Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 12, Témoignages du 10 avril 2003
OTTAWA, le jeudi 10 avril 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 heures pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat (mise en oeuvre de Kyoto) et faire rapport à ce sujet; et pour étudier le projet de loi C-2, Loi instaurant un processus d'évaluation des effets de certaines activités sur l'environnement et la vie socioéconomique au Yukon.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous avons deux questions à l'ordre du jour aujourd'hui.
Au sujet de la première question, nous recevons le ministre de l'Environnement, l'honorable David Anderson, le sous-ministre d'Environnement Canada, M. Alan Nymark, et la sous-ministre adjointe, Politiques et communications, Mme Norine Smith. Nous sommes ravis de vous inviter de nouveau à prendre la parole devant nous.
Monsieur le ministre, je pense que vous avez préparé une allocution. Je vous cède la parole.
L'honorable David Anderson, ministre de l'Environnement: Honorables sénateurs, c'est assurément pour moi un plaisir de comparaître de nouveau devant vous aujourd'hui pour vous entretenir de la mise en oeuvre des mesures de lutte contre les changements climatiques. J'apprécie sincèrement — en fait, le gouvernement tout entier apprécie l'intérêt que le Sénat porte à cette question, que j'estime être le défi le plus important que le monde ait à relever aujourd'hui en matière d'environnement.
Notre gouvernement a accédé au pouvoir en 1993 en s'engageant, dans son Livre rouge, à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Depuis ce jour, nous n'avons cessé de promouvoir la lutte contre les changements climatiques. C'est un problème planétaire auquel on peut seulement s'attaquer au niveau international, et nous sommes profondément convaincus qu'en collaborant avec les autres nations du monde, nous réussirons à relever ce défi.
Vous vous rappellerez qu'en décembre de l'année dernière, nous avons ratifié le Protocole de Kyoto à la suite d'un long débat. Après des années de consultations auprès de nos partenaires des autres paliers de gouvernement, du secteur privé, d'organismes non gouvernementaux et de nombreux experts, nous avons élaboré le Plan du Canada sur les changements climatiques, dont vous examinez maintenant la mise en oeuvre.
Puisque le temps nous presse, je regrouperai mes observations sous trois thèmes et je conclurai avec quelques mots sur les premières étapes de mise en oeuvre. Le premier est l'engagement, le deuxième est la technologie et l'innovation, et le troisième est les partenariats.
[Français]
Examinons d'abord notre engagement. Le plan d'action sur les changements climatiques constitue la base de l'engagement du gouvernement à apporter une contribution de portée mondiale à la question du changement climatique. L'investissement de deux milliards de dollars pour cinq ans annoncé dans le Budget de 2003 porte à 3,7 milliards de dollars le total de nos investissements dans la lutte contre les changements climatiques depuis 1997. Ces investissements s'ajoutent à d'autres mesures annoncées dans le Budget qui viennent soutenir notre lutte contre les changements climatiques. Il est clair que le gouvernement est en bonne position pour mettre le plan à exécution.
[Traduction]
Les ressources prévues dans le budget 2003 vont nous permettre d'investir une somme additionnelle de 300 millions de dollars en recherche et développement, par le biais de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère et de la Fondation d'appui technologique au développement durable. Une somme additionnelle de 200 millions de dollars permettra d'autres investissements dans les technologies de lutte à long terme contre les changements climatiques. Ces investissements vont nous permettre de canaliser notre créativité et nous appuyer dans notre volonté d'agir plus intelligemment et de façon plus efficace et plus efficiente.
Quant à l'affectation de la somme résiduelle de 1,5 milliard de dollars, sur un total de deux milliards de dollars, le budget indique que toutes les possibilités seront examinées: technologies exploitant les énergies de remplacement et les sources renouvelables, comme l'énergie éolienne et l'éthanol, amélioration du rendement énergétique des immeubles et des habitations, réduction de la consommation de carburant des véhicules, et bien d'autres encore.
De même, nous mettons les mécanismes gouvernementaux au service de la lutte contre les changements climatiques. Compte tenu de la plus grande importance stratégique accordée au changement climatique au pays, nous avons demandé que les programmes gouvernementaux — surtout les programmes relevant du portefeuille de l'industrie de mon collègue Allan Rock, comme Partenariats technologiques Canada — les conseils subventionnaires et les organismes de développement régional indiquent comment ils pourraient mieux soutenir les objectifs du Canada en matière de changement climatique dans les limites de leurs ressources.
Notre stratégie globale de lutte contre le changement climatique prévoit également l'intégration de notre action et de notre programme de soutien aux régions urbaines. Nous sommes conscients qu'à l'avenir, l'avantage concurrentiel mondial se mesurera en termes de villes accueillantes, de milieux de vie sains et de durabilité.
[Français]
Deuxièmement, la technologie et l'innovation. J'ai souvent déclaré que la lutte contre les changements climatiques doit être envisagée non comme un fardeau, mais comme un sens de possibilités. En ce sens, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est un objectif promoteur. La technologie et l'innovation seront des atouts importants dans ce domaine. Le plan reconnaît que la technologie d'aujourd'hui, même si elle n'a pas encore atteint son plein potentiel, peut nous soutenir dans notre démarche. Par exemple, il nous sera possible d'atteindre l'objectif du plan d'améliorer de 25 p. 100 le rendement énergétique des véhicules en utilisant la technologie existante.
[Traduction]
Notre plan reconnaît aussi la nécessité de concevoir, de démontrer et de commercialiser des technologies nouvelles qui vont aider le Canada à atteindre son objectif à long terme de réduction de ses émissions de carbone.
À cet égard, et à titre d'exemple, j'estime que des travaux de pointe sur le captage et le stockage du gaz carbonique seront essentiels pour permettre aux Canadiens de mieux exploiter la richesse des sables bitumineux tout en réduisant les émissions. L'effervescence du marché international de technologies à faible production de carbone signifie que les entreprises canadiennes d'avant-garde peuvent exploiter de nouveaux marchés d'exportation.
De nombreuses entreprises canadiennes oeuvrant dans les domaines des services d'ingénierie, du courtage, de la construction et des énergies renouvelables sont conscientes de ces possibilités. Par exemple, une nouvelle technologie élaborée par le gouvernement, qui permet de capter les émissions de méthane provenant des couches de charbon, pourrait générer des ventes de quelque 250 millions de dollars pour les fabricants canadiens tout en attirant l'attention de la communauté internationale sur le Canada.
Tout cela n'est que la pointe de l'iceberg. On estime que le marché mondial des technologies liées au climat se chiffrera dans les billions de dollars d'ici les 20 prochaines années.
Le troisième point que je voudrais maintenant aborder, à savoir les partenariats, est peut-être le plus important. Le changement climatique est une question extrêmement complexe. C'est évidemment une question d'une portée planétaire. Nous, au Canada, avons besoin de la contribution de tous les secteurs de la société canadienne. Nous devons collaborer avec tous nos partenaires afin de comprendre leurs priorités. Nous devons aussi nous assurer que le secteur canadien des entreprises se sente concerné et travaille avec nous à la mise en oeuvre du plan.
En date d'aujourd'hui, les provinces, les territoires et les autres partenaires éventuels ne sont pas tous sur la même longueur d'onde et ne sont pas tous prêts à passer à l'action. Par conséquent, la mise en oeuvre ne sera pas simple, loin de là. Il faudra de la patience, de l'information et beaucoup d'efforts. Ce processus exige la participation d'un grand nombre d'intervenants, ce qui veut dire que la mise en oeuvre intégrale de notre plan de lutte contre le changement climatique va demander du temps.
Logiquement, certaines mesures énoncées dans le plan doivent être mises en place par le gouvernement fédéral presque immédiatement. À titre d'exemple, on peut améliorer les programmes de sensibilisation du public, de façon à ce que chacun puisse prendre les décisions les plus favorables à l'environnement. Je souhaite collaborer avec nos partenaires pour mettre en place un système d'étiquetage sur la consommation d'électricité qui indiquera les différents effets environnementaux associés aux diverses sources de production d'électricité. Je veux aussi travailler avec nos partenaires pour établir un système d'étiquetage des véhicules, semblable au système Energy Star1 pour les appareils ménagers, qui donnera des indications sur la production de carbone de différents véhicules.
D'autres mesures, comme améliorer le rendement énergétique des maisons neuves et des édifices, seront élaborées au fil du temps avec nos partenaires provinciaux. Ceux-ci assument clairement la responsabilité à l'égard du code du bâtiment et autres considérations de ce genre, qui ne sont pas du ressort fédéral.
Nous appliquerons des mécanismes de financement en partenariat qui seront adaptés aux intérêts divers des provinces et des territoires. Ce ne sera pas un modèle unique applicable à tous.
Nos partenaires provinciaux et territoriaux s'attaquent aussi au changement climatique. J'insiste sur ce point. Peut- être que ces derniers mois, l'attention médiatique a donné une impression différente, mais c'est un fait que nos partenaires provinciaux et territoriaux s'attaquent énergétiquement au défi du changement climatique. Ils élaborent des stratégies pour leurs propres territoires et appliquent des mesures de réduction des émissions.
Le plan fédéral prend appui sur ces efforts et propose des moyens de faire plus, tout en exprimant clairement la volonté du gouvernement du Canada de contribuer aux efforts de mise en oeuvre, que ce soit dans le domaine fédéral ou ailleurs au Canada.
L'un des moyens d'y parvenir est de conclure des accords bilatéraux avec les provinces et territoires. Les résultats que nous avons obtenus jusqu'à présent sur ce front sont encourageants. Toutes les provinces avec lesquelles nous nous sommes entretenus depuis janvier — il y en a cinq — ont convenu que la voie des accords bilatéraux semblait prometteuse et s'y sont montrées favorables. Essentiellement, les accords bilatéraux auxquels nous travaillons vont refléter notre vision commune de la lutte contre le changement climatique. Ils constituent les premiers pas vers une évolution des relations fédérales-provinciales-territoriales dans ce dossier de grande importance.
[Français]
Le gouvernement canadien visera les résultats et mènera les actions qui contribueront le mieux à réduire les émissions de gaz à effet de serre compte tenu de critères comme la capacité à optimiser les ressources financières et la production d'avantages supplémentaires en matière d'environnement et de politiques gouvernementales.
Notre collaboration étroite avec le secteur privé nous a permis de répondre à certaines de ces grandes préoccupations comme en témoigne le plan.
[Traduction]
Pour les grands pollueurs industriels, nous élaborons une approche qui comporte des engagements contractuels, un appui réglementaire ou financier et des objectifs en matière d'intensité et de réduction des émissions totalisant 55 mégatonnes — méga veut dire million, donc 55 millions de tonnes. Une certaine souplesse sera intégrée au programme par le biais de l'échange de droits d'émission, y compris la compensation au niveau national et les permis internationaux.
Un autre aspect de la notion de partenariat, c'est le partenariat que nous voulons établir avec l'ensemble de la société canadienne. Le plan contient des mesures destinées à promouvoir la participation des citoyens et invite chaque Canadien à réduire sa production d'émissions. Une réduction d'émissions de une tonne par personne est un objectif réalisable et permettrait d'éliminer quelque 31 millions de tonnes d'émissions.
J'espère que les honorables sénateurs appuieront concrètement ce projet, au moment où notre action de sensibilisation se transforme progressivement en campagne de marketing social destinée à provoquer les changements de comportement, qui sont une condition essentielle de la durabilité.
L'un des problèmes du caractère très public des discussions avec les provinces et avec des secteurs comme l'industrie pétrolière et gazière est la tendance psychologique des particuliers à se dire que tout cela les dépasse, que c'est trop gros, que c'est au-delà de leur portée, qu'il incombe au gouvernement et aux grands industriels d'agir. Nous devons absolument faire bien comprendre l'importance de l'apport de chaque Canadien, et il ne faut pas rater cette occasion en consacrant toutes nos énergies aux grands pollueurs.
Je vais vous énumérer quelques-unes des premières mesures. Prenons par exemple les énergies renouvelables, qui sont un thème cher au comité. Je vous félicite de l'intérêt que vous manifestez à cet égard.
Les sources d'énergie renouvelable constituent un domaine extrêmement prometteur. Nous avons un potentiel énorme dans notre pays dans le domaine des nouvelles sources d'énergie renouvelable, par exemple l'énergie éolienne, la géothermie et la biomasse. Nous pouvons aussi exploiter l'énergie solaire et marémotrice et élaborer un processus écologique de production d'hydrogène. Nous sommes déjà engagés dans cette voie. En comparaison des autres sources d'énergie, le grand total n'est peut-être pas très important; néanmoins, il est considérable dans certains secteurs particuliers pris individuellement.
Le gouvernement a fait la promotion de l'énergie éolienne. Nous avons appuyé une plus grande utilisation de l'éthanol et du biodiesel. Le nouveau budget apporte de nouveaux changements favorisant l'ajout d'éthanol et de méthanol dans les mélanges de carburant diesel ainsi que le biodiesel. De plus, notre gouvernement a apporté un appui crucial à l'élaboration de la pile à combustible et à la production d'hydrogène. Le budget a amélioré les dispositions fiscales incitant les entreprises et les institutions à utiliser l'énergie renouvelable et les sources d'énergie de rechange.
Le 17 décembre dernier, quand j'ai déposé les instruments de ratification du Protocole de Kyoto par le Canada aux Nations Unies, cela faisait dix ans presque jour pour jour que le Canada avait ratifié la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, que le premier ministre Brian Mulroney a signée à Rio de Janeiro, à la Conférence de Rio tenue il y a plus de dix ans. En fait, le premier ministre Brian Mulroney a ratifié la convention le 4 décembre 1992.
Cela veut dire que le Canada a maintenant pris l'engagement à long terme de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Tel était l'engagement pris par le premier ministre Mulroney, au nom du gouvernement canadien, en 1992. Autrement dit, le Protocole de Kyoto est l'une des premières étapes vers la réalisation des objectifs à long terme énoncés dans la convention des Nations Unies.
Qu'est-ce que cela veut dire pour le Canada? Nous n'avons pas encore terminé notre réflexion sur cette question. La discussion tenue au Canada depuis Kyoto a porté essentiellement sur les moyens de s'y prendre pour atteindre l'objectif fixé dans le Protocole de Kyoto, à savoir une diminution de 6 p. 100 d'ici 2008-2012. Ce débat a débouché sur le Plan canadien de lutte contre le changement climatique.
Sénateurs, je vous mets au défi de porter votre réflexion à l'horizon 2050 et de vous demander où nous devrions en être cette année-là pour être sur la bonne voie pour ce qui est de cesser de nuire au climat par nos émissions de gaz. Oui, nous nous sommes fixés des objectifs pour la période 2008-2012. Cependant, le premier ministre Mulroney et le gouvernement d'il y a dix ans ont dit clairement que notre effort ne s'arrêterait pas là. Nous devions faire porter notre réflexion sur l'avenir. L'objectif est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à un niveau qui empêchera toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. C'est bien au-delà d'un simple chiffre de 6 p. 100 de moins d'ici 2008 à 2012.
À quoi devrait ressembler notre économie si nous voulons que les Canadiens de demain puissent jouir du niveau de vie et de la qualité de vie communautaire auxquels ils vont s'attendre? Comment allons-nous créer notre future richesse tout en ménageant le climat au cours du prochain siècle, et non pas seulement au cours de la prochaine décennie? Bien que ces questions aient rarement été soulevées au Canada, surtout que nous nous sommes attachés étroitement à la prochaine décennie dans le cadre du débat sur Kyoto, d'autres l'ont fait.
L'Islande, par exemple, s'est déjà fixé comme objectif d'être le premier pays du monde à entrer dans l'économie de l'hydrogène. Les Islandais ont l'intention de produire leur hydrogène sur place, à partir de leurs ressources renouvelables. Ils savent qu'il faudra peut-être 50 ans pour y parvenir; ils vont toutefois investir et travailler systématiquement dans ce but. Autrement dit, ils ont un plan sur 50 ans.
Le Royaume-Uni est également avancé à cet égard. En juin 2000, la Commission royale sur la pollution de l'environnement du Royaume-Uni a identifié quelles seraient les répercussions à long terme de la convention des Nations Unies sur le Royaume-Uni, à l'horizon de 2050. D'ici là, le Royaume-Uni devra avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 60 p. 100 par rapport à leur niveau actuel.
Dans un discours prononcé le 24 février dernier, le premier ministre Tony Blair a dit, et je cite: «Pour la Grande- Bretagne, nous allons accepter l'objectif fixé par la commission royale d'une réduction des émissions de 60 p. 100 d'ici 2050.» Ce discours a été prononcé tout juste avant la publication d'un livre blanc sur l'énergie qui établit la stratégie énergétique de la Grande-Bretagne pour les 50 prochaines années. Dans ce livre blanc, on précise comment les Britanniques prévoient s'y prendre, surtout en réalisant le gain maximum d'efficience énergétique et en développant massivement les ressources d'énergie renouvelable. Le gouvernement Blair établit par ailleurs des politiques, des programmes et des institutions d'une manière structurée, pas seulement pour se conformer à l'objectif de Kyoto pour 2012, mais aussi pour jeter les bases et paver la voie à la décarbonisation de l'économie britannique à long terme.
Le premier ministre Blair a ajouté: «Il faut un effort international concerté. Comme première étape, nous travaillons intensément avec nos partenaires européens pour obtenir que l'UE dans son ensemble accepte l'objectif de 60 p. 100.» Il cherchera à obtenir un engagement de l'UE à l'égard de politiques susceptibles de démontrer comment cet objectif peut être atteint. Je suis convaincu que les Européens vont s'engager dans cette voie.
J'ai dit tout à l'heure que nous n'avons pas encore commencé à réfléchir dans cette optique ici au Canada. C'est l'élément clé qui manque dans notre débat national et c'est un domaine où votre comité, honorables sénateurs, peut apporter une contribution très importante.
En 2005, à la 11e conférence des parties, s'amorceront les discussions internationales sur l'engagement au-delà de 2012, pour la deuxième période visée par Kyoto. Le Royaume-Uni sera alors bien placé pour définir le prochain objectif et les mesures cohérentes à prendre en vue de 2050. Ici, au Canada, nous n'avons pas encore commencé à répondre aux questions que j'ai évoquées il y a un instant quand j'ai demandé à quoi ressemblerait notre avenir à long terme. Il est clair que notre réponse sera différente de celle du Royaume-Uni, puisqu'elle doit refléter notre propre réalité. Cependant, il est également clair que d'ici 2050, le Canada devra aussi avoir effectué un virage radical. Nous devrons aussi être devenus un chef de file dans la production et la consommation d'énergie non polluante. Les sources d'énergie renouvelable sont très riches de promesses pour l'avenir de l'efficience énergétique.
Permettez-moi d'esquisser rapidement la situation qui devrait être la nôtre en 2050 et la façon d'identifier les meilleures cibles pour les deuxième et troisième périodes, d'une manière la plus avantageuse pour garantir un avenir prospère aux enfants de nos enfants, en fonction de nos ressources naturelles. Sur ces questions, nous pouvons nous inspirer de l'expérience britannique et de l'expérience d'autres pays, en vue d'élaborer pour le Canada une voie qui se rapprocherait de cet objectif de 1 p. 100 par année. C'est le chiffre approximatif que M. Blair a fixé pour la Grande- Bretagne et qu'il encourage les Européens à adopter. Notre situation est différente, honorables sénateurs. Nous avons une économie dont la croissance se produit à un rythme très différent et d'une manière différente, par rapport à l'économie européenne. Nous avons aussi une croissance démographique qui est différente et dont le taux est très différent de celui de la plupart des pays Européens, dont certains voient maintenant leur population diminuer. Il est clair qu'il y a de grandes différences. Cependant, ce sont des questions qu'il faudra examiner et nous devrions envisager d'appliquer à nous-mêmes les objectifs qui ont été fixés, en apportant les rajustements voulus en fonction des circonstances.
De plus, notre pays est un grand exportateur d'énergie. Le Royaume-Uni est également exportateur à l'heure actuelle, mais cessera de l'être très bien bientôt. Là encore, il y a une grande différence dont nous devons tenir compte dans notre équation, quant à nos attentes pour l'avenir. Néanmoins, je crois que tout cela mérite d'être examiné de près pour le long terme aussi bien que le court terme.
Ce sont là des questions qui sauront capter votre intérêt, j'ose le croire. En fait, je tiens à vous assurer que votre avis sera des plus précieux et qu'il contribuera à ajouter une perspective tout à fait nécessaire pour aider le Canada à faire sa part de l'effort global pour cesser d'influer négativement sur le climat planétaire. Vos vues seront des plus utiles entre aujourd'hui et le début ou le milieu de 2004, autrement dit durant notre période préparatoire aux discussions qui commencent en 2005. Comme les discussions internationales auront lieu en 2005, nous devons évidemment nous préparer en conséquence. Vos délibérations nous seront très utiles à cet égard. Trop souvent, je me trouve plongé dans des préoccupations immédiates. Peut-être qu'un comité sénatorial est l'organisme idoine pour aborder la question dans une optique à plus long terme, pour avoir une vision plus équilibrée du cheminement que nous devrions suivre au cours des prochaines décennies.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
J'espère que vous, M. Nymark et Mme Smith, accepterez de répondre aux questions que les sénateurs pourraient avoir à vous poser. Cependant, avant de passer aux questions, je voudrais vous demander, monsieur le ministre, de revenir sur la question que vous avez soulevée au sujet de la période postérieure à 2012.
Nous y avons réfléchi et nous avons soutenu, bien que vous ayez beaucoup plus d'expérience que nous dans ce domaine, que Kyoto n'est que l'une des premières étapes dans le cheminement que nous devons faire. Cependant, comme vous l'avez également dit, c'est difficile de le faire comprendre aux gens. C'est difficile à comprendre pour moi- même et pour la plupart d'entre nous, étant donné les chances infinitésimales qu'on nous a données de réussir à atteindre ne serait-ce que la première étape, sans même parler des deuxième et troisième étapes qui exigeront des réductions beaucoup plus prononcées que celles que nous visons pour l'instant.
Si nous voulons que les gens passent à l'action, nous devons croire nous-mêmes que c'est faisable. Vous avez dit que les gens se butent à ce mur apparemment insurmontable et se disent que ce sont les gouvernements et les grandes entreprises qui doivent s'en charger, qu'il n'y a pas grand-chose qu'une personne ordinaire puisse faire. Convaincre les gens qu'il est possible de faire tout cela, je veux dire ce que chacun d'entre nous doit faire individuellement, c'est un peu comme ramer à contre-courant à l'heure actuelle. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez déjà dit et qui serait susceptible de nous aider à cet égard? Que diriez-vous à l'homme de la rue, qui est déjà un peu ahuri par ce qu'on lui demande de faire à propos de Kyoto, sans même parler de ce qui l'attend par la suite?
M. Anderson: Vous avez tout à fait raison. Nous avons un problème à cause de l'approche macro que nous avons adoptée, au niveau des ententes entre gouvernements et entre le gouvernement et les grandes entreprises. Cela a découragé certaines personnes. Nous avons commencé à faire de la publicité afin de préciser clairement ce que les particuliers peuvent faire. Nous avons aussi essayé d'associer cela à ce que nous appellerions les avantages secondaires, c'est-à-dire la meilleure santé résultant des déplacements plus nombreux à pied et à bicyclette et d'une utilisation réduite de l'automobile privée. Il y a aussi des avantages en termes de diminution des embouteillages urbains, grâce à l'utilisation des transports en commun. Il faut faire un effort pour conditionner les gens, pour leur montrer que c'est avantageux pour eux sur le plan individuel, que ce n'est pas seulement un coût ou une obligation qu'on leur impose dans leur mode de vie.
De plus, l'évolution générale de ces derniers mois a été, je dirais, utile. Nous avons vu la fin, dans une très grande mesure, des querelles fédérales-provinciales-territoriales qui ont marqué l'automne dernier. J'ai ici une chronique de Paul Sullivan, chroniqueur de l'Ouest, de l'Alberta, qui a été publiée dans le Globe and Mail d'hier, dans laquelle il dit qu'il a changé d'avis:
À un moment donné, envoûté par vos...
Il parle de M. Klein.
...vos grands discours anti-Kyoto, je demandais à Ottawa de ne pas ratifier l'accord. Mais c'était faire preuve d'esprit de clocher. J'avais tort, et vous avez tort vous aussi.
C'était dans le journal d'hier.
On constate maintenant que les gens en arrivent à des chiffres plus réalistes. Vous vous rappellerez que dans votre propre province, certains disaient que le coût de Kyoto pourrait atteindre 12 $ le baril de pétrole. Suncor a annoncé d'importants investissements dans les sables pétrolifères et la compagnie s'attend à ce que le coût supplémentaire soit de 27 cents le baril. Il y a une différence entre 12 $ et 27 cents. Nous entrons maintenant dans le domaine d'un débat plus réaliste, sortant enfin du débat empoisonné des derniers mois.
J'ajouterais que les gens commencent aussi à mieux comprendre que les différences qui existaient entre notre position et celle de l'Alberta et des autres provinces l'automne dernier étaient loin d'être le gouffre que l'on décrivait.
Un article sur M. Taylor, qui est le ministre de l'Environnement de l'Alberta, publié dans le Edmonton Journal du 10 dernier, traitait de l'opinion de M. Taylor sur le changement climatique. Dans cet article, on dit que ni l'un ni l'autre des gouvernements, c'est-à-dire ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement de l'Alberta, ne prétend reculer, qu'ils semblent bien tous les deux être sur la même longueur d'ondes. Clairement, on reconnaît maintenant que nous n'étions pas tellement éloignés. Je pense que c'était en grande partie attribuable à la presse et aux médias qui aiment la controverse et qui encouragent la controverse, comme nous le faisons aussi à l'occasion, nous autres politiciens. Je ne pense pas que les divergences de vues étaient aussi fondamentales que certains l'avaient laissé entendre.
Il y a maintenant un bien meilleur climat dans lequel on peut proposer une approche constructive. De plus, on reconnaît que l'atteinte de notre objectif est beaucoup probable que certains le croyaient l'automne dernier. Très peu disent maintenant que c'est impossible. La plupart disent que ce sera difficile, mais ils commencent à se ranger dans la catégorie de ceux qui vont finir par dire: «C'est étonnant; cela n'a pas été aussi douloureux que nous le craignions, et peut-être même que cela a été sans douleur.»
Je vois maintenant des possibilités pour ce qui est de travailler de concert avec les provinces. Je ne souhaite nullement dire ou laisser entendre que nous avions raison et qu'elles avaient tort. Je dis simplement que le conflit a été exagéré. Je crois qu'actuellement, le climat est très bon et que nous avons de belles possibilités de travailler ensemble. Ce n'était pas un différend de nature à ébranler les bases de la Confédération. Ce n'était pas du tout un problème de cette envergure. Il y avait essentiellement des divergences, à savoir si ce serait nous qui rédigerions la brochure qui a débouché en fin de compte sur le plan, ou bien si l'on tenterait de faire rédiger cette brochure par 14 personnes. Je dirais même 28, parce qu'en plus des ministres fédéral et provinciaux de l'Environnement, nous avions les ministres fédéral et provinciaux de l'Énergie. Quand 28 personnes se mettent à rédiger un document, le succès est rarement au rendez-vous. Peut-être que le seul exemple de rédaction à plusieurs mains vraiment couronnée de succès, c'est le livre de prières anglicanes de 1549. Depuis lors, on n'a plus jamais rien vu de tel. Nous avons donc écrit le livre, le plan, et il y avait un différend là-dessus. Depuis, essentiellement, on n'a pas revu les différences dont on avait peut-être exagéré l'importance.
Je suis un optimiste, tout au moins à cet égard. Je ne suis pas tout à fait sûr d'être optimiste pour ce qui est d'atteindre les objectifs de 2050 que M. Blair a évoqués, mais je suis catégoriquement optimiste pour ce qui est d'atteindre les objectifs fixés pour la première période de Kyoto.
Le sénateur Spivak: Merci beaucoup, monsieur le ministre, de nous avoir fait partager cette vision. Notre comité revient tout juste de Californie. Ce qui m'a impressionnée, c'est le rôle que jouent les entreprises de services publics de cet État pour ce qui est de donner aux consommateurs des possibilités en matière d'efficience et de conservation. En fait, d'après les chiffres qu'on nous a montrés, malgré l'augmentation de la population, leurs émissions ont diminué, et ils attribuent aux consommateurs le mérite de s'être sortis en à peu près six mois de la situation catastrophique dans laquelle ils étaient plongés.
Nous avons entendu le témoignage des représentants des compagnies de production d'électricité du Canada. Ils nous ont dit que le scénario du statu quo représentait une augmentation de 40 p. 100 de leurs émissions. Il semble qu'environ 50 p. 100 de la population du pays ait des possibilités, par l'entremise des programmes Power Smart de Colombie- Britannique et du Manitoba. Mais qu'en est-il des autres, qui n'en font pas partie? Avez-vous des plans pour changer cet état de choses très rapidement? Cela nous en donnerait beaucoup pour notre argent.
M. Anderson: Vous avez absolument raison, sénateur, dans votre analyse de la situation en Californie. Quand il est arrivé au pouvoir, le président Bush a déclaré que l'énergie était l'un de ses grands objectifs. Son plan énergétique était tellement crucial, mais il est pourtant disparu sans laisser de trace. Les consommateurs de Californie ont fait beaucoup plus que le gouvernement fédéral des États-Unis pour sortir ce pays de l'ornière. Bien sûr, ils poursuivent encore B.C. Hydro pour des millions de dollars, pour leur avoir soi-disant fait payer trop cher, mais laissons cette question de côté pour l'instant.
Les possibilités sont considérables au Canada. De façon générale, ce sont les sociétés d'État productrices d'énergie qui prennent l'initiative à cet égard, — il y a eu certains changements dans la structure des sociétés d'État, mais appelons-les des sociétés d'État, enfin les entreprises de production d'électricité des diverses provinces — surtout parce qu'elles sont confrontées à des investissements massifs pour augmenter l'offre.
Jusqu'à maintenant, nous nous sommes contentés d'augmenter l'offre et d'étaler le prix. Même si un nouveau barrage en Colombie-Britannique produisait de l'hydroélectricité à des prix plus élevés que le prix auquel cette électricité était vendue, cela n'avait pas d'importance. On se contentait de calculer un prix moyen en tenant compte de l'électricité meilleur marché produite par des barrages et aménagements hydroélectriques plus anciens, et l'on continuait d'augmenter la capacité du réseau. On était aussi tenu par la loi de fournir de l'électricité à tous. Il était interdit de faire la distinction entre les anciens et les nouveaux clients. Les compagnies productrices étaient assujetties à des contraintes qui les obligeaient d'augmenter constamment l'offre. Elles s'en tirent extraordinairement bien.
Je vais vous donner un exemple qui montre que les provinces et les sociétés productrices sont parfois en avance sur le gouvernement fédéral. L'immeuble fédéral à Vancouver où sont logés mon ministère et le MPO, deux ministères à mission environnementale, et que j'ai tous deux dirigés en tant que ministre, a été construit p. Hydro, et moi-même assistions à une réunion. Il s'est alors tourné vers moi et m'a dit: «Pourrions-nous vous aider à économiser l'énergie?» J'ai dit «Bien sûr», sans croire vraiment qu'il puisse apporter des améliorations marquées, parce qu'après tout, nous, au gouvernement fédéral, avions les mêmes objectifs.
B.C. Hydro a considérablement amélioré l'efficience de l'immeuble. Environnement Canada et le MPO se sont fait expliquer par B.C. Hydro comment économiser de l'argent. J'ai demandé comment il se faisait que nous avions construit un immeuble qui n'était pas ce qui se faisait de mieux dans ce domaine. On m'a dit qu'à l'origine, le gouvernement avait prévu de le construire il y a dix ans, mais que les plans avaient été mis de côté et qu'on les a repris par la suite quand la décision a été prise de construire. C'est ainsi que l'immeuble avait plusieurs années de retard par rapport aux règles de l'art. B.C. Hydro y a apporté d'importantes améliorations, et je dois dire que je leur en suis très reconnaissant.
Très peu de compagnies de production d'électricité ont une capacité excédentaire. Elles envisagent toutes de construire de nouvelles installations, ce qui est très coûteux. Elles considèrent toutes qu'il est dans leur intérêt et à leur avantage d'encourager la conservation. Nous allons simplement appuyer leurs efforts. Nous ne pensons pas pouvoir faire aussi bien que ces compagnies, et l'exemple que je vous ai donné illustre exactement pourquoi je pense qu'elles ont probablement une longueur d'avance sur nous. Cependant, s'il y a des mesures quelconques que nous pourrions prendre pour leur venir en aide, nous sommes tout à fait disposés à le faire. On peut faire tellement en matière de conservation, et tellement rapidement.
C'est ainsi que nous allons réussir à atteindre notre objectif à court terme pour 2008-2012. Nous allons faire tout en notre pouvoir pour collaborer avec ces compagnies. L'expérience de la Californie est riche d'enseignements pour nous. Nous avons des liens très étroits. Une grande partie de l'énergie utilisée en Californie vient de sources canadiennes. De tout le gaz naturel utilisé en Californie, 30 p. 100 vient du Canada, plus précisément de Colombie-Britannique et de l'Alberta. Nous avons fourni à la Californie, en période de pointe, une quantité considérable d'hydroélectricité produite en Colombie-Britannique.
J'ai demandé une fois comment il se faisait que la B.C. Hydro avait des comptes à recevoir non payés de 300 millions de dollars et ne s'en inquiétait nullement. Le président de l'époque a haussé les épaules et a dit: «Nous faisons 50 millions de dollars chaque fin de semaine grâce à nos ventes en Californie.» Il ne s'inquiétait pas du tout des comptes impayés. L'affaire de la dette est encore devant les tribunaux.
Nous avons d'excellentes occasions pour ce qui est de profiter de l'expérience de la Californie et des entreprises américaines d'utilité publique. Il y a beaucoup d'organisations qui servent de lien entre ces entreprises. Nous allons faire tout notre possible pour leur venir en aide. Nous respectons toutefois les compétences provinciales et nous allons travailler avec les provinces, au lieu d'essayer d'élaborer un plan national dont quelqu'un pourrait avoir l'impression qu'il lui est imposé.
Le sénateur Spivak: Au sujet de votre initiative avec la chaîne Home Depot, les gens étant encouragés à venir se débarrasser de leur vieille tondeuse, ai-je raison de dire qu'il n'existe aucun plan semblable pour les moteurs hors-bord, mais qu'il y en aura un?
M. Anderson: C'est bien possible, oui.
Le sénateur Spivak: C'est un problème qu'on a porté à mon attention. La stratégie de la consommation moyenne par compagnie aux États-Unis signifie que tout ce qui est approuvé par l'EPA sera acceptable ici. C'est ainsi que nous pourrions nous retrouver à approuver des moteurs polluants à cause de ce système. Tout ce qu'il faut, c'est l'approbation de l'EPA; ils ont un programme de consommation moyenne par compagnie, tandis que nous n'en avons pas. Je suis certaine que vous êtes au courant de cela. De plus, les Canadiens achètent généralement des moteurs moins chers. Le problème tient peut-être à l'approbation de l'EPA et non pas au programme de consommation moyenne. Pourriez-vous commenter cela?
M. Anderson: Je dirai seulement que je vous remercie d'avoir porté cela à mon attention. Nous avons parfois des divergences de vues avec l'EPA et avec d'autres organismes de réglementation au niveau des États. Nous souhaitons toujours avoir un système uniforme, en particulier quand un produit est vendu n'importe où en Amérique du Nord dans le cadre du libre-échange.
Le sénateur Spivak: Le problème est qu'il est possible que des moteurs conformes aux normes de l'EPA ne soient rien d'autre que les mêmes vieux moteurs polluants et ne soient pas assujettis aux normes plus rigoureuses que les Américains ont mis en place aux termes du programme de la moyenne de consommation.
M. Anderson: Honorables sénateurs, s'il s'avère que nous avons une complication de cette nature, nous essaierons de mettre en place un autre système. Notre préférence est toujours d'éviter de faire double emploi avec l'EPA lorsque c'est possible.
Le sénateur Spivak: Allez-vous envisager également un programme pour les moteurs hors-bord, pour encourager les gens à se défaire de tous ces vieux moteurs deux temps qui sont encore en service?
M. Anderson: Nous n'avons pas, à ma connaissance, de plan prévoyant la mise au rancart des vieux moteurs hors- bord. Les nouveaux moteurs quatre temps sont tellement remarquablement efficients et plus légers qu'ils ne l'étaient il y a dix ans, quand ils sont sortis. Je lève mon chapeau à Honda pour son travail de pionnier dans ce domaine. Les nouveaux moteurs deux temps vendus aujourd'hui sont également très différents des anciens moteurs hors-bord d'il y a quelques années.
J'espère que tous les membres des associations de villégiateurs autour de nos lacs encourageront les plaisanciers à comprendre qu'il y a eu une très grande amélioration technique. Les nouveaux moteurs sont tellement meilleurs pour l'environnement.
Le sénateur Spivak: Cependant, il y a encore 50 000 vieux moteurs qui circulent, seulement chez TPC.
Le sénateur Milne: Monsieur le ministre, vous avez parlé des grands pollueurs industriels et d'une approche fondée sur des cibles en matière d'intensité d'émission. Il semble que l'expression «intensité d'émission» soit floue. Il est fort possible qu'il s'agisse pour ces entreprises de réduire leurs émissions, puisque nous sommes sur le terrain glissant d'une augmentation des émissions, après 50 ans d'augmentation continue, donc de les ramener à un certain montant, mais sans jamais vraiment réduire la quantité totale d'émissions. C'est probablement ce que nous devrions faire.
Est-ce que l'industrie ne s'attaque pas à la question de l'intensité? En général, les procédés industriels sont plus respectueux de l'environnement de nos jours qu'ils ne l'étaient il y a 30 ans. Nos émissions sont-elles plus élevées ou plus basses aujourd'hui, par rapport au PIB?
Je pense qu'elles ont diminué, mais il n'en reste pas moins que cela veut quand même dire une augmentation absolue des émissions. Quand on parle de dollars en proportion du PIB, il y a une baisse, mais le total continue quand même d'augmenter. Que pouvons-nous faire pour réduire le chiffre total absolu?
M. Anderson: Sénateur, les prémisses de votre question sont absolument correctes. Les procédés industriels connaissent des améliorations spectaculaires. À titre d'exemple, l'automobile d'aujourd'hui, de façon générale, consomme pour sa fabrication deux fois moins d'énergie qu'il n'en fallait pour fabriquer un véhicule équivalent il y a 12 ans.
Le sénateur Milne: Oui, mais on fabrique aujourd'hui beaucoup plus de voitures.
M. Anderson: C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons exclu le secteur de l'automobile du groupe des grands pollueurs. Il y a eu une nette amélioration. Par ailleurs, vous avez tout à fait raison de dire que pour chaque dollar de PIB, l'intensité énergétique s'est améliorée considérablement.
Notre économie a été parmi celles qui ont connu les plus grands succès ces dernières années. C'est un objectif auquel on s'est résolument attaqué. Notre économie totale a connu une forte croissance. Par conséquent, pour réduire l'intensité énergétique, il faudra faire encore plus, si nous voulons réaliser un jour cette amélioration au niveau de l'atmosphère. Après tout, l'atmosphère n'est pas infinie. Les améliorations d'intensité énergétique ne sont pas nécessairement la solution définitive.
Le sénateur Milne: Nous n'avons pas de solution, n'est-ce pas?
M. Anderson: Il faut qu'il y ait un plafond. Pourvu qu'il y ait un plafond et un objectif d'intensité énergétique, de manière que le niveau d'intensité énergétique se rapproche d'un objectif réalisable, alors c'est très important. Après tout, c'est ainsi que l'on peut réussir sur ce plan dans une économie en croissance. Si notre économie était en déclin, ou si elle était statique — et certaines économies européennes sont quasiment statiques —, vous n'auriez pas les mêmes préoccupations au sujet de l'intensité énergétique. Un plafond serait plus directement lié aux résultats obtenus. Il est certain que, pour nous, il est essentiel d'avoir un plafond.
Comme nous avons toujours eu tellement d'énergie au Canada, l'intensité énergétique n'a jamais eu vraiment la même importance qu'elle peut en avoir dans un pays européen qui importe la totalité de son énergie.
Nous avons eu tendance à accorder un peu moins d'importance à l'intensité énergétique. Je comprends que l'Alberta accorde autant d'importance à l'efficience énergétique, et je pense que c'est en effet très important. Cependant, votre argument est qu'en l'absence d'un plafond, nous n'atteindrons pas nos objectifs; et c'est un point important. Les deux éléments doivent aller de pair, assurément dans notre économie, qui est une économie en croissance.
Le sénateur Milne: Notre comité a discuté de façon assez détaillée le défi d'une tonne et les moyens à prendre pour encourager les Canadiens à relever ce défi individuellement.
Il y a un moyen d'y parvenir facilement, c'est de prendre le transport en commun, comme les annonces à la télévision nous le rappellent constamment. En pareil cas, à qui attribue-t-on l'économie d'énergie? Est-ce au particulier qui a laissé sa voiture à la maison pour prendre le transport en commun, ou bien au système de transport en commun qui transporte les banlieusards de façon plus efficiente? Comment peut-on empêcher de compter l'économie en double dans une telle situation?
M. Anderson: Il y aura indéniablement une comptabilité approximative, quand il faudra répartir une économie qui pourrait être attribuée à 100 p. 100 d'un côté ou à 100 p. 100 de l'autre. Il faudra faire une approximation. Il est certain qu'il faudra se charger de faire cette estimation pour les particuliers. Il faut trouver le moyen de récompenser les gens, de reconnaître leurs efforts, et il faut espérer qu'on donnera aussi aux gens d'autres récompenses, même si elles sont minimes. Nous voulons indiquer clairement notre appui pour ce que les gens font sur le plan individuel.
Oui, les compagnies de transport en commun vont néanmoins chercher à crier victoire. Nous devrons peut-être imposer le partage des gains réalisés, pour éviter qu'ils soient comptés deux fois.
Nous avons un système raisonnablement bon pour calculer l'efficience énergétique et aussi les émissions de gaz à effet de serre. Nous n'avons pas tellement de difficulté à calculer les réductions des émissions. Nous pensons que cela peut se faire avec une précision suffisante. Pour aller encore un peu plus loin, nous croyons que, sur le plan international, il ne sera pas trop difficile d'avoir un système raisonnablement précis. Aucun système de comptabilisation n'est jamais parfait, mais il sera certainement suffisamment précis pour cette fin.
M. Alan Nymark, sous-ministre, Environnement Canada: Au sujet de la différence entre la comptabilisation et les crédits, nous n'envisageons pas que des particuliers se voient reconnaître le crédit en ce sens qu'ils pourraient échanger les réductions qu'ils auraient effectuées individuellement dans l'ensemble des émissions. Nous ne pensons pas que les réductions individuelles pourront servir à compenser les émissions des grands pollueurs industriels.
Deuxièmement, que l'on envisage la question sous l'angle de comptabilisation ou du crédit ou du défi de 31 mégatonnes qui a été lancé, 24 mégatonnes sont prises en compte dans le cadre des mesures ciblées. À mesure que nous mettrons en place les mesures ciblées individuelles prévues dans le plan, la comptabilisation se fera par ceux qui mettent en place les mesures ciblées, non pas par ceux qui les mettront éventuellement en application, par exemple les consommateurs.
Le président: Monsieur Anderson, vous avez fait allusion à une somme de 1,5 milliard de dollars destinée à diverses fins. Envisagez-vous, pour reconnaître les efforts des Canadiens et leur venir en aide individuellement, des subventions directes au consommateur ou des encouragements pour l'atteinte de ces objectifs?
M. Anderson: Absolument. Une bonne manière de communiquer clairement l'encouragement du gouvernement, c'est de s'assurer que les gens aient quelques dollars de plus dans leur portefeuille, même si le montant est minime. Il y a un débat là-dessus. Je vais vous donner l'exemple classique du crédit d'impôt pour le laissez-passer d'autobus; je dois dire que je suis en faveur d'une telle mesure. Il est vrai que certains prétendent que ce n'est pas une bonne idée, affirmant qu'une telle mesure coûterait 100 millions de dollars en dépenses fiscales au Canada et ne ferait pas augmenter l'achalandage des autobus, que les gens ne seraient pas plus nombreux à prendre le transport en commun parce qu'un crédit d'impôt leur permettrait de réduire de moitié, disons, le prix de leur laissez-passer. C'est peut-être vrai que le système n'a pas cette souplesse et que l'achalandage n'augmenterait pas de façon spectaculaire même si les billets seraient meilleur marché. Par contre, cela envoie un message, à savoir que la société voit favorablement les gens qui prennent le transport en commun. Ce débat se poursuit actuellement entre ceux qui disent que si l'on a 100 millions de dollars à dépenser, on devrait plutôt s'en servir pour réduire les émissions, et ceux qui disent que puisque nous sommes dans une période d'importantes baisses d'impôts de toute façon, il importe peu que nous donnions 100 millions de dollars aux gens qui prennent l'autobus, si cela permet par ailleurs d'atteindre un autre objectif, à savoir de montrer que la société est favorable au transport en commun.
De plus, il serait possible d'accorder des rabais pour l'achat de véhicules plus polluants, ou peut-être d'apporter des changements au système provincial d'immatriculation des véhicules, pour qu'ils soient immatriculés selon le poids ou la puissance. On favoriserait ainsi l'utilisation de véhicules plus économiques du point de vue de l'efficience énergétique.
Nous examinons beaucoup de programmes de ce genre et le débat se poursuit sur la question de fond, à savoir si cela permet vraiment de réduire les émissions, ou bien si les gens qui achètent des véhicules ne seront pas influencés par un écart de prix de 1 000 $ ou 2 000 $, selon le cas. Le débat se poursuit, mais il est certain qu'il faut démontrer que le défi d'une tonne est tout à fait réalisable et que nous valorisons les efforts individuels.
Le sénateur Christensen: Je comprends vos commentaires sur l'an 2050. Je serai probablement moi-même émettrice de carbone d'ici là.
Il importe de faire des prévisions à long terme parce que Kyoto n'est pas une mode passagère. Nous devrons dorénavant respecter cet accord, surtout à mesure que des pays comme la Chine s'industrialiseront davantage. Nous devrons pouvoir construire sur les bases que nous mettons en place aujourd'hui, en continuant d'injecter de plus grandes économies dans nos économies.
A-t-on mis en place des systèmes de contrôle pour suivre à la trace le carbone qui est émis dans le Nord à cause du réchauffement planétaire et de la fonte du pergélisol? Il y a là-haut un immense puits de carbone. Nous ne voulons pas réduire les émissions en quelque part s'il y a ailleurs sur la planète une immense augmentation des émissions.
M. Anderson: Il y a un énorme potentiel d'émissions provenant de notre permafrost, qui est en train de fondre. Il est actuellement congelé et représente donc une banque en termes d'émissions. Cependant, quand cette masse va devenir liquide, comme elle le sera pendant des périodes beaucoup plus longues durant l'année et pourrait même dans certains cas devenir instable au point de demeurer toujours à l'état liquide, nous aurons un problème d'émissions beaucoup plus grave qu'aujourd'hui. C'est un exemple de l'instabilité du système et c'est vrai que la situation pourrait empirer à cause de problèmes antérieurs.
Nous suivons la question de près, surtout au niveau universitaire. Mme Smith en sait peut-être plus long que moi sur les mesures gouvernementales.
C'est une grave préoccupation, de même que les autres grandes problématiques nordiques, à savoir qu'à cause de la fonte de la glace, la chaleur n'est plus reflétée. Elle est absorbée par de l'eau sombre au lieu d'être reflétée par la neige blanche ou la glace. C'est un autre élément d'instabilité qui pourrait infléchir la balance et rendre la situation encore bien pire, au lieu qu'elle ne s'améliore.
Ce sont deux grandes inquiétudes relativement au changement climatique dans le Grand Nord qui n'ont rien à voir avec les répercussions sur les particuliers, les gens qui habitent dans cette région.
Madame Smith, êtes-vous au courant de mesures gouvernementales dans le dossier du permafrost?
Mme Norine Smith, sous-ministre adjointe, Politiques et communications, Environnement Canada: Je peux confirmer que cela fait partie de l'effort scientifique canadien ainsi que de l'effort scientifique planétaire pour mieux comprendre la trajectoire sur laquelle nous sommes relativement au changement climatique. Je ne connais pas les détails des projets précis. Nous pouvons nous renseigner à votre intention, si vous le voulez.
Un élément implicite de votre question était de savoir si cela fait partie des émissions dont le Canada fera état dans notre rapport aux Nations Unies. Ce n'est pas le cas. Néanmoins, c'est une partie importante du tableau planétaire global et la situation est suivie de près.
Le sénateur Christensen: Je m'attends à ce qu'elle le soit en effet, et pas seulement au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde. Si nous comptons les émissions, les réductions, et tout le reste, c'est l'un des éléments de l'équation dont il faut tenir compte. Sommes-nous gagnants ou perdants? Si nous sommes perdants, pourquoi?
J'ai une question sur l'éthanol. Pourquoi ne faisons-nous pas plus de progrès dans le dossier de l'éthanol. Il semble que des gains pourraient être réalisés facilement et rapidement dans ce dossier, et aussi dans le cas de l'éthanol produit à partir de céréales, par opposition à la cellulose, qui est plus éloignée dans l'avenir pour des raisons technologiques. Les États-Unis semblent progresser à pas de géant dans ce domaine, mais pas nous. Pourriez-vous commenter cette observation?
M. Anderson: Dans le plan, nous avons fixé comme objectif d'avoir 35 p. 100 de notre carburant d'automobile qui serait constitué de mélange à 10 p. 100 d'éthanol. Si l'on additionne les deux chiffres, on obtient 3,5 p. 100 de notre consommation totale d'essence qui serait de l'éthanol, et non pas des hydrocarbures. C'est notre objectif et nous allons l'atteindre.
Il y a un certain nombre de facteurs en termes d'échelles de grandeur des usines, de la localisation des usines, de la capacité de transporter l'éthanol avec un bon rapport coût-efficacité, et aussi quant aux mesures fiscales nécessaires pour atteindre l'objectif. Ce sont en fait les Ressources naturelles qui s'occupent de tout cela, pas nous. Ce sont là tous les aspects dont s'occupe ce ministère. Il est certain que l'objectif est clair: 3,5 p. 100 du carburant des véhicules sera composé d'éthanol.
De plus, j'ai touché un mot du biodiesel, qui est semblable en ce sens qu'il diluerait également la teneur en hydrocarbures du carburant diesel.
Tel est notre objectif, et nous allons l'atteindre. Nous n'avons pas encore établi les mécanismes précis pour y parvenir. Quant au potentiel comparatif de l'éthanol cellulosique produit à partir de bois, de broussailles, par opposition à l'éthanol fabriqué à partir de céréales ou de maïs, il y a là encore un débat et la situation est évolutive. Il y a différentes technologies et celle permettant de produire de l'éthanol cellulosique n'est pas aussi avancée en terme de développement.
Nous allons certainement y arriver; c'est notre objectif; cependant, nous devons mettre cela en contexte. C'est encore la conservation qui offre les plus grandes possibilités. Le remplacement des hydrocarbures par l'éthanol est certainement souhaitable, mais ce n'est qu'un des éléments d'un tout. Ce n'est pas, en soi, une solution magique, une panacée.
Le sénateur Milne: Toujours sur cette question, il me semble qu'il y a un moyen très simple d'encourager l'utilisation de l'éthanol, à savoir construire un plus grand nombre d'usines d'éthanol et s'assurer que le consommateur moyen puisse se procurer de l'éthanol plus facilement.
M. Anderson: Absolument. Il est indéniable que ce sont des problèmes de transport qui limitent l'offre de ce produit. La localisation des usines, puisqu'il en faudra plus qu'une, est un facteur important. Le dilemme, c'est qu'il faut éviter d'aller trop vite et de construire une usine à un endroit où l'on va s'apercevoir dans cinq ans que cela n'a fait qu'ajouter au coût de l'éthanol, décourageant ainsi les consommateurs d'en acheter.
Le sénateur Milne: Il y a des agriculteurs qui sont tout à fait prêts et disposés à investir dans la production d'éthanol, mais ils n'arrivent pas à avoir de l'argent des banques. Les exploitants agricoles trouvent difficile d'emprunter de l'argent. Les banques refusent de leur prêter.
M. Anderson: Il est certain que la communauté agricole est fortement en faveur de ce projet, autant le maïs que le blé et les autres céréales qui pourraient être utilisées dans l'Ouest. Vous avez raison de dire que nous avons de puissants alliés dans ce projet. Nous avons de notre côté un groupe nombreux et une importante composante de notre industrie, qui sont des partisans enthousiastes de l'objectif global de la lutte contre le changement climatique parce qu'ils sont parties prenantes dans le processus. Nos agriculteurs font preuve de beaucoup d'ingéniosité pour trouver des moyens d'améliorer leur exploitation face au changement climatique. Ils changent leur manière de faire de l'agriculture. Ils utilisent moins de carburant, moins de diesel. Ils font les choses différemment, et c'est un facteur positif.
Le sénateur Milne: Ils font certainement leur part, mais les banques n'ont pas encore compris le message.
M. Anderson: J'hésiterais à faire un commentaire sur les banques devant un comité du Sénat. M. Manley pourrait me taper sur les doigts.
Le président: Puisque nous parlons d'éthanol, je vais poser une question que le sénateur Kenny poserait, s'il était ici.
Le gouvernement doit donner l'exemple. L'offre et la demande, et l'exemple que l'on pourrait donner de cette manière, pourraient avoir un effet d'entraînement. Dans cette ville-ci, en particulier, il y a beaucoup de véhicules gouvernementaux, probablement une plus forte proportion que dans la plupart des villes. Dans un rayon de cinq kilomètres de l'endroit où nous sommes assis en ce moment, il y a deux stations-service qui vendent de l'essence à l'éthanol. Elles sont au bord de l'autoroute 417. Il y en a une de chaque côté de la ville.
Si tous les véhicules gouvernementaux, limousines conduites par des chauffeurs, voitures, camions, et cetera, tous les véhicules qui brûlent de l'essence étaient obligés d'une manière ou d'une autre à faire le plein avec de l'essence à l'éthanol, on peut s'imaginer que bon nombre d'exploitants de stations-service se réveilleraient un beau jeudi matin et se diraient: «Où sont donc passés tous mes clients du gouvernement?» Et la réponse serait: «Ils vont tous faire le plein chez mon concurrent parce qu'ils achètent de l'essence à l'éthanol.» On peut facilement s'imaginer l'effet d'entraînement, parce que le détaillant téléphonerait à son fournisseur et lui dirait: «Fournissez-moi de l'essence à l'éthanol. C'est important que je puisse en vendre.» Cela aurait des conséquences favorables et nous permettrait de donner l'exemple.
À votre avis, y aurait-il quelque chose à faire à ce propos?
M. Anderson: Oui, absolument. Telle est l'orientation de mes collègues le président du Conseil du Trésor et le ministre des Travaux publics. Les deux sont, conjointement, responsables de l'acquisition et de l'entretien du parc automobile. J'ai eu une rencontre fort intéressante avec les gestionnaires du parc automobile fédéral. Ils m'ont parlé de 43 exigences différentes qu'ils doivent respecter avant de pouvoir acheter un véhicule, et les préoccupations relatives à l'efficience énergétique et à l'utilisation de carburants de remplacement comme l'éthanol ne sont pas suffisamment élevées sur la liste, à leur avis, pour avoir un poids prépondérant face à d'autres facteurs. Nous travaillons de concert avec eux et nous comptons mettre en place un programme sensiblement amélioré.
Je peux dire aux sénateurs que la dernière fois que j'ai comparu ici, j'ai dit que nous avions réalisé une amélioration de 100 p. 100 dans le parc des véhicules ministériels quand Stephen Owen s'est procuré un véhicule hybride, ce qui fait deux avec moi. Aujourd'hui, je suis de nouveau en mesure de vous dire que nous avons réalisé une amélioration de 50 p. 100 depuis ma dernière visite ici puisque Elinor Caplan roule maintenant en véhicule hybride, ce qui fait que nous avons maintenant trois véhicules hybrides dans le parc automobile du Cabinet. Bien sûr, ce n'est toujours qu'un petit pourcentage de ce que nous devrions avoir; mais j'ai bon espoir et je vais continuer de vous signaler les succès obtenus auprès de mes collègues.
Le président: Pour ce qui est de l'utilisation par les véhicules gouvernementaux de carburant à l'éthanol à Ottawa, en particulier, et ailleurs aussi, nous allons suivre ce dossier de près et nous espérons que les gestionnaires du parc automobile accorderont une importance accrue à cette question. Nous ne pouvons imaginer qu'il y ait d'obstacle à cela.
M. Anderson: Non, vous avez bien raison. Nous avons environ 85 ou 90 véhicules hybrides dans l'ensemble du parc automobile fédéral. Le ministère de la Défense nationale et la GRC en ont achetés et les ont utilisés à leur avantage. La Gendarmerie royale du Canada trouve que ce véhicule est efficace. Il n'est pas utilisé pour les poursuites; c'est toutefois un véhicule efficace dans bien d'autres utilisations. Si tel est le cas, on se trouve à envoyer un message au public; et si d'autres ministères gouvernementaux en font autant, cela renforce le message.
Vous avez absolument raison. Il y a d'une part la question du propriétaire de la station-service qui vend de l'essence au détail, mais il y a aussi le simple fait de donner l'exemple, ce que nous devons faire.
Le président: Nous le devons.
Le sénateur Finnerty: Quand il a témoigné le 1er avril devant le comité de l'autre endroit, le sous-ministre de l'Environnement a fait allusion au fait que deux ministres responsables du portefeuille du changement climatique, l'Environnement et les Ressources naturelles, vont maintenant relever d'un comité spécial du Cabinet créé récemment, qui est présidé par un autre ministre, le ministre de l'Agriculture. Est-ce que cet arrangement ne vient pas simplement compliquer le dossier et embrouiller la question de savoir qui est aux commandes du Protocole de Kyoto?
M. Anderson: Gouverner le Canada est une affaire compliquée.
Le sous-ministre a décrit avec exactitude l'effort conjoint du ministre des Ressources naturelles et de moi-même. Nous sommes conjointement responsables et nous relevons effectivement d'un comité du Cabinet présidé par le ministre de l'Agriculture. Tout cela est parfaitement exact. Ce n'est pas, du moins en théorie, le système le plus simple.
Cependant, les ministres du Cabinet deviennent à l'occasion un peu trop plongés dans les affaires de leur propre ministère. Ils ont parfois tendance à oublier qu'il y a des dossiers horizontaux qui touchent tous les ministères. Tous les ministres du Cabinet se plaignent de temps à autre que les autres ministres n'accordent pas suffisamment d'attention à leur ministère et à leurs dossiers à eux. Par conséquent, dans le cas d'un dossier horizontal, il faut encourager tous les ministères qui pourraient être touchés à faire leur part.
Vous avez mentionné le ministre de l'Agriculture. Nous avons déjà évoqué la contribution que l'Agriculture peut faire dans le dossier du changement climatique. Il est important d'obtenir la pleine participation des autres ministres, au lieu d'établir une situation de commandement et de contrôle.
Nous obtenons un succès remarquable pour ce qui est de travailler en collaboration. Et cela ne touche pas seulement l'Agriculture, les Ressources naturelles et l'Environnement. Il y a aussi l'Industrie, dont j'ai parlé dans mon exposé. J'ai également parlé des Travaux publics et du Conseil du Trésor, et j'ai mentionné indirectement les Finances, relativement à la politique fiscale. Il y a un vaste éventail de possibilités et c'est seulement si tous cherchent à profiter de toutes les possibilités dans leurs ministères respectifs que nous réussirons pleinement à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. La structure peut sembler parfois un peu lourde pour certains observateurs, mais je ne pense pas que ce soit nécessairement la mauvaise approche, fondamentalement. Nous voulons que tous les membres de ce comité du Cabinet contribuent à relever le défi du changement climatique. Ce n'est pas simplement un dossier environnemental.
Comme le sénateur Christensen l'a dit, il y a aussi des questions nordiques qui sont importantes. Il est clair que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien est également mis en cause. Beaucoup de ministères doivent reconnaître que ce dossier est primordial pour eux également. Il ne suffit pas simplement que le premier ministre annonce que c'est un objectif du gouvernement, comme il l'a fait, et qu'il confie ensuite à un ministre la tâche de s'en occuper. Il faut s'y attaquer en équipe.
Le sénateur Finnerty: Vous avez dit que vous avez rencontré cinq provinces qui semblent collaborer. Quel sera le taux de succès pour les autres provinces, à votre avis?
M. Anderson: C'est simplement que nous ne les avons pas encore consultées. Je vais demander au sous-ministre, M. Alan Nymark, de faire le point sur ces discussions, qui portent sur les accords bilatéraux. Jusqu'à maintenant, on peut dire que pas mal toutes les provinces avec lesquelles nous en avons discuté se sont montrées favorablement disposées. Peut-être que M. Nymark peut nous parler de ces discussions.
M. Nymark: Nous avons entrepris ces discussions pour deux raisons. Premièrement, c'est plus facile, dans un cadre bilatéral, de comprendre en profondeur et de façon détaillée les priorités de chaque province. Comme nous voulons travailler en partenariat avec elles, nous voulons nous assurer de bien comprendre leurs priorités et de savoir dans quels dossiers elles veulent travailler en partenariat avec nous. Nous approfondissons notre compréhension des priorités provinciales et, en conséquence, nous procédons sur une base bilatérale.
Deuxièmement, nous offrons aux gouvernements provinciaux la possibilité de s'entendre avec nous pour aligner les priorités des gouvernements provinciaux avec les initiatives fédérales, de manière à tirer les plus grands avantages possibles de tout programme ou initiative en particulier. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Nous sommes encouragés par les résultats puisque nous nous sommes maintenant entendus avec six provinces.
La semaine dernière, nous sommes allés à Terre-Neuve. Ces discussions ont lieu au niveau des fonctionnaires et nous verrons où cela va nous mener. Nous sommes toutefois encouragés. Il y a un esprit de pragmatisme, une volonté de se mettre au travail et de trouver des moyens concrets de travailler en partenariat et de collaborer sur le terrain, pour faire débloquer certains dossiers dès cette année.
Le président: Pouvez-vous nous dire quelles sont les cinq autres provinces?
M. Nymark: Les autres sont le Manitoba, le Québec et les provinces de l'Atlantique. Demain, nous serons en Ontario, et ensuite nous nous dirigeons vers l'Ouest, d'abord à Vancouver et ensuite dans le Grand Nord. Nous procédons le plus rapidement possible et nous espérons avoir complété les discussions d'ici quelques semaines.
Le sénateur Buchanan: Ce comité est extrêmement intéressant. Monsieur le ministre, à mesure que j'entends de plus en plus parler du dossier de Kyoto, et le sénateur Spivak le sait pertinemment, je suis peu à peu en train d'adopter votre point de vue sur la question. C'est incroyable. En fait, tout a commencé avec votre discours de Vancouver, à la conférence sur l'environnement l'année dernière.
Je ne savais pas grand-chose au sujet du programme d'efficience énergétique domiciliaire jusqu'à ce que l'un de vos collaborateurs, Neil MacLeod, vienne l'expliquer. Comme il a un nom bien écossais, je me suis qu'il devait avoir raison. J'ai déjà pris des arrangements et vous allez me payer 150 $ pour faire tester ma maison. Par ailleurs, il y a l'utilisation de combustibles de remplacement pour le chauffage, comme le gaz naturel, car nous en avons maintenant en Nouvelle-Écosse.
Il y a aussi maintenant le programme des tondeuses à gazon. Voilà qui est intéressant. Je ne savais rien de ce programme avant que le sénateur Spivak m'en parle. J'ai deux vieilles tondeuses à gazon. Pensez-vous que je pourrais en tirer 200 $ au lieu de 100 $? Je suis Écossais, vous savez.
Pendant mes 13 années comme premier ministre de la province, nous avons travaillé très dur et assidûment avec les compagnies pétrolières et les ministères du gouvernement fédéral pour obtenir la mise en valeur et en production du pétrole et du gaz extracôtiers au large de la Nouvelle-Écosse. J'ai signé deux ententes, l'une en 1982 avec le premier ministre Trudeau, et l'autre en 1986 avec le premier ministre Mulroney. C'était les premières au Canada; nous étions en avance sur Terre-Neuve. Elles ont donné d'excellents résultats. J'espère que le premier ministre John Hamm obtiendra la part de la Couronne que nous avons fait inscrire dans cette entente.
En tant que membres du Cabinet, vous devez savoir que cette disposition sur la part de la Couronne a été inscrite dans l'entente conclue avec la Nouvelle-Écosse après des négociations qui ont été menées par un certain Jean Chrétien, qui était ministre de l'Énergie à l'époque.
M. Anderson: Un autre brave Écossais!
Le sénateur Buchanan: Oui. Je tenais à faire cette petite digression. À la suite de ces ententes et de tout le reste — combien d'entre vous le savent? — les premiers puits de pétrole extracôtier qui sont entrés en production au large de la Nouvelle-Écosse étaient les tout premiers puits extracôtiers exploités sur le littoral Atlantique de l'Amérique du Nord, au nord et au sud de la frontière. Cela n'a pas duré longtemps, mais au moins, nous avons extrait du pétrole. En 1999, le gaz naturel est entré en exploitation et nous en produisons maintenant un peu plus de 500 millions de pieds cubes par jour.
Je soulève cet aspect à cause de Kyoto. En janvier dernier, le président de EnCana, dans un discours prononcé à la Chambre de commerce régionale de Halifax, a dit que si le gouvernement fédéral signait l'accord de Kyoto, cela pourrait ralentir la mise en valeur des gisements extracôtiers au large de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Malheureusement, tel a été le cas. À ce moment-là, l'Association des technologies extracôtières/infracôtières de Nouvelle-Écosse a convenu, de concert avec notre ministère des Ressources naturelles et les responsables de la Direction du pétrole, qu'il pourrait y avoir un ralentissement à cause de Kyoto. J'avais de la difficulté à suivre leur raisonnement, mais cela avait quelque chose à voir avec l'investissement dans l'Ouest et, en conséquence, la baisse des investissements dans le pétrole extracôtier de Nouvelle-Écosse.
Il y a eu un ralentissement, comme vous le savez peut-être. EnCana a annoncé que le gisement de Deep Panuke ne sera pas mis en exploitation, et El Paso a retardé la construction d'un nouveau pipeline, disant craindre qu'il y ait pénurie de gaz à cause du ralentissement de l'exploitation extracôtière. Je pense que cela est probablement arrivé, ou enfin qu'il est fort possible que ça se produise, à cause du coût additionnel de l'exploration et peut-être de la réduction du volume probable de gaz extracôtier.
En tant que ministre, avez-vous entendu parler de ces préoccupations et pensez-vous qu'elles sont le moindrement fondées et que Kyoto a quelque chose à voir avec tout cela?
M. Anderson: Merci beaucoup pour cette question. Premièrement, pour vous répondre directement, je dois vous dire que l'exploration a coûté très cher. Deep Panuke n'a tout simplement pas produit autant qu'on l'espérait. Il est clair qu'il n'y a pas suffisamment de gaz pour construire un nouveau pipeline. En dépit des sommes énormes dépensées pour les travaux préparatoires, El Paso a réduit ses activités. Je pense que la compagnie maintient ses effectifs à Halifax.
Le sénateur Buchanan: Beaucoup d'ingénieurs sont allés travailler pour d'autres compagnies.
M. Anderson: Oui. Fondamentalement, c'est un problème de coût et de quantité insuffisante de gaz. Cela n'a pas grand-chose à voir avec Kyoto. À l'heure actuelle, à court terme, le gaz est un combustible de choix du point de vue de Kyoto quand il remplace le charbon ou le pétrole. En un sens, Kyoto a favorisé l'utilisation du gaz. La préoccupation générale au sujet du changement climatique a favorisé l'utilisation du gaz.
Je ne pense pas qu'il y ait eu une incidence indirecte quelconque, sinon que, pendant une certaine période, il y a eu un certain effet psychologique dans l'ensemble de l'industrie. Pendant cette période, les gens exagéraient les problèmes ou imaginaient les pires scénarios qui ne se sont pas matérialisés. On reconnaît maintenant que l'incidence n'est pas tellement grande.
Il est vrai que pour prendre une décision en matière d'investissement, il faut peser le pour et le contre et que le moindre facteur peut faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Sur la côte Est, même en y regardant de très près, je n'ai pas vu la moindre indication claire que Kyoto ait influencé l'une ou l'autre de ces décisions d'investissement.
C'est EnCana qui m'inquiétait le plus, parce que M. Morgan en a souvent parlé.
Le sénateur Buchanan: Il a prononcé un discours à Halifax.
M. Anderson: En effet. Cependant, le moment venu de prendre une décision, celle-ci a été fondée sur le peu de succès du programme de forage et sur le coût élevé du programme de forage. Je pense que c'est bien le cas. Chose certaine, si je trouve quoi que ce soit d'autre, je vous le ferai savoir. À l'heure actuelle, je n'ai aucune preuve du contraire.
Sur un ton un peu plus léger, sénateur, comme vous êtes l'ex-premier ministre de Nouvelle-Écosse, je vais vous donner un exemplaire du livre How the Scots Invented the Modern World, par le professeur Herman, dont la lecture vous confirmera dans votre opinion que les habitants de la Nouvelle-Écosse et les gens d'ascendance écossaise sont certainement à la fine pointe des progrès de l'humanité. La période historique des Lumières écossaises est une période de l'histoire occidentale qui est d'une importance primordiale et qui a été beaucoup trop négligée par les historiens.
Le président: Si les Écossais ont créé la société moderne et si les Irlandais ont sauvé la civilisation occidentale, il ne reste pas grand-chose pour tous les autres.
Monsieur le ministre, je sais que vous ne pouvez pas répondre à cette question de façon définitive, mais il y a une condition, un prérequis pour la mise en application de Kyoto et la mise en oeuvre de Kyoto. À l'heure actuelle, tout repose sur la décision de la Russie de devenir un pays signataire. À ma connaissance, jusqu'à maintenant, les Russes ne l'ont pas encore ratifié.
Qu'arrivera-t-il si la Russie ne le ratifie pas? On espère qu'elle le fera, parce que je pense que tout le monde aimerait que cela constitue la première étape de la mise en oeuvre. Cependant, quelle sera la position du Canada si la Russie décide de ne pas ratifier l'accord et si, en conséquence, Kyoto n'entre pas en vigueur et ne devient pas exécutoire? Allons-nous trouver quelque chose d'autre? Chercherons-nous à conclure un nouvel accord quelconque? Ce serait triste d'être allé aussi loin pour nous retrouver dans une impasse. Quel est le pronostic?
M. Anderson: Je suis entièrement d'accord avec les craintes que vous avez exprimées. Ce serait très triste, en effet. Il a fallu beaucoup d'années pour parvenir là où nous en sommes aujourd'hui.
Dans la situation que vous avez décrite, si la Russie ne ratifie pas l'accord, il nous faudrait nous remettre à l'ouvrage et retravailler l'entente jusqu'à ce que l'on trouve des appuis suffisants sur la scène internationale. Je ne pense pas, toutefois, que ce problème se posera. Les Russes ont fait savoir qu'ils vont ratifier l'accord. Le président Poutine l'a dit clairement; le ministre l'a dit clairement, la Douma a adopté une résolution indiquant qu'elle s'orientera probablement dans cette direction. Cependant, cela n'est pas encore fait et il est toujours possible qu'un obstacle surgisse.
Si c'était le cas — et je m'aventure ici sur un terrain hypothétique, ce qui est dangereux — nous poursuivrions nos efforts pour atteindre nos objectifs et nous ferions de notre mieux. Ce serait beaucoup plus facile si le système international entrait en action. Cependant, le problème ne disparaîtra pas si les Russes ne ratifient pas l'accord de Kyoto. Dans 50 ans, dans 100 ans, le problème continuera de se poser pour les futures générations.
Le problème que le sénateur Gustafson a décrit dans le nord du Canada ne sera pas touché par la ratification ou la non-ratification de la Russie. Nous devrons poursuivre nos efforts pour lutter contre le changement climatique même si le train déraille, le train étant le véhicule que nous utilisons actuellement, à savoir l'accord de Kyoto.
Je ne veux pas aller plus loin que cela dans les conjectures. Je pense que les Russes vont signer. Je n'ai aucune raison de soupçonner qu'ils ne le feront pas.
Je rencontre beaucoup de Russes et ils sont toujours fascinés par le Canada. Ils sont parvenus à comprendre les Européens; mais le Canada est un pays d'Amérique du Nord qui a des liens étroits avec les États-Unis, et nous sommes donc quelque peu une énigme pour eux pour ce qui est de ce que nous allons faire et de la façon dont nous allons aborder ce problème. Ils ont toujours manifesté beaucoup d'intérêt.
Nous avons aussi beaucoup de ressemblance avec la Russie sur le plan de l'énergie, c'est-à-dire que nous avons beaucoup d'énergie, de très longs pipelines, des réseaux de transport très étendus. Eux aussi font beaucoup d'efforts pour vendre en Europe de l'Ouest; et ils proposent actuellement de construire un grand pipeline vers la Chine, le projet étant de transporter du gaz vers le Japon en passant par la Mer du Japon.
À leurs yeux, certains de leurs problèmes ressemblent aux nôtres. Ils perçoivent notre technologie comme étant supérieure à celle qu'ils ont actuellement, dans certains cas, et ils s'intéressent à notre technologie. Par conséquent, nous voyons beaucoup de Russes et je n'ai aucun indice me faisant croire qu'ils ne ratifieront pas. J'ai toutes les raisons de croire qu'ils vont le faire. Cependant, ce n'est pas garanti.
Le président: Vous avez mentionné tout à l'heure le programme Energy Star1, qui est maintenant en place depuis un certain temps. C'est le système qui identifie par exemple les appareils ménagers qui sont énergiquement efficients.
Nous avons exprimé des préoccupations dans le passé à propos de ce programme qui ne semble pas être efficace. Nous préférerions que la situation soit différente, c'est-à-dire qu'un consommateur se présenterait à un magasin d'appareils ménagers et, s'il ne voyait pas l'affiche Energy Star1 dans la vitrine et si le personnel de vente ne savait pas de quoi il s'agit, le consommateur irait ailleurs. Cependant, cela ne semble pas s'être produit. En fait, beaucoup de consommateurs ne semblent pas s'en soucier et ne sont pas disposés à dépenser une somme supplémentaire à court terme pour économiser beaucoup d'argent à long terme.
Vous avez dit que l'amélioration de 25 p. 100 que nous espérons voir dans les moteurs automobiles serait fondée en partie sur le programme Energy Star1. Pouvez-vous nous donner des assurances un peu plus solides quant à l'utilité et à l'efficacité du programme jusqu'à maintenant?
M. Anderson: Pas vraiment. Cependant, plus on donne d'information, mieux c'est. Des journalistes traiteront de cet aspect dans leurs articles; des vendeurs s'en serviront comme argument pour vendre un poêle ou un réfrigérateur, ou même un véhicule.
Cela dit, c'est vrai que ce n'est pas le seul facteur. Peut-être qu'un élément chauffant supplémentaire sur un poêle sera plus attrayant aux yeux de l'acheteur que le chiffre EnerGuide. Cependant, c'est toujours utile de diffuser de l'information. S'il n'y a pas d'information, il est très facile de critiquer.
Je ne connais pas beaucoup de gens qui connaissent la consommation exacte de leur voiture d'après les chiffres communiqués par l'EPA ou par le ministère des Transports. Je peux dire quelle est la consommation d'essence d'une Prius, parce que les gens me le demandent constamment. Ils me regardent alors de travers, parce que j'ai un véhicule inhabituel. Les gens savent par contre combien ils payent à la pompe. «Ça m'a coûté 45 $ pour faire le plein. C'est scandaleux.» Je leur demande alors: «Mais quelle est la contenance du réservoir?» Les gens l'ignorent. L'autre question couramment posée est celle-ci: «Combien de fois par mois remplissez-vous votre réservoir?» La plupart des gens peuvent y répondre très vite.
Je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas le facteur décisif dans bien des cas. C'est certainement utile de fournir cette information, et cela ne coûte pas cher. Il ne coûterait pas grand-chose d'indiquer ce chiffre quelque part sur une étiquette.
Nous devrions envisager par exemple de faire installer dans chaque véhicule une jauge indiquant clairement la consommation d'essence. Elle varie énormément selon les circonstances et selon le modèle d'automobile. J'ai une telle jauge dans ma voiture. Il y a une petite barre qui monte ou descend, selon la consommation. On se rend vite compte qu'en accélérant doucement, on économise de l'essence. Il y a aussi dans ma voiture un autre cadran qui indique, en litres consommés par kilomètre parcouru, la consommation moyenne des 100 derniers kilomètres. Cela m'est très utile. Si cette petite jauge était installée dans tous les véhicules ordinaires, automobiles, camions ou utilitaires, les gens conduiraient différemment, ce qui économiserait 10 p. 100, soit le triple de ce que nous escomptons de l'utilisation de l'éthanol.
On pourrait faire des choses très simples qui accentueraient la conscientisation du public. Chose certaine, une étiquette ne peut pas nuire.
Le sénateur Spivak: Un témoin qui a comparu devant nous a dit que les appareils ménagers recommandés par le programme Energy Star1 se vendraient peut-être mieux s'ils étaient exemptés de la TPS. D'après ce que nous avons entendu, un tel encouragement donne de bien meilleurs résultats. Une mesure incitative est très efficace.
M. Anderson: Le sénateur Spivak m'encourage constamment à m'attirer les foudres du ministre des Finances.
Le sénateur Spivak: En effet.
M. Anderson: Je vous dirai que vous avez absolument raison. L'utilisation du système fiscal offre de belles possibilités pour ce qui est d'encourager les économies d'énergie. Vous avez proposé une méthode précise. Il y en a beaucoup d'autres.
Je vais énoncer un fait, sans me prononcer dans un sens ou dans l'autre: le ministère des Finances protège jalousement la TPS.
Le sénateur Spivak: J'en suis certaine. Vous avez entendu toutes les histoires qu'on raconte sur la taxation avec remise et les magasins qui annoncent «Pas de TPS». Les magasins absorbent le coût de la taxe pour attirer les consommateurs.
M. Anderson: Il faut examiner les possibilités financières qu'offre le régime fiscal. Il a été utilisé à diverses fins. Il y a beaucoup d'exemples d'utilisation du régime fiscal à des fins sociales. La taxe sur le tabac est l'exemple le plus flagrant; elle vise à dissuader les gens de fumer au moyen d'une taxe. Cela encourage aussi la contrebande, mais c'est une autre histoire.
Nous devons consacrer un certain temps à l'examen du régime fiscal pour voir comment on pourrait s'en servir pour protéger l'environnement. Je m'attends à ce que ce soit un facteur d'ici un ou deux ans. La personne qui pourrait vous en parler en long et en large et en technicolor, c'est le ministre des Finances, quand vous le convoquerez comme témoin. Je suis certain qu'il se fera un plaisir de le faire.
Le président: Nous allons lui dire que vous avez fait cette suggestion.
M. Anderson: Je suis certain que M. Manley aimerait venir témoigner. J'ai eu des discussions intéressantes avec lui sur cette question.
L'utilisation du régime fiscal ne doit pas se faire à la légère. Il est la cible de nombreuses pressions; bien des gens lui demandent d'utiliser le régime fiscal à diverses fins. Il faudra un débat public assez approfondi et, là encore, les travaux de votre comité seront un facteur très important.
Le président: Il nous rappellera que la remise de taxe, c'est exactement la même chose que de faire un chèque. Il n'y a pas de différence.
M. Anderson: Oui, c'est bien possible qu'il vous dise cela. Le chèque est plus visible.
Le sénateur Milne: Je voudrais signaler deux points. Le régime fiscal est l'outil le plus efficient qui existe pour opérer un changement social. L'argent est un outil qui fonctionne. Dans ce cas précis, les consommateurs se chargeraient de faire tout le travail technique à votre place.
Si vous voulez apposer des étiquettes sur les voitures, je suggère un système très simple, au lieu de s'attarder à l'efficience énergétique de la voiture. Inventez plutôt un système d'étoiles. Cinq étoiles seraient accordées à la voiture la plus efficiente, et aucune aux véhicules les plus gourmands. Faites de la publicité. C'est certainement très facile à mettre en oeuvre; n'importe quel concessionnaire peut mettre une étiquette sur une voiture.
M. Anderson: Sénateur Milne, vous avez absolument raison. Nous pouvons créer un système très simple. Votre argument, comme le sénateur Buchanan en conviendrait sûrement, est fondé sur les travaux du grand économiste écossais Adam Smith. Les gens réagissent très bien aux encouragements financiers, et c'est le meilleur moyen d'atteindre des objectifs. Je n'ai aucun argument contre l'une ou l'autre des méthodes que vous avez suggérées.
Le président: M. Dhaliwal et ses fonctionnaires ont témoigné devant nous il y a plusieurs jours. Ils nous ont présenté l'idée de réaliser des gains d'efficience considérables en se débarrassant des vieux appareils ménagers et en donnant aux gens des incitatifs dans ce but. Les membres de notre comité ont vu au cours de leurs voyages de bons exemples d'économies d'énergie considérables qui ont été réalisées de cette manière. «Apportez-nous votre vieux réfrigérateur et nous allons vous donner 50 $.»
Bien des gens ont dans leur sous-sol un vieux réfrigérateur qu'ils appellent le «frigo à bière». A-t-on envisagé d'encourager les gens à se débarrasser de ces vieux appareils ménagers, généralement peu efficients?
M. Anderson: Oui, on y a pensé. J'ignore si mes collaborateurs peuvent m'aider à répondre à cette question. Ce serait surtout Ressources naturelles Canada qui s'en occuperait.
Il est certain que le réfrigérateur moderne est beaucoup plus efficient. Le dernier que nous avons jeté était tellement vieux qu'il avait une étiquette de la première campagne de M. Trudeau collée sur le côté. Les frigos durent longtemps. Vous évoquez le frigo à bière au sous-sol.
On pourrait faire des gains appréciables de cette manière. Je ne peux pas vous donner ce renseignement maintenant, mais je vais essayer de vous l'obtenir de Ressources naturelles.
Le président: Nous avons entendu parler récemment d'une réalité que je ne connaissais pas du tout, mais on me dit que c'est devenu une pratique assez courante dans d'autres pays que le Canada. Les propriétaires de maisons se procurent une thermopompe puisant l'énergie dans le sol.
Il y a un coût initial quand on construit ou rénove une maison. Cependant, à long terme, on réalise des gains énormes et directs, non seulement en dollars, mais aussi en termes de protection de l'environnement. De la manière dont on nous l'a présenté, cela semble être plein de bon sens.
Le gouvernement a-t-il envisagé d'accorder des incitatifs à cet égard? Du point de vue des relations publiques, le gouvernement a-t-il pensé à faire connaître ce système au public?
Les gens ne connaissent pas aussi bien qu'ils le pourraient le système Energy Star1. Je pense que la plupart des gens n'ont jamais entendu parler de la pompe géothermique. Apparemment, c'est la plus belle invention depuis le pain tranché. Pourriez-vous nous en parler?
M. Anderson: Je peux vous donner le nom d'un témoin qui le pourrait. Il en a une lui-même et il encouragerait les médias à venir en masse dans cette salle pour entendre son témoignage. L'ancien ministre des Finances possède un dispositif de ce genre pour le chauffage et aussi, je crois, pour la climatisation. Il est un grand défenseur de l'environnement, très enthousiaste, comme il l'a démontré quand il était porte-parole de notre parti pour ce dossier. Il a installé un tel système et il en connaît tous les détails, notamment le coût d'installation et d'utilisation. Maintenant, de façon générale, sur le plan des politiques, cela ne relève pas de notre ministère. Je crois que ce serait plutôt les Ressources naturelles ou Industrie Canada.
M. Nymark: C'est Ressources naturelles Canada, et c'est pourquoi ils en parlaient l'autre jour. Ils ont tout un éventail de programmes qui, sur le plan financier, sont d'une durée limitée.
Le Plan du Canada sur les changements climatiques fait mention d'un certain nombre de ces programmes. Je m'attends à ce que le ministère présente aux ministres, au printemps, une analyse de rentabilité en vue du renouvellement, de la reconduction ou de la modification d'un certain nombre de ces programmes. Ils peuvent alors établir l'efficacité des programmes et le rapport coût-efficacité, par tonne, pour l'ensemble des programmes, de manière que nous puissions examiner plus systématiquement ce qui nous permettrait d'en avoir le plus pour notre argent quant à la programmation dans ce domaine.
Le président: Nous allons suivre cela avec beaucoup d'intérêt. J'ai entendu parler il y a un certain temps d'un psychologue qui a écrit un article sur ce sujet. Après en avoir parlé à beaucoup de Canadiens, il ne croit tout simplement pas que nous allons réussir à faire descendre les gens de leur voiture, si l'on peut dire. Il dit que nous devrions, au lieu d'essayer de convaincre les gens de délaisser leur voiture pour le transport en commun, essayer plutôt de les inciter à mieux conduire, à utiliser des carburants plus avantageux, de meilleurs véhicules, et cetera. À ses yeux, c'est culturellement impossible de convaincre les Nord-Américains de vraiment abandonner l'automobile.
Avez-vous réfléchi à cela? Pour le long terme, pensez-vous que nous devons arrêter de sermonner les Canadiens pour qu'ils prennent le transport en commun et adopter plutôt votre conduite, vous qui donnez le bon exemple en conduisant une Prius?
M. Anderson: Le psychologue dont vous avez parlé a tout à fait raison. Quand des représentants d'entreprises de transport en commun viennent me voir et disent «Si vous nous donniez plus d'argent, votre problème serait résolu», je leur réponds tout de suite que le fait d'augmenter le nombre d'autobus en circulation et d'offrir un service plus fréquent ne ferait pas nécessairement augmenter l'achalandage. Un autobus vide qui circule dans les rues de n'importe quelle ville du Canada ne fait qu'ajouter au problème.
Le président: Ou bien un métro dans un secteur résidentiel de faible densité.
M. Anderson: La personne dont vous avez parlé soulève un argument important. Cela dit, l'exemple de grandes villes comme Londres, New York ou ailleurs démontre que le transport en commun devient le meilleur choix dans certaines circonstances, c'est-à-dire lorsque les véhicules privés deviennent trop malcommodes à utiliser. Les autorités municipales et provinciales devront s'attaquer de front à ce problème, et nous devrons également nous y attaquer et remettre en question notre appui au programme d'infrastructure.
Si nous continuons à ajouter du transport en commun, à ajouter des voies supplémentaires pour les véhicules privés, à offrir des espaces de stationnement et tout le reste, nous ne faisons qu'ajouter aux coûts de tout le monde. C'est peut- être ce à quoi songeait votre psychologue, mais il faut qu'il y ait un bâton, en plus de la carotte. Le bâton, si je peux m'exprimer ainsi, c'est le désagrément. Quand les gens s'aperçoivent que les autobus les dépassent à toute vitesse dans leur voie réservée, ou quand ils apprennent que leurs collègues qui prennent le transport en commun arrivent chez eux beaucoup plus tôt, qu'ils prennent moins de temps pour tous leurs déplacements, cela peut les faire changer d'idée.
Cependant, il faut que le transport en commun soit commode. L'automobile est magique en ce sens qu'elle vous amène directement d'un point à un autre. L'itinéraire de l'autobus ne vous amène pas toujours à votre destination précise, ou bien vous ne pouvez pas toujours le prendre juste en face de votre bureau. Il y a aussi le fait qu'il faut attendre l'autobus. Quand on monte dans sa voiture, on démarre immédiatement. Psychologiquement, c'est un argument convaincant; je crois toutefois qu'il y a des facteurs qui poussent inexorablement les gens à reconnaître que le véhicule privé n'est pas le mode de l'avenir. Cela peut être une question de coût, de temps, ou être tout simplement trop gênant.
Je me rappelle que je prenais ma bicyclette pour aller au centre-ville de Victoria. Cela me prenait 20 minutes. Je faisais le trajet de retour en cinq minutes de moins, parce qu'il ne me faisait rien d'arriver à la maison en sueur, par opposition au bureau. Je faisais ainsi mon exercice quotidien. Si j'avais pris ma voiture, je serais probablement allé directement au centre sportif pour y faire 40 ou 45 minutes d'exercice. J'avais ainsi 45 minutes de plus dans ma journée en prenant ma bicyclette. C'est une véritable révélation: on s'aperçoit tout à coup que la journée n'a plus 24 heures, elle a 24 heures et 45 minutes si l'on utilise son temps efficacement. Je n'avais jamais pensé à cet avantage auparavant.
Le président: Encore un bon exemple venant de vous, monsieur le ministre.
Le sénateur Finnerty: Je pense à certains États, à certaines villes où il y a des voies réservées pas seulement aux autobus et aux taxis, mais aussi aux véhicules utilisés pour le covoiturage. Cela semble donner de très bons résultats. On pourrait envisager d'avoir une voie réservée au covoiturage.
M. Anderson: C'est exactement ça. Si nous pouvons trouver des moyens de rendre cela clairement plus commode et plus attrayant, les gens vont l'utiliser. Bien sûr, il y a des gens qui contournent la loi en gonflant d'énormes ballons qu'ils coiffent d'un chapeau pour faire croire que ce sont des passagers. Il y a des gens qui faisaient du stop et qui trouvaient très amusant de monter dans une voiture où il y avait des personnages gonflables sur la banquette arrière.
Il y a d'autres moyens de s'y prendre et il est certain que la clé, c'est de s'assurer que ce soit commode, comme vous l'avez dit, sénateur.
Le sénateur Finnerty: Dans certaines villes, il faudrait quatre autostoppeurs ou une voiture remplie de ballons.
Le sénateur Milne: Les mesures incitatives sont une chose; cependant, tant et aussi longtemps que la plupart des gens habiteront dans des villes et des banlieues conçues en fonction de l'automobile, et que la plupart des villes au Canada ne permettront pas la construction résidentielle sur terrains intercalaires, il n'y aura jamais assez de gens pour faire du transport en commun une solution viable.
M. Anderson: Sénateur, vous avez mis dans le mille. L'investissement dans le transport en commun, dans des secteurs urbains comme ceux que vous avez décrits, est une méthode très coûteuse d'atteindre des objectifs relativement au changement climatique. Certains responsables contestent cette affirmation et il y a tout un débat là-dessus, mais l'argent que nous avons à consacrer à la lutte contre le changement climatique ne permettra pas d'atteindre nos objectifs si nous le dépensons simplement pour subventionner le transport en commun tel qu'il existe actuellement. Il doit y avoir planification au niveau municipal pour faire du transport en commun le choix logique et un système efficient. Vous avez absolument raison. Le transport en commun n'est pas une solution magique en l'absence d'autres mesures. Conjugué à d'autres mesures, il peut toutefois contribuer puissamment.
Le président: Vous avez été très généreux de votre temps, monsieur le ministre Anderson, monsieur Nymark et madame Smith. Je vous remercie pour vos réponses et nous aurons d'autres questions à poser à mesure que nous avancerons dans notre étude.
Nous accueillons maintenant M. Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, de qui relève le projet de loi C-2, M. John Bailey, le négociateur qui a grandement contribué à l'élaboration de ce projet de loi, et M. David Cox, conseiller juridique, Revendications globales et Affaires du Nord/Autonomie gouvernementale et orientation stratégique.
Bonjour, monsieur le ministre et messieurs. Je vous remercie de venir nous rencontrer ce matin. Monsieur le ministre, je pense que vous avez peut-être un exposé à nous faire sur ce projet de loi. Nous vous invitons à le faire tout de suite, après quoi nous aurons des questions à vous poser.
L'honorable Robert D. Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien: Monsieur le président, ce matin, je voudrais d'abord prononcer une allocution rédigée à l'avance, après quoi, comme toujours, je serai évidemment à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous rencontrer. Comme vous le savez, je suis accompagné aujourd'hui de représentants du ministère pour faire un survol du projet de loi C-2, la Loi sur l'évaluation environnementale et socio-économique au Yukon. Je serai ravi de répondre à vos questions, mais j'aimerais, avant de commencer, vous dire quelques mots à propos du projet de loi.
Permettez-moi d'insister sur le fait que nous avons présenté la mesure législative d'abord et avant tout pour nous acquitter d'une obligation de la Couronne en vertu de l'Accord-cadre définitif avec le Yukon. Dans cette entente en vigueur depuis février 1995, on définit les paramètres devant servir de guide pour conclure des règlements sur les revendications territoriales globales avec des Premières nations au Yukon prises individuellement. On y établit aussi des exigences s'appliquant à des processus de gestion des ressources dans l'ensemble du territoire, notamment une obligation spécifique du gouvernement de préparer une mesure législative devant orienter la mise en oeuvre d'un processus d'évaluation des projets de mise en valeur au Yukon.
Dans «Rassembler nos forces: le plan d'action du Canada pour les questions autochtones» un plan présenté pour donner suite à un rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, on définit le cheminement à suivre en vue de renouveler le partenariat établi avec les gens des Premières nations, les Inuits, les Métis et leurs administrations. «Rassembler nos forces» fait état d'importantes déclarations liées aux politiques, notamment l'intention du gouvernement du Canada de respecter les traités conclus avec les Autochtones, y compris les traités modernes se présentant sous forme d'ententes sur le règlement des revendications territoriales globales. Le gouvernement prend très au sérieux les obligations qu'il a contractées dans le cadre du règlement de revendications territoriales, et il l'a prouvé à maintes reprises.
En s'acquittant de son obligation d'adopter une telle loi, le gouvernement fédéral démontera clairement aux Premières nations au Yukon que son engagement ne se limite pas à négocier des ententes sur les revendications territoriales globales et sur l'autonomie gouvernementale, mais à faire en sorte que les ententes soient mises en oeuvre avec efficacité. Je crois que c'est le mot clé de ce matin.
L'élaboration d'une loi sur l'évaluation des projets de mise en valeur représente, aux yeux des Premières nations, une exigence essentielle présentée dans l'accord-cadre définitif. De fait, une telle loi attribuera aux collectivités un rôle significatif dans le processus d'évaluation de tous les projets pouvant avoir une incidence sur les terres ou les gens des Premières nations. Enfin, elle permettra de créer un processus qui permettra aux Premières nations d'obtenir des conseils sur les projets de mise en valeur qui relèvent de leur compétence. Les Premières nations auront ainsi la possibilité d'exercer une saine gouvernance de leurs terres et de leur peuple, ce qui en retour profitera à tous les résidants du Yukon et, en fait, à tous les Canadiens.
Le projet de loi se veut un moyen de s'acquitter d'un engagement clé pris dans le cadre du règlement des revendications territoriales au Yukon, mais il représente bien plus encore. Le processus d'évaluation prévu dans la loi proposée a été conçu dans le but de favoriser le développement durable au Yukon. Par développement durable, je veux dire le genre de développement qui permet de répondre aux besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire leurs propres besoins. Un tel principe a été énoncé par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, mieux connue sous le nom de Commission Brundtland, et a été largement accepté partout au Canada.
Au Yukon comme ailleurs, le fait d'assurer de façon ordonnée et responsable le développement durable ne va pas sans la mise en place d'un processus d'évaluation des projets permettant d'étudier avec rigueur les répercussions que de tels projets pourraient entraîner sur l'environnement et la population dans la région avant de les approuver. Pour ce faire, il importe d'instaurer, pour les promoteurs, un climat où les règles d'évaluation sont cohérentes et bien établies et d'éliminer toute duplication inutile du processus d'approbation. Le présent projet de loi permet d'atteindre de tels objectifs.
D'abord et avant tout, la Loi sur l'évaluation environnementale et socio-économique au Yukon établira un seul et unique processus d'évaluation applicable à l'ensemble du territoire. Puisque le nouveau régime s'adresse à 14 Premières nations individuelles et aux gouvernements fédéral et territorial, nous aurions pu voir naître jusqu'à 16 processus différents d'évaluation environnementale au Yukon. Une telle situation aurait posé de sérieux obstacles à un développement durable ordonné en raison de possibles chevauchements et duplications.
Le projet de loi C-2 prévoit un seul et même processus applicable de manière uniforme à toutes les terres au Yukon, qu'elles relèvent de la compétence des Premières nations, du gouvernement territorial ou du gouvernement fédéral. Ainsi, un promoteur éventuel devra se soumettre au même processus d'évaluation composé des mêmes règles, et ce, quel que soit l'endroit où le projet doit être mis de l'avant.
Les projets prenant place sur des terres relevant de plus d'une compétence ne seront soumis qu'à un seul processus d'évaluation. Non seulement une telle pratique permettra-t-elle d'éviter une complexité inutile pouvant décourager la mise en valeur du territoire, mais elle incitera les diverses autorités à coopérer davantage au chapitre de la réglementation, ce qui encouragera le développement durable et permettra à tous les gouvernements actifs dans le territoire de servir plus efficacement les intérêts de leurs commettants.
En plus d'établir un seul processus d'évaluation applicable à l'ensemble du territoire, le projet de loi prévoit aussi plusieurs dispositions précises conçues pour éviter la duplication et pour procurer une plus grande certitude aux promoteurs, aux Premières nations et aux autres personnes intéressées par l'évaluation des projets de mise en valeur.
À l'instar des nombreux conseils de gestion des ressources créés en vertu d'ententes ou de lois sur le règlement des revendications territoriales, l'Office d'évaluation environnementale et socio-économique du Yukon prévu par le projet de loi veillera à élaborer des règles de procédure qui dicteront précisément comment les évaluations seront menées. Plutôt que de conférer uniquement des pouvoirs de réglementation à l'Office, nous avons pris des mesures additionnelles pour que ce dernier soit habilité à adopter des règles de procédures exécutoires dans plusieurs secteurs spécifiques de manière à créer un processus sans équivoque, efficace et opportun. Bon nombre de ces exigences ont été prévues pour donner suite à des préoccupations émises par l'industrie et les groupes de conservation qui voulaient s'assurer que l'Office se penche sur ces questions particulières.
Par exemple, l'Office est tenu de fixer des échéanciers pour toute activité d'évaluation. Il doit aussi établir des règles pour préciser la forme que doivent prendre les propositions, pour expliquer ce que les propositions doivent contenir et pour définir avec précision la façon dont le public peut participer aux évaluations. Le projet de loi prévoit aussi des exigences concernant la participation du public et des groupes d'intérêt à l'élaboration de telles règles afin de s'assurer que l'Office sert efficacement les intérêts de toutes les parties au Yukon.
De plus, l'une des dispositions du projet de loi porte sur un règlement par lequel sont précisés les délais que devra respecter l'administration d'une Première nation, le gouvernement territorial ou le gouvernement fédéral pour rendre une décision après avoir reçu les recommandations des agents d'évaluation. Une fois de plus, une telle disposition assurera un haut degré d'efficacité et de rapidité et fera en sorte que les projets ne stagnent pas pendant des années à l'étape de l'évaluation.
Certains pensent que nous n'avons pas été suffisamment normatifs en élaborant le projet de loi et que nous avons conféré à l'Office trop de pouvoirs dans l'élaboration des règles de procédure sur l'évaluation. Ils auraient voulu que la loi explique dans les plus infimes détails la façon dont les agents d'évaluation mèneront leurs activités. Ce n'est ni faisable ni approprié dans une loi et, à mon avis, une telle façon de procéder montrerait que les résidants du Yukon qui siégeront à l'Office ne méritent pas notre confiance.
Étant donné ma vaste expérience avec les conseils de cogestion au Yukon, comme l'Office des eaux du Yukon et l'Office des droits de surface du Yukon, je me fie sans hésitation au bon jugement et au bon sens des résidants du Yukon. Je suis certain que le gouvernement du Yukon et le Conseil des Premières nations du Yukon désigneront des membres de haut calibre, qui seront à même de servir équitablement et efficacement les intérêts de tous.
En terminant, j'aimerais émettre quelques commentaires sur la façon dont nous nous sommes pris pour élaborer le projet de loi. L'accord-cadre définitif prévoyait l'adoption d'une loi pour mettre de l'avant, d'ici au 14 février 1997, un nouveau processus d'évaluation des projets de mise en valeur au Yukon. Nous avons repoussé considérablement cette échéance, comme les sénateurs l'auront remarqué, mais nous l'avons fait pour de bonnes raisons. Plutôt que de précipiter l'élaboration d'une mesure législative qui se révélerait inadéquate au bout du compte, nous avons pris le temps dont nous avions besoin pour rédiger le libellé en collaborant étroitement avec le gouvernement du Yukon et les Premières nations au Yukon représentées par le Conseil des Premières nations du Yukon. Nous avons aussi sollicité l'importante contribution des groupes d'intérêt et du public.
Je tiens à vous dire, honorables sénateurs, que plusieurs ébauches ont été préparées et discutées au sein des Premières nations et du gouvernement du Yukon et deux d'entre elles ont fait l'objet de consultations exhaustives auprès des groupes d'intérêt et du public.
Le processus de consultations prévoyait trois tournées, des assemblées publiques, des ateliers et des envois postaux dans l'ensemble du territoire. Un site Web interactif a été conçu et tenu à jour dans le but de fournir des renseignements actuels sur l'évolution de la loi proposée. Plusieurs rencontres ont été organisées avec des Premières nations, des Inuvialuit, des municipalités ainsi que des représentants de l'industrie et de groupes environnementaux. Tous les commentaires et toutes les suggestions présentés lors des consultations ont été soigneusement pris en considération, et bon nombre d'entre eux ont eu pour effet de modifier l'ébauche proposée.
Le projet de loi C-2 est le fruit de ce processus mené en consultation et en étroite collaboration et, même si certains ne sont pas au courant, nous devons plusieurs dispositions du projet de loi à des personnes qui ont consacré le temps et l'effort voulus pour examiner les ébauches du projet de loi et nous présenter des suggestions constructives.
Le projet de loi se veut une façon pour le gouvernement du Canada de s'acquitter d'un engagement important qu'il a pris dans le cadre d'un règlement de revendications territoriales. Combiné au transfert des responsabilités liées à la gestion des ressources au gouvernement territorial et au règlement d'ententes sur les revendications territoriales globales partout au Yukon, cet important projet de loi assurera aux gens des Premières nations et aux autres résidants du territoire un rôle de premier plan dans les futures décisions sur la gestion des ressources.
Avec le projet de loi C-2, le Yukon aura en main un outil précieux pour assurer, pendant de nombreuses années, un développement durable et responsable dans le territoire.
Voilà un projet de loi avantageux tant pour le Yukon que pour le Canada. Je vous demande aujourd'hui de donner votre appui pour faire de ce processus une réalité.
Je vous remercie pour votre attention, honorables sénateurs, et je vous invite maintenant à nous poser des questions, à moi-même et à mes collaborateurs qui m'accompagnent aujourd'hui, avec l'objectif de faire en sorte que l'on procède le plus rapidement possible pour mettre en vigueur une mesure législative qui est extrêmement importante pour le Yukon et ses habitants.
Le sénateur Finnerty: Monsieur le ministre, en cas de désaccord sur la question de savoir s'il y a conflit ou contradiction entre la mesure législative proposée et l'accord-cadre définitif, les tribunaux devront-ils trancher?
M. John Bailey, négociateur, Stratégies relatives aux ressources, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, si la mesure est contestée quant à sa conformité avec l'accord définitif, alors l'affaire pourrait être tranchée par les tribunaux, oui.
Quand nous avons élaboré la mesure proposée, et M. Cox voudra peut-être vous en parler de façon plus détaillée, notre conseiller juridique s'est assuré que le projet de loi que nous étions en train de rédiger serait conforme à cet accord et à tout autre accord applicable.
M. David Cox, conseiller juridique, Revendications globales et Affaires du Nord/Autonomie gouvernementale et orientation stratégique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, il est certain que si l'on voulait contester le projet de loi, ce serait l'un des arguments que l'on pourrait invoquer. Cependant, nous sommes confiants qu'une contestation fondée sur une telle argumentation ne serait pas couronnée de succès.
Le sénateur Milne: Monsieur le ministre, je crois savoir que le projet de loi comprend une disposition relativement à une déclaration qu'il faut faire pour exiger l'évaluation d'une activité figurant sur une liste et qui avait été exemptée. Si je comprends bien, avant que l'on puisse faire une telle déclaration, toutes les parties, c'est-à-dire les Premières nations, les autorités fédérales, provinciales et territoriales ou quiconque exerce un pouvoir de décision quelconque sur le projet envisagé, seront tenues de consentir à cette déclaration.
Pourquoi exige-t-on le consentement de toutes ces différentes parties? Cela semble rendre le processus plus compliqué.
À votre avis, cette exigence limitera-t-elle l'utilisation de ce pouvoir déclaratoire?
M. Bailey: Je voudrais établir le contexte des dispositions sur la déclaration. La raison d'être de ces dispositions, c'est que nous ne voulions pas ratisser trop large, quant aux projets qui devront être évalués en application de ce processus. Il y a toutefois dans certaines occasions des activités de moindre envergure qui n'auraient peut-être pas tellement d'incidence en temps ordinaire, mais qui peuvent parfois, dans certaines circonstances, avoir des répercussions très lourdes.
Nous voulions prévoir la possibilité pour le ou les gouvernements responsables de cette activité de relever le niveau de l'activité en question de manière que le projet doive être évalué.
Nous voulions aussi nous assurer que cela ne se fasse pas de manière arbitraire. Un certain nombre de contraintes sont prévues à propos de la déclaration, par exemple si elle touche un endroit sensible. Nous voulions aussi nous assurer que tous les gouvernements qui assument une responsabilité quelconque, en cas de compétences partagées, se mettraient d'accord pour relever le projet au niveau voulu, dans des circonstances extraordinaires. Nous voulions nous assurer que tous les gouvernements responsables aient leur mot à dire avant qu'une activité soit assujettie à l'évaluation.
Le sénateur Milne: Lorsqu'un ministre fédéral ou territorial ou une Première nation demande une étude par un comité restreint, la partie qui demande l'étude doit préciser si l'étude en question sera publique ou d'un autre type. Quels autres types d'études sont prévus, des études privées ou secrètes? Je m'inquiète quand il est question d'une «étude d'un autre type».
L'Office doit-il obligatoirement effectuer le type d'étude demandé, ou bien a-t-il le pouvoir de décider que l'étude ne sera pas publique et que l'on procédera plutôt à un autre type quelconque d'étude?
M. Bailey: Premièrement, cette disposition est tirée directement de l'accord de revendication territoriale. On dit que les parties peuvent demander une étude publique ou un autre type d'étude, et l'interprétation qui en a été donnée est que c'est le caractère «public» de l'étude qui est en cause. Il y a donc possibilité de ne pas tenir d'audience publique au sens habituel du terme; cependant, peu importe la nature de la demande, toute évaluation doit donner au grand public la possibilité de savoir ce qui se passe et d'avoir son mot à dire dans le processus d'évaluation; c'est simplement qu'il n'y aura peut-être pas d'audience publique dans le sens habituel du terme si la partie en fait la demande.
Le sénateur Milne: Je m'inquiète au sujet des ressources patrimoniales. L'accord-cadre définitif de 1993 exige que l'on prenne en considération les effets négatifs importants sur les ressources patrimoniales, mais cette exigence ne figure pas à l'article 42 du projet de loi.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il n'en est pas fait mention? L'a-t-on enlevé délibérément? Je m'inquiète parce qu'il y a beaucoup de ressources patrimoniales au Yukon.
M. Bailey: En fait, elle est incluse, mais pas aussi directement que vous l'auriez peut-être souhaité. La définition de l'expression «l'effet sur la vie socio-économique» comprend l'effet éventuel sur les ressources patrimoniales, de sorte que quand il est question d'effet socio-économique négatif, cela comprend les effets négatifs sur les ressources patrimoniales. En fait, c'est bel et bien inclus, mais dans un contexte plus général.
Le sénateur Milne: On n'a pas du tout fait ressortir l'inclusion de cette mesure.
M. Bailey: Nous pensions qu'il convenait d'englober cela dans les effets socio-économiques, et c'est donc ce qu'on a fait. C'est inclus et il sera nécessaire d'examiner les effets négatifs sur les ressources patrimoniales en même temps que les autres incidences socio-économiques qui peuvent se faire sentir sur les gens, les lieux d'importance spirituelle, et cetera. C'est donc inclus, même si ce n'est pas explicitement mentionné. C'est englobé dans la définition de «effet sur la vie socio-économique».
Le sénateur Milne: Êtes-vous sûr que les ressources patrimoniales seront bien protégées de cette manière?
M. Bailey: Peu importe qu'on l'ait dit explicitement ou qu'on l'ait englobé dans la définition en exigeant que l'on tienne compte de tous les effets sur la vie socio-économique, le résultat est le même: ces ressources devront être prises en compte et auront une égale importance.
Le sénateur Milne: Il me semble que tout ce processus a commencé en 1993, c'est-à-dire il y a longtemps, et 1997 c'est déjà loin aussi. Il me semble qu'une bonne partie du travail doit avoir été accomplie sous le ministre Ron Irwin. Est-ce qu'il a fallu votre intervention, monsieur Nault, pour mener enfin le dossier à terme?
M. Nault: Je ne voudrais pas m'en attribuer le mérite. Plus précisément, ce sont les Yukonais eux-mêmes qui voulaient prendre le temps nécessaire pour cheminer dans cette voie. L'accord-cadre définitif enclenche un processus entre les Premières nations du Yukon et nous-mêmes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faudra mettre en place un certain nombre de processus différents et celui-ci est l'un des plus importants.
Certains sénateurs ignorent peut-être que ce processus a commencé en fait à l'époque où l'actuel premier ministre était ministre du Nord canadien. C'est vous dire que nous planchons depuis fort longtemps sur le dossier de ce que nous appelons l'évolution de nos gouvernements territoriaux. Par conséquent, cela remonte même plus loin que le ministre Irwin.
Comme dans toute discussion sur les processus, aux fins de la discussion que nous avons ce matin, la question peut être abordée de bien des manières. Notre gouvernement a constamment soutenu que la meilleure façon de procéder est de donner le plus de pouvoirs possibles aux gouvernements territoriaux et des Premières nations pour ce qui est de diriger leurs propres affaires. Cela a toujours été notre position, et aussi de ne pas être trop normatifs, ou en tout cas le moins possible.
Nous pourrions ajouter beaucoup d'éléments à ce projet de loi si nous le voulions. Nous pourrions être tellement normatifs que le moindre détail serait précisé. Cependant, comme je l'ai dit dans mon allocution, je ne pense pas que ce soit la bonne approche à adopter dans une fédération, et nous nous en sommes donc remis aux Yukonais qui pourront élaborer eux-mêmes les stratégies. Dans vos questions, vous avez déjà abordé un certain nombre de points précis que l'on pourrait interpréter ou changer de diverses manières, mais nous croyons qu'il est préférable de s'en remettre aux Yukonais eux-mêmes.
Je tenais à insister là-dessus parce que je sais qu'il y a des gens qui aiment être très normatifs. En fait, vous savez peut-être que l'Association minière m'a envoyé une lettre pour me demander de préciser davantage un certain point. Nous avons apporté cette précision parce que nous pensions que c'était peut-être un peu ambigu. Je crois toutefois savoir que les mêmes intervenants réclament maintenant que ce soit encore plus clair, même s'ils trouvent que c'est un bon projet de loi. Bien sûr, il s'ensuit que les défenseurs de l'environnement vont intervenir dans la même perspective. Dans un tel cas, le mieux à faire est probablement d'adopter une position équilibrée.
Le sénateur Milne: Je vous assure que ce n'était pas une question soufflée.
M. Nault: Je ne réponds pas aux questions soufflées.
Le président: Toujours au sujet du processus, monsieur le ministre, si j'étais une Première nation, un gouvernement territorial ou un promoteur, je m'inquiéterais beaucoup du temps que pourrait prendre le processus d'approbation. Vous avez dit dans votre allocution qu'une disposition du projet de loi permet de prendre des règlements qui préciseront les échéances. Il y a une différence entre «permettre», «prescrire», «exiger» et «demander». Est-ce l'un ou l'autre de ces termes, ou est-ce bien «permettre»? Dans quelles circonstances, à votre avis, cela pourrait-il devenir plus clair, ou plus normatif, pour reprendre votre terme?
M. Nault: C'est une exigence à laquelle l'Office est tenu. S'il ne le fait pas, il incombera au ministre de respecter ces exigences. Les différents territoires nous demandent constamment d'intervenir dans le processus et dans la procédure qu'un office appliquerait si la loi était en vigueur. En particulier, cela nous est souvent arrivé au Nunavut.
Ce projet de loi est une tentative pour faire en sorte que le ministre n'ait pas à intervenir dans le processus et, aux fins du présent débat, j'entends par «processus» qu'ils établiront les règles de procédure qui régiront les échéanciers et qui encadreront les décisions à prendre.
Je vais demander à M. Bailey de vous donner plus de détails là-dessus, mais telle est assurément l'exigence de ce projet de loi.
Le président: Est-ce une exigence ou bien une possibilité, monsieur Bailey?
M. Bailey: Il y a deux types d'échéanciers différents qui sont prévus. Il y a les échéances pour la conduite des évaluations...
Le président: Je parle de la décision relativement à une évaluation.
M. Bailey: Oui, et les règles traiteront de la tenue des évaluations.
Pour ce qui est du règlement qui fixera le délai imparti aux décideurs, c'est un règlement qu'il est permis de prendre. Cependant, je peux dire aujourd'hui au comité que l'on a déjà commencé à déblayer le terrain relativement à ce règlement et qu'il est prévu qu'il sera en place au moment de l'entrée en vigueur de la loi.
Le président: Un promoteur de projet peut avoir l'assurance, sous le régime de ce qui deviendra une loi si ce projet de loi est adopté, qu'après la tenue d'une évaluation, la décision quant aux suites à donner à cette évaluation sera prise par l'autorité compétente, qu'il s'agisse de la Première nation, du gouvernement territorial ou du gouvernement fédéral. La loi proposée exigera-t-elle que ces diverses autorités compétentes donnent suite à la recommandation formulée dans un délai prescrit?
M. Bailey: C'est ce que le règlement établira. Comme je l'ai dit, ce règlement est déjà en cours d'élaboration depuis un certain temps. Nous avons utilisé des ébauches d'un tel règlement durant nos consultations sur le projet de règlement à deux ou trois reprises, une fois en 1998 et une fois en 2001. Chose certaine, l'intention est que le règlement établissant que les décisions soient prises au cours d'un délai prescrit soient en place dès l'entrée en vigueur de la loi proposée.
Le sénateur Spivak: Je me demande pourquoi la clause de non-dérogation ne se trouve pas dans ce projet de loi. Avez-vous commencé à appliquer la nouvelle politique relative aux clauses de non-dérogation?
M. Nault: Il y a eu, bien sûr, une discussion sur les clauses de non-dérogation au Parlement, à la fois à la Chambre des communes et au Sénat. En tant que gouvernement, nous avons examiné la question sous l'angle de décisions à prendre éventuellement et nous nous sommes demandés comment nous voulions procéder. Il semble que la solution la plus sûre soit de ne pas avoir de clause de non-dérogation, parce que les droits ancestraux et les droits issus des traités sont protégés par l'article 35. On ne cesse de relancer le débat sur cette question: est-ce que cela renforce davantage l'article 35, ou bien cela affaiblit-il plutôt l'article 35? Pour faire progresser le dossier et en l'absence de jurisprudence, puisqu'aucun tribunal n'a jamais rendu de décision sur cette question, nous avons décidé que la protection existe déjà et que nous n'avons pas besoin d'ajouter des sauvegardes.
Avons-nous l'intention de changer cela? Je ne peux pas parler au nom du ministre de la Justice, mais je suis d'avis qu'à toutes fins pratiques, nous n'avons pas besoin de clause de non-dérogation dans n'importe quel projet de loi, même si des parlementaires, autant à la Chambre qu'au Sénat, semblent croire que c'est une bonne idée. Pour ma part, je n'ai jamais perçu le besoin de telles clauses.
Le sénateur Spivak: Beaucoup de projets de loi renferment une disposition de ce genre, et il faudra les supprimer, mais nous ne savons pas encore quelle est la politique du gouvernement?
M. Bailey: Pour donner suite aux commentaires du ministre, toute la question de la non-dérogation a été soulevée il y a environ sept ans, dans le cadre de discussions avec les Premières nations du Yukon, et l'on s'est demandé si ce projet de loi devrait comprendre une telle disposition. À l'époque, et encore aujourd'hui, les Premières nations du Yukon ne jugeaient pas nécessaire d'inclure une telle disposition.
Le sénateur Christensen: Je sais que nous avons rencontré le Conseil des Premières nations du Yukon ici à plusieurs reprises, et ils ont dit très clairement qu'ils ne voulaient pas d'une telle disposition dans ce projet de loi. Quand on l'a ajouté à un projet de loi, c'était habituellement à la demande d'une Première nation. En l'occurrence, ils ont dit clairement qu'ils n'en voulaient pas.
Le sénateur Spivak: Pourriez-vous expliquer le lien entre cette mesure et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, à l'article 6. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'appliquera pas au Yukon, mais cette exclusion n'est pas absolue. Il est difficile de déterminer quels projets seraient assujettis à une évaluation en vertu de la LCEE. Pourriez-vous préciser cela?
M. Bailey: Oui, je vais le faire. Effectivement, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'appliquera plus à la grande majorité des projets du Yukon, une fois que cette mesure sera en vigueur. Dans le cas d'un projet qui n'exigerait pas d'évaluation en application de ce nouveau régime, mais qui exigerait d'être évalué aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, cette dernière loi s'appliquerait.
Cela dit, notre objectif est de s'assurer que tout cela soit évalué aux termes du régime envisagé, de manière à minimiser l'application de la LCEE, pour qu'il n'y ait pas trop de processus concurrents dans le territoire.
La deuxième circonstance dans laquelle la LCEE pourrait s'appliquer, c'est au niveau du comité restreint, et cette éventualité est spécifiquement prévue pour les projets de plus grande envergure qui pourraient être transfrontaliers, auquel cas l'application continue de la LCEE est nécessaire pour que le même processus s'applique en Colombie- Britannique, au Yukon, en Alberta, et cetera. La loi proposée ne pourrait pas régir les activités dans tous ces territoires. C'est pourquoi nous mentionnons les activités qui exigent une autorisation de l'Office national de l'énergie, parce qu'elles sont de nature transfrontalière, par exemple le gazoduc du Yukon.
Le sénateur Spivak: Quel était votre objectif, en l'occurrence? Quel sera l'effet de cette mesure? Vouliez-vous mettre en place un processus plus rapide, ou alors quoi? Quelle sera l'incidence de cette mesure à l'avenir?
M. Nault: Vous vous rappellerez que dans mon allocution d'ouverture, j'ai dit que nous nous dirigeons vers des administrations territoriales qui se rapprocheront davantage des gouvernements provinciaux; telle est l'intention dans toute cette évolution. Si nous poursuivons ce cheminement, nous avons ici une mesure qui ressemble à une loi environnementale provinciale. Sauf dans le cas des projets transfrontaliers, où l'on considérera que c'est de ressort fédéral, cette loi proposée serait la loi applicable à l'ensemble de ces différents projets, tandis que la LCEE s'appliquerait dans le cas des projets transfrontaliers.
Ce n'est pas différent de la situation dans les provinces et ce sera le même scénario dans tous les territoires, quand nous en aurons terminé avec notre travail d'évolution.
Le sénateur Spivak: Avez-vous dit précisément que la LCEE ne s'applique pas aux provinces quand celles-ci ont leur propre loi environnementale?
M. Nault: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je voulais dire qu'elle s'applique seulement à certaines activités à l'intérieur de la province. Les provinces ont leur propre loi environnementale, leur propre législation en matière d'environnement. Elles ne font pas nécessairement double emploi et n'entraînent pas un processus inutilement long. C'est vraiment la raison pour laquelle il est nécessaire de faire adopter cette mesure législative.
Nous aurions pu proposer une série d'offices pour chaque Première nation. Légalement, nous aurions pu le faire au gouvernement fédéral parce que c'est de notre compétence et, à vrai dire, nous y sommes tenus par la loi. Les Premières nations et les Yukonais avaient pris l'engagement de mettre en place un processus qui non seulement répondrait aux besoins du développement durable, mais aussi, bien sûr, favoriserait l'essor économique.
Le sénateur Spivak: Je suis curieuse de savoir quelles peuvent être les conséquences juridiques de cette situation. Est- ce que vous dites qu'il n'y a pas d'interprétation différente de cette mesure dans les diverses provinces relativement à la LCEE? Il y a eu des lois sur l'application des responsabilités provinciales et fédérales en matière d'environnement.
M. Nault: Nous aimons préciser très clairement dans la loi fédérale que certaines parties des processus environnementaux et économiques du Yukon relèvent de cette juridiction dont nous parlons. Oui, la LCEE a un rôle à jouer partout au Canada et englobe les gouvernements territoriaux.
J'espère que je ne vous ai pas donné l'impression que la LCEE ne s'applique pas, parce qu'elle s'applique effectivement dans certains cas. Je vais laisser mon avocat vous donner son point de vue.
Le sénateur Spivak: Ce serait intéressant d'avoir une opinion juridique claire.
M. Cox: Comme on a tenté de coordonner le potentiel de ces offices d'évaluation environnementale avec le régime fédéral, on a profité de l'occasion pour s'assurer qu'il n'y ait pas dédoublement inutilement. Cela n'a d'aucune manière fermé la porte à l'application de l'évaluation environnementale fédérale. En fait, à certains égards, cette mesure l'a remplacée, mais lorsqu'il y a de bonnes raisons de vouloir assurer une coordination, par exemple dans le cas des projets transfrontaliers, la LCEE continuera de s'appliquer.
Si vous envisagez la question sous l'angle du partage fédéral-provincial des pouvoirs, la pertinence du système fédéral apparaît clairement, c'est-à-dire un système qui s'appliquerait dans deux entités administratives différentes.
Le sénateur Spivak: Prenons, par exemple, un immense projet forestier comportant tous les éléments déclencheurs comme les eaux navigables, le poisson, et cetera. Dites-vous que cela va s'appliquer au Yukon, ou bien le contraire? Est-ce que je me fais comprendre clairement?
M. Cox: Oui.
Le sénateur Spivak: Nous savons que, dans beaucoup de provinces, la législation sur l'évaluation environnementale est plus souvent violée que respectée. Dans ma propre province du Manitoba, on a fait l'évaluation environnementale d'un petit pont, mais pas d'un immense projet s'étendant sur un territoire où l'on compte des lacs, du poisson et des oiseaux migrateurs. Le gouvernement fédéral n'est pas intervenu. J'ignore quelle est la situation actuelle.
Le sénateur Buchanan: Cela ne s'applique pas en Nouvelle-Écosse, soit dit en passant.
M. Nault: Non, le poisson nage encore librement, sénateur Buchanan.
Je comprends ce que vous voulez dire. Comme vous le savez, nous venons de transférer au Yukon, à partir du 1er avril, des pouvoirs semblables à ceux d'une province pour la gestion des ressources.
Le sénateur Spivak: Cela a été fait il y a longtemps dans le cas du Manitoba et de l'Ouest.
M. Nault: N'oubliez pas que cela veut dire que le gouvernement du Yukon aura les compétences et la responsabilité sur les forêts et les mines. Commençons par cet aspect. Le gouvernement fédéral continue d'assumer la responsabilité pour les pêches. Par conséquent, un projet susceptible d'avoir un effet majeur sur le poisson et son habitat peut déclencher l'application de la LCEE. Tout dépendra de l'ampleur du projet.
Le sénateur Spivak: À la discrétion du ministre?
M. Nault: Si vous voulez dire le ministre de l'Environnement, oui, il existe une procédure qu'il doit suivre pour évaluer, si quelqu'un demande une évaluation environnementale au titre de la LCEE, si d'éventuels dommages à l'habitat causés par un projet peuvent déclencher son intervention. En l'occurrence, la procédure est la même pour une province ou un territoire. Rappelez-vous le débat que nous avons eu il y a un certain nombre d'années en Alberta au sujet du barrage de la rivière Old Man. Vous en rappelez-vous?
Le sénateur Spivak: Je m'en rappelle très bien.
M. Nault: Il y a eu un grand débat sur les compétences respectives du fédéral et de la province. Il arrive parfois qu'on se retrouve plongé dans un tel débat. Je suppose qu'aucun processus n'est parfait, mais l'intention du législateur, en l'occurrence, c'est que l'immense majorité des projets seront visés par le projet de loi C-2, dont vous êtes saisis.
Le sénateur Spivak: Je devrai examiner plus attentivement le projet de loi. Je ne m'inquiète pas particulièrement du fait que tout cela se passe au Yukon, où il y a actuellement dévolution. Ce qui m'inquiète, ce sont les exclusions, c'est-à- dire les cas où la LCEE ne s'appliquera pas, alors qu'en fin de compte, les gouvernements fédéral et provinciaux partagent les compétences sur l'environnement. Ce n'est pas du tout précisé, quoique ça l'est peut-être dans le cadre de certains pouvoirs qui existent déjà au gouvernement fédéral et dans la Loi sur l'évaluation. Cependant, nous avons actuellement un problème en Colombie-Britannique, la province ne tenant aucun compte des règles sur les bassins hydrographiques — d'ailleurs ce n'est pas seulement en Colombie-Britannique — et d'autres règles semblables, et le gouvernement fédéral n'intervient pas. Je crains que cette tendance va s'accentuer. Je soulève la question.
M. Cox: Les activités qui déclenchent actuellement des évaluations aux termes de la LCEE sont également visées dans ce projet de loi. Je tiens à être bien clair: cette mesure englobe les déclencheurs territoriaux, si vous voulez, les déclencheurs fédéraux et aussi, en fin de compte, les déclencheurs des Premières nations.
Le président: On donne une liste d'activités qui peuvent être exemptées de l'évaluation aux termes de ce projet de loi. Pouvez-vous nous dire comment, pourquoi et en quel endroit cela pourrait arriver?
Le paragraphe 48(2) du projet de loi stipule que si une activité inscrite sur la liste des exceptions doit faire l'objet d'une évaluation, il est obligatoire que les trois niveaux de gouvernement se mettent d'accord, à l'unanimité. Autrement dit, il y a un droit de veto implicite. Cela ne veut-il pas dire que, dans un tel cas, il est moins probable que l'évaluation ait lieu? Cela ne crée-t-il pas un obstacle qui peut bloquer une intervention?
Premièrement, je dois comprendre plus clairement en quoi consisterait une activité qui ferait l'objet d'une exception et pourquoi cette activité serait exceptée.
M. Bailey: Pour vous donner un exemple, le règlement qui accompagnerait les articles 47 et 48 exigerait l'évaluation d'une activité comme l'abattage d'arbres pour l'exploitation forestière. Une exception serait par contre prévue pour un projet d'abattage d'arbres de moins de 500 mètres cubes.
Si quelqu'un propose un projet d'abattage de 400 mètres cubes de bois, il pourrait obtenir une exception. Il lui suffirait alors d'obtenir un permis d'exploitation. Il ne serait pas assujetti à l'évaluation en application de ce processus. En deçà de certains seuils, on considère généralement que le potentiel d'effet négatif sur l'environnement ou la vie socio-économique n'est pas très préoccupant.
Le président: Il s'agirait donc de très petits projets?
M. Bailey: C'est bien cela. Pour fixer bon nombre de ces seuils, nous nous sommes fondés sur les seuils actuellement prévus dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et son règlement d'application. Nous maintenons essentiellement les mêmes critères quant aux activités qui sont visées et celles qui sont exceptées.
Pour ce qui est des dispositions sur la déclaration, si ce même promoteur qui voulait couper 400 mètres cubes de bois présentait sa demande au gouvernement du Yukon, et si le projet suscitait des préoccupations parce que les arbres que l'on propose de couper se trouvent à un endroit sensible, par exemple une aire de mise-bas du caribou, le gouvernement territorial pourrait, au moyen d'une déclaration, élever cette activité à un niveau où l'évaluation deviendrait obligatoire, à cause de circonstances spéciales, à savoir le lieu sensible. Encore une fois, des lignes directrices orientent l'application d'une telle déclaration. Il faut que le projet proposé se situe dans un endroit sensible ou qu'il y ait des effets cumulatifs. Si l'on propose plusieurs projets de 200 mètres cubes chacun dans le même secteur, le gouvernement territorial pourrait s'inquiéter de l'effet cumulatif.
Si un petit projet de 400 mètres cubes s'étendait de part et d'autre de la frontière entre le territoire d'une Première nation et le territoire du Yukon, pour que le projet soit élevé à un niveau où l'évaluation deviendrait obligatoire, il faudrait que les deux autorités se mettent d'accord et estiment toutes les deux qu'il est justifié de procéder de la sorte.
Si l'une des deux n'est pas d'accord, le projet ne serait pas assujetti à la loi, il suffirait alors d'octroyer le permis et le promoteur pourrait aller de l'avant.
Par conséquent, en cas de désaccord, cela ne va pas faire obstacle au développement ou à l'octroi de permis. Ce qui pourrait y faire obstacle, ce serait au contraire d'élever le niveau des projets de manière qu'une activité restreinte doive obligatoirement faire l'objet d'une évaluation.
J'espère que c'est clair.
Le président: C'est clair, mais cela suscite aussi une inquiétude. Si je voulais couper du bois mais que je voulais éviter de subir une évaluation, au lieu de dire que je veux couper 5 000 mètres cubes de bois, je pourrais dire que je vais couper dix lots distincts de 500 mètres cubes de bois chacun. Il suffirait qu'un seul des trois niveaux de gouvernement juge bon de ne pas procéder à l'évaluation de l'effet cumulatif pour que j'évite toute évaluation.
Je ne cherche pas la petite bête. Je suis certain qu'il y a quelque part une disposition permettant au ministre d'intervenir tout simplement et de décréter que les choses ne se passeront pas comme ça.
M. Nault: C'est encore plus simple que cela. À l'heure actuelle, au Yukon, nous travaillons à un processus de planification de l'utilisation des sols pour l'exploitation forestière qui débouchera sur la mise en place d'un processus très semblable à celui qui est actuellement appliqué par les gouvernements provinciaux; essentiellement, on ne permettra pas à un particulier d'intervenir — enfin, un particulier, oui, mais pas une compagnie. Les compagnies devront présenter une demande et l'on appliquera la réglementation ordinaire sur l'exploitation forestière, réglementation à laquelle nous travaillons en ce moment et depuis un an et demi, et que le Yukon présentera lui- même, afin de pouvoir protéger nos forêts et d'éviter des situations comme celle que vous évoquez.
Par conséquent, un particulier pourra obtenir un permis, mais pas une compagnie. La compagnie devra suivre la procédure de demande rigoureuse mise en place dans le cadre de la structure de gestion forestière.
Le sénateur Christensen: Merci, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer. Bon nombre de mes questions, et j'en ai beaucoup, visent à déblayer le terrain à la fois pour les sénateurs ici présents et dans l'optique des questions qui, je le sais, nous seront posées et des dossiers qui nous seront présentés à mesure que nous entendrons différents témoins sur ce projet de loi.
Premièrement, j'ai remis deux exposés, l'un de la Yukon Chamber of Mines et l'autre de la Yukon Placer Mining Association, dans lesquels on pose un certain nombre de questions. Avez-vous été en mesure d'y répondre?
M. Nault: Je ne les ai pas encore vus.
Le sénateur Christensen: Je vous demanderais, quand vous en aurez pris connaissance, de faire parvenir les réponses au comité.
M. Nault: Oui, je peux faire cela pour vous.
Le sénateur Christensen: Est-ce que vous pourriez, vous-même ou vos collaborateurs, préciser les trois niveaux du processus d'évaluation que l'Office sera chargé d'appliquer? Il y a six régions différentes au Yukon, et je sais que des gens se demandent pourquoi ils se trouvent dans telle ou telle région, pourquoi il n'y en a pas plus ou moins, et cetera. Brièvement, pourriez-vous nous parler des trois niveaux d'évaluation auxquels un promoteur serait assujetti pour l'obtention d'un permis relativement à un projet?
M. Bailey: Les trois nivaux commencent, au niveau le plus bas, par un examen effectué par le bureau désigné. Ces bureaux seront situés dans des localités disséminées sur l'ensemble du territoire, dans les six régions que vous avez mentionnées. On s'attend à ce que ces bureaux s'occupent de la grande majorité des projets, qui sont généralement des projets locaux de petite envergure. Ces évaluations seront faites au niveau local par du personnel des localités visées; et je répète que ces évaluations seront les plus simples.
Le deuxième niveau d'évaluation s'appelle, dans le projet de loi, une pré-étude par le comité de direction. Le comité de direction est une petite partie de l'Office qui effectue l'évaluation des grands projets. Par exemple, l'Office serait directement saisi d'un projet de mines en roche dure, et le comité de direction en ferait une pré-étude. Le comité de direction aurait alors le choix; il pourrait formuler des recommandations à partir de cette première étude, ou bien créer un comité restreint chargé de faire une étude plus détaillée.
Je viens d'évoquer le troisième type d'évaluation, effectué par les comités restreints, qui est la plus complexe. Il y aurait alors des audiences et des témoins, et cetera, dans le cadre d'un processus beaucoup plus étoffé.
Le sénateur Christensen: Est-ce que c'est l'étude par un comité restreint qui déclencherait une évaluation aux termes de la LCEE?
M. Bailey: Cela ne déclencherait pas nécessairement une telle évaluation. Si la décision est prise de créer un comité restreint, si le projet comporte un élément transfrontalier, le comité de direction est tenu ou bien de demander au ministre de l'Environnement s'il aimerait conclure une entente conjointe, ou bien confier tout le projet au ministre de l'Environnement pour qu'il applique le processus de la LCEE.
La raison de cette communication est que l'objectif était de s'assurer que tout projet, qu'il soit situé entièrement ou en partie au Yukon, serait assujetti à un seul processus d'étude par les comités restreints. Nous avons donc prévu un certain nombre d'arrangements conjoints.
Le sénateur Christensen: Il semble y avoir des préoccupations dans le milieu des promoteurs quant à un éventuel problème de capacité, c'est-à-dire que l'Office ne serait peut-être pas en mesure d'assumer sa charge de travail. Pourriez-vous nous exposer brièvement comment vous envisagez l'administration de cet Office? À la fois pour le bureau principal et les bureaux de l'Office dans les six régions, quels effectifs techniques envisage-t-on pour créer et administrer ce processus?
M. Nault: Je vais vous donner une idée générale de la façon dont nous proposons de procéder, après quoi je pourrai vous donner des détails. Ce que nous avons fait et que nous continuerons de faire, c'est d'élaborer un plan de travail potentiel pour une année donnée, avec le coût afférent. Nous avons assez d'expérience pour savoir combien il en coûte pour créer des comités restreints dans les territoires et dans les provinces. Nous avons donc fait une estimation des coûts et établi un budget, que nous avons présenté à l'Office. L'Office crée ensuite un secrétariat qui s'occupe du reste.
Je suppose que nous apprenons tous à mesure que nous prenons de l'expérience. Quand nous avons créé de tels offices pour la première fois dans les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, je pense que personne n'avait prévu l'ampleur de la tâche telle qu'elle est aujourd'hui, et des coûts qui y sont associés, quand ces offices ont été créés aux termes des accords de revendications territoriales.
Je dis cela pour faire comprendre que le gouvernement examinera le budget annuellement, l'objectif étant que ces offices fonctionnent efficacement, avec la capacité voulue pour bien faire leur travail. Nous ne savons pas ce qu'il en est au début; tout dépendra des projets. Si par exemple nous devions construire un pipeline, ce serait un processus très différent et cet office pourrait avoir un rôle à jouer. Même si l'on considérait que cela relève de l'Office national de l'énergie et de la LCEE, les autorités compétentes pourraient être intéressées à travailler collectivement et en collaboration. Je sais qu'il reste beaucoup de détails techniques à régler quant au coût éventuels, mais je ne pense pas qu'on puisse le prédire avec précision au jour le jour ou même d'une année à l'autre.
Le sénateur Christensen: Vous avez dit qu'un office semblable a été créé et fonctionne actuellement dans les Territoires du Nord-Ouest. Je sais qu'il y a eu des problèmes. A-t-on pris en compte ces problèmes pour les évacuer au départ en élaborant ce projet de loi?
M. Nault: J'ose le croire. Je pense toutefois que c'est justement la raison pour laquelle des sénateurs comme vous- mêmes et d'autres intervenants nous aideront à faire en sorte que nous ayons la capacité et les ressources financières voulues. Par exemple, nous avons commencé l'année dernière à augmenter les honoraires des membres de l'Office, parce qu'ils étaient tellement bas dans le Nord que personne ne voulait siéger à l'Office. On perdait de l'argent à faire ce travail, même à temps partiel, à cause du niveau de vie et du coût de la vie dans le Nord. Nous avons changé cela l'année dernière pour être compétitif par rapport à d'autres organismes ailleurs au Canada. Sauf erreur, les offices ont coûté un peu plus de 2,5 millions de dollars au gouvernement fédéral.
Ce n'est qu'un petit exemple qui montre pourquoi ce n'est pas facile de répondre à cette question, tant que nous n'aurons pas acquis un peu d'expérience. Nous avons quand même une bonne idée de ce qui nous attend.
Je vais demander à M. Bailey de vous donner une idée de ce qui se passe à l'arrière-plan. Comme vous le savez, ce projet de loi prévoit des seuils de déclenchement. Nous escomptons que vous l'adopterez dans un avenir pas trop éloigné et nous devrons donc passer à l'action assez rapidement à ce moment-là.
M. Bailey: Au sujet de la capacité, en quelques mots, on a fait pas mal de travail depuis trois ans pour préparer la mise en oeuvre de cette loi une fois qu'elle sera adoptée. Nous avons notamment tenté de faire une estimation de la charge de travail, de l'expertise technique qui sera nécessaire pour assumer la charge de travail prévue. Cette estimation a été faite d'après le bilan historique, en tenant compte des années de pointe pour le développement dans les territoires, et nous avons tenté à partir de là de faire une estimation de la charge de travail et du nombre de professionnels de l'évaluation qui seraient nécessaires dans les divers bureaux désignés.
Jusqu'à maintenant, on a prévu un budget suffisant pour doter tous ces bureaux d'un personnel adéquat, pour assumer la charge de travail prévue, en prévoyant une certaine souplesse pour déplacer les ressources et les gens advenant des fluctuations de la charge de travail. De même, on s'attend à ce que l'Office soit doté d'un appui technique solide, en terme d'évaluation et peut-être dans certains domaines spécialisés comme les mines, le génie, l'eau, et cetera. Ces personnes seraient à la disposition de l'Office et aussi des bureaux satellites, en fonction des besoins. Voilà ce qu'on envisage actuellement, en termes de budget et de planification de la mise en oeuvre.
Le sénateur Christensen: Quelle est la compétence actuelle de l'Office sur les projets existants? Peut-il recommander des changements? Peut-il annuler des projets qui étaient déjà en cours avant l'entrée en vigueur de cette mesure législative?
M. Bailey: L'Office ne peut pas annuler quoi que ce soit. L'Office aurait compétence sur un projet existant seulement si le gouvernement responsable du projet en faisait la demande. Par exemple, dans le cas d'une mine relevant des autorités fédérales, le gouvernement fédéral pourrait demander qu'on fasse une évaluation de ce projet.
Le sénateur Christensen: Cela déclencherait l'évaluation?
M. Bailey: Il faut qu'on en fasse la demande. L'Office ne déciderait pas de le faire de son propre chef.
Le sénateur Christensen: La Première nation du Yukon n'a pas encore signé son entente. Quelle protection est prévue dans ce projet de loi pour ces Premières nations, pour les terres qui ont été mises de côté et qui sont visées par le processus de négociation? Quelle protection est prévue dans cette loi pour leurs terres?
M. Bailey: Avant que leurs revendications ne soient réglées, ce processus leur permet de participer davantage à toute évaluation d'activités se déroulant dans leur secteur. De plus, si une autorisation gouvernementale est accordée et vise un territoire ancestral, disons par exemple le territoire des Nisga'a, le gouvernement est tenu de consulter avant de rendre sa décision en réponse aux recommandations. Ils ont donc une protection supplémentaire en ce sens qu'ils doivent être consultés avant même que le gouvernement puisse publier un document de décision aux termes de ce processus, sans même parler de délivrer un permis d'exploitation forestière ou minière ou quoi que ce soit.
Quant à la protection intérimaire des territoires qui sont actuellement visés par une protection provisoire, elle demeure en place en raison des ordonnances de mise de côté qui ont été émises relativement à ces territoires potentiels. Le processus envisagé n'a aucune incidence là-dessus. Quant à un permis délivré par un organisme de réglementation ou un gouvernement, il serait impossible d'émettre de tels permis dans certains secteurs, peu importe les résultats de l'évaluation, à cause des ordonnances de mise de côté qui l'interdisent.
Le sénateur Christensen: Les secteurs qui ont ainsi été mis de côté relèvent toujours du gouvernement du Canada?
M. Bailey: Ils ont été mis de côté par un décret du conseil, oui.
Le sénateur Christensen: Si des projets étaient proposés dans ces secteurs, on ne pourrait les mettre à exécution avant la conclusion d'une entente de règlement.
Les Premières nations du Yukon, qui ne reconnaissent pas l'UFA dans l'élaboration de ce projet de loi, auront-elles leur mot à dire dans le processus de négociation des conditions définitives de ce projet de loi?
M. Bailey: Comme le ministre l'a dit, nous avons travaillé à ce dossier en collaboration, essentiellement avec le Conseil des Premières nations du Yukon. Toutes les ébauches de ce projet de loi que nous avons remises à titre d'information au Conseil des Premières nations du Yukon ont également été remises aux Premières nations que le conseil ne représente pas. Nous offrons, et nous avons eu un certain nombre de discussions bilatérales avec les deux Premières nations Kaska, celle de Laird River et de Ross River, et aussi avec les Kwanlin Dun Nahani de Whitehorse. Les Kwanlin Dun nous ont écrit.
Le chef a dit que le Conseil des Premières nations du Yukon les représenterait dans ce dossier et ils ont retiré par la suite cette procuration. Nous avons alors amorcé des discussions bilatérales avec eux. Ils ont reçu le même nombre d'ébauches et ont eu les mêmes possibilités de faire connaître leurs points de vue que toutes les autres Premières nations du territoire.
Cela dit, je dois vous dire qu'ils ne se sont pas tous prévalus de ces possibilités aussi souvent que le Conseil des Premières nations du Yukon, mais on leur a donné à tous les mêmes possibilités de prendre connaissance des ébauches du projet de loi et de faire connaître leurs points de vue.
Le sénateur Christensen: On leur a donné la possibilité; quant à savoir s'ils en ont profité, c'était à eux d'en décider, n'est-ce pas?
M. Bailey: Exactement.
Le sénateur Christensen: Il y a également eu des critiques de la part des municipalités et des Premières nations qui habitent à l'extérieur du Yukon, mais qui ont des territoires au Yukon, notamment les Tetlin Gwitch'in et les McKenzie. Ces gens-là estiment qu'ils devraient avoir un représentant à l'Office. Qu'avez-vous à dire là-dessus?
M. Nault: Notre position est que le gouvernement territorial représente les municipalités. Par conséquent, les sièges à l'Office seront réservés aux territoires, aux Premières nations du Yukon et à nous, bien sûr, à titre d'auteurs de la stratégie. C'est semblable à toutes les lois adoptées au Canada, dans les provinces, et cetera. Les municipalités sont créées par des lois territoriales ou provinciales et elles sont donc représentées par le gouvernement en place.
Évidemment, il y a toujours une question de chevauchement des revendications territoriales des Premières nations qui ont un territoire ancestral situé en partie au Yukon, mais dont la population habite en dehors du territoire. Notre position a toujours été qu'ils sont représentés d'une manière ou d'une autre par leur propre territoire et qu'ils peuvent toujours faire des démarches auprès des offices. C'est ainsi que nous voyons les choses.
Le sénateur Christensen: S'il y avait un projet sur lequel ils avaient compétence, c'est cet organisme qui serait chargé de rendre la décision et de donner le feu vert au projet, n'est-ce pas?
M. Nault: Pourriez-vous nous donner un exemple précis?
Le sénateur Christensen: Les Tetlin Gwitch'in du delta du Mackenzie administrent des terres au Yukon. Si l'on prévoyait un projet sur ce territoire, c'est eux qui seraient chargés de rendre la décision, n'est-ce pas?
M. Bailey: Si le projet était situé sur leur territoire, ils prendraient la décision. Ils possèdent des terres en fief simple au Yukon. C'est eux qui prennent la décision.
M. Nault: Vous vouliez dire qu'ils possèdent des terres en fief simple?
Le sénateur Christensen: Oui.
M. Nault: Je pensais qu'il y avait quelque chose qui m'échappait. Je pensais que vous parliez d'une revendication territoriale.
Le sénateur Christensen: Non, les terres en fief simple.
Le président: Avant de passer à autre chose, je veux être sûr de bien comprendre. Dans la région de Peel River, ils ont des terres sur lesquelles ils possèdent des droits ancestraux, mais en plus ils possèdent ces terres en fief simple. C'est bien cela?
M. Nault: Oui.
Le président: Dans ce cas, ils deviendraient, par définition, d'après le projet de loi, un organisme décisionnaire relativement à un projet situé sur les terres en question. Est-ce exact?
M. Bailey: S'il y a une autorisation à donner, par exemple la délivrance d'un permis, ce serait à eux de prendre la décision.
Le sénateur Christensen: Des ébauches de règlement ont été diffusées pendant les consultations sur ce projet de loi, et ces règlements ont été critiqués; on a dit qu'ils étaient incohérents et contradictoires et que les seuils de déclenchement étaient fixés trop bas dans bien des cas. Aura-t-on dissipé toutes ces préoccupations quand le règlement définitif sera établi? C'est le règlement qui effraie bien des gens.
M. Nault: Quand vous dites que les seuils de déclenchement sont trop bas, pouvez-vous nous en donner un exemple pour que l'on sache ce que les gens veulent dire exactement par là?
Le sénateur Christensen: Je n'ai pas d'exemple. Cependant, en lisant le compte rendu de certaines réunions et des documents d'information, j'ai remarqué que, d'après certaines critiques, les seuils de déclenchement seraient trop bas pour différents projets. On réclame des seuils plus élevés pour pouvoir mener plus de projets sans évaluation.
M. Bailey: Deux précisions pourraient être utiles à ce sujet.
Premièrement, au sujet du règlement et de son élaboration, nous avons en effet diffusé en 1998 des ébauches reflétant ce que nous espérions voir dans ce règlement. Nous avons alors obtenu une certaine rétroaction et des améliorations ont été apportées.
On a recommencé l'opération en 2001 et nous avons reçu de nouvelles suggestions d'améliorations. C'est un processus continu. Des améliorations ont été apportées parce que nous partageons l'objectif, à savoir un règlement qui serait sans équivoque. Nous voulons que tout soit bien clair quant à ce qui est visé et ce qui ne l'est pas.
Les préoccupations relativement aux seuils à partir desquels les activités sont assujetties ont été soulevées par la Chambre des mines de Colombie-Britannique et du Yukon, relativement à ce qu'on appelle des permis d'utilisation des sols à des fins d'exploitation minière de catégorie 2. Certains seuils d'activité pour l'obtention de ces permis sont plus bas que ceux fixés pour l'obtention d'un permis territorial d'utilisation des sols. Les intervenants estiment qu'il y a une certaine injustice en ce sens qu'il leur faudrait faire évaluer leurs projets, tandis que quelqu'un qui aurait un permis territorial n'y serait pas astreint.
Ils ont obtenu des rencontres et des entretiens sur cette question, notamment avec moi. Certains d'entre eux ont rencontré le ministre il y a à peu près un an. Nous n'avons pas entendu parler d'eux depuis que je leur ai envoyé une lettre, mais nous croyons comprendre qu'ils semblent maintenant comprendre pourquoi le système a été établi de cette façon. Ce n'est que récemment que nous avons entendu dire qu'il subsistait peut-être encore des préoccupations sur cette question.
Le sénateur Christensen: Le coût des évaluations et le financement accordé aux intervenants sont devenus un élément important du processus d'évaluation, mais la mesure proposée est muette sur ce point, sauf lorsque le gouvernement demande une évaluation mettant en cause une grande politique.
Pouvez-vous nous parler du coût pour le promoteur? Partout dans le projet de loi, on ne souffle mot de ce qu'il adviendra du promoteur, lequel est, après tout, la personne la plus directement touchée par toute cette affaire.
M. Bailey: Pour ce qui est du coût de l'évaluation elle-même, il est assumé par le gouvernement. Comme le ministre l'a dit tout à l'heure, des budgets annuels seront remis par l'Office en son propre nom et en celui des divers bureaux et le ministre les examinera et les approuvera.
Le coût des évaluations sera à la charge du gouvernement. Il n'y aura pas de frais, si c'est ce qui inquiète les gens.
Le sénateur Christensen: Le promoteur ne sera-t-il pas tenu de fournir dans sa demande passablement d'informations sur son projet?
M. Bailey: Assurément. C'est déjà le cas. Quand un promoteur propose une activité qui sera assujettie à l'évaluation ou à la réglementation, on lui demande de fournir passablement d'informations, pour que l'organisme de réglementation puisse décider s'il y a lieu de délivrer un permis. Un promoteur sera tenu de fournir cette information, pour que les évaluateurs aient une idée des éventuelles répercussions.
Le sénateur Christensen: Tout cela fera partie des règles et procédures que l'Office établira au cours des 18 mois précédant son entrée en fonction, n'est-ce pas?
M. Bailey: Oui. L'Office fixera les exigences en matière d'information et établira ce qui constitue un dossier complet pour qu'un projet puisse être évalué.
Le sénateur Christensen: Ce processus, si je comprends bien, est public, de sorte que beaucoup d'intervenants peuvent participer à l'élaboration des règles et des règlements de l'Office. Est-ce bien cela? Les industriels et tous les autres intervenants auront encore leur mot à dire avant que tout cela soit finalisé.
M. Bailey: Les règles doivent obligatoirement être publiées dans la Gazette et un avis doit être publié dans un périodique de grande diffusion, comme le Yukon News ou le Whitehorse Star. Ainsi, les gens seront mis au courant au moins 60 jours avant que le tout soit finalisé et pourront faire connaître leurs points de vue. C'est exigé dans le projet de loi.
Ayant participé à l'élaboration des règles pour l'Office des eaux, je sais que beaucoup de consultations ont lieu avant qu'on aboutisse à quelque chose de définitif. Comme le ministre l'a dit dans son allocution, je pense qu'on peut s'attendre à ce que l'office nommé dans le cadre de ce processus adopte également une approche de ce genre.
Le sénateur Christensen: Il est important d'insister là-dessus, pour que les gens se rendent compte que ceci n'est pas le point final. Ils ont encore beaucoup de possibilités d'intervenir et de provoquer des changements.
Je n'ai pas d'autres questions.
Monsieur le ministre, je dois m'excuser. Mon personnel m'a informée que l'on a répondu aux questions et que les réponses ont été envoyées à mon bureau. Je les ai et je vais d'ailleurs les communiquer à l'office.
M. Nault: Je me sens beaucoup mieux. Je suis habituellement assez rapide.
Le président: Merci, messieurs, d'avoir été aussi généreux de votre temps.
J'espère que vous accepterez, si jamais nous avons des questions à vous poser plus tard, comme nous en avons toujours après votre départ, d'y répondre par courrier. Nous vous inviterons peut-être à revenir vous entretenir avec nous, quand nous verrons comment tout cela est mis en oeuvre.
Dans l'intervalle, je vous remercie beaucoup d'être venus nous rencontrer ce matin.
La séance est levée.