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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des pêches et des océans

Fascicule 2 - Témoignages du 11 décembre 2002


OTTAWA, le mercredi 11 décembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des pêches et océans se réunit aujourd'hui à 18 h 20 pour examiner des questions liées aux stocks chevauchants et à aux habitats des poissons.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler qu'il s'agit de la première séance lors de laquelle nous utilisons notre nouveau nom, qui sera dorénavant le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous avons ajouté à la fin de notre nom le mot «océans». Nous aurions dû faire cet ajout il y a quelque temps étant donné les travaux que nous avons menés au sujet des océans au cours des dernières années. L'ajout a été adopté la semaine dernière au Sénat.

Notre témoin ce soir est Robert Hage du ministère des Affaires étrangères. Je ne décrirai pas la longue et prestigieuse carrière de M. Hage dans la fonction publique. Cependant, je vais mentionner qu'il est originaire de Calgary et qu'il est entré aux Affaires extérieures en 1972. Il a occupé des postes dans les ambassades canadiennes partout dans le monde et il a assumé les fonctions de sous-chef de la Commission de l'Union européenne à Bruxelles. Il a aussi été le représentant canadien suppléant lors de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Il est actuellement directeur général de la Direction générale des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Veuillez présenter vos collègues et enchaîner avec votre exposé.

M. Robert Hage, directeur général, Direction générale des affaires juridiques, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Honorables sénateurs, il me fait plaisir d'être ici. Nous sommes ravis que vous ayez ajouté le mot «océans» au nom de votre comité. Nous, au ministère des Affaires étrangères, voyons cet ajout d'un bon oeil puisque nous nous occupons de questions liées aux océans.

Je vais vous présenter mes collègues. Il s'agit de M. Ehinger et de Mme Saunders, tous deux de Winnipeg. L'Ouest est très bien représenté ce soir.

Je vous ai distribué une copie de mon texte, que je ne compte pas lire cependant. Je vais simplement souligner les différents points. Je vous ai aussi remis un certain nombre de documents auxquels je vais me reporter.

Je vais d'abord me reporter au tableau concernant les accords sur les pêches auxquels le Canada prend part, à commencer par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 jusqu'à la Convention sur la conservation et la gestion de stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central.

Ce document indique aussi si les accords sont contraignants ou non, selon leur nature, ainsi que la date de leur adoption — c'est-à-dire la date à laquelle la conférence s'est terminée et les membres présents ont convenu d'adopter le texte. Il précise également si le Canada a signé ou ratifié les accords.

Les honorables sénateurs connaissent la question de la signature et de la ratification. La signature indique que le signataire accepte l'objectif et l'intention d'un accord. La ratification signifie que le signataire s'engage à respecter les dispositions d'un accord. Étant donné que nous sommes en train de débattre de la question de la ratification du Protocole de Kyoto, vous connaissez le processus.

Enfin, le document précise si l'accord est en vigueur. Chaque accord comprend une disposition indiquant le nombre de ratifications nécessaires pour qu'il entre en vigueur. Ce nombre figure aussi dans le tableau.

Nous avons aussi un tableau des régimes juridiques relatifs aux océans et aux espaces aériens. Il présente les divers termes propres au régime qui s'applique au large des côtes du Canada ou d'autres États qui sont utilisés dans la Convention sur le droit de la mer.

J'ai eu le privilège d'assister hier à New York aux célébrations du 20e anniversaire de la Convention sur le droit de la mer, qui avait été conclue le 10 décembre 1982. Une grande cérémonie a eu lieu hier aux Nations Unies pour marquer cet anniversaire.

Les termes utilisés dans le tableau et dans mon exposé concernent des milles marins, qui sont un peu plus long que des milles ordinaires. Quand il est question de la zone économique exclusive de 200 milles ou de la mer territoriale de 12 milles, il s'agit toujours de milles marins.

Le système principal du système international relatif aux océans est fondé sur les lignes de base, qui démarquent la fin du territoire terrestre d'un État. Toutes les mesures prises en vertu de la Convention sur le droit de la mer sont calculées à partir des lignes de base.

Vous connaissez la mer territoriale. Elle s'étend jusqu'à 12 milles à partir des lignes de base. Dans cette zone, un État exerce une souveraineté complète. Il s'agit du premier élément du tableau. En vertu du droit international, le Canada et tous les autres États, peu importe s'ils sont une partie à la Convention, exercent une souveraineté complète dans cette zone de 12 milles. Les navires de tous les États bénéficient du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale.

La deuxième zone du tableau, dont vous n'entendez pas souvent parler, est la zone contiguë, qui s'étend jusqu'à 24 milles, soit 12 milles au-delà de la mer territoriale. Dans cette zone, un État peut exercer certaines compétences liées en majeure partie aux douanes, à l'immigration et aux questions d'ordre fiscal.

Ensuite, il y a la zone économique exclusive, qui s'étend jusqu'à 200 milles depuis les lignes de base, à partir desquelles l'étendue de la mer territoriale est mesurée. Dans cette zone, un État peut exercer des compétences — non pas une souveraineté — mais bien des compétences dans des domaines comme la recherche scientifique sur les milieux marins et la protection de l'environnement marin. L'État jouit aussi de droits souverains sur les ressources naturelles.

Sur la côte ouest du Canada, où le plateau continental ne s'étend pas, pour autant que nous sachions, au-delà de 200 milles marins, le Canada exerce une compétence sur tous les minéraux qui se trouvent à l'intérieur de la zone économique exclusive de 200 milles.

La prochaine zone, que les honorables sénateurs connaissent, est la haute mer, où aucun État ne peut exercer de souveraineté ni des compétences. La Convention sur le droit de la mer précise qu'aucun État ne peut prétendre exercer une souveraineté dans une zone de la haute mer. En haute mer, la liberté de pêche existe.

Vient ensuite le plateau continental. Il s'agit d'un terme qui comporte une définition à la fois en droit et en géologie. La définition donnée dans la Convention est en partie de nature géologique et en partie d'ordre juridique. La Convention confère à des États comme le Canada des droits souverains sur les ressources du plateau continental qui se trouvent au-delà de 200 milles lorsque le plateau, selon la définition géologique, s'étend au-delà de cette limite.

Cependant, nous ne pouvons pas exercer de droits sur la colonne d'eau située au-dessus de la portion du plateau continental qui s'étend au-delà de la zone économique exclusive. Ainsi, un État côtier comme le Canada peut exercer une compétence à l'égard des espèces sédentaires — celles qui se trouvent au fond de la mer — mais non pas des droits exclusifs de pêche en ce qui concerne les poissons qui nagent au-dessus du plateau continental. Il s'agit d'un point important, car, en général, le plateau continental est situé dans des eaux qui attirent les poissons. Là où il y a un plateau continental, il y a généralement un lieu de pêche. Les poissons ne respectent toutefois pas nécessairement la limite de 200 milles.

Les Grands Bancs du Canada constituent un parfait exemple d'un endroit où l'on trouve des poissons au-delà de la limite de 200 milles.

Les limites du plateau continental sont définies à l'article 76 de la Convention. La formule en question est complexe. Je n'entrerai donc pas dans les détails. Nous avons tous apporté le texte. L'article 76 contient les dispositions qui ont fait l'objet d'intenses négociations durant la conférence de 10 ans. En effet, on a longuement discuté de la détermination de la limite extérieure du plateau continental d'un État. Au terme des négociations, il a été convenu que la limite maximale d'un plateau se situerait à 350 milles des lignes de base ou à 100 milles de l'isobathe de 2 500 mètres, tout dépendant quelle mesure est la plus éloignée.

Je vous invite à vous reporter à la présente carte pour avoir une idée générale des différentes lignes qui délimitent les zones de compétence du Canada au large de la côte est du pays.

Les honorables sénateurs peuvent voir la limite de 200 milles. Vous voyez aussi l'isobathe de 2 500 mètres, qui constitue la mesure de la profondeur de l'eau dans la zone du plateau continental, la limite de 350 milles et la limite de 100 milles au-delà de l'isobathe de 2 500 mètres, qui constitue la limite extérieure du plateau canadien. Vous remarquerez qu'une portion du plateau s'étend au-delà de la zone économique exclusive de 200 milles au large de la côte Est et dans l'Arctique. Il s'agit d'une zone que le Canada peut revendiquer comme faisant partie de son plateau continental.

Pour compliquer quelque peu les choses, la Commission des limites de plateau continental a été mise sur pied par l'entremise de la Convention sur le droit de la mer afin d'aider les États côtiers à déterminer la limite extérieure de leur plateau. Cette commission est composée de 21 pays membres qui sont représentés par des spécialistes qui reçoivent les propositions des États côtiers et effectuent une recommandation quant à l'endroit où se termine le plateau.

Au-delà des limites à l'intérieur desquelles il est possible d'exercer des compétences — au-delà des zones que peuvent revendiquer le Canada ou les autres États dotés d'un large plateau — se trouvent les grands fonds marins, c'est-à-dire le fond de l'océan situé au-delà du plateau continental. Selon la Convention, les grands fonds marins s'appellent maintenant la Zone. Elle est définie comme étant le patrimoine commun de l'humanité. La Zone est à l'origine de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer qui s'est tenue en 1973. Dans les années 60, un visionnaire du nom d'Arvid Pardo, de Malta, avait incité les Nations Unies à commander une étude sur les grands fonds marins, qu'il appelait le patrimoine commun de l'humanité, où se trouvent les ressources minérales. Pour sauver ces ressources — non pas pour un État en particulier, mais pour la communauté internationale — il a demandé la tenue d'une conférence visant à mettre en place un régime de gestion des grands fonds marins. Il s'agit de l'Autorité nationale des fonds marins, dont les bureaux sont situés à Kingston, en Jamaïque.

En ce qui concerne les pêches, je vais décrire certains aspects du régime juridique relatif aux océans qui concernent la question. Premièrement, un État côtier dispose de droits souverains sur les poissons qui fréquentent la colonne d'eau et sur les espèces sédentaires qui se trouvent à l'intérieur de la limite extérieure de 200 milles. Deuxièmement, un État côtier dont le plateau continental s'étend au-delà de 200 milles — comme le Canada — bénéficie de droits souverains sur les espèces sédentaires qui se trouvent dans la portion excédentaire du plateau, mais pas sur celles situées dans la colonne d'eau au-dessus. Troisièmement, la liberté de pêche existe en haute mer.

Toutefois, d'autres dispositions relatives à la conservation des poissons viennent contrebalancer ces droits sur les ressources et la liberté de pêche. Je crois que dans l'exposé qu'il a effectué devant votre comité le 26 novembre, le sous- ministre adjoint de Pêches et Océans, M. Chamut, a parlé du fait que les poissons ne respectent pas les limites et ont tendance à les franchir. Étant donné ce fait, la Convention exige des États qu'ils assument conjointement la gestion des stocks de poissons, comme ceux que l'on trouve dans le nez et la queue du Grand Banc. Ce sont là les deux zones qui s'étendent au-delà de notre limite de 200 milles et qui se situent au-dessus du plateau continental et où vivent d'importants stocks de poissons. Ce sont des stocks qui chevauchent la limite entre l'État et la haute mer. De même, les États doivent gérer conjointement les stocks de poissons grands migrateurs qui traversent dans les zones économiques exclusives de nombreux États ainsi que dans la haute mer. La liberté de pêche en haute mer est fondée sur l'obligation de coopérer.

Au cours de la dernière décennie, un certain nombre d'accords en matière de pêche ont vu le jour. Le principal est l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs. Cet accord confère un sentiment de triomphe à la diplomatie canadienne. Nous avons inspiré l'élaboration de l'Accord lorsque nous avons réussi à faire inscrire au programme de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, qui a eu lieu à Rio de Janeiro en 1992, la question de la nécessité pour l'Assemblée générale d'étudier la question des stocks chevauchants. Il s'agit de la même conférence qui a inspiré la création de la Convention-cadre sur les changements climatiques et de la Convention sur la diversité biologique. Ce sont là les trois principales ententes internationales qui sont nées de la conférence de Rio.

Nous avons collaboré avec un groupe d'autres États non seulement pour arriver à faire inscrire le sujet au programme de la conférence, mais pour élaborer une convention internationale portant précisément sur les stocks chevauchants, qui, chez nous, chevauchent la limite de 200 milles au large de la côte Est.

Cet accord donne davantage de détails sur l'obligation qu'ont les États de gérer conjointement les stocks de poissons chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs en haute mer. Le titre complet de l'accord sur les stocks de poissons met en évidence le lien qui existe avec la Convention sur le droit de la mer, c'est-à-dire l'Accord aux fins de l'Application des dispositions de la Convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs.

L'élément important de ce long titre est l'application des dispositions de la Convention. Autrement dit, la Convention n'est pas statique. Elle l'est dans le sens que les limites sont bien établies — soit la mer territoriale de 12 milles, la zone économique exclusive de 200 milles et le plateau continental. Toutefois, il est possible d'élargir certaines des dispositions par l'entremise d'un accord international concernant une situation particulière, comme celui sur les stocks chevauchants.

Les dispositions de la Convention n'avaient pas été jugées convenables par le Canada. Nous avons tenté pendant 10 ans de faire renforcer les dispositions sur les stocks chevauchants et d'en faire accroître l'efficacité, mais nous n'avons pas réussi complètement. Au terme des négociations en 1982, nous avons entrepris d'élaborer en collaboration avec d'autres États le fondement d'un régime international de gestion des stocks chevauchants. Le résultat est l'accord de 1995.

L'Accord est entré en vigueur il y a un an. À l'heure actuelle, 32 pays l'ont ratifié. Comme je l'ai mentionné, le Canada a été l'un des meneurs lors des négociations relatives à l'Accord. Il l'a ratifié en 1999. Parmi les autres accords internationaux sur les pêches, on compte l'Accord de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, le Code de conduite de la FAO et le Plan d'action international sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

L'Accord de la FAO fait état de certaines obligations qu'a l'État du pavillon envers ses navires de pêche. Il prévoit l'échange de renseignements entre les États et exige une coopération internationale. Ses dispositions ne sont pas aussi détaillées ni aussi rigoureuses que celles de l'accord sur les stocks chevauchants. Le code de conduite constitue un ensemble de lignes directrices non contraignantes à propos de sujets allant des opérations liées à la pêche à l'aquaculture en passant par les pratiques suivant la capture. Enfin, le Plan d'action est un document non contraignant qui offre aux États des mesures qu'elles peuvent prendre pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Il dresse la liste des responsabilités de l'État du pavillon, de l'État du port, des agences régionales de gestion des pêches et de l'État du marché. Il constitue en majeure partie une compilation des responsabilités énoncées dans d'autres documents.

En novembre, j'ai dirigé une délégation canadienne à une conférence sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée qui s'est tenue à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. Il est clair que l'Espagne et d'autres pays de pêche souhaitent collaborer avec des États côtiers comme le Canada dans la lutte contre ce type de pêche. La déclaration de la conférence stipule que cette pêche est causée par un certain nombre de facteurs, dont l'absence d'un contrôle efficace des navires de pêche de la part de l'État du pavillon — ce que le Canada fait valoir depuis des années. Il a été reconnu que ce type de pêche fait du tort à l'industrie de la pêche qui respecte des règles juridiques.

Outre ces accords internationaux, il existe aussi un réseau d'agences régionales de gestion des pêches dont le mandat est de gérer les stocks en haute mer. Certaines de ces agences, comme l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord- Ouest, sont certes bien connues des membres du comité, tout comme la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. Une nouvelle agence, qui n'a toutefois pas encore commencé ses activités, a été créée. Il s'agit de la Western and Central Pacific Fisheries Commission.

Dans l'accord sur les stocks de poissons, les États sont encouragés à collaborer entre eux par l'entremise des agences régionales de gestion des pêches ou d'autres accords afin d'assurer la conservation et la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs. Cela est important et se compare au fait qu'au Canada certains pouvoirs sont attribués aux provinces tandis que d'autres sont conférés au gouvernement fédéral. Les provinces connaissent la situation locale et elles sont en mesure d'y faire face. Il en va de même pour les agences régionales de gestion des pêches. Les règles qui s'appliquent au Pacifique Sud ne doivent pas nécessairement être identiques à celles visant l'Atlantique Nord. Cependant, l'accord sur les stocks de poissons comporte des règles de base à appliquer. J'en décrirai un certain nombre sous peu. Les règles concernent des questions comme les inspections et l'embarquement à bord de navires soupçonnés de violer les règles établies par les agences régionales de gestion des pêches.

Même s'il existe des différences entre les dispositions et la dynamique, beaucoup d'agences régionales de gestion des pêches partagent des éléments communs. Leurs membres reçoivent des avis scientifiques concernant les stocks de poisson et fixent le total autorisé des captures (TAC) pour chacun d'entre eux. Ils prennent également des mesures de conservation ayant trait notamment à la dimension des engins de pêche, à la durée d'interdiction de pêche et aux zones visées. L'application des mesures de conservation des agences régionales de gestion des pêches relève généralement de l'État du pavillon. L'exception, à ce chapitre, concerne l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO), qui a instauré un régime international d'abordage et d'inspection des navires. Dans les agences régionales de gestion des pêches, les décisions sont généralement prises par consensus ou par une combinaison de décisions majoritaires et de recours à une procédure d'opposition. Cette dernière permet à un État de se soustraire à l'application d'une mesure dictée par une agence régionale de gestion des pêches. Habituellement, ces agences n'appliquent pas de dispositions ayant force obligatoire en matière de règlement des différends.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), l'Entente des Nations Unies sur les pêches (ENUP), l'Accord de conformité, le Code de conduite et le Plan d'action international sur la pêche illégale, non réglementée et non déclarée, ainsi que les ententes bilatérales et des agences régionales de gestion des pêches forment le régime juridique international qu'observent le Canada et d'autres États.

J'aimerais maintenant répondre à un certain nombre de questions qui intéressent les membres du comité. Le premier point touche la ratification de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer par le Canada.

Notre pays s'est engagé à ratifier cette Convention. La seule question en suspens faisant l'objet de discussions concerne le délai. Ce retard tient à des problèmes entourant les dispositions relatives à l'exploitation minière dans les grands fonds marins. Beaucoup d'États partageaient nos inquiétudes, lesquelles ont été dissipées grâce à l'adoption d'un accord d'exécution par l'Assemblée générale des Nations Unies, en 1994. Ceci a permis à de nombreux pays occidentaux de ratifier la Convention.

Le retard pris par le Canada dans la ratification de cette Convention est également attribuable à un désaccord sur la question de la pêche et au souci de veiller à ce que les principaux États pratiquant la pêche au large des côtes canadiennes aient signé l'Entente des Nations Unies sur les pêches. Je fais particulièrement référence aux pays de l'Union européenne. Cette dernière s'est engagée publiquement à ratifier l'Entente des Nations Unies sur les pêches et a annoncé son intention de l'entériner «en bloc» — autrement dit, de déposer les instruments de la ratification de l'Union européenne et des 15 États membres simultanément. D'après ce que nous avons compris, tous les États membres, à l'exception de l'Irlande et de la Grèce, ont achevé leur processus interne et sont maintenant prêts à ratifier l'Entente. Les processus de ratification internes de l'Irlande et de la Grèce sont en cours. Je crois savoir que l'Union européenne signera la Convention d'ici au mois de juin de l'année prochaine.

Bien évidemment, il faudra tenir compte d'autres intérêts du Canada en vertu de l'UNCLOS. La délimitation de la plate-forme continentale canadienne est l'une des principales considérations à examiner puisque nous avons l'une des plus grandes plates-formes continentales du monde. La Commission des limites du plateau continental créée par l'UNCLOS s'est réunie plus tôt cette année pour étudier la proposition de la Fédération de Russie de fixer la limite extérieure du plateau continental dans l'Arctique. C'était la première fois que cet organisme recevait une demande. On s'attend à ce qu'il en traite d'autres prochainement. L'ambassadeur du Brésil aux Nations Unies a d'ailleurs annoncé que son pays en déposerait une bientôt. Le Canada ne peut devenir membre de cette Commission que s'il ratifie la Convention.

J'aimerais discuter de la proposition formulée par différents milieux, qui figure d'ailleurs dans le Dixième rapport du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre, selon laquelle le Canada devrait assumer un droit de garde sur le nez et la queue du Grand banc et le Bonnet flamand. Ce droit de garde serait considéré comme un élargissement de la compétence du Canada en la matière. Comme le révèle la réponse du gouvernement au rapport du comité permanent, il n'est pas dans l'intérêt du Canada de procéder à un élargissement unilatéral de la compétence. On n'y est pas du tout favorable. Le régime juridique établi par l'UNCLOS et que je vous ai décrit un peu plus tôt est pratiquement universellement accepté et respecté.

La Convention a été ratifiée par 141 pays — en fait, trois États sont venus grossir cette longue liste au cours des deux derniers jours, à l'occasion des événements commémoratifs célébrés à New York. Le Pérou et l'Équateur, qui avaient exprimé des réserves au sujet de la question de la pêche au large des côtes de l'Amérique du Sud ont également manifesté leur désir de ratifier la Convention. C'est ce qu'ils feront en 2003.

Certaines des dispositions de la Convention des Nations Unies, dont celles concernant la zone économique exclusive des 200 milles marins, relèvent de ce que l'on appelle le droit international coutumier, que doivent respecter des pays comme le Canada, même si celui-ci n'a pas encore ratifié l'UNCLOS. Tous les principaux États, à l'exception des États-Unis et du Danemark, en font déjà partie. Le Danemark, qui est le dernier État membre de l'Union européenne à ne pas en faire partie, a indiqué qu'il ratifierait la Convention d'ici juin 2003. Ainsi, l'élargissement unilatéral de la compétence entraînerait une rupture des relations du Canada — tant sur le plan des pêches qu'à d'autres chapitres — avec beaucoup de pays, dont des puissances maritimes et des États pratiquant la pêche hauturière.

Pendant les négociations entourant l'UNCLOS, le Canada a exercé beaucoup de pressions afin que les pays côtiers aient la compétence pour gérer les stocks chevauchants et a milité en faveur de l'instauration de mesures draconiennes de conservation des ressources halieutiques. Ces efforts ont pratiquement été vains, mais ont permis au Canada de négocier, par la suite, l'Entente des Nations Unies sur les pêches. L'UNCLOS est un équilibre délicat d'intérêts atteint au prix d'intenses négociations qui ont duré 10 ans. Personne n'a envie, aujourd'hui, de revoir le contenu du texte. En outre, le fait que le Canada ne soit pas signataire de l'UNCLOS le place dans une situation difficile pour demander des modifications à la Convention.

Permettez-moi d'en résumer les principaux points. Premièrement, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 définit le cadre de gouvernance des océans, dont les obligations générales liées à la conservation et à la gestion des stocks de poissons.

Deuxièmement, les dispositions relatives aux pêches dans la Convention ont été élaborées à partir de l'Entente des Nations Unies sur les pêches de 1995 qui confère d'importantes responsabilités aux États du pavillon et donne la possibilité à des tiers d'aborder et d'inspecter des bateaux.

Troisièmement, l'Accord de conformité, le Code de conduite et le Plan d'action international sur la pêche IUU de la FAO sont autant d'instruments mondiaux de gestion des pêches.

Quatrièmement, les États collaborent à la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons hautement migrateurs par l'intermédiaire d'agences régionales de gestion des pêches, comme l'OPANO.

Cinquièmement, le Canada a joué un rôle déterminant dans l'établissement de ce réseau sur les pêches et les océans et il continuera de contribuer à son amélioration.

J'espère que cet aperçu du cadre juridique des océans vous aura paru utile. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie pour votre exposé. Il s'est avéré extrêmement utile étant donné que nous ne connaissions encore rien à la question. En outre, il nous a beaucoup aidés à nous familiariser avec les différents acronymes. Je suis certain que nous nous référerons souvent à vos documents dans l'avenir.

Le sénateur Cook: Je suis originaire de Terre-Neuve. Je suis certain que vous êtes au courant de la crise qui secoue le secteur des pêches dans ma province. Certains soutiennent que si nous pouvions aller au-delà de la limite des 200 milles marins, tous nos problèmes seraient résolus et qu'il y aurait assez de poisson pour tout le monde. Je pense que les gens veulent perpétuer ce mythe et espèrent que c'est une réalité. D'autres prétendent que la clé réside dans le droit de garde sur les pêches. Mais le plus prudent serait que nous travaillions au sein de l'OPANO.

J'aimerais vous poser deux questions. La première concerne l'infrastructure nécessaire pour assumer la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons hautement migrateurs dans le nez et la queue du Grand Banc et du Bonnet flamand. J'ai examiné le tableau que vous nous avez remis et j'ai remarqué que l'Accord de conformité que nous avons signé en 1994 n'est toujours pas en vigueur. Quand pourrons-nous faire quelque chose? Il semble que tout soit en place, mais que personne ne veuille agir. Lorsque je reviens chez moi, les gens disent: «Si seulement ces lieux de pêche étaient dans le nez et la queue du Grand Banc, tous nos problèmes seraient résolus». Ce n'est pas réaliste, mais nous pouvons toujours rêver.

M. Hage: Je suis d'accord avec vous pour dire que ce n'est pas réaliste, et c'est d'ailleurs ce qu'a répondu le gouvernement aux propositions du comité de la Chambre. Ce dernier avait recommandé non seulement l'élargissement des compétences, mais en plus le retrait du Canada de l'OPANO. Je crois que M. Chamut avait fait remarquer, dans son témoignage devant ce comité, qu'il n'y aurait pas de coopération internationale en matière de contrôle des stocks chevauchants. Le Canada devrait fixer les TAC et les faire appliquer. C'est ce que l'on remet en question, comme vous l'avez mentionné.

Nous devrions aussi nous confronter constamment à d'autres pays qui pêchent maintenant dans la région et qui s'opposeraient à l'élargissement de la compétence du Canada. Ainsi, au lieu de nous acquitter de notre mandat de conservation et de gestion des stocks, nous devrions passer notre temps à régler les petites escarmouches — en espérant que cela n'aille pas plus loin — avec les navires des États qui pêchent dans le secteur, dont ceux des États-Unis et de l'Union européenne, entre autres. Je ne vois pas comment nous pourrions nous occuper de la conservation des poissons dans ces circonstances.

Par ailleurs, nous avons maintenant signé l'ENUP, ce dont le Canada peut être très fier, comme je vous l'ai dit. Nous avons pris l'initiative de faire inscrire cette conférence au programme des Nations Unies grâce à la Conférence de Rio. Nous avons réussi à nous entendre sur une convention assez détaillée qui prévoit des dispositions de règlement des différends. Ces dispositions et la convention elle-même se fondent sur le régime établi par l'UNCLOS, c'est-à-dire la zone économique exclusive et la coopération entre les États du pavillon et les États côtiers sur la gestion des stocks chevauchants.

La première chose qui arriverait est que nous serions pris à partie par l'un ou l'autre des signataires de l'ENUP. Il ne fait aucun doute que nous perdrions dans un cas comme celui-là car nous contesterions la limite des 200 milles marins, un élément faisant partie du droit international coutumier. Le plus prudent serait de nous retirer de cette convention si nous avons l'intention de prendre des mesures pour étendre la compétence canadienne au-delà de la limite des 200 milles. Une telle mesure aurait pour effet de compromettre l'objectif même que nous avons atteint en faisant accepter cette convention par la communauté internationale.

Comme l'a fait remarquer M. Chamut, la voie que nous suivons est tracée par l'OPANO. Comme il l'a si bien dit, l'OPANO n'est pas la même qu'au début des années 80 ou 90. Elle est bien meilleure maintenant. Il a mis l'accent sur quelques-uns des problèmes auxquels fait face l'organisation, mais il a également rappelé que le Canada et d'autres États s'efforçaient de les régler.

Cela fait longtemps déjà que nous attendons que l'Union européenne, qui compte 15 États membres, ratifie l'ENUP. Chaque Parlement national a examiné la convention et revu les régimes législatifs requis selon leurs pratiques. Si tout va bien, l'Union européenne devrait ratifier l'ENUP d'ici au mois de juin de l'an prochain. Nous disposerons alors de cet autre instrument, dont seront signataires les membres de l'Union européenne, pour lutter en faveur de la conservation et de la gestion des espèces chevauchantes.

Le sénateur Cook: D'après le peu que je sais sur la question, il me semble que l'on procède par consensus. Par ailleurs, certains disent qu'en raison du manque de ressources halieutiques, il y a davantage de confrontation que de consensus. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Hage: L'OPANO se fonde à la fois sur les consensus et sur les votes. Étant donné que Mme Saunders a participé de manière régulière aux réunions de l'OPANO, elle connaît le processus de vote utilisé pour déterminer le TAC.

Le Canada favorise les approches multilatérales. L'histoire de notre diplomatie a prouvé que ce type d'approche avait généralement porté fruits. Lorsque nous avons entamé les négociations entourant la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, avant que je ne commence à m'occuper de la question, il n'y avait aucune garantie que l'on s'entendrait sur la limite des 200 milles marins. Prenait part aux négociations un groupe d'États que l'on appelle les États sans littoral et géographiquement désavantagés. Il y avait un nombre impressionnant de pays ayant peu ou pas de littoral. Tout ce qu'ils voyaient c'est que les États côtiers ne faisaient qu'appauvrir ce qu'ils considéraient comme étant l'héritage commun de l'humanité. C'était un autre groupe qui luttait contre les États côtiers.

Au cours des négociations, c'est l'opinion des États côtiers qui a prévalu. Ces derniers ont obtenu ce qu'ils voulaient en ce qui concerne la zone territoriale des 12 milles et la zone économique exclusive des 200 milles marins, qui fait maintenant partie du droit coutumier international. Les pays qui, comme le Canada, ont une plate-forme continentale étendue, ont obtenu l'accès aux ressources minières gisant au large de leurs côtes ainsi qu'aux espèces sédentaires vivant sur le plateau continental.

Nous partageons les inquiétudes de Terre-Neuve au sujet de la pêche et de la bonne gestion des ressources halieutiques. Terre-Neuve a également accès à cette immense plate-forme continentale et aux ressources minières qu'elle renferme. Au cours des négociations, il n'est devenu clair qu'à la toute fin que les États côtiers pourraient obtenir gain de cause quant aux limites, lesquelles ont finalement été fixées dans la convention.

En diplomatie, tout est question d'équilibre.

Le sénateur Cook: On m'a dit que le Canada et l'Espagne ont des observateurs sur leurs propres navires de pêche. Est-ce vrai? Cela me semble insensé qu'un pays se surveille lui-même.

Mme Allison Saunders, Section du droit des océans, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Le Canada a effectivement ses propres observateurs. D'autres pays, comme la Norvège, font également appel aux observateurs canadiens. Au sein de l'Union européenne, la Commission européenne a passé un contrat avec une société qui lui assure les services d'observateurs. Il n'est pas nécessaire que ceux-ci soient ressortissants des pays auxquels appartiennent les navires. Ils sont tous citoyens européens, mais pas assignés à un pays en particulier.

Le sénateur Cook: Il me semble bien, et corrigez-moi si je me trompe, qu'il y a un observateur par navire. Étant donné que ces navires pêchent 24 heures sur 24, comment peut-on savoir ce qui se passe sur le pont lorsque l'observateur dort dans sa cabine?

M. Hage: M. Chamut a déjà répondu à cette question. Ce n'est pas un régime parfait, mais c'est certainement mieux que de n'avoir personne à bord.

Nous voudrions appliquer un régime plus rigoureux aux observateurs, en insistant surtout sur la nécessité de produire régulièrement des rapports. Malheureusement, certains membres de l'OPANO ne respectent pas cette condition. C'est un problème qu'il faut régler au sein de l'OPANO. Nous payons ces observateurs, tout comme les Européens, et ils doivent fournir leurs rapports au bon moment. Nous voudrions que ces rapports soient transmis par voie électronique de façon à ce que l'État du pavillon et l'OPANO puissent les obtenir en temps opportun.

Le sénateur Cook: Ces rapports n'ont pas force exécutoire, n'est-ce pas?

M. Hage: Au Canada, tout comme dans d'autres juridictions, les rapports des observateurs ne peuvent être considérés comme des preuves devant les tribunaux, autant que je sache. Ils peuvent toutefois donner lieu à des inspections. Celles-ci sont effectuées lorsqu'on constate des infractions, soit en mer, soit au port. Il peut aussi y avoir des poursuites. Ce système d'observateurs peut provoquer d'autres situations. Nous considérons qu'il s'agit d'un instrument efficace dans les zones de réglementation de l'OPANO. Il n'en demeure pas moins que nous pourrions l'améliorer; cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Mahovlich: Il me semble que nous nous sommes joints à toutes sortes d'organisations différentes et je me demande jusqu'à quel point cela nous est profitable. J'ai l'impression que certains des témoins qui ont comparu devant nous sont frustrés et que rien ne marche comme on le voudrait puisque les stocks de morue sont épuisés. Faisons-nous bien ce qu'il faut?

M. Hage: Ce n'est pas à moi qu'il faut demander pourquoi la morue a disparu. Les fonctionnaires du ministère des Pêches sont venus vous parler de plusieurs de ces problèmes.

La principale organisation se trouvant sur la côte Est de notre pays est l'OPANO. Celle-ci est un peu une création canadienne. Au fil des ans, elle nous a bien servi, même si tout n'a pas été parfait. Comme l'a déclaré M. Chamut, c'est une organisation meilleure aujourd'hui qu'il y a dix ans. Le fait d'avoir des observateurs à bord des navires et d'utiliser des systèmes de repérage par satellite est un moyen plutôt efficace de suivre l'évolution des stocks de poissons.

Je ne crois pas qu'il faille blâmer l'OPANO pour la disparition des stocks de poisson de fond. Il y a toute une série de raisons différentes à cela.

Le sénateur Mahovlich: Avez-vous d'autres idées à nous proposer? Peut-être devrions-nous commencer à financer des scientifiques pour qu'ils fassent des recherches sur les causes de tout ceci et suivre leurs recommandations. Pensez- vous que cela nous aiderait à résoudre le problème?

M. Hage: L'OPANO suit déjà les conseils des scientifiques. Elle n'applique pourtant pas toujours leurs consignes à la lettre, comme c'était le cas à sa dernière réunion, durant laquelle l'Union européenne avait voté sur un TAC de flétans du Groenland qui ne semblait pas avoir été approuvé par les scientifiques. De manière générale, l'OPANO suit quand même les recommandations de ces derniers. Alors que la morue tend à disparaître, les stocks de crevettes augmentent.

L'élargissement unilatéral de la compétence n'est pas le meilleur moyen d'assurer la reconstitution des stocks de poissons. Le mieux est de travailler avec d'autres pays, de recourir à la science, d'utiliser les meilleures méthodes de conservation qui soient et d'avoir les mêmes règles pour tous. Ces règles figurent dans l'entente de 1975 sur les stocks chevauchants. Elles permettent notamment au Canada de pratiquer l'abordage en pleine mer, ce qui constitue une avancée majeure puisque les États côtiers peuvent monter à bord des navires d'autres pays membres pour y effectuer des inspections.

Le sénateur Mahovlich: L'Islande a adopté une formule gagnante. Elle n'est pas membre de l'Union européenne et n'entend pas le devenir. S'occupe-t-elle de la surveillance des zones sous sa compétence? Comment s'arrange-t-elle pour garder éloignés les navires des autres pays?

M. Hage: L'Islande et le Canada ont tous deux une zone économique exclusive de 200 milles marins. Je crois que nous permettons encore que des navires étrangers pêchent de manière limitée dans cette zone, mais vous devriez le vérifier auprès des représentants du ministère des Pêches. Je sais que par le passé, nous avons autorisé des navires étrangers sous licence canadienne à pêcher dans la zone des 200 milles marins. Il semble que ce ne soit plus le cas aujourd'hui. D'après ce que je sais, l'Islande a des droits exclusifs sur sa zone des 200 milles et elle ne permet pas aux navires étrangers de venir y pêcher.

Peut-être que les représentants du ministère des pêches islandais pourraient vous dire comment ils s'y prennent pour gérer ce régime particulier qui semble bien fonctionner, d'après ce que j'ai compris. Je n'en sais pas plus sur leur façon de gérer les stocks de poissons. Je ne peux donc vous donner davantage de détails à ce sujet et je crains de ne pouvoir être en mesure de répondre à votre question.

Le sénateur Mahovlich: Nous devrions nous informer.

M. Hage: L'Islande est membre de l'OPANO et elle y joue un rôle important. C'est d'ailleurs le premier pays occidental à avoir signé la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Elle s'est également dotée d'instruments internationaux, tout comme le Canada. Ce pays nous a aidés dans les négociations entourant le régime applicable aux stocks chevauchants dans le cadre de l'ENUP. Il adhère aux mêmes instruments que le Canada, à l'exception de la Convention sur le droit de la mer qu'il n'a pas encore signée. Je crois que pour en savoir plus sur la gestion de sa zone et les raisons de sa réussite, le mieux serait de s'adresser directement aux Islandais.

Le sénateur Mahovlich: Effectivement, car je considère qu'ils ont atteint un équilibre harmonieux.

Le président: Il pourrait être intéressant d'y donner suite.

Le sénateur Phalen: Je partage les frustrations que ressent le sénateur Mahovlich. Cela fait longtemps que nous suivons cette discussion, ainsi que les échanges au sujet de la limite des 200 milles marins. Cela ne semble mener nulle part. Je comprends l'insatisfaction de ceux qui négocient pour le compte du Canada à l'OPANO ou ailleurs.

Je ne sais pas comment tout cela finira. Si nous disons que nous ne pouvons étendre nos compétences de manière unilatérale et que nous devons négocier avec l'OPANO, ma question est la suivante: les stocks de poissons se trouvant dans le Bonnet flamand sont-ils pêchés par des navires canadiens?

Mme Saunders: Je crois qu'une partie l'est, mais vous devriez poser cette question au ministère des Pêches et des Océans.

Le sénateur Phalen: Ma prochaine question recevrait probablement la même réponse. Quelle est la taille des stocks dans le Bonnet flamand, au Canada?

M. Hage: C'est le ministère des Pêches qui est le mieux à même de vous répondre.

Le sénateur Phalen: Croyez-vous que la convention de l'OPANO peut être modifiée ou l'a-t-elle jamais été?

Mme Saunders: J'hésite toujours à dire «jamais». Toutefois, je crois qu'elle n'a pas été amendée. Si elle peut l'être? Bien sûr, c'est légalement faisable. Quant à savoir si c'est possible, d'un point de vue pratique, je ne peux le dire. Les signataires sont souvent réticents à se lancer dans une entreprise qui pourrait leur prendre énormément de temps et leur exiger beaucoup d'efforts.

Le sénateur Phalen: C'est de là que vient toute la frustration. Ma question est la suivante: sommes-nous prêts à appuyer les ententes multilatérales jusqu'au point de sacrifier nos stocks de poissons?

M. Hage: La question est de savoir pourquoi ces stocks de poissons ont disparu. Les réponses sont diverses. Vous pourriez inviter des représentants du ministère des Pêches et des Océans pour examiner avec eux quelques-unes des raisons à l'origine de cette situation. Je ne crois pas qu'il soit juste de blâmer l'OPANO pour la disparition des stocks de poissons, même si je comprends très bien votre frustration. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit juste de rejeter la faute sur une organisation internationale ou multilatérale.

Nous faisons de notre mieux pour améliorer ces organisations. Comme je l'ai dit, l'ENUP est un moyen permettant de résoudre certains de ces problèmes, particulièrement au chapitre de la résolution des différends. Contrairement à l'OPANO, l'ENUP a établi un mécanisme de règlement des différends. Une fois que l'Union européenne aura signé cette entente, on pourra se servir de ce mécanisme pour régler des différends. Toutefois, je ne pense pas que l'OPANO pourra faire quelque chose pour la reconstitution des stocks de poissons qui ont disparu.

Le sénateur Phalen: Si j'ai bien compris la question des stocks chevauchants, les poissons vont au-delà de la limite des 200 miles marins et sont pêchés dans les eaux internationales. Le Canada n'a aucun moyen de protéger ces poissons.

M. Hage: Non, à moins que la pêche ne soit interdite à cet endroit, comme je l'ai indiqué un peu plus tôt. La plupart de ces poissons sont pêchés en vertu du TAC fixé par les membres de l'OPANO. Il y a des observateurs sur les navires, ainsi que des patrouilleurs maritimes. Il existe toute une série de mécanismes en place pour essayer d'empêcher la surpêche et faire respecter les règles de l'OPANO. Comme je vous l'ai dit, cette organisation n'est pas parfaite. Nous voudrions évidemment y faire quelques-uns des changements dont vous a parlé M. Chamut lorsqu'il a comparu devant votre comité en novembre.

Si je puis me permettre, je vous conseillerais de ne pas vous débarrasser des agences régionales de gestion des pêches. Elles sont utilisées non seulement au Canada, mais dans le reste du monde. Nous avons des problèmes avec les stocks de poissons au large de nos côtes. C'est un phénomène mondial aux causes multiples. Je ne sais pas si cela tient à la déclaration relative à la limite des 200 milles marins, à la surpêche dans ces régions ou encore au fait que les États qui pêchent en haute mer utilisent des navires trop grands. Je n'en connais pas la raison fondamentale. Mais ce problème n'est pas exclusif au Canada; d'autres pays y sont confrontés.

C'est la raison pour laquelle il est intéressant de voir comment l'Espagne, par exemple, un pays avec lequel nous avons eu des différends par le passé, organise maintenant des conférences sur la pêche illégale. Elle se rend compte — et c'est un grand consommateur de poisson — que les stocks commencent à diminuer et que les prix sont déstabilisés à cause de la pêche illégale qui nuit grandement au marché du poisson pêché légalement. Je crois qu'il nous incombe de trouver, avec l'aide d'autres pays, la solution à ce problème.

Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous nous parler un peu plus de la coopération internationale et plus particulièrement des compromis réalisés?

Quelle assurance avez-vous que l'Espagne est intéressée à collaborer pour lutter contre les problèmes que nous vivons au Canada?

J'aimerais que vous nous parliez du processus d'inspection et de l'abordage des navires soupçonnés de pratiquer la pêche illégale. D'après les informations dont je dispose, les capitaines de ces bateaux sont prévenus un jour à l'avance de l'arrivée des inspecteurs.

Ma dernière question porte sur l'incidence des instruments relatifs aux pêches sur le rôle des États du pavillon. J'aimerais vous relater un incident particulier.

En février dernier, le chalutier russe Olga avait refusé d'accorder aux inspecteurs canadiens la permission de monter à son bord alors qu'il se trouvait dans les eaux au large de la côte Est canadienne. Un mois plus tard, ce navire avait accosté dans la baie de la Conception, au sud de Terre-Neuve. Lorsque les inspecteurs ont finalement réussi à monter à son bord, ils ont trouvé 49 tonnes de morue pêchée illégalement. D'après ce que l'on nous a dit la semaine dernière, certaines de ces morues, qui se retrouvent dans les assiettes des consommateurs européens, ne mesurent pas plus de un ou deux pouces de long.

Le bateau a fini par quitter Terre-Neuve sans que des accusations ne soient portées et avec toute sa cargaison de morues capturées illégalement. À ce moment-là, on a dit que le Canada était essentiellement impuissant du fait qu'en vertu des règles de l'OPANO, seul l'État du pavillon peut porter des accusations.

Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette situation, s'il vous plaît?

M. Hage: Votre première question est souvent posée par les diplomates: Quels marchés avez-vous conclus?

Le sénateur Cochrane: J'ai dit compromis.

M. Hage: Faites-vous allusion à une situation particulière.

Le sénateur Cochrane: La semaine dernière, un de nos témoins nous a parlé de certaines situations particulières.

M. Hage: Je ne suis pas sûr de connaître ces situations. Je ne peux parler qu'en termes généraux.

Si vous demandez à quelqu'un des Affaires étrangères qui a de l'expérience de la négociation: «Avez-vous fait des concessions au cours de la négociation?», la réponse sera oui. Je parle en termes généraux, et non pas uniquement dans le cas de la pêche. Personnellement, je n'ai jamais vu une négociation internationale dans laquelle vous obtenez tout ce que vous voulez, parce que quelqu'un, de l'autre côté, veut quelque chose aussi. Il y a toujours une certaine forme de compromis.

Si, à la fin de la négociation, les compromis vous semblent inacceptables et que vous avez dû faire trop de concessions dans votre esprit, dans l'esprit de vos supérieurs, dans l'esprit du Parlement ou dans l'esprit du gouvernement, alors, vous ne signez pas l'entente ou vous signifiez votre désaccord.

J'ignore ce que le témoin a pu vous dire la semaine dernière au sujet des compromis, mais il y en a dans les négociations internationales. Si quelqu'un pense que le ministère des Affaires étrangères ou tout autre ministère a trop cédé, j'ai du mal à voir comment nous aurions pu signer et ratifier cette entente parce que, je pense, la réaction aurait été plutôt vive.

Le sénateur Cochrane: La semaine dernière, on a parlé d'une entente par laquelle une usine de construction automobile serait implantée au Canada en échange d'un contingent de pêche dans les Grands Bancs pour la Corée.

M. Hage: Je ne peux faire de commentaires, car j'ignore tout de cette affaire.

Le Canada est un grand pays commercial. Nous dépendons beaucoup du commerce. De façon générale, l'approche adoptée consiste à ne pas lier les différents dossiers. Je n'ai jamais eu vent d'un échange portant sur usine de construction automobile contre un contingent de pêche. Franchement, cela me surprendrait, mais je ne sais rien à ce sujet.

La deuxième question que vous avez posée porte sur les indications que nous avons que l'Espagne fait maintenant preuve d'une plus grande collaboration. Je pense à une conférence récente. Je ne suis pas ici pour défendre la loi ni les pratiques espagnoles — d'autres ayant plus d'expertise dans ce domaine pourraient le faire.

Récemment, l'Espagne a adopté deux lois ayant trait à la pêche étrangère et au comportement de ses propres bateaux de pêche. En mars 2000, elle a adopté une loi qui fixe des peines assez sévères pour les bateaux pratiquant une pêche illicite. Cette loi a été suivie, le 30 novembre, par un décret royal sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, qui fixe les peines prévues dans la loi de mars 2000 comme base pour punir les capitaines et les navires accusés de ce type de pêche.

Le printemps dernier, l'Espagne a été informée qu'un bateau de pêche avait été pris avec du flétan noir, je pense, capturé illégalement au début de son voyage de pêche en direction de la zone réglementée par l'OPANO. L'Espagne a ordonné au navire de cesser immédiatement sa pêche et de revenir dans un port d'Espagne pour inspection et des poursuites en justice ont été intentées. Je fais ici appel à ma mémoire. Je n'ai pas le nom du navire, mais les autorités espagnoles voulaient que le Canada sache quelles mesures elles avaient prises dans ce cas particulier, et que l'Espagne ne tolérerait pas ce genre d'activité illicite.

Je ne dis pas que tous les bateaux de pêche espagnols sont traités de cette manière ni que tous les bateaux de tous les autres pays qui pêchent dans la zone réglementée par l'OPANO sont traités avec sévérité par l'État du pavillon. Hôte de cette conférence à Santiago, l'Espagne voulait démontrer son approche face à ces questions particulières. Comme je l'ai mentionné, l'Espagne se considère maintenant victime de cette pêche illicite parce qu'elle sape les efforts de ses propres pêcheurs qui pratiquent une pêche légale et casse les prix du poisson capturé en Espagne.

Le sénateur Cochrane: Bafouer les limites canadiennes ne les inquiétait pas lorsque nous étions en difficulté. Ce n'est qu'une fois qu'ils sont eux-mêmes en difficulté que le problème les préoccupe. N'est-ce pas?

M. Hage: Je suppose que la réponse à cette question, c'est que tout change. Les pays modifient leur position. Peut- être qu'au Canada, sommes-nous un peu plus éclairés qu'ailleurs, dans d'autres parties du monde, sur la façon de réagir dans ce genre de situation.

Pour ce qui est de l'incident du Olga, je vais demander à Mme Saunders de vous en dire plus.

Mme Saunders: J'ai quelques éléments d'information additionnels. L'incident du Olga, qui a été arrêté initialement au Canada pour des raisons de pollution, constitue en réalité un exemple de collaboration entre les membres de l'OPANO. Après son départ du Canada, le bateau s'est rendu en Islande où, à la demande du Canada, il a fait l'objet d'une inspection à quai. Après cela, toujours à la demande du Canada, la Russie qui est l'État du pavillon de ce chalutier particulier a ordonné au bateau de quitter la zone de l'OPANO et lui a retiré son permis de pêche.

Il s'agit d'un exemple de collaboration entre les membres de l'OPANO, comme ce devrait toujours être le cas.

Le sénateur Cochrane: Il pêchait illégalement, non? Il a capturé de la morue illégalement, non?

Mme Saunders: C'est exact. Il a été puni en conséquence par l'État du pavillon, la Russie.

Le sénateur Cochrane: Savons-nous comment ils ont été réprimandés?

Mme Saunders: Le permis de pêche pour la zone réglementée par l'OPANO a été retiré et on leur a été interdit de retourner dans cette zone.

Le sénateur Cochrane: Il s'agit bien du bateau en question?

Mme Saunders: Le bateau Olga, oui.

Le sénateur Cochrane: Depuis cette occasion, avons-nous vu d'autres bateaux de pêche russes dans la zone?

Mme Saunders: Je dirais qu'il est fort probable qu'il y a des bateaux de pêche battant pavillon russe dans la zone réglementée par l'OPANO. Dans le cadre de l'OPANO, on ne doit pas punir tous les bateaux d'une flottille par suite des infractions commises par un bateau de cette flottille. Toutefois, pour ce qui est de savoir quelles étaient les activités exactes des bateaux dans la zone réglementée par l'OPANO, je vous invite encore une fois à poser la question au ministère des Pêches et des Océans.

Le sénateur Hubley: Récemment, le journal The Guardian de Charlottetown a publié un article qui a semé l'émoi dans la communauté des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard. L'article portait sur l'attribution de prises de morues dans le cadre de l'entente Canada-France. Pouvez-vous me montrer sur la carte d'où proviendrait cette morue?

M. Hage: Je ne suis pas sûr. Je n'ai pas vu l'article. Dans l'entente, il n'y aurait pas d'allusion à l'Île-du-Prince- Édouard.

Le sénateur Hubley: Non, ce n'était pas pour l'Île-du-Prince-Édouard. Les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard étaient inquiets à l'idée qu'il puisse y avoir une pêche à la morue qui pourrait avoir des conséquences pour eux. Je ne parle même pas de ce qui arrive à Terre-Neuve.

M. Hage: Il y a un règlement de frontière entre le Canada et la France, traitant de la frontière de Saint Pierre et Miquelon, qui s'appelle «la baguette.» Elle se rend jusqu'à la limite des 200 milles. Il y a également une entente sur la gestion des stocks de poissons qui chevauchent la baguette. Je ne suis pas certain des faits précis relatés dans l'article paru dans le journal de Charlottetown concernant l'entente Canada-France sur cette pêcherie de morues. Encore une fois, il faudrait peut-être poser la question au MPO. Nous pouvons également faire une enquête plus approfondie de notre côté et faire part des résultats de cette enquête au comité.

Je ne suis pas au courant de ce cas particulier.

Le sénateur Hubley: Dans les ententes sur les pêches avec les différents pays, y a-t-il d'autres pays qui ont également la capacité de pêcher dans des eaux à une certaine distance de la côte Est, étant donné que nous savons que Terre- Neuve pourrait faire face à une nouvelle fermeture de la pêche à cause de l'absence des stocks?

M. Hage: Le ministère des Pêches et des Océans gère généralement ces ententes. À ma connaissance, il n'y a pas actuellement de navires étrangers qui pêchent à l'intérieur de la zone des 200 milles. Il ne leur serait permis de pêcher que s'il y avait un surplus dans un stock particulier. Il fut un temps, il y a un certain nombre d'années, où les pêcheurs canadiens n'exploitaient pas tout le stock ou ne s'intéressaient pas à un stock particulier, et les bateaux de pêche étrangers étaient autorisés, moyennant l'obtention d'un permis, à venir exploiter ces stocks particuliers. Mais je ne suis pas au courant de la présence de bateaux de pêche étrangers à l'heure actuelle. Encore une fois, c'est une question que Pêches et Océans Canada pourrait répondre de manière plus sûre.

M. David Ehinger, directeur adjoint, Section du droit des océans, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Il y a une entente Canada-France sur la pêche par laquelle les Français ont certains droits de pêche à l'intérieur de notre zone. Il y a cependant de nombreuses contraintes. Je peux vous dire que lorsque nous avons nos réunions bilatérales avec les Français une fois par année, ils sont habituellement très malheureux lorsqu'ils quittent la table.

L'autre cas important où nous avons des bateaux de pêche étrangers dans notre zone économique exclusive, c'est sur la côte Ouest et cela concerne la pêche au thon blanc; dans ce cas, nous aussi avons le droit de pêcher dans la zone des 200 milles de Américains. Cependant, il s'agit d'un cas très spécifique et d'une pêche très spécifique.

Le sénateur Hubley: Ai-je bien compris que le Canada n'est pas signataire de l'UNCLOS?

M. Hage: C'est exact.

Le sénateur Hubley: Il y a un certain nombre de pays signataires de cette convention qui envisagent de porter la limite actuelle des 200 milles à environ 300 milles. Est-ce exact?

M. Hage: Je ne suis pas au courant. La convention dont j'ai parlé, et dont on a souligné hier le 20e anniversaire, est une convention très exhaustive. On l'appelle la constitution des océans. Elle ne traite pas uniquement de pêche, mais également de plate-forme continentale, de pollution marine, de recherches scientifiques marines et de règlement des différends. Si vous êtes signataire de cette convention, les décisions sont assez claires. Les limites de juridiction sont claires. Elles sont fixées par la convention.

De plus, si vous n'êtes pas signataire de la convention, le droit international coutumier précise que vous êtes lié par des limites; ainsi, les eaux territoriales de 12 milles et la zone économique exclusive de 200 milles sont des limites qui font maintenant partie du droit international coutumier. Toute cour qui aurait à se prononcer — par exemple, la Cour internationale de justice de la Haye — reconnaîtrait ces limites comme étant universellement reconnues. Je ne suis pas au courant qu'un État parle d'étendre sa juridiction au-delà de 200 milles.

Le sénateur Hubley: Y a-t-il quelque chose dans votre dépliant sur la portée de l'UNCLOS? Y a-t-il un article qui permet aux pays de revoir cette question?

M. Hage: L'UNCLOS peut-être modifiée. La convention comporte des dispositions à cet égard. Pendant la période de dix ans qu'ont duré les négociations, ces limites ont été chaudement contestées — pas tant la limite des eaux territoriales que la limite de la zone économique exclusive ou de pêche de 200 milles. À l'heure actuelle, il n'y a pas de volonté de revoir ses limites.

J'ai dit, par exemple, que le Pérou allait ratifier la convention. Le Pérou ne voulait pas d'une zone de pêche de 200 milles, mais d'une limite de ses eaux territoriales de 200 milles, ce qu'il n'a pas obtenu au cours des négociations. En conséquence, il n'a pas signé la convention. Mais ce pays a maintenant changé d'idée. Vingt ans plus tard, son porte- parle aux cérémonies du 20e anniversaire a indiqué que le Pérou reconnaissait maintenant que la zone économique exclusive de 200 milles faisait maintenant partie du droit international coutumier et qu'il était maintenant prêt à ratifier la convention. Le projet de ratification est devant le Parlement.

Il y a un autre exemple de pays qui avait des revendications très poussées à la fin de 1982, qui a renoncé à ses revendications et qui reconnaît maintenant le régime international.

Le sénateur Watt: Au-delà de la limite des 200 milles, je pense qu'il y a une forme de zonage qui s'applique. Il y a un système de numérotation à l'intérieur de cette zone. Lorsqu'une communauté internationale devient acteur dans cette zone et qu'un permis est délivré à un navire international, qu'arrive-t-il si ce bateau pêche la crevette et qu'il sort de cette zone? Qu'arrive-t-il alors? Comment cette question est-elle réglementée?

M. Hage: Pour reprendre votre question, vous demandez ce qui arrive lorsqu'un navire qui pêche au-delà de la limite des 200 milles en haute mer viole les TAC de l'OPANO?

Le sénateur Watt: C'est exact.

M. Hage: La réponse à la question serait que l'État du pavillon poursuivra le bateau à partir de l'information qu'il obtiendra par le biais d'une inspection par l'État du port ou par une inspection en mer. Les poursuites sont la responsabilité de l'État du pavillon.

En vertu de l'Entente des Nations Unies sur les pêches, les signataires reconnaissent qu'un État côtier, comme le Canada, peut demander à ses agents de monter à bord d'un bateau pour l'inspecter et, dans certaines circonstances, ordonner au bateau de se rendre dans un port si l'État du pavillon refuse de répondre à une demande d'inspection. L'ENUP donne à l'État côtier plus de pouvoir dans ce domaine pour garantir le respect des règles de conservation et de gestion.

Le sénateur Watt: Qu'arrive-t-il lorsqu'un incident semblable survient à l'intérieur de la limite des 200 milles? Quelle est la différence entre les instruments internationaux utilisés pour l'application des lois? Quelle est la véritable différence entre ce qui se passe à l'extérieur de la zone de 200 milles et ce qui se passe à l'intérieur de cette zone?

M. Hage: À l'intérieur de la limite des 200 milles, l'État côtier exerce une pleine autorité sur les stocks qui s'y trouvent. C'est lui qui détermine qui a le droit de pêcher dans cette limite de 200 milles.

Le sénateur Watt: Dans ce cas, ce serait le Canada.

M. Hage: C'est exact.

Dans la situation actuelle, que je sache, il n'y a que des bateaux canadiens, et ils sont tous inspectés lorsqu'ils rentrent au port. Nous avons des régimes et des navires pour la mise en application de la loi. Nous avons un avion de patrouille. Les bateaux canadiens sont également surveillés. Si un bateau étranger traverse la limite des 200 milles, ce bateau peut être arrêté.

Le sénateur Watt: La raison de mes questions, c'est que lorsque vous regardez la carte qui est devant nous, il semble y avoir une façon d'entrer à l'intérieur de la zone de 200 milles et d'en sortir. Comment parvenez-vous à surveiller cela?

M. Hage: Je ne veux pas qu'il y ait de confusion au sujet de cette carte. J'ai distribué cette carte uniquement pour montrer quelles sont les limites juridiques de la plate-forme continentale. La limite de 200 milles, qui est indiquée ici sur la carte, est la limite de la zone économique exclusive. Dans un sens, c'est la limite de nos pêcheries. L'autorité du Canada s'applique à l'intérieur de cette limite de 200 milles, dans la mesure où la zone économique exclusive est concernée. Les lignes à l'extérieur sont là pour montrer jusqu'où s'étend notre plate-forme continentale et les différentes lignes qui ont été tracées pour déterminer, en vertu de l'article 76 de la convention, la limite externe de cette plate-forme continentale. Ces lignes ne servent pas à indiquer qu'il y a une zone de pêche, située bien au-delà de la limite des 200 milles, sur laquelle nous pourrions revendiquer l'autorité.

Le sénateur Watt: J'imagine que dans l'entente internationale, on établit une limite sur la quantité de prises ou sur le nombre de navires qui peuvent être actifs à l'intérieur de cette limite de 200 milles.

M. Hage: À l'intérieur de la limite des 200 milles, il appartient au Canada de déterminer quel sera le régime de pêche et combien de bateaux nous désirons surveiller. C'est notre décision. Au-delà de la limite de 200 milles, c'est l'agence régionale de gestion des pêches, de l'OPANO, qui, par le biais de la négociation, fixe le total autorisé des captures pour les différents stocks qu'elle gère. C'est là la différence. À l'intérieur de la zone de 200 milles, c'est le Canada, et au-delà de la zone des 200 milles, c'est l'OPANO.

Le sénateur Watt: Sachant ce qui est arrivé dans la région de Terre-Neuve, où les stocks de morues sur lesquels nous dépendions pendant un certain nombre d'années ont disparu, je m'inquiète au sujet de ce qui arrive en haute mer. Nos activités ont déjà des répercussions très importantes sur la haute mer. Les espèces ne reconnaissent pas les frontières. Et il y a ce rapport. Je suis inquiet que dans l'avenir, il y aura un déplacement graduel de la concentration en haute mer vers la limite des 200 milles, et après la limite des 200 milles, on se rapprochera de plus en plus des régions côtières. Ce que je veux dire, c'est que ce qui est arrivé à Terre-Neuve pourrait également survenir dans l'Extrême-Arctique. C'est la raison de ma question.

Vous avez parlé de compromis dans les négociations et de la capacité de négocier dans le cadre du commerce international. D'un côté, par exemple, nos voisins ne sont parfois pas suffisamment généreux pour nous permettre de faire le commerce de ce que nous avons besoin de vendre et de récolter de la mer. Je fais ici allusion à la Marine Mammal Protection Act. Je suis sûr que vous avez participé à cette loi. Cette loi a pour effet d'empêcher les habitants du Nord de commercialiser les produits du phoque sous quelque forme que ce soit. Pensez-vous qu'il soit possible de rouvrir la discussion?

Le président: Nous n'avons pas le temps d'entreprendre cette discussion.

Le sénateur Watt: C'est important. Nous avons été témoin de ce qui est arrivé dans la région de Terre-Neuve. Les choses s'annoncent semblable pour l'Extrême Arctique. J'aimerais connaître votre opinion sur cette question. Comment allons-nous faire face à cette question? Commençons-nous à envisager la possibilité de réglementer cette partie pour les besoins des Canadiens, pour nos besoins futurs?

M. Hage: Sans entrer dans les détails, le même régime s'applique dans l'Arctique canadien et sur la côte Est ou sur la côte Ouest. En d'autres mots, le Canada a déclaré dans l'Arctique une zone économique exclusive de 200 milles il y a plusieurs années. Nous avons également une plate-forme continentale dans une partie de l'Extrême Arctique qui s'étend au-delà de la limite des 200 milles. Nous avons une frontière entre le Groenland et nous. Vous avez raison de dire qu'il y a plus d'activité de pêche dans cette région qu'il y en avait dans le passé. L'OPANO a établi des TAC pour les zones qui sont situées dans la partie limitrophe de la frontière entre le Canada et le Groenland, ainsi qu'au sud du Groenland. Le régime international, OPANO, est en place dans les zones qui se situent au-delà de la limite des 200 milles.

Nous devons faire attention. Je crois que l'honorable sénateur a raison de dire que nous devons nous assurer que ces stocks qui étaient abondants le demeurent. Au fur et à mesure que les stocks s'épuisent dans d'autres régions, nous devons faire attention à la pêche dans cette région. Encore une fois, il s'agit d'une responsabilité du ministère des Pêches et des Océans, mais tout indique que ce ministère est très conscient des besoins et des enjeux de la pêche dans cette partie du Canada également.

Le même régime que j'ai décrit pour la côte Est et pour la côte Ouest s'applique également à l'Arctique.

Le sénateur Watt: Avez-vous des observations concernant la Marine Animal Protection Act?

M. Hage: J'ai fait un peu de droit commercial, mais je ne suis pas ici pour parler de questions de droit commercial. Si je faisais un commentaire, j'aurais une division complète sur le dos.

Le sénateur Watt: Je sais combien ce sujet est délicat.

Le président: Le sénateur Watt essaie de se faire des alliés du mieux qu'il peut.

Le sénateur Adams: À l'heure actuelle, nous voyons des bateaux russes venir pêcher la plie à grande bouche. Qui prend cette décision, le MPO ou votre ministère?

M. Hage: Je suis désolé, je n'ai pas compris la question.

Le sénateur Adams: Des bateaux russes pêchent la plie à grande bouche. Il y a cette année dans la région du Nunavut, des contingents qui se situent autour de 8 000 tonnes métriques de plies à grande bouche et d'une certaine quantité de crevettes. Les étrangers ne sont pas autorisés à venir dans cette région. Qui prend la décision? Est-ce votre ministère ou est-ce le MPO?

M. Hage: Si c'est à l'intérieur de la zone des 200 milles, il faut alors un permis du MPO.

Le sénateur Adams: Je tiens le renseignement du MPO.

M. Hage: Vous devriez parler à ce ministère.

Le président: Vous avez indiqué que l'OPANO était un meilleur organisme maintenant qu'il y a dix ans. Ma première réaction à cette observation a été de penser qu'il est naturel, comme il y a beaucoup moins de poissons, que cet organisme soit plus facile à faire fonctionner.

M. Ehinger: Avec la disparition des poissons, cet organisme devient plus difficile à gérer, et non pas plus facile.

Le président: Nous pourrions probablement débattre de cette question. S'il y a moins de poisson, il est évident qu'il y a moins d'intérêt pour les zones de l'OPANO. Les gens qui viennent y pêcher maintenant viennent de pays où le salaire hebdomadaire est de 25 $. C'est tout à fait différent de la situation d'il y a dix ans. Il peut être moins intéressant de pêcher dans ces régions et c'est peut-être pourquoi l'organisme s'en porte mieux. Cette suggestion pourrait mener à une discussion intéressante.

Vous pouvez sentir, dans les questions posées par les honorables sénateurs, que beaucoup de gens font état de leurs frustrations au présent comité. Aussi bien la communauté des pêcheurs que l'industrie de la pêche craignent fortement qu'on soit peut-être en train de ravager les stocks sur la côte est du Canada; cependant, les décideurs ne semblent pas partager le même sentiment d'urgence. Nous devrons faire preuve de créativité pour trouver une solution à ce problème.

Certains craignent qu'il n'y ait plus de poisson dans quelques années, auquel cas l'OPANO n'aurait plus de raison d'être: c'est le cri d'alarme que nous lance la population de la région. Par conséquent, nous essayons de trouver une panacée ou une solution magique qui pourrait ne pas exister.

Est-ce que l'UNCLOS a son mot à dire en matière d'habitat du poisson?

M. Hage: L'UNCLOS prend en compte l'habitat du poisson dans le contexte de la menace que fait peser la pollution sur le milieu biologique marin. Elle prévoit des règles générales en matière de pollution.

Le président: J'aimerais que l'on aborde ce sujet sans parler de la pollution. Supposons que nous soyons dans une région visée par l'OPANO et que la pêche à la drague y soit pratiquée dans le fond marin. Je vais vous poser la question qui m'a été posée, je ne suis que le messager.

Le fond marin est dragué et l'habitat des espèces sédentaires, qui appartiennent aux Canadiens, en souffre. Supposons que l'habitat de ces espèces soit endommagé, que les différentes méthodes utilisées par les bateaux détruisent le milieu biologique marin. Ne pourrait-on pas exiger la non-utilisation de ces engins qui détruisent le fond marin?

M. Hage: On m'a déjà posé cette question. Les dragueurs perturbent la faune marine du plancher océanique qui peut servir de nourriture aux stocks de poissons. C'est un argument plutôt curieux. L'UNCLOS ne prévoit aucune disposition en ce qui concerne l'habitat des poissons. Toutefois, si des chalutiers détruisent les espèces sédentaires qui se trouvent dans le fond et qui relèvent de la compétence du Canada, nous pourrions peut-être intervenir.

Je dois aussi ajouter que le Tribunal international du droit de la mer, à Hambourg, fait aussi partie des mécanismes de la Convention. Il a été saisi de onze affaires différentes, dont certains cas d'arraisonnement de navires, l'État du pavillon s'y opposant, bien sûr. Le Tribunal qui sert de tribune à une partie qui se plaint du comportement d'une autre rend des décisions à cet égard. C'est une autre possibilité.

Sans avoir étudié la question, le lien que vous établissez entre les espèces sédentaires et la perturbation de leur habitat par le chalutage me paraît une approche raisonnable.

Le président: Cela nous amène à une autre question: si le Canada affirme que les dragueurs détruisent le plancher océanique, il devrait prêcher par l'exemple, n'est-ce pas? De toute évidence, il faudrait interdire ce genre de bateaux.

M. Hage: La cohérence est toujours une bonne approche à adopter dans le cadre de négociations internationales.

Le président: En octobre, l'institut espagnol de recherche océanographique, à Vigo, a indiqué que la diminution des stocks de morue des Grands bancs et du Bonnet Flamand était attribuable aux changements environnementaux, et non à la surpêche.

Étant donné que c'est ce genre de résultats scientifiques qui sont présentés au gouvernement espagnol, ne risquons- nous pas de connaître d'autres problèmes?

M. Hage: Je ne connais pas les conseils scientifiques que reçoit le gouvernement espagnol. Comme vous le savez, nous ne savons toujours pas exactement pourquoi la morue a disparu. Je ne sais pas non plus si ces recherches encourageront le gouvernement espagnol à prendre des mesures particulières pour les Grands bancs de Terre-Neuve.

Le président: Pourquoi l'UE n'a-t-elle pas encore signé l'ENUP? Est-ce parce que l'ENUP fournirait au Canada et à d'autres pays les outils dont ils ont besoin pour contrôler les activités de l'UE dans les régions visées par l'OPANO et que cela nous permettrait de nous insurger contre la surpêche? Est-ce la raison pour laquelle les pays de l'UE n'ont pas ratifié l'ENUP?

M. Hage: En fait, treize pays de l'Union européenne, dont l'Espagne et le Portugal, ont ratifié l'ENUP. Ils attendent de pouvoir déposer leurs instruments de ratification tous ensemble. Il faut un certain temps avant que les 15 parlements passent par le processus de ratification.

Comme je le disais, c'est presque fait. Un représentant de l'Irlande m'a dit que le processus devrait être terminé d'ici le 17 décembre ou au début de janvier. Nous essayons de nous renseigner au sujet de la Grèce, dernier pays de la liste.

Il n'est pas juste, à mon avis, de dire que l'UE tente de retarder la ratification. Ce retard est principalement attribuable au fait que 15 parlements doivent ratifier l'ENUP. Tout porte à croire que l'UE ratifiera l'Entente l'année prochaine.

Le président: Dans votre mémoire, vous expliquez que ce sont les difficultés causées par la partie de l'UNCLOS sur les pêches qui ont influé sur le moment de la ratification par le Canada. De quelles difficultés voulez-vous parler?

M. Hage: L'article 63, qui porte sur les stocks chevauchants, cause le plus gros problème. Un fonctionnaire américain a, une fois de plus, mentionné que le Canada s'efforce depuis 20 ans d'ajouter à la Convention un solide régime de gestion des stocks chevauchants, mais nos efforts n'ont pas porté fruit. Il s'agissait d'un problème de compétence entre les États côtiers et les États de pavillon.

Depuis 20 ans, l'ENUP permet aux États côtiers de jouer un rôle de plus en plus important en matière d'inspection lors d'un arraisonnement. Auparavant, il existait une certaine réticence à aller au-delà de l'article 63, qui prévoyait essentiellement un devoir de coopération, non assorti de sanction ou de précision. C'est pourquoi, nous avons lancé le processus de l'Entente des Nations Unies sur les pêches à propos des stocks chevauchants et des espèces très migratrices, qui a permis de combler les lacunes à cet égard.

C'est cette disposition de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui posait le problème. Nous avons eu une certaine difficulté à obtenir un solide régime de gestion des stocks chevauchants. Toutefois, ces problèmes ont en général été atténués grâce à l'ENUP.

Le sénateur Cook: J'essaie de comprendre le rôle des Affaires étrangères en matière de pêche tout en m'efforçant de ne pas perdre de vue la question essentielle, soit la surpêche étrangère.

Laissez-moi vous donner un exemple. Un chalutier étranger obtient un permis du MPO pour la pêche du poisson A ou B. Il accoste dans un port canadien, décharge sa cargaison et la transborde vers un pays où elle est transformée à des coûts peu élevés. Les Affaires étrangères ont-elles un rôle à jouer dans cette transaction?

M. Hage: Le navire aurait un permis du MPO.

Le sénateur Cook: Je le comprends.

M. Hage: Il pourrait pêcher à l'intérieur de la limite des 200 miles, puisqu'il détiendrait un permis du MPO.

Le sénateur Cook: La cargaison sort des frontières canadiennes pour être transformée en Inde, en Chine ou là où les coûts de la main-d'oeuvre sont relativement peu élevés. Le ministère des Affaires étrangères aurait-il un pouvoir quelconque?

M. Hage: L'exemple que vous donnez est une illustration de ce que sont les échanges commerciaux. Ce navire pourrait accoster dans nos ports puisqu'il détiendrait un permis du MPO l'autorisant à pêcher dans nos eaux et à décharger sa prise. La prise serait ensuite transférée pour être transformée ailleurs. Je ne vois pas pourquoi nous devrions intervenir.

Le sénateur Cook: S'agit-il d'une bonne entente commerciale ou non?

M. Hage: Une fois de plus, cette question relève du domaine du commerce. Vous devriez peut-être inviter un membre de notre direction du droit commercial. L'OMC a établi certaines règles en ce qui concerne la liberté des échanges, que le Canada respecte; c'est évidemment dans son intérêt puisque nous sommes une nation commerçante importante et que notre prospérité repose considérablement sur les échanges. Tout le monde souhaite transformer les produits chez soi avant de les exporter à destination de l'étranger. Personne ne souhaite que ses produits soient transformés à l'étranger pour être ensuite importés. Si tout le monde cherchait à fonctionner de la sorte, le système du commerce s'effondrerait. Il faut un certain degré de libéralisation du commerce mondial, et l'OMC a établi des règles dans ce domaine.

En général, ces règles sont avantageuses pour le Canada. C'est une réponse très générale à votre question. Le Canada se conforme aux règles de l'OMC, et sa prospérité est attribuable au régime de l'OMC, qui a permis au Canada d'exporter à l'étranger sans entrave.

Le sénateur Phalen: J'aimerais poser une question à propos des phoques. Je l'ai déjà posée et on m'a répondu que rien ne prouve scientifiquement que les phoques mangent la morue. Les pêcheurs ne sont pas de cet avis; ils croient que les phoques mangent la morue et le capelan, qui sert de nourriture à la morue. Offensons-nous d'autres pays en procédant à l'abattage sélectif des phoques?

M. Hage: Une fois de plus, vous parlez de ma participation à la mission canadienne auprès de l'Union européenne. Ma réponse est générale. Que ce soit justifié ou non, la communauté internationale est contre l'abattage sélectif des phoques. Cette opposition ne repose pas nécessairement sur le droit, les règles ou quelque chose du genre, mais l'Europe réagit sans nul doute à l'abattage sélectif des phoques.

Le sénateur Phalen: Ce que je veux savoir, c'est si des pays réagissent face à cette mesure. Je sais qu'il y a des mouvements de protestation et ainsi de suite. Est-ce la raison pour laquelle le Canada n'effectue pas l'abattage sélectif des phoques?

M. Hage: Cette question ne relève pas des Affaires étrangères. Je ne suis vraiment pas en mesure de répondre à des questions sur l'abattage sélectif des phoques et sur les méthodes ou les quotas dans ce domaine.

Le sénateur Phalen: Laissez-moi poser la question autrement. Est-ce que des pays protestent contre l'abattage sélectif des phoques au Canada?

M. Hage: Il faudrait que je fasse des recherches à ce sujet. Je sais personnellement que des ONG et des gens, en Europe, s'élèvent contre cette mesure. En ce qui concerne les pays, il faudrait que je me renseigne davantage.

Peut-être devrais-je m'arrêter ici, mais je peux aussi vous dire qu'en Europe, ce sont les importateurs de produits canadiens du poisson qui ressentent la pression. Au Royaume-Uni, Sainsbury's a encouragé un boycott des produits canadiens à cause de l'abattage sélectif des phoques, par exemple. Le but de telles mesures — tout à fait illégitimes — c'est d'interdire un produit canadien et ce, probablement en violation des règles de l'OMC. L'exportateur canadien est très inquiet. Il s'agit principalement d'une initiative du public ou des ONG et des sociétés qui vendent des produits canadiens. Ce sont les difficultés auxquelles nous sommes parfois confrontés qui n'ont rien à voir avec les relations entre gouvernements.

Le président: Je voudrais faire un commentaire à propos des phoques. Je crois savoir que la région du ministre des pêches va être ciblée et que les gens vont être incités à voter contre l'abattage sélectif, vu que le ministre lui-même pourrait être en faveur de cette méthode. Connaissant bien West Nova, le ministre est probablement très inquiet en ce moment.

J'aimerais vous poser une autre question avant que vous ne partiez. Hier, le sénateur Baker a souligné le 20e anniversaire de l'UNCLOS en disant que 20 pays ont informé la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies qu'ils souhaitent étendre leur territoire jusqu'à 320 milles. Il a dit que la France a été le premier pays à présenter cette demande et que les États soviétiques lui ont emboîté le pas le mois dernier. Je suppose qu'il parlait de la Fédération de Russie.

Savez-vous si c'est vraiment ce que ces pays cherchent à faire?

M. Hage: Comme je l'ai dit, divers régimes permettent de gérer la zone extracôtière. Nous avons autorité sur 200 milles.

Le président: Il ne veut peut-être pas parler du poisson, mais du pétrole ou d'autre chose.

M. Hage: Je crois qu'il veut parler des ressources du plateau continental.

Le président: Il n'a pas parlé du poisson.

M. Hage: Ce serait donc au-delà de la zone des 200 milles. Cela relève de l'importante commission dont je vous ai parlé, qui se compose de 21 membres. L'État côtier présente une demande à la Commission et celle-ci lui transmet ses recommandations quant aux limites de son plateau. La Fédération de Russie a présenté une demande en ce qui concerne l'océan Arctique, ce qui a un certain intérêt pour nous. Comme je l'ai dit plus tôt, le Brésil sera probablement le prochain pays à présenter une telle demande.

Le président: J'aimerais remercier les témoins de s'être présentés devant nous ce soir.

La séance est levée.


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