Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 19, Témoignages du 18 septembre 2003


OTTAWA, le jeudi 18 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 heures, dans le but d'examiner le projet de loi S-10, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables, et le projet de loi C-42, Loi concernant la protection de l'environnement en Antarctique.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bienvenue. Conformément au premier point à l'ordre du jour, nous entreprenons l'étude article par article du projet de loi S-10, parrainé par le sénateur Spivak, au sujet duquel nous avons entendu un large éventail de témoins.

Honorables sénateurs, acceptez-vous que nous passions à l'étude article par article du projet de loi S-10?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté. L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le président: L'étude du préambule est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le président: L'étude du titre abrégé est-elle reportée?

Le sénateur Milne: D'accord.

Le président: L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Milne: Monsieur le président, je propose que les articles 2 à 11 soient adoptés.

Le président: On propose l'adoption des articles 2 à 11. Il s'agit en fait de l'ensemble des articles du projet de loi, sauf ceux dont nous avons accepté d'en reporter l'étude.

Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Les articles 2 à 11 sont adoptés. L'article 1 est-il adopté?

Le sénateur Spivak: D'accord.

Le président: Le préambule est-il adopté?

Le sénateur Milne: D'accord.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le projet de loi est-il adopté sans amendement?

Des voix: D'accord.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci. Sénateur Spivak, félicitations.

Le sénateur Spivak: Merci. J'ai reçu un grand nombre de lettres et de messages. Pourrait-on les déposer avec les autres, au cas où l'on souhaiterait les lire à un autre moment?

Le président: Ne serions-nous pas alors obligés de déposer les lettres de toutes les parties? Est-ce qu'elles viennent de toutes les parties?

Le sénateur Spivak: Je pensais qu'elles étaient déposées.

Le président: Je présume qu'elles le sont d'office, puisqu'elles traitent du sujet à l'étude.

Le sénateur Spivak: Très bien.

Le président: J'ai reçu, ce matin, et vous aussi, j'en suis sûr, d'autres lettres représentant tous les points de vue. Je suis certain que nous allons continuer d'en recevoir.

Le sénateur Spivak: Oui.

Le président: Je suppose que toutes nos délibérations et toutes les lettres que nous auront reçues feront partie du rapport, une fois celui-ci déposé. Nous y voyons. De toute façon, nous les conserverons toutes.

Le sénateur Spivak: Merci.

Le président: Félicitations, sénateur.

Nous passons maintenant au deuxième point à l'ordre du jour, soit le projet C-42, Loi concernant la protection de l'environnement en Antarctique. Nous avons entendu des discours à ce sujet, hier et avant-hier, au Sénat.

Nous accueillons ce matin M. George Enei, directeur de la Direction des priorités en matière de conservation au ministère de l'Environnement. C'est sous l'égide de ce ministère que le projet de loi a été présenté au Parlement.

Monsieur Enei, bonjour.

M. George Enei, directeur, Direction des priorités en matière de conservation, ministère de l'Environnement: J'ai préparé un bref exposé afin de vous présenter un survol du projet de loi C-42 et de certains des points saillants touchant le traité et le protocole.

Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je suis heureux de vous rencontrer aujourd'hui.

Comme vous le savez sans doute, l'Antarctique abrite les aires de nature sauvage les plus vastes et les plus vierges de notre planète. Ce continent s'étend sur près de 14 millions de kilomètres carrés, ce qui représente une fois et demie la superficie du Canada.

On ne saurait sous-estimer l'importance de l'Antarctique sur le plan écologique. Tout comme dans l'Arctique, les effets du changement climatique sont déjà visibles dans l'Antarctique. Les deux pôles nous servent d'indicateurs des changements climatiques que subira vraisemblablement la planète.

[Français]

L'Antarctique joue un rôle crucial dans les systèmes océaniques de la planète. Il leur fournit des éléments nutritifs essentiels et ainsi il soutient des systèmes qui entretiennent la vie dans les régions situées à des milliers de kilomètres. Nous retrouvons 80 p. 100 des eaux douces de la terre en Antarctique. Cette région abrite également un grand nombre d'espèces et d'écosystèmes uniques dont plus de 50 espèces d'oiseaux, et 120 espèces de poissons. Cet écosystème, relativement vierge, constitue un laboratoire de recherche scientifique qui n'a pas d'égal ailleurs au monde.

[Traduction]

Toutefois, l'activité humaine fait peser de graves menaces sur l'écosystème de l'Antarctique. Environ 15 000 personnes, en moyenne, foulent ce continent, et un nombre encore plus grand explorent les océans environnants. Elles s'y rendent en avion, au moyen de navires de croisière, d'embarcations plus petites comme les Zodiacs, de motoneiges et autres véhicules, et ce, dans le but d'explorer le continent.

Le président: Vous voulez dire 15 000 personnes par année?

M. Enei: Oui. C'est sans compter les camps de fortune qu'on y installe régulièrement. De plus, des douzaines de stations ou de laboratoires scientifiques sont érigés de façon permanente en Antarctique.

Le niveau croissant d'activité pose trois grands défis environnementaux: la pollution marine et terrestre, les atteintes directes à la flore et les dommages à l'écosystème. Le Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement, communément appelé Protocole de Madrid en l'honneur de la ville où il a été signé, a pour objet de protéger l'environnement de l'Antarctique contre les impacts directs de l'activité humaine. Bien que le continent fasse l'objet de revendications de nombreux pays, celles-ci ont été gelées au moment de la signature du traité, en 1959.

[Français]

Le traité sur l'Antarctique affecte la région au sud de la latitude 60 degrés sud à des activités scientifiques et pacifiques. Il interdit les mesures à caractère militaire, les essais nucléaires et l'élimination des déchets radioactifs. Le Canada est au nombre des signataires au Traité sur l'Antarctique. En 1991, les pays jouant un rôle actif dans l'Antarctique, dont le Canada, ont signé le Protocole de Madrid «Entente environnementale supplémentaire au Traité sur l'Antarctique». Le protocole est entré en vigueur en 1998, et il a été ratifié par 30 pays.

[Traduction]

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que le Canada souhaite contribuer à la protection de l'environnement antarctique en ratifiant le protocole, dont la mise en oeuvre passe par l'adoption d'une loi. Le Canada a toujours eu l'intention de ratifier le protocole. Nous avons tout lieu de croire que les Canadiens se conforment déjà aux exigences du protocole. Les activités du Canada se répartissent en trois grandes catégories: le tourisme, la recherche scientifique et le soutien logistique. Environ 400 Canadiens visitent chaque année l'Antarctique. Deux forfaitistes canadiens y organisent des visites écologiques, et une quarantaine de scientifiques y effectuent des recherches, recherches qui sont réalisées en grande partie en collaboration avec d'autres pays et qui s'effectuent surtout au Canada.

Les Canadiens présents dans l'Antarctique réclament depuis longtemps la ratification du protocole. Cette démarche n'a évidemment pas pour but de redresser un problème, mais plutôt de permettre officiellement au Canada de participer à l'effort mondial visant à protéger l'Antarctique, et aussi de présenter clairement le rôle du Canada aux autres pays et aux Canadiens qui travaillent dans cette région.

En vertu du protocole, le Canada doit encadrer les activités des Canadiens dans l'Antarctique, et aussi les activités des personnes venant d'autres pays qui prennent part à des expéditions organisées par le Canada. Les expéditions canadiennes sont définies comme des voyages qui soit sont organisés au Canada, soit se font du Canada à l'Antarctique. Les parties doivent par ailleurs interdire certaines activités, comme la prospection minière ou l'utilisation de la faune à des fins non scientifiques. Le protocole définit les mesures qui visent à protéger certains endroits et sites historiques.

La ratification du protocole obligera le gouvernement du Canada à adopter une nouvelle loi afin d'accorder des permis pour les activités dans l'Antarctique.

J'aimerais maintenant vous présenter un survol du projet de loi C-42.

Ce projet de loi s'inscrit dans l'approche adoptée par d'autres pays pour la mise en oeuvre du protocole, et cadre avec les lois fédérales actuellement en vigueur au Canada. Aux termes du projet de loi, tous les Canadiens qui souhaitent se livrer à des activités dans l'Antarctique doivent obtenir un permis. Cela englobe les bâtiments canadiens et toute personne qui participe à une expédition canadienne. Les demandes de permis doivent être accompagnées d'évaluations environnementales, de plans d'urgence et de plans de gestion des déchets.

[Français]

Les Canadiens désirant mener certaines activités interdites en vertu du projet de loi sont également tenus de détenir un permis: à titre d'exemple, l'accès à une zone protégée de l'Antarctique ou la réalisation de travaux de recherche nécessitant des contacts avec la faune indigène.

On prévoit moins d'une douzaine de demandes de permis par année. La réciprocité est l'une des principales caractéristiques de l'approche canadienne à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Madrid. Certaines activités sont déjà autorisées par les lois prévues à une autre partie du protocole. Ces activités seraient également autorisées en vertu du projet de loi C-42. Ainsi, l'attribution d'un permis ne serait donc pas nécessaire dans ces circonstances.

Par contre, le projet de loi interdit, sans exception, certaines activités, notamment le déversement de substances dangereuses pour l'environnement marin, l'endommagement des sites historiques et le brûlage des déchets à ciel ouvert.

[Traduction]

Le projet de loi C-42 prévoit des exceptions aux interdictions en cas d'urgence. La mise en oeuvre du projet de loi serait assurée par des agents d'exécution et des inspecteurs désignés en vertu de celui-ci. Les infractions et les peines sont conformes à celles que l'on retrouve dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, le projet de loi C-42 confère au Canada les outils dont il a besoin pour contribuer à l'effort mondial de protection de cet environnement vulnérable qu'est l'Antarctique. En tant que nation polaire et chef de file international sur le plan environnemental, le Canada a un rôle important à jouer dans cet écosystème spécial. L'approche adoptée dans ce projet de loi bénéficie du soutien des Canadiens présents dans l'Antarctique.

Je répondrai maintenant volontiers à vos questions sur le projet de loi.

Le sénateur Spivak: Je voudrais savoir pourquoi les forces canadiennes et les bateaux de pêche commerciale font l'objet d'une exemption, car il me semble que cela va à l'encontre de l'esprit du projet de loi. Pourquoi les navires militaires et les bateaux de pêche ne seraient-ils pas assujettis aux mêmes règles?

M. Enei: La pêche est exclue du protocole, parce que cette activité est visée par les ententes et les conventions des Nations Unies qui ont été adoptées dans le cadre du MARPOL. Il existe des cadres législatifs qui régissent la pêche. Le protocole de Madrid englobe les étendues terrestres et aquatiques, et la pêche est évidemment visée par la convention, et donc par les autres conventions des Nations Unies, d'où l'exception.

Pour ce qui est des militaires, nous devons tenir compte des engagements fondamentaux qui se rattachent au traité et au protocole lui-même. Ces derniers considèrent l'Antarctique comme une réserve naturelle consacrée aux activités pacifiques et scientifiques. L'armée y joue traditionnellement un rôle de soutien logistique puisqu'elle sert à assurer le transport des fournitures et des biens nécessaires au déroulement de certaines activités dans l'Antarctique, comme la recherche scientifique. On utilise l'équipement militaire en raison des conditions météorologiques extrêmes qui sévissent en Antarctique.

L'exemption accordée aux militaires n'a rien d'anormal, puisqu'on la retrouve dans certaines lois fédérales. Toutefois, j'insiste pour dire que ce sont les activités pacifiques et scientifiques qui servent de base au traité et au protocole.

Le sénateur Spivak: Quelles sont les conventions des Nations Unies qui visent la pêche? Comment sont-elles mises en application?

Par ailleurs, je tiens à signaler que des pilotes canadiens ont tout récemment, et avec une bravoure hors du commun — je ne sais pas quelles sont les dernières nouvelles, s'ils ont été en mesure ou non de s'y rendre...

Le sénateur Cochrane: Ils ont dû retarder leur départ, hier.

Le sénateur Spivak: Ce ne sont pas des militaires, mais des pilotes canadiens d'expérience qui s'y sont rendus. Il convient de le mentionner, car c'est tout en exploit.

Quoi qu'il en soit, pouvez-vous nous dire quelles sont ces conventions, et nous expliquer aussi comment elles sont mises en application?

M. Enei: Pour ce qui est de la question de la mise en application des conventions des Nations Unies, il faudrait que je consulte mon conseiller juridique. Anne Daniel pourrait peut-être vous donner des précisions à ce sujet dans quelques minutes.

Pour ce qui est de l'accès, à ma connaissance, il n'y a aucune activité militaire canadienne qui se déroule présentement dans l'Antarctique. Des Canadiens ont été appelés à fournir un soutien logistique afin d'aller chercher, si j'ai bien compris, une personne qui était tombée malade. Ce n'est pas quelque chose d'inhabituel. Ce n'est pas la première fois que cela se produit.

Le sénateur Spivak: Je le sais.

Le président: Avant que vous ne cédiez la parole à votre collègue, je voudrais vous poser une question qui s'ajoute à celle du sénateur Spivak: est-ce que tous les autres signataires des conventions et protocoles dont il est ici question accordent également des exemptions aux militaires, en vue de rendre ces ententes exécutoires?

M. Enei: Chaque signataire possède un cadre législatif ou un instrument de ratification qui lui est propre. Il peut s'agir, dans certains cas, d'une loi, d'un règlement ou d'une déclaration prononcée devant l'assemblée législative respective. Je ne peux parler en leur nom, mais toutes les parties au traité doivent respecter les engagements fondamentaux pris en vertu de celui-ci.

Si vous me le permettez, j'aimerais citer l'article 1 du traité, qui précise que seules les activités pacifiques sont autorisées dans l'Antarctique.

L'article 2 dispose que le présent traité ne s'oppose pas à l'emploi de personnel ou de matériel militaires pour la recherche scientifique ou pour toute autre fin pacifique.

Nous devons tous respecter les engagements fondamentaux que nous avons pris, que ce soit au moyen d'une loi ou d'un instrument de ratification. Ce principe régit les activités du Canada, de même que les activités des autres parties au traité.

Le président: Est-ce que le Chili, par exemple, peut adopter une loi qui, tout en rendant ces ententes exécutoires, ne prévoit pas d'exemptions pour les activités militaires?

M. Enei: C'est possible. Je ne connais pas la loi chilienne.

Le président: Nous ne nous attendons pas à ce que vous la connaissiez.

Mme Anne Daniel, avocate générale, Services juridiques, Environnement Canada: En ce qui a trait à la pêche, quand j'ai parcouru le projet de loi, je me suis demandée pourquoi la pêche en était exclue. Or, il existe un autre traité de l'Antarctique appelé CCAMLR qui porte de façon précise sur la pêche dans l'Antarctique. Le Canada y a adhéré en 1988. Donc, si l'activité n'est pas visée par le Protocole de Madrid, c'est parce qu'elle fait l'objet d'un autre traité.

Le sénateur Spivak: Comment est-il mis en oeuvre? Les activités de pêche à l'échelle internationale sont régies par ces conventions. Malgré tout, il y a des problèmes.

Mme Daniel: Je ne sais pas vraiment comment les choses se passent dans le cadre du CCAMLR, mais habituellement, les pays, lorsqu'ils veulent mettre en application des traités, doivent inclure des dispositions en ce sens dans leur législation interne. Cette législation interne s'applique aux bâtiments immatriculés de ces mêmes pays qui se trouvent dans l'Antarctique. C'est ce qui se fait habituellement.

Pour ce qui est des traités, si vous ne les respectez pas, les autres parties vont vous le faire savoir. Nous avons adhéré au protocole de Madrid, en partie parce que des pays ont dit qu'il y avait des Canadiens qui travaillaient dans l'Antarctique et que d'autres parties se chargeraient de porter certains faits à notre attention. Dans un endroit comme l'Antarctique, où la présence humaine est si rare, nous devons nous fier à d'autres pays pour qu'ils portent certains faits à notre attention.

J'espère, une fois que nous deviendrons partie au traité, que si la mise en oeuvre du Protocole de Madrid pose problème, d'autres pays vont se charger de porter les incidents qui se produisent à notre attention. Nous pourrions profiter des rencontres des parties pour attirer également leur attention sur des incidents particuliers.

La question de l'exécution à l'échelle internationale est toujours délicate, car nous ne pouvons pas jeter des États en prison.

Le sénateur Spivak: Toutefois, savez-vous ce que font les autres pays, y compris le Canada, au niveau de la pêche? Existe-t-il un problème à ce chapitre? J'ai lu quelque part que la protection des espèces dans l'Antarctique posait problème.

M. Enei: À notre connaissance, le Canada ne participe à aucune activité de recherche ou autre dans le domaine de la pêche dans l'Antarctique. Il y a le cas particulier de la légine qui, si je ne m'abuse, est vendue sous le nom de bar commun du Chili au Canada. Nous sommes en train, de concert avec le ministère des Pêches et des Océans, de mettre en oeuvre un système de documentation des captures pour identifier l'importation de ce poisson dans le cadre du CCAMLR, qui est essentiellement une convention qui met l'accent sur la protection responsable des ressources maritimes.

Le président: La section qui s'applique à la pêche s'appelle le Protocole de Madrid. Je présume que les Portugais l'ont signé?

M. Enei: Peut-être devrais-je vous donner un aperçu du système de traités en tant que tel. On a le Traité de l'Antarctique, qui comprend deux conventions et un protocole. Le Canada a adhéré au traité et aux deux conventions, qu'il a signés. Nous avons signé le protocole, mais nous ne l'avons pas ratifié et nous n'y avons pas adhéré.

Les deux conventions traitent, de façon précise, des ressources maritimes dans l'Antarctique. Ces deux conventions s'ajoutent au cadre législatif actuel qui a été établi en vertu des ententes des Nations Unies.

Le président: Est-ce que l'accord de Madrid est un protocole ou une convention?

M. Enei: C'est un protocole.

Le président: Pouvez-vous nous dire, brièvement, ce qu'est un traité, un protocole ou une convention, et ce que signifie le fait d'adhérer à ces instruments et de les signer? J'ai déjà posé la question.

On m'a dit qu'il y avait une personne qui connaissait bien le sujet et qui pouvait nous l'expliquer, mais elle est décédée il y a environ 20 ans. Pouvez-vous nous expliquer en cinq minutes ce qu'on entend par signature et adhésion? Ensuite, quelle est la force exécutoire d'un traité, d'une convention et d'un protocole?

Mme Daniel: Je le ferai avec plaisir. Même les avocats spécialisés en droit international ignorent la réponse à ces questions.

Le président: Vous avez raison.

Mme Daniel: N'hésitez pas à poser des questions, puisque ce sont des choses que vous devez savoir.

De nombreux traités multilatéraux prévoient la signature, habituellement avant une certaine échéance. La période de signature échue, si le traité n'est pas signé mais que vous souhaitez y être partie, vous pouvez y adhérer.

Si vous avez signé le texte avant l'échéance prévue, il faut ensuite le ratifier. En ce qui concerne le Protocole de Madrid, parce que nous l'avons signé, la prochaine étape pour y être lié en droit international consiste à le ratifier. Si nous n'avions pas signé avant la fin de la période de signature, nous aurions pu y adhérer en une seule étape. Nous serions alors également liés en droit international. Nous avons adhéré à un autre traité environnemental il n'y a pas longtemps, soit la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable dans le cas de certains produits chimiques. Nous ne l'avons pas signé avant l'échéance, mais nous y sommes devenus liés l'été dernier, par adhésion.

Le président: L'adhésion rend-t-il inutile la ratification?

Mme Daniel: Il s'agit d'une procédure différente qui a le même effet juridique. Vous êtes lié en droit international.

Le président: Je vous demanderais de nous expliquer la différence entre un traité, une convention et un protocole.

Mme Daniel: La Convention de Vienne sur le droit des traités définit ce qu'est un traité. Essentiellement, il s'agit d'une entente par écrit dans laquelle les parties s'accordent pour établir des relations internationales entre elles.

Le sénateur Spivak: Tout comme un contrat?

Mme Daniel: Essentiellement. Certains traités parlent effectivement de «parties contractantes». Il s'agit en réalité de contrats entre États.

Le mot «traité» est une expression générique qui désigne ce genre de contrat intervenu entre les États et qui est juridiquement contraignant en droit international. Dans certaines circonstances, les parties ou les pays, lorsqu'ils négocient, choisissent plutôt la convention. C'est la même chose. Il s'agit d'un texte juridiquement contraignant visant à établir des relations juridiques en droit international.

Dans la pratique du droit international, le protocole sert aux mêmes fins. Par exemple, supposons qu'il existe une convention comme celle de l'Antarctique. Si un autre traité en résulte, on le qualifie de protocole. Parfois, les protocoles sont des textes juridiques tout à fait distincts, mais parfois aussi, ils renvoient au traité principal et il existe alors des liens entre les deux. Quand il y a un protocole, il faut examiner avec soin le traité principal pour être sûr d'en bien comprendre tous les liens.

Le président: Par conséquent, la convention et le traité sont, à toutes fins utiles, des termes interchangeables?

Mme Daniel: Oui.

Le président: Habituellement, le protocole relèverait soit d'une convention ou d'un traité?

Mme Daniel: C'est juste.

Le président: Le protocole traiterait de la mise en oeuvre, contrairement au texte principal qui tient davantage de l'énoncé d'intentions. C'est bien cela?

Mme Daniel: Tout dépend. Certaines conventions sont très détaillées et de nature très réglementaire. Les protocoles qui en résultent peuvent être encore plus détaillés.

Le président: Je connais la Convention internationale sur les droits d'auteur.

Comme vous le dites, ces textes ont plusieurs dimensions.

Mme Daniel: Oui. Dans le domaine environnemental, c'est l'usage. Par exemple, la Convention-cadre sur les changements climatiques était de nature très générale alors que le protocole de Kyoto fixe des objectifs plus précis. Je vous renvoie également à la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone et au Protocole de Montréal, qui est beaucoup plus détaillé et continue de resserrer les objectifs et les modalités de mise en oeuvre.

Le sénateur Christensen: Pourrait-il y avoir plus d'un protocole relevant du même traité?

Mme Daniel: Oui. Un bon exemple actuellement est la Convention sur la diversité biologique, qui est la convention principale, dans le cadre de laquelle un protocole sur la biosécurité des OGM a été négocié récemment. Au sommet mondial, ils ont amorcé les pourparlers concernant un régime international d'accès aux ressources génétiques. Pareille entente prendrait la forme d'un protocole.

Le sénateur Milne: L'article projeté selon lequel le texte lie Sa Majesté du chef du Canada et une province, mais qu'il ne s'applique pas aux membres des Forces canadiennes me préoccupe également. Je n'ai aucune idée de la réputation dont jouissent les forces militaires canadiennes, mais je connais celle des militaires américains qui laissent tout derrière eux, sans nettoyer. Ils sont bien connus pour cela. Ils ont laissé nos régions arctiques jonchées de déchets, et le Canada devra débourser des millions de dollars pour les nettoyer. Cette exemption me préoccupe beaucoup.

Nos inspecteurs ont toutes sortes de pouvoirs qu'ils peuvent exercer au Canada même, mais à l'étranger, à première vue, il semble que leur seul moyen d'action soit l'inspection. Quelle sorte d'autre pouvoir ont-ils? Une fois qu'ils se trouvent sur place et qu'ils voient ce qui se passe ou ce qui s'est passé, que peuvent-ils faire de plus que de simplement inspecter?

M. Enei: Du point de vue de l'inspection, on pourrait considérer le concept comme étant pluridimensionnel. Le régime issu du traité prévoit des «observateurs», ce qui veut dire que les parties au traité peuvent nommer des observateurs qui ont le pouvoir d'inspection. Les observateurs inspectent les activités des personnes sous le régime du Traité sur l'Antarctique. Il existe aussi un régime supplémentaire d'autosurveillance, étant donné que la communauté de l'Antarctique est tissée plutôt serrée. La plupart des chercheurs se connaissent entre eux. Bon nombre des travaux scientifiques s'effectuent sous le leadership de certains pays en collaboration avec d'autres États qui y contribuent et y participent. D'un point de vue scientifique, cette question n'a pas été relevée comme représentant un enjeu.

En ce qui concerne l'autre principale activité, c'est-à-dire l'écotourisme, il existe une association solide, appelée l'International Association of Antarctic Tour Operators, c'est-à-dire l'IAATO. Ses membres, qui assurent une excellente autosurveillance, représentent 99 p. 100 presque de l'écotourisme dans l'Antarctique. J'étais à Madrid, il y a deux mois, et les États membres ont bien soutenu l'excellent travail effectué par l'IAATO sur le plan de l'autosurveillance et de la responsabilité.

Essentiellement, l'écotour vous mènera en Antarctique pour observer une situation unique. Il appartiendrait aux organisateurs d'écotours d'assurer eux-mêmes la surveillance. Nul ne souhaite se rendre en Antarctique pour voir, sans vouloir manquer de respect à Coca-Cola, un littoral jonché de cannettes.

En plus des observateurs prévus par traité et de l'autosurveillance faite par les principaux intérêts, tant les chercheurs scientifiques que les membres de l'industrie de l'écotourisme, nous pouvons effectuer des inspections aux termes de la loi qui est à l'étude. Ces pouvoirs d'inspection viennent compléter, si je puis dire, le régime prévu par traité. Cela étant dit, l'exécution s'effectue principalement en territoire national.

Le sénateur Milne: En d'autres mots, les inspecteurs peuvent recueillir des preuves établissant qu'il y a eu activité prohibée ou abandon de détritus et ils pourraient ensuite, de retour en sol canadien, porter des accusations contre l'entreprise.

M. Enei: C'est juste. Il faut se rendre compte que, lorsqu'un permis est émis, il est assorti de nombreuses conditions et restrictions. Nous contrôlons littéralement toutes les activités qui sont projetées dans l'Antarctique. Je ne veux pas parler de «conventions» ou de «protocoles», mais il existe des pratiques, comme le fait qu'on ne peut pas s'approcher à moins de 15 pieds d'une certaine espèce de manchots, qu'on ne peut pas aller près des aires de nidification, qu'on ne peut pas faire de bruit et qu'on ne peut se déplacer qu'à certaines heures. Les conditions sont claires et elles sont bien comprises par tous les participants.

Le sénateur Milne: Je suis sûre qu'elles le sont. Toutefois, j'aimerais insister sur l'aspect «exécution», pour faire en sorte que les entreprises puissent vraiment être accusées au retour au Canada si elles se sont trop approchées d'un manchot ou qu'elles ont fait fi de certaines autres restrictions.

Pourriez-vous ajouter une disposition dans le règlement prévoyant que, si l'entreprise ou les militaires transportaient jusque là des conteneurs de fournitures dont ils se serviront là-bas, ils doivent tout ramasser lorsqu'ils partent de manière à ne pas polluer le paysage avec des barils de mazout?

M. Enei: Le protocole prévoit qu'il n'y aura pas d'impact net sur l'environnement. Il faut rapporter autant qu'on en a emporté là-bas.

Le sénateur Milne: Cela fera-t-il partie du Règlement?

Le sénateur Christensen: Cela fait partie du régime de délivrance de permis, n'est-ce pas?

M. Enei: Ce genre de conditions serait imposé à l'égard des activités qui se dérouleraient là-bas.

Le président: Ce n'est pas que je veuille faire preuve de cynisme ou critiquer CP Hotels, mais il est dans leur intérêt de maintenir la nature dans son état originel au lac Louise. Si cela ne l'était pas, nul n'irait y admirer la nature. Toutefois, CP Hotels a triplé les dimensions de l'hôtel au lac Louise depuis mon enfance. Des pressions sont exercées, et il existe des permis qui pourraient être délivrés en réaction à ces pressions et qui pourraient, du moins à certains égards, militer contre le merveilleux objet de la Loi sur les parcs nationaux, du projet de loi à l'étude et d'autres règlements qui en relèvent. La question est de savoir s'il existe un bâton et si quelqu'un s'en servirait vraiment.

M. Enei: Aux termes de l'article 24 du projet de loi, il faut présenter des plans de gestion des déchets et des plans d'intervention d'urgence. Le ministre peut, s'il le veut, émettre un permis qui autorise une expédition s'il est convaincu que les plans de gestion des déchets et d'intervention d'urgence de l'expédition ont été préparés en conformité avec le règlement. Nous prévoyons faire en sorte que l'Antarctique est protégé, et c'est pourquoi nous sommes parties au traité et à la convention et que nous proposons actuellement de passer à la mise en oeuvre de nos obligations en vertu du protocole.

Le sénateur Spivak: Nous pourrions, naturellement, demander à examiner le règlement. Nous pourrions demander qu'il soit renvoyé au comité.

Le président: Prévoyons-nous que le règlement sera promulgué dans très peu de temps? En est-il à un stade avancé?

M. Enei: Nous sommes en train de le rédiger. Il faut mener d'autres consultations avec les principaux intéressés, mais le processus avance.

Le président: Pourriez-vous vous faire une note pour vous rappeler que le comité aimerait avoir un exemplaire de la première ébauche du règlement — avant même qu'elle ne soit publiée dans la Gazette — simplement pour que nous puissions vous envoyer des observations et vous poser des questions, si nous en avons?

Je vous serais reconnaissant de le faire, et je crois que ce ne serait que correct.

M. Enei: Nous nous engageons à le faire.

Le sénateur Cochrane: Chers collègues, la question que je me pose est de savoir si le ministre prend la décision définitive de délivrer le permis? Est-ce bien lui qui donne le feu vert ou pas?

M. Enei: Le ministre en tant que personne, oui.

Le sénateur Cochrane: Il peut dire oui ou non à une expédition?

M. Enei: Oui.

Le sénateur Cochrane: En ce qui concerne l'exécution, vous dites que trente pays ont déjà ratifié le protocole de Madrid. La question continue toutefois de me préoccuper. Y a-t-il déjà en place des règles d'exécution et, si ces règles ne sont pas suivies, des mesures sont-elles prévues? Il est facile d'affirmer qu'un pays exécute la loi, mais il est beaucoup moins facile de dire que trente pays ne font pas respecter le règlement.

Mme Daniel: Comme je l'ai dit tout à l'heure, typiquement, on met en oeuvre des traités internationaux en adoptant des lois nationales qui les font s'appliquer sur votre propre territoire. Quand le projet de loi a été rédigé, on a pris soin de faire en sorte que les différentes lois des différentes juridictions sont plus ou moins conformes. Nous estimons que le texte actuel est conforme, mais nous tenions à nous en assurer.

Plusieurs autres pays qui sont parties au traité ont différentes traditions juridiques. Dans certaines, c'est la common law — le Canada a à la fois la common law et le droit civil —, alors que d'autres relèvent d'un code civil. Certaines ont des régimes parlementaires, d'autres pas. Que cela se fasse par loi, par règlement ou par simple ratification, il existe plusieurs combinaisons et variantes quant à la façon de mettre en oeuvre les obligations du traité. C'est là la première étape — coucher par écrit ou prévoir quelque chose au sein de chaque juridiction qui l'impose comme loi.

La deuxième étape, comme beaucoup l'ont remarqué, consiste à faire respecter la loi nationale sur son territoire. Dans l'Antarctique, parce que cette région ne fait pas partie de son propre territoire, on est obligé de relever le défi d'obtenir de l'information sur les infractions. Comme l'a dit M. Enei, le Traité sur l'Antarctique prévoit un régime d'observateurs, de sorte que d'autres pays s'aviseront entre eux de ce qui s'y passe. Avec un peu de chance, cela produira suffisamment de données sur les incidents. Le territoire est vaste. Nous sommes au courant de certaines activités d'écotourisme qui se déroulent dans certains secteurs. Nous sommes aussi au courant de travaux scientifiques qui s'y déroulent. Leurs emplacements sont bien connus. Par conséquent, il y a moyen de commencer à élaborer une stratégie intelligente d'exécution là-bas.

Lors des rencontres des parties au Protocole de Madrid, il importe qu'elles se parlent entre elles et qu'elles partagent de l'information au sujet de ce qu'elles voient et de ce qu'elles constatent. En toute franchise, il ne faudrait pas avoir de crainte si des pays nous disent qu'ils ont remarqué quelque chose que fait là-bas un bâtiment canadien ou un voyagiste canadien. En fait, c'est en partie la raison pour laquelle le gouvernement adhère à cette initiative. Des activités canadiennes s'y sont déroulées — nous le savons — de sorte que d'autres pays nous demandaient d'adopter cette première mesure d'exécution, soit d'adopter une loi nationale, de ratifier le traité une fois qu'elle est place, puis de faire partie du partenariat visant à gérer en toute sécurité l'Antarctique.

L'étape dont vous parlez se situe à un autre niveau, c'est-à-dire que nous sommes partie à un traité, que nous échangeons avec d'autres pays, que nous avons nos lois en place, tout comme eux. Comment nous concertons-nous pour faire en sorte d'être tenus au courant d'incidents dans l'Antarctique? C'est là probablement le plus grand défi à relever.

La façon dont le régime est établi, le ministre délivre des permis; quand on examine le règlement, on constate que les modalités de délivrance sont extrêmement détaillées. Les exigences relatives à l'évaluation environnementale que l'on trouve dans les annexes du Protocole de Madrid sont très précises: la faune et la flore, la gestion des déchets, les décharges dans l'environnement marin, et ainsi de suite. Tout cela ferait partie du règlement ou des permis qui sont émis. Toute infraction à une de ces conditions du permis, du règlement ou de la loi comme tel fera l'objet de poursuites au Canada.

Nous avons nos propres mesures d'exécution, mais étant donné l'emplacement géographique et le peu de personnes sur place là-bas pour repérer les problèmes, nous devrons nous fier beaucoup à d'autres pays et, peut-être même, à d'autres voyagistes et à des personnes qui ne font pas partie du gouvernement pour nous tenir au courant. La clé de tout cela, c'est que le projet de loi nous donne les outils voulus pour entamer des poursuites contre quiconque enfreint les modalités du permis canadien, lorsque nous en sommes informés.

Le sénateur Cochrane: Ma préoccupation vient d'une expérience concrète, car durant les années 40, les Américains sont venus et ont établi des bases de FAS. Puis ils sont partis, particulièrement dans ma région, en laissant beaucoup de BPC. Ils les ont enfouis dans diverses décharges, entre autres, et voilà qu'on craint maintenant qu'une partie de ces déchets ne se retrouvent dans l'eau. Comme par hasard, il faut que la province fasse des travaux de nettoyage. Il faut faire en sorte que tout soit visé, et je ne m'inquiète pas seulement pour le Canada. Je m'inquiète pour les autres pays également.

J'ai des questions au sujet des permis. Les exigences incluent une évaluation environnementale, mais la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'applique pas. Pouvez-vous me dire pourquoi on procède ainsi?

M. Enei: Aux termes du protocole comme tel, il existe un processus fort détaillé d'évaluation environnementale, parallèle à celui que prévoit la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il était inutile de dédoubler le processus et de faire s'appliquer la LCEE en sus de l'obligation prévue par le protocole comme tel.

Le sénateur Cochrane: Vous avez donc décidé, pour éviter les dédoublements, que l'approche visant l'évaluation environnementale prévue dans le protocole s'appliquerait.

M. Enei: Oui, et elle est compatible avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Les deux sont à pied d'égalité, si vous préférez.

Le sénateur Cochrane: Il n'y a rien d'autre? Tout est couvert?

M. Enei: Oui.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous me donner une idée des activités pour lesquelles on refuserait de délivrer un permis? Je sais que vous avez parlé de la prospection minière. Quels autres genres d'activités seraient interdits?

M. Enei: Si je pense tout haut...

Le sénateur Cochrane: Oui, faites, je vous en prie.

M. Enei: Toute activité qui causerait un tort irréparable à une aire de nidification, qui modifierait en permanence l'environnement, toute activité transitoire qui aurait un impact sur les oiseaux en couvaison à certaines périodes de l'année, les intrusions permanentes qui ne pourraient pas être justifiées, par exemple des travaux scientifiques comprenant des carottages, des choses de cette nature.

Le sénateur Milne: Vous ne pouvez pas aller là-bas pour y construire un centre de ski.

M. Enei: Vous ne pouvez pas; je ne crois pas me tromper en l'affirmant.

Le sénateur Merchant: Côté pratico-pratique, la mise en oeuvre de ces traités coûte toujours quelque chose. En a-t- on établi le coût? Se peut-il qu'à un moment donné, le gouvernement soit incapable de tenir tous les engagements qu'il a pris parce que le coût serait peut-être prohibitif? Existe-t-il des lignes directrices que vous pourriez nous fournir quant aux engagements qui ont été pris sur ce plan?

M. Enei: Je n'ai pas le détail précis des coûts de la mise en oeuvre. Compte tenu du degré d'activités dans l'Antarctique, maintenant et dans un avenir rapproché, nous prévoyons qu'il pourrait y avoir environ 12 demandes de permis par année, ce qui ne constitue pas un fardeau excessif dans notre système actuel.

Le processus d'émission de permis viendra s'ajouter au système déjà en place au Canada. Nous traiterons toute demande comme une demande d'approbation de projet, comme on le ferait en vertu de n'importe quelle loi nationale. Le promoteur devra fournir des renseignements sur les évaluations environnementales, les plans de gestion des déchets et les plans d'urgence. Nous utiliserons des modèles et des mécanismes existants déjà au Canada, soit le renvoi du dossier à l'interne pour que soit effectué un contrôle préalable des renseignements fournis par le promoteur. Ensuite, le ministre devra décider de la marche à suivre en tenant compte de toute restriction, condition ou circonstance atténuante.

Cette démarche enrichira vraiment le régime canadien actuel.

Le sénateur Merchant: Les poursuites en justice sont onéreuses et prennent beaucoup de temps. Je m'inquiète surtout de la façon dont la loi sera appliquée.

M. Enei: En effet, mais une fois de plus, nous utilisons des modèles nationaux préexistants. Nous utilisons les dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement portant sur les sanctions et les infractions. Je le répète, nous prévoyons jusqu'à 12 demandes de permis par année.

N'oublions pas que la communauté scientifique est très unie. Les sociétés d'écotourisme — les deux qui offrent des activités au Canada — se conforment et continuent de se conformer, à notre connaissance, aux principes, à l'esprit et à l'intention du protocole. Nous en avons tenu compte dans la préparation de ce projet de loi.

En même temps, nous avons essayé de prévoir ce qui pourrait arriver dans l'avenir. Le projet de loi est axé sur la réalité actuelle et sur l'avenir.

Le sénateur Merchant: Vous avez dit qu'environ 400 Canadiens participaient à ces écotours? Qu'en est-il dans les autres pays? Nos chiffres sont-ils en hausse?

Je sais qu'il n'y a que deux sociétés titulaires de permis. Sont-elles limitées quant au nombre de voyages qu'elles peuvent offrir chaque année et au nombre de personnes qu'elles peuvent accueillir?

Le nombre de participants pourrait augmenter. Tout dépend du nombre de voyages qui sont organisés. Il n'y a peut- être que deux sociétés, mais le tourisme étant ce qu'il est, de plus en plus de gens se tournent vers ces destinations exotiques.

Il y a quelques années, j'ai fait un voyage aux îles Galapagos. Il y avait beaucoup de touristes. Les bateaux accostaient sur les îles et on voyait des gens partout.

Il n'y a peut-être que deux sociétés qui détiennent des permis, mais elles pourraient emmener plus de 400 personnes. Cette loi ne restreint pas le nombre de voyageurs, mais le nombre de sociétés, n'est-ce pas?

M. Enei: D'un point de vue logistique, le nombre de voyageurs est probablement limité par le nombre de bateaux qui s'y rendent. Il n'est pas facile d'organiser un voyage en Antarctique. Il faut du temps pour s'y rendre en bateau. Sur le plan pratico-pratique, il n'y a pas d'infrastructure en Antarctique pour accueillir beaucoup de gens. Lorsqu'on participe à un voyage de dix jours, on ne passe probablement que quelques heures sur le continent lui-même, parce qu'il faut faire des allers et retours en Zodiacs entre le bateau et le continent. La logistique est un facteur déterminant pour savoir si on pourra intensifier cette activité dans l'avenir.

Nous avons quelques statistiques historiques. Corrigez-moi si je me trompe, mais on note une petite augmentation avec le temps.

Le sénateur Milne: On compte jusqu'à 15 000 visiteurs par année.

M. Enei: Oui.

Le sénateur Merchant: Quelle distance sépare l'Antarctique de l'Amérique du Sud? Je crois qu'il s'agit de la pointe de terre la plus rapprochée.

M. Enei: Le bout de la péninsule se trouve à 1 000 kilomètres de l'extrémité sud de l'Amérique du Sud, si je me rappelle bien.

Le sénateur Merchant: Combien de temps le voyage durerait-il en avion? Je crois qu'il faudrait prévoir neuf heures. Combien de temps dure-t-il en bateau? C'est plus long.

M. Enei: Oui. Il faut également tenir compte des conditions météorologiques extrêmes.

Le sénateur Milne: Monsieur le président, vous parliez du moyen dont on disposerait pour faire appliquer la loi. Ce moyen est décrit à l'article 25 proposé:

Le ministre peut exiger du demandeur de permis qu'il lui fournisse et qu'il maintienne une garantie, pour le montant prévu par les règlements ou déterminé en conformité avec ceux-ci et en la forme prévue par les règlements ou que le ministre juge acceptable.

Autrement dit, le demandeur pourrait devoir effectuer un dépôt préliminaire. Le montant du dépôt pourrait être établi selon une grille prévue dans le règlement. Si le demandeur affichait une carte parfaite, il n'aurait pas besoin d'effectuer de dépôt. S'il contrevenait à la loi, cette somme augmenterait jusqu'à ce qu'il devienne désavantageux pour lui de poursuivre?

M. Enei: Oui.

Le sénateur Milne: Je recommanderais vivement de telles dispositions dans le règlement.

Le président: Merci, sénateur. On devrait toujours lire le projet de loi.

Monsieur Enei, vous avez mentionné qu'en signant ces accords, les États ayant déjà revendiqué la souveraineté sur l'Antarctique — si je me rappelle bien, cela comprend l'Argentine, la Grande-Bretagne et le Chili, entre autres — ont laissé leurs revendications en suspens. Je présume que cela ne signifie pas qu'ils les ont laissé tomber, ai-je tort?

Autrement dit, est-ce que ces traités, conventions et protocoles annulent leurs revendications? Les États signataires ont-ils accepté que leurs revendications de souveraineté sur l'Antarctique soient annulées?

Est-ce vrai que ces accords ne s'appliquent pas seulement à l'Antarctique, mais aussi aux eaux et aux portions de terre situées au sud du 60e parallèle?

Mme Daniel: Vous avez raison en ce qui concerne la première question. Les revendications de souveraineté qu'ont présentées les divers pays sur l'Antarctique demeurent en suspens, mais elles ne sont pas annulées. D'une certaine façon, elles sont seulement gelées. C'est le résultat du Traité sur l'Antarctique. Vous avez raison sur ce point. Elles sont simplement gelées pour l'instant.

Le président: C'est un problème récurrent de tous les dossiers dont nous avons parlé. C'est une épée de Damoclès, en quelque sorte. Les États ne sont pas contraints, autrement que par leur bonne volonté, de retirer leurs revendications de souveraineté?

M. Enei: En effet. Nous fonctionnons selon la bonne volonté depuis quarante ans.

Le président: C'est très bien. Je crois que vous avez déjà répondu à cette question, mais j'aimerais que vous le répétiez pour que même moi, je comprenne bien.

Les Canadiens ont appris à grand coup d'éclat qu'on n'avait pas besoin d'une loi du Parlement pour ratifier le Protocole de Kyoto. Par définition, les gouvernements ont le pouvoir de ratifier des traités. Nous n'avions pas besoin d'une loi pour ratifier ces deux conventions. Pour quelle raison précise nous faudrait-il une loi du Parlement pour ratifier le Protocole de Madrid?

Pour régir les activités à l'étranger des citoyens canadiens, particulièrement les activités dont nous venons de parler dans l'Antarctique, il nous faut un système de permis. Nous avons besoin d'un outil législatif pour réglementer le tout.

Mme Daniel: J'aimerais ajouter quelque chose, d'un point de vue plus général. Dans certains cas, nous avons une loi ou des règlements et dans d'autres non. Certains traités sont axés sur les résultats, comme le Protocole de Kyoto, et il revient à chaque pays qui le ratifie de déterminer comment il atteindra ses objectifs. Le Canada pourrait atteindre ses objectifs de différentes façons, avec l'aide des provinces et de tous les Canadiens. Le traité ne dicte pas les moyens pour arriver à nos fins. Par contre, le Protocole de Madrid établit des moyens clairs et hautement réglementaires d'assurer la conformité. Ainsi, l'une des annexes du traité décrit de façon détaillée le régime d'évaluation environnementale sur lequel vous avez déjà posé une question. Si nous voulons être certains qu'il s'harmonise à la loi canadienne, nous devons adopter une nouvelle loi. Nous avons une loi qui s'applique dans notre pays.

Lorsqu'on ratifie un traité, on y est lié en vertu du droit international. En pratique, on n'a pas besoin d'adopter une loi, mais il faut respecter le traité international. On est tenu de s'y conformer. Dans ce cas-ci, contrairement à celui du Protocole de Kyoto, le protocole prescrit clairement la nécessité d'établir un processus d'émission de permis et un régime de gestion des déchets, entre autres. Pour appliquer ces dispositions au Canada, nous devons promulguer une loi canadienne. Lorsqu'on s'engage à réduire des émissions, on peut y arriver par diverses mesures, dont des règlements volontaires. Il y a plusieurs options lorsqu'on doit faire appliquer une obligation qui correspond simplement au résultat visé.

Le président: Je crois que vous convenez qu'il s'agit d'une situation unique, dans laquelle nous prenons une loi qui va s'appliquer à l'étranger aux Canadiens et à des gens de d'autres nationalités. Par conséquent, un Lituanien souhaitant visiter une station canadienne dans l'Antarctique, dont personne ne revendique la souveraineté, doit obtenir un permis canadien délivré par le ministre en fonction. C'est une observation et non une question. Je présume que rien de tel n'existe dans un autre pays du monde.

Mme Daniel: Je dirais que la communauté internationale est extrêmement prudente quant à l'application de lois nationales à l'étranger. Les pays le font dans certains cas, notamment pour les crimes de guerre, le terrorisme et d'autres circonstances semblables. Il est vrai que les pays sont prudents, parce qu'il y aurait un véritable chaos international si les pays commençaient à appliquer toutes leurs lois partout sur le globe. Vous pouvez facilement imaginer la scène.

Le président: Le Canada s'y oppose lorsque d'autres veulent le faire. Par curiosité, qu'adviendrait-il si le Canada établissait une base en Antarctique et qu'un Lituanien pénétrait sur ce territoire sans avoir obtenu un permis du ministre? Selon ce projet de loi, il n'en aurait pas le droit. Comment peut-on faire appliquer ces dispositions si nous ne sommes pas souverains du territoire en question? Jouissons-nous d'une quelconque forme de souveraineté parce qu'il y a une base canadienne en Antarctique?

M. Enei: D'abord, il n'y a pas de station canadienne en Antarctique. En théorie, s'il y en avait une, les activités de cette base seraient régies par notre système de permis. Les activités et les événements qui y auraient lieu seraient assorties de conditions et de restrictions. Celles-ci devraient toutes respecter les principes du protocole et du traité.

Le président: Qu'adviendrait-il si le Lituanien disait: «Je suis Lituanien et je peux aller où bon me semble.» Que ferions-nous dans un tel cas?

M. Enei: En vertu du traité, le problème est plus large. Il y a des observateurs de la conformité au traité qui documentent les événements et en informent les autres participants au traité, en plus de les aviser de toute activité non conforme au traité menée par une partie non signataire.

Ici, il faudrait faire enquête et en aviser la Lituanie.

Le président: Qui n'est pas signataire du traité.

M. Enei: C'est juste.

Le sénateur Cochrane: Qu'adviendrait-il si elle refusait de se conformer?

M. Enei: En vertu du traité, comme je l'ai dit, des observateurs jouissent de certains pouvoirs, dans certaines circonstances, leur permettant de restreindre des activités si celles-ci comportent un danger immédiat et pressant.

Le sénateur Cochrane: Les inspecteurs ont le pouvoir de faire appliquer une espèce de loi contre un État qui ne respecterait pas le traité. Est-ce exact?

Le président: Par «État», le sénateur Cochrane entend un autre État.

Le sénateur Cochrane: ... la Lituanie, dans cet exemple-ci.

M. Enei: ... un État voyou qui n'a pas signé le traité.

Le président: Nous n'insinuons pas que la Lituanie est un État voyou.

Le sénateur Cochrane: Non, je fais allusion à n'importe lequel des trente États que vous avez mentionnés, qui n'ont pas signé le traité.

M. Enei: Le protocole dicte qu'il faut aviser, disons, la Lituanie. Une fois de plus, les observateurs chargés de faire respecter le traité ont le droit d'agir s'ils perçoivent, voient ou prévoient une menace immédiate. Le traité comprend des dispositions sur ce type d'intervention immédiate.

Le président: Merci, monsieur Enei et madame Daniel. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Enei: Je veux souligner le fait que nous sommes en train de définir, pour le Canada, une position nette sur la façon dont notre pays souhaite articuler sa vision en vertu du protocole, et ce, dans des termes réels et concrets, pour en informer les autres pays et les Canadiens qui voudraient exercer des activités en Antarctique. Nous faisons partie d'une union mondiale qui s'est donnée pour mission de protéger ce qu'on peut considérer, à toutes fins pratiques, comme un territoire bénéficiant de la protection mondiale. Pour ce faire, nous tentons d'utiliser les mécanismes existants et nos lois nationales dans un contexte extraterritorial. C'est une véritable proposition canadienne en vue d'un effort mondial.

Le président: Je crois que nous sommes tous d'accord, mesdames et messieurs les sénateurs, pour dire que le projet de loi C-42 a une intention admirable.

Chers sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous procédions à l'étude article par article du projet de loi C-42, Loi concernant la protection de l'environnement en Antarctique?

Le sénateur Cochrane: Je ne savais pas que nous en ferions l'étude article par article.

Le sénateur Merchant: Je dois participer à une séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Combien de temps l'étude durera-t-elle?

Le président: Voulons-nous procéder à l'étude article par article du projet de loi C-42?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cochrane: Y a-t-il d'autres témoins qui doivent comparaître devant le comité?

Le président: Je crois que nous avons appris tout ce que nous avions à apprendre.

Le sénateur Cochrane: Je m'interroge sur le règlement, sur son application.

Le président: Nous avons demandé à en être avisés dès qu'une ébauche sera prête, avant la promulgation.

Le sénateur Cochrane: J'en sais un peu plus que ce matin. Je suppose que nous allons aller de l'avant.

Le sénateur Milne: Je propose, monsieur le président, que nous ne fassions pas d'étude article par article du projet de loi et que nous l'adoptions sans amendement.

Le président: Il est proposé que nous ne procédions pas à l'étude article par article de ce projet de loi et que nous l'adoptions sans observation ni amendement. Puis-je ajouter à votre motion, sénateur Milne, que nous en fassions rapport au Sénat aujourd'hui?

Le sénateur Milne: Vous pouvez la formuler comme vous le voulez, monsieur le président.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

La séance est levée.


Haut de page