Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 21, Témoignages du 23 octobre 2003
OTTAWA, le jeudi 23 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 06 pour poursuivre l'étude de nouvelles questions concernant son mandat (mise en oeuvre de Kyoto).
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est réuni pour examiner la question des émissions en général et celle de l'application concrète de l'Accord de Kyoto, en particulier au Canada, dans le cadre de travaux préparatoires concernant le rapport que nous avons l'intention de présenter sur ces questions.
Nos invités sont ce matin M. Lionel Kambeitz, président et chef de la direction de HTC Hydrogen Thermochem Corporation, et notre distingué invité, si vous me permettez de parler ainsi, monsieur Kambeitz, qui a longtemps siégé de ce côté-ci de la table puisqu'il a présidé notre comité pendant des années. Nous avons tous de bons souvenirs de cette époque et nous avons beaucoup appris de lui, sur de nombreux points. Nous avons profité de ses connaissances encyclopédiques et nous sommes ravis de souhaiter la bienvenue, dans un rôle différent, à l'honorable Nick Taylor. Je pense que cela mérite quelques applaudissements.
Des voix: Bravo!
Le président: Puisque vous êtes tous les deux ici, nous allons principalement parler ce matin, si j'ai bien compris, de la question de l'économie de l'hydrogène, d'une part, et de la question connexe de la séquestration du dioxyde de carbone de l'autre, qui est directement reliée à l'accord de Kyoto. J'invite donc M. Kambeitz à prendre la parole en premier, si vous le permettez, à moins que vous ayez déjà abordé ce sujet?
L'honorable Nicholas Taylor, ancien sénateur, témoignage à titre personnel: M. Kambeitz accorde la priorité à l'ancienneté. Il dit que c'est à moi de prendre la parole en premier.
Le président: Très bien. Je vous invite donc à commencer.
M. Taylor: J'aurais été très heureux de parler en second, mais les Kambeitz sont de vieux amis de la famille. Vous avez deux gens de l'Ouest ici et vous êtes donc, de notre point de vue, complètement encerclés.
Le président: Dites-nous ce que vous souhaitez nous dire et j'espère que vous accepterez que l'on vous pose des questions.
M. Taylor: Je me suis principalement limité à la question de la séquestration du carbone.
Il n'est pas facile de trouver ces chiffres au Canada mais, d'une façon générale, 15 p. 100 des émissions de CO2 proviennent de secteurs industriels comme les fonderies, la pétrochimie, et le reste, et 33 p. 100 du transport. Il est assez difficile de séquestrer le carbone qui sort des tuyaux d'échappement, de sorte que nous ne pouvons rien faire dans ce domaine. Le chiffre ahurissant que je vais vous citer concerne les États-Unis, mais il n'y a guère de raison de penser qu'il serait très différent au Canada; 42 p. 100 des émissions de dioxyde de carbone sont le fait des centrales électriques. Si l'on considère les sources stationnaires de CO2 qui sont à notre portée, on constate qu'elles représentent près de 58 p. 100, soit un peu plus de la moitié. C'est une quantité importante.
N'oubliez pas que nous devons capter plus de la moitié des émissions de CO2 et l'utiliser d'une autre façon. J'ai recensé sept à huit façons de procéder à cette séquestration.
La première est assez bien connue. Il s'agit de placer le CO2 dans des sites d'enfouissement, comme nous le faisons avec le gaz naturel. Nous construisons ces sites avec l'aide de la nature en introduisant de l'eau dans les réserves de sel. C'est de cette façon que l'on entrepose le gaz naturel à l'heure actuelle.
Les puits de gaz ne sont pas reliés aux maisons et aux générateurs. Ces derniers sont reliés à une conduite de gaz qui transporte le gaz extrait des puits pendant l'été ou les jours où la demande n'est pas très forte et le gaz est introduit dans des sites d'enfouissement. Lorsqu'on a besoin de gaz, plutôt que de construire des pipelines de section plus large, on récupère le gaz stocké dans les sites d'enfouissement, soit pour l'envoyer en Californie pour la climatisation soit pour chauffer l'est de l'Amérique du Nord.
Les réservoirs de stockage sont donc une façon de séquestrer le CO2. Cela coûte évidemment de l'argent de creuser un réservoir.
La deuxième façon de séquestrer le CO2 est de le mélanger avec de l'eau. Si vous avez fait une tache de graisse sur vos vêtements, ou que quelqu'un d'autre l'ait fait, vous savez que le personnel de l'avion vous donne parfois de l'eau gazéifiée pour nettoyer vos vêtements, et l'on fait la même chose pour extraire le pétrole des réservoirs pétrolifères.
Si l'on se contente de pomper le pétrole directement, sans utiliser d'autres méthodes, on arrive à en extraire environ 25 p. 100. L'extraction secondaire s'effectue par injection d'eau salée ou d'une autre substance dans le gisement. Cela permet d'extraire 25 p. 100 de pétrole de plus. En utilisant du CO2, on peut extraire 35 p. 100 de plus. Cela ne revient donc pas vraiment à séquestrer le CO2 mais à l'utiliser pour faire sortir le pétrole.
Cela crée un problème sur le plan fiscal, que je vais vous expliquer plus tard, parce que dans la plupart des pays, il n'y a qu'un seul gouvernement qui contrôle la production de pétrole. Au Canada, cette activité relève des gouvernements fédéral et provinciaux. Je vous parlerai dans un instant de notre régime fiscal.
Une autre façon de se débarrasser du CO2 consiste à l'injecter dans des couches de charbon pour produire du méthane houillé. Le CO2 se combine en fait au charbon et augmente de 10 à 30 p. 100 la quantité que l'on peut extraire d'une couche de charbon.
Vous avez remarqué que les deux dernières façons dont je viens de parler ont pour effet d'augmenter la production. Elles intéressent beaucoup les provinces qui perçoivent la plus grosse partie des redevances provenant du gaz naturel et du pétrole.
Une autre façon de se débarrasser du CO2 est de le pomper dans des couches de charbon profondes qui ne semblent pas se prêter à la production de méthane houillé. Il n'est pas possible d'exploiter ce type de couche de charbon. Scott Reeves a récemment effectué une enquête aux États-Unis, qu'il a publiée au mois de juillet, dans laquelle il parle d'injecter le CO2 dans ces couches de charbon profonde. Je rappelle que le charbon et le CO2 ne se répandent pas seulement dans les failles de la couche, mais se combinent avec le carbone pour séquestrer du dioxyde de carbone supplémentaire. Cette combinaison a pour effet de créer un vide parce qu'il se produit une réaction chimique.
Scott Reeves affirme que les niveaux actuels d'émissions nous permettraient de stocker dans les couches de charbon profondes une quantité de CO2 qui représente 40 ans de consommation. Il existe de nombreuses couches de charbon dans l'ouest du Canada, à l'ouest de Winnipeg et à l'est de Montréal. Il est possible que les gens qui vivent entre Montréal et Winnipeg pensent qu'ils contrôlent les votes, mais le charbon est contrôlé à l'extérieur de ce secteur.
Il serait donc possible d'entreposer ainsi des quantités considérables, mais il y a évidemment l'aspect économique.
Il y a une autre façon de séquestrer le CO2 qui est ancienne. Vous vous souvenez que l'on avait l'habitude d'amener des pots de géraniums dans les chambres d'hôpital pendant la journée et de les retirer pour la nuit. Pendant la journée, les champs et les forêts séquestrent du CO2.
Nous savons qu'il est possible de séquestrer de grandes quantités de CO2 dans divers types d'exploitations agricoles, mais il serait très compliqué de créer un régime comportant des incitatifs fiscaux et autres pour la séquestration du CO2. Nous pourrions chercher avec les agriculteurs et les propriétaires de droits de coupe les façons d'en utiliser une partie.
S'il y avait une conduite de CO2 qui passait à côté de chez vous et qui le transportait vers un gisement de pétrole ou un site de stockage, il serait possible d'en utiliser dans les serres. Ce gaz accélère la croissance des plantes.
Une des dernières façons de séquestrer le CO2 est celle qu'utilise la Norvège, c'est-à-dire sous la mer. Il est possible d'injecter ce gaz dans des aquifères contenant de l'eau non potable. Les aquifères se trouvent entre 5 000 et 25 000 pieds de profondeur et contiennent toujours beaucoup d'eau salée ou soufrée. Dans le secteur du pétrole, nous en découvrons beaucoup plus que ce dont nous avons besoin, et ce serait par conséquent une façon de les utiliser.
Je vous demande de m'excuser. Mon imprimante est en panne. Habituellement, j'imprime mes commentaires pour que vous puissiez ensuite poser des questions, mais vous aurez de toute façon le compte rendu. Votre assistant redoutable, qui m'a aidé pendant des années, ne manque rien.
Comment payer pour cette opération? Une méthode consisterait à vendre des droits d'émissions de carbone. Avec un tel système, une société pourrait obtenir des avantages fiscaux et du capital pour construire une usine, qu'il s'agisse d'une nouvelle raffinerie de nickel à Terre-Neuve ou d'une centrale électrique en Alberta. Il faudrait que cette usine soit aussi efficace que possible sur le plan de l'émission de CO2 de façon à obtenir des crédits d'émissions de carbone qui pourraient être ensuite vendus. Ce serait une des façons de financer cette construction.
L'autre façon serait d'étudier le régime fiscal des États-Unis. Je ne le connais pas parfaitement, mais je constate qu'ils réussissent très bien à recueillir le CO2 dans l'Ouest. Ils y réussissent tellement bien qu'ils exportent leur CO2 au Canada.
Il est arrivé un incident très drôle à Kyoto quand le dirigeant d'une des sociétés albertaines s'est plaint à voix haute des problèmes que posait le CO2 et des problèmes que posait le Protocole de Kyoto. Quelqu'un lui a chuchoté à l'oreille qu'il achetait du CO2 aux États-Unis et son bout de table a été très calme pendant un moment.
Les entreprises américaines exportent du CO2 parce que cela est avantageux pour elles fiscalement. Quarante champs de pétrole de l'ouest du Texas ont été remplis avec du CO2 ces deux dernières années. Il existe un avantage fiscal qui incite les entreprises qui créent du CO2 à l'expédier.
Le CO2 a pour effet d'augmenter de 30 p. 100 l'extraction primaire du pétrole dans certains gisements anciens. Il n'est peut-être pas nécessaire que le gouvernement fédéral accorde des incitations fiscales. Si j'étais le gouvernement fédéral, je serais très prudent parce que ce sont les provinces qui vont voir leurs recettes augmenter si la production de pétrole augmente. Les provinces pourraient conserver une bonne partie des recettes supplémentaires. Ce sont elles qui, probablement, accorderaient des stimulants fiscaux.
Aux États-Unis, en Norvège et au Proche-Orient, il n'y a qu'un seul gouvernement qui réglemente la production de pétrole et il est donc possible de parler d'incitations fiscales mais au Canada, nous avons le problème supplémentaire d'avoir deux propriétaires pour le pétrole et le gaz. Il faut que les provinces participent étroitement au choix des méthodes utilisées pour injecter le CO2 dans les champs de pétrole.
Vous vous souvenez que j'ai dit que près de 43 p. 100 des émissions provenaient de la production d'électricité. Il me semble que le gouvernement fédéral pourrait prendre certaines mesures pour rationaliser ses lois fiscales de façon à favoriser l'énergie solaire, l'énergie éolienne et même l'eau. Je ne parle pas de l'hydroélectricité et des barrages, mais de l'eau que l'on utilise pour l'irrigation ou de l'eau naturelle. Il y a un mot, dont je ne me souviens plus, pour décrire l'eau qui ne se trouve pas dans un réservoir. On pourrait augmenter toutes ces sources d'énergie, ce qui ne séquestrerait pas davantage de CO2 mais qui éviterait d'avoir à produire de l'électricité, ce qui se fait de nos jours principalement au moyen du charbon et du gaz naturel.
J'irai encore plus loin et je vous parlerai d'une autre façon de réduire le CO2, qui ne consiste pas exactement à le séquestrer, mais qui s'en rapproche. Notre comité a examiné la question de la sécurité de l'énergie nucléaire. Nous devrions commencer à examiner de plus près que nous ne l'avons fait la question du nucléaire. On pourrait, par exemple, utiliser cette source d'énergie pour alimenter les usines d'extraction du pétrole des sables bitumineux dans différentes régions du Canada. Nous nous dirigeons très lentement vers le nucléaire. Si vous veniez de la planète Mars, vous vous demanderiez pourquoi un pays aussi connu pour la vente de ses centrales nucléaires est celui où il est le plus difficile d'utiliser l'énergie nucléaire. Je crois que c'est surtout une réaction primaire à une technologie qui remonte à 25 ou 50 ans. Ce n'est pas tout à fait la même chose que les gens qui ont essayé d'interdire les voitures à Chicago parce qu'elles faisaient peur aux chevaux, mais cela s'en rapproche dangereusement lorsqu'on dit que l'énergie nucléaire est dangereuse. Il est évident que le Canada pourrait utiliser l'énergie nucléaire pour satisfaire à une bonne partie de ses besoins en électricité.
Je vais vous faire une autre suggestion qui va peut-être vous placer dans une position délicate. Nous sommes tout proche des États-Unis. Pendant près de 30 ans, les droits de douane protégeaient l'industrie pétrolière de l'Amérique du Nord de la concurrence que lui faisait le pétrole brut du Moyen-Orient. Lorsque j'ai quitté l'université, et je n'aime pas beaucoup dire à quand cela remonte, mais c'était après la dernière guerre, le brut du Moyen-Orient valait 1,20 $. Nous pensions que tout le monde allait faire faillite alors nous avons imposé un droit de douane de 80c. le baril sur le pétrole étranger de façon à pouvoir développer un secteur pétrolier local. Autrement dit, il y avait en Amérique du Nord une politique en matière de pétrole parce que nous avons compris bien avant l'embargo sur le pétrole qu'il était assez stupide de s'en remettre à des bateaux-citernes pour combler nos besoins parce que ces bateaux risquaient d'être coulés par des sous-marins. Par la suite, l'embargo décrété par les Arabes a clairement montré qu'il n'était pas sage pour l'Amérique du Nord de s'en remettre à des sources d'approvisionnement étrangères.
Il faut maintenant revenir au futur et examiner ce que j'aimerais appeler un supplément pour la sécurité énergétique. Le gouvernement canadien et les provinces ont été tellement heureux de voir que les Américains achetaient notre charbon et notre pétrole qu'ils n'ont jamais envisagé de leur demander un supplément parce que nous étions des fournisseurs très proches. Le pétrole canadien leur évite de se rendre au Moyen-Orient et de dépenser non seulement des milliards de dollars mais de perdre des vies pour avoir du pétrole. Je crois que nous avons aujourd'hui un excellent argument, qui n'est pas un argument de droite ou de gauche, qui nous permet de dire aux Américains: «Si vous voulez notre pétrole et notre gaz et continuer à en acheter, vous allez devoir payer un supplément de 5 à 10 p. 100 à titre de supplément pour la sécurité énergétique». Ces sommes pourraient aller dans un fonds destiné à financer l'équipement de contrôle des émissions de dioxyde de carbone dont nous avons besoin pour nos usines de traitement de la houille, nos centrales électriques et nos fonderies. Autrement dit, il n'y a pas de raison de vendre notre pétrole à nos principaux clients américains au même prix que celui qu'ils paient pour l'obtenir à l'étranger. Cela ne fait que 15 ou 20 ans que nous faisons cela. Auparavant, nous avions un système de double prix. À cause de l'ALENA, il est interdit de faire varier les prix en fonction de l'acheteur, mais je pense que l'on pourrait demander un supplément pour la sécurité énergétique. Cela leur reviendrait beaucoup moins cher que d'envoyer leurs soldats se faire massacrer au Moyen-Orient ou d'envahir l'Afghanistan et l'Iraq et le reste. Ce supplément pour la sécurité énergétique pourrait être utilisé pour financer la séquestration du CO2 et équiper l'industrie, l'industrie stationnaire, pour qu'elle puisse capter ce gaz.
Je vous propose trois solutions auxquelles vous pourrez réfléchir, notamment sur leurs aspects fiscaux, pour l'utilisation du dioxyde de carbone, même si je pense qu'il serait économiquement rentable que les provinces utilisent des centrales nucléaires pour produire une partie, voire toute, l'électricité dont elles ont besoin. En France, 85 p. 100 de l'électricité provient du nucléaire. La dernière solution consiste à demander un supplément pour l'exportation ou pour la sécurité aux gens à qui nous vendons notre pétrole et notre gaz.
Le président: Je crois qu'il serait bon d'entendre M. Kambeitz avant de passer aux questions. Les membres du comité sont-ils d'accord?
Des voix: D'accord.
M. Lionel Kambeitz, président et chef de la direction, HTC Hydrogen Thermochem Corporation: Je vous remercie de me donner la possibilité de vous présenter notre vision de l'économie de l'hydrogène et les rapports qu'elle entretient avec des questions environnementales qui touchent de très près les Canadiens.
Je suis un créateur d'entreprises de Regina, en Saskatchewan. Depuis 15 ans, j'ai eu la chance de m'occuper d'entreprises qui touchaient directement ou indirectement le mouvement environnemental. Je pense que c'est un peu par hasard que je suis devenu un homme d'affaires dans le secteur de l'environnement. Nous avons lancé deux entreprises qui ont été des succès et nous avons décidé de continuer dans la même veine pour la plupart de nos activités en matière de création d'entreprises, ce qui nous a amenés à nous intéresser à l'économie de l'hydrogène il y a près de 36 mois.
En tant qu'entrepreneurs qui veulent voir démarrer l'économie de l'hydrogène, du point de vue de l'environnement, la principale raison nous semble être devant nous: la qualité de l'air dans les centres-villes, les problèmes de santé que pose la qualité de cet air et, bien sûr, dans de nombreux cas, les problèmes socio-économiques qui découlent du fait que l'air des grandes villes est pollué, tout cela à cause des voitures. Il y a bien sûr une préoccupation plus large qui est celle des gaz à effet de serre, et qui est, bien sûr, reliée à l'Accord de Kyoto. Jusqu'à un certain point, nous pensons que, si nous réussissons à régler les problèmes des grandes villes grâce au démarrage de l'économie de l'hydrogène et à la réduction des émissions de gaz d'échappement, nous ne résoudrons peut-être pas le problème des gaz à effet de serre parce que nous risquons finalement de produire de l'hydrogène avec la technologie actuelle: produire le CO2 à l'extérieur des grandes villes, transporter le gaz vers les centres-villes et améliorer ainsi la qualité de l'air.
Je pense toutefois que l'économie de l'hydrogène existe déjà. Nous pensons que l'économie de l'hydrogène va démarrer. Nous ne sommes pas des illuminés. Nous sommes en communication étroite avec les deux secteurs industriels qui travaillent à la mise en place de l'économie de l'hydrogène: l'industrie automobile et les grandes sociétés pétrolières. Lorsqu'on connaît les projets et les besoins de ces deux secteurs, ou plutôt leurs réflexions et leurs stratégies, on comprend que l'économie de l'hydrogène va démarrer très rapidement.
Sans parler de façon trop générale ou trop précise, on peut dire aujourd'hui que les piles à combustible ont une efficacité réelle de 40 à 45 p. 100. Tous les mois, tous les trimestres, on produit des piles à combustible de plus en plus efficaces, alors que le moteur à combustion atteint déjà un taux d'efficacité de 90 à 95 p. 100. Il semble difficile d'améliorer l'efficacité du moteur à combustion. Aujourd'hui, les piles à combustible ont une efficacité de 40 à 45 p. 100, et cette efficacité s'améliore rapidement.
L'autre aspect positif de l'économie de l'hydrogène, et c'est là que nous intervenons, est que les technologies qui vont utiliser l'hydrogène, que ce soit grâce au reformage du gaz naturel ou à l'électrolyse ou encore à d'autres technologies, sont en train d'améliorer leur efficacité de façon pratiquement exponentielle. On peut affirmer que ces technologies s'améliorent de façon considérable pour ce qui est de l'efficacité de la transformation, tant sur le plan de la rentabilité du produit final, à savoir l'hydrogène, que sur celui de l'efficacité du point de vue de l'écologie.
Sur ce point, il faut savoir ce que nous disent vraiment les constructeurs automobiles. Nous nous sommes efforcés de rester en contact avec les personnes qui élaborent les stratégies des cinq ou six principaux fabricants d'automobiles. Voici quelles sont nos conclusions: dans six ans, General Motors mettra sur les routes un million de voitures à hydrogène. Ce fabricant s'est engagé à le faire d'ici 2010. Honda fait de la publicité pour des véhicules à piles à combustible dans de nombreuses revues professionnelles. Bien sûr, vous ne pouvez pas aller en acheter une chez un concessionnaire Honda, ce constructeur ne saurait pas à quel prix vous la vendre, mais il fait néanmoins de la publicité à leur sujet. Il est possible de voir les véhicules à hydrogène, et l'on peut en conclure que Honda estime que le véhicule à hydrogène est bien une réalité.
Toyota fait également de la publicité au sujet des véhicules à hydrogène. Ils ont fourni des véhicules de ce type à plusieurs universités et comtés de la Californie pour faire connaître cette nouvelle technique et montrer qu'un parc de voitures à hydrogène est un choix viable. BMW est le constructeur qui est le plus engagé dans cette direction, même si nous ne sommes pas très heureux des choix qu'il a faits. Il a choisi un moteur à combustion interne qui utilise l'hydrogène, une solution inhabituelle. Tous les autres fabricants semblent avoir choisi la technologie de la pile à combustible; BMW s'est vraiment engagé à utiliser l'hydrogène, mais dans un moteur à combustion interne. Ford s'occupe également de cette question, mais cette société ne s'est pas engagée définitivement dans cette direction; nous avons donc constaté que les constructeurs automobiles ont choisi cette direction.
Nous avons également eu des entretiens avec des représentants des quatre grandes pétrolières, Shell, BP, Mobile Exxon et Chevron Texaco. Nous avons constaté que ces sociétés estimaient avoir pris un peu de retard dans leur stratégie de mise en place d'un système de distribution dans les stations-service. Le gouverneur Schwarzenegger, le nouveau gouverneur de la Californie, a promis qu'il y aurait une station-service vendant de l'hydrogène tous les 20 milles sur l'autoroute qui traverse la Californie. Je ne sais pas s'il s'agit là d'une promesse à la californienne ou d'une réalité. Il demeure que cette question fait les nouvelles depuis une semaine.
Les pétrolières, en fait, deux en particulier, nous ont déclaré qu'il était urgent d'agir. La société Chevron Texaco nous a montré qu'elle voulait mettre en place rapidement une stratégie consistant à avoir des stations-service qui distribuent de l'hydrogène en Amérique du Nord et dans certaines parties de l'Europe du Nord. Nous avons également constaté que British Petroleum estimait devoir rapidement adopter une stratégie de déploiement de façon à pouvoir assurer l'approvisionnement en hydrogène de la nouvelle économie de l'hydrogène, dans certains secteurs géographiques stratégiques.
La Royal Dutch Shell a une vision plus globale; elle a une perspective européenne qui est légèrement différente de celle des autres sociétés. Elle ne semble pas aussi intéressée que les autres à déployer une stratégie de distribution de l'hydrogène dans son réseau de stations-service.
Nous pensons que les fabricants automobiles et les sociétés pétrolières avancent au même rythme et se surveillent pour être sûrs de ne pas se laisser dépasser par les autres. Cela nous rappelle une époque que nous avons déjà connue, en 1915, au cours de laquelle le pétrole valait 80c. le baril en Pennsylvanie alors que celui de l'essence était de 1 $ le gallon à Paris. Quelqu'un à Detroit, qui s'appelait M. Ford, s'est tout à coup mis à produire davantage de véhicules qui avaient besoin d'essence alors que nous ne savions pas comment l'obtenir. Ce déséquilibre a été résolu par la technologie — le craquage thermochimique. Cette technologie a résolu le problème et l'essence est retombée à 8c. le gallon, l'automobile est née et la vie a continué. Les sociétés pétrolières et les fabricants d'automobiles ne veulent pas se laisser distancer par un autre groupe.
Nous pensons que le Canada devrait adopter une stratégie à trois volets, tout comme d'ailleurs les États-Unis, pour mettre en place ce que je considère comme une économie viable de l'hydrogène et une stratégie environnementale viable qui pourrait se combiner à la première. En premier lieu et principalement, nous pensons que l'hydrogène ne fait pas concurrence aux hydrocarbures. En fait, si l'on pense à la sécurité de l'approvisionnement énergétique, dont M. Taylor a parlé, l'hydrogène vient compléter les autres sources d'énergie. Nous pensons que nous aurons besoin de tout le gaz que nous pourrons découvrir, ainsi que des nouvelles technologies axées sur l'hydrogène, pour compléter ce que nous avons. Nous estimons qu'il s'agit là d'une question de sécurité.
Cela dit, la stratégie à trois volets que nous proposons doit être davantage axée sur la conservation obligatoire des ressources. Nous devons choisir la conservation obligatoire des ressources et, si je peux m'exprimer ainsi, faire davantage en matière d'éducation et de bénévolat pour compléter cette stratégie. Nous avons arrêté de faire certains efforts et nous en sommes revenus à consommer de façon alarmante les carburants fossiles.
Deuxièmement, et c'est là où intervient Hydrogen Thermochem Corporation, il faut élaborer une stratégie de transition, pour une période de 15 à 20 ans, en attendant l'arrivée de la nouvelle économie de l'hydrogène. Cette stratégie de transition consisterait à produire de l'hydrogène à l'extrémité du réseau de distribution de l'énergie, c'est-à- dire près des consommateurs. C'est la seule façon pratique de livrer l'hydrogène d'ici cinq, sept ou dix ans, aux consommateurs; il faut le faire dans les stations-service, dans les garages des résidences ou pour les parcs automobiles. La stratégie consiste à produire l'hydrogène à l'extrémité du réseau de distribution de l'énergie en utilisant le réseau de distribution du gaz naturel, et bien sûr, le réseau électrique. Nous avons choisi le réseau de distribution du gaz naturel parce que c'est le plus rentable, c'est la première raison. Notre intention est de mettre au point des technologies de reformage qui assurent le captage et l'utilisation du CO2. Nous pensons que c'est la stratégie qui va guider notre société.
C'est ce que nous faisons avec l'Université de Regina. Notre brochure contient toutes sortes d'informations sur notre société. Une grande partie de la brochure est consacrée à faire la promotion de notre entreprise. J'ai néanmoins inclus de l'information sur le nouveau centre sur les gaz à effet de serre, sur le centre international de test pour les gaz à effet de serre de l'Université de Regina. Nos laboratoires sont situés dans cet établissement.
Nous l'avons choisi à cause du capital intellectuel que possède l'Université de Regina dans le domaine de la conversion de l'énergie et de la transformation du gaz naturel. Notre mandat secondaire en matière de reformage du gaz naturel en hydrogène consistait à développer une technologie qui permette de capter le CO2. Notre mandat envers l'Université de Regina, et envers les cinq docteurs qui font bouillir les béchers, comme nous disons, dans les laboratoires de Regina, est de mettre au point une technologie de reformage à sec qui pourrait être utilisée dans des petits appareils installés dans les stations-service ou chez les consommateurs. Il faudrait que cette technologie du reformage soit plus efficace que celle du vaporeformage que l'on utilise actuellement pour produire de l'hydrogène.
Deuxièmement, nous voulions être en mesure de capter le CO2 dans un des deux domaines suivants. La première technologie de captage permet la production d'un CO2 pur, de qualité alimentaire. Dans les projets destinés aux grands parcs automobiles et aux grosses stations-service, il serait effectivement possible de récupérer et de réutiliser un CO2 de qualité suffisante pour être employé par l'industrie alimentaire. L'autre technologie de captage est une technologie de minéralisation pour laquelle nous avons demandé à l'Université de Regina de faire de la recherche pour nous. Il s'agit de minéraliser une certaine partie du CO2 qui est normalement libérée dans l'atmosphère au cours de l'opération de reformage du gaz naturel en hydrogène.
C'est le mandat que nous avons confié à l'Université de Regina dans le cadre de notre entente de recherche collaborative de trois ans que nous finançons. Nous avons recherché dans tous les pays le capital intellectuel dont nous avons besoin pour mettre en oeuvre cette stratégie.
Le troisième volet de cette stratégie, et le plus important, le premier étant la conservation et le deuxième l'élaboration d'une solution de transition, exige l'intervention du gouvernement, des universitaires et du secteur commercial. Il faut accorder un soutien financier approprié aux sources d'énergie renouvelables et à la R et D dans ce domaine pour que nous puissions produire finalement, dans 15 à 20 ans, de l'hydrogène et disposer ainsi d'énergie renouvelable. Les Américains sont déjà engagés dans la voie de l'hydrogène. M. Bush a déclaré que l'enfant qui naît aujourd'hui conduira un véhicule à hydrogène plus tard. L'administration de M. Bush a affecté plusieurs milliards de dollars à cet effort. Je pense qu'en commençant aujourd'hui, avec la participation du gouvernement, des universités et des entreprises, nous pourrons avoir des sources d'énergie renouvelables, rentables et évolutives d'ici 12 à 15 ans.
Nous préconisons donc d'élaborer une stratégie à trois volets. Nous avons besoin de l'aide du gouvernement du Canada pour la conservation. Il faut renouveler la formation en matière de conservation et la rendre obligatoire. Nous avons tout ce qu'il nous faut, pensons-nous, pour élaborer une stratégie de transition. Le financement accordé aux universités et à leurs installations nous ont incités à abandonner un laboratoire privé pour nous installer dans un laboratoire universitaire parce que nous pensions pouvoir ainsi atteindre notre objectif beaucoup plus rapidement. Nous sommes très satisfaits de la façon dont les choses évoluent. Je pense que la participation du gouvernement devrait porter sur la mise en oeuvre des technologies de pointe en matière d'énergie renouvelable.
La dernière raison pour laquelle HTC a choisi le réseau de distribution de l'énergie est une raison pratique. Chevron- Texaco l'a adopté pour développer ses stations-service en Amérique du Nord. Cette société ne sait pas très bien ce qu'elle fera dans 15 ans, mais elle semble sûre d'avoir adopté la bonne stratégie de transition et d'avoir choisi le gaz naturel. Elle s'intéresse à des entreprises comme la nôtre parce que nous essayons de faire tout cela, sans nuire à l'environnement et en réduisant ou en supprimant les émissions de CO2 dans ce procédé.
C'est un plaisir pour moi d'être assis au côté de M. Taylor. On parle beaucoup de la tragédie que représente l'utilisation que l'on fait du gaz naturel, la possibilité de transformer l'or écologique, à savoir le gaz naturel, en plomb, qui semble être le pétrole lourd. Je ne sais pas comment empêcher cette transformation. Les forces du marché poussent à la transformation du gaz naturel, que je qualifierais d'or écologique du point de vue de l'énergie, pour en faire le pétrole le plus lourd et le plus visqueux que l'on puisse imaginer. Il faut tellement le raffiner pour pouvoir l'utiliser que je crains que cela ait un effet très préjudiciable sur l'environnement. Je suis certain que M. Taylor a plus d'idées que moi sur ce sujet, mais cela fait déjà quelque temps que je réfléchis à cet aspect. Il faudra certainement trouver une solution à ce problème.
Je serais heureux de répondre aux questions, monsieur le président.
Le président: J'ai compris, lorsque vous avez parlé de l'extrémité du pipeline, que vous parliez en fait de produire l'hydrogène à l'endroit où il sera distribué au détail, est-ce bien cela?
M. Kambeitz: C'est exact.
Le sénateur Spivak: Monsieur Taylor, je suis heureuse de vous voir en pleine forme, comme toujours. Je n'ai qu'une seule question même si vous nous avez donné beaucoup de bonnes idées. Les lois actuelles ne sont pas mauvaises, mais il y a un écart très net entre nos idées et les dispositions adoptées et leur mise en oeuvre. Par exemple, nous avons parlé hier soir de la question des substances toxiques, qui est un sujet grave. En dix ans, nous n'avons étudié qu'un seul produit chimique toxique. Sur 23 000, nous en avons étudié dix. Cela n'est pas très rapide.
Pensez-vous, en tant que personne qui observe la politique avec du recul, que le gouvernement est capable de réagir rapidement? Nous ne disposons pas de beaucoup de temps, en particulier si l'on pense au temps qu'il faut pour arriver à produire ce genre de chose. Que pensez-vous de la capacité du gouvernement de s'approprier ces idées brillantes et d'accorder des fonds en priorité pour, par exemple, subventionner l'exploration du pétrole et du gaz? Qu'en pensez- vous?
M. Taylor: C'est une question difficile. Premièrement, il faut s'en remettre au marché. Je ne pense pas que les subventions gouvernementales aient jamais donné de bons résultats. À l'heure actuelle au Canada, les gouvernements provinciaux interviennent beaucoup dans le domaine de l'énergie, parce qu'ils sont propriétaires du charbon et du pétrole. Ils ne voudraient pas que le prix de vente de leurs ressources ne soit pas aussi élevé qu'il devrait l'être à l'avenir. Sur le plan national, le ministère des Ressources naturelles est fermement attaché au passé, il est peut-être deux générations en retard pour ce qui est de sa façon de voir les choses. Le ministère de l'Environnement est plus dynamique et veut faire des choses. Le ministère des Ressources du Nord, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, s'occupe de choses qui ont une grande importance pour notre avenir, non seulement les diamants mais aussi de l'énergie. Ces trois ministères se font concurrence et leurs efforts ne sont aucunement coordonnés, du moins c'est ce que je vois. Ils s'adressent tous les trois à un cabinet qui est au pouvoir depuis tellement longtemps qu'il serait peut-être bon qu'il y ait un changement de parti politique. Mais nos sociétés pétrolières, qui sont le plus souvent les premières au monde, possèdent un pouvoir considérable, et c'est là un grave problème. Elles ont un pouvoir politique considérable qui les pousse à privilégier le statu quo. La société Petro-Canada serait très heureuse de produire jusqu'à la fin des temps de l'essence avec des raffineries vieilles de 50 ou 100 ans. Naturellement, les autres sociétés pétrolières voudraient le faire aussi. Il y a des sociétés plus récentes, comme Shell Energy, qui construisent en ce moment des raffineries. Les grandes pétrolières n'ont pas toutes le même point de vue, parce qu'elles se font concurrence. Comme l'a mentionné M. Kambeitz, cela se reflète également dans le domaine de l'hydrogène.
Nous devons trouver le courage de fixer des plafonds pour les émissions de CO2. Nous allons devoir nous décider à réduire ces émissions de tant de tonnes de gaz. L'industrie trouvera bien le moyen de le faire. Si nous disons à l'industrie que le gouvernement va subventionner ce changement en partie, cela ne donnera aucun résultat. C'est aux personnes qui exploitent les ressources d'introduire ces changements. M. Kambeitz a tout à fait raison lorsqu'il fait une comparaison avec la transformation de l'or en plomb. On utilise près de 40 p. 100 du gaz naturel pour produire de l'hydrogène et répondre à nos besoins mais il faudra apprendre à nous en passer. Il est évident qu'on peut utiliser l'énergie nucléaire ou les centrales au charbon pour le chauffage. Il faut du gaz naturel pour chauffer l'eau, ce qui revient à peu près à brûler de l'acajou dans un foyer; cela est stupide.
Il suffit que les gouvernements adoptent des règles limitant les émissions de CO2 des centrales à charbon et des usines qui produisent la vapeur d'eau dont on a besoin pour exploiter les sables bitumineux. Des gens comme M. Kambeitz et d'autres possèdent la technologie qui permet d'atteindre cet objectif. Tant que les grandes sociétés pourront faire du lobbying et faire peur aux pauvres députés en leur disant que cela entraînera la perte de nombreux emplois d'ici les prochaines élections, l'industrie n'innovera pas. Cependant, si le gouvernement impose des règles, ces sociétés vont innover parce que la technologie nécessaire existe. Le gouvernement ne leur demanderait rien d'impossible.
Le sénateur Buchanan: Comme mon excellent ami le sait, je suis une personne assez dangereuse, parce que j'ai une formation en science, en génie, en droit et en politique. Certains disent que ce genre de mélange est une invitation au désastre.
M. Taylor: Je pense encore que c'est comme chanteur que vous êtes le meilleur.
Le sénateur Buchanan: Le sujet dont nous parlons aujourd'hui me fascine — la transformation du gaz naturel en hydrogène. Je vais me féliciter parce que j'ai participé activement à la négociation des premières ententes fédérales- provinciales sur le pétrole et le gaz naturel offshore que nous avons signées dans les années 80. C'est grâce à elles que le gaz naturel est exploité en Nouvelle-Écosse et le pétrole à Terre-Neuve. Je pense également que j'ai contribué à ce développement à Terre-Neuve, et je m'en félicite.
M. Taylor: Est-ce qu'il n'y a pas eu un changement de gouvernement dans cette province?
Le sénateur Buchanan: C'est vrai, et c'est une bonne chose.
Ce qui m'intéresse, ce n'est pas un sujet nouveau pour le comité, c'est la transformation du gaz naturel en hydrogène. Comme vous le savez peut-être, et M. Taylor le sait, nous expédions entre 500 et 600 millions de pieds cubes de gaz naturel par jour dans les États du Nord-Est, et cette quantité va passer à près d'un milliard de pieds cubes d'ici deux à trois ans. Nos usines à gaz sont situées dans la région de Guysborough. Nos raffineries sont du côté du Cap- Breton. Ils sont extrêmement intéressés par la production d'hydrogène, cela est certain, même s'ils n'ont pas fait grand- chose jusqu'ici. Vos observations sur l'Université de Regina et la recherche qui s'y fait sur la production d'hydrogène à partir du gaz naturel m'intéressent. Nous avons également, comme vous le savez peut-être, beaucoup de charbon en Nouvelle-Écosse. Est-il possible de produire de l'hydrogène à partir du charbon? J'ai trouvé fascinant que vous nous disiez que d'ici cinq ou six ans, on pourrait produire de l'hydrogène en quantité suffisante pour que GM fabrique une série de voitures à hydrogène. Est-ce que ce sont les fameuses voitures Hy-wire?
M. Kambeitz: C'est exact.
Le sénateur Buchanan: Il y a deux semaines, nous étions aux États-Unis, et nous n'avons pas eu l'impression, d'après ce que nous ont dit les personnes à qui nous avons parlé, que l'on arriverait aussi rapidement à produire de l'hydrogène. Certains le pensaient, mais je crois que la plupart de ces personnes disaient que ce ne serait pas le cas. Elles affirmaient que cela pourrait se faire à long terme. Lorsque je leur ai demandé si nous y parviendrions d'ici quatre à six ans, je crois que la plupart ont répondu que non. Je me réjouis beaucoup de vous entendre dire que cela est faisable. Vous n'êtes pas le seul à le dire, je le signale. Les gens de General Motors ont déclaré à des membres du comité qu'ils pensaient vraiment que cela se produirait plus rapidement que le pensent d'autres personnes. Nous avons tous conduit un véhicule à hydrogène. C'est un véhicule incroyable. Je leur ai parlé de ce sujet lorsque je me trouvais à l'usine de Point Tupper, et bien sûr, ils étaient tous au courant. Ils sont très intéressés à participer à des projets de recherche sur la production de gaz naturel en Nouvelle-Écosse.
Vous dites que vous examiniez la rentabilité de la production d'hydrogène à partir du gaz naturel, et il semble que cela sera très rentable. Pourriez-vous nous en reparler?
M. Kambeitz: Pour ce qui est de la première question qui touche la production d'hydrogène à partir de charbon, nous pensons que l'hydrogène sera produit pour les consommateurs qui se trouvent à la fin du réseau de distribution d'énergie existant. La mise en place d'une infrastructure pour l'hydrogène coûte de 35 à 40 p. 100 plus cher que l'infrastructure du gaz naturel. Bien sûr, il n'existe pas encore d'infrastructure pour l'hydrogène et nous venons tout juste d'achever l'infrastructure du gaz naturel dans l'ensemble du Canada, c'est un réseau sophistiqué et tout neuf.
L'industrie de l'hydrogène pense utiliser les nouvelles technologies près des grandes mines de charbon où elle pourrait installer des usines géantes et construire ensuite une infrastructure spéciale pour transporter vers les marchés l'hydrogène produit dans ces installations. C'est pourquoi nous pensons que cela fait partie de la solution de transition, pour une période de 15 ans, au cours de laquelle les technologies des énergies renouvelables ou à haut rendement seraient appliquées dans ce genre de site où l'on construira de grosses usines d'hydrogène. C'est ce qui permettra à l'économie de l'hydrogène et à l'infrastructure de l'hydrogène de démarrer et d'approvisionner les secteurs où seront utilisées les piles à combustible portables ou stationnaires.
Pour ce qui est de la rentabilité de ces technologies, notre objectif est de construire un petit appareil de reformage, qu'une station-service pourra utiliser pour transformer en hydrogène le gaz naturel qu'elle possède déjà. Cela ressemblerait aux réservoirs de propane que l'on voit dans les stations-service, mais ils contiendraient de l'hydrogène. Avec un petit appareil...
Le sénateur Buchanan: Puis-je vous arrêter un moment? Vous dites que l'on pourrait produire de l'hydrogène à partir du gaz naturel dans les stations-service?
M. Kambeitz: C'est exact. Cela se ferait dans les stations-service.
M. Taylor: Je pourrais peut-être être utile sur ce point. Il est possible de produire du méthane à partir du charbon, et c'est ce qu'on appelle du gaz naturel. C'est le gaz à partir duquel on peut fabriquer de l'hydrogène. On peut augmenter la production de méthane en injectant du CO2 dans la même couche de charbon. Ce gaz se combine au charbon, crée davantage de méthane, et cela démarre donc un cycle. Il faut prendre du CO2, le combiner avec le charbon, le charbon donne du gaz naturel et le gaz naturel donne de l'hydrogène.
Le sénateur Buchanan: Il s'est fait beaucoup de choses en Alberta et en Nouvelle-Écosse dans le domaine de la production de méthane à partir des anciennes mines de charbon.
M. Taylor: On pourrait produire aussi de l'hydrogène.
Le sénateur Buchanan: Voilà qui est intéressant.
M. Kambeitz: Nous pourrions le faire, monsieur le sénateur, dans les stations-service.
Les technologies utilisées pour le reformage sont de plus en plus rentables parce qu'avec les micro-usines ou les micro-unités, il est possible d'améliorer constamment la technologie. Il s'agit de petits appareils dont la technologie s'améliore tous les ans; ces améliorations peuvent être immédiatement mises en oeuvre et introduites sur le marché. Nous avons eu des conversations à ce sujet avec des dirigeants de Chevron Texaco. Ils ont non seulement parlé avec nous de nos objectifs en matière d'efficacité sur le plan de la transformation, mais aussi de ce que seraient les améliorations constantes dont ils pourraient profiter tous les ans en achetant des appareils de transformation utilisables dans les stations-service. Notre façon de procéder est beaucoup plus souple parce que nous allons construire tous les ans des mini-usines de production d'hydrogène et introduire dans ces nouvelles usines les dernières technologies, alors qu'avec les grosses usines qui existent de nos jours, il faut faire de gros investissements, choisir une technologie, et on est ensuite bloqué pendant 15 ou 20 ans avec la même technologie.
Le sénateur Buchanan: Il n'y a pas de micro-usine à l'heure actuelle au Canada, n'est-ce pas?
M. Kambeitz: Non, mais il existe des appareils de reformage du gaz naturel en hydrogène qui sont de petits appareils et qui occupent un espace de six pieds par huit pieds, par exemple.
Le problème que posent ces technologies est double. La plupart de ces appareils utilisent le reformage à la vapeur, ce qui pose des problèmes parce qu'il faut fournir de l'eau très pure aux stations-service, ce qui n'est pas pratique. Deuxièmement, ce sont des technologies qui ne facilitent pas le captage du CO2. Le mandat était de construire un appareil de reformage à sec qui n'utiliserait pas de l'eau purifiée au niveau de la station-service et qui serait également capable de capter le CO2, en vue de l'utiliser dans la chaîne alimentaire ou de le minéraliser.
Le sénateur Buchanan: La stratégie de minéralisation est également intéressante. Pourriez-vous nous la décrire?
M. Kambeitz: Je ne suis pas un chimiste. En termes concrets, il est possible de capter ce gaz en le minéralisant, sous forme de calcium ou de carbonate de calcium. Il est possible de capter, sous forme minéralisée, une partie du CO2 à mesure qu'il se combine aux gaz d'échappement. Il est possible de capter une partie du CO2 qui serait autrement libéré.
Nous avons demandé à l'Université de Regina de rechercher un processus de minéralisation du CO2 qui serait principalement utilisable pour les unités résidentielles de transformation en hydrogène. Il n'est pas en effet pratique de produire du CO2 de qualité alimentaire dans les résidences et de le recueillir pour l'utiliser dans la chaîne alimentaire. Il serait par contre pratique d'obtenir un produit minéralisé avec une petite unité, et on pourrait ensuite se débarrasser facilement de ce produit.
Les consommateurs pourraient peut-être refaire du compost avec les micro-éléments qui se trouvent dans le sol, ce qui permettrait de retenir le carbone qui sera finalement séquestré.
Le sénateur Buchanan: Si j'allais à Regina, pourrais-je visiter cette installation?
M. Kambeitz: Oui. En fait, il y a une invitation dans ma brochure. Nous allons inaugurer officiellement notre laboratoire le 20 novembre. Je vous invite tous à venir à l'Université de Regina. Nous allons être fiers de montrer notre laboratoire.
M. Taylor: Est-ce le jour de la Coupe Grey?
M. Kambeitz: Un peu après. Le Greenhouse Gas Technology Centre a été officiellement inauguré il y a environ six mois. J'ai inclus dans la brochure qui vous a été remise un article au sujet des gaz à effet de serre. On parle à la page 2 de l'ouverture du International Test Centre for Carbon Dioxide Capture de Regina.
Nous avons visé encore une fois Regina, non seulement parce que ma famille est originaire de cette région et y réside depuis 1898, mais également parce que l'université possède des compétences et des spécialistes de la captation du CO2. Nous avons pensé créer une alliance avec d'autres universités pour la technologie du reformage. Cette université s'intéresse principalement au captage du CO2 avec le nouveau Greenhouse Gas Technology Centre.
Notre but est de lancer un projet de construction d'un deuxième prototype dans ce centre. Sénateur, le premier sert au captage du CO2 qui se trouve dans les gaz d'échappement des centrales au charbon. Cela se fait à l'heure actuelle.
Le sénateur Buchanan: Le captage du CO2 en utilisant les centrales au charbon?
M. Kambeitz: Le gaz d'échappement des centrales au charbon est...
Le sénateur Buchanan: Nous en avons beaucoup.
M. Kambeitz: L'Université de Regina est à la pointe de la technologie du captage du CO2 dans les émissions des centrales au charbon. Il y a un appareil de ce genre qui est utilisé dans les centrales électriques du sud de la Saskatchewan. L'Université de Regina suit de près cette technique.
Le sénateur Buchanan: Le captage du CO2?
M. Kambeitz: Oui. Cela se fait dans une des centrales au charbon du sud de la Saskatchewan. L'Université de Regina suit de très près ce processus.
Le sénateur Buchanan: Le sénateur Spivak me reproche toujours les émissions de CO2 qui proviennent de nos centrales au charbon de Cap-Breton. Nous avons éliminé le SO2 dans une de nos principales centrales électriques de Point Aconi, avec la méthode du lit fluidisé. Je me suis occupé des aspects politiques.
Le sénateur Spivak, comme d'autres, dit maintenant: «Il faut se débarrasser du CO2». Je pourrais donc lui dire que nous pouvons le faire.
M. Kambeitz: Je pense que vous le pouvez. Je pourrais fournir au Sénat certains rapports de recherche de l'Université de Regina. C'est un processus en évolution. C'est un processus de pointe, mais il fonctionne. Il n'en est plus à l'étape du laboratoire. Cette méthode est utilisée dans les centrales.
M. Taylor: Permettez-moi d'intervenir, sénateur Buchanan, mais vous vous souvenez peut-être que, lorsque vous étiez en Californie, il y a un an environ, avec le comité, la Californie achetait de l'électricité au Nevada, et qu'elle payait un supplément parce que le Nevada utilisait du charbon pour produire l'électricité. La Californie a des règles très strictes en matière de qualité de l'air et elle était prête à payer un supplément pour que le gaz CO2 soit capté dans les gaz d'émission.
Premièrement, il est possible de capter le CO2, et c'est un processus en évolution. Deuxièmement, le consommateur est prêt à payer un supplément pour placer des inhibiteurs de CO2 dans les cheminées d'évacuation des gaz. La Californie et le Nevada travaillent déjà sur cette question. Cela va dans le même sens.
Le sénateur Buchanan: Vous pouvez être sûr que j'irai à l'Université de Regina parce que dans trois ans, j'irai rejoindre des gens comme Nick Taylor. Je n'ai aucune intention de prendre ma retraite. Je n'ai jamais eu l'intention de le faire. Lorsque j'aurai appris ce que je veux grâce à des gens comme vous et à l'Université de Regina, je reviendrai à Cap-Breton et ferai de la recherche sur l'élimination du CO2 et la production d'hydrogène à partir du gaz naturel.
Le président: J'aimerais que vous nous envoyiez ces rapports au sujet des tours de lavage et des inhibiteurs, notamment. Nous aimerions beaucoup pouvoir ajouter cette information au rapport que nous allons publier. Nous vous en serions reconnaissants.
M. Kambeitz: Je le ferai certainement.
Le sénateur Christensen: La séquestration est un mot que l'on entend beaucoup lorsque l'on parle des gaz à effet de serre et de l'élimination du CO2. Cela veut dire pour moi que cette opération permet de se débarrasser de ce gaz. Nous le captons, nous le plaçons quelque part où il n'a pas d'effet de serre et d'où il ne peut s'échapper dans l'atmosphère.
M. Taylor nous a énuméré cinq façons différentes de séquestrer le CO2. Il y a les sites de stockage, les puits de pétrole, les mines de charbon en profondeur et les aquifères contenant de l'eau non potable. Il me semble, et vous pourrez peut-être me corriger, que deux de ces méthodes seulement — les sites de stockage et les aquifères — permettent de retirer le CO2 de la circulation. Il faudrait cependant démontrer qu'il ne peut pas y avoir de fuite.
Avec les trois autres façons, le CO2 est éventuellement libéré dans l'atmosphère. Il ne s'agit donc que de recycler le CO2. C'est la même chose qui se passe avec le processus écologique consistant à planter des arbres. Ces arbres fixent le CO2 mais lorsqu'on utilise ou brûle ces arbres, le CO2 retourne dans l'atmosphère. Avez-vous des commentaires?
M. Taylor: C'est une bonne remarque. Vous avez tout à fait raison. Il est très difficile de se débarrasser définitivement du CO2 parce que c'est un produit cyclique. C'est une conséquence naturelle de la combustion.
Nous disposons à l'heure actuelle de sites de stockage qui ne laissent pas s'échapper le gaz naturel. On pourrait utiliser ces sites pour entreposer le CO2 jusqu'à ce que l'on puisse l'utiliser comme matière première. Il est en effet possible de mélanger le CO2 avec le charbon et d'autres choses.
J'ai mentionné au début qu'il ne s'agissait pas exactement de séquestration. Séquestrer un gaz veut dire le cacher. Mon exposé portait sur les utilisations du CO2.
Lorsqu'on injecte du CO2 dans une couche de charbon, le gaz disparaît. Il réagit avec le charbon et le CO2 disparaît.
Lorsqu'on injecte du CO2 dans un puits de pétrole qui contient de l'eau, le gaz a tendance à rester dissous dans l'eau. Le CO2 dissous dans l'eau fait sortir le pétrole, qui, étant plus léger, se trouve au-dessus du mélange eau-CO2. L'extraction du pétrole libère très peu de CO2. Il faut quand même le capter et l'injecter à nouveau dans l'eau en dessous du pétrole, de sorte que la plus grosse partie de ce gaz est réutilisée. Il n'est pas libéré à la surface.
On utilise des aquifères contenant de l'eau non potable en Norvège parce que la plupart de leurs puits de pétrole se trouvent dans la mer. Ils percent les nappes aquifères et y pompent du CO2. Ces nappes contiennent déjà toutes sortes de gaz, et ils ne font qu'augmenter un peu la pression. Ces nappes se trouvent à une telle profondeur qu'il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas d'explosion qui ramènerait les gaz à la surface mais normalement, on peut ajouter pas mal de gaz.
Le sénateur Christensen: Et le coût du captage et du transport?
M. Taylor: Le coût du captage peut normalement être récupéré par l'utilisation qui est faite du gaz. Comme je l'ai mentionné, les sociétés pétrolières et les gouvernements provinciaux vont récupérer un tiers de pétrole de plus en utilisant cette méthode, de sorte qu'elle va être rentable. C'est tellement rentable que même à Regina, où l'on faisait des expériences sur les façons d'obtenir du CO2, ils en achetaient dans le Dakota du Nord et l'envoyaient par pipeline à Regina. Autrement dit, le CO2 est peut-être un produit rentable. Je faisais souvent la comparaison entre le CO2 et le gaz naturel. Nous faisions brûler le gaz naturel, lorsque j'ai commencé ma vie active pendant la guerre. Nous faisions brûler le dioxyde de carbone en Alberta, ou le gaz naturel, pour obtenir le pétrole. C'est aujourd'hui le contraire, nous préférons brûler le pétrole pour obtenir le gaz.
Il y a des utilisations pour le CO2. La séquestration de ce gaz dans des réservoirs ou des sites d'enfouissement, je crois que l'avenir nous montrera que l'on pourra extraire à nouveau ce gaz et l'utiliser d'une façon ou d'une autre. Je ne sais pas exactement à quoi servira ce CO2, à part pour le balayage et la production d'acide, mais on trouvera peut-être des façons de l'utiliser. On le mélangera avec du calcaire pour fabriquer du ciment, on retrouve le CO2 dans plus d'une centaine de produits, sous une forme ou une autre. En fait, nous prenons parfois des Tums, n'est-ce pas? Et aussi en médecine interne, si nous n'avons pas le gouvernement qu'il nous faut, nous aurons peut-être besoin de pas mal d'antiacide.
Le sénateur Buchanan: Voilà qui est intéressant, mais pourrions-nous séquestrer du CO2 dans des mines de sel?
M. Taylor: En fait, je pense que cela serait possible. Comme vous le savez, il y a d'importantes mines de sel en Nouvelle-Écosse. Je vois que vous allez certainement devoir séquestrer aussi du gaz naturel dans ces mines de sel, si vous voulez en avoir suffisamment pour l'exporter. Je vous ai également suggéré d'augmenter un peu les prix que paient les Yankees.
Le sénateur Buchanan: Si j'étais encore là, c'est ce que nous aurions fait. Le gouvernement a changé.
M. Taylor: L'autre solution consiste à aller au Moyen-Orient et à faire la guerre, à faire mourir des jeunes gens, à dépenser des milliards de dollars et à faire des choses qui ne servent à rien. Un Martien qui verrait cela dirait «Qu'est-ce qui se passe, pourquoi dépensez-vous tout cet argent là-bas alors que vous pourriez le faire ici?»
Le sénateur Milne: Je dois dire que, lorsque le sénateur Taylor était assis à côté de moi, au début, je passais mon temps à le retenir par sa veste pour qu'il reste assis. Par la suite, je le poussais à se lever parce qu'il parle si bien lorsqu'il est debout et il a un esprit tellement fertile. Nous avons eu beaucoup de discussions au sujet de la séquestration du carbone. Je ne vais même pas essayer d'en débattre avec lui.
M. Taylor: Votre associé est un des plus célèbres constructeurs de pipelines.
Le sénateur Milne: C'est exact. Je vais donc adresser la plupart de mes questions à vous, monsieur Kambeitz.
Vous parlez de ce procédé catalytique thermochimique de l'hydrogène sur votre site Web. Il doit s'agir du reformage à sec du gaz naturel. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage sur ce procédé, qui n'utilise pas la vapeur.
M. Kambeitz: En fait, je ne suis pas en mesure de le faire, et je le dis sincèrement, parce que je ne suis pas un chimiste, pour la raison que nous utilisons des technologies bénéficiant d'une certaine exclusivité. En fait, il s'agit de la réaction de water gas shift combinée à une séparation membranaire. Nous prenons ensuite un produit contenant du CO et du CO2 et nous le recyclons pour une deuxième combustion, nous essayons de brûler le CO2 une deuxième fois. Si je vous en disais davantage, cela aurait deux conséquences. Premièrement, je vous montrerais que je ne comprends rien à la chimie. Deuxièmement, il y a le fait que nous travaillons sur des procédés exclusifs.
Nous pensons qu'avez la deuxième combustion du CO2, dans ce procédé de reformage, nous améliorerons l'extraction du CO2. Bien sûr, nous n'utilisons pas d'eau ou de vapeur avec ce procédé. Voilà en fait tout ce que je peux vous dire à ce sujet. Je me demandais si je n'aurais pas dû amener un chimiste avec moi, monsieur le sénateur.
Le président: Vous dites que vous n'utilisez pas d'eau purifiée, aucune eau?
M. Kambeitz: Pas d'eau du tout.
Le sénateur Milne: Vous avez utilisé une expression, pour décrire un des produits finaux de ce procédé, ce genre de produit obtenu à la fin du processus de distribution en réseau, à savoir le carbone de qualité alimentaire. C'est une expression que je n'ai pas encore entendue et elle m'intrigue. Comment fait-on pour transformer en un aliment le carbone qui est produit à la fin du procédé utilisé dans les stations-service pour alimenter les piles à combustible d'une automobile?
M. Kambeitz: Sénateur, le CO2 de qualité alimentaire est le produit final de ce procédé; il suffit de filtrer le produit final qu'est le CO2. Le reformage par combustion permet de brûler une bonne partie des impuretés qui sont présentes dans ce que je qualifierais de CO2 n'ayant pas la qualité alimentaire. Avec la filtration et la séparation membranaire prévue dans le dernier procédé, il y a création de CO2 de qualité alimentaire. Ce gaz peut être vendu à des embouteilleurs, à des fabricants de margarine, à des fabricants d'huile hydrogénée et de choses de ce genre.
Le sénateur Milne: Des fabricants d'antiacide.
M. Kambeitz: Oui. Le défi, comme c'est toujours le cas lorsqu'il y a captage, c'est la question de l'utilisation. Est-ce que la récupération de CO2 de qualité alimentaire sera rentable? Cela dépendra en grande partie de l'efficacité du processus de récupération. Il y aura du CO2 de qualité alimentaire dans les stations-service. Sera-t-il rentable de livrer ce gaz à l'usine d'embouteillage ou de fabrication d'huile hydrogénée qui se trouve à côté? Voilà la difficulté qu'il faudra résoudre lorsque nous produirons du CO2 de qualité alimentaire.
Le sénateur Milne: Je mentionne en passant que la plupart des mines de sel du sud-ouest de l'Ontario sont déjà utilisées pour entreposer du gaz naturel. En fait, je crois qu'elles sont toutes utilisées de cette façon, de sorte qu'il sera difficile d'entreposer davantage de carbone dans le sud de l'Ontario, cela est regrettable.
Le président: Lorsque vous parlez d'améliorer l'efficacité des piles à combustible, est-ce que vous parlez d'en augmenter, pour parler comme un non-spécialiste, la capacité? Il y a des scientifiques et des fabricants de voitures qui nous ont dit que le principal obstacle à l'utilisation de véhicules personnels en Amérique du Nord était le manque d'autonomie de ces véhicules. Est-ce de cela dont vous parlez lorsque vous parlez de l'efficacité des piles à combustible?
M. Kambeitz: Pas nécessairement. L'amélioration de l'autonomie viendra de l'amélioration des technologies utilisées pour le stockage. Nous sommes en train d'améliorer très rapidement la technologie du stockage. Comment mettrons- nous de l'hydrogène dans le réservoir de la voiture? On utilise de nouvelles nanotechnologies et des technologies basées sur les alcaloïdes qui vont porter cette autonomie à 300 et à 500 kilomètres. Lorsque je parle d'amélioration de l'efficacité des piles à combustible, je parle en fait de la transformation de l'hydrogène en électricité, qui est le but recherché par la pile à combustible. Ces piles ne sont efficaces qu'à 40 ou 45 p. 100, on peut discuter du pourcentage, mais la plupart de nos scientifiques nous disent que l'efficacité actuelle des piles à combustion représente de 40 à 45 p. 100 de leur efficacité théorique. Nous avons réussi à porter l'efficacité réelle du moteur à combustion à 90 ou 95 p. 100 de son efficacité théorique. Ballard Power, cette grande réussite canadienne, va continuer à améliorer l'efficacité des piles à combustible et nous allons voir chaque année une amélioration progressive qui ne pourra que renforcer l'économie de l'hydrogène.
Le président: L'efficacité des piles à combustible dont vous parlez n'a pas pour effet d'améliorer l'autonomie des véhicules.
M. Kambeitz: Cela va également toucher cet aspect, mais la nouveauté qui augmentera le plus cette autonomie sera l'amélioration de la technologie utilisée pour le stockage. Ce sera le premier aspect. Le second consistera à améliorer le taux de transformation dans la pile à combustible.
Le président: Si vous vous placiez dans l'avenir, dans un certain nombre d'années, et que vous regardiez ce que vous avez déclaré aujourd'hui au sujet du déploiement de cette économie au niveau du consommateur, pour que quelqu'un puisse faire le plein d'hydrogène dans une station-service, dans combien de temps pensez-vous que nous aurons ces petites unités de transformation dans les stations-service, tout comme on voit aujourd'hui des réservoirs de propane?
M. Kambeitz: Lorsque j'essaie de répondre à cette question, je regarde ma boule de cristal, je dois faire preuve de modestie et regarder ce qui se passe en Californie pour voir ce que feront les consommateurs. A-t-on constaté, dans cet État, une tendance chez les consommateurs qui se fera sentir dans les autres grands centres urbains? General Motors n'a pas hésité à nous déclarer qu'il y aura un million de voitures de ce type en circulation avant 2010 et les autres sociétés nous ont parlé de leurs projets, et nous croyons que cela se fera. La première tentative qui a été faite en Californie a été décevante, si nous voulons prendre un exemple. Il y a plusieurs années, lorsque les voitures hybrides ont été commercialisées en Californie à un prix de location compétitif par rapport à celui d'un véhicule normal, les consommateurs ont boudé ce produit. Les fabricants pensaient que la Californie serait l'endroit rêvé, puisque c'est la province d'où est parti le mouvement écologique. Les consommateurs qui ont acheté ce produit, lorsqu'il a été offert, n'étaient pas des membres des groupes de défense de l'environnement, ni les personnes qui avaient été ciblées comme acheteurs sensibles aux questions écologiques. Ce sont plutôt les gens de l'industrie du cinéma qui les ont loués. Ce sont eux qui ont adopté les véhicules hybrides. Même si General Motors a déclaré de façon audacieuse, comme cette société peut seule le faire, qu'elle offrirait un million de voitures de ce genre d'ici 2010, elle a néanmoins exprimé cette réserve.
Par contre, la mise en pratique de cette technologie est sur le point de se faire. D'ici 24 à 36 mois, des unités de reformage seront prêtes à fonctionner; elles utiliseront notre technologie qui effectue le reformage et le captage du CO2 ou celle d'un concurrent qui peut-être ne capturera pas le CO2. Il s'agira de savoir si la voiture qui s'arrête dans une station-service pourra obtenir l'hydrogène dont elle a besoin. Le retard ne viendra certainement pas du côté de la fabrication.
Le président: Par définition, ces deux choses ne peuvent pas se produire en même temps. Le sénateur Buchanan a signalé, tout comme nous l'avons entendu, en particulier à Washington quand nous y étions, les réserves exprimées par des personnes qui affirment que ces technologies ne vont pas arriver du jour au lendemain. On se fait beaucoup de politesses «après vous, non, à vous, je vous en prie», mais le fait est que je ne vais pas acheter une voiture à hydrogène, même en supposant qu'elle puisse faire 300 kilomètres avec un plein, s'il n'y a pas de station-service où je pourrai m'approvisionner après avoir couvert ces 300 kilomètres. Comment pensez-vous que l'on pourrait résoudre ce problème? Vous y avez fait allusion. Tout le monde se protège et il y a l'attitude de bravade de General Motors et de quelques autres. Comme vous l'avez également fait remarquer, Ford a quitté le secteur des voitures hybrides à cause de la résistance des consommateurs, à laquelle je me réfère. Cette résistance était moindre lorsqu'il s'agissait des véhicules hybrides, qui utilisent un carburant facile à obtenir, pour la moitié de ce que font ces véhicules, comparés aux véhicules à hydrogène.
Pensez-vous au scénario le plus favorable lorsque vous parlez du déploiement de cette technologie d'ici 2010? Ce projet sera-t-il abandonné si cela ne se produit pas, s'il arrive la même chose que ce qui est arrivé en Californie aux véhicules hybrides?
M. Kambeitz: Excellente question et c'est en fait le problème de la poule et l'oeuf. Au départ, notre recherche sur l'hydrogène se faisait dans un laboratoire privé de Saskatoon et portait sur la solution définitive consistant à fractionner l'eau, et finalement, d'y parvenir avec une ressource renouvelable. Nous nous sommes posé cette question très souvent, et nous avons compris il y a déjà quelques années qu'il fallait trouver rapidement une solution de transition qui soit pratique. Si le véhicule est prêt à rouler, est-ce que la station-service pourra l'approvisionner? C'est pourquoi nous travaillons sur la production de petites unités, disons pour les fins de la discussion, à un coût d'investissement de 50 à 80 000 $, qui permettent de modifier les stations-service pour qu'elles reforment l'hydrogène et vendent ce gaz. Voilà le genre de rapidité dont nous avons besoin. Là encore, la technologie du reformage au niveau de la station-service sera prête dans 24 à 36 mois, que ce soit la nôtre ou celle de nos concurrents. Ce sera la bonne nouvelle et nous attendrons pour voir si les véhicules arrivent à suivre le mouvement. Je crois que c'est sur ce point que porte le défi à l'heure actuelle.
Le président: Il faudra également convaincre l'exploitant de station-service qu'il a intérêt à acheter cette technologie pour les deux clients par jour qui vont lui demander de l'hydrogène.
M. Kambeitz: C'est un fait et les parcs automobiles suivront, monsieur le sénateur. Vous avez raison. C'est un fait. Texaco Chevron a créé un département à Houston et la direction nous a dit qu'ils avaient un budget prévoyant l'embauche de 68 personnes qui vont s'occuper exclusivement du déploiement de l'économie de l'hydrogène dans les stations-service d'Amérique du Nord et des pays de l'Europe du Nord. Cette société estime que c'est la solution qui s'impose à cause de la rapidité avec laquelle il est possible de mettre en place cette infrastructure.
Lorsqu'un État semble s'intéresser à cette technologie, prenons un État des États-Unis qui offre des incitations, General Motorsy concentre ses efforts. Cette société expédie 20 000 véhicules dans ce secteur démographique. De son côté, Texaco pense qu'il est possible de mettre en place très rapidement l'infrastructure. Il est possible d'installer de petites unités de production. Nous sommes en mesure de produire très rapidement de l'hydrogène dans les secteurs où General Motors introduit ces véhicules. Cette société parle de privilégier certains secteurs dans lesquels il y a des incitations fiscales, de gros budgets de marketing, des secteurs à forte concentration démographique et elle essaie d'y vendre des flottes de véhicules à hydrogène. Voilà ce que nous a dit General Motors, monsieur le sénateur.
Le président: Une façon de faciliter les choses, du moins dans une certaine mesure, serait que le gouvernement s'engage à convertir à ce système une partie de son parc automobile. Comme vous le savez, il existe déjà des dispositions législatives qui obligent les responsables du parc automobile fédéral à le faire, mais il y a toujours la disposition magique «lorsque cela est faisable» ou quelque chose du genre, lorsque cela est rentable. Nous devrions peut-être faire un effort et dire: «Nous le ferons, quel que soit le coût, en espérant que cela devienne rentable dans un mois ou dans un an». Pensez-vous qu'il serait utile de donner suite à une telle idée? Serait-ce faisable?
M. Taylor: Je pense que cela serait utile, mais je me souviens de mes débuts au comité et nous avions essayé de rendre obligatoire l'usage d'un mélange essence-alcool. Nous faisions des progrès rapidement jusqu'à ce que la GRC réussisse à prouver qu'il lui était impossible d'attraper les criminels qui utilisaient de l'essence pure lorsqu'eux n'utilisaient que de l'essence pure à 80 p. 100, de la 80-20. Nous avons eu un gros problème et, finalement, Ford a construit un moteur qui était aussi rapide que l'autre mais je crois que, dans ce cas-ci, cela pourrait être un argument valable. Permettez-moi d'aborder un autre point, M. Kambeitz fait fabriquer de l'hydrogène qu'il introduit dans une pile à combustible, ce qui est une bonne chose. L'hydrogène pourrait aussi être embarqué. Il y a déjà des voitures qui fonctionnent au gaz naturel et il y a des stations qui distribuent du gaz naturel. Pourrait-on placer un reformeur à hydrogène sur l'équipement de gaz naturel d'une voiture, même s'il y en a déjà un à la station-service? Serait-il possible de placer cet appareil dans la voiture et de continuer à vendre le gaz naturel dans la station-service? Je suis désolé d'avoir inversé le problème?
Le président: Je crois que la première réponse est que cela dépend de la taille, mais les Japonais pourraient résoudre cette difficulté. Ils sont capables de miniaturiser n'importer quoi.
M. Kambeitz: Il y a d'autres raisons pratiques qui touchent la transformation à basse température mais, sénateur, vous avez tout à fait raison. J'ai parlé des grappes de consommateurs. La grappe d'automobiles est aussi une application très pratique et une unité de reformage de petite taille s'intégrerait très bien à une flotte d'autobus, comme nous le savons. Vous avez peut-être déjà vu au cours de vos voyages les autobus que Ballard met sur la route dans différents pays. Je suis tout à fait d'accord avec vous; une infrastructure de distribution d'hydrogène à une flotte d'autobus serait également un excellent début, monsieur le sénateur.
Le président: Voilà qui était très instructif. Comme toujours, sénateur Taylor, vous avez stimulé nos esprits et nos émotions et nous vous en remercions. Merci à M. Kambeitz d'être venu et nous examinerons avec beaucoup d'intérêt les rapports que vous nous transmettrez.
La séance est levée.