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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des 
Pêches et des océans

Fascicule 5 - Témoignages du 6 mai 2003


OTTAWA, le mardi 6 mai 2003

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit ce jour à 19 h 03 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons ce soir le mandat de notre comité; toutefois, cela ne veut pas dire que vous devez vous en tenir uniquement à ces questions si vous souhaitez en aborder d'autres.

Nous avons la chance d'accueillir deux érudits: M. George Rose, de l'Université Memorial, et M. Fred Woodman, du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Allez-y, monsieur Woodman.

M. Fred Woodman, président du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques: Honorables sénateurs, mes remarques seront brèves. Mes commentaires de départ ne concernent pas les stocks chevauchants, mais plutôt ce qui s'est passé ces derniers jours dans le secteur des pêches du Canada atlantique. Il est certain que la question des stocks chevauchants va se poser en juin et en septembre. Aucun d'entre nous ne se réjouit à l'idée du temps qu'il faudra pour reconstituer les stocks.

Les événements de la semaine dernière nous ont vraiment ouvert les yeux sur le déclin dramatique qui se poursuit. Il ne semble pas y avoir de réponses aux multiples questions que posent les gens, ce qui explique l'agitation populaire.

Je vais faire un bref exposé après les remarques préliminaires de M. Rose. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître à ce comité.

Le président: Allez-y, monsieur Rose.

M. George Rose, professeur et titulaire supérieur de la Chaire de conservation des pêches, Université Memorial: Honorables sénateurs, je vous remercie de me permettre de vous présenter cet exposé ce soir. La question d'ensemble des pêches est très importante pour le pays, et en particulier pour Terre-Neuve et le Labrador. Je vais essayer de vous présenter le contexte biologique et je passerai ensuite à quelques problèmes d'ordre clairement politique.

Je commencerai par une des mes citations favorites d'un des plus célèbres spécialistes en halieutique du Canada: «Le poisson ne reste pas au même endroit, il se déplace». C'est M. Trudeau qui l'a dit en 1978 et il avait parfaitement raison. Il disait cela dans la foulée des activités de 1977 entraînées par la décision d'étendre les eaux territoriales du Canada à 200 milles. Malheureusement pour le Canada — et plus particulièrement pour Terre-Neuve et le Labrador, cette limite des 200 milles qui fonctionne si bien pour la plupart des États côtiers du monde, notamment les pays de pêche, ne fonctionne pas aussi bien pour le Canada, et en particulier pour Terre-Neuve et le Labrador car elle n'englobe pas la totalité du plateau continental et certaines des plus importantes zones de pêche traditionnelles aussi bien que contemporaines du Grand Banc de Terre-Neuve.

Cette photo représente le nord-ouest de l'Atlantique, une vaste zone d'un océan dynamique. Comme vous le voyez, presqu'au milieu, il y a le Grand Banc de Terre-Neuve. C'est principalement de cette zone que je vais vous parler ce soir, mais nous pourrions élargir la discussion à d'autres zones. Je vais essayer de vous présenter un aperçu un peu plus général. C'est cette zone de pêche que le Canada exploite et qui nous préoccupe le plus du point de vue de la conservation ou de son absence — en particulier au-delà de la limite des 200 milles.

Tout ceci tourne autour de ce qu'on appelle «la gestion écosystémique» des pêches, qui est reconnue par les Nations Unies et par la plupart des pays pêcheurs du monde comme la voie de l'avenir et la seule façon dont les pêcheries pourront progresser. Je vais vous en donner un petit historique.

Nous ne parlons pas de gérer des écosystèmes car nous n'en avons pas la capacité et ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent. Les écosystèmes se gèrent eux-mêmes. En revanche, nous avons la capacité et la responsabilité de gérer les activités — principalement humaines — dans le contexte de ces écosystèmes. Or, nous ne le faisons pas et c'est la raison pour laquelle une bonne partie de nos pêcheries ont périclité.

Il faut comprendre que les échelles géographiques et temporelles ne sont pas les mêmes pour toutes les espèces qui nous intéressent ou pour les processus que nous devons protéger. Nous avons de gros et de petits poissons. Nous avons des poissons qui migrent à l'autre bout du monde et d'autres qui restent sur place. Il y a toutes sortes de choses qui entrent en jeu dans un écosystème et nous devons tenir compte de toutes ces choses. Nous devons comprendre l'historique de ces poissons, savoir où ils vont, comprendre comment et où ils se reproduisent. Tout cela implique des recherches que bien souvent on ne fait pas.

Nous devons comprendre la chaîne alimentaire et savoir qui mange qui et quoi, et cetera. C'est essentiel. Une fois que nous avons compris cela, nous devons être en mesure de protéger les zones sensibles. Il faut par exemple protéger les alevins dans les zones de frai si nous voulons vraiment préserver les écosystèmes et les pêcheries.

Du point de vue de la politique et des zones de gestion, il est essentiel que toutes les activités au sein d'un écosystème soient gérées de manière uniforme. On ne peut pas faire une chose dans un secteur et une autre ailleurs. C'est la porte ouverte au chaos, à la confusion, à la mauvaise gestion, à la destruction virtuelle des pêches, c'est-à-dire à ce que nous avons eu sur le Grand Banc.

Je vais donner aux honorables sénateurs des exemples de gros et petits animaux et de l'échelle des phénomènes qu'on constate sur le Grand Banc. Nous avons de gros poissons pélagiques, les grosses espèces comme le thon et l'espadon. Ce sont des poissons qui migrent à travers tout l'Atlantique. C'est à cette échelle qu'il faut voir les choses. En termes de gestion, il s'agit d'un problème international que le Canada ne peut pas régler tout seul. Ces poissons ne reconnaissent pas nos frontières. Même de petites espèces pélagiques comme le maquereau — une espèce importante dans le Canada atlantique — migrent très loin sans se soucier des frontières internationales. Une coopération internationale s'impose manifestement pour ces poissons.

Nous avons aussi les migrateurs locaux, qui constituent la plupart des espèces commerciales de nos eaux, telles que la morue, le capelan, le sébaste et le poisson plat, parmi bien d'autres. Ce sont des espèces qu'on trouve sur le plateau continental et qui nous posent le plus de problèmes actuellement. Il y a de très solides raisons de dire que ces espèces devraient être gérées par l'État côtier du plateau continental. C'est ce que je crois, c'est ce que croit aussi le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, le CCRH, et c'est la thèse que nous allons soutenir.

La diapo suivante illustre l'un des extrêmes auxquels nous sommes confrontés — les baleines à bosse ont leurs petits dans les Caraïbes et remontent l'été vers le nord jusqu'aux Grands Bancs pour s'y nourrir car les Grands Bancs sont l'une des régions côtières les plus productives au monde. Les baleines le savent, et c'est pour cela qu'elles y viennent se nourrir. C'est un exemple d'espèce présente à très grande échelle dans notre écosystème qui nécessite une gestion à très grande échelle dans le cadre d'une coopération internationale.

On ne peut aborder la question sous l'angle de la gestion et sous l'angle politique qu'au moyen de démarches imbriquées. Nous avons les grands migrateurs de haute mer, dont la gestion implique clairement une coopération internationale, et nous avons les migrateurs à grande échelle du plateau, qui nécessitent aussi, bien qu'à une moindre échelle, une gestion internationale.

C'est probablement l'État côtier adjacent qui est le mieux placé pour gérer les espèces du plateau continental, sur lesquelles nous allons nous concentrer, principalement dans la région des Grands Bancs. Le Canada a tort de ne pas le faire actuellement.

Les honorables sénateurs ont probablement tous entendu parler de la mortalité massive de la morue dans les eaux froides des environs de Terre-Neuve. J'examine ce phénomène sous l'angle scientifique depuis plusieurs semaines. Voici sur cette photo un exemple de très grosse morue. Celle-ci, qui venait de Smith Sound, pèse près de 100 livres.

Voici un exemple de très grosse morue. Celle-ci pèse presque 100 livres et venait de Smith Sound. Je voulais m'en servir comme illustration de la tragédie qui a frappé la morue de Terre-Neuve au cours des dernières semaines, quand nous nous en serions bien passé. Malheureusement, beaucoup de ces gros poissons sont morts avant d'avoir la possibilité de frayer.

À part cela, le capelan est le plus important petit poisson fourrage. Il se nourrit de tout dans le nord-ouest de l'Atlantique. Il se déplace un peu partout dans les Grands Bancs, et même jusqu'au Bonnet Flamand. Il se moque des frontières établies par l'homme. C'est sur ce genre de choses que nous devons fonder nos travaux scientifiques, certes, mais encore plus, peut-être, notre gestion si nous voulons réussir.

Actuellement, l'OPANO — l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, un organisme regroupant 17 ou 18 pays dont certains ne sont même pas des États côtiers de l'Atlantique nord — gère ce que nous considérons comme nos pêcheries. D'une certaine façon, il est scandaleux qu'une chose pareille puisse se produire, mais nous ne pouvons pas échapper à cette situation.

Certaines des plus importantes espèces historiques de Terre-Neuve et du Labrador figurent sur cette liste — des espèces comme la morue de 2J3KL, la morue de 3NO et le flétan noir. Je vais vous dire quelques mots de ces espèces qui ont actuellement des problèmes particuliers.

On trouve la morue de 3NO dans le sud du Grand Banc. C'est une zone où il y avait naguère une très importante pêcherie, mais sur laquelle on a maintenant imposé un moratoire. Pourtant, les prises accidentelles des pêcheries de l'OPANO y sont très élevées. Il est difficile d'obtenir des précisions à ce sujet, mais nous sommes à peu près sûrs que cela a pour effet d'empêcher cette pêcherie de se reconstituer. C'est un problème grave.

On trouve la plie canadienne dans la même zone. La plie canadienne est un poisson plat, pour ceux d'entre vous qui ne la connaîtraient pas. C'est une espèce très précieuse qui fait aussi l'objet d'un moratoire. Pourtant, les flottes de l'OPANO en prennent plus dans leurs prises accidentelles qu'on ne le tolérerait dans n'importe quelle pêcherie raisonnable. C'est totalement hors de contrôle. C'est un autre problème.

Le flétan noir n'est pas une pêche traditionnelle du Canada ou de Terre-Neuve. C'est en partie à cause de cela que le Canada en a abandonné l'essentiel à l'UE. C'est maintenant la plus grosse pêcherie de poisson démersal de l'Atlantique nord-ouest, et pourtant 80 p. 100 de ce flétan noir est pêché par d'autres pêcheurs que les Terre-Neuviens ou les Canadiens. Nous ne profitons pas beaucoup des ressources de notre propre pays.

Vu la façon dont ce stock est géré, il ne va probablement pas durer. C'est essentiellement une pêcherie de juvéniles. On en pêche chaque année des quantités supérieures à la biomasse génitrice. Le contingent est bien supérieur aux recommandations scientifiques qui sont déjà probablement trop optimistes. C'est donc une autre catastrophe qui se prépare. Écoutez bien ce que je vous dis: cette catastrophe est imminente. Le CCRH prédit ce résultat depuis plusieurs années. La plupart de nos prédictions se sont réalisées rapidement.

Il faut examiner les interrelations entre ces espèces. Je ne vais pas entrer dans le détail de ces considérations scientifiques. Il faut que vous compreniez ce qui se passe dans un écosystème marin. Nous devons en être conscients pour essayer d'en tenir compte dans la gestion.

Deux régimes fondamentalement différents interviennent sur le même écosystème: le premier est canadien — et essentiellement terre-neuvien — et il est géré par le ministère des Pêches et des Océans, et le second, c'est l'OPANO. La seule chose qui intéresse les autres pays dans nos pêcheries, c'est l'argent qu'ils peuvent en tirer. Comme vous le voyez, c'est une situation chaotique qui mène à la catastrophe.

La situation n'est pas la même dans toutes les régions. Il y a des zones particulièrement sensibles qui doivent être protégées. Voici une image sonar obtenue par échosondeur qui montre la morue qui fraie sur le dessus et le capelan juvénile au fond. Il y a là des bancs de poissons qui font des milles de longueur. Il faut les protéger. Ces phénomènes se produisent dans des zones bien précises, que nous connaissons très bien, mais que nous n'avons guère réussi à protéger, même des intérêts canadiens.

Moi qui me suis occupé de pêches à peu près toute ma vie, je trouve stupéfiant qu'il soit nécessaire d'avoir des débats sans fin pour faire comprendre quelque chose d'aussi élémentaire que la nécessité de protéger les zones de frai et d'alevinage. Cela semble tellement évident que la question ne devrait même pas se poser, mais non. Dans ces conditions, il semble que la seule solution claire à l'avenir pour le Canada soit une forme de gestion unifiée de la région des Grands Bancs où ces stocks chevauchants sont présents, mais nous n'avons pas cela.

Comme je l'ai déjà dit, nous avons le Canada à l'intérieur et l'OPANO à l'extérieur. Il y a des règles et des règlements différents, et dans certains cas des conceptions complètement contradictoires de ce qu'il faut faire en matière de conservation, de sorte que les stocks de poisson continuent à décliner.

Nous avons là un sérieux problème. C'est fondamentalement un problème d'ordre biologique et écologique, mais qu'on traite simplement sous l'angle politique. Les gens qui en souffrent sont les gens du secteur de la pêche et les pêcheurs de Terre-Neuve et du Labrador et des régions adjacentes.

Voici une image du Grand Banc. Je suis sûr qu'il y a une cinquantaine de chalutiers usines-congélateurs de l'OPANO en train de pêcher là-bas en ce moment. Nous avons eu de nombreux problèmes du côté de nos pêcheries dans le Canada atlantique, et vous en avez vu le résultat ici à Ottawa. Les gens perdent leur gagne-pain. Et pourtant, en ce moment même, des dizaines et des dizaines de chalutiers sont en train de ratisser cette région sans être le moindrement inquiétés.

En conclusion, il n'y a pas de solution unique au problème des stocks chevauchants. Pour les grands migrateurs, il faut manifestement une coopération internationale. Les stocks du plateau continental, qui sont la plus importante pêcherie des peuples côtiers du monde entier — et particulièrement du Canada atlantique et de Terre-Neuve et du Labrador — bénéficieraient grandement d'une gestion unifiée relevant de l'État côtier. Je pense que c'est quelque chose qui est vrai dans le monde entier; ce système existe déjà à peu près partout ailleurs, donc ce n'est pas un problème. Nous serons heureux de répondre à vos questions sur ce sujet ou d'autres sujets connexes concernant la pêche.

Le sénateur Cochrane: Je tiens à préciser aux membres du comité que M. Rose est un chercheur scientifique renommé qui a passé sa vie en mer à étudier la pêche. Il connaît tout de A à Z. Vos propos sont en quelque sorte des paroles d'Évangile.

Le président: Quelle magnifique introduction!

Le sénateur Cochrane: Je suis sérieux, monsieur le président. Les témoins peuvent répondre à n'importe quelle question et ils vont nous donner des renseignements concrets.

Commençons par les pêcheurs de la côte sud de la province et l'avenir de notre pêche à la morue. Le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada, le CSEMDC, a recommandé d'inscrire la morue sur la liste des espèces «menacées». Dans un article de Radio-Canada, on dit que les informations scientifiques sur lesquelles se fonde le ministre fédéral sont faussées. Vous y êtes cité, monsieur Rose, pour avoir dit: «Ils ont regroupé divers stocks dont la situation est très différente».

Pourriez-vous nous expliquer cela? Est-ce que c'est une démarche normale de la part des experts scientifiques du MPO? Vous pourriez nous expliquer cela?

M. Rose: Pour répondre d'abord à votre première question, non, ce n'est pas la démarche normale des scientifiques du MPO.

Quand le CSEMDC a été créé, je pensais qu'il reprendrait les définitions des stocks qu'on utilisait depuis longtemps dans la région de Terre-Neuve et du Labrador et en fait partout au Canada atlantique. Cela ne veut pas dire que ces définitions sont parfaites. Simplement, nous les connaissons bien, nous savons sur quelles données elles se fondent et, surtout, elles sont la base fondamentale de la gestion.

Pour une raison quelconque, le CSEMDC a décidé de ne pas s'en servir. Il a créé ses propres distinctions qui, franchement, ne tiennent pas debout. Elles sont totalement arbitraires. Ils auraient pu en utiliser d'autres. Ils ont regroupé des stocks qui n'avaient pas grand-chose en commun. En amalgamant ainsi un stock en relativement bonne condition et un autre en piètre état, j'imagine qu'on peut aboutir à une moyenne qui n'est représentative ni de l'un, ni de l'autre.

Cela me rappelle la blague sur les pantalons dans l'armée. La moitié des soldats faisaient du 38 et l'autre moitié du 34. L'intendant acheta des pantalons de taille 36 pour tout le monde qui n'allaient à personne. C'est un peu comme cela que je vois les choses ici.

J'ai aussi du mal à accepter les désignations d'ensemble. Par exemple, on considère généralement que la morue de 3P sur la côte sud de Terre-Neuve est le stock qui se porte le mieux de tout le Canada atlantique; il y a une biomasse génitrice de nettement plus de 100 000 tonnes. On évalue la biomasse totale à quelque 200 000 tonnes.

Le recrutement de ce stock est le plus élevé de tous les stocks du Canada atlantique. Franchement, si un autre stock donnait des signes aussi encourageants, nous serions aux anges. Pourtant, le CSEMDC le qualifie de «menacé».

Juste de l'autre côté, on a le stock de Banquereau. Si vous ne connaissez pas bien la géographie locale, c'est près des bancs de la Nouvelle-Écosse, de l'autre côté du chenal. C'est le premier en direction du sud en venant de Terre-Neuve. Il y a un stock là. Historiquement, ce stock était aussi abondant que celui du sud de Terre-Neuve. Il y a quelques années encore, il produisait de 50 000 à 60 000 tonnes par an. C'est une quantité importante; c'est autant que ce que l'on a pu avoir avec la morue du sud de Terre-Neuve.

Si incroyable que cela puisse paraître, la biomasse féconde de ce stock est actuellement estimée à 2 000 tonnes — et pourtant, d'après le CSEMDC, elle est en meilleur état que celle de 3P, où on a plus de 100 000 tonnes.

Lorsqu'on voit ainsi des regroupements de stock qui sont très différents et dans un état différent, on a de sérieux doutes. Je ne suis pas convaincu que ceci va beaucoup nous aider à régler certains des problèmes du Canada atlantique.

Il y a de bonnes choses dans ce rapport. Dans l'ensemble, on y voit que les stocks de morue vont mal — surtout dans le nord — et c'est très juste. C'est indiscutable. Franchement, nous le savions il y a 10 ans; nous n'avions pas besoin d'un autre rapport pour nous le dire. Le problème est de savoir ce que l'on fait maintenant. Peut-on faire quelque chose? Peut-on régler ces problèmes? Je ne vois rien qui puisse m'aider ici. J'espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Cochrane: Absolument.

Dans le communiqué de presse du 17 avril, le ministre Thibault annonçait le Total autorisé des captures, le TAC, pour les stocks de poisson de fond au large de la Nouvelle-Écosse dans la baie de Fundy. Dans cette partie de la région, en ce qui a trait à la morue, le ministre a dit que l'on continuerait à pêcher la morue de 4X et de 5Y et que le TAC pour la morue de 4X resterait fixé à 6 000 tonnes. Je sais que dans ce cas, le TAC de 6 000 tonnes répondait aux recommandations du CCRH.

Vous pouvez peut-être m'expliquer comment les stocks de morue peuvent atteindre un niveau dangereusement bas dans certaines parties des océans de la région, mais il suffit apparemment de traverser une ligne invisible pour pouvoir les pêcher sans problème. Je ne comprends pas.

Pourquoi adoptons-nous deux approches différentes pour cette pêche dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et au large de la côte ouest de Terre-Neuve? Je crois que c'est ce que vous venez de dire; je ne comprends pas non plus. Comment arrive-t-on à cette décision?

M. Rose: Les données scientifiques justifient cela en partie. Mais elles sont actuellement assez limitées en ce qui concerne la morue de 4X. Le quota de 6 000 tonnes qui a été fixé pour la morue de 4X est certainement contestable. L'une des énigmes là-bas, c'est que les stocks de flétan se sont assez bien reconstitués alors que ce n'est pas le cas pour la morue. Il reste à voir si ce quota de 6 000 tonnes peut être durable. Je pense qu'on va un peu loin en fixant un quota aussi élevé.

Pour répondre d'une façon plus générale à votre question, il y a effectivement des différences entre ces stocks. C'est indéniable. En général, plus on va vers le sud, plus ils sont productifs. Par exemple, on peut pêcher bien davantage les stocks qui se trouvent au large de la Nouvelle-Angleterre et du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse que ceux qui sont au nord de Terre-Neuve et du Labrador. Cela ne fait aucun doute qu'ils sont plus productifs. Il y a des différences biologiques fondamentales entre ces stocks qu'il faut prendre en considération pour déterminer la gestion.

Outre les différences biologiques, il y a des différences régionales dans la façon dont la gestion se fait. Dans ce secteur, je trouve que l'on dépasse les limites de la productivité biologique pour la morue.

Le sénateur Cochrane: Pensez-vous qu'il est juste que la pêche au large de la côte de Nouvelle-Écosse reste au niveau actuel tandis qu'on va la fermer au large de la côte sud de Terre-Neuve?

M. Rose: Absolument pas. Il n'y a absolument aucune justification biologique à cela, d'après moi.

M. Woodman: Je voudrais faire une observation sur ce sujet parce que je savais qu'il y aurait des questions sur ce qui se passe dans 4X. Comme l'a dit M. Rose, la productivité est plus grande dans 4X et plus on va vers le sud. Par exemple, dans 4X, on récolte le poisson à l'âge de trois ans. On est presque au niveau du recrutement, alors que la morue qu'on pêche sur la côte nord-est, dans 2J3KL, n'atteint la même taille que celle de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse qu'à l'âge de six ans; donc la productivité est beaucoup plus grande. Voilà la raison.

Le rapport sur l'état des stocks de cette année n'était pas complet. Il ne nous donnait pas une estimation du niveau de la biomasse. On n'a pas pu le faire à cause des déclarations incomplètes et des rejets, et cetera. Nous n'avons donc pas eu une image fidèle de la ressource. Nous avons fondé notre recommandation sur les résultats de deux bonnes années, 1999 et 2000. Cela dit, nous avons examiné le quota élevé de l'aiglefin et estimé qu'on pouvait s'interroger sur les 6 000 tonnes de morue, mais que c'était néanmoins raisonnable, compte tenu des effets que la pêche au haddock aurait sur les prises accidentelles de morue.

Le sénateur Cochrane: Vous voulez dire que vous n'aviez pas les éléments scientifiques nécessaires pour prendre cette décision?

M. Woodman: En fonction du rapport sur l'état des stocks, c'est exact. Nous ne nous sommes pas servis de ce rapport parce qu'il ne nous donnait pas le niveau de la biomasse.

Le sénateur Cochrane: Alors comment avez-vous pris cette décision?

M. Woodman: En fonction des 6 000 tonnes. Ils nous ont dit que le niveau de la biomasse avait augmenté en se basant sur les 6 000 tonnes qui avaient été prises les trois années précédentes. Au cours de ces trois années, on avait pris 6 000 tonnes chaque année. Nous avons conclu que ce chiffre était logique, sachant que nous avions recommandé 10 000 tonnes d'aiglefin, ce que le ministre avait rejeté. Il a retenu le chiffre de 8,100 tonnes de l'année dernière. C'est là- dessus que la décision a été fondée.

Le sénateur Cochrane: Ce ne sont pas des informations d'actualité. Cette décision ne reposait pas sur des informations d'actualité.

M. Woodman: En effet, nous n'avions pas un rapport complet sur l'état des stocks.

Le sénateur Robichaud: M. Rose a dit qu'il n'aurait pas fallu pêcher ces deux stocks et M. Woodman a dit que ce qu'on faisait était raisonnable. En matière de pêche, on essaie parfois d'être raisonnable, mais on n'a jamais les informations quand on en a besoin. Est-ce que c'est ce que vous dites aussi?

M. Woodman: En effet. Et aussi, souvent quand nous présentons nos recommandations, tout le monde regarde les chiffres et lit les recommandations concernant la conservation parce que c'est essentiel. Toutefois, ces 6 000 tonnes n'étaient pas les mêmes que celles qui avaient été recommandées précédemment. Nous avons stipulé par exemple qu'il fallait tenir compte des rejets, et sinon qu'il ne fallait pas pêcher. Nous avons précisé de façon assez rigoureuse au ministre comment la pêche devait être pratiquée. Ce n'était pas la même recommandation que trois ans auparavant.

Le sénateur Robichaud: Quand le sénateur Cochrane vous a demandé pourquoi la pêche était ouverte dans une zone et fermée dans l'autre, vous avez dit que ce n'était pas correct et qu'il faurait qu'elle soit fermée dans les deux.

M. Woodman: Ce n'est pas nous qui l'avons fermée, c'est le ministre.

Le sénateur Robichaud: Là-dessus, vous n'êtes pas d'accord.

M. Woodman: C'est le ministre qui a fermé cette pêche, pas nous.

Le sénateur Robichaud: Le ministre tient compte de vos recommandations. Il ne les suit pas toujours, mais il en tient compte, non?

M. Woodman: Oui. Dans ce cas particulier et dans le cas de 4X, il a accepté nos recommandations, et dans le cas de la morue du nord du golfe, il ne les a pas acceptées.

Le sénateur Adams: Monsieur Rose, vous avez dit que le turbot du nord allait bientôt disparaître. Pour vous donner une idée de ce qui se passe au Nunavut, le MPO nous a donné 8 000 tonnes par an pour les licences expérimentales.

Nous avions les quotas mais certains n'avaient pas de bateau et ne pouvaient pas pêcher. J'étais là-haut le mois dernier à Pangnirtung où se trouvent les turbots et où on les pêche avec des hameçons dans des trous découpés dans la glace. Le quota est de 8 000 tonnes par an dans la zone située entre OA et OB.

Avez-vous une idée de la quantité de poisson qu'il y a là? Peu de Canadiens vont aussi loin pour pêcher à cause du prix. Combien d'étrangers vont pêcher ces stocks là-bas? Pouvez-vous nous parler un peu de l'avenir du turbot?

M. Rose: Je ne peux pas répondre à votre question parce que je ne connais pas la situation du poisson là-haut. Le Canada ne fait pas de recherche dans cette zone, comme vous le savez certainement. En ce qui concerne le turbot, c'est encore plus vrai dans les régions du sud, nous nous basons surtout sur les données et autres informations de l'OPANO. Nous avons un relevé mais il ne concerne qu'une partie de la zone. Il y a une mosaïque de données scientifiques. Nous jouons avec le feu, d'après moi, en ce qui concerne le turbot.

J'en suis convaincu, vu les données dont nous disposons. On a pu voir au cours des dernières années qu'il y a un grave problème de surpêche pour ce stock — et je pense ici à l'ensemble de la pêche — pas uniquement à la pêche canadienne. La plupart des prises sont des juvéniles. Même actuellement, la biomasse féconde est très basse d'après les estimations et l'on pense que ceci se fait dans le Nord, bien que certains ne soient pas de cet avis.

Je ne sais pas quel peut être l'état du stock de turbot au Nunavut, mais il est certain que le Canada devrait assumer ses responsabilités et obtenir ces informations. Jusqu'ici, nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur Adams: Il y a des chalutiers russes, portuguais et espagnols; il y en a aussi qui viennent d'Islande. Les pêcheurs de Terre-Neuve ont quelques quotas mais ils ne prennent pas grand chose. En attendant, ils doivent payer des redevances de 27 p. 100. C'est dispendieux de pêcher là-haut. C'est pour cela que j'ai posé la question.

Nous n'avons vu aucun des résultats des recherches effectuées dans le Nord par le MPO au cours des 10 dernières années. Nous n'avons que 3 p. 100 pour les 8 000 tonnes métriques. Je ne sais pas si c'est vrai ou pas. C'est peut-être un peu différent là-haut. La saison est courte comparée à l'est. Je vous remercie.

M. Woodman: Je voudrais faire une remarque sur le peu de données scientifiques que nous avons sur le turbot. Traditionnellement, les poissons fraient dans le Nord et les larves flottent vers le sud pour se déposer au fond des Grands Bancs. L'inverse est vrai au fur et à mesure que les poissons grandissent. Ils se déplacent vers le nord où nous attrapons les plus gros. Nous capturons les plus petits dans le sud.

Comme l'a dit M. Rose, ce que nous faisons sur le nez et la queue des Grands Bancs est complètement stupide. Je dirais que 90 p. 100 des prises sont des juvéniles. Ces poissons n'ont jamais frayé, ils n'ont jamais contribué à l'augmentation de la ressource. Nous frappons trop fort.

Le CCRH a fait des recommandations au ministre en 1998. Le turbot était trop pêché. C'était une pêche de juvéniles et il fallait prendre des mesures. Les scientifiques disaient que de jeunes poissons arrivaient, mais ce n'était pas le cas. Ils ne sont pas apparus. Nous avons proposé que le TAC soit fixé à 40 000 tonnes. L'OPANO a fixé le quota à 44 000 tonnes. L'année dernière, la recommandation était 36 000 tonnes, et cette année le chiffre a encore diminué. Ça devient une pêche de recrutement. À force, il n'y aura plus de poissons.

Le sénateur Adams: Nous avons entendu plusieurs personnes de l'OPANO. Nous avons une entente avec d'autres pays sur la limite de 200 milles. Pensez-vous que ce soit une erreur? Faudrait-il agir en fonction de la profondeur de l'eau? Dès que la profondeur augmente, est-ce que ce devrait être la fin pour le Canada?

Les Grands Bancs sont la zone de frai pour les poissons que l'on pêche dans le Nord. Quel est l'avenir là? Comme vous le dites, personne ne peut rien faire à cause de l'accord. Comment ferons-nous à l'avenir pour empêcher les autres pays de pêcher tout notre poisson?

M. Rose: Il y a là des questions fondamentales. Je sais que le gouvernement a pris des mesures plus ou moins symboliques. Il reconnaît les problèmes de l'OPANO. Cela dure depuis des années. On reconnaît les problèmes et on prend une mesure ponctuelle par-ci par-là. Nous disons que nous allons leur parler, que nous allons faire ceci ou cela, mais rien ne change vraiment, rien ne marche vraiment.

Tout le système est tellement faussé à la base qu'on ne peut pas le réparer. Personnellement, j'estime que ces chalutiers usines qui traversent l'Atlantique et qui vont parfois à l'autre bout du monde pour pêcher dans des eaux côtières qui ne leur appartiennent pas sont un véritable anachronisme. Ce sont les reliques d'une époque révolue et il faudrait arrêter cela, un point c'est tout. C'est en pleine contradiction avec les idées modernes de conservation et de gestion des écosystèmes marins. Ce n'est pas comme cela qu'on aura des pêcheries productives à l'avenir.

Nous en avons vraiment assez de tout cela. Tout a commencé après la Deuxième Guerre mondiale avec l'arrivée de ces énormes navires qui pouvaient aller n'importe où dans le monde pêcher 24 heures sur 24. Ils pouvaient congeler tout ce qu'ils attrapaient dans l'océan. Ils sont arrivés ici et ils ont trouvé des stocks de poisson qu'on exploitait depuis des centaines d'années, des siècles, de façon durable, et ils les ont pillés. Ils ont fait cela dans le monde entier, nous le savons. Et pourtant, nous en sommes encore, au XXIe siècle, à discuter pour savoir si c'est une bonne idée.

Le sénateur Adams: Au Nunavut, nous n'avons droit qu'à une baleine à bosse par an. Nous ne les exterminions pas, mais les baleiniers européens sont arrivés ici et ont pris toutes les baleines.

Le sénateur Cochrane a dit l'autre jour que le MPO allait investir 6 millions de dollars supplémentaires pour voir si les phoques mangeaient la morue. Voilà qu'ils vont étudier la question. Mais nous savons bien que les phoques mangent de la morue. Ces 6 millions de dollars vont servir à prouver que les phoques mangent bien de la morue?

M. Rose: Vous devriez peut-être soumissionner pour le contrat. Vous avez déjà la réponse.

Le sénateur Adams: J'aimerais bien les peaux pas les 6 millions de dollars. Merci.

Le sénateur Hubley: J'aimerais revenir sur votre photo de la grande morue morte de froid dans Smith Sound. J'ai sursauté quand je me suis rendu compte que cette photo avait été prise cette année, en avril 2003. Est-ce que c'est un phénomène naturel? Est-ce que l'eau froide tue des poissons tous les ans? Est-ce que le problème touche toutes les espèces ou simplement la morue?

M. Rose: Cela arrive, mais pas très souvent. Dans cette région particulière, j'ai interrogé les résidents les plus âgés que j'ai pu trouver. J'ai parlé à des gens qui avaient plus de 80 ans. Ils n'avaient jamais vu une chose pareille dans leur région, mais cela peut arriver.

J'ai connu un autre cas, en 1994 je crois, dans la baie Sainte-Marie sur la côte sud, mais c'était peu de chose comparé à ceci.

Le sénateur Hubley: Quand vous voyez la morue flotter, qu'est-ce que cela vous indique sur les stocks? Est-ce que cela vous donne des informations sur ce qu'il y a en dessous?

M. Rose: Pas vraiment. C'est la confirmation de ce que nous savions. C'est tragique, parce que c'est la plus forte et en fait la seule grande concentration de poisson frayant qui reste sur la côte nord-est de Terre-Neuve, à Smith Sound. Le poisson y passe l'hiver et y fraie.

J'étudie ce groupe de poissons depuis qu'on l'a découvert il y a une dizaine d'années. Je connais bien la plupart de ses aspects, mais il est tragique de les voir mourir. Nous avons probablement perdu plus de 2 millions de livres de poisson de cette population. Si c'est tout ce que nous avons perdu, nous avons eu de la chance car le stock peut probablement surmonter cela, bien que ce soit un sérieux coup à une époque où nous n'en avons vraiment pas besoin.

C'est un phénomène naturel. Je travaille avec des chercheurs scientifiques de Terre-Neuve à essayer de reconstituer ce qui s'est passé. Il est certain que c'est un événement très rare, mais cela arrive. Il est encore plus rare que cela arrive à une telle échelle. C'est tragique que ce soit arrivé maintenant.

Le sénateur Hubley: Si vous aviez l'occasion de protéger des zones, cette zone de Smith Sound serait-elle l'une d'entre elles? Pouvez-vous m'en citer d'autres?

M. Rose: Tout dépend comment vous définissez cela, mais dans l'optique de la reconstitution des stocks de morue — notamment sur la côte nord-est de Terre-Neuve — Smith Sound est de loin l'endroit le plus important. Il y a des gens qui n'auraient peut-être pas été d'accord avec moi là-dessus il y a cinq ou six ans, mais je crois que je n'ai plus beaucoup de critiques maintenant. Les gens sont tout à fait convaincus. C'est le seul endroit.

Si l'on parle à plus grande échelle du Grand Banc et de la côte nord-est jusqu'au Labrador, alors ce n'est pas vrai. Il y a de nombreuses autres zones où il reste des stocks de poisson frayant et de juvéniles qui doivent être protégés. Franchement, le CCRH recommande depuis trois ou quatre ans au ministre et au ministère de fermer certaines de ces zones des bancs à toute forme de pêche indésirable, notamment la pêche des crevettes au chalut. Malheureusement, nos efforts ont totalement échoué.

Si je pouvais vous convaincre d'une seule chose ce soir, ce serait celle-là. Parmi les autres zones importantes, il y a Le Platier, qui chevauche la limite des 200 milles et qui est l'une des zones les plus importantes des Grands Bancs. Il y a aussi les rochers Vierges et le couloir de Bonavista et le canal Hawk — ce sont des zones dans lesquelles les morues essaient de se reconstituer et nous ne les aidons vraiment pas beaucoup.

En fait, depuis 10 ans, nous les ignorons et nous lâchons des centaines de chalutiers crevettiers dans leur zone de frai et de croissance des juvéniles. Voilà ce que nous avons fait. Ce n'est pas très utile. Si nous voulons sérieusement reconstituer le stock de morue, nous pourrions faire bien mieux, notamment en fermant ces zones.

Reportez-vous aux rapports du CCRH, tout est là. Nous avons parfaitement démontré la situation, mais l'industrie et le ministère des Pêches et Océans n'ont pas levé le petit doigt pour nous aider à mettre cela en oeuvre, et c'est pour cela que nous en sommes là maintenant.

Le sénateur Robichaud: Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens au Canada — et particulièrement au Canada atlantique — qui aiment les phoques. Je vis près du parc national de Kouchibouguac et il y en tout un troupeau qui se regroupe là, sur la barre de sable, juste dans le goulet. Je peux vous garantir qu'il n'y a pas beaucoup de poisson dans la rivière; les gens disent que les phoques les mangent tous. Ce sont d'énormes bêtes qui polluent la plage d'une façon incroyable. La puanteur est insupportable quand on est sous le vent, et ils dévorent des quantités de poisson.

Il y a un contingent, un taux de capture autorisé. C'est encore 285 000, ou quelque chose comme cela?

M. Woodman: Non, cette année le ministre a porté la limite à 315 000, je crois.

Le sénateur Robichaud: Le problème, c'est qu'on est obligé de vendre ou d'utiliser tout l'animal qui est abattu, n'est- ce pas?

M. Woodman: J'ai peur de m'incriminer moi-même si je réponds à cette question.

Le sénateur Robichaud: Je n'insiste pas. Tout de même, c'est plus facile à dire qu'à faire car à chaque fois que le gouvernement ou les pêcheurs se plaignent des phoques — comme dit George Baker: «Qu'est-ce que vous croyez que les phoques mangent, des hamburgers Macdonald?» Évidemment, ils se nourrissent des autres espèces.

Pourtant, quand on veut essayer de trouver une solution au problème, la communauté internationale se met à boycotter les produits de la pêche canadienne.

Pensez-vous que ce serait une solution de faire venir des orques? Actuellement, ils n'ont pas de prédateur, n'est-ce pas?

M. Woodman: Je crois qu'il reste encore quelques orques. Les ours polaires sont probablement le seul autre prédateur en dehors de l'homme.

Vous parlez de mon sujet favori, monsieur. Les événements de ces derniers jours devraient avoir une certaine influence sur les écologistes ou sur le Fonds international pour la défense des animaux ou sur je ne sais qui. Aujourd'hui, nous avons peut-être entre 5,5 et 6 millions de phoques du Groenland, nous avons probablement 800 000 à 1 million de phoques à capuchon, et enfin il y a encore 250 000 à 300 000 phoques gris. Regardez le modèle de consommation de ces animaux. Nous voyons des niveaux de biomasse très faibles. Le CSEMDC et les chercheurs scientifiques nous disent que les niveaux de biomasse sont tellement faibles que la morue du Nord risque de ne pas pouvoir se reconstituer.

Il est certain que les phoques sont le plus gros obstacle à la reconstitution des stocks aujourd'hui. M. Rose n'est peut-être pas d'accord, mais c'est la vérité en ce moment. Ils n'ont peut-être pas été la cause du déclin, mais il est certain qu'ils entravent la reconstitution des stocks.

Dans le golfe du Saint-Laurent — chez vous — nous avons les phoques gris. Nous n'avons pas de marché pour eux. Nous ne savons pas combien il y en a, nous n'avons pas de modèle de consommation pour savoir ce qu'ils mangent, et pourtant nous arrêtons la pêche.

Il va bien falloir que quelqu'un nous explique comment nous allons pouvoir faire diminuer ces populations de phoques sans que l'opinion mondiale s'insurge contre nous. Vu les ravages qu'ils ont faits, l'opinion mondiale devrait être avec nous.

Le sénateur Robichaud: Je suis bien d'accord, mais comment convaincre l'opinion mondiale?

M. Woodman: Le ministre a comparu devant le Comité des pêches de la Chambre des communes ces derniers jours, je crois, et il a déclaré qu'il était prêt à autoriser l'abattage d'un plus grand nombre d'animaux — le phoque du Groenland, par exemple, se porte très bien, avec une bonne biomasse de 5,5 à 6 millions de bêtes.

Pourtant, l'association des chasseurs de phoques et tous les gens qui travaillent dans ce secteur disent que si l'on en abat trop et qu'on sature le marché, il va y avoir un problème dans l'autre sens. C'est une arme à double tranchant.

Le sénateur Adams: Nous avons entendu George Baker nous parler des phoques. Nous en avons énormément dans l'Arctique, même s'il n'y en a pas plus de 6 millions dans une seule zone. Lors de la projection de diapositives pour le caucus libéral la semaine dernière, nous avons vu que la zone des phoques s'étendait sur 100 milles de long par 50 milles de large. Est-ce vrai? Est-ce que les phoques du Groenland couvrent actuellement une superficie de cette taille?

M. Woodman: Vous voulez dire sur la glace?

Le sénateur Adams: Oui.

M. Woodman: J'ai survolé la zone il y a quelques années; c'est incroyable, il faut le voir pour le croire.

Le sénateur Adams: Je sais. J'ai chassé le phoque moi-même. À une époque de l'année, la surface de la glace est complètement dégoûtante à cause des déchets. À l'avenir, la situation risque d'empirer au point que les poissons pourraient mourir de maladies provoquées par les déchets de ces phoques. En attendant, ces phoques avalent peut-être 40 000 ou 50 000 tonnes de morue par an.

M. Woodman: Peut-être même plus.

Le sénateur Robichaud: Cela fait déjà un certain temps que nous parlons de fermer les zones de frai. Je pense que le monde de la pêche, les pêcheurs et les transformateurs ont commencé à changer d'attitude. Dans ma région, par exemple, nous sommes inquiets pour les pétoncles. Ils viennent de racler à peu près la dernière qui restait sur le fond en utilisant des dragues de plus en plus grosses. Il était question d'interdire la récolte des pétoncles avec des dragues dans certaines zones. Bien que le stock soit très diminué, ils pêchent environ deux semaines et ensuite cela ne vaut plus la peine de sortir. Mais les pêcheurs résistent encore à l'idée de fermer certaines zones pour permettre la récupération des stocks de pétoncles.

En un sens, je le comprends car ils n'ont rien d'autre à pêcher — bien qu'il y ait un peu de homard. Ils prenaient une partie du quota de crabe des neiges, mais il y a eu tout un tollé parce qu'on avait donné ce quota. Voilà pour l'introduction.

On recommande de fermer en partie la pêche à la morue du nord en échange de crevettes, pour une année donnée, mais cela ne fait que monter des pêcheurs les uns contre les autres. C'est difficile d'imposer des règles, mais c'est nécessaire, non? Quelqu'un en souffre forcément.

M. Rose: Effectivement, c'est difficile, mais c'est nécessaire. Actuellement, sur la côte nord-est de Terre-Neuve, il y a des pêcheurs de crabe qui demandent qu'on interdise la pêche des crevettes à la drague pour la même raison. Ils croient — et ils ont probablement de bonnes raisons de le croire — que cela entraîne la destruction des stocks de crabe des neiges. C'est parfaitement logique pour eux parce que le crabe est beaucoup plus lucratif que la crevette.

Dans le même ordre d'idées, si vous limitez certaines pêches, vous êtes obligés de prendre parti sur ces questions. Je ne dirais pas qu'on monte les pêcheurs les uns contre les autres — bien que certains en aient l'impression. Ce qu'on veut, c'est préserver les ressources pour le long terme et essayer de maintenir, ou dans certains cas de rétablir une économie de pêche prospère dans le plus d'endroits possible.

Nous avons déjà eu ces problèmes dans le passé. C'est comme cela qu'on conservait les stocks autrefois. Ce n'était pas délibéré, mais c'était simplement parce qu'on n'avait pas la capacité technique de pêcher 24 heures par jour, 365 jours par an. Il y avait des saisons et des zones où le poisson était protégé simplement parce qu'on ne pouvait pas y aller, et cela fonctionnait. La pêche s'est maintenue de façon durable pendant des siècles sans quotas, sans études scientifiques et sans gestion. Maintenant, nous avons tout cela et c'est la pagaille. C'est parce que nous avons oublié des notions que nous aurions dû toujours garder à l'esprit — quelques notions supplémentaires de conservation.

Le sénateur Mahovlich: Autrement dit, le bon sens.

M. Rose: Le bon sens.

Le sénateur Robichaud: Vous dites que c'est la pagaille dans les pêcheries. Est-ce que c'est généralisé, d'après vous? Il me semble qu'il y a des espèces, comme la crevette, qui se porte fort bien, non?

M. Rose: Ce n'est pas grâce à nous. La nature à Terre-Neuve et au Labrador doit vraiment nous aider car, malgré tout ce que nous avons fait à la morue et à certains poissons de fond, elle nous a quand même donné toutes ces crevettes et tout ce crabe. Nous n'avons rien fait pour mériter cela. Ce n'est pas grâce à de la gestion géniale. C'est purement et simplement de la chance.

Le sénateur Robichaud: La situation du crabe des neiges n'est pas mauvaise non plus, n'est-ce pas?

M. Rose: L'industrie du crabe des neiges représente des millions de dollars par an pour une bonne partie du Canada atlantique depuis une dizaine d'années, mais les stocks de crabe ne se maintiennent pas aussi bien dans cette région que dans d'autres zones. Ils commencent à décliner au large du Labrador et de la côte sud de Terre-Neuve, dans le golfe du Saint-Laurent.

Le sénateur Robichaud: Le golfe a un cycle naturel, non?

M. Rose: C'est ce que font les stocks de crabe.

Le sénateur Robichaud: Si l'on respecte le cycle et qu'on impose des quotas en fonction de ce cycle, on peut raisonnablement rester à l'intérieur des limites de prise acceptables.

Je voulais simplement dire que dans certaines régions, la situation n'est pas si mauvaise que cela. En revanche, on ne peut pas en dire autant des stocks de morue, car je crois que leur situation ne pourrait pas être pire.

Le sénateur Mahovlich: Parlons du Grand Banc. Est que l'OPANO est au courant de notre problème? Est-ce qu'on les a contactés? Est-ce qu'on leur a présenté les problèmes? Ils s'en fichent? Vous dites qu'il y a des navires usines qui pêchent dans cette région.

M. Rose: Oui, ils sont au courant de nos problèmes. M. Woodman connaît mieux la question que moi.

M. Woodman: Sénateur Mahovlich, je crois que vous avez un cahier d'information devant vous. J'invite les honorables sénateurs à l'emporter chez eux ce soir pour le lire tête reposée.

Je tiens à dire que l'OPANO ne fonctionne certainement pas comme le souhaiteraient ceux d'entre nous qui s'occupent de conservation. Vous voulez savoir si l'OPANO est au courant de la situation? J'ai lu quelque part qu'il se pourrait que vous alliez assister à une réunion de l'OPANO cette année.

Le sénateur Mahovlich: Oui.

M. Woodman: Vous allez passer l'une des semaines des plus excitantes de votre vie, à condition de ne pas tomber endormi.

Dans ce cahier, vous avez une correspondance qui remonte à 1994, à l'époque où Herbert Clarke présidait le conseil. Les lettres ne sont pas toutes là, mais je peux vous envoyer tout le reste. Ce sont les lettres que j'ai envoyées au ministre au cours des six ou sept dernières années.

J'y insiste sur la question que vous venez de poser, la question de savoir si l'OPANO est consciente du problème. Toutes ces questions ont été posées à l'OPANO, mais en vain la plupart du temps. Je ne crois pas que l'organisation ait accepté une seule des mesures de conservation que nous avons suggérées, en dehors de chiffres. Par exemple, les pêcheurs canadiens utilisent des mailles de 145 millimètres, alors que la norme de l'OPANO est de 130 millimètres. Nous imposons une taille minimale pour le poisson. Par exemple, pour la plie canadienne, c'est 30 centimètres, mais pour eux c'est 25 centimètres. C'est la même chose pour le flétan du Groenland, le flétan noir.

Nous avons des mesures de conservation intérieures qui ne s'appliquent pas à l'extérieur. Donc, il y a deux régimes parallèles. Ce n'est pas la recette du succès.

Le sénateur Mahovlich: Qui fixe ces règles? On ne peut pas avoir un match où une équipe joue avec une plus petite rondelle que l'autre.

M. Rose: C'est pourtant cela.

M. Woodman: C'est une excellente comparaison. Ils ne s'occupent pas conservation, tout ce qui les intéresse c'est l'exploitation. Ils regardent la quantité de poisson qu'ils peuvent ramener et ils continuent à matraquer la ressource au maximum pour ramener autant de poisson que possible chez eux.

Comme le disait M. Rose, ils traversent l'Atlantique ou vont même à l'autre bout du monde pour prendre du poisson. C'est tout ce qu'ils veulent, attraper du poisson et gagner de l'argent. Ils ont ces chalutiers congélateurs fantastiques, les meilleurs du monde. Il y a en permanence une quantité de ces chalutiers qui pêchent et qui congèlent du poisson.

J'espère que vous allez lire ce document. Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas à m'appeler. Ce document vous donnera un bon aperçu des obstacles auxquels nous nous heurtons auprès de l'OPANO. Certains diront probablement que ce n'est pas vrai. En dehors du programme d'embarquement d'observateurs, je ne vois pas ce que nous avons pu obtenir.

Le sénateur Mahovlich: Ça doit être terriblement frustrant.

M. Woodman: En effet.

Le président: J'aimerais aborder quelques points avant de passer au deuxième tour. Le sénateur Cochrane a parlé de la morue de 4X dans certaines zones de la Nouvelle-Écosse. Je crois qu'on a donné l'impression que la morue pouvait en fait remonter jusqu'au Nord. Ce serait une erreur de le penser, n'est-ce pas?

M. Rose: Oui.

M. Woodman: Effectivement, c'est un stock différent.

Le président: Je voulais être bien certain qu'il s'agissait de deux stocks totalement distincts. Si on autorise la prise d'un certain quota au large du sud de la Nouvelle-Écosse, c'est parce que c'est un stock distinct.

M. Woodman: Dans le document du CSEMDC, on traite la morue du golfe, la morue du plateau de l'est de la Nouvelle-Écosse et la morue de 4X comme un seul groupe dans une seule zone. Ces morues sont situées à l'ouest et à l'est du chenal Laurentien et au large de la côte nord-est de Terre-Neuve. Les trois stocks sont groupés dans ce document, mais ce sont des stocks distincts.

Le président: Je comprends.

L'autre jour, je lisais des coupures de journaux où l'on disait que les chercheurs scientifiques estiment qu'au large de la côte nord des États-Unis, il y a un taux de rejet d'environ 30 p. 100. Je crois que le taux de rejet va même jusqu'à 50 ou 60 p. 100 pour certaines espèces. Les chercheurs incluent un taux de rejet de 30 p. 100 dans leurs calculs d'ensemble pour la plupart de ces poissons.

Savez-vous si les chercheurs canadiens font la même chose? Quand ils calculent les stocks, tiennent-ils compte d'un certain pourcentage de rejet?

M. Rose: Je n'en ai pas connaissance.

Le président: Tout le monde sait qu'il y a des rejets. Étant donné les régimes de pêche — les contingents et cetera — la plupart des gens savent que c'est une réalité.

Est-ce qu'on ne risque pas d'avoir des résultats scientifiques bizarres si l'on ne tient pas compte des rejets?

M. Rose: Cela risque certainement d'influer sur les modèles de rendement utilisés pour décrire l'état des stocks, c'est certain.

Le président: Il vaut probablement mieux que je demande directement à nos spécialistes des ressources halieutiques s'ils tiennent compte d'un facteur de ce genre.

M. Rose: Ils n'en tiennent pas compte. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas conscients du problème.

Le président: C'est parce qu'il est politiquement prudent de ne pas le faire?

M. Rose: Je ne dirais pas cela. Je crois que c'est simplement parce qu'ils n'ont pas une bonne idée du problème. Par exemple, depuis l'ouverture de la pêche au filet maillant dans la zone 3Ps au sud de Terre-Neuve, il y a tout un débat sur les rejets.

Le président: Est-ce que ça ne serait pas parce que le ministère lui-même a encouragé des pêches qui entraînent forcément des rejets qu'on préfère ne pas calculer ce taux de rejet?

M. Rose: Je ne suis pas d'accord. Je ne crois pas que le ministère encourage vraiment ce genre de pêches.

Le président: Il n'a pas encouragé les quotas individuels transférables, et cetera.

M. Rose: Dans une certaine mesure, si. Mais il y a des gens qui contestent que cela encourage vraiment les rejets.

Le président: Je pourrais vous envoyer des articles.

J'ai aussi lu qu'au large du Sénégal, le gouvernement a commencé à mettre en place des récifs artificiels pour dissuader les pays étrangers de venir pêcher dans ses eaux et pour créer des zones de frai pour le poisson. J'ai demandé l'autre jour à un haut fonctionnaire de l'OPANO si nous pourrions envisager de mettre en place un récif artificiel sur le nez et la queue des Grands Bancs. Il m'a répondu que c'était une région trop vaste, mais qu'en choisissant les emplacements de façon stratégique, on pourrait déposer sur le fond des objets de grande taille qui endommageraient le matériel de pêche. Cela aurait un effet dissuasif. Avez-vous envisagé de déverser au fond de l'eau de vieux véhicules, des autobus ou des avions, pour créer un récif artificiel?

M. Woodman: Nous avons tout envisagé à cet égard.

M. Rose: Je préférerais qu'on s'attaque directement de front à tout le régime de l'OPANO. Si nous immergeons de vieilles carcasses dans cette région, nous risquons peut-être d'avoir un problème que nous n'avons pas prévu. En tout cas, celui qui vous a dit que la région est très vaste a raison. C'est une zone immense.

S'ils ont la moindre marge de manoeuvre, je suis sûr que les pays de l'OPANO et leurs pêcheurs sauront trouver une astuce du moment qu'il y a du poisson à prendre dans cette région.

Le président: J'aimerais revenir sur votre idée de gestion unifiée qui part du principe que nous avons un régime de gestion des eaux canadiennes. Vous proposez que ce régime complète celui qui est établi dans la zone réglementée par l'OPANO.

Cela m'intrigue. On nous a parlé de gestion et de contrôle de sauvegarde. Vous nous présentez une formule complètement nouvelle. Vous ne suggérez pas une gestion de sauvegarde, mais une gestion unifiée. J'aimerais en savoir un peu plus.

M. Rose: C'est parce que nous envisageons les choses sous un angle biologique ou écologique plutôt que politique. Je suis sûr que les poissons se fichent de savoir par qui ils sont pris.

Le président: Si le Canada était par exemple signataire de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, pourrait-il porter l'affaire immédiatement devant les Nations Unies?

M. Rose: Le Canada pourrait presque immédiatement soutenir sa thèse sur la base du principe de l'écosystème.

Le président: Le Canada avait jadis une réputation remarquable aux Nations Unies pour tout ce qui concernait les questions maritimes. Je sais que cette image s'est considérablement ternie depuis un certain nombre d'années parce que nous avons perdu beaucoup de nos chercheurs scientifiques. Nous conservons quand même une assez bonne réputation aux Nations Unies. Si nous proposions une telle idée, est-ce que cela ne contribuerait pas considérablement à redorer notre blason? Les Nations Unies ont pris conscience de la réduction dramatique des stocks de poisson dans le monde entier.

M. Rose: Comme vous le savez certainement, le Canada est signataire de diverses conventions. Nous avons aussi promis de reconstituer des stocks de poisson complètement décimés. Comment allons-nous faire? Jusqu'à présent, nous n'avons pas beaucoup avancé.

Bien des gens dans le Canada atlantique et à Terre-Neuve et au Labrador voudraient savoir où on en est concrètement. Est-ce que c'est du vent, ou est-ce qu'on fait vraiment quelque chose?

Le président: On a aussi dit à certains d'entre nous que nous devrions essayer de collaborer plus étroitement avec les écologistes du monde entier car ils pourraient nous aider dans notre entreprise. Je sais que beaucoup d'entre nous se hérissent dès qu'ils entendent parler de certains groupes d'écologistes, mais il s'agit de ceux qui n'ont pas vraiment réfléchi à ce qu'ils disent, des Brigitte Bardot et autres.

Mais les autres? Il y a tous les autres qui sont vraiment sincères. Ils ne veulent pas protéger les phoques parce que ce sont de gentilles petites bêtes, ils veulent protéger des espèces menacées. Est-ce que nous ne devrions pas collaborer plus avec ces groupes d'écologistes? Je n'en nommerai pas, mais est-ce que nous ne devrions pas nous servir plus d'eux?

M. Rose: Je suis d'accord. Cela ne me gêne pas de mentionner des noms. Il y a des groupes d'écologistes dont je respecte profondément le point de vue scientifique, et qui ont beaucoup contribué aux efforts de conservation dans le monde. Il y en a d'autres qui s'occupent simplement de récolter de l'argent, et qui n'ont aucune idée de la situation réelle.

Dans la première catégorie, on pense tout de suite au Fonds mondial pour la nature, une organisation éminemment respectée qui a fait d'excellentes choses dans le monde entier et se concentre maintenant sur les questions maritimes.

Cette organisation a tenu quelques réunions à St. John's. Ce sont des gens qui s'intéressent beaucoup à l'écosystème du Grand Banc sur lequel ils peuvent concentrer leur action. Ils aiment bien se concentrer sur des projets précis. Je pense et j'espère en fait que le Grand Banc va devenir un de leurs projets. C'est un groupe d'écologistes responsables. Ils ne sont pas opposés à la pêche, à la chasse et à la chasse aux phoques comme certains autres groupes. Ils sont pour la conservation, comme devraient l'être aussi les pêcheurs et les chasseurs.

Le président: C'est un peu comme Ducks Unlimited?

M. Rose: En effet. Je pense qu'on peut effectivement compter sur l'aide de ces groupes.

Le président: À ce sujet, la solution dans les Grands Bancs, en particulier dans les zones contrôlées par l'OPANO serait-elle d'avoir des zones de protection marine?

M. Rose: Oui. Toutefois, c'est une expression qui a plutôt mauvaise réputation — à Terre-Neuve en tout cas — à cause de certaines initiatives peu brillantes prises à l'origine par Parcs Canada.

Le président: N'en parlons pas.

M. Rose: L'expression n'est peut-être pas la bonne, mais la formule consistant à protéger certaines zones de l'océan — pas seulement de la pêche, mais aussi des autres activités industrielles comme la prospection pétrolière avec les tirs sismiques et d'autres formes de mise en valeur — est une excellente idée qui est de plus en plus acceptée dans le monde entier comme formule de conservation marine et d'amélioration des pêcheries locales.

Le président: On voit difficilement comment les pays de l'OPANO pourraient être opposés à une telle idée.

M. Rose: Je n'en suis pas si sûr.

Le président: À propos de Smith Sound et de ces poissons morts de froid, certains ont dit à l'époque que c'était les phoques qui chassaient le poisson des eaux chaudes vers des zones où leur sang allait geler en sachant que cela allait les tuer et qu'ils pourraient ainsi les manger. Est-ce que c'est vrai?

M. Rose: En un mot, non. C'est une thèse qu'on a avancée au début, quand les gens essayaient de trouver des explications au phénomène, mais l'enquête a montré que ce n'était pas le cas.

Le président: Enfin, toujours à propos des phoques, certains ont dit qu'on pouvait les stériliser. Est-ce possible? Peut-on aller stériliser tout un troupeau de phoques? Pour plaisanter, j'ai soulevé la question au Sénat et j'ai parlé d'un programme spécial que j'ai baptisé SNIP, pour Stérilisation nationale imminente des phoques, pour lequel on pourrait avoir une subvention de Développement des ressources humaines afin de montrer aux gens comment procéder. Il est certain qu'il faudrait des gars vraiment très forts pour aller s'occuper de ces phoques — et qui courent vite en plus.

M. Rose: Je ne pense pas que ce soit une méthode très prometteuse. La nature mettra probablement en place un système de contrôle des naissances ou de réduction du nombre de petits un jour ou l'autre. Les populations animales ne peuvent pas continuer à grossir indéfiniment. Mais impossible de prévoir quand cela pourrait se produire.

Le problème avec les phoques, c'est que nous l'avons laissé la situation s'aggraver au point de devenir incontrôlable. Comme nous le disions tout à l'heure, il est difficile de justifier l'augmentation du quota que nous avons maintenant d'un point de vue commercial, parce que c'est tuer son propre marché. Ça n'a vraiment pas de sens. C'est parce qu'il y a tellement de phoques là maintenant.

L'histoire nous montre que l'on n'aurait jamais dû cesser la chasse pour commencer. Nous n'aurions jamais eu ce problème. Maintenant, nous ne pouvons pas capturer assez de phoques pour réduire la population très rapidement. C'est tout simplement impossible. Un abattage massif serait inenvisageable politiquement et ne serait sans doute pas très judicieux à plusieurs égards. Nous sommes vraiment pris entre l'arbre et l'écorce pour arriver à ramener cette population à un niveau plus raisonnable.

Peut-être que nous devrons augmenter le nombre de captures le plus possible et espérer que le nombre de naissances va diminuer, ou — comme ça s'est produit dans d'autres régions du monde — qu'un virus arrive qui provoque un grand nombre de morts naturelles. Ce sont des événements naturels imprévisibles. Il faut attendre pour voir.

Le sénateur Cochrane: En réponse à la question du sénateur Mahovlich, M. Woodman a dit qu'avec les pays de l'OPANO, nous avions réussi à faire autoriser la présence d'observateurs à bord des navires. Ça me dit quelque chose. Je ne sais pas si c'est exact. Est-ce que nous devions informer d'abord les navires de l'OPANO que nous allions faire monter un inspecteur à bord du navire pour voir s'ils pêchaient illégalement? Est-ce que c'était l'une des conditions?

M. Woodman: Je ne peux vraiment pas répondre à cette question, sénateur. J'ai lu exactement la même chose que vous, c'est-à-dire que les observateurs donnaient un préavis avant de monter à bord. Toutefois, les navires qui pêchent en mer sont censés avoir des observateurs à leur bord 100 p. 100 du temps. Beaucoup de personnes semblent penser que ces observateurs ne sont pas totalement neutres.

Le sénateur Cochrane: C'est exact, parce qu'ils restent à bord avec l'équipage, et cetera.

M. Woodman: De plus, ils observent ce qui se passe, mais le problème se pose au niveau du suivi.

Le sénateur Cochrane: Le ministre a aussi annoncé qu'il y aurait 6 millions de dollars — c'est ce que disait le communiqué de presse — pour étudier les phoques.

Ce qui m'inquiète, c'est que si nous avons un moratoire sur la morue et qu'il faut deux ans pour étudier les effets dus aux phoques, que va-t-il advenir de la morue? Les phoques seront là, ils pourront attraper tout le poisson, et les bateaux de l'OPANO pourront s'en donner à coeur joie. Nous serons impuissants, sans aucun moyen de réagir.

C'est cela qui m'inquiète. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur Rose.

M. Rose: Vous avez très bien présenté les choses. C'est ce qui inquiète beaucoup les gens à Terre-Neuve et au Labrador et dans les autres provinces de l'Atlantique. Le CCRH s'en est aussi préoccupé, comme le Comité de tous les partis de Terre-Neuve et du Labrador.

Le problème c'est que la fermeture des petites pêches repères que nous avons pour certains de ces stocks de morue ne permettra pas de reconstituer les stocks. Nous mettons de nombreuses personnes dans une situation très dure et douloureuse en leur enlevant leur moyen de subsistance et cetera. Si encore il y avait une raison pour agir ainsi — si l'on pensait vraiment qu'en causant toutes ces difficultés et ces problèmes on pourrait, à la fin, réussir à reconstituer les stocks pour que ces personnes puissent reprendre la pêche, je serais tout à fait d'accord.

Mais ce n'est pas ce que nous faisons. Ce qu'il faut faire — et c'est confirmé par les travaux scientifiques — c'est réduire la population de phoques; protéger les stocks de morue des autres pêches, nationales et internationales; réduire le nombre de phoques; et protéger les stocks de capelan, qui sont essentiels dans la chaîne alimentaire. Nous ne faisons rien dans ces autres domaines.

Que faisons-nous d'autre que fermer ces petites pêcheries? Nous étudions les phoques, mais nous savons déjà qu'ils ont des effets majeurs sur les stocks de poisson. Encore deux ans d'étude, c'est peut-être très bien, mais ça ne nous apprendra pas grand-chose que nous ne sachions déjà. De quoi s'agit-il? C'est vu encore comme une façon de gagner du temps, et c'est peut-être le cas.

Faisons-nous quoi que ce soit pour faire cesser la pêche étrangère? Je l'ai dit tout à l'heure. En ce moment même, il y a sans doute 50 chalutiers d'Espagne, du Portugal et de Russie en train de pêcher là-bas. Est-ce qu'on fait quoi que ce soit pour les en empêcher? Non. Rien. Nous nous bornons à empêcher tous nos petits pêcheurs côtiers d'aller gagner leur vie.

C'est difficile. C'est pour cette raison que les réactions ont été si fortes, non seulement à Terre-Neuve et au Labrador, mais aussi dans les autres provinces au cours des dernières semaines. Ces réactions ne vont pas disparaître, pas cette fois-ci.

Le sénateur Robichaud: Je ne pense pas qu'un ministre puisse essayer de gagner du temps pour éviter le problème. C'est une situation difficile. Lorsque vous dites qu'il faudrait prendre le problème de front, je ne veux pas imaginer les réactions dans le Canada atlantique si l'on devait ordonner la fermeture de toutes les autres pêches pouvant avoir un effet sur la morue.

M. Rose: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le sénateur Robichaud: N'avez-vous pas dit que l'on devait agir dans les autres domaines, comme la pêche à la crevette, et qu'il faudrait faire cesser toute pratique affectant la pêche à la morue?

M. Rose: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'ai jamais demandé cela. Le CCRH demande depuis plusieurs années que la pêche à la crevette soit interdite dans des zones historiquement critiques et essentielles pour la reproduction de la morue et pour les juvéniles.

Je n'ai pas vraiment fait d'analyse mais savez-vous quel impact ceci aurait sur la pêche à la crevette? Aucun. Parce qu'il y a des crevettes partout. Il y a tellement de crevettes qu'on peut jeter un filet n'importe où et en attraper. Les gens le savent. Tous les effets négatifs sur les autres pêches seraient minimes mais ce serait peut-être un petit élément de plus pour améliorer la situation de la morue. Nous ne recommandons pas du tout de fermer les autres pêches et de les affaiblir économiquement. Au lieu de cela, nous voudrions que l'on modifie certaines pratiques pour donner aux morues, et peut-être aux autres espèces, de meilleures chances de se reconstituer.

Le sénateur Robichaud: Pensez-vous que les gens qui pratiquent ce genre de pêche donneraient leur accord sans réserve?

M. Rose: Certains sont d'accord, d'autres pas. Nous n'avons pas beaucoup progressé jusqu'ici.

Le sénateur Robichaud: Les stocks chevauchants couvrent la limite des 200 milles, ce qui étend notre champ de compétence à la plate-forme continentale et au Bonnet Flamand. Comment pourrions-nous faire ce que vous proposez?

M. Rose: Je ne suis pas avocat et je ne connais donc pas tous les tenants et les aboutissants. Du point de vue de la conservation, c'est cette carte-là que nous devrions jouer. À l'échelle internationale, si les gens connaissaient la situation — et c'est là que les organisations comme le Fonds mondial pour la nature peuvent jouer un rôle avec des campagnes de sensibilisation — l'opinion mondiale serait de notre côté.

La première chose à faire serait peut-être de viser ce que j'ai appelé une «gestion unifiée» pour mettre un terme aux disparités qui existent maintenant. Le Canada devrait jouer un rôle de leadership parce qu'il s'agit en grande partie de réglementation sur la gestion et le respect des règlements. Comme le sénateur Mahovlich l'a dit, nous jouons avec des bâtons et des rondelles de taille différente. Comment peut-on faire cela? C'est impossible, ça ne marche pas.

Le sénateur Robichaud: Monsieur Woodman, avez-vous des idées sur la façon de procéder?

M. Woodman: Nous y avons réfléchi et nous en parlons aux réunions du conseil depuis plusieurs années parce que nous savions que le problème était grave. Il est clair que la situation empire.

Avec le jargon juridique utilisé, il est difficile pour un profane comme moi de saisir exactement les implications. À en juger par la réaction en 1995, les gens qui pêchent là depuis plusieurs années réagiraient violemment.

Il faut un effort collectif des deux «protagonistes — l'Union européenne, l'UE, et le Canada. Ils se sont entendus sur une stratégie de reconstitution des stocks et le potentiel n'est pas là parce qu'il y a toujours une certaine méfiance au sein de l'OPANO, où l'on considère que toute mesure prise par le Canada vise uniquement à faire partir l'Union européenne de la zone. C'est exactement ainsi que les Européens ont présenté la chose dans des conversations que j'ai eues avec eux. Ils ont dit que les mesures que nous prenons en matière de conservation, quelles qu'elles soient, visaient uniquement à leur créer de nouvelles difficultés qui les empêchent de gagner leur vie.

La seule solution est d'amener toutes les parties concernées à se rendre compte de la gravité du problème. Ces stocks qui avaient une telle importance sont dans une situation très grave. J'espère qu'à un certain moment ils pourront encore avoir de l'importance pour le Canada atlantique. Pour l'instant, monsieur, il faut une action collective basée sur un accord mutuel entre les deux parties.

Le sénateur Mahovlich: Un juriste qui témoignait la semaine dernière a dit qu'il devait y avoir une rencontre de l'OPANO et de toutes les autres organisations en Nouvelle-Zélande et que le Canada devrait y être représenté. En avez- vous entendu parler?

M. Woodman: Je l'ai lu dans les journaux. Je ne sais rien de plus.

Le sénateur Adams: Est-il vrai qu'en dehors de la limite des 200 milles, le Canada a 95 p. 100 des quotas? Je crois que c'est ce qu'ont dit les témoins de l'OPANO. Je n'en suis pas certain.

M. Woodman: Dans la première partie de notre mémoire se trouve un tableau intitulé «Stocks de la zone réglementée par l'OPANO, Perspectives historiques». Je vais prendre l'exemple de la plie canadienne, qui est à la troisième ligne. Sous les niveaux de TAC, vous voyez la part en pour cent. S'il y avait un quota, la part du Canada est de 98,5 p. 100. Si vous montez d'un cran pour passer à la limande à queue jaune, la part du Canada est de 97,5 p. 100. Pour la plie grise, la part est de 60 p. 100, pour la morue de 3NO, elle est de 47 p. 100.

Pour un habitant de l'État côtier qui a 98 et 97 p. 100 d'une espèce, c'est vraiment difficile d'être à une table de réunion en face de quelqu'un qui a 1,5 p. 100 et de se faire attaquer. C'est incroyable.

Le sénateur Adams: Les Européens n'écoutent pas le Canada. Ce serait plus facile de leur dire de ne pas venir et de leur donner de l'argent.

M. Woodman: C'est ce que nous avons fait pendant quelques années. Nous avions la carotte et le bâton. Chaque fois que nous avons obtenu quelque chose à l'OPANO, ça a été en offrant les carottes. Nous n'avons rien obtenu en demandant des mesures de conservation. Nous avons obtenu certaines choses parce que nous leur avons proposé des quantités supplémentaires de turbot, de sébaste, ou d'autres espèces.

Maintenant, nous n'avons plus de carottes. Les carottes sont finies et nous en sommes aux véritables négociations. S'il n'y en a pas, nous avons un grave problème.

Le sénateur Adams: D'après des observateurs canadiens, certains bateaux européens devraient être mis sur une liste noire parce qu'ils ne respectent pas les tailles de poissons. Est-ce exact?

M. Woodman: Je ne peux pas répondre à cela, monsieur.

Le sénateur Adams: Peut-on attraper n'importe quel type de poisson? Il n'y a pas de limite à la taille des poissons?

M. Woodman: Je pourrais faire une observation, sénateur. Les responsables de l'application des règlements de la région de Terre-Neuve ont préparé un exposé qu'ils ont présenté au Danemark en février 2002 et à nouveau en Espagne, au mois de septembre suivant. Cet exposé donne une indication de ce qui se passe vraiment. Pour la première fois depuis qu'il a été publié, on peut voir les abus qui se produisent.

Quelles mesures a-t-on prises? Une fois qu'un bateau a terminé sa pêche, il rentre à son port d'attache. Le bateau doit être inspecté là-bas avant le déchargement. On doit vérifier ce qui se trouve à bord.

Avant que le comité termine son travail, monsieur le président, jetez un coup d'oeil à l'exposé. Vous verrez exactement ce qui se passe.

Le sénateur Adams: C'était quelle année? 2002?

M. Woodman: Oui. 2002.

M. Rose: Le problème fondamental avec ces pêches c'est qu'il s'agit de navires de grande taille et très coûteux, comme l'a souligné M. Woodman. Nous n'en avons pas beaucoup de cette catégorie au Canada. Lorsqu'ils font tout ce trajet, ils ne vont pas rentrer chez eux à vide. Peu importe les règles qui existent; ces bateaux ne rentrent pas vides.

Il y a des années, lorsque je travaillais pour le ministère des Pêches et Océans, j'ai demandé à un haut fonctionnaire du secteur de l'exécution s'il était arrivé que des représentants du Canada montent à bord d'un navire étranger et constatent, après l'avoir fouillé, que les prises avaient été déclarées en toute honnêteté. Il a réfléchi un moment et il a dit: «Non. Pas une seule fois.»

Certains se demandent comment ils font. Ils ont ces bateaux très dispendieux et capturent des poissons juvéniles qui ne valent pas grand-chose. Comment ont-ils les moyens d'agir ainsi? Nos pêcheurs canadiens ne peuvent pas pêcher ces stocks de façon rentable. Ils ne pourraient pas vendre le poisson. C'est peut-être une façon de les atteindre, en fin de compte. Ces flottilles de pêche touchent des subventions très élevées de leur pays. Elles sont payées par leur pays pour venir ici faire ce qu'elles y font. Certains groupes environnementaux en Europe, le Fonds mondial pour la nature en particulier, essaient de les atteindre par le biais des subventions allouées à ce genre de pêche. Je ne sais pas si cet effort réussira.

Cependant, si l'on éliminait les subventions, la pêche effectuée par ces bateaux ici ne serait certainement plus rentable. Ce serait la meilleure nouvelle possible pour tout le monde.

Le président: Je vous remercie, messieurs, de nous avoir fait partager vos connaissances, votre passion et votre grand intérêt pour ce sujet. Vous avez été d'une aide précieuse pour le comité. Vous nous avez montré pourquoi vous êtes tous les deux tenus en si haute estime. Vous nous avez présenté un exposé excellent. Je vous remercie du temps et des efforts que vous avez tous deux consacrés à cette industrie que vous aimez.

La séance est levée.


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