreux.  

3.2                   Que le gouvernement prenne des mesures immédiates pour recruter un plus grand nombre d’agents du renseignement compétents dans les universités canadiennes et d’autres établissements de l’extérieur de la fonction publique et que ces universités et établissements fassent davantage appel à des instructeurs étrangers possédant une connaissance intime d’autres cultures.  

3.3                   Que le gouvernement augmente les fonds destinés à la formation de personnes possédant les compétences culturelles et linguistiques sur lesquelles doit s’appuyer la communauté canadienne du renseignement.  

3.4                   Que le gouvernement accorde la priorité à la mise en place rapide, à titre de système d’échange d’information, du système de gestion des renseignements et d’échange de données maritimes (SGREDM), actuellement à l’étude.

3.5                   Que le gouvernement encourage l’échange d’information entre les ministères, les organismes, les forces policières et militaires, en tenant compte des limites potentielles imposées par les dispositions de la Charte des droits et libertés ainsi que des garanties de confidentialité parfois exigées par des sources de renseignement étrangères.  


CHAPITRE QUATRE :  

La nécessité de renforcer la CAPACITÉ D’INTERCEPTION du Canada dans ses eaux côtières  

Qui défend nos côtes?  

Le Comité conclut que ce n’est pas la Marine canadienne.  La Marine semble être avant tout une flotte « de haute mer » dont le mandat est de combattre loin des côtes canadiennes.  

La Marine possède bien une flotte de navires de défense côtière, mais ceux-ci servent surtout à la formation des réserves navales.  Comme le souligne le vice-amiral Ronald Buck, chef d’état-major des Forces maritimes, la Marine considère que son rôle en matière de défense côtière consiste avant tout à assurer la surveillance.  

La Garde côtière canadienne défend-elle nos côtes?  Pas vraiment.  Ni ses navires ni les équipages ne sont armés.  La plupart des Canadiens croient probablement que notre Garde côtière protègent nos côtes de la même manière que la Garde côtière américaine (souvent appelée la troisième marine au monde en importance).  Ce n’est pas le cas.  

Comme la Marine, la Garde côtière canadienne considère que son rôle en matière de sécurité en est un de soutien seulement – une tâche qui vient s’ajouter à ses autres fonctions mieux définies : recherche et sauvetage, déglaçage, cartographie des eaux navigables, installation de bouées, application des règlements en matière de pêche et de pollution, vérification de la sûreté des navires, etc.  

La Garde côtière relève de Pêches et Océans Canada.  Sur demande, ses navires font de la surveillance et transportent des agents des Douanes, de l’Immigration, de la GRC, des Pêches et de Transports Canada dans des missions d’interception, mais il s’agit là d’une responsabilité tertiaire.  La Garde côtière n’a pas les fonds requis pour s’acquitter de ce rôle sur une base régulière.  

Au cours de ce qu’on a appelé la « guerre du turbot » en 1995, deux navires de la Garde côtière ont été dotés d’armes de calibre 50;  les équipages ont reçu une formation de base et les navires ont été dépêchés à la limite des 200 milles pour arraisonner un navire de pêche espagnol.  Le personnel de la Garde côtière a-t-il joué un rôle policier dans cette confrontation?  Ce n’est pas l’avis de John Adams, commissaire de la Garde côtière, qui a dit en témoignage : « Cela a flanqué une peur bleue aux membres de la Garde côtière.  Je crois qu’ils ont tiré une fois sur la proue, mais je n’en suis pas certain.  Ils n’arrivaient pas à tirer assez vite ».  

Plusieurs témoins ont fait remarquer au Comité qu’il faudra des décennies pour changer la culture de la Garde côtière et confier aux équipages un rôle constabulaire, en plus de leurs diverses fonctions d’observation et d’application de la loi auxquelles ils se limitent jusqu’à maintenant.  

Comme nous l’avons indiqué au début de notre rapport, nous croyons qu’il est essentiel que le Canada, vu sa capacité militaire limitée, trouve des moyens d’optimiser les ressources qu’il possède déjà dans le but de lutter contre toutes les activités illicites exercées sur nos côtes, surtout le terrorisme.  

Les choses ne se passent pas ainsi.  Le Canada a des organismes qui assurent un soutien, surtout en matière de surveillance et de convoyage, mais c’est la GRC qui a le plus de mordant dans les situations d’urgence.  

La GRC a évidemment une foule d’autres fonctions à accomplir, la plupart sur terre.  Ses agents jouent un rôle précieux sur les eaux côtières, tout comme sur terre, mais la patrouille côtière n’est pas la principale priorité de la GRC.   Sur les Grands Lacs, par exemple, la capacité d’interception des agents est quasi nulle, si l’on songe, par exemple, à l’arraisonnement armé.  « Nous n'avons pas les ressources, l'équipement ni la formation nécessaires dans la région du Centre, alors que nous l'avons sur les deux côtes », reconnaît M. Ken Hansen, de la Direction des services fédéraux de la GRC.  

La capacité de la GRC d’intercepter des navires sur la côte est ne peut être qualifiée de très musclée.  En Nouvelle-Écosse, par exemple, selon le Surintendant en chef  Ian Atkins, Direction des opérations criminelles, Nouvelle-Écosse, Gendarmerie royale du Canada,  la GRC a exactement 13 agents affectés exclusivement à la côte de la province; ils ont, comme il se doit, le soutien de 32 agents « formés en intervention d’urgence armée pour arraisonner des navires. »  Selon M. Atkins, la garde assurée par la GRC sur les côtes repose essentiellement sur des bénévoles;  les agents encouragent le public à détecter et à signaler toute activité inhabituelle.  Voici ce qu’il dit :  

« La GRC a affecté 13 agents à la sécurité maritime.  À ce nombre viennent s’ajouter des ressources supplémentaires provenant de partenaires comme le service de police régional d’Halifax, Douanes Canada et la Défense nationale.  La surveillance côtière exercée par la GRC est un programme essentiellement bénévole.  La GRC a deux coordonnateurs à plein temps et elle détache des agents dans la région pour sensibiliser les citoyens et les aider à détecter et à signaler les activités inhabituelles sur les côtes ».  

Lorsqu’on lui a demandé si la GRC manquait d’effectifs pour assurer la sécurité côtière de façon musclée, le  surintendant en chef Atkins a dû reconnaître :  

« Nous avons identifié les obstacles à la sécurité maritime.  L’un des plus importants est peut-être le manque de ressources affectées à cette fin.  Comme je l’ai dit, la GRC a une équipe de 13 personnes pour surveiller un littoral de  7 400  kilomètres.  Nous comptons sur la bonne volonté des citoyens et leur demandons de nous aider à détecter des activités inhabituelles ».  

 

Faire semblant de défendre  

Lorsque les témoins de la Marine canadienne nous disent que leur rôle dans la défense de nos côtes en est un de soutien seulement,  que des témoins de la Garde côtière canadienne nous disent la même chose et qu’un témoin de la GRC nous dit qu’il n’a que 13 agents affectés à la surveillance des 7 400 kilomètres du littoral de la Nouvelle-Écosse et aucun affecté à l’arraisonnement des navires dans les Grands Lacs et sur la Voie maritime du Saint-Laurent, le Comité en arrive facilement à la conclusion suivante :  

Les côtes du Canada ne sont virtuellement pas défendues.  

Que faire?  Il est évident qu’il faut augmenter les ressources et les effectifs.  

Le Comité ne croit toutefois pas que le Canada utilise les ressources à sa disposition – notamment la Garde côtière canadienne – comme il le devrait pour mieux sécuriser ses eaux côtières.  Il rejette également les deux raisons le plus souvent avancées pour expliquer pourquoi la GCC ne joue pas un rôle plus musclé :  

·          les effectifs actuels de la Garde côtière et leur syndicat s’opposeraient à ce que les officiers et les navires soient armés et  

·          il faudra attendre des décennies avant que la Garde côtière canadienne ne devienne une force constabulaire.  

Ce sont les commentaires le plus fréquemment formulés par les dirigeants de la GRC qui, faut-il s’en étonner, défendent le rôle actuel de leur organisation et le rendement qu’elle affiche malgré un manque évident de financement.  Même s’ils ne se sont pas plaints du sous-financement dans leur témoignage devant les membres du Comité, ils n’ont pas nié, en réponse à nos questions, l’existence d’un grave problème :  

 

Le sénateur Forrestall : « Si je comprends bien, votre organisation a besoin de fonds ».  

M. John Adams, commissaire, GRC : « La Garde côtière traverse actuellement une période difficile ».  

Lorsque les membres du Comité ont demandé à d’autres témoins si la Garde côtière canadienne disposait des ressources nécessaires pour jouer un rôle constabulaire sur les côtes canadiennes, les réponses ont été unanimes : « Non ».  Ces dernières années, le nombre de ses navires et de ses effectifs a été grandement réduit.   Plus de la moitié des navires de la GCC ont entamé la deuxième moitié de leur cycle de vie et il en coûterait environ 350  millions de dollars pour les remettre en état de s’acquitter des tâches qu’on veut maintenant leur confier.

Selon M. James A. Boutilier, conseiller spécial (politique), Forces maritimes, Quartier général du Pacifique, ministère de la Défense nationale :  « Ce qui me frappe, c'est que la Garde côtière est actuellement incapable de s'acquitter de son mandat, encore moins de remplir de nouvelles fonctions ».  

M. Boutilier, qui en tant que spécialiste sait fort bien comment les choses se passent à l’étranger, est pourtant d’avis que la meilleure solution consisterait à confier à la GCC un rôle constabulaire :  

« Il est certain que c'est la voie dans laquelle s'engagent de plus en plus de gouvernements de la région Asie-Pacifique. En Australie, on songe de plus en plus à utiliser la marine comme moyen, pour reprendre les mots d'un observateur, de «creuser des trous» dans l'océan à la recherche de migrants illégaux... »  

Les Australiens injectent actuellement 500 millions de dollars dans une garde côtière indépendante de la marine australienne.  Cela nous amène à examiner les responsabilités de la Marine canadienne.   Demander des fonds pour les injecter dans la Marine afin qu’elle puisse s’acquitter de son principal mandat, la défense des frontières du Canada, serait une solution de rechange au renforcement du rôle de la Garde côtière.  Plusieurs témoins ont toutefois fait remarquer que les navires de la Marine sont en général trop gros, trop lents et trop coûteux pour réagir efficacement aux menaces dans nos eaux littorales.  

Des dirigeants et des conseillers de la Marine ont clairement indiqué que les responsabilités premières de celle-ci se déroulent loin des côtes canadiennes.  Selon M. Boutilier,  

« ... la force de notre Marine réside de plus en plus dans les déploiements à long terme.  Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous ne pouvons plus définir notre sécurité nationale de façon purement fermée.  De plus en plus, nous allons être obligés de faire appel à nos actifs navals, qui sont relativement limités, dans des eaux éloignées.  Il est probablement inapproprié d'utiliser à de telles fins [pour la sécurité côtière] des bateaux aussi perfectionnés ».  

Les navires de défense côtière de la Marine pourraient servir à patrouiller au lieu d’être utilisés pour la formation des réserves.  Cependant, la formation en souffrirait et la capacité de formation des Forces armées canadienne est déjà insuffisante parce que les effectifs normalement chargés de la formation ont été envoyés servir à  l’étranger.  En outre, comme le souligne le vice-amiral Ron Buck,  

« Les navires côtiers de la marine ne sont pas les meilleurs pour les activités d’interception : leur vitesse maximale est de 16 noeuds.  Ils sont munis de larges baux.  Ils ont été conçus pour patrouiller et faire la guerre des mines ».  

La vérité, c’est que même si on augmente considérablement le financement de la Marine canadienne – ce qui est peu probable – celle-ci résisterait à accepter un nouveau rôle sur les côtes pour la simple raison que ses priorités sont nombreuses après des années de sous-financement.  D’ailleurs, les dirigeants ont fait savoir que la Marine faisait une pause d’un an pour se restructurer.  

Quant à savoir s’il faut demander à la Garde côtière de faire la police pour combler un vide évident dans la défense côtière, le Comité a été particulièrement impressionné par le témoignage de John F. Thomas, ancien commissaire de la Garde côtière canadienne et maintenant partenaire dans une entreprise appelée BMB Consulting Services.  M. Thomas nous a dit qu’il est faux de croire, comme l’a laissé entendre un témoin, que les effectifs de la Garde côtière n’étaient pas à l’aise dans le rôle qu’ils ont joué durant la guerre du turbot en 1995, « ils était très fiers de ce qui se passait »; il a ajouté que des membres du personnel de la Garde côtière lui avaient confié, avant qu’il ne vienne témoigner, qu’ils ne s’opposeraient pas à travailler comme agents de la paix armés :  

« Ces cinq personnes étaient d'avis, elles aussi, qu'il n'y aurait aucune résistance.  Mais si l'on voulait tenter de leur imposer ces responsabilités supplémentaires en maintenant le financement au niveau actuel, il fallait s’attendre à de la résistance ».  

Comme l’a souligné M. Thomas, le port d'une arme courte comporte de gros risques mais les activités de recherche et de sauvetage sont tout aussi risquées et la Garde côtière en effectue constamment.  Il demande au gouvernement de détacher la Garde côtière de Pêches et Océans Canada et de la rendre indépendante.  À son avis, elle devrait fonctionner à peu près comme ceci :  

« Les officiers de quart seraient probablement tous des agents de la paix et un groupe d'une dizaine de personnes recevraient une formation pour chacun des navires de plus grande taille... À l'autre extrême, les navires de recherche et de sauvetage ont actuellement un équipage de trois personnes, c'est-à-dire un équipage très réduit, qui pourrait se charger des petits navires « cible s».  Il n'est pas question qu'ils tentent d'intercepter un navire commercial armé.  Comme ils [les navires de la Garde côtière] font généralement leurs patrouilles à proximité de la côte, je ne pense pas que l'occasion de cibler un grand navire de transport maritime se présente très souvent, mais si une situation suspecte se présente, ils doivent être en mesure d'intercepter le navire et de faire une enquête.  S'ils doivent faire appel à un navire de plus grande taille, ils peuvent en appeler un de la Garde côtière ou, selon le cas, de la Marine ».  

 

La vérité au sujet du potentiel de la Garde côtière  

Au cours des rencontres officieuses qu’ils ont eues au cours de l’été 2003 avec des délégués syndicaux représentant des officiers et d’autres gradés, le président et des membres du Comité ont appris que M. Thomas avait tout à fait raison en ce qui concerne la réaction de la majorité des membres : ils sont prêts à jouer le rôle d’agents de la paix de long du littoral canadien et sur les Grands Lacs, et ils se réjouissent de cette perspective, à condition d’avoir assez d’effectifs et de ressources pour s’acquitter de ce rôle qui s’ajoute à tous les autres et de recevoir la formation et une indemnité correspondant à leurs nouvelles responsabilités.  

À la fin septembre, le Comité a entendu le témoignage des représentants syndicaux de la GCC à Halifax.  Ils ont amèrement critiqué le traitement réservé à la Garde côtière par le ministère des Pêches et des Océans dont elle relève :  

« Lorsque nous relevions des Transports, nous faisions partie du réseau de sûreté et de sécurité du transport aérien, terrestre et maritime. Je m’en souviens.  Quand je suis entré dans la Garde côtière, nous relevions des Transports.  L’étude menée en 1990 par le Conseil du Trésor sur les flottes indiquait la bonne direction pour de nombreux services de la Garde côtière.

 

  Nous avons pris ce difficile virage à gauche en 1995 et nous en payons le prix depuis.  Nous n’étions rien de plus qu’une vache à lait pour le MPO.  Une grande partie des recettes de 1997 ou 1998, quelque 200 millions de dollars, je pense, a été détournée dans les programmes du MPO.  Voilà comment les choses se passent aujourd’hui.  Un simple service de transport, voilà ce que nous sommes ».  John Fox, représentant régional, Nouvelle-Écosse, Union canadienne des employés des transports

 

« La Garde côtière canadienne est étirée, stressée et insolvable.  Voilà pour la bonne nouvelle.  La mauvaise, c’est que le MPO est en train d’hypothéquer l’avenir de la Garde côtière pour payer son présent.  Nous demandons au Comité d’avoir le courage de se lever et de dire aux hauts dirigeants du MPO qu’ils se trompent lorsqu’ils prétendent que tout va bien; les employés des premières lignes savent très bien que c’est faux.  Le sous-financement chronique, les engagements trop nombreux et la négligence du gouvernement causent un tort irréparable à la Garde côtière.  Le service est sur le point de devenir inutile si personne ne se lève pour dire que c’est assez.  Nous vous demandons d’envisager sérieusement la restructuration de la Garde côtière canadienne afin de lui redonner son prestige et lui confier un rôle majeur en ce qui a trait à la sécurité au Canada ». Michael Wing, président national, Union canadienne des employés des transports  

La plupart des représentants syndicaux ont accueilli avec enthousiasme le projet visant à transformer la Garde côtière canadienne d’un organisme civil non armé en une force constabulaire.  Ils reconnaissent toutefois que cela ne sera possible que si le personnel reçoit une compensation suffisante pour le port d’arme ainsi que les ressources requises pour leur permettre d’élargir leur rôle :  

Le sénateur Smith :  À votre avis, faut-il transformer la Garde côtière et armer certains bateaux et membres de l’effectif?  

M. Wing : Monsieur le sénateur, nous n’avons aucune objection à ce que le mandat de la Garde côtière soit élargi afin qu’elle puisse s’acquitter de ces nouvelles responsabilités, y compris l’armement de ses navires.  

Le sénateur Smith :  Nous croyons comprendre que cela entraînerait des coûts.  

M. Wing :  C’est juste.  

Le sénateur Smith : Ils ne devraient pas être exorbitants, vous êtes donc d’accord avec cela.  

M. Wing :  Oui.  

 

Le Comité est d’avis que la Garde côtière canadienne doit jouer un rôle constabulaire.  

D’une manière ou d’une autre, comme la Garde côtière aura besoin de nouveaux navires dans un proche avenir, il ne devrait pas y avoir de problème de la doter de garde-côtes capables de transporter les effectifs et l’équipement requis et d’atteindre une vitesse de 20 noeuds ou plus afin de leur permettre d’accomplir ces nouvelles fonctions.  Une autre option, proposée par M. John Dewar, consisterait à doter la Marine d’un nouveau garde-côte.  M. Dewar a informé le Comité, dans son témoignage du 2 juin 2003, qu’un garde-côte de remplacement coûterait entre 55 et 100 millions de dollars (voir l’annexe X, volume 2).  Le coût final dépendrait du degré de sophistication et de la densité du senseur ainsi que de la technologie de communications retenus pour le bâtiment.  Selon M. Dewar, le navire devrait mesurer environ 75 mètres de longueur et avoir une vitesse minimale de 25 noeuds.  Il devrait également avoir la capacité d’accueillir un hélicoptère (le coût de ce dernier n’est pas inclus dans le coût du navire mentionné ci-dessus), de déployer des équipes d’arraisonnement dans des mers de force élevé et d’avoir une autonomie en mer de 30 jours.  

La Garde côtière est une ressource précieuse pour le Canada; elle compte plus de 4 400 employés, soutenus par 5 100 bénévoles auxiliaires, 107 navires, 27 hélicoptères et deux aéronefs à voilure fixe.  Elle gère 11 bases et 1 000 employés sur la côte du Pacifique, 550, dans la région du Centre et de l’Arctique, 780 dans la région du Québec, 860 à Terre-Neuve et près de 960 dans les Maritimes (voir l’annexe IX, volume 2).  Aucun organisme ne connaît mieux qu’elle les eaux côtières du Canada.  

La Garde côtière canadienne pourrait devenir une ressource encore plus précieuse.  Le Comité n’a pas manqué de témoins en accord avec lui pour dire que la GCC est une ressource sous-utilisée :

« Se doter d’une garde côtière armée est un moyen beaucoup plus rentable d'intercepter des vaisseaux qui nous intéressent près de nos côtes, en comparaison avec le destroyer, qui coûte cher, ou la frégate...  Le témoin précédent a dit qu'un garde-côte qui est témoin d'un acte illégal ne pourrait rien y faire, et c'est dommage.  Je ne crois pas que les Canadiens soient au courant de cela.  Il doit y avoir une politique qui confère à notre Garde côtière un nouveau mandat, un mandat digne de l'appellation «Garde côtière». Commodore (retraité) Hans Hendel, consultant, Collège des Forces canadiennes  

«  . . .Conférer à la Garde côtière canadienne des pouvoirs policiers en mer permettrait à la GRC, je l’avoue humblement, de concentrer ses ressources sur terre... . De nombreuses gardes côtière de pays étrangers sont dotées d’une capacité policière.  En fait, la majorité d’entre elles en ont une.  La plupart du temps, elles ont un rôle précis à cet égard et possèdent donc l’équipement nécessaire et des effectifs formés pour ce genre de travail.  Qu’attendons-nous pour conférer à la Garde côtière canadienne un pouvoir d’application de la loi?  Je pense en particulier à la répression du trafic de stupéfiants, l’immigration illicite et la lutte contre la contrebande.  Non seulement cela permettrait de réduire le degré de politisation dont je viens de parler qui caractérise souvent les opérations de défense, mais cela pourrait également entraîner des retombées économiques grâce au déploiement de plateformes plus petites et plus rentables comme des embarcations rapides de sauvetage et des patrouilleurs à équipage réduit.  Cela permettrait également de réduire considérablement la lourde charge de travail de nos forces policières et maritimes ». James C. Kelly, agrégé en recherches, Centre for Foreign Policy Studies, Université Dalhousie  

« Dans le milieu militaire, lorsque nos activités font appel à plusieurs domaines d'expertise — comme l'armée et les forces aériennes et navales —, nous créons un système de commande et de contrôle qui respecte les capacités et les compétences particulières des divers éléments.  Les personnes qui contrôlent les activités sont des «commandants d'éléments».  Sur le plan conceptuel, rien n'empêche la Garde côtière d'être un commandant d'élément supplémentaire au sein d'un système de commandement relevant d'une politique qui prévoit que, dans certaines circonstances, le commandant d'élément de la Garde côtière répondra aux besoins d'une mission donnée. À bien y penser, c’est déjà ce qui se passe aujourd'hui dans le cadre de missions de recherche et sauvetage ».  Commodore (retraité) Hans Hendel, consultant, Collège des Forces canadiennes 

Le Comité est d’avis, nous le répétons, que la Garde côtière canadienne devrait jouer rôle policier sur les côtes du Canada.  Il ne serait pas nécessaire que tous les officiers de la Garde côtière deviennent des agents de la paix, mais tous les officiers de quart devraient l’être.  La Garde côtière canadienne ne deviendrait pas un organisme « paramilitaire », comme celle des États-Unis;  elle continuerait de s’acquitter de ses responsabilités habituelles, mais elle posséderait cependant les armes nécessaires pour intervenir lorsqu’elle soupçonnera des activités criminelles.  Elle aurait un rôle constabulaire.  

La Garde côtière canadienne continuerait d’exécuter des fonctions pour les divers ministères et organismes, mais elle serait indépendante et relèverait du Parlement par l’intermédiaire de son propre ministre.  La sécurité nationale aurait toutefois préséance sur ses autres fonctions.   Les effectifs de la Garde côtière seraient responsables, sur appel, des centres des opérations côtières de Trinity et Athena en cas de menaces à la sécurité nationale.  

D’autres pays renforcent leur garde côtière pour se défendre contre les nouvelles menaces dans un monde de plus en plus instable.  Le Canada devrait en faire autant.  

 

Réinventer la Garde côtière 

Voici la structure proposée par le Comité pour la Garde côtière canadienne :  

 

1.     La Garde côtière canadienne doit avoir son propre quartier général.  

2.     L’organisation serait financée de la manière suivante :  

Sécurité nationale Par crédits directs
Recherche et sauvetage  
Sécurité nautique

Garde côtière canadienne auxiliaire

 
Administration générale  
   
Pêches Facturation à Pêches et Océans
Environnement Facturation à Environnement
Aides à la navigation Facturation à Transports
Déglaçage Facturation à Transports ou sous-traitance au besoin
Douanes Facturation à l’ACDR
Immigration Facturation à Immigration  

3.     Les effectifs de la Garde côtière seraient sur appel et responsables des centres des opérations côtières (Trinity et Athena)  

4.     La GCC serait dotée de pouvoirs constabulaires et tous les officiers de quart et un nombre suffisant de membres d’équipage auraient le statut d’agents de la paix.  

5.     Les navires de la Garde côtière seraient munis des pièces d’armement suivantes :  

a)     armes courtes et équipement de protection dans tous les navires,

b)    mitrailleuses de calibre 50 ou l’équivalent sur les navires de taille moyenne.

c)     canons Bofors ou l’équivalent sur les gros navires,

d)    équipement requis pour effectuer des arraisonnements,

e)     équipement d’autodéfense et de protection personnelle.

 

6.     Formation et rémunération  

·        Tous les officiers et membres d’équipage auraient des pouvoirs policiers et ceux chargés des arraisonnements recevraient une formation au Collège de la Garde côtière à Sydney (cette formation a été donnée à la Division dépôt de la GRC à Regina).  

·        Le personnel recevrait également une formation spécialisée dans des domaines comme l’application des lois fédérales en matière d’environnement, de pêches, de douanes et d’immigration.  

·        La rémunération du personnel de la Garde côtière affecté à de nouvelles responsabilités serait augmentée en conséquence.  

7.     Programme de remplacement des navires  

·        Les vieux navires seraient remplacés

·        La flotte doit être structurée en fonction des nouvelles  
 

·        responsabilités

·        Au début, deux nouveaux garde-côtes seront requis sur chacune des côtes

·        Selon le MDN (voir l’annexe XIII, volume 2), les points de passage obligés sont les zones les plus sensibles de surveillance maritime sur chacune des côtes.  En gros, ces zones couvrent 200 milles nautiques carrés (102 400 kilomètres carrés) à proximité de l’entrée du détroit Juan de Fuca (côte ouest), de l’entrée du port d’Halifax (côte est) et de l’entrée du détroit de Cabot vers le golfe Saint-Laurent.

 

8.     Garde côtière auxiliaire canadienne  

·        Les divisions de la Garde côtière auxiliaire canadienne (GCAC) regroupent près de 5 000 bénévoles et font appel à 1 600 bateaux.  Les six divisions, constituées sous le régime fédéral à titre d’organismes sans but lucratif, sont la GCAC Nationale, la GCAC Pacifique, la GCAC Centrale et Arctique, la GCAC Québec, la GCAC Maritimes et la GCAC Terre-Neuve.  

·        La GCAC contribue considérablement aux activités de recherche et de sauvetage et de promotion de la sécurité nautique. Ce travail doit être encouragé et poursuivi.

Le Canada doit également exercer un rigoureux pouvoir de répression sur les Grands Lacs et d’autres voies navigables intérieures.  Après la restructuration de la Garde côtière, qui prendra un certain temps, celle-ci ne devra toutefois pas être le seul organisme responsable de la surveillance des eaux côtières du Canada.  

 

Ressusciter la Division maritime de la GRC

Aucun responsable  

Les membres du Comité ont été étonnés d’apprendre qu’aucun ministère ou organisme du gouvernement fédéral n’est responsable de la sécurité maritime sur la Voie maritime du Saint-Laurent, les Grands Lacs, le fleuve Fraser et la rivière Skeena. Dans son témoignage devant le Comité, le 28 avril 2003, le contre-amiral (retraité) Bruce Johnston, ancien commandant de la flotte canadienne du Pacifique, a évoqué la nécessité de mettre en place un organisme responsable de la sécurité maritime.  Quand il a été question de surveillance, l’amiral Johnston a dit que la principale difficulté consistait à faire une utilisation efficace des ressources en place : « Si on n’y arrive pas, on ne pourra pas faire grand-chose. Si on ne change pas le mandat afin de vraiment mettre quelqu'un aux commandes, on ne peut pas faire grand-chose ».  

M. John F. Thomas, ancien commissaire de la Garde côtière canadienne, a également souligné le fait qu’aucun organisme n’était responsable du maintien de l’ordre et de la surveillance sur les Grands Lacs, les voies navigables intérieures et les côtes.  Dans son témoignage du 9 juin 2003, il a dit que ce n’était pas à la Marine de faire ce travail sur les Grands Lacs.  Par ailleurs, la Garde côtière n’a ni la formation ni le mandat requis pour appliquer la loi.  Selon M. Thomas, il faut « déterminer ce dont nous avons besoin pour assurer notre propre sécurité policière.  Il faut faire un usage optimal de la capacité que l'on a.  La Garde côtière a une grande capacité mais pour l'exploiter, il faut prévoir une certaine formation et lui donner un mandat ».  

Il est convaincu qu’il faut mettre en place un organisme responsable de la sécurité maritime et du maintien de l’ordre.  « Je pense, a-t-il ajouté, que la sécurité dans les zones côtières et dans les Grands Lacs a été pratiquement inexistante. Il y avait et il y a toujours des lacunes importantes à ce chapitre ».  

Le Comité partage son avis.  Les graves lacunes existant actuellement le long des voies maritimes d’approche et des principales voies navigables intérieures menacent la sécurité nationale.  Cette négligence est regrettable.  Par contre, la situation à la frontière sud entre le Canada et les États-Unis est plus encourageante.  La GRC est intégrée à des équipes mixtes de mesures d’exécution à la frontière qui font un excellent travail pour cibler les activités criminelles transfrontalières et renforcer l’intégrité de la frontière.

 

La menace  

Le Comité est d’avis que la Voie maritime du Saint-Laurent, le fleuve Saint-Laurent, les Grands Lacs et les principales voies navigables intérieures comme le fleuve Fraser et la rivière Skeena ne sont pas sûrs.  Ces zones à forte densité de trafic pourraient représenter une foule de menaces.  Par exemple, un navire transportant une bombe pourrait remonter la Voie maritime, débarquer des terroristes quelque part le long du fleuve Saint-Laurent ou introduire des armes de destruction massive au Canada pendant sa remontée d’une voie navigable importante.  Le Comité reconnaît également que la contrebande pose un problème dans la région de Cornwall et de la réserve d’Akwesasne.  

Le Comité s’inquiète depuis longtemps du degré d’infiltration des organisations criminelles dans les ports canadiens et de l’insuffisance des effectifs policiers.  Il souligne que cela risque de créer un sentiment d’insécurité et d’accroître la vulnérabilité de notre pays face au terrorisme.  Dans son premier rapport intitulé L’état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense (février 2002), le Comité affirme que la GRC n’avait pas les ressources financières pour s’attaquer aux activités criminelles et au terrorisme dans les ports.  Il conclut qu’on doit s’attaquer publiquement et sans tarder au problème de la criminalité dans les ports, en raison de ses conséquences sur la sécurité nationale.  

En février 2002, le Comité formulait donc la recommandation suivante :  

qu’on invoque la Loi sur les enquêtes afin de mener une enquête publique sur les grands ports canadiens qui prévoirait entre autres :  

a.  une étude approfondie de la sécurité dans les ports et l’élaboration d’une stratégie nationale de recrutement, de formation et de conservation du personnel de sécurité;  

b.  une étude du contrôle que le crime organisé exerce sur les activités dans les ports maritimes canadiens de même que des liens possibles entre ce contrôle et les menaces à la sécurité nationale; [et]  

c. une évaluation des possibilités d’utilisation des ports canadiens à des fins terroristes. (Recommandation n8, page 129)  

 

Le gouvernement n’a malheureusement pas institué d’enquête publique en application de cette importante recommandation.

Le Comité réitère donc sa recommandation qu’une enquête publique soit instituée en vertu de la Loi sur les enquêtes pour étudier la vulnérabilité aux activités criminelles et terroristes dans les ports canadiens.

Le Comité indiquait également qu’il fallait renforcer le rôle de la GRC non seulement dans les ports, mais également dans les aéroports.  Dans son rapport L’état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, il recommande  

que soit créé un organisme fédéral chargé de la sélection, de la formation et de la supervision du personnel responsable de l’inspection des passagers et de leurs bagages dans le aéroports ainsi que du choix et de la surveillance des systèmes nécessaires, et que cet organisme relève de la GRC. (Recommandation no 13, page 130)  

Cet organisme géré par la GRC n’a pas encore été créé.  Le capitaine Don Johnson, président de l’Association des pilotes d’Air Canada, a récemment fait un commentaire à ce sujet.  Dans une lettre dont une copie a été adressée au Comité, il dit que « notre association n’a jamais cessé de souligner la nécessité de mettre en place un organisme fédéral, soumis à une surveillance publique, chargé de surveiller tous les aspects du réseau de sécurité de l’aviation »[1].

Le Comité a été déçu d’apprendre que l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, une société d’État qui est entrée en fonction en 2002, relève du ministre des Transports et non du Solliciteur général par l’entremise de la GRC. 

 

  Modification du rôle de Transports Canada  

Le Comité est d’avis que Transports Canada possède la capacité requise pour être l’organisme de réglementation mais qu’il n’a pas les ressources requises pour exercer un rôle opérationnel.  

Transports Canada doit poursuivre ses activités de surveillance et assurer une surveillance réglementaire notamment dans les domaines du contrôle du trafic aérien, de l’immatriculation des navires, la navigabilité dans les airs et en mer.  
 

La sécurité doit toutefois relever de la compétence du Solliciteur général.  Le Comité croit qu’il faut modifier la loi en conséquence.  

La GRC joue un rôle important de maintien de l’ordre et de la sécurité le long de la frontière terrestre canado-américaine;  le Comité est donc d’avis que ce rôle doit s’étendre à la Voie maritime du Saint-Laurent, au fleuve Saint-Laurent, aux Grands Lacs, au fleuve Fraser et à la rivière Skeena.  

Le Comité a attiré l’attention sur le Solliciteur général parce qu’il croit que la responsabilité de la sécurité dans les aéroports et les ports relève de la GRC.  Dans le présent rapport, le Comité réitère donc sa demande au gouvernement d’autoriser la GRC à jouer un rôle plus important de maintien de l’ordre sur les principales voies navigables intérieures et dans les principaux ports du Canada.   Les membres du Comité sont absolument convaincus de la nécessité de mettre en place un système intégré de maintien de l’ordre sur les voies navigables et d’élargir le mandat de la GRC pour lui permettre de mieux assurer la sécurité des Canadiens.

 

Division maritime de la GRC  

Pour permettre à la GRC de s’acquitter de ce rôle,  le Comité est d’avis qu’il faut dresser un portrait officiel de la situation maritime sur les Grands Lacs et le maintenir à jour.  Il faut mettre en place un centre multiministériel de regroupement de l’information dans la région sous l’égide d’une nouvelle Division maritime de la GRC.  Ce centre serait relié à ceux des Forces canadiennes sur les côtes est et ouest (Trinity et Athena).  Le centre de la GRC s’occuperait essentiellement de la Voie maritime du Saint-Laurent, du fleuve Saint-Laurent, des Grands Lacs, du fleuve Fraser et de la rivière Skeena parce que le Comité constate que cette région requiert une surveillance accrue qui fait actuellement défaut.  Le Comité a déjà demandé la mise en place d’un centre dans son rapport La défense de l’Amérique du Nord : une responsabilité canadienne (septembre 2002) dans lequel il recommande  

la création de centres d’opérations multiministérielles à Halifax et à Esquimalt pour recueillir et analyser des renseignements sur les expéditions et dresser un portrait opérationnel conjugué de tous les organismes gouvernementaux ayant affaire aux navires qui entrent au Canada, pour réagir aux menaces

dirigées contre les côtes de l’Amérique du Nord et pour concevoir des procédures destinées à répondre à tous les scénarios prévus.  (Recommandation n3, page 14)

À l’époque, le Comité avait souligné la nécessité de créer ces centres; aujourd’hui, il en est encore plus convaincu.  Le présent rapport confirme cette recommandation en faisant remarquer qu’il est nécessaire d’établir des centres non seulement sur les côtes, mais également dans la région des Grands Lacs et sur les fleuves côtiers.  

Pour dresser et maintenir à jour le portrait officiel de la situation maritime, la GRC doit procéder à des patrouilles intensives.  Elle a notamment besoin d’aéronefs légers à voilure fixe pour exercer sa surveillance.  La surveillance aérienne est rapide et ne coûte pas cher.  Une surveillance régulière de la Voie maritime et du fleuve Saint-Laurent, entre les Grands Lacs et Tadoussac-Trois-Pistoles renforcerait la sécurité maritime au Canada.  Pourtant, aucune surveillance aérienne n’est exercée sur les principales routes, soit Thunder Bay–Sault-Sainte-Marie, Sault-Sainte-Marie–Sarnia, Sarnia–Windsor, Windsor–Niagara, Niagara–Kingston, Kingston–Montréal et Montréal–Rimouski.  

Le Comité est d’avis que cette lacune est due au manque de ressources de la GRC.  Certains besoins de la GRC sont évidents, notamment l’achat ou la location d’aéronefs à voilure fixe.  Les hélicoptères font partie de l’équipement qu’elle utilise déjà pour ses activités de surveillance.  La décision récemment annoncée de réduire le nombre d’hélicoptères dont la GRC dispose en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador devrait donc être renversée, et la GRC devrait recevoir des crédits pour acheter plus d’hélicoptères. La Gendarmerie devrait également posséder des navires adaptés à ses diverses tâches ainsi que des bases d’opérations.  En résumé, il y a lieu de déterminer l’équipement requis par la GRC et d’y répondre. 

Pour permettre à la GRC de s’acquitter de ces tâches, il faut restructurer l’organisation et augmenter ses effectifs.  La première chose à faire est de rétablir sa Division maritime, dissoute en 1970 parce qu’on trouvait qu’il s’agissait là d’un gaspillage de ressources.  Le Comité estime que les temps ont changé.  Il faut rétablir la Division, lui confier des responsabilités plus importantes que l’application des lois fédérales, notamment celle d’assurer la sécurité matérielle dans tous les grands ports.  Cela exclurait les fonctions actuellement remplies par les services de police locaux, mais inclurait la responsabilité de la surveillance maritime sur les côtes est et ouest, la Voie maritime du Saint-Laurent, les Grands Lacs et les voies d’eau intérieures réputées représenter un risque élevé.  Chaque région géographique doit être responsable des agents de la GRC affectés dans ses divers ports.  Ces agents remplaceraient l’ancienne police de Ports Canada, un service qui comptait 324 membres à sa période la plus active en 1972.  Selon le Comité, la nouvelle Division maritime devrait avoir la même taille.  En réalité, ce nombre devra sans doute être dépassé.  La police des Pays-Bas affecte environ 350 agents dans le seul port de Rotterdam!

Financement de la GRC

Le Comité est d’avis que la GRC doit être mieux financée.  À son avis, le gouvernement peut verser de nouveaux fonds maintenant ou établir un coûteux échéancier de recouvrement des coûts post-catastrophe et payer plus tard.  Il doit prendre une décision claire.  

Certains témoignages de membres de la GRC sont troublants :  

La GRC a demandé au Conseil du Trésor 24 équivalents temps plein pour les ports de Halifax, Montréal et Vancouver.  

Elle en a reçu huit au total.  Elle a redéployé 16 personnes à l’interne pour former un groupe de 24 enquêteurs, soit une équipe de huit par port.  

Trois autres personnes sont affectées à la vérification des dossiers des employés des ports au nom de Ports Canada[2].

 

Recommandations 

Le Comité recommande :  

4.1.         Que que le gouvernement fédéral prenne des mesures immédiates pour retirer la Garde côtière canadienne de la compétence du ministère des Pêches et des Océans afin d’en faire un organisme indépendant relevant du Parlement; elle assumera les mêmes fonctions – recherche et sauvetage, déglaçage, aides à la navigation, installation de bouées, sécurité nautique, pêches et protection de l’environnement – ainsi que de nouvelles responsabilités liées à la sécurité nationale.  Les ressources de la Garde côtière destinées aux activités de sécurité nationale seraient temporairement dirigées vers les centres des opérations côtières (Trinity et Athena).  

4.2.         Qu’une enquête publique soit instituée en vertu de la Loi sur les enquêtes pour étudier la vulnérabilité des ports canadiens face aux activités criminelles et terroristes.  

4.3.         Que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) effectue une évaluation des risques ou des menaces afin de déterminer les effectifs, l’équipement et les ressources financières dont elle a besoin pour rétablir la Division maritime et assurer une surveillance dans la Voie maritime du Saint-Laurent, le fleuve Saint-Laurent, les Grands Lacs, le fleuve Fraser, la rivière Skeena et les voies d’eau intérieures réputées représenter un risque élevé.  

4.4.         Que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) rende ses conclusions publiques au plus tard le 31 mars 2004 et  présente un plan opérationnel au plus tard le 31 mars 2005 et que le gouvernement soit prêt à financer les besoins énoncés.  

 

En plus de ces recommandations, le Comité réitère les recommandations suivantes formulées dans son rapport L’état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense (février 2002) :  

·          que soit créé un organisme fédéral chargé de la sélection, de la formation et de la supervision du personnel responsable de l’inspection des passagers et de leurs bagages dans le aéroports ainsi que du choix et de la surveillance des systèmes nécessaires, et que cet organisme relève de la GRC. (Recommandation no 13, page 130)  

Outre la recommandation énoncée ci-dessus, le Comité recommandait dans son rapport La défense de l’Amérique du Nord : une responsabilité canadienne (septembre 2002) :  

·          la coordination de toutes les ressources canadiennes – c’est-à-dire de la Marine, de la Garde côtière, de l’Armée de l’air, de l’Armée de terre, de Citoyenneté et Immigration Canada, de l’Agence des douanes et du revenu, des forces policières et des organismes chargés du renseignement et de la surveillance par satellite – pour améliorer la défense des côtes canadiennes.  (Recommandation no 2, page 14)  

·          La mise en œuvre de nouvelles mesures de sécurité dans la région des Grands Lacs, notamment :

i.       l’obligation pour tous les navires (au déplacement à déterminer par les responsables de la réglementation canadienne) d’informer les autorités canadiennes 24 heures avant leur arrivée dans des ports canadiens des Grands Lacs;

ii.      l’obligation pour tous les navires (au déplacement à déterminer par les responsables de la réglementation canadienne) ayant l’intention de manœuvrer dans la région des Grands Lacs d’être munis de transpondeurs pour permettre leur repérage électronique par les autorités canadiennes (cette mesure aura pour effet supplémentaire d’améliorer la précision des recherches et sauvetages);

iii.     l’obligation de rendre compte quotidiennement aux autorités canadiennes pour tous les navires (au déplacement à déterminer par les responsables de la réglementation canadienne) qui traversent les eaux nationales du Canada;

iv.      la responsabilité pour les stations des Grands Lacs du Canada de recevoir et de coordonner ces comptes rendus et de communiquer avec les organisations policières. (Recommandation no 8, page 15)  

Dans son rapport intitulé Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens (janvier 2003), le Comité recommande :  

·          que la responsabilité de tous les services policiers aéroportuaires ayant directement trait à la sécurité des voyages aériens soit retirée des autorités aéroportuaires pour être exclusivement confiée à la GRC qui travaillerait à contrat pour l’ACSTA. [L’intention du Comité était de préciser que les contrats pouvaient être conclus avec l’ACSTA, mais que celle-ci relevait uniquement de la GRC]. (Recommandation no VII.1, page 147)  

·          que les corps policiers locaux et les gardiens de sécurité engagés à contrat par les autorités aéroportuaires soient chargés de toutes les infractions pénales qui n’ont pas forcément de lien avec la sécurité du transport aérien. (Recommandation no VII.2, page 147).

·          que l’ACSTA soit investie de l’autorité voulue pour confier à contrat à la GRC le rôle de supervision de tous les services de police dans les aéroports relativement à la sécurité des passagers, du fret, des aéronefs et des installations côté piste.  [L’intention du Comité était de confier à la GRC, par le biais de l’ACSTA, la supervision des services de police dans les aéroports].  (Recommandation nVIII.4, page 148) 


[1] Don Johnson, Lettre à David Collenette, (25 septembre 2003) : 1.  Le texte intégral est joint à l’annexe XIV, volume 2 du présent rapport.

[2] Source :  Témoignage du commissaire adjoint W.A. (Bill) Lenton, Direction des services fédéraux, Gendarmerie royale du Canada, délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, Fascicule no 19, (9 juin 2003).


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