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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 13, Témoignages du 29 avril 2003


OTTAWA, le mardi 29 avril 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi instaurant un processus d'évaluation des effets de certaines activités sur l'environnement et la vie socioéconomique au Yukon, se réunit aujourd'hui à 17 h 05.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est réuni pour examiner les questions relatives au projet de loi C-2 dont il est saisi.

Avant de céder la parole à nos témoins, je voudrais présenter les membres du comité: le sénateur Milne, le sénateur Finnerty, le sénateur Merchant et le sénateur Kenny.

Monsieur Lee, vous avez la parole.

M. Gary Lee, ancien président, Chambre des mines du Yukon: C'est un honneur pour moi d'être invité à parler au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles du projet de loi C-2, Loi instaurant un processus d'évaluation des effets de certaines activités sur l'environnement et la vie socioéconomique au Yukon, que nous appelons plus brièvement la LEESY. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue au comité.

La Chambre des mines du Yukon et l'Association des prospecteurs du Yukon représentent les sociétés minières, les prospecteurs, les géoscientifiques et les sociétés de services et d'approvisionnement du secteur minier.

Le Yukon connaît une crise économique. En 2002, les contribuables du Sud du Canada ont financé 81 p. 100 des facteurs de production primaire de notre économie. Cela revient à dire que 19 p. 100 seulement de l'économie du Yukon relève de sources non gouvernementales. Les habitants du territoire trouvent cette situation odieuse.

Un autre fait est également alarmant: d'après le recensement de 1996, le Yukon avait une population de 37 766 habitants, qui a chuté à 26 747 en 2001. Cela représente une baisse d'environ 7 p. 100, qui se poursuit encore.

Comme le secteur privé ne crée que peu de nouveaux emplois, le Yukon perd un nombre alarmant de jeunes, qui s'en vont vivre ailleurs. La perte de nos jeunes est particulièrement ressentie dans les petites collectivités, essentiellement autochtones. Nous perdons également beaucoup de nos travailleurs qualifiés. Sur le plan économique, cette situation est intenable.

Le vieillissement de la population du Yukon s'accélère à un rythme rapide. Cette dépopulation du territoire est inacceptable: notre économie n'est plus viable et nous dépendons de plus en plus des habitants du Sud.

J'ai travaillé dans la brousse pendant 28 ans. Je ne suis moi-même qu'à quatre ans de l'âge de 60 ans. Mes collègues ont en moyenne entre 40 et 50 ans. Or, à mon arrivée au Yukon, je travaillais généralement avec des gens de mon âge ou plus jeunes que moi.

Depuis la fameuse ruée sur l'or du Klondike de 1898, la prospection et l'exploitation minière constituent les éléments de base du secteur privé au Yukon. Toutefois, depuis le milieu des années 90, les investissements dans le secteur de l'exploration ont rapidement baissé à cause de la confusion et de l'incertitude causées par le processus réglementaire d'évaluation environnementale et par les restrictions sur l'accès aux terrains.

Au cours du processus de consultation portant sur le projet de loi C-2, nous avons eu l'occasion d'examiner le règlement envisagé. Nous avons signalé à ce moment les graves préoccupations que suscitait ce règlement et avons demandé la révision de certaines dispositions. On nous a informés que nous aurions l'occasion de porter nos préoccupations à l'attention du comité de la Chambre des communes. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. On nous a seulement permis de présenter des observations sur le projet de loi. Jusqu'ici, il n'y a pas eu de vraies consultations sur le projet de règlement. Pour nous, c'est un problème critique en ce moment.

Nous avons d'autres préoccupations importantes au sujet de la LEESY, notamment en ce qui concerne les délais, les projets existants, les règles de l'Office, les bureaux de district et l'examen quinquennal. Comme la Chambre de commerce du Yukon doit aborder ces points, nous ne les examinerons pas ici.

C'est peut-être la seule occasion que nous aurons de présenter des observations sur le projet de règlement. Nous venons de recevoir un avis du ministère de la Justice, qui s'attend à le publier cet été. Voilà pourquoi nous avons axé notre exposé d'aujourd'hui sur cette question.

Nous aurons à appliquer le règlement sur une base quotidienne. Et, comme chacun le sait, c'est dans les détails qu'on trouve les plus grandes difficultés. Par exemple, il est proposé qu'un camp d'exploration minière soit assujetti à l'examen prévu par la loi après 150 jours-personnes de travail sur une concession. Si cinq personnes passent plus d'un mois dans un camp, le projet doit faire l'objet d'un examen. C'est ridicule, car un petit camp d'exploration ne peut pas sensiblement nuire à l'environnement après 30 jours.

Le Québec et l'Ontario, par exemple, n'ont pas de limite sur le temps passé dans un camp d'exploration. Je précise que nous parlons ici d'exploration et de prospection et non d'exploitation minière. L'exploitation est un processus différent qui nécessite de discuter d'un nombre beaucoup plus important de questions compliquées.

Les camps d'exploration posent un autre problème: la confidentialité est indispensable. Aux termes du règlement envisagé, les prospecteurs pourraient être tenus de divulguer des questions confidentielles avant d'avoir acquis des droits d'exploitation. Si l'on veut pouvoir attirer des investissements, il faut pouvoir garder le secret.

Voici quelques exemples d'exigences déraisonnables relatives aux permis. Le projet de règlement contient une douzaine de dispositions que nous essayons de faire modifier pour que le Yukon soit sur un pied d'égalité avec les provinces.

Mes collègues et moi avons fait énormément de recherches pour connaître les règlements qui s'appliquent ailleurs au Canada. Nous avons essayé à plusieurs reprises dans le passé d'amener les bureaucrates à adopter les pratiques qui ont réussi le mieux dans les autres provinces et territoires du Canada. Nos efforts n'ont pas abouti. Aujourd'hui, nous voulons qu'on nous permette de montrer les résultats de nos recherches.

Les bureaucrates ne prendront pas ce genre de décisions de nature politique. Voilà pourquoi nous insistons sur ce point devant le comité.

Pour résoudre ces problèmes, il faut que le règlement d'application du projet de loi soit acceptable et donne aux habitants du Yukon des chances égales d'attirer des investissements en concurrence avec les autres provinces et territoires du Canada. Il est également important de se rendre compte que le processus d'évaluation des activités de développement prévu dans l'Accord-cadre définitif ne visait que les grands projets. Sans modification, le règlement imposera un très lourd fardeau financier et administratif aux particuliers et aux petites entreprises.

Les gens du Yukon voudraient pouvoir appliquer des solutions conçues dans le territoire même pour régler les problèmes d'utilisation des terres. La Chambre des mines du Yukon et l'Association des prospecteurs du Yukon demandent à participer à l'élaboration du règlement. Pouvez-vous trouver un moyen de nous aider avant que tout cela se transforme en fait accompli dans le processus réglementaire fédéral?

À la suite d'une réunion de sénateurs le vendredi 2 mai à Whitehorse, le sénateur Christensen nous a demandé de présenter d'autres documents à l'appui de notre point de vue. Nous avons distribué 30 exemplaires de ces renseignements supplémentaires.

Nos recherches se fondent sur des sources canadiennes et visent à favoriser l'idée des chances égales pour l'ensemble des provinces et territoires du Canada. En gardant cela à l'esprit, vous verrez que toute la recherche est représentée dans ce tableau. Nous avons assisté à une réunion de prospecteurs et de promoteurs à Toronto et y avons rencontré des responsables de la réglementation du Québec et de l'Ontario.

Nous avons fait des recherches sur leur législation et avons retenu les services d'un consultant torontois, qui a fait ce travail pour environ 10 000 $. Voilà toute la documentation que nous avons apportée conformément à la demande du sénateur Christensen.

Au Yukon, nous avons une réglementation régissant l'utilisation des terrains miniers qui a été adoptée par le Parlement du Canada. Nous avons choisi les bonnes catégories tirées de notre législation et les avons comparées à celles de l'Ontario et du Québec. Nous présentons nos recommandations dans la dernière colonne. Le thème de base est de nous accorder des chances égales par rapport aux autres provinces et territoires du Canada qui ont les pratiques les plus avantageuses.

Notre projet de loi comprend environ 17 dispositions, dont 12 nous causent de graves préoccupations. Je n'insisterai pas sur ce point.

Nous avons inclus des photocopies de documents contenant des renseignements et des statistiques sur l'économie du Yukon. Les chiffres remontent au milieu des années 90. La partie bleue montre que le secteur privé — qui comprend essentiellement la mise en valeur des ressources minières — représente 41 p. 100 de l'économie. En bas, le rouge montre que le secteur public représente maintenant plus de 81 p. 100 et que la part du secteur privé a diminué. C'est la principale conclusion qu'on peut tirer de cette documentation.

Ce document est la réponse du gouvernement fédéral au rapport final du Comité permanent des ressources naturelles sur la rationalisation de la réglementation environnementale du secteur minier. L'honorable Anne McLellan a déposé ce rapport en mars 1997. Beaucoup de ce que nous demandons fait partie de la politique gouvernementale. Nous souhaitons que le gouvernement du Canada applique cette politique, ce qu'à notre avis, il n'a pas fait jusqu'ici.

Si les sénateurs demandaient aux bureaucrates si nous avons été consultés, ils répondraient oui. Toutefois, cela ne s'est pas vraiment produit. Lorsque nous avons reçu la documentation, nous ne savions pas que la réglementation serait modifiée en même temps que la loi. Nous nous rendons compte maintenant qu'il y a deux processus distincts: le législatif et le réglementaire. Il s'agit d'un accord tripartite englobant le processus réglementaire. Nous ne savions pas que ces dispositions entreraient en vigueur cet été. Nous pensions qu'il y aurait un autre processus. C'est la raison pour laquelle nous avons apporté cette documentation aujourd'hui.

Nous avons appris du gouvernement territorial et du gouvernement fédéral que la liste des projets et le règlement sont actuellement entre les mains des rédacteurs juridiques du ministère de la Justice, qui doivent finir leur travail au cours de l'été 2003. Nous l'avons appris, à notre très grande surprise, le 15 avril 2003.

Nous avons fait connaître nos préoccupations au cours du processus de consultation. Nous avons clairement dit que nous voulons participer à l'élaboration des règlements. Nous découvrons aujourd'hui que c'est presque un fait accompli.

J'attire l'attention sur l'étude effectuée par le comité de la Chambre des communes, qui a fait abstraction de tout cela. Il est donc d'autant plus important pour nous de faire connaître notre point de vue au Sénat. Lorsque nous avons présenté un mémoire au comité de la Chambre des communes, cette question figurait parmi beaucoup d'autres, mais nous ne savions pas alors que les choses évolueraient ainsi.

Le comité de la Chambre a demandé que le règlement lui soit renvoyé pour examen, mais, comme je l'ai dit, ce sont les détails qui suscitent le plus de difficultés. Quand la question a été mise aux voix, nous avons pensé que nous pourrions revenir dans le cadre de consultations publiques, mais le vote a été négatif.

Par conséquent, cette question n'a fait l'objet d'aucune consultation. Je ne peux pas parler au nom d'autres groupes d'affaires ni de la Première nation Kwanlin Dun, mais je sais que tous les groupes s'attendaient à des consultations. Ils seront tout surpris qu'il n'y en ait pas.

Le président: Madame Ledwidge et monsieur McIntyre, nous aimerions disposer du maximum possible de temps pour les questions. Compte tenu de l'exposé de M. Lee, avez-vous quelque chose d'important à ajouter?

Mme Ann Ledwidge, directrice, Klondike Placer Miners' Association: J'aimerais aborder un certain nombre de détails.

Je suis géologue et consultante à la Placer Miners' Association. Je viens de Dawson City, au Yukon, et comparais au nom de la Klondike Placer Miners' Association. Je suis ici sur une base volontaire parce que la question à l'étude me tient beaucoup à cœur et que le projet de loi aura des effets sensibles sur la viabilité du secteur de l'exploitation des placers et sur notre collectivité.

Je suis accompagnée de Mme Christie, présidente de la Klondike Placer Miners' Association. Notre association représente les exploitants de placers du Yukon, qui comprennent actuellement une centaine d'entreprises familiales. Ce secteur, qui est l'un des plus importants employeurs privés du Yukon, rapporte chaque année environ 40 millions de dollars à l'économie territoriale.

Depuis la ruée sur l'or du Klondike en 1898, l'exploitation des placers n'a touché que moins de 0,2 p. 100 des terres du Yukon. Nous avons plusieurs fois exprimé nos préoccupations au sujet du projet de loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, ou LEESY, depuis les tout premiers stades.

Comme l'a dit M. Lee, les occasions qui nous ont été données de discuter du projet de loi et de formuler des commentaires à son sujet ont été plutôt rares. Le règlement n'a fait l'objet d'aucune discussion. Nous n'avons encore reçu aucune réponse indiquant de quelle façon le gouvernement s'occupera de nos préoccupations. Rien d'ailleurs ne nous dit qu'on en tiendra compte. Nous sommes donc heureux d'avoir l'occasion de présenter notre point de vue ici aujourd'hui.

Nous estimons que le projet de loi C-2 ne parvient pas à établir un équilibre raisonnable entre l'environnement et les objectifs socioéconomiques et a, de ce fait, des conséquences sérieuses sur notre vie.

Nous croyons que le projet de loi doit prendre en considération et protéger l'équité procédurale et la justice naturelle. Les intervenants doivent avoir l'occasion d'examiner les mesures envisagées et de présenter des observations. Par exemple, lorsqu'un exploitant de placer présenter une demande relative à une concession d'eau, il devrait avoir l'occasion d'examiner toute intervention faite par d'autres parties et d'y répondre afin de clarifier ou de réfuter leurs arguments. La LEESY ne donne pas au demandeur le droit de recevoir des copies des lettres d'intervention. C'est là une lacune sérieuse à laquelle il faut remédier.

Nous avons actuellement un processus acceptable de délivrance de licences au secteur de l'exploitation des placers du Yukon, qui est géré par l'Office des eaux du territoire du Yukon et qui respecte les règles de la justice naturelle et de l'équité procédurale. Toute information est publique et chacun a le droit d'être entendu. Ce processus doit être maintenu dans le cadre de la LEESY.

Il y a également un problème lorsque les documents de décisions des différents organismes ne concordent pas. Dans le cas du secteur de l'exploitation des placers, l'Office des eaux du territoire du Yukon ne peut pas délivrer une licence si le document de décision n'est pas conforme à ceux d'autres ministères. Il faut mettre en place un processus permettant de concilier les différents documents de décision dans des délais raisonnables.

Cet aspect est extrêmement important compte tenu du fait que le ministre des Pêches et des Océans a annoncé la révocation de l'Autorisation d'exploiter des placers au Yukon. La coordination est importante à cause du manque de coopération, de l'antagonisme et des préjugés manifestés par les responsables locaux du MPO au cours des récentes audiences tenues à Fifty Mile River.

Sans l'Autorisation d'exploiter des placers au Yukon, il n'y a pas de lignes directrices claires pour déterminer ce qui est permis ou interdit sur un cours d'eau donné. Il appartient au personnel local du ministère des Pêches et des Océans de rendre une décision, qui peut être contraire à celle de l'Office des eaux du Yukon. Qu'arrivera-t-il aux demandes de concession d'eau? Rien n'est prévu à ce sujet dans la LEESY.

Les projets existants ne doivent pas être réévalués. Cela serait contraire au principe de certitude requis aux termes de la LEESY et de l'Accord-cadre définitif.

Pourquoi un exploitant de placer investirait-il toutes les économies de sa famille si les règles peuvent changer après l'approbation d'un projet? Pour qu'un projet existant soit soumis à une évaluation, il faudrait que le promoteur y apporte un changement important nécessitant la modification de l'autorisation délivrée.

Aux termes du projet de loi, le public doit être consulté durant l'élaboration du règlement. Nous ne pouvons pas accepter que le règlement soit exclusivement rédigé par un nombre limité de fonctionnaires. Or c'est ce qui s'est produit jusqu'ici.

Même si on vous a dit que le règlement a fait l'objet de consultations publiques, nous n'avons pas eu l'occasion de participer à des consultations utiles ou d'exprimer notre point de vue autrement qu'en essayant d'entrer en contact avec les trois négociateurs représentant les trois parties. En dépit du fait que la KPMA a demandé à plusieurs reprises que des consultations soient organisées, nos préoccupations n'ont suscité aucune réponse et, à notre connaissance, on n'a pas plus tenu compte des préoccupations exprimées par d'autres.

Des consultations publiques ne peuvent pas se limiter au simple fait de fournir un exemplaire du règlement au public. Or c'est tout ce qui a été fait.

C'est une lacune extrêmement grave à laquelle il faut remédier immédiatement car le règlement contient des défauts graves. Malheureusement, les points que je vais aborder ne sont pas exposés en détail dans notre mémoire au comité. On nous a demandé de ne pas aborder le règlement au niveau parlementaire et nous avons supposé que c'était également le cas ici. Je vous demande donc d'accorder une attention particulière aux observations qui suivent.

La KPMA s'oppose énergiquement à ce que soient incluses toutes les activités minières de la classe II comme le propose le règlement actuel. Il s'agit des activités d'exploitation mentionnées par M. Lee. En vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ces activités de la classe II ne nécessitent pas une évaluation environnementale. Il n'y a aucune raison de les inclure dans la LEESY. Nous croyons que c'est là une décision arbitraire qui ne tient pas compte des seuils actuellement applicables à l'examen environnemental préalable.

L'examen de ces activités de bas niveau compromettra la confidentialité garantie par les règlements sur l'exploitation minière. Toute information deviendrait alors publique.

L'absence de confidentialité découragera les gens d'investir au Yukon. En effet, pourquoi les gens investiraient-il dans le territoire si l'information concernant leur projet n'est pas tenue confidentielle comme elle le serait ailleurs dans le pays?

De plus, les incidences de l'évaluation des activités de classe II aux termes de la LEESY seraient désastreuses pour les prospecteurs et les exploitants miniers. Il s'agit en général de petits tests effectués chaque année à des fins d'évaluation afin d'obtenir le renouvellement des concessions minières.

Qu'arriverait-il alors si un exploitant minier est incapable d'effectuer le travail dans l'année à cause de retards excessifs découlant du processus évaluation? L'exploitant ne serait alors pas en mesure de renouveler sa concession. Cela aurait des effets particuliers sur les concessions situées dans des terres de catégorie A faisant l'objet d'un règlement avec une Première nation. En cas d'expiration de la concession, le terrain en cause ne pourrait plus jamais être prospecté.

Aux termes du règlement envisagé, les ouvrages de franchissement de cours d'eau utilisés pour l'exploration ou l'exploitation de placers font automatiquement l'objet d'une évaluation tandis que les ouvrages semblables destinés à toute autre activité, y compris l'exploitation du quartz, les activités industrielles, l'agriculture ou même les activités récréatives, ne sont pas soumis à l'évaluation.

Pourquoi cette discrimination flagrante? Le ministère des Pêches et des Océans est-il intervenu dans ce cas aussi?

Cela s'applique également à la modification du chenal ou des berges des petits cours d'eau intermittents. La décision unilatérale et malavisée prise le 16 décembre par le ministre des Pêches et des Océans pour révoquer l'Autorisation d'exploiter des placers au Yukon met en évidence l'approche totalement injuste et partiale adoptée à l'égard des exploitants de placers du Yukon.

La LEESY comporte un processus de délivrance de permis qui peut être amélioré. Les valeurs fondamentales d'équité procédurale et de justice naturelle doivent être inscrites et protégées dans le projet de loi. Il faut également y prévoir des dispositions à prendre en cas de décisions contradictoires, particulièrement dans le cas des concessions d'eau. Les projets existants ne devraient pas faire l'objet d'une évaluation. Il faut également tenir compte des observations formulées par le public dans la rédaction du règlement, qui nécessite des modifications précises en ce qui concerne les seuils d'utilisation des terres à des fins d'exploitation minière, les ouvrages de franchissement des cours d'eau et la modification du chenal et des berges des petits cours d'eau.

Même si nous avons déjà exprimé les mêmes préoccupations devant un comité parlementaire, rien n'a changé. Nous craignons, comme il s'agit d'une entente tripartite négociée entre le gouvernement fédéral, les Premières nations et le gouvernement territorial du Yukon, que ce comité sénatorial ne soit pas en mesure d'apporter des changements. Nous espérons néanmoins que ce ne sera pas le cas.

La KPMA vous exhorte à maintenir les objectifs relatifs à la LEESY prévus dans l'Accord-cadre définitif et vous demande de tenir compte de notre mémoire détaillé.

M. Rob McIntyre, trésorier, Chambre de commerce du Yukon: Je voudrais présenter des observations sur deux points. J'ai également une demande à formuler.

Nous tenons à vous détromper si vous croyez qu'il y a eu de vraies consultations sur le projet de loi. Ce n'est absolument pas le cas. Vous avez peut-être entendu parler de «projet de loi fait au Yukon», ce qui, j'en suis sûr, tend à vous faire croire à l'existence d'un processus ayant permis d'aboutir à une mesure législative bénéficiant de vastes appuis dans le public. Cela est très loin de la vérité.

La plupart des gens ne savent rien de ce projet de loi élaboré dans le cadre du règlement des revendications territoriales des Indiens du Yukon, que tout le monde appuie, y compris la Chambre de commerce du Yukon. Toutefois, ce n'est pas ainsi que les choses se sont faites.

Il y a eu un groupe de travail d'organisations non gouvernementales qui a procédé à ce qu'on a appelé des «consultations». À notre avis, comme de l'avis de la plupart des gens prétendument consultés, il s'agissait davantage de la promotion d'un projet adopté d'avance. Personne n'a eu l'occasion de présenter son point de vue.

Mon second point est le suivant: le projet de loi a des défauts qui peuvent nuire sensiblement à l'économie du Yukon, aux industries productrices de richesse et aux entreprises du territoire. Voilà les deux grands points que je voulais aborder.

Nous souhaitons participer à la mise en œuvre du projet de loi. On prévoit une période de mise en œuvre de 18 mois. La Chambre de commerce du Yukon voudrait être consultée à ce sujet. Nous avons également demandé un examen quinquennal, auquel nous voulons aussi participer. Je crois que vous entendrez plus tard d'autres témoins qui demanderont également un tel examen.

Il n'y a pas eu de vraies consultations. Le projet de loi a des défauts. Nous voulons maintenant participer au processus qui va suivre. Il est temps que le règlement des revendications territoriales aboutisse à des résultats aussi bien pour les bénéficiaires que pour les non-bénéficiaires. Ce règlement aura des incidences sur tous les habitants du Yukon, qui doivent avoir la possibilité de participer à la mise en œuvre du projet de loi.

Nous vous demandons de transmettre ce point de vue aux parrains du projet de loi quand vous le renverrez à la Chambre des communes. Je ne connais pas vraiment la procédure, mais nous sommes venus ici pour essayer d'obtenir que votre comité demande notre participation à la mise en œuvre.

Je ne vous lirai pas notre mémoire. Il contient des détails techniques que la Chambre des mines nous a demandé de vous transmettre. Vous avez notre mémoire en main. D'autres organismes ont fait la même chose que la Chambre de commerce. Au lieu d'éparpiller nos observations, nous avons concentré notre attention sur quelques questions importantes qui peuvent faire l'objet de modifications. Nous examinons ces questions dans notre mémoire.

Je suis maintenant prêt à répondre à toute question que vous pourriez avoir, monsieur le président.

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, est-ce que le comité a reçu des témoignages au sujet des consultations? Connaissons-nous le point de vue du gouvernement sur ce qui a été fait?

Le président: Nous avons reçu des témoignages de représentants du gouvernement au sujet des consultations. Nous connaissons l'autre point de vue.

Le sénateur Kenny: Savons-nous à qui nous adresser au gouvernement s'il est nécessaire de procéder à d'autres consultations?

Le président: Je crois que oui.

Mme Ledwidge: Puis-je formuler une observation ce sujet? Quand j'ai pris connaissance des délibérations du comité parlementaire en décembre, j'ai vu que le négociateur fédéral a dit qu'il y a eu des consultations publiques et que cela se trouvait dans la documentation. Je soutiens cependant que le fait de fournir de la documentation ne constitue pas de la consultation.

Le président: Je vous assure que si le Sénat le souhaite, il dispose de différents moyens d'action. Il ne manque certes pas de pouvoirs dans ce domaine. Cela ne signifie pas que le Sénat interviendra nécessairement, mais il peut le faire.

Chacun estime qu'il n'y a pas eu de consultation à moins que ce qu'il a dit se reflète concrètement dans les mesures prises par la suite. De part et d'autre, cela n'est pas nécessairement vrai et cela s'applique des deux cotés.

Comme elle connaît bien le sujet, je vais demander à madame le sénateur Christensen de commencer.

Le sénateur Christensen: Au cours de discussion de vendredi dernier, vous avez dit que le règlement suscitait beaucoup de préoccupations et que vous vous inquiétez du manque de consultation. Comme je vous l'ai signalé, toutes vos déclarations sont consignées dans notre compte rendu. Ainsi, vous préoccupations seront examinées au cours de l'élaboration du règlement.

J'ai fait d'autres recherches depuis que je me suis remise au travail. Vous aurez au moins trois autres occasions de faire connaître votre point de vue au sujet du règlement. Comme vous le savez, l'élaboration du règlement est en cours et je crois savoir qu'il ne sera finalisé qu'en juin. Toutefois, la version qui sera produite alors ne constituera encore qu'une ébauche qui fera l'objet de consultations avec l'industrie et les autres intéressés. Ensuite, on passera à l'étape de la publication préalable du texte révisé dans la Gazette du Canada. Les gens disposeront alors de 60 jours pour présenter des observations. Puis le texte sera officiellement publié dans la Gazette, et il y aura un autre délai de 30 jours pour formuler des commentaires. Ainsi, l'industrie et les autres intéressés auront trois autres occasions d'exprimer leur point de vue sur le règlement.

Le président: Le règlement ne doit-il pas ensuite être renvoyé au Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes chargé de l'examen de la réglementation?

Le sénateur Christensen: Le règlement irait au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation une fois que le projet de loi aura été adopté et que le règlement aura été finalisé. À ce stade, il y a une liste de 13 critères, qui constituera en fait une quatrième occasion pour l'industrie et les intéressés de faire connaître leurs préoccupations au sujet du règlement. Si on n'a pas satisfait à l'un quelconque des 13 critères, le comité peut recevoir des mémoires. Même s'il ne fait pas comparaître des témoins, il peut examiner des mémoires.

La version du règlement présentée en même temps que l'avant-projet de loi est loin d'être définitive. Il était inhabituel de rendre public le projet de loi avant son dépôt à la Chambre. Il était également inhabituel d'y inclure une version du règlement et des délais. Je sais que cela a causé beaucoup de difficultés. En rétrospective, cette décision n'était peut-être pas la meilleure à prendre car elle a occasionné de nombreux problèmes pour les gens.

Au sujet de l'exploitation des placers, vous avez parlé des interventions et de la possibilité pour les demandeurs de prendre connaissance des arguments des autres intervenants. Pourtant, le règlement exige de rendre publics tous les documents présentés à l'Office.

Mme Ledwidge: À l'heure actuelle, l'Office des eaux du territoire du Yukon transmet automatiquement tous les documents au demandeur. En général, les demandeurs ne savent pas à qui s'adresser pour obtenir cette information.

Nous souhaitons que la procédure soit plus facile pour le demandeur et mette à sa disposition des copies de toutes les lettres d'intervention. Ainsi, il aurait la possibilité de réfuter certains arguments sans avoir à faire de longues recherches pour les trouver.

Le sénateur Christensen: L'information est disponible.

Mme Ledwidge: Oui, toute l'information est publique. Cependant, il est difficile pour un demandeur d'aller dans les bureaux du gouvernement pour demander à y avoir accès quand il ne sait pas quelles interventions ont été présentées. Doit-il par exemple revenir une fois par semaine pour savoir si on a reçu de nouvelles interventions?

Le sénateur Christensen: L'Accord-cadre définitif prévoit un processus quinquennal. Vous avez dit que le projet de loi devrait comprendre un examen quinquennal. Si c'était le cas, il y aurait deux examens. Avez-vous des détails à donner à ce sujet?

Mme Ledwidge: Nous voulons être certains que ce sera fait. Si la loi doit faire l'objet d'un examen, pourquoi ne pas le dire clairement?

Le sénateur Christensen: Cela est déjà prévu dans l'Accord-cadre définitif, sur lequel se base le projet de loi.

M. Scott Casselman, vice-président, Chambre des mines du Yukon: Cela veut-il dire que la LEESY sera examinée dans cinq ans?

Le sénateur Christensen: Oui. L'Accord-cadre prévoit un examen quinquennal du projet de loi. Me basant sur vos observations, j'ai demandé moi-même pourquoi la disposition ne figure pas dans le projet de loi. Le fait est qu'on craint qu'une telle disposition ne soit interprétée comme exigeant deux examens distincts, ce qui serait excessif pour tout le monde.

Mme Ledwidge: Ce n'est pas ce que nous recherchons. Nous voulons être certains qu'il y aura un examen et qu'on ne nous dira pas dans cinq ans qu'il n'y a pas lieu de le faire parce que la loi ne le prévoit pas explicitement. Cela s'est déjà produit dans le passé.

Le sénateur Christensen: Au sujet de l'élaboration de ce que vous appelez la LEESY, pouvez-vous me dire depuis quand le processus est en marche? J'ai l'impression qu'il est en cours depuis une éternité. Je parle des assemblées publiques, et cetera.

M. McIntyre: Les débuts ne sont pas bien définis. Ils remontent probablement au processus de règlement des revendications territoriales, qui a commencé il y a des dizaines d'années. Le processus prévu au chapitre 12 de l'Accord-cadre définitif s'est strictement limité aux trois groupes en cause. Toutefois, les consultations sur le projet de loi ont probablement commencé en 1995-1996.

Le sénateur Christensen: C'est ce que j'ai cru comprendre. À ce moment, je travaillais pour la Yukon Outfitters' Association. Nous avions assisté à certaines des audiences pour obtenir des renseignements.

M. McIntyre: Le projet de loi a découlé d'un processus ayant différents objectifs. Il s'agissait d'abord et avant tout de redresser les torts causés aux Premières nations et d'établir les revendications territoriales des Indiens du Yukon. Pendant des années, tout s'est fait dans le secret. Le Parlement devrait étudier de plus près les mesures législatives qui ont découlé du processus que les mesures faisant partie du programme législatif normal. Le règlement des revendications territoriales avait un objectif social. Le résultat est un projet de loi qui touche tout habitant du Yukon qui a une activité quelconque.

La consultation doit se faire de bonne foi. Pour ce qui est de la définition de la consultation, il y a lieu d'examiner la définition prévue dans l'Accord-cadre définitif. C'est une chose pour laquelle les Premières nations ont longuement combattu. On le rappelle très souvent à chacun. La consultation doit être complète et équitable et être menée de bonne foi.

Le simple fait que des entreprises et des associations industrielles viennent vous dire aujourd'hui qu'elles ont de graves préoccupations et qu'elles craignent des problèmes sérieux devrait avoir un sens clair pour vous. Quelles que soient les démarches considérées comme des consultations, quelle que soit la période qu'on y a consacré, cela ne faisait pas l'affaire.

Le président: Notre cahier d'information contient une quinzaine de pages qui énumèrent les consultations qui ont eu lieu au sujet du projet de loi: il y en eu avec le Conseil des Premières nations du Yukon, le gouvernement du Yukon, les Premières nations du Yukon, les groupes d'intérêts du versant Nord, les groupes environnementaux et les groupes de loisirs de plein air, le Conseil et les comités de l'Accord-cadre définitif, l'industrie, les entreprises et les groupes d'intérêts, sans parler des assemblées publiques, des réunions «portes ouvertes», des ateliers et de la présentation des différentes ébauches du projet de loi.

Nous procédons à cette étude en supposant que d'importantes consultations ont eu lieu. Je suis surpris de vous entendre dire que ce n'est pas le cas compte tenu de cette liste de 15 pages des lieux et des dates où les réunions se sont déroulées. C'était une observation, pas une question.

Le sénateur Christensen: Vous souvenez-vous des dates auxquelles vous avez reçu l'avant-projet de loi et le projet de règlement?

M. Lee: Ils portent la date du 16 juin 2001. Nous avons reçu notre exemplaire en août. On nous a demandé de présenter des commentaires en novembre.

Le sénateur Christensen: Vous avez donc reçu ces textes et vous y avez répondu?

M. Lee: On nous a demandé de répondre en novembre. Tout le monde vaquait à ses occupations en pleine brousse quand nous avons reçu les textes. C'était pendant l'été. Nous nous en sommes occupés pendant l'automne.

Le sénateur Christensen: Des préoccupations ont été exprimées à différentes occasions au sujet de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui est actuellement en vigueur. Les préoccupations concernaient cette loi plutôt que la LEESY et les modifications à y apporter. Pourtant, il y a eu des changements dans la LEESY. Avez-vous trouvé ces changements — je crois qu'il y en avait sept — satisfaisants?

Les changements portaient sur une considération plus inclusive des efforts socioéconomiques, la possibilité pour l'Office de faire des évaluations en toute indépendance par rapport au gouvernement, la possibilité pour le Conseil des Premières nations du Yukon — plutôt que les Premières nations elle-même — de proposer la candidature de membres de l'Office, et l'obligation pour l'Office de décider des règles concernant, par exemple, les délais d'évaluation. Certains se sont inquiétés du fait que tout cela ne figurait pas dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. En fait, on a tiré des enseignements des erreurs commises et on en a tenu compte dans la LEESY.

M. Lee: J'ai vécu assez longtemps dans les Territoires du Nord-Ouest. Les premières inquiétudes se sont manifestées au sujet de l'expiration. Un énorme groupe de travail s'est occupé de cette question.

Le sénateur Christensen: S'agissait-il des règlements?

M. Lee: Oui, c'est bien cela. C'est la première chose que l'industrie examine. Elle avait eu de nombreuses difficultés dans le cas de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Les consultations sont allées trop loin pour ce qui est des petits projets dont j'ai parlé. Les responsables ont dit qu'ils devaient recourir à des interprètes pour aller dans les petites localités, et cetera.

J'ai entendu dire qu'on a remédié à cette situation. Toutefois, nous avons les mêmes problèmes dans le cas des petits projets. C'est pour cette raison que nous insistons sur ce point.

Le sénateur Christensen: À votre avis, comment les six bureaux régionaux devraient-il fonctionner, si vous croyez qu'il fonctionneront? Ou bien pensez-vous qu'il faudrait examiner les détails de plus près?

Mme Ledwidge: Même si tout le concept des bureaux désignés et de leur établissement dans les localités du Yukon semble très attrayant, il ne faut pas perdre de vue qu'il peut y avoir beaucoup de partialité dans ces petites localités. Vous avez affaire à des amis et des voisins, qui pourraient en fait être des adversaires. En ce sens, c'est un peu gênant.

L'autre problème découle du fait que la population du Yukon est très petite. Dans ces conditions, il peut être difficile de trouver des personnes compétentes pour évaluer les différentes industries, allant de l'exploitation forestière aux mines, ou des personnes qui connaissent suffisamment l'exploitation minière pour faire une évaluation. Comment sera-t-il possible de trouver du personnel pour ces bureaux? D'une façon générale, on peut s'attendre en pratique à ce que beaucoup de ces bureaux désignés n'aient qu'un seul employé. Comment pourra-t-on trouver quelqu'un ayant les compétences nécessaires pour s'occuper de toutes ces questions? C'est une grande préoccupation pour nous.

Le sénateur Christensen: C'est un bon argument. Je partage vos préoccupations à ce sujet, mais je suppose que c'est un compromis qu'il fallait faire dans le Nord. Auriez-vous préféré qu'Ottawa prenne les décisions?

Mme Ledwidge: Je n'irai pas jusque-là. Les exploitants de placers ont actuellement l'Office des eaux. Son personnel est très expérimenté. Nous hésitons à céder la responsabilité à d'autres personnes qui ne s'occupent pas particulièrement de ces questions. Nous aurions préféré que les évaluations soient confiées à l'Office des eaux.

Le sénateur Christensen: Même s'il s'agit d'un organisme gouvernemental?

Mme Ledwidge: C'est un Office indépendant à caractère quasi judiciaire.

Le sénateur Christensen: Vous auriez donc préféré que l'Office des eaux constitue en quelque sorte un guichet unique, par opposition aux trois niveaux proposés dans le projet de loi?

Mme Ledwidge: Absolument. Ce serait une bonne solution pratique.

Le sénateur Christensen: Qu'est-ce que les autres témoins pensent de cela?

M. McIntyre: Le processus de l'Office des eaux est de nature quasi judiciaire et applique toutes les règles d'équité procédurale et de justice naturelle que nous avons mentionnées. Le processus comprend tout cela et fonctionne bien. De plus, c'est un organisme du Yukon. Il relève du bureau du conseil exécutif du gouvernement territorial et n'a rien à voir avec Ottawa.

Je crois que c'est l'Office d'évaluation environnementale et socioéconomique qui apportera la réponse finale. Nous verrons comment il sera doté et quels seront ses règles et règlements. C'est l'Office qui décidera du succès de ce projet de loi. En définitive, tout cela n'est qu'un processus. Il ne comporte pas de nouvelles normes environnementales et ne contribuera en aucune façon à faire un monde meilleur. Ce n'est qu'un grand processus qui en englobera d'autres. Nous l'expliquons dans nos mémoires, mais je crois que vous devez bien le comprendre au cours de l'examen du projet de loi.

L'économie du Yukon va très mal à l'heure actuelle. Or une grande partie de cette économie va devenir tributaire d'un processus encombrant, onéreux et faisant double emploi. Il ne s'agit pas de normes environnementales strictes, mais simplement d'un processus qui dure des années et des années. C'est la raison pour laquelle l'industrie et les affaires s'inquiètent en voyant établir un processus plus important que n'importe quel autre dans le pays. Un processus qui s'attachera à de menus détails et sera dirigé à partir de bureaux situés dans de petites localités.

Je ne crois pas que nos inquiétudes soient déplacées. J'ai déjà parlé de cette question en 1989 au nom de la Chambre de commerce du Yukon devant un comité parlementaire qui examinait la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je m'inquiétais de ce qui allait se passer.

Le projet de loi C-2 met en place un lourd processus et un Office qui devraient être assujettis à des règles strictes. Ces règles sont inexistantes et ne seront pas toutes écrites ici. Le Parlement dit à juste titre: «Vous autres, élaborez les règles de l'Office.» De notre côté, nous disons: «S'il vous plaît, permettez à l'industrie et aux milieux d'affaires de participer à l'élaboration des règles de l'Office.» L'industrie n'a pas participé à l'élaboration de la loi, malgré cette liste de consultations de 15 pages, qui pourrait vous amener à croire le contraire. Il est vrai que beaucoup d'efforts de promotion du projet de loi ont été déployés pendant des années. Mais il est temps maintenant de nous associer au processus.

Le sénateur Christensen: Le projet de loi et la façon dont il a été élaboré découlent des dispositions de l'Accord-cadre définitif.

M. Casselman: L'article 12 de l'Accord-cadre le prévoit effectivement, mais l'intention lors de la négociation de l'Accord-cadre était d'examiner les grands travaux et les grands projets de développement. D'après le projet de règlement que nous avons vu jusqu'ici, il est question d'examiner les petits camps d'exploration et les petites exploitations.

Le sénateur Christensen: Il y avait des inquiétudes au sujet de l'entrée libre et du jalonnement des concessions minières. S'agit-il d'une grande préoccupation?

M. McIntyre: Il y a eu des changements à cet égard. C'était une grande préoccupation, mais le projet de loi a été modifié.

Le sénateur Christensen: Êtes-vous satisfaits des modifications?

M. McIntyre: Nous mourons de joie, merci beaucoup.

Le sénateur Milne: Vous devrez faire très attention à ces trois occasions dont le sénateur Christensen a parlé si vous voulez exprimer votre point de vue sur le règlement. Vous devrez suivre attentivement les dates, et surtout la dernière quand le règlement sera publié dans la Gazette du Canada, car vous n'aurez alors que 30 jours pour répondre. Si cela se produit pendant que vous êtes dans la brousse, ce sera encore plus difficile.

Je vous dis cela parce que les comités ne s'occupent pas ordinairement de règlements. Je ne suis donc pas très sûre de la façon dont nous pouvons les examiner. Nous pourrions peut-être formuler des observations dans le rapport sur ce projet de loi pour parler des préoccupations présentées au comité au sujet de la nature du règlement et des possibilités de faire des commentaires sur son contenu. L'examen quinquennal prescrit aura également lieu dans le cadre de ce nouvel ensemble de critères.

Le président: Je vous remercie. Je pense que nous voudrons peut-être poser des questions à d'autres fonctionnaires. Je crois que vous en conviendrez, compte tenu de ce que nous avons entendu aujourd'hui. Nous devrons également inclure l'examen quinquennal.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous parler des effets du projet de loi sur le développement économique au Yukon? Quels effets aura-t-il sur vos plans de développement économique?

Mme Ledwidge: Le projet de loi découragera beaucoup d'investisseurs éventuels, qui ne voudront pas s'occuper de la paperasse supplémentaire qu'il impose et d'autres démarches qui n'existent pas ailleurs dans le pays. Le projet de loi exige un processus onéreux même pour les activités de bas niveau. Si les investisseurs peuvent obtenir autant en Colombie-Britannique sans avoir à subir toutes ces tracasseries administratives, ils iront là. Le projet de loi aura donc des effets sensibles sur l'économie du Yukon.

Le sénateur Cochrane: Que pense la Chambre de cela?

M. McIntyre: Je ne crois pas que tout soit nécessairement négatif. Cela dépendra beaucoup de l'Office, de ses règles et du règlement. Si l'industrie et les milieux d'affaires ont vraiment l'occasion d'exprimer leur point de vue, si les autorités en tiennent compte pleinement et équitablement, les effets ne seront pas nécessairement négatifs. Tout le processus consiste à déplacer les pouvoirs de décision et à habiliter un groupe de personnes. Il n'y a rien de mal à cela. L'intention du projet de loi n'est pas d'arrêter toutes les activités. Je ne crois pas que les auteurs de l'Accord-cadre définitif qui ont élaboré le projet de loi cherchaient à détruire l'économie du Yukon.

Leur objectif était de redresser des torts et de donner des aspects concrets au règlement des revendications territoriales. Tout cela est très bien, mais nous devons veiller à fixer des délais pour l'approbation d'un projet. Il n'y a actuellement aucun délai.

Le président: On nous a assuré que les délais figureront dans le règlement. Nous poserons la question.

M. McIntyre: C'est ce que je dis. Il faudrait que nous soyons là.

Le sénateur Christensen: Vous avez exprimé des préoccupations au sujet de la LEESY. Le projet de loi tente, même si cela vous semble insuffisant, d'établir une approche à guichet unique.

À défaut de la LEESY, vous auriez à vous adresser à au moins 16 autorités distinctes pour faire évaluer un projet. En l'absence de l'Office, qui constitue le guichet unique et qui représente toutes les régions et tous les gouvernements différents, vous auriez à vous adresser à chacune des bandes du territoire, sans compter le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial.

M. Casselman: Ce ne serait pas nécessairement le cas. Ce serait le cas si on envisage des travaux sur les terres faisant l'objet du règlement. Même avec la LEESY, il faudrait obtenir les mêmes autorisations. Autrement, s'il s'agit de terres publiques, on n'aurait pas nécessairement à s'adresser aux bandes pour obtenir leur approbation.

Le sénateur Christensen: Non, mais il y aurait à déterminer s'il s'agit de terres publiques, comme des parcs, de terres territoriales ou de terres de l'une des 14 Premières nations qui font l'objet d'un règlement ou qui ont été réservées en vue de règlements futurs.

M. Casselman: Vous avez raison. Toutefois, même si la LEESY est adoptée, il faudra quand même obtenir l'agrément des Premières nations pour travailler sur leurs terres.

Le sénateur Christensen: Vous pourriez traiter avec un bureau désigné qui renverra l'affaire aux autres régions touchées.

M. Casselman: C'est exact.

Le président: Je peux vous donner l'assurance que nous sommes maintenant mieux armés qu'auparavant pour poser des questions aux fonctionnaires la prochaine fois qu'ils comparaîtront. Nous vous tiendrons au courant. J'espère que vous suivrez nos délibérations sur notre site Web pour savoir ce que nous leur dirons et ce qu'ils nous répondront. Nous vous remercions de votre témoignage, que nous avons trouvé utile.

M. Rick O'Brien, chef, Première nation Kwanlin Dun: Nous sommes heureux de pouvoir comparaître, même tardivement, devant le comité.

Les Premières nations Kwanlin Dun et Kaska ne font pas partie du Conseil des Premières nations du Yukon. Elles sont indépendantes. Ensemble, nous représentons plus de 40 p. 100 de la population des Premières nations au Yukon.

La Première nation de Kwanlin Dun compte plus d'un millier de membres, et son territoire traditionnel englobe Whitehorse, la municipalité la plus importante du Yukon. On y trouve la vaste majorité de la population autochtone et non autochtone du Yukon et la plus forte densité démographique au Yukon. C'est dans notre territoire traditionnel qu'on observe toujours l'activité de développement la plus intense au Yukon. De façon générale, la qualité de l'environnement est moins grande, la faune et le poisson y sont moins abondants et les habitats essentiels s'y dégradent. Malgré le niveau de l'activité de développement, la qualité de vie et le bien-être social et économique de nombreux membres de la Première nation de Kwanlin Dun sont nettement inférieurs à ce qu'on observe pour la plupart de ceux qui habitent dans leur territoire traditionnel.

M. Hammond Dick, chef tribal, nation Kaska: Mon exposé fera 10 ou 15 minutes, et nous en avons fourni une trentaine d'exemplaires pour que le comité puisse l'étudier. Lorsque j'aurai terminé, je serai disposé à répondre à des questions. Je cède la parole à M. Smith.

M. Mike Smith, négociateur principal des revendications territoriales, Première nation de Kwanlin Dun: Merci, honorables sénateurs. Comme la Première nation de Kwanlin Dun ne fait pas partie du Conseil des Premières nations du Yukon, nous ne sommes pas partie aux entretiens et aux négociations qui ont accompagné l'élaboration du projet de loi maintenant à l'étude, le projet de loi C-2.

À la dernière minute, nous avons été invités à une séance d'information sur les négociations qui ont mis en présence les trois parties: le gouvernement du Yukon, le gouvernement fédéral et le Conseil des Premières nations du Yukon. Toutefois, pour l'essentiel, nous n'avons pas participé à toutes ces discussions. Comme le chef l'a signalé, nous représentons une partie importante des peuples autochtones au Yukon.

À cette étape tardive de l'étude du projet de loi, nous proposons deux amendements que nous avons déjà proposés au comité permanent de la Chambre, mais qu'il n'a pas retenus. Nous sommes heureux de comparaître pour exprimer notre opinion sur ces amendements.

Kwanlin Dun a deux amendements à proposer au projet de loi C-2. Il devrait renfermer une disposition qui obligerait le ministre, avec la pleine participation des Premières nations du Yukon, à tenir un examen public complet des dispositions et de l'application de la loi dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur.

La même démarche a été adoptée en vertu de l'actuelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, aux paragraphes 72(1) et 72(2). Il est clair qu'elle a également été retenue dans le nouveau projet de loi C-9.

Dans l'Accord-cadre définitif du Yukon, signé en 1995, l'article 19.3 du chapitre 12, Évaluation des activités de développement, exige que les parties procèdent à un examen complet qui nous donnera amplement l'occasion de revoir et d'examiner un grand nombre des questions de fond et des préoccupations dont il n'a pas été tenu compte, mais qu'il faudrait prendre en considération une autre fois.

À notre avis, en nous fondant en particulier sur l'expérience que nous avons acquise lors de la négociation du projet de loi C-2 entre le Canada, le Yukon et le Conseil des Premières nations du Yukon, il est crucial qu'un engagement imposé par la loi soit pris pour que la loi soit réexaminée cinq ans après sa promulgation. L'examen de la LCEE s'est avéré extrêmement utile. Selon nous, l'examen proposé ici le serait également.

Le projet de loi C-2 établira un processus trop compliqué pour un petit territoire comme le Yukon. Des questions clés nécessitent plus d'attention et appellent d'autres discussions: les décisions écrites, les effets et le contrôle de l'application, les catégories, les évaluations locales et de niveau stratégique ainsi que le processus intégré d'application.

La loi devrait comprendre une disposition qui établit un comité consultatif de réglementation. La LCEE prévoit cette disposition, et on pourrait s'inspirer de ce modèle.

Nos Premières nations veulent l'assurance d'avoir toute possibilité d'étudier de façon sérieuse les projets de règlement d'application. À notre avis, les parties intéressées devraient également avoir cette possibilité. À la lumière de l'expérience acquise dans l'élaboration de la loi, nous voudrions avoir l'assurance explicite, dans la loi proposée, que nos Premières nations participeront directement à l'élaboration des règlements.

Nous disposons de peu de temps, et je tiens à garantir au comité qu'un énoncé officiel de nos propositions, accompagné d'une documentation à l'appui, sera communiqué au greffier dans les 24 heures. Nous voudrions que cet énoncé et cette documentation fassent partie du compte rendu officiel de notre intervention et que des exemplaires soient remis à tous les membres du comité.

Je tiens à la répéter, il est regrettable que le Conseil, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon n'aient pas jugé bon de consulter et de faire participer les Premières nations qui ne sont pas partie à l'Accord-cadre définitif. Cela est essentiel, et la Première nation de Kwanlin Dun est toujours soumise à la Loi sur les Indiens. Nous sommes des Indiens inscrits et nous possédons tous nos droits autochtones, que nous n'avons jamais cédés.

Nous n'avons pas de traité avec le gouvernement, mais nous tenons à dire clairement à toutes les parties que, avant toute activité de développement sur nos terres et avant la promulgation du projet de loi, il est essentiel d'adopter ces dispositions si on veut que la démarche soit fructueuse dans notre territoire. Cela est particulièrement vrai dans le territoire Kaska, dans le sud du Yukon, où se fera la majeure partie du développement. Les Kaska n'ont pas de traité, et leur participation revêt une importance cruciale.

Le président: Merci, monsieur Smith.

M. Dick: Au nom de la nation Kaska, je remercie les membres du comité de nous avoir donné cette occasion d'exprimer notre point de vue sur le projet de loi C-2. Les Kaska sont l'un des peuples autochtones du Canada. Notre territoire traditionnel s'étend sur quelque 93 000 milles carrés, du sud-est de la Colombie-Britannique jusqu'au sud-est du Yukon et dans certaines parties de l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Nous ne faisons pas partie du Conseil des Premières nations du Yukon. Une partie de nos territoires traditionnels se trouve au Yukon. Il fait quelque 45 000 milles carrés et représente environ 25 p. 100 du Yukon.

La nation Kaska reconnaît officiellement que ne sont toujours pas réglées aujourd'hui les revendications à l'égard des droits, titres et intérêts autochtones concernant notre territoire traditionnel. Aux fins de la négociation avec le Canada de traités sur les revendications territoriales, la nation Kaska est représentée par le Conseil Dena de Ross River, le Conseil de la Première nation Liard et le Conseil Kaska Dena.

Nous avons tenté de négocier un certain nombre d'accords connexes importants: deux accords définitifs avec des Premières nations au Yukon, deux accords d'autonomie gouvernementale au Yukon, un accord transfrontalier au Yukon, y compris les dispositions sur l'autonomie gouvernementale de ces accords, un accord transfrontalier dans les Territoires du Nord-Ouest, deux accords transfrontaliers en Colombie-Britannique et un traité en Colombie- Britannique.

Je voudrais pouvoir dire aux membres du comité que la nation Kaska est sur le point de parvenir à un règlement sur ses revendications, notamment au Yukon. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Le gouvernement du Canada vient de laisser expirer le mandat de négociation et il a abandonné les négociations avec les Kaska. Par conséquent, il ne nous reste d'autre possibilité que de nous adresser aux tribunaux pour protéger nos droits à l'égard de notre territoire traditionnel. Nous préférerions nettement régler nos problèmes par la négociation, mais cela nous est impossible, puisque le gouvernement du Canada n'a plus le mandat de négocier avec nous.

Les Kaska sont d'avis que le projet de loi C-2 comprend deux graves lacunes. Il ne protège pas les intérêts des Premières nations, comme les Kaska, qui n'ont pas encore réglé leurs revendications territoriales au Yukon. Le Canada n'a pas honoré l'obligation qui est la sienne aux termes du chapitre 12, article 16.1, de l'Accord-cadre définitif du Yukon. Normalement, ces obligations doivent être honorées avant que le projet de loi C-2 ne soit édicté.

Si on se reporte aux objectifs du projet de loi C-2, à propos de la première question, on constate clairement que le projet de loi ne prévoit pas une promotion et une protection suffisantes des intérêts des Premières nations qui, comme les Kaska, n'ont pas encore réglé leurs revendications au Yukon.

Les objectifs du projet de loi C-2 sont définis au paragraphe 5(2). Dans l'optique des Kaska, les alinéas 5(2)d), f) et g) revêtent une importance particulière. Les voici:

5. (2) Elle vise les objectifs suivants:

d) protéger et favoriser tant le bien-être des Indiens du Yukon, de leurs collectivités et des autres résidents du Yukon que les intérêts des autres Canadiens;

f) reconnaître l'existence de l'économie traditionnelle des Indiens du Yukon et d'une relation particulière entre eux et l'environnement dans son état sauvage, et valoriser l'une et l'autre dans la mesure du possible;

g) assurer aux Indiens du Yukon la possibilité de participer au processus d'évaluation et, dans le cadre de celui-ci, faire appel à leurs connaissances et à leur expérience.

À l'article 2, en page 6, on lit: «Indien du Yukon» [...] toute personne inscrite comme telle en application d'un accord définitif...

Il est donc clair que le projet de loi C-2 a été structuré de façon à protéger et à promouvoir les intérêts des seuls Indiens du Yukon qui ont réussi à conclure un accord définitif. Nous estimons que cela est injuste et inéquitable.

Les Kaska estiment que le projet de loi C-2 devrait protéger et promouvoir les intérêts de tous les Indiens du Yukon, que leur Première nation ait pu ou non conclure un accord sur ses revendications territoriales.

À notre point de vue, cela est d'autant plus important que le Canada a laissé tomber les négociations sur les revendications territoriales, des accords transfrontaliers et des accords d'autonomie gouvernementale. Le territoire traditionnel des Kaska représente 25 p. 100 du Yukon, et les objectifs de cette loi ne devraient pas nous exclure.

Il est évident que le projet de loi C-2 ne protège pas les intérêts de ceux qui ont des réclamations transfrontalières comme le Conseil Kaska Dena du nord de la Colombie-Britannique, qu'ils soient signataires d'un traité ou non. Encore une fois, nous croyons que c'est injuste et inéquitable. Selon nous, le projet de loi ne devrait faire aucune discrimination à l'encontre des Premières nations de l'extérieur du Yukon qui ont des revendications reconnues à l'égard de terres situées au Yukon.

Comme on l'a déjà dit, les Kaska estiment que le Canada a manqué aux obligations que lui confère l'article 12.16.1 de l'Accord-cadre définitif, dont voici le texte:

Le gouvernement s'efforce de négocier avec les autres ressorts compétents, en consultation avec les Premières nations du Yukon touchées, des ententes ou des accords de coopération prévoyant des évaluations d'activités de développement équivalentes aux obligations prévues en matière d'examen préalable et d'examen de projets au Yukon, à l'égard des entreprises ou activités situées à l'extérieur du Yukon susceptibles d'entraîner des effets environnementaux ou socioéconomiques négatifs importants au Yukon.

Selon nous, l'article 12.16.1 exige que le Canada fasse de son mieux pour négocier des accords avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, en consultation avec le Conseil Dena de Ross River et la Première nation Liard. Ce sont des accords de coopération prévoyant des évaluations d'activités de développement équivalentes aux exigences d'examen préalable et d'examen figurant dans le projet de loi C-2 pour les entreprises ou les activités situées en Colombie-Britannique ou dans les Territoires du Nord-Ouest qui peuvent avoir des effets environnementaux ou socioéconomiques négatifs importants au Yukon.

Pour les Kaska, les exigences de l'article 12.16.1 sont très importantes parce que des parties importantes de notre territoire traditionnel sont situées en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest.

En outre, il y a des entreprises ou activités proposées dans cette province ou ces territoires qui peuvent avoir des effets environnementaux ou socioéconomiques négatifs importants au Yukon. Par exemple, en Colombie-Britannique, le projet d'aménagement hydroélectrique sur la Liard est le plus important qui soit envisagé en Colombie-Britannique. Il est certain qu'il aura des effets environnementaux ou socioéconomiques négatifs importants au Yukon.

De la même manière, dans la portion du territoire traditionnel des Kaska située dans les Territoires du Nord-Ouest, on envisage des exploitations minières qui pourraient prendre une grande envergure. Là encore, ces exploitations peuvent avoir des effets environnementaux ou socioéconomiques négatifs importants au Yukon.

Les parties à l'Accord-cadre définitif sont convenues dans le plan de mise en œuvre que les dispositions de l'article 12.16.1 seraient appliquées avant la promulgation du projet de loi C-2. Toutefois, jusqu'à maintenant, le Canada n'a pas fait de très grands efforts, ou il n'en a fait aucun, pour se conformer aux dispositions de ce paragraphe.

Il n'y a pas eu non plus de consultations avec les Kaska sur ces questions. Les Kaska estiment que l'article 12.16.1 devrait être respecté avant la promulgation du projet de loi C-2.

Nous estimons que le projet de loi C-2 devrait être amendé de façon à garantir que les intérêts de tous les Indiens du Yukon et de tous ceux qui ont des revendications transfrontalières reconnues soient protégés, qu'ils aient pu ou non conclure des accords définitifs sur l'autonomie gouvernementale ou des ententes transfrontalières. Nous sommes également d'avis que le projet de loi C-2 ne devrait pas être promulgué tant que les dispositions de l'article 12.16.1 n'auront pas été respectées.

Je vous remercie de m'avoir permis d'exposer l'opinion de la nation Kaska.

Le président: Merci. Je vous dirai, comme au témoin précédent, que c'est à nous de vous remercier. Pour venir ici, nous n'avons fait que traverser la rue. À l'exception d'un seul, vous êtes tous venus de beaucoup plus loin.

Monsieur Dick, où, dans les engagements, l'accord ou l'Accord-cadre définitif, dit-on que les dispositions de l'article 12.16.1 doivent être respectées avant que le projet de loi C-2 n'entre en vigueur. Selon moi, il est dit qu'il faut se conformer à ces dispositions, mais je ne vois nulle part des précisions sur les délais.

M. Dick: Cela est dit dans le plan de mise en œuvre de l'Accord-cadre définitif. C'est l'une des dispositions du plan.

Le président: Merci. Je vais consulter ce document.

Le sénateur Milne: Combien de personnes composent les groupes que vous représentez? Monsieur Dick, combien y a-t-il de Kaska?

M. Dick: La nation Kaska compte environ 3 000 membres.

Le sénateur Milne: Monsieur Smith ou monsieur O'Brien?

M. Smith: La Première nation de Kwanlin Dun a environ 1 000 membres.

Le sénateur Christensen: Monsieur Dick, les 3 000 comprennent-ils les bandes de la Colombie-Britannique également?

M. Dick: Oui.

Le sénateur Christensen: Il y a deux bandes au Yukon et trois en Colombie-Britannique?

M. Dick: C'est juste.

Le sénateur Christensen: En lisant votre mémoire avant la séance, j'ai trouvé très inquiétant que vous disiez que vous n'avez pas été correctement consultés, que vous auriez dû participer davantage à l'élaboration du projet de loi. A-t-on fait des efforts pour consulter l'une ou l'autre de vos bandes avant la période toute récente?

M. O'Brien: La Première nation de Kwanlin Dun a participé aux négociations, mais on n'a pas reconnu nos intérêts pendant le processus de consultation. On nous a complètement laissés de côté. Dans ce processus, nous avons été essentiellement des observateurs.

Je tiens à dire clairement que la Première nation de Kwanlin Dun n'est pas en faveur de ce projet de loi.

Le sénateur Christensen: Au départ, vous l'étiez, n'est-ce pas? N'avez-vous pas participé au processus en 1996?

M. O'Brien: Nous avions un technicien qui travaillait avec le Conseil des Premières nations du Yukon.

Le sénateur Christensen: Quand vous êtes-vous retirés du processus?

M. O'Brien: Nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur Christensen: Vous avez continué de le soutenir et de vous y associer?

M. O'Brien: Nous y avons participé, mais nos intérêts n'ont pas été reconnus. Nous avons eu l'impression d'être complètement laissés de côté?

Le sénateur Christensen: Malgré tout, vous avez continué de participer?

M. O'Brien: Effectivement.

Le sénateur Christensen: Monsieur Dick, qu'ont fait les Kaska? Avez-vous participé à une étape antérieure?

M. Dick: Nous avons participé à la première partie du développement du processus. Par la suite, étant donné notre capacité de nous occuper de ces questions, nous nous en sommes remis au Conseil des Premières nations du Yukon.

Le sénateur Christensen: Les Premières nations de Kwanlin Dun, Liard et de Ross River ont-elles reçu des ressources financières pour participer?

M. O'Brien: Je ne peux me prononcer que pour celle de Kwanlin Dun. Nous avons reçu un financement permettant à une personne de participer comme technicien.

Le sénateur Christensen: Combien avez-vous reçu? En avez-vous une idée?

M. O'Brien: Je ne connais pas les chiffres sur le bout des doigts.

Le sénateur Christensen: Le savez-vous, chef Hammond?

M. Dick: Non, je l'ignore. Le Conseil Dena de Ross River et la Première nation Liard ont également des représentants pour participer aux aspects techniques du processus.

Le sénateur Christensen: Ils ont reçu des ressources pour participer?

M. Dick: Effectivement.

Le sénateur Christensen: Chef Hammond, vous avez dit que le gouvernement fédéral s'était retiré du processus des revendications territoriales et avait arrêté de négocier. Pourquoi a-t-il arrêté?

M. Dick: Je crois qu'un protocole d'entente devait être signé entre les Premières nations du Yukon et les Premières nations de Ross River et Liard, au sens de la Loi sur les Indiens. Le ministre leur avait donné un an pour conclure ce protocole. Nous avons pris part à ces négociations, mais le délai est arrivé à expiration le 21 juin, l'an dernier.

Depuis, le Canada a pour ainsi dire abandonné les négociations, bien qu'il ait des responsabilités de fiduciaire à l'égard des Premières nations de Ross River et Liard. Nous étions en train de conclure notre accord final; à ce moment- là, je crois que nous n'étions pas loin de la conclusion d'un accord définitif.

Le mandat que le ministre avait reçu du Trésor a expiré à la fin du dernier exercice, en 2002. À cause de certaines circonstances, les Kaska ont pu obtenir un prolongement jusqu'au 21 juin. Lorsque cette date est arrivée, nous n'avons pu accepter l'offre globale qui a été faite à la nation Kaska.

Le sénateur Christensen: D'autres Premières nations négociaient également leurs revendications: Carcross, White River, Kluane. Leurs délais ont également expiré, mais leurs négociations se sont poursuivies.

M. Dick: C'est exact. Ces Premières nations du Yukon ont signé leur protocole d'entente pour conclure leurs négociations. Nous avons estimé qu'il restait encore trop de problèmes à régler pour que la nation Kaska signe le protocole d'entente.

Le sénateur Christensen: Dans le cadre du processus de dévolution, il est très clair que certaines terres qui ont été mises de côté par suite des négociations sont protégées par décret du conseil. Elles peuvent être et sont effectivement protégées de tout développement ou processus de développement. Cela vous rassure-t-il?

M. Smith: Si je peux me permettre, nous négocions des décrets pour protéger des terres, et le gouvernement prend un décret pour mettre ces terres de côté. Toutefois, le décret est limité dans le temps. Il est limité à cinq ans. Ce n'est pas permanent.

Le sénateur Christensen: Le décret peut-il être renouvelé?

M. Smith: Oui, mais il appartient au gouvernement de le renouveler ou non. Nous n'avons pas le droit. Nous pouvons demander le renouvellement, mais nous n'avons pas le droit de dire que le décret sera pris de nouveau. Cela inquiète un certain nombre de Premières nations qui négocient depuis longtemps afin de régler ces problèmes encore en souffrance.

Vous avez parlé de l'abandon des négociations par le gouvernement. Un certain délai a été imparti aux Premières nations pour régler les problèmes en souffrance et on a exercé de fortes pressions sur elles pour qu'elles le fassent. Les Premières nations de Carcross, de Kluane et de Kwanlin Dun ont réussi à signer le protocole d'entente. White River aussi. White River a cependant raté la deuxième étape. Nous avons donc maintenant trois Premières nations du Yukon qui restent en marge du processus de négociation, alors que Kwanlin Dun, Carcross et Kluane essaient toujours de conclure ces négociations pour adhérer à l'Accord-cadre définitif.

Pour l'instant, nous ne sommes pas encore partie à cet accord-cadre définitif. Par conséquent, les Premières nations qui ont signé travaillent pour la plupart comme Premières nations en régime d'autonomie gouvernementale. Elles ont au fond assez peu à voir avec les Premières nations qui n'ont pas conclu d'accord.

C'est parce qu'elles ont l'impression que, pour faire le travail, elles ne peuvent attendre celles qui ne sont pas parvenues à une conclusion. Elles veulent se mettre à l'œuvre. C'est pourquoi on propose maintenant d'adopter le projet de loi C-2. Il s'agit de répondre aux préoccupations ces Premières nations qui ont conclu leur accord définitif.

Le président: Ce n'est pas pour cette raison que le projet de loi C-2 sera adopté, monsieur Smith.

Monsieur O'Brien, avant que nous ne passions à une autre question, vous avez dit que vous étiez opposés au projet de loi. Pourriez-vous expliquer brièvement pourquoi? Est-ce parce que vous avez été expressément laissés de côté, selon votre point de vue, ou à cause de la substance du projet de loi?

M. O'Brien: Je dois dire que c'est pour les deux raisons. Tout d'abord, nous sommes situés stratégiquement, au centre du Yukon. Nous sommes également au beau milieu de la ville. Le fait que la municipalité soit exclue impose des difficultés à notre Première nation.

Deuxièmement, pour ce qui est du processus de consultation, je dois dire que nous y avons participé, mais qu'on n'a absolument pas tenu compte de nous. On n'a pas reconnu nos intérêts.

Le président: Lorsqu'on ne tenait pas compte de vous, êtes-vous intervenus et avez-vous présenté vos arguments ou bien est-ce qu'on n'a tout simplement pas parlé de vous? Comme je l'ai déjà dit, ceux qui s'engagent dans une négociation et dont les positions n'influencent pas les résultats disent souvent après coup qu'on n'a pas tenu compte d'eux et qu'ils n'ont pas été consultés. Mais ce n'est pas nécessairement ce qui se passe.

Il y a une histoire que je raconte souvent. Le vendredi matin, vous pouvez consulter un condamné et lui demander s'il veut qu'on lui coupe la tête. Il dira probablement qu'il préférerait qu'on ne le fasse pas. Le samedi matin, vous lui coupez la tête en disant: nous l'avons consulté.

Avez-vous eu la possibilité de présenter votre thèse, qui n'a pas été acceptée, ou bien est-ce que vous n'avez pas pu vous faire entendre?

M. O'Brien: Monsieur Smith était notre technicien pendant les consultations. Mais pour préciser un peu, si je comprends bien ce que vous dites de la consultation, si vous pouvez me trancher la tête, j'ai été consulté.

Si je vous disais que je vais entrer par effraction chez vous et si je vous le disais trois ou quatre fois et finissais par le faire, cela vous donnerait-il le droit de faire intervenir les forces de l'ordre contre moi? J'ai consulté. Est-ce que c'est le même scénario?

Le président: La réponse brève est oui. Vos inquiétudes sont donc un peu des deux ordres.

M. Smith: Pour l'essentiel, les démarches que nous avons faites reposaient sur le fait que nous n'avons pas d'accord et que nous n'avons pas l'assurance, aux termes de l'Accord-cadre définitif, de participer au processus d'examen et à la rédaction des règlements. Chacune des parties, le Conseil des Premières nations du Yukon, le Yukon et le gouvernement fédéral y participent.

Nous avons fait valoir notre point de vue non sur ces deux amendements, mais sur l'ensemble de la loi. Toutefois, comme nous n'avons pas de régime d'autonomie gouvernementale, nos intérêts sont bien différents de ceux des Premières nations qui ont réglé leurs revendications territoriales. Par conséquent, les Premières nations qui ont réglé sont majoritaires, dans une proportion de 60 contre 40. Évidemment, nous sommes mis en minorité, et notre point de vue a été écarté.

Le président: J'aurais une question très précise à vous poser, monsieur Smith. Est-ce que c'est l'Accord-cadre définitif ou le projet de loi C-2 qui empêche de négocier avec succès vos revendications territoriales? Je ne vois ni dans l'un ni dans l'autre d'obstacle qui empêche expressément les négociations sur les revendications territoriales.

M. Smith: Ce n'est pas ce que nous voulons dire. C'est là le point de vue des Kaska. Nous voulons que la loi reconnaisse toutes les Premières nations du Yukon. Nous souhaitons un processus favorisant une pleine participation à l'examen public, lorsqu'il se fera au cours des cinq prochaines années. Nous voulons participer et nous avons le droit de participer à l'élaboration des règlements. Nous avons pu nous débrouiller en restant en marge de l'Accord-cadre définitif et du Conseil des Premières nations du Yukon. Par exemple, c'est le Conseil qui nomme tous ceux qui participent aux comités des revendications territoriales. Nous sommes exclus de ce processus. Nous n'obtenons aucune nomination pour participer aux divers comités et commissions qui traitent avec le gouvernement.

Nous voulons nous assurer que non seulement le Conseil, mais aussi les Premières nations qui n'en font pas partie participent au processus. Voilà le point de vue que nous défendons.

Le sénateur Cochrane: Chef Hammond, pourriez-vous être plus précis et nous dire en quoi le projet de loi C-2 ne protège pas la nation Kaska?

M. Dick: Le projet de loi ne va pas assez loin. Le territoire traditionnel de la nation Kaska chevauche la frontière entre la Colombie-Britannique et le Yukon et la frontière avec les Territoires du Nord-Ouest. Des projets sont proposés qui pourraient nuire aux habitants du Yukon, notamment au niveau des collectivités et de notre cadre socioéconomique.

J'ai parlé d'un ou deux projets qui pourraient nuire au Yukon, notamment un aménagement hydroélectrique ou une grande exploitation minière dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons deux mines dans les Territoires du Nord- Ouest qui ont accès au site minier en passant par le Yukon. Cela a un effet préjudiciable sur notre territoire traditionnel. Voilà de quoi nous voulons parler.

Le président: Vous pensez par exemple à des déversements dans l'eau qui pourraient vous toucher en aval, par exemple? Comment quelque chose qui se passe dans un autre territoire peut-il vous toucher au Yukon?

M. Dick: Nous observons déjà des effets négatifs à cause de projets passés, notamment le projet Canol réalisé en 1942. Il y a des mines qu'on envisage maintenant d'exploiter dans les Territoires du Nord-Ouest, juste de l'autre côté de la frontière entre le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. On transportera du minerai à partir de ces zones-là. Cela pourrait avoir des effets préjudiciables.

En ce moment, nous devons faire face aux répercussions de la mine Faro, une mine de plomb et de zinc. Cela dure depuis 30 ans. Même si la mine a fermé, nous sommes très inquiets de l'impact environnemental des stériles ou de ce qui reste, une fois la mine abandonnée. Nous sommes très inquiets de ces mines qu'on exploite pour les abandonner ensuite. Nous craignons les conséquences de cette activité minière.

Un autre projet qui nous inquiète beaucoup est l'aménagement hydroélectrique sur la Liard. Le gouvernement de la Colombie-Britannique envisage toujours ce projet, dont l'aménagement durera jusqu'en 2040. Le site proposé pour le barrage «C», sur la Liard est situé juste en aval des Liard Hot Springs. Une partie de cet aménagement inonderait des terres jusqu'au Yukon. Les sources chaudes se retrouveraient à 500 pieds sous l'eau.

Le sénateur Christensen: Vous dites que, parce que vos revendications territoriales ne sont pas réglées, vous ne pouvez donner votre point de vue sur les règlements, mais tous les habitants du Yukon peuvent le faire. Ils n'ont pas besoin pour cela de revendications territoriales ou de règlement de ces revendications.

M. Dick: C'est exact. Nous ne disons pas que, parce que nous ne sommes pas à la table des négociations, nous n'avons pas un mot à dire sur l'élaboration des règlements. Nous voulons simplement nous assurer que le comité tienne compte de nos intérêts et de nos préoccupations.

Le sénateur Christensen: Je crois comprendre que le Conseil des Premières nations du Yukon doit consulter toutes les Premières nations du territoire, et pas seulement celles qui ont réglé leurs revendications.

M. O'Brien: Je vais m'en tenir à mon expérience. À moins d'être invité, je n'assiste pas à la réunion des dirigeants du Conseil des Premières nations du Yukon. Lorsque j'y assiste, c'est strictement à titre d'observateur. Je n'ai pas vraiment le droit de voter. Lorsqu'un poste s'ouvre, je dis que je ne suis pas présent comme observateur à une réunion des dirigeants de Conseil; ainsi, je n'ai rien à dire sur la composition du conseil d'administration du Conseil des Premières nations du Yukon.

Le sénateur Christensen: Je présume qu'on envoie une lettre à tous les chefs des Premières nations du Yukon, qu'ils soient membres ou non du Conseil, ou qu'ils aient réglé ou non leurs revendications territoriales, demandant qu'on soumette des candidatures au conseil d'administration.

M. O'Brien: Je ne dis pas que le Conseil nomme des incapables au conseil d'administration. Il a fait du très bon travail par le passé. J'ai toujours dit que nous cherchions un terrain neutre pour que nous puissions travailler ensemble. J'ai été nommé chef, et c'est la situation dont j'ai hérité. J'ai travaillé fort pour établir une sorte de relation de travail avec eux.

Je dirais que, une fois ou l'autre, nous avons reçu une lettre, mais, la plupart du temps, nous n'en recevons pas. Il n'y a pas vraiment de communication. Nous avons fort peu de ressources humaines, ce qui est l'un des problèmes que nous éprouvons à cause des restrictions financières et des compressions. À cet égard, je suppose que le Conseil éprouve les mêmes problèmes que nous.

Le sénateur Christensen: Avez-vous remarqué des choses qui, d'après vous, vous empêcheraient, vous ou l'un des vôtres, d'être nommés au conseil d'administration?

M. Smith: C'est l'une des préoccupations que nous avons abordées à la table des négociations sur les revendications territoriales. Nous sommes intervenus vigoureusement auprès du gouvernement au sujet du plan de mise en œuvre de l'Accord-cadre définitif. Nous avons proposé un amendement prévoyant que le CYI est tenu de consulter les Kaska et la Première nation de Kwanlin Dun. Nous voudrions qu'il soit officiel que les nations Kaska et Kwanlin Dun participent aux décisions sur le choix des membres du conseil. Il est certain que le Conseil a prévu un processus pour inviter tous les habitants du Yukon à se proposer, s'ils veulent siéger à des conseils d'administration. Toutefois, ces chefs, siégeant à huis clos, prennent les décisions. Pour l'essentiel, nous avons été exclus. Aucun de nos membres n'a été nommé aux conseils ou aux comités. Il n'y a pas de Kaska qui y siègent non plus. Le processus est prévu, mais nous n'avons pas le droit de nommer des gens.

Le sénateur Milne: Vous avez peut-être déjà entendu dire que votre amendement concernant l'examen de l'application de la loi dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur a déjà été retenu.

M. Smith: C'est une invitation générale à participer. Nous disons que nous souhaitons une plus grande participation. Nous voulons le droit de siéger et d'intervenir directement au sujet des points abordés. Il ne suffit pas que nous soyons consultés ou que nous soyons invités à présenter nos opinions. Nous l'avons fait par le passé, mais cela n'a rien donné. Cela ne nous satisfait pas.

Le président: Merci beaucoup, messieurs. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus comparaître. Nous tiendrons compte de ce que vous nous avez dit dans les questions que nous allons maintenant poser. Je vous remercie, avec tous les autres membres du comité, de nous avoir éclairés.

La séance est levée.


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