Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 13, Témoignages du 1er mai 2003
OTTAWA, le jeudi 1er mai 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi instaurant un processus d'évaluation des effets de certaines activités sur l'environnement et la vie socioéconomique au Yukon, se réunit aujourd'hui à 8 h 02.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Aujourd'hui, nous allons poursuivre nos discussions, et peut-être même mettre fin à notre examen du projet de loi C-2. Nous allons entendre des témoins, après quoi nous passerons à l'étude article par article.
Je suis heureux de vous souhaiter de nouveau la bienvenue, grand chef Schultz et monsieur Mills. Veuillez commencer.
M. Ed Schultz, grand chef, Conseil des Premières nations du Yukon: Honorables sénateurs, au nom de mon peuple, je vous remercie du temps que vous nous accordez pour vous parler d'un sujet qui revêt une énorme importance pour nos citoyens. Je serai bref pour laisser le plus de temps possible pour les questions.
Nous savons que les honorables sénateurs ont reçu des instances exprimant certaines préoccupations à l'égard du projet de loi C-2 à l'étude. En guise de contexte, permettez-moi de vous dire que le projet de loi dont vous êtes saisis représente le fruit de plus d'une dizaine d'années de travail de la part de nombreux résidents du Yukon dans toutes les sphères de la société.
Au début de mon mandat auprès des Premières nations et de mon peuple, j'ai eu la chance de participer à la genèse du chapitre 12 de l'Accord-cadre définitif (ACD)du Yukon, alors qu'on ne le considérait même pas comme un chapitre ou comme une partie d'un accord-cadre. Il y a 10 ans, la façon dont les choses se déroulaient sur notre territoire dans le domaine de l'évaluation environnementale nous préoccupait beaucoup. Comme les honorables sénateurs s'en souviendront sans doute, à l'époque, le Yukon était assujetti aux lignes directrices du Conseil de révision environnementale. Nous disposions d'un siège dans ce processus, un parmi plusieurs. Je siégeais à ce qu'on appelait un «comité régional d'examen de l'environnement». C'était un groupe dont les membres étaient environ trois fois plus nombreux que ceux de votre comité. Notre comité étudiait les grands projets en cours sur le territoire.
Inutile de dire que dans un groupe aussi nombreux, nos voix n'étaient parfois pas entendues, étant donné que notre peuple avait un intérêt très direct, parfois pécuniaire, dans le projet faisant l'objet de l'étude. À cette époque, on ne procédait même pas à une préétude complète, étape où notre peuple était encore moins présent.
Nous avons connu dans le passé diverses expériences liées au développement du territoire. De la ruée vers l'or jusqu'à la naissance du boom minier au début des années 70, nous avons été témoins de bouleversements et de perturbations importants. Dans bien des cas, notre avis concernant ces changements a été ignoré.
Nous avons pensé qu'il serait avantageux de créer un nouvel arrangement prévoyant non seulement notre participation pleine et entière en tant que peuples locaux, mais aussi la présence de tous les Yukonnais locaux, les non- Autochtones compris. Cet arrangement viserait à donner plus de poids aux peuples locaux lors des étapes initiales de projets de développement d'envergure et à faire en sorte que leurs préoccupations soient prises au sérieux par les promoteurs de tels projets ainsi que par les organismes de réglementation gouvernementaux lors de la phase initiale de l'étude et de l'évaluation.
J'ajouterai qu'au début, la nouvelle mesure s'est heurtée à une forte opposition. Cependant, à la suite d'un long processus axé sur un dialogue continu, des consultations et des visites dans les communautés, nous avons finalement abouti à un accord général qui nous a permis de rédiger un chapitre portant spécifiquement sur la mesure législative devant succéder aux lignes directrices du CRE.
Comme nous le savons tous, c'est au cours de ces négociations que l'on a façonné la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Cependant, nous n'avons pas pour autant abandonné notre but ultime, soit l'accord définitif qui a été adopté en 1993.
À la suite de l'adoption et de la ratification de l'Accord-cadre définitif, nous avons donné le coup d'envoi à un processus tripartite réunissant le Canada, le Yukon et notre Conseil pour élaborer une mesure législative en vue de mettre en oeuvre le chapitre 12. Ce processus devait prendre fin deux ans après la date d'entrée en vigueur de l'Accord, mais bien des années plus tard, nous n'y avons pas encore mis le point final. Il y a plusieurs raisons à cela, et avec votre permission, j'aimerais vous présenter notre perspective.
Lorsqu'on constate toute la diligence raisonnable appliquée a à ce projet de loi, je pense que cela a été avantageux pour la mesure comme telle. Nous avons procédé à de nombreux exercices de consultations internes et publiques. Nous avons aussi pu compter sur la participation pleine et entière de toutes les Premières nations du Yukon, particulièrement au cours des premières étapes de l'élaboration de la mesure.
Nous avons remis un mémoire écrit au comité, mais je souhaiterais que mon exposé oral fasse aussi partie du compte rendu.
Le président: Cela va de soi.
J'aimerais évoquer certains points et vous faire part des points saillants de notre mémoire. Je demanderai à M. Mills, qui est notre négociateur en chef dans ce dossier, de prendre la parole sur d'autres points une fois que j'aurai terminé.
À notre avis, ce processus aurait dû être finalisé pour le Yukon depuis longtemps étant donné que le Yukon a bénéficié de la dévolution des programmes des affaires du Nord et que les 25 autres chapitres de l'Accord-cadre définitif, dont un grand nombre traite des sphères de gestion et de cogestion des ressources naturelles, ont déjà donné lieu à des systèmes de gestion conjointe et d'accroissement de la capacité. C'est avec tout cela à l'esprit que cette mesure législative a été rédigée. Par conséquent, elle s'inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste. Ce n'est pas une mesure législative unique. Il convient de se rappeler qu'elle se rattache à de multiples autres mesures dont le but est la mise en oeuvre de ces accords. Elle revêt donc davantage d'importance qu'on pourrait le croire à première vue.
Le projet de loi C-2 est une mesure législative qui reflète certains enjeux qui constituaient à l'origine des motifs de préoccupation. Nous voulions entre autres être sûrs que le projet de loi concrétiserait un processus d'évaluation qui prendrait en compte les effets cumulatifs du développement sur l'ensemble du territoire. Dans le contexte des processus d'évaluation antérieurs, et particulièrement des initiatives d'examen, on ne s'attachait guère aux effets cumulatifs de certains projets réalisés sur le territoire.
C'est une chose d'avoir un projet unique, mais le scénario est totalement différent lorsque la même activité est multipliée et qu'on atteint un seuil donné où les répercussions sont beaucoup plus considérables que s'il s'agissait d'une activité unique. La mesure tient compte de cela. D'ailleurs, nous avons fait des pieds et des mains pour que cette notion soit intégrée au nouveau projet de loi.
Nous voulions aussi nous assurer que la compréhension, les observations traditionnelles et les connaissances du territoire de notre peuple, ainsi que les tendances spatio-temporelles feraient aussi partie intégrante de l'évaluation et seraient considérées sérieusement au cours des étapes préliminaires ainsi que de l'examen de projets d'envergure. Je constate avec joie que la mesure nous donne satisfaction. Autrement dit, on y emploie l'expression populaire «connaissances traditionnelles» pour assurer la prise en compte des observations des membres de notre peuple alliées aux données statistiques, scientifiques et de recherche qui sont habituellement accumulées au cours de ces processus. Nous saluons cela également.
Nous voulions aussi établir un guichet unique pour les évaluations dans les territoires. Dans toute la mesure du possible, le projet de loi tente d'atteindre cet objectif. Plus particulièrement, nous reconnaissons que de multiples ordres de gouvernements — fédéral et/ou territorial et maintenant, des Premières nations — ont compétence en matière de ressources naturelles dans les territoires. Le projet de loi en tient compte et favorise une approche unique pour les promoteurs de projet et ce, afin de leur faciliter les choses. D'où cette idée de créer un bureau régional désigné. En effet, tous les promoteurs sauront que c'est là le point de départ pour faire évaluer comme il se doit leurs diverses activités respectives.
Nous considérons également qu'une plus grande participation des résidents locaux, non seulement de notre peuple, mais aussi des autres Yukonnais, est très importante. Nous voulions aussi nous assurer que le processus tienne compte du fait que divers organismes juridictionnels avaient la responsabilité ou le mandat de rendre certaines décisions aux trois paliers de gouvernement. Voilà pourquoi il est question d'organismes décisionnaires dans le document. En dernière analyse, selon l'endroit où la réalisation du projet de développement est en cours ou envisagé, il appartiendra à l'un des trois ordres de gouvernement de prendre une décision finale. Le processus a été conçu de façon à ce que ces organismes décisionnaires soient saisis de recommandations précises à la suite du processus d'évaluation. Il importe en effet qu'ils soient armés d'informations exactes et récentes. Cela dit, il faut aussi veiller aussi à ce que l'intégrité de ces organismes décisionnaires ne soit pas compromise.
Il y a d'autres points dont je laisserai à notre négociateur le soin de parler. Je sais que vous avez de nombreuses questions. Vous avez sans doute étudié à fond le projet de loi et entendu de nombreuses présentations. Pour ma part, j'estime que mes commentaires couvrent les principaux éléments du dossier dans une perspective politique. En tant que politicien, c'est l'angle que je voulais privilégier.
M. Mills est négociateur et il collabore quotidiennement avec les représentants de toutes nos communautés membres dans les territoires pour ce qui est du volet stratégique et technique. Tout au long du processus, il y a eu des consultations, des réunions de caucus et des sessions de stratégie dans de nos collectivités.
J'ajouterai que le Conseil des Premières nations du Yukon réunit 11 des 14 premières nations établies dans les territoires. Elles représentent la majorité des nations qui y sont implantées, mais plus particulièrement, nous rassemblions toutes les Premières nations qui ont accédé à l'autonomie gouvernementale en vertu d'une loi du Parlement applicable dans les territoires. La présente mesure est partie intégrante de l'exercice visant à finaliser les accords déjà conclus dans les territoires.
Nos membres sont impatients de voir aboutir ce processus pour que des négociations et des discussions plus pointues entre le Canada et le gouvernement du Yukon puissent démarrer sur la façon d'élaborer les systèmes de cogestion. Cela est particulièrement important étant donné que le 1er avril dernier, on a assisté à la dévolution des affaires du Nord. Nous espérons que le projet de loi connaîtra une heureuse conclusion sous peu. Sur ce, je demanderais à M. Mills d'aborder quelques points également.
M. Stephen Mills, négociateur en chef, Conseil des Premières nations du Yukon: Honorables sénateurs, je vais parler pendant une minute et demie.
Le président: Pensez-vous vraiment que nous allons croire cela?
M. Mills: Je terminerai le plus rapidement possible. D'ailleurs, le grand chef Schultz a abordé la plupart des points de notre mémoire. Je vais faire quelques brefs commentaires avant que nous passions aux questions.
Dans les cartables, nous expliquons comment nous avons participé à l'élaboration de cette mesure législative. Ce fut là sans doute la contribution la plus étroite qu'il nous a été donné d'apporter au processus législatif, non seulement en tant qu'interlocuteurs égaux, mais aussi en tant qu'organisateurs de consultations auprès de la population en général et de divers groupes d'intervenants. Je sais qu'il en est question dans la documentation. Pour nous, en tant que Premières nations, ce fut là un grand pas en avant. C'était une preuve que nos accords fonctionnaient, et ces négociations ont donné d'excellents résultats.
Il importe de noter que si nous souscrivons entièrement à cette mesure sous sa forme actuelle, c'est parce que nous avons, à maintes reprises, scruté chacune de ses dispositions. En outre, nous croyons fermement qu'elle est compatible avec notre accord et qu'elle respecte l'esprit et l'intention qui ont présidé à la négociation de nos accords.
Selon certains, la mesure rendra les choses plus difficiles. Nous ne sommes pas d'accord. En l'absence d'une mesure comme celle-là, qui prévoit un processus d'évaluation unique au Yukon, il y aurait eu une quinzaine d'évaluations de type différent que l'on aurait pu faire. Nous pensons que cela concrétisera un partenariat très solide entre tous les ordres du gouvernement, soit les Premières nations, le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral.
Certains témoins ont laissé entendre que cette mesure a des répercussions sur les droits des Premières nations qui n'ont pas encore finalisé leurs accords. Encore là, nous ne sommes pas d'accord avec cette position. Le grand chef Schultz a d'ailleurs fait état de la participation de Premières nations qui n'ont pas encore d'accord. Nous représentons certaines de ces Premières nations sans accord. La mesure à l'étude permettra une meilleure participation de l'ensemble des Premières nations. Cette proposition législative garantit la participation de toutes les Premières nations. Celles-ci se sont entendues sur le type de financement qu'elles recevraient en contrepartie de leur participation à la mise en oeuvre de la mesure proposée. D'après nous, la participation de toutes les Premières nations du Yukon s'en trouvera grandement rehaussée. Cela représente un pas en avant très positif pour la totalité d'entre elles.
Les Premières nations qui sont encore en négociations pourront conclure des accords qui pourraient leur conférer le statut d'organisme décisionnaire. Au moins, à l'heure actuelle, nous avons la garantie de participer au processus d'évaluation dans son intégralité. C'est là un point important que nous voulions faire valoir.
Le Conseil des Premières nations du Yukon représente non seulement des Premières nations autonomes, mais aussi d'autres Premières nations qui ne le sont pas. Nous pensons que les intérêts de toutes les Premières nations ont été respectés dans le cadre de la mesure législative proposée.
Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, j'ai reçu une correspondance des Inuvialuits du delta du Mackenzie qui s'inquiètent des répercussions de cette mesure sur leurs intérêts dans la région du Versant nord du Yukon. Je crois savoir que dans le cadre de leurs revendications territoriales, ils disposent d'un processus pour régler les questions environnementales. J'aimerais entendre les commentaires des témoins à ce sujet.
M. Schultz: Honorables sénateurs, nous sommes au courant des préoccupations exprimées au sujet du Versant nord. M. Mills est originaire de la région. Bon nombre de collectivités s'intéressent vivement au Versant nord du Yukon. Les Yukonnais, en particulier, sont inquiets au sujet du Versant nord étant donné que sur le plan géographique, il se trouve à l'intérieur des frontières du Yukon.
Le projet de loi à l'étude n'exclut aucune partie du Yukon. Il prévoit la participation d'autres peuples à des exercices d'évaluation visant des projets pouvant être réalisés dans leur zone géographique. Ils n'en sont pas exclus. Nous avons déclaré cela, et d'ailleurs nous en avons fait état dans un échange de lettres avec les Inuvialuits et les Gwich'ins. Une fois la présente étape franchie, nous élaborerons une réglementation en vue de préciser clairement comment cela sera concrétisé et mis en oeuvre.
Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, c'est là un sujet de préoccupation. Le Versant nord est une région où il pourrait y avoir des activités de forage pétrolier et gazier. Il est normal que les Inuvialuits et les Gwich'ins veulent savoir qui est propriétaire de terres et qui pourra exploiter cette région du Nord.
Êtes-vous en mesure de leur donner l'assurance que s'il y a des activités économiques dans cette région, ils pourront y participer?
M. Mills: Les Inuvialuits et les autres peuples qui résident dans le delta du Mackenzie participeraient aux évaluations. Cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Milne: Messieurs, vous représentez 11 des 14 bandes du Yukon. Je suis sûr que deux des trois bandes que vous ne représentez pas sont la bande Kaska et la bande Kwanlin Dun. Parmi les 11 bandes, combien sont visées par l'Accord-cadre définitif de l'ACD?
M. Schultz: L'ACD est un document qui identifie ses participants ou ses parties. Les parties en question sont le Canada, le gouvernement territorial du Yukon et le Conseil des Indiens du Yukon. Le Conseil des Indiens du Yukon, aux termes de la définition sanctionnée par l'accord, représente la totalité des 14 nations originales, Kwanlin Dun et Kaska incluses. C'est la situation au niveau de l'Accord-cadre. Deux communautés Kaska et une communauté Kwanlin Dun n'ont pas encore conclu leurs accords définitifs. Nous ne les représentons pas à l'heure actuelle. Elles ne sont pas membres du Conseil des Premières nations du Yukon.
J'ajouterai qu'elles ont contribué à l'élaboration du chapitre 12 aux termes de ce processus. Par la suite, elles ont aussi participé à de nombreuses réunions de caucus régionales, en collaboration avec nos communautés, et ce pratiquement jusqu'à la finalisation d'une ébauche du projet de loi. Une fois cette étape terminée, elles ont décidé, pour les raisons qu'elles vous ont expliquées, quelles qu'elles soient, de ne pas appuyer la mesure. Je comprends certains des arguments qu'elles avancent, mais je ne suis pas convaincu qu'ils soient valables.
Le sénateur Milne: Je comprends cela. Vous l'avez déjà dit. Quel est le troisième groupe qui s'est retiré?
M. Schultz: Il n'y a pas de troisième groupe.
Le sénateur Milne: Si je soustrais 11 de 14, il reste 3.
M. Schultz: Il y a deux communautés Kaska.
Le sénateur Milne: Comme le Yukon compte au total un peu moins de 29 000 habitants, combien de personnes représentez-vous?
M. Schultz: J'ai en main un article de journal dans lequel les trois communautés en question déclarent représenter 40 p. 100 de la population autochtone du territoire. Je doute que ce chiffre soit exact.
Le sénateur Milne: Je posais la question au sujet de votre groupe, et non des Kaskas ou Kwanlin Dun.
M. Schultz: Nous réunissons 11 communautés regroupant environ 9 500 personnes d'origine autochtone visées par l'accord sur tout le territoire. Nos 11 communautés représentent au moins 70 p. 100 de cette population.
Le sénateur Christensen: Aux audiences de mardi, les représentants des Kwanlin Dun et des Kaskas ont exprimé des inquiétudes quant à la possibilité pour leurs membres d'être nommés à l'Office. Ils nous ont dit qu'ils avaient participé au processus et qu'en fait, ils avaient reçu un financement considérable pour le faire. Cependant, comme leurs communautés sont sans accord définitif et qu'elles ne font pas partie du Conseil des Premières nations du Yukon, elles ne peuvent voter aux réunions de grands chefs. Elles ont plutôt statut d'observateur, ce qui est logique. Ce qu'elles craignent, c'est que leurs membres ne soient pas admissibles ou pressentis pour des postes à l'Office.
M. Schultz: Dans le contexte du Conseil des Premières nations du Yukon, il existe un conseil, un comité et une commission chargés de la mise en oeuvre de cet accord. Les communautés Kwanlin Dun et Kaska sont tenues au courant des nominations qui sont faites. Elles en sont avisées à l'avance. Nous recevons également un grand nombre de candidatures de leur part. En fait, un grand nombre de leurs citoyens siègent présentement aux nombreux conseils et comités établis en vertu de l'Accord-cadre puisqu'il est acquis qu'elles sont parties à cet accord. Elles ont amplement l'occasion de participer pleinement à ces discussions et à ces décisions finales. De façon générale, cet accord ne relève pas du cadre constitutionnel interne propre aux conseils des Premières nations du Yukon.
Ces instances ne reflètent pas nécessairement tout à fait la façon dont les choses se déroulent. En vertu du projet de loi, il est prévu qu'on leur accordera la possibilité d'avoir leur mot à dire concernant des projets qui seraient réalisés sur leurs terres. Il n'y a aucune compétence relevant des Premières nations qui n'ait été assujettie à la mesure en vue d'assurer leur participation pleine et entière. Il n'y aurait aucune tentative de notre part d'exercer sur leurs terres traditionnelles un pouvoir quelconque qui leur appartient de plein droit.
Le sénateur Christensen: Ces communautés n'ont pas d'accord définitif. Par conséquent, les terres qui ont été réservées ont été identifiées et retirées. Si l'on envisage de lancer des projets de développement sur ces terres, quelle protection auront ces communautés?
Le sénateur Milne: Il faut savoir que la mesure législative ne change en rien le pouvoir ultime conféré aux décisionnaires concernant certaines terres.
Dans le cas des Kaskas ou des Kwanlin Dun, si un projet de développement voit le jour dans leur région, il y a en place certains gouvernements qui ont maintenant l'autorité de leur donner le feu vert ou non. Cela ne confère aucun nouveau droit aux Kaskas ou aux Kwanlin Dun. C'est quelque chose qui dépend de l'issue de leurs négociations et d'éventuelles décisions juridiques.
La mesure législative garantit leur participation à l'évaluation. Elle reconnaît aussi qu'elles doivent être consultées avant que le gouvernement du Canada ou du Yukon rende une décision écrite.
Cela se traduit par une augmentation des fonds devant financer la participation au processus décisionnel. Leur participation à toute évaluation est aussi garantie. Mais pour ce qui est du processus ultime, la réglementation, cela n'est pas du ressort de la mesure.
Le sénateur Christensen: Les terres qui ont été identifiées et retirées en attendant un règlement final sont-elles protégées?
M. Schultz: Oui. Pour ces nations, et même pour les nations du Conseil des Premières nations du Yukon sans accord définitif, on prévoit une protection provisoire à l'égard des terres qui ont été identifiées et qui présentent un intérêt prioritaire.
Le sénateur Christensen: Si je ne m'abuse, elles sont protégées pendant cinq ans, avec possibilité de renouvellement après le règlement.
M. Schultz: Oui.
Le sénateur Christensen: Je veux revenir à la question du sénateur Sibbeston sur les Inuvialuits. Ils craignent qu'il y ait un conflit entre leur processus d'évaluation et celui prévu par la mesure. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Mills: Au départ, lorsque nous avons conçu cette mesure, nous nous sommes fondés sur le principe voulant qu'elle n'exclue pas explicitement le Versant nord. Par conséquent, nous ne pouvons préconiser une exclusion. Je pense que même ma propre Première nation aurait du mal à ne pas participer à une évaluation aux termes du chapitre 12 en ce qui a trait à un projet sur le Versant nord.
Il existe une grande différence entre la portée des deux régimes d'évaluation et les facteurs qui doivent entrer en jeu en ce qui concerne le Versant nord.
Pour qu'il n'y ait pas deux comités d'évaluation, certaines dispositions précisent ce qui se passera si un projet fait l'objet d'une étude dans le cadre d'un processus d'examen fondé sur la Convention des Inuvialuits. Nous reconnaissons qu'il est possible que deux processus d'évaluation différents aient cours en ce qui concerne le Versant nord du Yukon, particulièrement au niveau de la préétude.
Le projet de loi prévoit deux mécanismes. L'un d'eux autorise les comités d'évaluation à tenir compte des travaux réalisés par un organisme analogue. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de refaire les mêmes travaux. Nous pensons que cet aspect est important pour éviter tout double emploi. De cette façon, il n'est pas nécessaire de recommencer à zéro et de demander aux mêmes personnes de participer et de fournir la même information dans le cadre de deux processus d'évaluation différents.
La mesure autorise un double processus pour des projets particuliers. Le problème auquel nous nous heurtons à l'heure actuelle, c'est que la même disposition n'existe pas dans la Convention des Inuvialuits. Je crois savoir qu'il y a un amendement en ce sens dans le collimateur, mais les Inuvialuits mettent toujours longtemps à accepter des amendements à leurs accords.
À notre avis, le cadre est en place, et je pense que lorsqu'ils examineront les amendements proposés à leur Convention, les deux régimes s'harmoniseront beaucoup mieux; mais pour l'heure, nous devons protéger le chapitre 12 et la teneur de nos accords.
Le sénateur Christensen: Les Inuvialuits ont un autre sujet de préoccupation. À leur avis, un des leurs devrait être nommé à l'Office. Aux termes du projet de loi C-2, chaque Première nation n'a pas nécessairement de représentant à l'office. Veuillez commenter cela.
M. Schultz: Vous avez raison. Au niveau de l'Office, il y a une certaine représentation des Premières nations, mais il s'agit là de l'organisme déterminant. Nous ne trouvons pas nécessairement avantageux que quelqu'un de cette région siège à l'Office proprement dit car ce processus s'attachera surtout, probablement dans 95 p. 100 du temps ou plus, aux intérêts directs du Yukon. D'autres Premières nations du Yukon ont un intérêt pécuniaire plus marqué, mais d'après ce qui est précisé dans la mesure, les Inuvialuits et/ou Gwich'in de cette région du Nord pourraient participer aux divers comités et aux processus d'évaluation.
Le sénateur Christensen: Participent-ils directement à la réalisation des projets mis en oeuvre dans ces régions, étant donné qu'ils ont des droits sur ces terres?
M. Schultz: Oui.
M. Mills: La position mise de l'avant par les Inuvialuits est semblable à celle des Tetlit Gwich'in, des Kaskas et des Kwanlin Dun. Le véritable enjeu consiste à proposer trois candidats autochtones au ministre pour qu'il comble les trois postes vacants. Si chaque Première nation ne faisant pas partie du Conseil des Premières nations du Yukon est assurée d'avoir un siège, aucune Première nation du CPNY ne sera représentée au sein de cette entité.
Tout le monde peut présenter des candidatures; c'est ce que nous faisons lorsque nous proposons des personnes pour siéger à des conseils, et c'est ce que font aussi les Tetlit Gwich'in, les Kaskas, les Kwanlin Dun et n'importe quelle Première nation du CPNY. Nous choisissons autant que possible les trois meilleurs candidats capables de défendre les intérêts de l'ensemble des Premières nations car aucun d'entre eux n'est le délégué d'un groupe autochtone en particulier. Toutes les personnes qui siègent au sein de ces organes doivent être indépendantes; c'est pour nous une garantie de compétence.
Ce que le chapitre 12 ne prévoit pas, et qui n'est pas non plus stipulé dans la loi, c'est que les commissions d'examen formées en vertu de la Loi sur l'évaluation environnementale et socio-économique au Yukon sont constituées de membres de l'Office; par conséquent, si on développe un projet sur le versant Nord du Yukon, on ne nommerait pas automatiquement un représentant des Inuvialuits au sein de cette commission, à moins qu'il ne soit aussi membre de l'Office.
Le sénateur Christensen: J'aimerais parler du processus de réglementation en place ou en cours d'élaboration car il préoccupe grandement la Chambre de commerce du Yukon, la Placer Mining Association et d'autres groupes d'intérêts yukonnais.
Pourriez-vous nous parler des processus mis en oeuvre jusqu'à présent et nous dire comment vous les jugez? Étaient- ils aussi poussés que vous le souhaitiez ou peuvent-ils encore être améliorés?
M. Schultz: D'un point de vue politique, mes collègues chefs et moi-même sommes satisfaits car nous estimons que notre participation au processus d'élaboration de la réglementation, pas seulement pour ce projet de loi, mais aussi pour d'autres mesures législatives, a atteint des niveaux inégalés dans ce pays. Je crois que le Yukon est vraiment un modèle à suivre car il permet de comprendre à quel point il est possible d'améliorer la gouvernance, l'intendance et les relations entre les Autochtones et le reste des Canadiens.
Nous estimons notre participation suffisante. Elle nous a notamment permis de faire valoir les intérêts et les préoccupations de nos peuples dans l'élaboration des lois et des règlements. Je considère l'expérience satisfaisante. Je n'ai entendu personne dire le contraire dans ma communauté.
M. Mills: Pour mettre les choses au point, sénateur Christensen, je pense que lorsque vous parliez du processus de réglementation, vous faisiez référence à la loi elle-même, n'est-ce pas?
Le sénateur Christensen: Oui, c'est exact.
M. Mills: Nous avons eu des discussions, et lorsque nous nous sommes entretenus avec les représentants de l'industrie et des Premières nations sur cette question, ceux-ci ont cru, à tort, que cette mesure allait modifier le déroulement des processus réglementaires au Yukon. En fait, il y a eu quelques malentendus au départ. Ce processus n'est qu'un processus d'évaluation qui alimente les régimes réglementaires établis; la dévolution des pouvoirs a changé les choses à l'égard du rôle du gouvernement du Yukon, et les ententes que nous avons négociées ont modifié nos attributions en tant qu'organe de réglementation de nos terres. Il faut faire une distinction entre les deux processus.
En outre, nous avons obtenu les fonds suffisants pour participer à ce processus, ce qui n'est pas toujours le cas. On nous a traités de manière équitable à la table des négociations et il n'y a rien, dans ce projet de loi, qui nous ait été imposé pour conclure les négociations. Nous avons accepté tous les compromis et le reste pour pouvoir aller de l'avant. Selon moi, il n'y a pas beaucoup de lois qui tendent vers cet objectif et tiennent compte des Premières nations de cette manière.
Nous avons rencontré chaque communauté et chaque gouvernement autochtone à plusieurs reprises. Le processus de consultation et la participation des Premières nations à l'élaboration de cette mesure législative ont constitué une expérience unique. Nous n'avions jamais pris autant part à une initiative semblable auparavant.
Le sénateur Christensen: Je suis d'accord avec vous pour reconnaître que les Premières nations ont reçu le financement adéquat. Malheureusement, d'autres organisations se plaignent de ne pas obtenir de fonds, alors qu'elles doivent poursuivre leurs travaux et tenter, tant bien que mal, de prendre part au processus.
J'aimerais que nous parlions maintenant de l'examen quinquennal car c'est une source d'inquiétude pour plusieurs régions. Cet examen n'est pas requis dans le projet de loi C-2, mais il l'est dans l'Accord-cadre définitif. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? On craint que s'il était aussi exigé en vertu du projet de loi C-2, il faille entreprendre deux examens. Il convient de noter que l'examen est déjà inscrit dans l'Accord-cadre définitif et qu'il se fera de toutes manières.
M. Schultz: Vous avez raison de faire remarquer que les accords définitifs signés dans le territoire, que ce soit au titre de l'autonomie gouvernementale ou des revendications territoriales, exigent la tenue d'un examen quinquennal permettant de déterminer la pertinence des dispositions de ces ententes et d'évaluer les différentes modalités de financement. Ces examens sont obligatoires et sont inscrits dans la loi sur l'autonomie gouvernementale du Yukon et dans l'entente finale sur les revendications territoriales du Yukon adoptées par la Chambre des communes.
Je laisse le soin à M. Mills de parler de cette mesure législative et d'expliquer comment elle se reflète dans le travail accompli jusqu'à présent car il le fera certainement de manière plus éloquente et plus précise que moi.
Le sénateur Christensen: L'examen quinquennal vise-t-il simplement à revoir la façon dont l'Accord-cadre définitif a été mis en oeuvre ou bien est-il destiné à évaluer son incidence sur l'industrie et tout le reste?
M. Schultz: Il n'est pas sensé porter sur l'impact socio-économique de l'entente dans son ensemble, mais plutôt sur les dispositions précises de l'entente et sur l'efficacité de leur mise en oeuvre.
M. Mills: L'Accord-cadre définitif stipule, en ce qui concerne le chapitre 12, que l'examen quinquennal doit se faire après la promulgation de la loi. Nous avons l'obligation stricte de mener à bien cet examen, qui ne porte d'ailleurs pas uniquement sur la mesure législative elle-même, mais aussi sur l'efficacité du processus en général. C'est un examen exhaustif qui ne vise pas seulement à déterminer si tout est conforme au chapitre 12.
Nous, les Premières nations, croyons qu'il cherche à établir si les organismes d'évaluation fonctionnent efficacement et à savoir comment améliorer le processus. Cela fait partie des conditions. Il n'est pas nécessaire d'en faire état dans la loi parce que c'est déjà inscrit dans un document protégé en vertu de la Constitution. Le répéter ne ferait que créer une confusion entre les libellés; il vaut donc mieux laisser les choses telles qu'elles sont établies dans l'Accord-cadre définitif.
Le sénateur Christensen: La Loi sur la gestion des ressources de la Vallée du Mackenzie a créé un certain nombre de problèmes dans ce secteur. Elle a été mise en oeuvre avant ou pendant la rédaction de celle-ci. En a-t-on tiré des leçons? D'après vous, a-t-on apporté des changements à cette mesure législative qui reflètent les problèmes découlant de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie?
M. Mills: Pendant l'élaboration de ce projet de loi, nous avons examiné quelques-uns des anciens et nouveaux régimes en vigueur. Nous avons également eu de longues discussions avec des membres du secrétariat responsable de la Loi sur la gestion des ressources de la Vallée du Mackenzie, qui nous ont fait part de leurs propres expériences. Cette loi est riche en enseignements. J'aimerais vous dire que nous avons résolu tous les problèmes.
S'il y a une chose que nous avons bien apprise, c'est qu'il faut prendre le temps de mettre en oeuvre cette mesure législative et s'assurer que les différents organismes sont bien préparés et prêts à agir le moment venu. C'est la raison pour laquelle nous disposons de plus de temps pour la préparation et la formation adéquates de ces organismes.
Nous avons examiné ces mesures législatives ainsi que plusieurs ébauches de règlement. Nous pensons avoir retenu quelque chose de leur expérience et de plusieurs autres régimes d'évaluation en vigueur. Nous nous sommes efforcés d'apprendre le plus possible des erreurs, mais aussi des expériences positives, des autres.
Le sénateur Christensen: Une des questions soulevées durant notre séance de mardi portait sur la capacité de satisfaire à toutes les exigences de ces entités et de mener à bien le travail qui doit être accompli dans les six régions concernées. C'est un défi de taille au Yukon étant donné qu'il est difficile de réunir tout le monde dans les secteurs où il y a une faible population. Ceci dit, le jour viendra où nous serons maîtres chez nous. Pourriez-vous nous faire part de votre opinion à ce sujet, s'il vous plaît?
M. Schultz: Les moyens sont au centre de la mise en oeuvre de cette mesure législative ainsi que de toutes les obligations et responsabilités subséquentes découlant des ententes finales. Conscients du fait que ce projet de loi doit établir une formule à guichet unique en matière d'évaluation, toutes nos Premières nations membres qui jouissent actuellement d'une certaine autonomie gouvernementale examinent avec le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire d'un secrétariat à l'autonomie gouvernementale, les moyens sur lesquels nous devons nous concentrer. Nous évaluons les capacités requises pour garantir le transfert adéquat de nos responsabilités. Il y a encore des pourparlers à ce sujet en ce moment.
Toutes les Premières nations jouissant d'une certaine autonomie gouvernementale négocient actuellement les moyens nécessaires pour assumer les différents aspects de leurs responsabilités. Certaines en sont encore à la phase de conception, à la recherche du modèle de système de gestion des terres et des ressources qu'elles développeront. Avant d'en arriver là, elles doivent demander aux membres de leur communauté, conformément au cadre constitutionnel qui les régit, quel type de loi sur la gestion des terres et des ressources ils veulent voir appliquer sur leur territoire.
Outre les obligations directes découlant des systèmes de cogestion décrites dans l'entente, les Premières nations doivent clairement définir ce qu'elles veulent pour exercer davantage de contrôle ou de mainmise, ou bien décider quel dossier elles sont prêtes à laisser au gouvernement fédéral ou territorial.
Le sénateur Christensen: Il existe une disposition de non-dérogation applicable aux Premières nations qui rejoint les exigences constitutionnelles de l'article 35. Il n'y a pas de disposition de non-dérogation dans ce projet de loi. Pouvez- vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Schultz: Selon nous, il n'est pas nécessaire d'avoir une disposition de non-dérogation. Cette mesure législative découle de l'entente finale qui, elle, contient une telle disposition. Il convient d'ailleurs de souligner qu'elle renferme plusieurs articles définissant cette position.
Dans un contexte plus large, la principale raison pour laquelle ce projet de loi et d'autres mesures législatives viennent d'Ottawa tient à la nécessité de définir la relation entre le Canada et les peuples du Yukon. Auparavant, cette relation était définie dans la Loi sur les Indiens. Elle n'était pas très fructueuse car elle était surtout dictatoriale. La nouvelle entente finale et cette disposition récente entre nos peuples et le gouvernement fédéral précisent davantage la teneur de cette relation.
Pour ce qui est des Premières nations ayant déjà accepté l'ensemble des dispositions assez floues du paragraphe 35(1) de la Constitution relatives aux droits, nous changerons le libellé de ces dispositions pour le remplacer par celui des ententes finales parce qu'il est plus récent et qu'il précise davantage ces droits, autant pour nous que pour le gouvernement du Canada.
Ceci étant la situation générale, nous n'avons pas pris de position ferme demandant l'application d'une disposition de non-dérogation car ce n'était pas nécessaire. Celle-ci découle d'une entente dans laquelle sont déjà définis ces droits.
Le sénateur Milne: Chef Schultz, les représentants de la Placer Mining Association qui ont comparu devant nous mardi se disaient préoccupés par les délais. Si leurs concessions expirent avant que plusieurs des autres groupes aient leur propre organisation, ils ne pourront pas les renouveler. Pouvez-vous les rassurer à cet égard?
D'après ce que vous avez dit, les différents groupes que vous représentez sont à divers stades d'organisation pour décider comment utiliser leurs terres et de quelle façon consulter leurs propres membres sur cette question.
M. Schultz: Je faisais référence aux 16 000 kilomètres carrés de terres qu'ils possèdent directement. Les quelque 200 000 kilomètres carrés restants du Yukon relèvent des lois d'application générale. Ces processus ne seraient pas visés par les discussions internes des Premières nations.
Le sénateur Milne: Je comprends bien. Toutefois, il doit y avoir des secteurs, sur ces terres, directement sous le contrôle des bandes.
M. Schultz: Effectivement. S'il y a une chose que nous avons bien comprise dans nos systèmes d'autonomie gouvernementale, c'est que lorsque nous assumons une responsabilité, nous devons aussi être prêts à respecter notre engagement.
Cet engagement consiste à s'acquitter de manière adéquate et réfléchie des responsabilités ou des décisions qui nous incombent. Nous reconnaissons que tous les ordres de gouvernement sont liés par cet engagement, et c'est aussi notre cas, en tant que nations autonomes. Nous déployons tous les efforts nécessaires dans ce sens. Je ne crois pas que beaucoup de membres de la KPMA ou d'autres intérêts miniers du Yukon comprennent qu'une grande partie des 16 000 kilomètres carrés conservés par les Premières nations autonomes étaient réservés à l'exploitation minière. Je sais que d'autres ont généralement l'impression que c'est le contraire, mais il n'en est rien.
Étant donné la position adoptée par beaucoup de ces Premières nations, je ne pense pas qu'il soit dans leur intérêt de faire obstruction à quoi que ce soit.
Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, c'est un peu ce qui s'est passé avec la Loi sur l'eau du Nunavut, qui émanait de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Dans ce cas, cela émane véritablement de l'Accord-cadre conclu avec les Premières nations du Yukon. Nous n'avons pas besoin d'une disposition de non- dérogation. Les membres devraient comprendre cette distinction. Dans une loi générale, il faut une disposition de non- dérogation, mais dans un cas comme celui-là, ce n'est pas nécessaire parce qu'il y a suffisamment de protection accordée en vertu de l'accord initial sur les revendications territoriales.
Le président: J'imagine que vous aurez tous été ravis d'entendre à quel point le niveau de coopération et d'engagement était formidable tout au long du processus car cela ne se produit pas si souvent.
Vous aurez aussi compris que nous nous efforçons de veiller à ce que tous les peuples soient adéquatement représentés et écoutés et à ce que l'on tienne compte de tout le monde dans cette entente car elle s'applique à tous.
Dans les circonstances actuelles, et plus particulièrement en ce qui concerne les mines de placers, l'industrie a quelques réserves au sujet du degré d'efficacité des gens sur le terrain. Elle ne leur fait pas beaucoup confiance.
Avez-vous bon espoir qu'on ne parachutera pas un groupe de bureaucrates qui ne connaissent rien de ce qui se passe dans ces bureaux régionaux pour dicter, comme vous l'avez dit, la conduite de ces évaluations? Avez-vous l'assurance qu'on confiera ces tâches à des personnes bien au courant de la situation?
M. Schultz: Oui, absolument. Si je pensais autrement, je ne serais pas en train de témoigner devant ce comité. Je suis l'évolution de la situation, notamment au chapitre de l'évaluation environnementale, depuis que je suis au service des Premières nations, c'est-à-dire depuis maintenant 16 ans. J'ai vu la progression de notre participation et des différents processus, particulièrement à l'échelle régionale.
J'adhère à certaines des observations formulées par les représentants de l'industrie selon lesquelles, par le passé, on a commis des erreurs bureaucratiques en ne traitant pas les problèmes en temps opportun. Nous avons fait quelques tentatives qui nous ont permis de trouver des solutions amiables à plusieurs de ces processus bancals.
Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas de problèmes quand nous sortons de notre propre territoire. Honorables sénateurs, vous savez certainement que nous avons entamé des pourparlers au sujet de décisions concernant les mines de placers prises par Pêches et Océans. Les Premières nations, l'industrie et le gouvernement territorial ont travaillé en étroite collaboration à la recherche d'une solution et d'un règlement amiables. Nous continuons de défendre devant qui veut nous entendre, ici à Ottawa, que nous voulons poursuivre nos travaux dans ce sens.
S'il y avait parachutage, je serais tenté de dire qu'il viendrait d'Ottawa, si je puis m'exprimer ainsi.
Le président: C'est exactement ce que je voulais savoir.
M. Schultz: Ce projet de loi vise à favoriser la participation du milieu. Les bureaux désignés doivent être situés dans les régions et confiés à des fonctionnaires. On ne dit pas clairement s'il faut que ce soit des fonctionnaires autochtones, territoriaux ou fédéraux. Ce sera déterminé plus tard dans le processus de mise en oeuvre. C'est à ces bureaux que les gens s'adresseront en premier.
Le processus en soi est très clair et stipule de manière explicite que ce sont les gens sur place qui feront le travail. J'ai totale confiance qu'à mesure que nous définirons les règlements de mise en oeuvre du projet de loi proposé, l'industrie bénéficiera de certaines mesures favorables.
De nos jours, les Autochtones du Yukon ont une personnalité double. Nos responsabilités en matière de gouvernance sont reflétées dans ces ententes. Les prestations de soins de santé, les programmes de sécurité, les services, la cogestion, l'intendance et toutes les choses que nous faisons reposent sur un objectif fondamental: celui de devenir autonomes et, autant que faire se peut, de générer nos propres revenus pour l'application de ces programmes et la fourniture de ces services.
Mais comment y parvenir? Au début, comme c'est le cas pour la plupart des autres gouvernements, ce serait au moyen de solides ententes de transfert financier conclues directement avec Ottawa.
Toutefois, si vous examinez les ententes fiscales que nous avons prévues dans le cadre du processus de mise en oeuvre, vous verrez que nous nous sommes aussi donnés pour mandat de créer nos propres sources de revenus, de stimuler la croissance économique de nos régions, de favoriser une plus grande participation et d'attirer des capitaux dans nos sociétés et entreprises privées régionales pour qu'elles génèrent les revenus qui représenteraient l'assiette fiscale de ces Premières nations et que nous partagerions avec le gouvernement fédéral au titre de l'impôt sur le revenu, de l'impôt foncier, et cetera. Je dois me présenter devant un autre comité permanent dans quelques heures pour y parler d'un projet de loi sur la gestion financière liée à la mise en oeuvre.
Nous n'avons aucun intérêt à établir des processus de réglementation qui entraveraient le développement de nos entreprises et sociétés privées car ce ne serait pas du tout à notre avantage. Nous ne sommes pas du genre à nous comporter en empêcheurs de tourner en rond. Ce n'est pas dans notre intérêt. Notre but est de veiller à ce qu'il y ait une représentation juste et équilibrée durant ces évaluations et que celles-ci soient faites en temps opportun et de façon à ce que les gens aient la satisfaction de voir que lorsque quelque chose est décidé, c'est parce que toutes les questions ont été examinées, tous les intervenants ont été entendus et que les chances de succès sont raisonnablement élevées. C'est sur cela que tout repose.
Lorsqu'un projet d'envergure échoue sur le territoire, le reste du Yukon en pâtit. Il y a eu plusieurs grands projets ayant échoué financièrement; les entrepreneurs ont plié boutique, ils ont dissout la compagnie et sont partis avec la caisse, abandonnant les contribuables du Yukon et leur laissant des coûts d'infrastructure élevés — dus au développement du projet — ainsi que des factures impayées. Nous ne voulons pas que cela se reproduise. Nous voulons que les gens sur place prennent la situation en mains et s'assurent que ces projets sont viables.
Le sénateur Eyton: Ce cri du coeur ne nous laisse pas indifférents. J'ai parcouru rapidement le mémoire que vous avez présenté.
Permettez-nous de vous dire qu'il est inhabituel qu'une mesure législative proposée évolue de cette façon et soit reçue avec autant d'enthousiasme. Cela me laisse un peu dubitatif.
D'après mon expérience auprès du gouvernement, quand un ministère parle d'agir en temps opportun, c'est dans un délai de quatre, cinq ou six ans. Et si je me fie à mon expérience du milieu des affaires, ce délai serait d'une année ou deux, pas plus, parce que le temps, c'est de l'argent.
Qu'en pensez-vous? Donnez-nous le point de vue du conseil et des Premières nations. Finalement, à peu près tout tourne autour de la garantie que nous travaillions de manière intégrée, que nous examinions la situation ensemble et que nous agissions en temps opportun. Il me semble que les trois groupes d'intérêts dont j'ai parlé ont une définition du caractère opportun très différente les uns des autres.
M. Schultz: Si nous nous limitons au précédent historique, nous avons toutes les raisons d'être pessimistes. J'aimerais que nous soyons davantage avant-gardistes et que nous cherchions à corriger ces lacunes. C'est ainsi que nous essayons de nous ajuster.
Le caractère opportun du processus est directement lié à l'ampleur des projets. Évidemment, je m'attends à ce que le délai d'intervention dans une simple mine d'exploitation d'or placérien soit très rapide car c'est un projet de faible envergure dont on peut rapidement évaluer les impacts.
Si c'est un projet du type de la mine Faro, une mine à ciel ouvert pour laquelle on a dépensé des centaines de millions de dollars en infrastructure électrique et autres systèmes de soutien, et que l'on dépend des subventions du gouvernement, et cetera, alors le temps nécessaire pour réaliser l'évaluation risque d'être plus long. Je ne saurais vous dire quel serait le délai approprié dans chacun des cas; tout ce que je sais, c'est que cela dépend de l'ampleur du projet évalué.
La mesure législative proposée prévoit trois catégories d'évaluation, comme le type de choses à évaluer, le niveau de détail et la teneur de l'examen initial par rapport à l'évaluation en tant que tel. Là aussi, il y aura des distinctions à faire quant aux délais.
Le sénateur Eyton: J'aimerais connaître votre point de vue sur la position des Premières nations du Yukon à l'égard d'une forme ou d'une autre de développement économique. Y sont-elles favorables? Sont-elles neutres ou bien attentives à toutes les conséquences? Ont-elles un préjugé solidement implanté contre le développement économique et en faveur du maintien du mode de vie actuel?
Si je pose cette question, c'est parce que je sais pertinemment que les entreprises peuvent faire des choix. Elles chercheront à traiter avec des gens responsables capables de travailler dans les délais souhaités. Sinon, ces entreprises iront investir leur argent ailleurs, dans d'autres régions, d'autres provinces ou d'autres États où elles seront les bienvenues et où les délais seront raisonnables.
Je fais particulièrement référence à toutes les grandes sociétés minières qui doivent maintenant se conformer à des normes internationales en matière d'environnement et de sécurité. Par exemple, une grande compagnie minière devra se soumettre aux mêmes normes, qu'elle soit établie au Chili, au Mexique, au Yukon ou dans le nord de l'Ontario. Ces sociétés ont vu venir les choses et elles savent où aller. Il leur serait difficile de faire autrement. Je vous parle ici de grandes entreprises, et j'en connais plusieurs très bien.
Dans ce contexte, comment envisagez-vous le développement économique? Y êtes-vous favorables ou êtes-vous plutôt réticents?
M. Schultz: Les actions de bien des membres de nos communautés et de plusieurs de nos entreprises reflètent la volonté ferme d'encourager le développement et la croissance économique. Toutefois, il faut agir de manière responsable et j'insiste bien sur le mot «responsable».
Très franchement, nous avons souffert pendant plus de 100 ans des répercussions négatives d'un développement anarchique et effréné. Aujourd'hui, nous sommes à la veille de devenir un partenaire à part entière dans la Fédération canadienne. Je ne dis pas cela uniquement parce que nous voulons un système de gouvernement ayant une représentation égale et le pouvoir de dispenser des soins de santé et des programmes de sécurité ou d'administrer les terres et les ressources, mais aussi parce que nous voulons devenir un partenaire économique à part entière du secteur privé.
Il y a une distinction claire dans notre région. Nous avons entrepris un exercice d'une durée de deux ans, au sein de nos collectivités, auquel ont pris part les Kwanlin Dun, les Kaskas et trois autres communautés du nord de la Colombie-Britannique. Celles-ci font désormais partie d'une corporation régionale. Nous avions un système totalement intégré. Nos systèmes politique et économique formaient un tout, mais nous les avons séparés en deux.
Nos entreprises et corporations locales ou régionales du secteur privé sont massivement engagées dans les activités forestières et minières. Beaucoup de gens travaillent dans l'exploitation des placers. Plusieurs Premières nations voudraient s'investir dans de grands projets miniers. D'autres travaillent dans les secteurs pétrolier et gazier. D'autres encore ont créé de solides partenariats avec des compagnies aériennes, des sociétés de transport, de télécommunications, et cetera. Notre région fait preuve d'un très grand dynamisme en dépit des événements passés qui témoignent du contraire.
De manière générale, au bout du compte, les gens sont optimistes. Nos aînés et nos concitoyens nous demandent de rester tournés vers l'avenir. Il ne serait pas dans notre intérêt d'adopter des processus de réglementation qui ne feraient que ralentir, voire paralyser, la croissance économique.
Si la croissance économique n'est pas suffisante dans la région, nous ne générerons pas assez de revenus pour gérer et dispenser tous les bons programmes de santé et de sécurité que nous voulons. Même si, au début, les ententes font référence à des accords de transfert financier provenant du gouvernement fédéral, rien n'est garanti à perpétuité et sans condition. Nous devons commencer à réfléchir à des façons de créer nos propres sources de revenus. Le seul moyen d'y parvenir, c'est de garantir des processus de réglementation adéquats et opportuns.
M. Mills: Non seulement nous créons de la richesse pour les gouvernements, mais nos sociétés sont maintenant parmi les plus grands employeurs du secteur privé. La société de développement économique que je dirige a conclu des partenariats avec d'autres Yukonnais dans le cadre d'accords de coentreprise. Nous avons signé des ententes de partenariat avec des sociétés non autochtones établies de longue date afin de nous renforcer mutuellement. Nous sommes clairement en faveur du développement économique, à condition qu'il englobe tous les aspects de la croissance.
Pour ce qui est des bureaux locaux, nous croyons que les localités de la région disposent des moyens nécessaires. Mais il y a des gens qui ne veulent pas travailler à Whitehorse. Ils préfèrent aller ailleurs. Par le passé, l'industrie d'exploitation des placers était favorable à ce que les décisions se prennent dans la ville de Dawson. Cela change de temps à autre. Parfois, ils sont pour les bureaux locaux et parfois, ils sont contre. On voulait avoir un bureau dans la région de Dawson qui dispose d'une certaine expertise pour que les évaluations se fassent plus rapidement.
Quand on examine les différents aspects de la réglementation, on se rend compte qu'il y a plusieurs niveaux d'évaluation. Nous pensons qu'il serait plus efficace que ce soient les bureaux désignés qui se chargent des évaluations, plutôt que le travail soit fait depuis Whitehorse. Par ailleurs, nous croyons que les grands projets doivent être soumis à des évaluations plus détaillées; cela semble raisonnable.
Quelques-unes des règles établies permettent la création de différentes catégories dans l'évaluation réalisée, de façon à déterminer ce qui peut être fait rapidement. Nous avons tout intérêt à ne pas paralyser le processus d'évaluation avec des projets inutiles.
Le sénateur Eyton: Les gens y veilleront.
M. Schultz: Je l'espère.
Le sénateur Baker: Ne regrettez-vous pas que vos tentatives visant à élaborer une mesure législative intimement liée aux lois fédérales vous empêchent d'aller aussi loin que vous le voudriez?
J'ai remarqué qu'on emploi les mots «peut» et «doit» dans différentes parties du projet de loi, particulièrement quand on parle des commissions d'examen qui seront mises sur pied. Celles-ci auront le pouvoir de tenir des réunions publiques dans les régions. N'importe quelle commission aura autant de pouvoir qu'un juge de la cour supérieure en ce sens qu'elle pourra exiger la présentation de documents et la comparution de témoins. Ces témoins devront répondre aux questions et les documents devront être rendus publics. C'est là le pouvoir conféré à un juge de la cour supérieure. On ne définit pas le pouvoir dans le projet de loi, mais c'est bien de cela dont il s'agit.
Si vous regardez les pouvoirs similaires consentis à des commissions d'examen établies en vertu de lois provinciales semblables, vous verrez que cette disposition du projet de loi accorde certaines protections relatives à l'utilisation future de toute information supplémentaire donnée à la commission d'examen. Autrement dit, cela évite que ce que vous avez dit devant l'une de ces commissions soit retenu contre vous ultérieurement.
Il me semble que c'est assez inusité d'avoir le pouvoir d'exiger la comparution de témoins qui devront répondre à des questions et produire certains documents vous permettant de prendre les décisions voulues. De toutes façons, il vous faudra ensuite consulter l'agence ou le ministre territorial ou fédéral visé par les décisions de la commission.
Se pourrait-il que vous n'obteniez pas, en fin de compte, ce que vous espériez au début du processus?
Je m'inquiète du pouvoir supplémentaire qui vous a été conféré en vertu de ce projet de loi et qui consiste à faire comparaître les témoins que vous voulez pour répondre aux questions que vous voulez et fournir les documents dont vous avez besoin, non pas dans le but de réaliser une évaluation environnementale, mais dans celui d'examiner les retombées économiques pour une industrie.
M. Schultz: Pour ce qui est des regrets, je crois que tout le monde pourrait avoir des raisons de se plaindre, dans une certaine mesure. Tout ceci se fonde sur un cadre de négociation. Par exemple, nos communautés souhaitaient qu'il y ait un bureau désigné dans chacune d'entre elles. Au terme des discussions et des dialogues que nous avons eus avec d'autres ordres de gouvernement et d'autres secteurs, nous avons fini par en obtenir six. C'est loin de ce que nous voulions au départ. Voilà donc un exemple.
Le sénateur Banks: Est-ce un sur 11?
M. Schultz: Un sur 14; un dans chaque communauté. Chacune de nos collectivités autochtones jouit de territoires ancestraux qu'elle a occupés. Dans notre esprit, ces gens étaient les habitants de ces terres, et je ne parle pas uniquement des gens de notre communauté, mais aussi des résidents non autochtones. Ce sont ceux qui connaissent le mieux le secteur, les espèces sauvages, leurs tendances et leur évolution, leur habitat, l'écosystème et l'environnement ainsi que les caractéristiques historiques, sociales et économiques de la région. C'est ce que nous pensions et c'est ainsi que tout est articulé, mais au terme du processus de négociation, nous n'avons réussi à obtenir que six bureaux.
Nous avons donc quelques regrets, je suppose. Au bout du compte, il faut évaluer les concessions faites et les positions sur lesquelles on a reculé, tout en essayant d'obtenir, globalement, ce qu'on voulait.
Comment faire pour rallier tout le monde? À vrai dire, à l'origine lorsque nous avons énoncé ce que nous souhaitions, nous nous sommes heurtés à une forte résistance. Au cours du processus de négociation visant à amener les gens à comprendre le bien-fondé de cette initiative et le contrôle local que nous pourrions en tirer, tant les Autochtones que les non-Autochtones se plaignaient dans les années 70 que toutes les décisions étaient prises à Ottawa. Nous sommes de simples exécutants.
Si l'on considère les responsabilités conférées à ces comités, ils doivent soumettre des recommandations vigoureuses et spécifiques à un organisme décisionnaire. Vous avez raison; il peut s'agir d'une instance territoriale ou fédérale, mais il est plus probable que ce soit un palier de gouvernement des Premières nations. Ce sera l'un ou l'autre de ces trois ordres de gouvernement. S'ils présentent une recommandation solide que l'instance décisionnaire se doit d'examiner sérieusement et fournir par la suite des motifs écrits d'un éventuel refus, il faut que les raisons sur lesquelles ils se fondent soient très valables.
Il fallait entre autres s'assurer que le comité dispose de tous les outils nécessaires pour obtenir une information exacte et opportune. L'absence d'une telle information pourrait nuire aux promoteurs de projet car à ce moment-là, il faut beaucoup plus de temps pour conclure des ententes.
M. Mills: Cette mesure particulière a nécessité des années de négociations. Nous avions certains objectifs lorsque nous avons abordé ces négociations et nous les avons tous réalisés.
Les relations entre les Premières nations et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon au sujet de cette proposition législative n'ont pas toujours été bonnes, mais toutes les parties ont convenu de persévérer puisque dans le contexte de la mesure, elles ont des liens étroits. Au cours des négociations, nous avons eu des divergences d'opinion, mais nous estimons que les compromis consentis sont satisfaisants pour tout le monde. D'ailleurs, nous estimons que tout le monde a fait des compromis dans cette affaire.
La mesure proposée écarte les autres régimes potentiels en ce qui concerne l'exercice d'évaluation au Yukon. Des dispositions précisent de quelle façon s'appliquera la LCEE, sauf dans certaines régions. Nous avons réglé le problème du double emploi.
Le gouvernement du Yukon n'aura pas son propre régime d'évaluation. La mesure renferme son régime d'évaluation qui sera aussi celui des Premières nations et du gouvernement du Canada. Nous estimons que c'est une bonne chose étant donné que les mêmes règles s'appliqueront à tous les promoteurs de projet, indépendamment du lieu où il est envisagé. De nombreux projets, comme la construction de routes, couvrent différentes juridictions, mais le processus d'évaluation est le même. Il ne s'agit pas d'un simple mécanisme de collaboration avec d'autres régimes. Nous avons élaboré un régime qui constitue le principal processus d'évaluation pour l'ensemble du Yukon, indépendamment des terres visées. À notre avis, il s'agit là d'un processus très efficace pour toutes les parties en cause.
Pour ce qui est d'avoir les pouvoirs d'un tribunal, de tels pouvoirs ont été consentis à d'autres offices au Yukon; ils ne sont pas illimités. Évidemment, chaque pouvoir doit avoir de solides assises juridiques. Tout tourne autour de la question suivante: un comité doit présenter une recommandation; les responsables de l'évaluation ne peuvent approuver un projet à moins d'avoir en main une recommandation. Mais s'ils ne reçoivent pas toute l'information nécessaire, comment s'y prendront-ils pour l'obtenir? Voilà pourquoi il est essentiel que cet office soit en mesure d'aller chercher cette information pour mener à bien son évaluation. Sinon, quiconque voudra ralentir le processus pourra facilement le faire en ne fournissant pas toute l'information nécessaire.
Le président: Si vous voulez obtenir une concession minière et que vous lancez une modeste opération pour effectuer une évaluation économique, vous voulez être certain que l'information concernant le lieu et l'ampleur de vos recherches ainsi que leurs résultats ne sera pas rendue publique. Dans la situation que vous venez de décrire, cette information devient publique. Ce n'est pas très bon dans le domaine minier.
M. Mills: En fait, ce n'est bon ni pour les entreprises minières ni pour les entreprises autochtones. Voilà pourquoi on trouve dans la mesure, ainsi que dans la Loi sur l'accès à l'information, des dispositions qui autorisent la confidentialité du processus. J'estime que les dispositions que renferme la mesure protègent adéquatement l'information dont toute industrie est propriétaire et garantit que certains renseignements confidentiels fournis par les personnes qui présentent des soumissions bénéficient de la meilleure protection possible, mais tout cela demeure assujetti à certaines règles entourant l'accès à l'information. L'objectif est de s'assurer que le comité peut aller chercher l'information nécessaire pour mener à bien ces évaluations. Je ne pense pas qu'un comité sera habilité à exiger des renseignements de nature générale et à y puiser ce qu'il veut selon son bon vouloir. Il faut que les renseignements en question aient un rapport avec l'évaluation qui est faite et je pense que les tribunaux garantiront que tout ce processus se déroulera de façon ordonnée.
Le sénateur Setlakwe: Je sais qu'on a évoqué le volet économique bien que les évaluations portent sur le volet environnemental. Qu'en est-il des avantages économiques?
Il y a dans les Territoires du Nord-Ouest un certain nombre de mines de diamant. L'évaluation qui a été effectuée portait sur l'aspect environnemental, mais un autre élément important était les retombées économiques pour la population locale. Votre évaluation prendrait-elle en compte cet aspect de la question?
M. Schultz: Oui. Les effets sociaux et économiques des projets seront évalués dans le cadre de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Plus précisément, nous allons examiner tous les aspects du projet, dont ses répercussions sur les collectivités locales, ses avantages potentiels pour la population et la communauté locale ainsi que ses effets négatifs éventuels et les mesures à prendre pour les contrer. Toutes ces questions seront examinées dans le contexte de l'évaluation.
Le sénateur Setlakwe: De quelle façon ce régime influera-t-il sur la possibilité de construire un pipeline à partir de l'Alaska, en passant par le Yukon?
M. Schultz: Nous avons eu de nombreuses discussions avec des porte-parole de l'Office national de l'énergie, ainsi qu'avec des représentants du gouvernement fédéral, du gouvernement territorial et de nos collectivités. Nous avons discuté à maintes reprises de la possibilité d'instituer un guichet unique dans l'éventualité où un projet de pipeline irait de l'avant. Nous avons eu bien des discussions à ce sujet, mais d'après ce que je sais, cela semble peu plausible.
Le sénateur Baker: Lorsqu'une entreprise veut s'établir dans une région en particulier parce que c'est là que se trouve une ressource qui les intéresse, normalement, elle communique avec les autorités locales, le gouvernement provincial ou territorial en premier lieu, parce qu'en vertu de la Constitution, ce sont ces ordres de gouvernement qui assument le contrôle direct des terres et des ressources. Cependant, ils ne sont pas assujettis à un processus qui les oblige à produire des documents qui pourraient être exigés à la suite de l'ordonnance d'un juge de la Cour supérieure. C'est un projet de loi intéressant de ce point de vue.
Grâce à cette disposition unique, si les choses se passent mal, si une entreprise décide de renoncer et de partir, vous disposez d'un mécanisme pour examiner la situation. Vous disposez du pouvoir d'un juge de la Cour supérieure pour exiger des documents et pour citer des témoins à comparaître.
Normalement, dans la législation provinciale, c'est à un organisme indépendant que serait conféré ce pouvoir. Dans le contexte d'une loi sur l'évaluation environnementale, un article précis conférerait ce pouvoir. Je n'ai jamais vu auparavant de situation où ce pouvoir est accordé à un groupe voulant s'assurer de l'optimisation des retombées économiques pour la population et où une entreprise serait potentiellement assujettie à un tel examen avant de pouvoir s'établir dans une région ou la quitter.
Au cours du processus, vous a-t-on dit que cela risquait peut-être de décourager la venue de nouvelles entreprises?
M. Mills: Non, personne n'a contesté cet aspect particulier. Ces pouvoirs judiciaires ne s'appliquent pas uniquement aux promoteurs de projet, mais à tous les acteurs. Ce qui rassure les promoteurs de projet, c'est qu'ils auront le droit de prendre connaissance d'informations qui, à leur avis, risquent de les empêcher d'obtenir une recommandation favorable. Il faut comprendre que ces pouvoirs ne visent pas uniquement les tentatives pour faire traîner les choses en longueur ou les répercussions sur l'industrie. Si l'organisme chargé de faire l'évaluation n'a pas toute l'information nécessaire pour faire son travail et ne dispose pas des pouvoirs pour l'obtenir, comment voulez-vous qu'il fasse une recommandation? Je suppose qu'en l'occurrence, il recommandera de ne pas aller de l'avant puisqu'il n'est pas en mesure de déterminer si le projet aura ou non des conséquences importantes. On se heurte à un problème: qu'arrivera- t-il s'il n'est pas possible d'obtenir toute l'information existante. Si un intervenant se présente en faisant des déclarations à l'emporte-pièce au sujet d'un projet en particulier, mais qu'il n'est pas disposé à fournir ouvertement ou confidentiellement les documents à l'appui, il me semble que l'on ne peut accorder que très peu de poids aux arguments qu'il avance.
Lorsque nous considérons cette mesure, tout comme d'autres, nous y voyons un outil pour s'assurer d'avoir toute l'information qui nous permette de faire une recommandation à l'égard d'un projet. Je ne voudrais pas que cela soit interprété comme un moyen de forcer la main à qui que ce soit ou d'obliger les entreprises à divulguer leurs secrets. C'est un pouvoir qui s'applique à tous les intervenants et l'office y ferait appel uniquement pour tenter d'obtenir l'information nécessaire pour rendre une décision.
Personne n'a exprimé de préoccupation au sujet de ces dispositions, et je pense que cela montre bien qu'elles permettent la communication de l'information nécessaire pour faire une recommandation. Elles assurent la bonne marche du processus d'évaluation.
Le sénateur Milne: Je ne vois rien dans la mesure qui assure la protection nécessaire aux renseignements confidentiels. C'est sans doute une question que je devrai poser aux fonctionnaires lorsqu'ils viendront plus tard. L'article 118 stipule:
Sont conservés par l'Office:
a) un registre où sont versés tous les documents produits [...]
L'article 119 stipule:
Sont conservés par chacun des bureaux désignés:
a) un registre où sont versés tous les documents produits [...]
L'article 120 stipule:
(1) Les registres et autres documents visés aux articles 117 à 119 peuvent être consultés pendant les heures normales de bureau.
Si une famille a un terrain de chasse traditionnel où elle a toujours chassé et où elle obtient les meilleures fourrures et installe les meilleurs pièges pour la trappe, et si la famille B n'a qu'à consulter le registre pour savoir où il se trouve, quelle disposition protège la famille A?
Le président: Puis-je vous suggérer de lire l'article 121 avec l'article 120? La réponse s'y trouve peut-être.
Le sénateur Milne: L'article 120 stipule:
(1) Les registres et autres documents visés aux articles 117 à 119 peuvent être consultés pendant les heures normales de bureau.
Le président: L'article 121 stipule:
Malgré toute disposition contraire de la présente partie, le bureau désigné, le comité de direction, le comité restreint et le décisionnaire sont tenus de refuser la communication [...]
Le sénateur Milne: Merci.
Le président: J'ignore si ça répond complètement à votre question.
Le sénateur Milne: Je n'avais pas lu assez loin.
Le sénateur Milne: C'est essentiellement une clause dérogatoire.
Le président: Voilà qui, selon moi, règle une question qui nous préoccupait tous les deux.
Le sénateur Baker: Oui, la définition de «connaissances traditionnelles».
Le sénateur Milne: Je retire ma question.
M. Schultz: Dans une société autochtone, vous sauriez déjà tout cela. La disposition ne visait pas tellement ce que les autres Autochtones sauraient, parce qu'ils sont déjà au courant et qu'il y a déjà une entente entre les familles qui savent où chacun chasse.
C'est lorsqu'un intérêt commercial entre en jeu que le problème se pose. Je vais vous donner un exemple. Lorsque nous avons lancé le processus des revendications territoriales et que dans le cours des négociations nous avons commencé à divulguer de l'information à divers pouvoirs publics, ces derniers étaient alors obligés, en tant qu'instances publiques, de disséminer cette information de façon plus générale. Tout à coup, les gens se sont mis à acheter des terrains riverains en bordure de certains cours d'eau pour y bâtir des chalets car ils avaient appris que c'était là que le poisson allait frayer. De même, de nouveaux camps de chasse ont été érigés dans des endroits où se trouvent les meilleures pierres à lécher, chose que les gens de notre peuple avaient toujours su.
Voilà ce qui nous cause des inquiétudes et, malheureusement, le résultat c'est que les gens ont commencé à se fermer. Ils ne nous communiquent plus d'information parce qu'ils pensent que nous allons la transmettre au gouvernement et que la prochaine chose qui va leur arriver, c'est qu'ils seront évincés de leur terre.
Le président: Comme vous l'avez sûrement compris, pendant un bon bout de temps, et particulièrement au moment de l'examen, nous surveillerons les choses de très près pour assurer le caractère inclusif et l'efficacité de cet accord car comme l'a dit le sénateur Eyton, cela semble presque trop beau pour être vrai. J'espère que c'est vrai. J'espère que, comme vous l'avez suggéré, grand chef, il pourra servir de modèle car s'il donne de bons résultats et s'il inclut vraiment tous les acteurs, y compris les membres de votre communauté qui ne sont pas ici aujourd'hui mais que vous représentez, ainsi que leurs intérêts, ce sera vraiment merveilleux. À ce moment-là, nous pourrons considérer cette entente comme un exemple de la voie à suivre dans bien d'autres dossiers.
Je vous remercie beaucoup de ce témoignage des plus informatifs.
Le sénateur Kenny: Je constate qu'il n'y a pas de caméra de télévision dans la salle. Or, nous venons d'entendre un témoignage très important qui aurait dû être télévisé. Je vous demanderais, avec l'appui du comité, je l'espère, d'écrire une lettre courtoise et respectueuse — comme le sont toutes vos lettres — au président du Comité permanent de la régie interne, avec copie au leader, pour l'aviser que l'absence des caméras de télévision nous pose un problème. J'ai vérifié auprès de la greffière. Les caméras que nous avons sont ailleurs.
Franchement, nous devons avoir suffisamment de caméras pour qu'elles soient à notre disposition lorsque nous siégeons. C'est le genre de problème qui va perdurer si personne ne le mentionne au comité de la régie interne ou au leader au Sénat. Je ne dis pas qu'il faut se ruer dans leurs bureaux en hurlant, mais nous devons constituer un dossier permanent sur nos carences.
En l'occurrence, nous avons entendu d'excellents témoins. La séance a été des plus intéressante et pourtant, elle n'est pas du domaine public. Il y a 20 personnes qui sont au courant alors que nous aurions pu avoir 30 000 spectateurs.
Je vous demanderais en annexe à la lettre de réprimander CPAC fermement car je constate qu'elle diffuse notre dernière séance à 2heures du matin aujourd'hui heure de l'Est et à 11heures du soir heure du Pacifique, ce qui nous garantit un auditoire de sept personnes.
Notre comité n'est pas le seul auquel CPAC offre un temps d'antenne abominable. Je ne veux pas prendre trop de temps, mais tous les autres comités figurant sur la liste ici, y compris celui des transports, qui tient des audiences très importantes d'intérêt national sur les médias, ont des créneaux absolument nuls eux aussi.
Au nom du comité, j'espère que vous allez communiquer notre mécontentement au président du comité de la régie interne et à notre leader pour que, collectivement, à mesure qu'ils recevront des plaintes d'un nombre croissant de comités, ils finissent par comprendre qu'il n'est pas dans l'intérêt du Sénat de ne pas recevoir une couverture médiatique convenable.
Le président: Bien dit. Je pense que j'aurai l'assentiment de tous pour rédiger ces deux lettres. C'est bien beau d'être populaire auprès des insomniaques, mais nous devrions avoir d'autres auditeurs également.
Le sénateur Christensen: Monsieur le président, avant que le ministre arrive, nous avions demandé que soient déposés des documents au sujet de la présentation que la Yukon Chamber of Mines avait faite à l'autre endroit. Leurs représentants avaient alors fourni une trousse volumineuse. J'ai demandé aux fonctionnaires du ministère de prendre connaissance des documents en question, de nous fournir des réponses et de les déposer auprès du comité. On les a remis à mon bureau. J'ai été négligente. J'aimerais aujourd'hui déposer ces documents auprès du comité pour qu'ils soient intégrés au compte rendu.
Le président: Il faudrait qu'ils soient distribués à tous les membres du comité.
Le sénateur Christensen: Nous avons des exemplaires pour tous les membres.
Le président: Merci. Nous avons maintenant les réponses aux questions que nous avons posées, ce qui peut nous être utile maintenant.
Le sénateur Christensen: Elles sont très fouillées.
Le président: Nous accueillons maintenant de nouveaux témoins. Messieurs, je vous remercie d'être revenus dans de si brefs délais. Je suis désolé de vous avoir fait attendre. Ma crédibilité en terme de ponctualité en prend pour son rhume, et je m'en excuse. Comme vous l'avez compris, ce projet de loi important suscite beaucoup d'intérêt.
J'imagine, monsieur Bailey et monsieur Cox, que vous n'avez pas de déclaration à nous faire, que vous êtes simplement prêts à répondre à nos questions. Voudriez-vous dire quelques mots au sujet du projet de loi pour commencer?
M. John Bailey, négociateur, Stratégies relatives aux ressources, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Non, monsieur le président. Vous avez raison. Nous sommes ici pour répondre aux questions que pourraient avoir les membres du comité.
Le président: L'une des réserves exprimées par des Autochtones qui ne sont pas représentés par le grand chef Schultz, qui sont surtout des gens d'affaires, dont la Chambre de commerce et Placer Mining Association, c'est qu'il ne semble pas juste de changer les règles du jeu au beau milieu de la partie. Selon eux, c'est ce qu'on semble faire en appliquant le processus d'évaluation prévu dans le projet de loi C-2 aux entreprises existantes. Cela semble envoyer un message négatif aux milieux d'affaires.
Pouvez-vous nous dire, à votre avis, quelle sera la réaction des entreprises existantes, des exploitations minières et autres, au Yukon?
M. Bailey: Pour ce qui est de leur réaction, vous avez tout à fait raison. Leurs porte-parole ont exprimé des préoccupations, avant et pendant nos consultations, au sujet de certaines dispositions qui autorisent l'évaluation d'un projet existant.
Tout d'abord, nous essayions de reprendre une disposition précise de l'accord-cadre définitif du Yukon, qui stipule que de telles évaluations auront lieu, pourvu que le gouvernement ou la Première nation responsable du projet existant en fasse la demande.
Le président: Il n'est pas difficile d'imaginer des situations où ce serait le cas.
M. Bailey: Oui. Essentiellement, l'Office ou le bureau désigné ne peut assujettir à une évaluation ces projets de son propre chef. Cela doit se faire à la demande de l'entité gouvernementale dont relève le projet existant, qu'il s'agisse d'une Première nation ou des autorités fédérales ou territoriales.
C'est le premier critère, et il est essentiellement puisé à même l'accord-cadre définitif. Pour limiter ce pouvoir et pour éliminer à tout le moins une partie de l'arbitraire pouvant caractériser une telle demande, et encore une fois en réponse à certaines des préoccupations qui ont été exprimées, celle-ci peut être présentée uniquement si ce gouvernement jouit d'un pouvoir discrétionnaire à l'égard des autorisations existantes pour le projet en question.
S'agissant d'un projet qui a un permis d'utilisation de l'eau qui est soumis à une variation, qui pourrait être annulé au cours de l'existence du projet, le gouvernement responsable pourrait présenter une demande d'évaluation. En l'occurrence, s'il décide d'exercer ce pouvoir discrétionnaire et de modifier les termes et conditions d'un permis au beau milieu de la durée d'un contrat — ou de l'annuler, ce qui pourrait aussi se produire —, il pourrait bénéficier d'une évaluation indépendante avant de procéder ainsi. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un pouvoir absolu. Premièrement, il faut que l'instance intéressée ait juridiction en la matière et deuxièmement, qu'elle puisse exercer ce pouvoir de façon discrétionnaire parce qu'autrement, l'évaluation sera vaine.
Le président: En l'absence de cette clé, si je peux dire, pour rouvrir la question de nouveau, c'est-à-dire pour imposer une interruption de permis, par exemple, aucun ordre de gouvernement ne pourrait simplement dire à sa guise qu'il va imposer une évaluation à une entreprise existante.
M. Bailey: C'est exact. Il faut que l'ordre de gouvernement en question ait compétence dans ce domaine et qu'il puisse de façon discrétionnaire changer les règles du jeu au beau milieu du projet. À défaut de ce pouvoir discrétionnaire, il ne peut présenter de demande. Et s'il ne peut présenter de demande, l'évaluation n'aura pas lieu.
Le président: Existe-t-il au Yukon une entreprise minière qui n'est pas assujettie à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire pouvant interrompre ses activités à un moment ou à un autre? Je ne peux songer à aucune. L'eau est peut-être un bon exemple.
M. Bailey: D'après ce que j'ai compris, en vertu du processus réglementaire qui existe à l'heure actuelle et qui vient tout juste d'être dévolu au gouvernement du Yukon, la plupart, voire la totalité de toutes les autorisations ou permis, peuvent être modifiés en cours de route si l'organisme gouvernemental habilitant estime que c'est justifié.
Le président: Les critères autorisant un ordre de gouvernement quelconque à imposer une nouvelle évaluation en vertu du projet de loi s'appliqueraient à la plupart des entreprises commerciales.
M. Bailey: C'est exact.
Le sénateur Baker: J'en conclus, à la lecture du projet de loi, que l'une ou l'autre des trois parties peut constituer un comité chargé de l'évaluation d'un projet existant. Le ministre fédéral le peut, les autorités territoriales le peuvent, pourvu que d'une façon ou d'une autre elles aient un lien avec le volet administratif du projet en cours. Je pense qu'on parle de «volet administratif», n'est-ce pas? Vous rappelez-vous si c'est l'expression utilisée?
M. Bailey: Ce n'est pas précisément l'expression utilisée. Nous parlons d'«entité administrative».
Le sénateur Baker: On utilise le terme «administratif» n'est-ce pas?
M. Bailey: «Entité administrative».
Le sénateur Baker: C'est ce que je voulais savoir. Je ne veux pas trop insister sur ce point. Je sais que la permission du ministre fédéral est requise. Je vous le concède. Le ministre fédéral doit avaliser l'évaluation d'un ouvrage. Le projet de loi précise également que si l'autorisation n'est donnée ni par le ministre ni par un organisme territorial, s'il s'agit d'un autre organisme, ce dernier doit obtenir l'approbation du ministre et de l'organisme territorial. Est-ce exact?
M. Bailey: Pas précisément.
Le sénateur Baker: Où est-ce que je fais erreur?
M. Bailey: Les tierces parties ne peuvent présenter de demande.
Le sénateur Baker: Qui présente la demande?
M. Bailey: Le ministre fédéral s'il s'agit d'un projet relevant du gouvernement fédéral et le ministre territorial s'il relève du gouvernement territorial; en outre, une Première nation peut aussi présenter une demande.
Le sénateur Baker: Voilà. Trois groupes différents peuvent amorcer le processus. Le troisième groupe que vous avez mentionné doit obtenir l'approbation du ministre.
M. Bailey: C'est juste.
Le sénateur Baker: Le troisième groupe doit obtenir l'approbation du ministre et du gouvernement territorial, si ce dernier a un lien quelconque avec le projet sur le plan administratif.
M. Bailey: Je devrais préciser ce qu'on entend par «entité administrative» en l'occurrence, puisque ce terme est défini dans la mesure.
Le sénateur Baker: C'est le terme employé dans le projet de loi.
M. Bailey: L'expression «entité administrative» est définie. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour que le gouvernement du Yukon soit considéré comme une entité administrative ayant droit de regard sur un projet de développement, il faut que ce dernier relève de son autorité réglementaire, autrement dit qu'elle ait émis des autorisations à son endroit.
Le sénateur Baker: Est-ce là la formulation exacte employée dans le projet de loi? Pouvez-vous la lire?
M. David Cox, conseiller juridique, Revendications globales et affaires du Nord/Autonomie gouvernementale et orientation stratégique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, en vertu du paragraphe 94(1),
Aux articles 95 à 101, «entité administrative» s'entend de la première nation, de l'autorité publique, de l'organisme administratif autonome ou de la municipalité qui, selon le cas
a) est l'exploitant de l'ouvrage;
b) a le pouvoir d'assumer l'exploitation de l'ouvrage ou d'y mettre fin;
c) peut modifier, suspendre ou annuler une autorisation ou un droit foncier nécessaires à la réalisation de l'ouvrage;
Comme M. Bailey vient de l'expliquer, il faut qu'elle dispose du pouvoir d'influer sur le projet. Par la suite, on fait état de l'inclusion du gouverneur en conseil.
Le sénateur Baker: Voici la teneur de l'alinéa 95(1)c)
... Sur demande présentée par une première nation avec l'agrément du ministre fédéral et, dans les cas où l'entité administrative compétente est une autorité territoriale, une municipalité ou un organisme administratif autonome territorial, avec celui du ministre territorial.
Ce que je veux dire, c'est que s'il survient un problème et qu'une entreprise existante modifie substantiellement ses opérations et que tout le monde s'en trouve inquiet et mécontent, vous disposez en l'occurrence d'un mécanisme aux termes du projet de loi. Oui, je concède que l'autorité territoriale pourrait dire «non» à une telle évaluation, ou encore le ministre fédéral, mais le ministre fédéral est un politique et chose certaine, personne ne s'opposerait à cela. Il n'est pas exclu que vous ayez les pouvoirs d'un comité chargé de faire l'évaluation d'une entreprise existante qui modifie ses opérations ou qui déménage pour une raison quelconque. À ce moment-là, elle serait assujettie aux pouvoirs du comité, c'est-à-dire aux pouvoirs d'enquête dont il dispose pour réclamer la production de documents, de matériel et la comparution d'un témoin qui doit répondre à toutes ses questions. Était-ce là une question?
Le président: C'en serait une si vous ajoutiez «est-ce exact?».
Le sénateur Baker: Est-ce exact?
M. Bailey: Pour pouvoir présenter une demande d'évaluation d'un ouvrage, une Première nation doit obtenir l'approbation ou le consentement du ministre responsable de la mesure législative, soit le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Si le projet relève de la compétence du gouvernement territorial, c'est le ministre des territoires qui est désigné pour agir en leur nom.
Je sais qu'il y a des politiques en cause. Cela dit, compte tenu de la nature de la demande et des répercussions liées au fait d'exiger une évaluation, et compte tenu du coût et des délais que cela imposerait non seulement au promoteur de projet mais à quantité d'autres personnes et groupes, je suis convaincu qu'une Première nation y réfléchirait très sérieusement avant de présenter une telle demande. D'ailleurs, tant le ministre fédéral que territorial y songerait à deux fois avant de donner leur consentement dans un tel cas ne serait-ce qu'en raison des coûts connexes et du fait que s'il s'agit d'un ouvrage relevant de leur compétence, ce sont eux qui en sont responsables.
J'ai confiance dans les Premières nations et dans le jugement de toutes les parties qui entreraient en jeu dans les circonstances. Je suis convaincu qu'elles prendraient cette responsabilité au sérieux et qu'il n'y aurait pas d'évaluation gratuite.
Le sénateur Baker: Monsieur le président, je n'ai pas d'opinion dans un sens ou dans l'autre au sujet du bien-fondé du pouvoir qui est accordé. Dans de telles circonstances, un gouvernement n'a parfois pas le choix. Que peut-il faire? Il peut ordonner un examen judiciaire. Il peut constituer une commission royale. Le pouvoir en question est partie inhérente de la loi. Il a été prévu pour contourner les difficultés et permettre une résolution immédiate de ces demandes.
Y a-t-il une mesure analogue à laquelle vous pouvez penser qui autorise le comité à exiger la production de documents ainsi que la comparution de témoins représentant l'entreprise dans le contexte d'une audience? Pouvez-vous penser à quelque chose d'analogue, outre une commission royale, la Loi sur la protection de l'environnement, ou quelque chose du genre? Diriez-vous que c'est une première?
M. Cox: La réponse est non. Ce n'est pas une première. Il est très courant de conférer à un tribunal le pouvoir de diriger ses affaires en vue de rendre une décision qui résisterait à un examen judiciaire.
Le sénateur Baker: Il s'agit d'un organisme de réglementation.
M. Cox: Oui, c'est le cas des organismes de réglementation. De nombreux autres offices ont le même pouvoir. Outre ce qui a déjà été dit à ce sujet, il convient de signaler que ces pouvoirs judiciaires englobent le droit de recourir à certaines procédures, comme le ferait un tribunal, pour assurer la confidentialité de l'information à la demande du promoteur de projet, qu'il s'agisse d'une Première nation ou de quelqu'un d'autre. Il convient de reconnaître que ces pouvoirs ne visent pas seulement à obtenir des documents mais aussi à s'assurer que ce faisant, on en assure la confidentialité. Et ce, sans compter la disposition qui a été citée tout à l'heure.
Le sénateur Baker: Pouvez-vous m'indiquer où cela se trouve dans le projet de loi?
M. Cox: Non.
Le sénateur Baker: Vous assureriez la confidentialité au moyen d'un règlement?
M. Cox: Non. L'article où il en est question est l'article 121. Essentiellement, cette disposition fait en sorte que le critère de divulgation d'information est le même qui s'applique aux termes de la loi fédérale, c'est-à-dire la Loi sur l'accès à l'information. La communication d'information par l'Office sera régie par les mêmes conditions qui s'appliquent à l'heure actuelle à toute institution gouvernementale en vertu de la loi en vigueur.
Le sénateur Milne: Il faut ajouter à cela les «connaissances traditionnelles».
M. Cox: C'est exact. Je faisais surtout référence à l'aspect économique, mais cela s'appliquerait également aux connaissances traditionnelles.
Le sénateur Baker: L'alinéa 121b) stipule:
[...] sont tenus de refuser la communication:
b) de l'information qu'une institution fédérale au sens de la Loi sur l'accès à l'information, ne serait pas tenue de communiquer à la suite d'une demande présentée sous le régime de cette loi, sauf si, d'une part, la partie qui a fourni l'information consent à sa communication et, d'autre part, le destinataire s'engage à restreindre la communication et n'est obligé par aucune règle de droit territoriale ni aucun texte législatif d'une Première nation à communiquer l'information.
Cette partie de la loi ne m'inquiète pas. Ce que je veux éviter, c'est qu'aucune entreprise ne soit tenue de communiquer à un organisme quelconque ses plans d'activités privés. Le ministère de l'Environnement peut signaler aux entreprises que si elles veulent s'établir à tel ou tel endroit, elles doivent respecter cette mesure. Cependant, le ministère ne peut leur demander de lui dire où elles prendront les fonds pour assurer le démarrage de leurs activités.
Mon argument est le suivant: ne pensez-vous pas qu'une entreprise hésiterait à communiquer cette information alors qu'en temps normal, un organisme gouvernemental ne demanderait pas ce genre d'information, n'est-ce pas?
M. Cox: En l'occurrence, il y a lieu de se demander si cet élément d'information en particulier est pertinent dans le contexte de l'enjeu examiné par l'office. J'ai l'impression que ce ne serait pas le cas.
L'enjeu, c'est d'examiner les avantages et les répercussions économiques. Dans cette optique, je pense qu'on pourrait facilement avancer l'argument que dans le cadre d'une telle audience, l'information en question ne serait pas pertinente.
Le sénateur Baker: La question de la pertinence a donné lieu à toute une jurisprudence.
Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, je veux revenir encore une fois sur le cas des Inuvialuits. Les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon partagent une frontière. L'entente sur les revendications territoriales des Inuvialuits leur confère des droits sur des terres au Yukon. En vertu de cette entente, ils peuvent demander au Bureau d'examen des répercussions environnementales d'examiner toute question liée au développement ou toute activité qui aurait lieu sur leurs terres y compris la région du Versant nord.
D'après les fonctionnaires, envisagez-vous des conflits potentiels puisqu'aux termes de ce projet de loi, une évaluation peut avoir lieu dans cette région? Ont-ils réfléchi à la possibilité d'un conflit à cet égard et à la façon d'y réagir?
M. Bailey: Nous avons envisagé cela à maintes reprises et nous avons eu de nombreuses discussions avec les Inuvialuits et les divers organismes qui sont constitués en vertu de cet accord pour y effectuer des évaluations.
Dans le projet de loi, nous avons tenté de reconnaître qu'il y a deux accords différents de règlement des revendications territoriales qui autorisent un processus d'évaluation pour la même région. Nous avons essayé de faire en sorte qu'advenant qu'un projet y soit proposé, on minimise ou on élimine toute possibilité de conflit ou de double emploi.
À cette fin, si leur commission d'examen assume la responsabilité d'un projet qui lui a été renvoyé, le processus prévu ici s'éclipse et cède entièrement la place à l'autre de sorte qu'il n'y aura pas de double emploi à ce niveau.
À un moindre niveau, lorsque la situation n'est pas la même, nous exigeons dans le projet de loi que les évaluateurs assujettis à la mesure collaborent avec les évaluateurs dont le travail est régi par la convention définitive des Inuvialuits. Ils font des efforts en ce sens. Évidement, il faut être deux pour collaborer.
Comme M. Mills l'a mentionné tout à l'heure, si je ne m'abuse, les dispositions de la mesure précisent que les évaluateurs peuvent se servir des travaux des évaluateurs participant au processus relevant de la convention définitive des Inuvialuits au lieu de recommencer à zéro. Nous avons ainsi tenté de réduire au minimum le double emploi et d'assurer la cohérence des recommandations advenant que les parties aux deux processus en fassent.
Il est concevable — bien que ce soit difficile à imaginer — que leur processus puisse déboucher sur une recommandation différente de celle-ci, car il a une portée un peu plus étroite. Ils ne s'attachent pas aux questions socioéconomiques. Ils s'intéressent principalement aux incidences sur les Inuvialuits et leurs droits de récolte, et cetera. Le processus législatif est très vaste. En pareil cas, il pourrait arriver que les organismes gouvernementaux reçoivent à l'issue du processus des Inuvialuits une recommandation préconisant une marche à suivre qui serait différente de celle privilégiée par les évaluateurs soumis au processus législatif. En l'occurrence, il leur appartient de peser le pour et le contre et de décider quelle orientation ils souhaitent prendre.
Il est possible, mais fort improbable, que cette situation se produise jamais car ces deux groupes d'évaluateurs collaborent tout au long du processus d'évaluation en vue d'en arriver à des décisions compatibles.
Le président: Mais advenant qu'elle se produise, que se passerait-il?
M. Bailey: En théorie, un organisme gouvernemental pourrait recevoir une recommandation préconisant d'aller de l'avant avec un projet donné à la suite du processus d'examen environnemental des Inuvialuits, par exemple. Et, dans le cadre du processus prévu par la mesure, il pourrait recevoir une recommandation contraire.
Le président: Regardons les choses sous un autre angle. Les Inuvialuits se préoccupent surtout des troupeaux migratoires qui transitent par le Versant nord.
Est-ce que je me trompe? N'était-ce pas là leur plus grande préoccupation?
Le sénateur Christensen: C'est l'une de leurs préoccupations, mais ce n'est pas la principale.
Le président: Si «A» dit «oui» et que «B» dit «non», parce qu'il se soucie des troupeaux migratoires qui ne représentent pas une considération pour «A», qui aura préséance? Qui décidera?
M. Bailey: Premièrement, ni l'un ni l'autre des processus n'est décisionnel. Et c'est là la clé. Le processus dont nous discutons est prévu dans le projet de loi. De même, le processus d'examen des Inuvialuits relève directement de leur convention de règlement des revendications territoriales. Il ne fait pas l'objet d'une mesure législative distincte. Il s'agit de groupes consultatifs qui recommandent ou non de donner le feu vert à divers projets. Ce ne sont pas eux qui prennent la décision. Il n'est donc pas question que l'un ait préséance sur l'autre. Ils s'inscrivent tous deux dans des contextes différents.
Si jamais cette situation se produisait, je suis sûr que l'organisme gouvernemental responsable se retrouverait dans une position délicate, mais c'est aux autorités gouvernementales qu'il appartient de prendre pareille décision dans un cas comme celui-là.
Le président: Aux termes de la présente mesure ou de toute autre mesure, une recommandation n'a pas nécessairement préséance sur une autre.
M. Bailey: C'est exact.
Le sénateur Sibbeston: Dans une situation comme celle-là, est-ce le ministre fédéral qui prendrait la décision finale?
M. Bailey: Tout dépend qui est le décisionnaire pour le projet concerné. À l'heure actuelle, ce serait soit le gouvernement fédéral, s'il s'agit d'un projet de nature fédérale, soit le gouvernement territorial. À l'heure actuelle, c'est le gouvernement territorial qui a compétence sur les terres du Versant nord.
Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, les projets les plus susceptibles de voir le jour seraient la construction d'un pipeline pétrolier ou des activités d'exploration gazière et ainsi de suite. La compétence en la matière n'a-t-elle pas été transférée au gouvernement du Yukon?
M. Bailey: Les décisions concernant la construction d'un pipeline relèvent de l'Office national de l'énergie. Si un pipeline devait passer par le Versant nord du Yukon, ou ailleurs, s'il devait franchir une frontière, cela relèverait tout de même de l'Office national de l'énergie et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale continuerait de s'appliquer puisqu'on aurait affaire à des juridictions multiples.
Le sénateur Sibbeston: Pour ce qui est du forage, je pensais que cette responsabilité avait été cédée au gouvernement du Yukon.
M. Bailey: Oui, il y a quelques années de cela. Avant le dernier cycle de dévolution du 1er avril, le gouvernement du Yukon avait déjà compétence sur le pétrole et le gaz.
Le sénateur Cochrane: Monsieur Bailey, la dernière fois que vous avez comparu devant le comité, vous avez mentionné qu'il y avait eu de vastes consultations avec la population et tous les intervenants. Depuis lors, certains acteurs communautaires nous ont dit que le processus de consultation s'apparentait plutôt à «un exercice pour vendre une conclusion déjà arrêtée». Ce sont les termes mêmes qu'ont employés ces témoins. Un représentant de la chambre de commerce du Yukon a déclaré:
Ce que nous voulons surtout faire aujourd'hui, c'est vous enlever vos illusions au sujet des consultations exhaustives et menées de bonne foi qui auraient eu lieu au sujet de cette mesure législative. Ce n'est absolument pas le cas.
J'aimerais que vous répondiez à cette déclaration. Pourriez-vous nous donner des exemples précis afin de démontrer que la population et les divers intervenants ont non seulement reçu l'information voulue mais qu'ils ont aussi pu exprimer leur opinion. Dites-nous aussi comment leurs opinions ont été incorporées dans le projet de loi.
M. Bailey: Je n'étais pas ici mardi, mais on m'a rapporté certaines déclarations qui ont été faites et j'ai lu une partie du compte rendu. Je dois dire que je suis déçu d'entendre certaines observations, surtout à la lumière des consultations qui ont été effectuées depuis sept ans que nous travaillons à ce projet de loi.
Le ministre a longuement parlé, la première fois que nous nous sommes réunis ici, des consultations qui ont été menées au cours des six dernières années. Il y a eu trois séries de consultations très poussées; on avait alors fait la tournée de toutes les localités dans le territoire et l'on avait obtenu une permission spéciale du Cabinet pour distribuer aux intervenants et à d'autres groupes une ébauche du projet de loi, ce qui est très inhabituel, comme le comité l'a probablement appris. Nous avons diffusé très largement cette ébauche de projet de loi dans le territoire et ailleurs en deux occasions, d'abord en 1998 et de nouveau en 2001.
La distribution de ces documents était suivie de réunions avec des groupes d'intervenants, des audiences publiques, et cetera, pour que le public et les intervenants soient bien au courant de ce qui figurait dans l'ébauche de projet de loi. Comme les honorables sénateurs peuvent s'en rendre compte, c'est un projet de loi très compliqué. Nous avons tenu ces séances d'information pour nous assurer que le public et tous ceux qui s'intéressaient au projet de loi et à qui nous demandions de le commenter en aient une compréhension approfondie.
Pour renforcer le tout, nous avons créé un site Web Internet que les gens pouvaient consulter pour obtenir de l'information en langage simple sur le fonctionnement du projet de loi, et cetera.
En ces deux occasions, nous avons ensuite donné trois mois aux différents groupes et particuliers pour nous faire part de leurs commentaires. Ils pouvaient nous écrire, nous téléphoner ou communiquer directement leurs observations durant les réunions. Nous nous sommes engagés à prendre très au sérieux chacune de ces interventions.
Dans le cas du gouvernement fédéral, nous avions une équipe qui comprenait parfois jusqu'à 10 ou 11 personnes, dont des conseillers juridiques, qui passaient en revue chacune des suggestions que nous recevions, et nous en avons reçu un bon nombre, de la part du grand public et des groupes d'intervenants, qui les analysait, d'abord et avant tout, pour voir si l'on y trouvait un élément que nous pouvions même considérer ou bien si c'était contraire à la revendication territoriale. Si c'était quelque chose d'envisageable, alors nous commencions à y travailler pour voir quel intérêt cela servirait et essayer d'y accéder dans toute la mesure du possible, tout en conservant la compatibilité avec l'accord de revendication territoriale.
Ensuite, nous en discutions avec les Premières nations et avec le gouvernement du Yukon, qui ont chacun mené un exercice semblable en faisant l'analyse des commentaires et suggestions que nous avons reçus. Ensuite, nous avions des rencontres et des discussions pour essayer de dégager un consensus quant aux changements que nous pourrions apporter au projet de loi pour tenir compte des suggestions.
Nous avons apporté beaucoup de changements à ce projet de loi au cours des sept dernières années, directement en conséquence des réunions que nous avons eues avec certains groupes et particuliers qui ont comparu ici l'autre jour. Au nom du groupe que j'ai dirigé et qui a analysé toutes ces suggestions et qui a passé des heures, des jours, des semaines et des mois à scruter tout cela à la loupe, je dois dire que je suis quelque peu déçu, parce qu'ils ont travaillé très fort pour prendre en considération tous ces commentaires. Nous avons tous travaillé très fort pour inclure ces suggestions dans le projet de loi ou pour essayer de les intégrer dans toute la mesure du possible. C'est décevant d'entendre des gens décrire les consultations de manière négative comme on l'a entendu l'autre jour.
Le sénateur Cochrane: Les gens qui nous ont parlé représentaient la chambre de commerce et d'autres groupes commerciaux. Ce sont des gens dont la vie et le gagne-pain dépendent des affaires et des répercussions du projet de loi sur leur commerce.
Vous comprendrez que 29 000 personnes, cela fait beaucoup de gens quand on veut distribuer un document et avoir des entretiens détaillés sur des questions très pointues. Ces gens-là n'ont pas tous le temps, parce qu'ils viennent d'une petite localité et qu'ils s'efforcent de gagner leur vie et de subvenir aux besoins de leur famille. Ils n'ont pas de télécopieur, d'ordinateur ou de courriel pour transmettre l'information à Ottawa ou à l'organisme compétent.
Je peux comprendre leur frustration, je les comprends vraiment. Je n'accepte tout simplement pas que l'on distribue des documents. Il faut être sur place pour entendre les gens ruraux. Je viens de cette région. Je sais exactement ce qu'ils ressentent.
M. Bailey: Je tiens à être bien clair. Tous ceux qui ont travaillé à l'élaboration de ce projet de loi, les gens qui ont comparu ici même aujourd'hui, et cetera, tous sont du Yukon. Je viens de là moi-même. C'est là que j'habite et j'exploite en fait deux ou trois entreprises là-bas moi-même. Je comprends le contexte dont vous parlez. Ce n'est pas comme si quelqu'un était venu d'Ottawa pour distribuer des feuilles de papier et reprendre l'avion pour la capitale, où il aurait ensuite attendu de voir ce que son télécopieur pourrait cracher. C'était des Yukonnais qui consultaient d'autres habitants du Yukon pour savoir ce qu'il devrait y avoir, à leur avis, dans le projet de loi.
Ce n'était pas un exercice consistant à envoyer une foule de gens venus du Sud, des gens qui ne comprendraient rien au Yukon. C'est pourquoi nous voulions que ce projet soit élaboré au Yukon et répondre aux intérêts des Yukonnais dans toute la mesure du possible, et c'est ce qui a été fait.
Le sénateur Cochrane: Si vous êtes un homme d'affaires, vous devez donc être membre de la chambre de commerce.
M. Bailey: Pas actuellement.
Le sénateur Cochrane: Je suis certaine que vous avez des collègues de travail. Avez-vous entendu des commentaires de leur part sur ce projet de loi?
M. Bailey: Au fil des années, j'ai entendu beaucoup de commentaires que vous avez entendus vous-même au comité. Nous avons eu un dialogue avec la Chambre au sujet de la chambre de commerce et de la chambre des mines et de beaucoup d'autres groupes que vous n'avez pas entendus et qui avaient des suggestions auxquelles nous n'avons tout simplement pas pu donner suite. Nous avons eu des discussions avec tous ces gens-là et leur avons expliqué pourquoi nous ne pouvions pas donner suite à certaines suggestions.
J'ai participé à beaucoup de consultations et, parfois, quand les gens sont consultés et que leurs suggestions ne sont pas acceptées intégralement, ou pas autant qu'ils le souhaiteraient, ils ont tendance à dire qu'ils n'ont pas été consultés parce que leur préoccupation n'a pas été prise en compte.
Le sénateur Cochrane: Je comprends ce que vous voulez dire.
M. Bailey: C'est arrivé très souvent dans ce processus.
Le sénateur Cochrane: Nous devrons attendre la suite des événements, je suppose.
Le sénateur Christensen: En même temps que l'on a diffusé l'ébauche de projet de loi, on a également diffusé des ébauches de règlement. On dit tellement souvent que «le diable est dans les détails»; eh bien, les détails se trouvent dans le règlement. C'est en quelque sorte la plomberie, c'est l'application concrète. Je pense que la majorité des inquiétudes qui ont été soulevées l'autre jour concernaient le règlement, par opposition à la loi elle-même. Il y avait des préoccupations au sujet de la loi, mais elles étaient mineures en comparaison de celles portant sur le règlement qu'on avait distribué. Le seuil très bas qui déclenchera l'évaluation d'une propriété en est un exemple. Un campement de tentes serait visé par le règlement, du moins la première ébauche. Les échéanciers qui figuraient dans ce projet de règlement ont soulevé beaucoup d'inquiétude parmi les industriels.
Pourriez-vous nous expliquer où l'on en est actuellement en ce qui a trait au règlement et quelles possibilités a l'industrie d'avoir son mot à dire dans l'élaboration de ce règlement avant qu'il soit finalisé? On sait que le règlement est plus facile à changer que la loi.
M. Bailey: Pour revenir sur le règlement auquel on travaille en ce moment même, il ne vise pas tellement à préciser de façon détaillée le processus qu'à préciser quelles activités exactement seront assujetties à l'évaluation.
Le sénateur Christensen: Le processus d'une évaluation relève de l'Office, n'est-ce pas? C'est l'Office qui établit les règles et le règlement.
M. Bailey: C'est exact.
Le sénateur Christensen: Il a 18 mois pour établir ce règlement, lequel fait ensuite l'objet d'un examen public, mais il y a encore une autre série de règles.
M. Bailey: Le règlement sur les projets doit être en place pour que ce processus puisse fonctionner, parce qu'il précise ce qui est assujetti à l'évaluation et ce qui ne l'est pas.
En 1998, nous avons rédigé une ébauche qui comprenait une liste de toutes les activités qui, à notre avis, seraient assujetties à ce processus, et celles qui seraient exclues. Cela faisait partie de notre première vaste consultation que nous avons faite en association avec l'ébauche du projet de loi. Nous avons fait cela et nous avons reçu certaines réactions à ce moment-là, après nos consultations de 1998.
Ensuite, nous avons fait une révision de ces listes et nous avons essayé de les rendre plus conviviales, ce qui était une préoccupation majeure pour nous. Nous avons donc distribué une autre ébauche du règlement proposé avec notre trousse en 2001. Encore une fois, nous avons reçu pas mal de réactions à ce moment-là. Nous avons eu un certain nombre de discussions de suivi, notamment avec la chambre des mines, au sujet de la question précise que celle-ci a soulevée l'autre jour relativement aux divers seuils.
Nous avons déjà eu deux rondes de consultations très poussées sur le règlement et celui-ci n'a même pas encore été rédigé. C'était donc bien avant d'aborder la rédaction proprement dite, qui aura lieu une fois que ce projet de loi aura été adopté et que nous aurons le pouvoir de rédiger le règlement.
Quant aux possibilités futures, une fois que le règlement aura été rédigé, et nous espérons que cela se fera dans le courant de l'année civile, il est obligatoire d'en faire la publication préalable sous forme d'ébauche et de permettre au minimum 60 jours pour que les groupes publics, intervenants et autres en fassent l'étude et fassent connaître leurs réactions. À l'issue de cette période, des mémoires peuvent être présentés et des changements peuvent être apportés au règlement avant son adoption définitive. Cette possibilité existe et elle est garantie, pas seulement pour l'industrie minière et les intervenants, mais pour le grand public.
De plus, nous travaillons très étroitement avec le gouvernement du Yukon et avec les Premières nations à la rédaction de ce règlement, parce qu'il traite d'activités qui relèvent de leur compétence. Nous aurons aussi des consultations continues ou une certaine collaboration parce que nous essayons de saisir toutes les activités qui relèvent de leur compétence, et nous voulons nous assurer que cela se fasse dans les règles sur le plan technique.
Le sénateur Christensen: Durant cette troisième ronde, les gouvernements des territoires et des Premières nations participeront-ils à la rédaction du texte définitif de ce règlement?
M. Bailey: Pas à la rédaction du texte définitif. Ils participent à une «ébauche de rédaction», si l'on peut dire.
Le sénateur Christensen: Cette ébauche sera-t-elle également envoyée à l'industrie?
M. Bailey: La prochaine occasion, pour l'industrie, sera lors de la publication préalable dans la Gazette; on aura alors l'occasion de prendre connaissance du règlement proposé. Nous espérons que cela se fera vers la fin de l'automne ou au début de l'hiver prochain.
Le président: Il y a une période de 30 jours?
Le sénateur Christensen: Non, 60 jours.
M. Bailey: C'est un minimum. Pour préciser, du point de vue de la procédure, dépendant de la date à laquelle ce projet de loi reçoit la sanction royale, à supposer qu'il la reçoive, nous avons 18 mois avant l'entrée en vigueur du projet de loi, et nous espérons assurément que ce règlement sera complété bien avant l'expiration de ce délai de 18 mois.
Le sénateur Christensen: Dans cette troisième ébauche, avant la période de la publication préalable, qui dure 60 jours ou plus, l'industrie aurait son mot à dire par l'intermédiaire des Premières nations et du gouvernement territorial?
M. Bailey: Ce serait possible. D'après ce que j'ai lu du compte rendu, je ne pense pas que la Chambre ait dit explicitement que ses préoccupations relativement à ce règlement sont assez bien comprises, surtout en ce qui a trait au seuil. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais il y a eu beaucoup de discussions avec eux pour expliquer pourquoi, premièrement, le règlement sur l'utilisation des sols à des fins minières dans la catégorie 2 sera visé, ce qui est une préoccupation globale, et pourquoi certains seuils varient, parce qu'à la demande des intervenants du secteur minier, le règlement sur l'utilisation des sols à des fins d'extraction minière a fixé des seuils qui étaient différents par rapport aux permis d'utilisation des sols applicables partout ailleurs dans le territoire.
Leur préoccupation est que certains seuils sont plus bas pour les mines que pour n'importe qui d'autre et n'importe quel autre type de sol. Cependant, l'inverse est vrai. Vous et moi aurions besoin d'un permis pour faire bien des activités au Yukon, lesquelles feraient l'objet d'une évaluation. Ce ne serait pas le cas s'il s'agissait d'extraction minière. Ces questions ont été discutées et sont très bien comprises par ceux qui s'efforcent de finaliser l'ébauche de règlement en vue de sa publication.
Le sénateur Christensen: Vous pouvez comprendre pourquoi l'industrie est tellement inquiète. Le gouvernement se trouve essentiellement à dire: «Faites-moi confiance, nous avons à coeur vos intérêts». Nous avons vu ce qui se passe actuellement dans le secteur de l'exploitation minière des placers, et le gouvernement n'inspire pas tellement confiance. Il est très important que nous maintenions l'industrie comme partie prenante. Je suis certaine que l'industrie essaiera d'en obtenir le plus possible, sachant qu'il faudra également faire un compromis. Il faut que l'industrie ait une procédure valable pour avoir son mot à dire avant que le tout soit finalisé.
M. Bailey: Comme je l'ai dit, il y a eu d'autres discussions en plus des consultations officielles sur le projet de loi et sur le règlement. J'ai échangé des lettres avec le président de la chambre des mines sur cette question précise et sur d'autres également. Le ministre a rencontré les intéressés il y a un an et a même reçu une lettre du président de la chambre qui remercie le ministre d'avoir apporté des changements qui ont été faits à la suite des discussions durant ces entretiens. Il y a eu un dialogue continu.
La difficulté, quand on demande de diffuser de nouvelles ébauches du règlement, c'est que l'industrie n'est pas le seul groupe qui s'intéresse à la teneur du règlement. Nous avons 18 mois pour essayer de rédiger ce règlement, mais cette rédaction est assez complexe et nous n'envisageons pas de tenir une nouvelle ronde de consultations sur une question qui a déjà fait l'objet d'une consultation étendue et détaillée en deux occasions; nous ne pensons pas que ce soit approprié à ce moment-ci.
Le sénateur Christensen: L'examen quinquennal est une autre question qui a été soulevée par la plupart des intervenants qui ont des objections à ce projet de loi. Quelle est votre position sur l'examen quinquennal ou l'obligation prévue dans la loi de procéder à un deuxième examen?
M. Bailey: Chose certaine, notre position est que nous n'exigeons pas un tel examen dans la loi. Le règlement de la revendication territoriale stipule actuellement qu'il faut procéder à un examen en profondeur de tout le processus d'évaluation. Dans notre esprit, il est difficile de concevoir comment cela pourrait se faire en l'absence d'un examen détaillé de la loi. Nous avions aussi des préoccupations pour ce qui est d'inclure une telle disposition dans la loi, craignant qu'elle ne crée deux obligations à remplir pour ce qui est d'effectuer un examen quinquennal, et il y aurait risque de conflit et de dédoublement des efforts.
Le sénateur Christensen: Êtes-vous convaincu d'avoir pris en considération bon nombre des problèmes qui ont été soulevés ou qui se sont posés dans le cas de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui est semblable à celle-ci, mais qui a été présentée il y a un certain nombre d'années? Il y a eu des problèmes. A-t-on examiné ces problèmes et en a-t-on tenu compte pour rédiger la nouvelle loi?
M. Bailey: Oui. Nous avons étudié la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et beaucoup d'autres processus existants, dont certains ont des avantages et des inconvénients. Nous avons essayé de tirer les leçons de cet exercice afin de partir du bon pied dans ce cas-ci.
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Je veux que chacun sache bien que M. Bailey a été rappelé de ses vacances à la Nouvelle-Orléans aujourd'hui même, sans préavis, pour s'entretenir avec nous. Il y retourne demain.
Je ne m'en excuse pas, monsieur Bailey, parce que nous devions nous entendre aujourd'hui, vous-même et M. Cox, mais je vous en remercie beaucoup. Cela dépasse de loin les obligations de votre charge. Votre témoignage, ainsi que celui de M. Cox, étaient très importants pour nous ce matin.
Les membres du comité souhaitent-ils maintenant procéder à l'étude du projet de loi?
Des voix: Oui.
Le sénateur Milne: Je propose que nous passions à l'étude article par article.
Le président: Je suis prêt à entendre une motion tendant à se dispenser de l'étude article par article.
Le sénateur Baker: En présence de M. Bailey, de M. Cox et de M. Mills, qui ont passé de nombreuses années à travailler à ce projet de loi, je propose que le comité passe outre à l'étude article par article de ce projet de loi, et qu'il approuve le projet de loi sans amendement.
Le président: Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Cochrane: Je trouve que c'est un peu court.
Le président: C'est adopté. Merci. Est-on d'accord pour que la présidence fasse rapport de ce projet de loi sans amendement à la prochaine séance du Sénat?
Des voix: D'accord.
La séance est levée.