Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 18 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 4 novembre 2003
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 19 heures pour étudier, afin d'en faire rapport, les questions relatives aux allocations de quotas accordées aux pêcheurs du Nunavut et du Nunavik, ainsi qu'aux bénéfices en découlant.
Le sénateur Gérald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
[Note de la rédaction: Certains témoignages sont présentés par l'intermédiaire d'un interprète inuktitut.]
Le président: Ce soir, nous poursuivons notre étude des questions relatives aux allocations de quotas et aux pêcheurs du Nunavut.
Nous accueillons ce soir des témoins de la Baffin Fisheries Coalition, ou BFC, soit Manasie Audlakik et Gerry Ward, directeur général de la coalition.
M. Audlakik vit à Clyde River, où il travaille pour la municipalité de Clyde River comme opérateur de machinerie lourde. Il a été élu président de la BFC en 2002. Avant, il était vice-président, depuis mai 2001. Il représente l'Association des chasseurs et des trappeurs de Clyde River au conseil d'administration de la BFC. Il a fréquenté une école de Churchill, au Manitoba.
Nous nous réjouissons du fait de pouvoir entendre votre exposé. Vous souhaitez, je crois, formuler d'abord quelques observations, après quoi nous allons demander aux membres du comité de poser des questions. M. Audlakik s'occupe de l'introduction. Monsieur, vous avez la parole.
[Traduction de l'interprétation]
M. Manasie Audlakik, président, Baffin Fisheries Coalition: Je suis accompagné aujourd'hui de Gerry Ward, notre directeur général. M. Ward a occupé des postes dans la haute direction d'organisations au Canada aussi bien qu'aux États-Unis. De même, il a de l'expérience à titre de sous-ministre adjoint. Je tiens à vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de représenter la Baffin Fisheries Coalition.
Je vous demanderai d'adresser les questions à M. Ward, car je ne suis pas le président de la BFC depuis très longtemps.
La Baffin Fisheries Coalition a été créée en 2000 pour étudier l'allocation de flétan annoncée par le ministre des Pêches et des Océans cette année-là. C'est une question de première importance parmi les membres de la collectivité qui font partie de notre coalition. En particulier, nous nous soucions des allocations dans la zone 0A et la zone 0B.
Monsieur le président, certaines des déclarations faites durant les audiences du comité au sujet du flétan et de la Baffin Fisheries Coalition m'ont perturbé. J'aimerais annoncer que les déclarations en question sont fausses.
[Traduction]
M. Gerry Ward, directeur général, Baffin Fisheries Coalition: Si vous le permettez, ce que le président est en train de dire, c'est que nous avons eu le plaisir de lire la transcription, bien entendu, des délibérations antérieures. À plusieurs occasions, des témoins et des sénateurs ont affirmé que la BFC détient un monopole sur la pêche au flétan. M. le président souhaite affirmer que c'est là une déclaration trompeuse, car la BFC est une coalition composée de 11 organisations appartenant à des Inuits disséminées dans l'ensemble de l'île Baffin; voilà la déclaration au sujet de laquelle il souhaite apporter une précision.
Le sénateur Watt: Pouvez-vous préciser si c'était là les déclarations du Sénat ou de témoins.
M. Ward: Des deux, sénateur.
Le sénateur Watt: Des deux.
[Traduction de l'interprétation]
M. Audlakik: Merci de la précision. Je ferai des déclarations honnêtes et directes. En tant que Canadien qui paie ses impôts, j'aimerais être traité de la même façon que les autres Canadiens. M. Ward m'aidera tout au long de la soirée.
Comme M. Ward l'a dit, les 11 communautés s'entendent là-dessus.
[Traduction]
M. Ward: J'aimerais apporter ici une précision. Pour ce qui est de la coalition elle-même, les recettes générées grâce aux allocations de pêche exploratoire du flétan dans la zone 0A seront réinvesties pendant une période donnée dans le développement des pêches sur tout le territoire du Nunavut.
[Traduction de l'interprétation]
M. Audlakik: Au moment de travailler à la pêche côtière et hauturière exploratoire dont il est question, la Baffin Fisheries Coalition travaille aussi à la question de la pêche près des communautés. Nous aimerions donner davantage de formation en étudiant la question de ce qu'il faut faire pour garder les bateaux. Le taux de chômage au Nunavut est élevé — surtout pour ceux qui ne parlent pas anglais. Souvent, on n'a pas d'estime pour eux. Ce n'est pas vrai — même ceux parmi nous qui parlent très peu l'anglais ont des compétences, comme ceux qui reçoivent la formation. Par contre, quand les gens ne parlent pas anglais, ils sont simplement mis à l'écart. Ils essaient d'obtenir quelque chose, mais on ne les voit même pas. Parfois, on les voit, sans avoir d'estime pour eux. J'aimerais dire cela et j'aimerais dire que je veux défendre ces gens. Ces gens peuvent avoir un travail comme nous, subvenir aux besoins de leurs enfants, payer leur maison. Ils ne sont pas heureux de toucher des prestations d'aide sociale. L'aide du gouvernement, c'est bon pour un mois, surtout dans les grandes familles. Aujourd'hui, en particulier à Broughton Island, ils ne peuvent vendre de gravures ni de peaux de bête.
J'aimerais qu'on m'entende quand je dis que les gens qui ne parlent pas anglais sont mis à l'écart, et cela me fait de la peine. Ils ont des sentiments comme nous, comme vous, comme moi. J'aimerais qu'on comprenne clairement ce que je dis à ce sujet. Nous avons beaucoup travaillé à cet aspect des choses pour nous assurer que les pêches portent fruit. J'ai peut-être l'air d'être en colère quand je parle, mais je veux que vous sachiez que je ne le suis pas. C'était simplement ma façon de parler. C'est comme ça que je suis. Je ne suis pas en colère.
J'ai travaillé très dur à régler cette question. Nous avons besoin d'aide pour nous procurer un bateau pour les gens. J'ai travaillé très dur pour les habitants unilingues du Nunavut qui ne parlent pas anglais. Ceux qui ne parlent pas anglais ont de la difficulté à postuler les emplois, quels qu'ils soient. Parfois, s'ils ne parlent pas anglais, la demande est jetée aux poubelles. Comme je l'ai dit, je vais défendre ces gens. J'aimerais voir pourquoi les choses sont ainsi faites. Vous pouvez comprendre cela; je le dirai encore, comme je le fais toujours quand je prononce un discours.
Nous travaillons en vue d'obtenir un bateau pour la région de Baffin. Nous savons que ces bateaux coûtent extrêmement cher et que nous ne pouvons réaliser notre but qu'en obtenant du financement. Comme je l'ai dit, les gens qui travaillent déjà à bord des bateaux en question sont simplement des ouvriers. Ils ne sont jamais commandants ou gestionnaires; ce sont de simples manœuvres.
Nous travaillons en vue de créer la formation qui permettra aux Inuits d'occuper des postes de commandants et de gestionnaires. Nous savons que cela n'est pas possible dans l'immédiat, mais nous savons quand même que, avec une bonne formation, cela peut se faire.
Nous parlons toujours de quotas, alors qu'il faudrait parler de tonnage. Nous aimerions que le quota soit augmenté. Comme je l'ai dit, en tant que Canadiens, nous payons nos impôts. Il faut que nous soyons traités comme les autres Canadiens et que nous nous pliions aux mêmes règles que les autres Canadiens. Si nous allons à l'encontre des lois en question, nous sommes, nous aussi, traduits en justice. Nous aimerions avoir le même quota que les autres et non seulement une fraction.
Nous voulons développer de nouvelles pêcheries, et c'est uniquement grâce au financement que nous allons y arriver. Les gens travaillent très dur à cela.
[Traduction]
M. Ward: Je crois que, au point où nous en sommes, il importe de prendre quelques minutes pour expliquer au comité ce que sont, particulièrement, les réalisations de la Baffin Island Coalition.
Le président: Nous avons reçu un exemplaire complet de l'exposé qui doit être présenté ce soir. Tous les membres l'ont lu intégralement. Permettez-moi de vous rassurer sur ce fait: nous connaissons bien les questions en jeu. Tout de même, nous aimerions passer à la période de questions.
[Traduction de l'interprétation]
M. Audlakik: J'aimerais dire que nous souhaitons éclaircir les choses, et j'aimerais qu'ils prennent la parole, si cela est possible, je vous en prie.
[Traduction]
M. Ward: Monsieur le président, nous n'allons pas prendre trop de temps. J'aimerais résumer le document, puisque vous avez tous eu l'occasion de le lire.
Il est assez important, au point où nous en sommes, de signaler certains faits au sujet de la coalition. En moins de trois ans, nous avons prouvé, sans aucun doute, que nous pouvons attraper du poisson. Nous sommes passés de 2 600 tonnes métriques, en 2001, à 3 600 tonnes métriques, en 2002, et, cette année, nous allons pêcher l'intégralité des 4 000 tonnes métriques dont il est question. Ce faisant, nous avons acquis des connaissances extraordinaires sur la façon de faire progresser cette pêche.
Nous avons diversifié nos produits. La question clé, surtout quand il s'agit d'une nouvelle pêcherie — et nous devons composer avec le fait d'évoluer dans un contexte nordique —, c'est qu'il existe seulement certains types de bateaux que l'on peut employer pour pêcher dans la région.
Nous avons commencé par lancer un appel d'offres. La première année, la plupart des bateaux étaient étrangers. Nous avons augmenté le nombre de bateaux canadiens la deuxième année. Cette année, nous allons prendre 75 p. 100 de l'allocation au moyen des bateaux canadiens. En 2004, la pêcherie sera canadianisée. C'est dans l'intérêt de tous que nous fassions cela. Cela a été notre objectif, et c'est un objectif que nous avons atteint. C'est un point très important.
Quant aux recettes tirées des redevances au sein de la coalition, le conseil d'administration a déterminé que 30 p. 100 d'entre elles seraient investies dans un compte d'achat de bateaux. Il s'agit d'acheter un grand bateau-usine congélateur. Vingt pour cent seulement des recettes seront investies dans les pêches exploratoires, car, il faut le reconnaître, le budget de R et D du MPO a été réduit. Si nous n'investissons pas dans le secteur privé, de concert avec le Conseil de gestion des ressources fauniques et le ministère du Développement durable, cela ne se fera pas.
De même, nous avons contribué grandement au développement de la pêche côtière et apporté plus de poissons à l'usine de transformation du poisson de fond de Pangnirtung, au Nunavut. Nous avons réussi, du fait de l'existence de la coalition, à obtenir plus d'allocations. Nous avons reçu une allocation de pêche à la crevette de 1 000 tonnes métriques dans la zone 1, et de 2 500 tonnes métriques dans la région du Nunavut — dans les zones 2 et 3. Nous avons réussi à obtenir cela parce que nous en avons fait la demande. Personne ne l'avait fait pas auparavant. Nous avons fait la demande, et nous avons reçu ce que nous demandions.
Je dois dire que le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, nous a très bien appuyés, et nous souhaitons le remercier pour ce que nous avons accompli jusqu'à maintenant.
Tout de même, nous estimons qu'il existe certains problèmes graves. Du point de vue de la formation, en 2003, nous avons réussi à dispenser deux cours à Iqaluit, au profit de 24 travailleurs inuits au total. Vingt d'entre eux ont suivi le cours avec succès et sont heureux de travailler à bord de bateaux-usines.
Nous avons approuvé l'investissement de plus de 200 000 $ dans les pêches exploratoires, pour donner un exemple, pour les travaux dans le secteur de la baie Cumberland. Nous travaillons à la question de la pêche à l'omble chevalier dans la région de Qikiqtarjuag et cela ne s'arrête pas du tout là. Nous avons deux autres grands projets à notre compte, un à Clyde River, un à Pond Inlet, où nous envisageons d'établir une pêcherie au flétan pendant les mois d'hiver, dans les régions en question, avec de très bons appuis. En utilisant 200 000 $ du fonds que nous avions, nous avons pu mobiliser un million de dollars supplémentaires pour ce genre de travail, qui doit être fait dans un environnement nordique.
Bien entendu, la coalition a apporté une contribution importante à l'accroissement de la production à l'usine de Pangnirtung. Nous avons parachevé la préparation d'un plan opérationnel. Nous voulons développer une pêcherie. Nous avons adopté une approche et mis au point un plan d'affaires très détaillé, pour une entreprise, globalement, et pour le développement de la pêche hauturière, et, précisément, en ce qui concerne l'acquisition d'un bateau de pêche.
[Traduction de l'interprétation]
M. Audlakik: Je tiens à m'excuser, mais là où il me faudrait être clair, je vais demander à M. Ward de parler en mon nom.
Les Nunavummiuts n'ont pas obtenu leur juste part. On semble croire que notre place est sur la touche. Je ne sais pas pourquoi. Comme je l'ai dit, nous sommes Canadiens nous aussi, nous payons des impôts. Nous respectons les lois canadiennes. C'est un dossier auquel je travaille très dur et que je vais continuer à défendre, car les gens du Nunavut n'ont pas droit à un traitement équitable.
Étant originaire du Nunavut, je dirais que j'aimerais avoir droit au même traitement que les autres Canadiens. Quand j'étais jeune, j'ai remarqué que mes parents étaient craintifs. Le gouvernement n'essayait peut-être pas de leur inspirer de la peur, mais je ne ferai pas comme mon père a fait. Ce sont d'autres qui ont dit à mon père et à d'autres personnes ce qu'il fallait faire, tout le temps, et ils ont eu peur de se tenir debout.
Le coût de la vie au Nunavut est extrêmement élevé. Ce n'est pas bon marché. Nous, gens du Nunavut, aimerions avoir droit à l'équité très bientôt, même demain.
N'hésitez pas à m'interrompre si ce que je dis n'a pas de sens.
[Traduction]
Le président: Je ne veux vraiment pas vous arrêter, mais il faut noter que le temps passe. Le Sénat doit siéger ce soir; nous voulons donc pouvoir revenir au Sénat à une heure décente. Il serait peut-être utile, étant donné que nous avons passé en revue votre mémoire, de passer à la séance de questions.
Un dialogue me paraît toujours plus utile et plus avantageux. Seriez-vous d'accord pour qu'on passe maintenant à la période de questions?
M. Ward: Si vous me permettez de faire une déclaration.
Le président: Je vous en prie.
M. Ward: J'aimerais apporter certaines précisions, plus particulièrement en ce qui concerne la carte, ici, c'est très simple. Pour la zone 0A, en particulier, bien entendu, l'intégralité du flétan dans la zone 0A va au Nunavut. Nous remercions le MPO et tout le monde qui y a mis la main. Dans le cas de la zone 0B, qui est plus petite, il y a 5 500 tonnes métriques de flétan, pour le Canada, dans le secteur; le Nunavut, en particulier, a droit à 27 p. 100.
Parlons maintenant de la pêche à la crevette. En particulier, pour les zones de pêche à la crevette 01, 2, 3 et 4, le Nunavut a droit à 26 p. 100 de l'allocation pour les eaux contiguës. Permettez-moi de faire une comparaison très simple. Quel serait le tollé si, demain, 73 p. 100 du crabe de Terre-Neuve était alloué à l'Île-du-Prince-Édouard? Quelle situation s'il fallait que 44 p. 100 du homard de l'Île-du-Prince-Édouard soit attribué au Nouveau-Brunswick.
Nous ne demandons pas à être traités différemment. Tout ce que nous demandons, c'est d'être traités de manière équitable. Nous ne demandons pas de reprendre quoi que ce soit. Nous disons qu'il faut faire quelque chose à propos des augmentations. Ce n'est pas juste. Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous voulons travailler ensemble et nous assurer de recevoir la majeure partie des augmentations et des allocations dans les zones en question.
Du fait de la situation qu'il y a eu cette année dans le secteur nordique de la pêche à la crevette, le Nunavut a reçu 51 p. 100. Nombre de personnes ferait valoir que 51 p. 100 constituent une majorité, j'imagine que c'est, essentiellement, une majorité. Tout de même, dans le même plan de gestion de la pêche à la crevette dans Nord dont il est question, dans la zone de pêche à la crevette 7, plus au sud, 90 p. 100 sont alloués au territoire contigu, dans le cas qui nous occupe, Terre-Neuve. Au cours de la même annonce, le Nunavut n'a reçu que 51 p. 100. Où est l'équité? Nous ne voulons rien de plus, rien de moins. Traitez-nous équitablement.
Le président: Merci. Nous allons commencer nos questions.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Adams: Je ne suis pas bien sûr de la déclaration que vous avez faite en premier. Notre comité entend des témoignages, et nous avons entendu les diverses préoccupations que les témoins ont exprimées. Pour ce qui est des déclarations faites à propos de la BFC, à quelles déclarations faites-vous allusion et qui les a faites?
M. Audlakik: Je ne suis pas président de la coalition depuis très longtemps. Nous avons entendu parler de cela dans nos communautés. Je ne l'ai pas entendu moi-même, et je ne suis pas président depuis très longtemps.
Le sénateur Adams: Je voulais une précision là-dessus. Les affirmations faites ici sont notées par écrit.
La BFC a commencé au Nunavut. Qui a lancé la coalition pour étudier la question des pêches dans la région de Baffin?
M. Audlakik: Cela faisait très longtemps que nous essayions de mettre cela sur pied dans la région de Baffin. Nous n'avions ni l'administration ni le financement. C'est seulement en l'an 2000, au moment où le gouvernement du Canada nous est venu en aide, que nous avons mis les choses en branle et commencé nos travaux.
Nous avons eu un grand nombre de réunions à ce sujet, mais nous n'avons pu nous mettre en branle avant de trouver le financement et d'organiser l'administration. Cela fait plus d'un an que nous avons formé l'organisation et, dans cet intervalle, nous avons eu un grand nombre de réunions.
Le sénateur Adams: Pour ce qui est du financement, au début, comment la coalition est-elle devenue une organisation, sinon est-ce que c'était simplement un groupe de membres, ou la Baffin Fisheries Coalition est-elle une entreprise?
M. Audlakik: Puis-je demander à M. Ward de répondre à cette question pour moi?
[Traduction]
M. Ward: Oui. Au moment où la coalition est née, il y avait 11 organisations inuites à Baffin Island. La Baffin Fisheries Coalition est autonome. Avant qu'elle ne prenne naissance, nombre des OCT et d'autres entreprises ont investi leur propre argent pour assister à ces réunions, jusqu'à ce que l'organisation soit formée.
Pour être tout à fait franc, on a obtenu d'importants appuis de la Qikiqtaaluk Corporation, qui a fourni le financement, puis nous l'avons remboursée à partir des redevances dues aux pêches. Voilà l'origine des fonds qui ont servi à mettre sur pied l'organisation. Depuis ce jour-là, l'organisation est autonome.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Adams: Vous avez dit que vous aimeriez obtenir un bateau et que vous souhaitiez que les Inuits de la région de Baffin aient leurs propres petits bateaux pour s'adonner à la pêche. L'argent qui vous est versé sous forme de redevances va-t-il aux Inuits ou revient-il à la coalition? Que faites-vous des sommes d'argent que vous recevez?
Si vous obtenez votre propre bateau, l'argent que vous recevez sous forme de redevances semble être remis aux gens. Nous voyons que les gens ne parviennent pas à obtenir les fonds nécessaires pour se procurer leurs propres bateaux, au moment où la coalition reçoit des redevances. Je me demande s'il y a une façon de régler la question.
M. Audlakik: Je demanderais à M. Ward de répondre à la question.
[Traduction]
M. Ward: Les 11 organisations membres ont signé un protocole d'entente. Le protocole d'entente en question dit très clairement que, durant les trois premières années, les recettes de la Baffin Fisheries Coalition doivent être réinvesties dans l'industrie, compte tenu des objectifs de la BFC, que vous avez devant les yeux. Nous avons accompli un travail considérable du point de vue des pêches exploratoires. Nous avons investi une somme d'argent considérable dans l'usine de transformation du poisson, avec les quotas supplémentaires, à Pangnirtung; nous avons organisé des programmes de formation et, en tant que partie de l'objectif visé, nous avons mis de côté 30 p. 100 des redevances globales, de manière à avoir une cagnotte, un fonds pour le moment où il faut investir dans un bateau.
Nous tenons à signaler que nous avons positionné les fonds comme voulu, pour l'achat d'un bateau. Le conseil lui- même peut déterminer, tous les ans, qui attribue les fonds, et c'est ce qu'il fait depuis trois ans. Maintenant, les responsables doivent décider ce qu'on fait dorénavant.
Nous avons mis beaucoup de temps et d'énergie à étudier la question d'un bateau pour le Nunavut. Oublions pour l'instant la question de savoir si cela va à la BFC ou non. Cela me laisse plus ou moins froid. La question, c'est que le Nunavut a besoin d'un bateau de pêche. Nous avons une allocation de 39 000 tonnes métriques de poissons dans les eaux du Nunavut, dont 16 000 tonnes métriques — 34 p. 100 — va à des intérêts du Nunavut même. C'est tout. Par contre, 16 000 tonnes, voilà qui donne amplement une marge de manœuvre pour l'achat d'un bateau ou deux.
Il y aura, d'ici trois à cinq ans, plus d'un bateau au Nunavut, et tous ne seront pas de la BFC. Laissez le secteur privé prendre les choses en main. La BFC est une coalition. Son travail consiste à développer la pêcherie hauturière. Elle le fait grâce aux initiatives que vous voyez. Rien ne nous fait davantage plaisir que de constater qu'il y a des appuis et des investissements à l'égard de petits bateaux de pêche côtière. Tout de même, la réalité, aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas d'infrastructures au Nunavut. Voilà une catastrophe, quand on y pense. Il n'y a pas un seul bateau de pêche au Nunavut, pas un seul centre maritime, pas une seule installation d'accostage.
Avant de se lancer dans de petits bateaux, il faut l'infrastructure nécessaire pour soutenir l'expansion. Étant donné les ressources de la Baffin Fisheries Coalition et d'autres intervenants, les fonds en question peuvent être canalisés au profit du développement des pêches au Nunavut même, point à la ligne.
Le sénateur Adams: Le représentant du MPO était là il y a une semaine environ; il a parlé de quelque huit quotas et il a dit — ici, on possède 100 p. 100 dans la zone 0A, les 4 000 tonnes métriques offertes en guise de récompense à la coalition l'an dernier.
Il a dit qu'il n'avait aucune emprise sur la politique gouvernementale. Il a également demandé si vous perceviez les redevances en rapport avec les 4 000 tonnes métriques en question. Certains des quotas dont il s'agit ne sont pas bons pour le Nunavut. Comment ces choses fonctionnent-elles?
M. Ward: L'intégralité de l'allocation de 4 000 tonnes métriques de flétan dans la zone géographique 0A est attribuée en particulier au Nunavut. Dans le protocole d'entente, toutes les parties ont convenu d'en arriver à une masse critique. Un bateau usagé coûtera de 15 à 20 millions de dollars. Un bateau neuf coûtera de 25 à 35 millions de dollars. On ne saurait appuyer et investir et garder l'infrastructure en place avec 50 tonnes métriques ou 1 000 tonnes métriques d'allocations. Il faut une masse critique.
Tout cela va à des intérêts du Nunavut, oui. Cela ne fait aucun doute. Au Nunavut, il n'y a pas de bateaux pour pêcher. Nous avons maintenant 75 p. 100 des prises canadiennes pour l'année, qui va à l'ensemble des bateaux l'an prochain. Le ministre a fait cette déclaration et, en principe, nous appuyons cela. Permettez-moi de rappeler à tous qu'il a fallu seulement trois ans pour canadianiser une pêcherie, dans la zone 0A, alors qu'il a fallu plus qu'une génération pour canadianiser la pêcherie de la zone 0B, plus au sud. Je crois que nous avons progressé assez rapidement à cet égard.
Je ne sais pas si vous dites que cela n'a pas été au Nunavut; tout cela a été au Nunavut, et les redevances reviennent, intégralement, au profit des gens du Nunavut, grâce aux objectifs exposés il y a quelques minutes.
Le sénateur Adams: J'ai une lettre en date du 29 octobre, de notre maire. Il demande que, pour l'an prochain, environ 1 000 tonnes métriques de la zone 0A soient consacrées à cela et à la pêcherie et, en partie, à la communauté. Pourquoi est-ce que cela ne vous a pas été donné?
M. Ward: Pour ce qui est de l'acquisition d'un bateau dans les communautés en question, nous avons une lettre d'appui qui porte la signature du président de notre organisation de chasseurs et de trappeurs, notre OCT, et qui dit particulièrement qu'il appuie sans réserve la volonté que manifeste la Baffin Fisheries Coalition de se procurer un bateau.
Les banques ne vous prêteraient pas d'argent si vous ne pouviez produire, en guise de garantie, une allocation de x nombre d'années, durant la période où vous payez le bateau. Je crois que tout le monde au Nunavut — les OCT et le secteur privé — sait qu'il faut en arriver à une masse critique pour investir dans une telle entreprise.
Cela ne fait aucun doute: à l'avenir, il y aura un développement important de la pêche côtière au Nunavut. Par contre, il faut mettre en place l'infrastructure en premier lieu, et ensuite bâtir l'entreprise. En tant que coalition, rien ne nous plairait davantage que de voir se développer la pêche côtière et de voir un plus grand nombre de pêcheurs locaux s'adonner à la pêche. Tout de même, nous devons mettre en place les programmes de formation et l'infrastructure et, une fois cela fait, il s'agit de construire les quais — et les bateaux viennent toujours au quai — et cela se fera.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Watt: Vous avez parlé des Inuits, de leur faible taux d'activité et du fait que, là où il y a des revenus, on ne les engage pas parce qu'ils ne parlent pas anglais. C'était vrai dans toutes les communautés, dans chaque région. C'est une réalité difficile, et nombre d'Inuits survivent grâce à la chasse — surtout l'Inuit unilingue qui survient aux besoins de sa famille et de ses enfants en chassant. C'était au cœur de votre exposé; les Inuits n'ont pas droit à un traitement équitable quand ils ont besoin d'un emploi pour survivre, hormis le cas de l'assistance sociale.
Quand on regarde les affirmations que vient de faire M. Ward — que 30 p. 100 puissent servir à l'achat d'un bateau, on voit que cela pourrait donner 1,5 million de dollars pour trois ans. Il y a 20 p. 100 qui sont attribués à la pêche expérimentale et 20 p. 100 supplémentaires à l'usine de Pangnirtung. Tout ensemble, cela donne un million de dollars environ.
Néanmoins, vous dites ne pas avoir d'infrastructures dans vos communautés. Il n'y a pas d'usines de transformation du poisson; il n'y a pas d'infrastructures pour les pêches. Pourquoi l'argent ne sert-il pas à établir l'infrastructure au Nunavut? C'est ma première question. J'en aurai d'autres.
[Traduction]
M. Ward: Les membres ont convenu à l'unanimité de la destination des redevances, du fait qu'elles serviraient à réaliser les objectifs dont nous avons parlé — plus particulièrement, d'établir un fonds pour revenir dans les communautés.
La Baffin Fisheries Coalition est un organisme sans but lucratif; sa vocation est proprement sectorielle. Nous devons mettre l'infrastructure en place. En envisageant l'acquisition d'un grand bateau de pêche — le premier, mais ce ne sera pas le dernier —, puis les redevances qu'on peut en tirer, on voit que l'objectif est clair, réinvestir dans les communautés. D'autres communautés peuvent souhaiter mettre sur pied une usine de transformation, et c'est une question dont il faut discuter.
La réalité, c'est qu'un des grands objectifs de la coalition consistait à réserver 30 p. 100 des redevances à un fonds pour l'acquisition d'un bateau. Nous sommes heureux de signaler qu'il y a dans notre compte une somme d'argent importante qui pourra servir à l'achat d'un bateau pour les Inuits.
Cela fait 20 ans que la pêcherie existe au Nunavut — il y a des bateaux de chêne; il n'y a que quelques emplois, pour la forme; et il y a de nombreux bateaux. Sur une période d'un an, 13 bateaux usines viennent dans les eaux du Nunavut. Chaque bateau a à son bord 25 à 30 personnes, et si nous réussissons à placer trois ou quatre Inuits à bord, de nos jours, nous avons beaucoup de chance. Cela n'est pas acceptable. C'est seulement en ayant prise sur son bateau et sur son destin, en étant l'actionnaire majoritaire, c'est seulement à ce moment-là qu'on peut influer sur la question de l'emploi et on peut alors former les gens en conséquence.
En dernière analyse, ce qu'il faut dire, c'est que le conseil peut déterminer à n'importe quel moment comment il souhaite dépenser son argent. Ses objectifs au cours des trois premières années étaient clairement exposés. Trente pour cent pour l'acquisition du bateau, 20 p. 100 pour les pêches exploratoires visant à développer la pêcherie dans des zones comme Clyde River ou Pond Inlet, là où le taux de chômage est très élevé.
Il est logique de songer à construire, à un moment donné, un plus grand nombre d'installations côtières. Il n'y a qu'une usine sur la vaste côte du Nunavut aujourd'hui. Le rôle de la BFC consiste à mettre en place l'infrastructure et à utiliser une partie des recettes et des redevances pour faire l'acquisition d'un bateau, construire des usines sur la côte et ainsi de suite.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Watt: Vous avez mentionné l'idée de trouver plus de travail aux Inuits et le fait qu'on a tendance à ne pas les engager. Combien d'Inuits travaillent au sein de la coalition?
M. Audlakik: Nous avons formé 24 Inuits l'an dernier. D'autres gens aimeraient obtenir la formation. Nombre des gens qui aimeraient obtenir la formation ne sont pas inclus parce qu'ils ne parlent pas anglais. Le nombre de personnes qui reçoivent la formation serait nettement plus nombreux si les gens parlaient anglais.
Le sénateur Watt: Quand vous obtenez les quotas accordés par le MPO, est-ce que vous les vendez à des bateaux du Sud qui n'appartiennent pas à des Inuits?
[Traduction]
M. Ward: Le MPO accorde le quota ou l'allocation. Au Nunavut, cela passe par le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, ou CGRFN, qui, à son tour, répartit l'allocation. Il y a trois ans, selon le protocole d'entente, nous avions un groupe de travail sur les pêches au Nunavut qui comprenait Nunavut Tunngavik Incorporated, le ministère du Développement durable et le CGRFN. De concert avec les 11 membres, nous avons décidé de mettre en commun nos ressources et d'attribuer des fonds, pour les trois premières années, au développement d'éléments d'infrastructure et d'accumuler des sommes d'argent pour l'achat de bateaux et (ou) une formation. Ils ont décidé de mettre toutes les ressources dans l'entreprise, et c'est ce qu'ils ont fait.
Ils ont alors convenu du fait que l'allocation de la zone 0A irait entièrement à la Baffin Fisheries Coalition. Pour ce qui est de l'avenir, cela dépend. Maintenant, cela va au CGRFN. Pour apporter une précision là-dessus, nous avons pour allocation 4 000 tonnes métriques. Puis, au moyen d'un appel d'offres, nous avons annoncé dans divers journaux de la région de l'Atlantique comme ailleurs que nous étions à la recherche de bateaux canadiens pour la pêche. Ce n'est que lorsque nous avons établi que nous n'avions pas à notre disposition un nombre suffisant de bateaux canadiens que nous avons reçu de la part du MPO la permission d'utiliser des bateaux étrangers.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Watt: Lorsque vous vendez les quotas alloués à des entreprises de pêche du sud, ils viendront pêcher dans vos océans. Y a-t-il un protocole d'entente ou un accord qui fait que les responsables de ces bateaux doivent employer des Inuits?
[Traduction]
M. Ward: Oui.
Le sénateur Watt: Pouvez-vous expliquer cela?
M. Ward: Le nombre d'Inuits qui font partie de l'équipage des bateaux en question dépend du contrat signé. Tout de même, nous avons conclu un contrat avec les responsables de chacun des bateaux — pour qu'il y ait deux ou trois ou quatre Inuits à bord. Nous avons dû négocier très dur avec eux pour qu'il y en ait deux, trois ou quatre à bord des bateaux, et c'est une chose que nous avons faite. Aujourd'hui, par exemple, il y a dans la zone 0A cinq bateaux qui pêchent le flétan et un bateau qui pêche la crevette, uniquement pour nous, dans la zone de pêche à la crevette un. À bord des bateaux en question, aujourd'hui, il y a près d'une vingtaine d'Inuits.
Puis-je ajouter que, à la suite des deux cours que nous avons organisés cette année, 20 des 24 personnes inscrites ont franchi la barre. Tous ceux qui souhaitaient travailler à bord de ces bateaux y ont été placés et s'y débrouillent très bien. Le commandant a beaucoup d'estime pour eux, ils se débrouillent très bien, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour ce qui est de former nos gens au travail qu'il faut faire à bord d'un bateau.
Vous connaissez la Société Makivik. Je crois que les gens de la Société Makivik ont fait un travail admirable pour former les gens destinés à travailler à bord des bateaux. Aujourd'hui, ils peuvent compter plus de 50 p. 100 de l'ensemble, ce sont leurs gens à eux.
Le sénateur Watt: De qui parlez-vous?
M. Ward: De Makivik, en particulier.
Le sénateur Watt: C'est moi qui l'ai conçue.
M. Ward: Je crois qu'ils ont fait un très bon travail du point de vue de la formation.
Je dis que notre objectif est très clair pour ce qui est du bateau. Vous devez savoir qu'il y a une certaine courbe d'apprentissage qui s'applique. Nous disons que nous voulons 25 p. 100 la première année, 40 p. 100 la deuxième et 50 p. 100 la troisième. Nous allons nous contenter de rien de moins qu'une majorité de membres de l'équipage du Nunavut à bord de ce bateau, point à la ligne.
Vous n'y arriverez jamais si vous ne contrôlez pas votre propre destin et vos propres bateaux. Nous n'allons pas demeurer là à ne rien faire, pendant que les choses se font à l'envers. Dorénavant, nous allons agir.
Le sénateur Watt: Ai-je bien entendu que, dans les cas où cela relève directement de votre contrôle, pour ce qui est de certaines de ces entreprises du secteur privé, il y a un certain pourcentage de vos gens qui travaillent à bord des chalutiers en tant que pêcheurs?
M. Ward: C'est cela.
Le sénateur Watt: Dites-vous que vous n'avez pas les renseignements voulus sur l'autre bateau qui achète les permis? Vous ne savez pas s'il y a des membres de l'équipage qui sont inuits? Je parle des bateaux du secteur privé qui échappent à votre emprise — ceux qui reçoivent le permis des OCT.
M. Ward: Je ne saurais vraiment le dire. Tout de même, je peux vous assurer du fait qu'il n'y en a pas beaucoup, puisque, dans la plupart des cas, les allocations des chasseurs et des trappeurs sont de l'ordre de 50 ou de 200 ou de 300 tonnes métriques. Si un bateau prend 67 000 tonnes métriques par an, de quel moyen disposez-vous pour lui forcer la main? Très souvent, vous devez le prier de prendre votre produit.
Notre offre de crevettes nordiques — Pandalus borealis — est trop grande. Il n'y a pas de croissance du marché; il y a saturation. Avec les augmentations que nous avons vues cette année, il y a une bonne part de crevettes qui demeurent dans l'eau. Ce que nous disons, c'est que si 100 tonnes métriques vous sont allouées, vous devez implorer ces gens de prendre le poisson pour vous, et vous n'obtenez pas un rendement maximal.
Nous avons maintenant atteint une masse critique. Nous avons 4 000 tonnes métriques de flétan et 3 500 tonnes métriques de crevettes. Nous sommes en position pour négocier. Nous pouvons dire: «Vous allez vouloir faire cela pour nous, vous allez faire ce qui suit et prendre les gens suivants à bord de vos bateaux.» C'est l'approche que nous avons adoptée, et je crois que nous sommes tous relativement heureux du succès que nous avons connu en deux ans seulement, en faisant cela.
Le président: Je vais suspendre les travaux pour quelques minutes. Nous allons devoir demander à nos collègues de la Chambre la permission de prolonger la séance de notre comité pour un petit moment. La greffière va monter dans quelques minutes pour voir si nous avons la permission de prolonger la séance. À 20 h, nous n'allons peut-être pas être obligés de lever la séance; tout de même, nous devons suspendre les travaux pour quelques minutes.
Le sénateur Cochrane: J'aimerais donner suite aux questions du sénateur Watt concernant les 24 Inuits qui ont été formés l'an dernier. Vous avez dit que tous ceux qui souhaitaient travailler à bord des bateaux pouvaient le faire maintenant. Combien sont allés à bord des bateaux?
M. Ward: Il y en a 15 ou 16, parmi les 20, qui sont allés à bord des bateaux. C'est pour de bonnes raisons que les autres ne l'ont pas fait: certains avaient des raisons d'ordre médical. Dans certains cas, en fait, plusieurs d'entre eux préfèrent demeurer auprès de leur famille, sur terre, puis vont pêcher en octobre et en novembre.
Nous avons engagé un agent de liaison à temps plein, pour les collectivités, afin de nous occuper du va-et-vient et des emplois que nous annonçons à la radio et dans les journaux. Tous ceux qui souhaitaient pêcher après avoir suivi le cours ont été placés à bord de bateaux, de sorte que nous sommes en train de constituer un très bon bassin de travailleurs.
Le sénateur Cochrane: Pour ce qui est des redevances de la pêcherie, quelle somme la BFC perçoit-elle par année?
M. Ward: Cela dépend de la récolte. Nous appliquons une combinaison de méthodes pour déterminer ce que nous prenons, en dollars par tonne métrique et en pourcentage de la prise. Par exemple, cette année, nous allons percevoir de 1,75 à 2 millions de dollars en redevances. Collectivement, les recettes brutes que nous avons obtenues depuis 2001 se chiffrent à plus de 4 millions de dollars, au total.
Le sénateur Cochrane: Vous touchez donc 2 millions de dollars environ tous les ans?
M. Ward: La première année, nous avons récolté 2 600 tonnes métriques; la deuxième, nous avons récolté 3 600 tonnes métriques. Nous nous améliorons. Nous pêchons plus au nord. Nous pêchons des poissons qui sont plus gros. Nous savons où pêcher; nous connaissons la profondeur des eaux. Cette année, nous allons pêcher environ 4 400 tonnes métriques de poissons, cela dépend donc de la quantité de nos prises. On ne se trompe pas en disant, compte tenu des allocations en question, que nous générons des recettes de l'ordre de 1,75 à 2 millions de dollars tous les ans.
Le sénateur Cochrane: Combien de gens travaillent à la BFC et quelles sont les dépenses annuelles totales consacrées aux salaires?
M. Ward: Nous formons une coalition. Il n'y a que deux employés à la BFC aujourd'hui. À titre de directeur général, j'ai pour responsabilité de mettre en œuvre le plan d'affaires, puis d'organiser et de faire croître l'entreprise. Le siège social se trouve à Iqaluit. Nous avons maintenant engagé un jeune Inuit qui est très compétent, qui parle très bien deux langues, en tant qu'agent de liaison au Nunavut. Avec le temps, il arrivera certainement à jouer un rôle plus important au sein de l'organisation, et il abat un excellent travail.
Nous souhaitions faire en sorte que les dépenses demeurent peu élevées au départ, pour plusieurs raisons: pour réinvestir dans la formation et dans les pêches exploratoires, et pour constituer un fonds en vue de l'acquisition d'un bateau. Nous avons atteint tous les objectifs que nous nous sommes fixés. C'est le plan d'affaires que nous avons dressé en 2002. C'est un grand plan d'affaires qui expose clairement ce que la BFC souhaite faire du point de vue de la pêcherie.
Le président: Je vais suspendre temporairement les travaux, le temps que nous déterminions si nous avons la permission de siéger plus longtemps.
M. Ward: Nous avons une histoire à relater. Ce serait vraiment bien d'avoir quelques minutes de plus.
Le président: Mes excuses pour la suspension temporaire des travaux. Nous redonnons la parole au sénateur Cochrane.
Le sénateur Cochrane: Ma première question est restée sans réponse, si bien que j'aimerais continuer. Vous dites qu'il n'y a que deux employés. J'aimerais savoir quelles sont vos dépenses annuelles totales au chapitre des salaires.
M. Ward: C'est une affaire privée. Je ne suis pas prêt à révéler les salaires octroyés au sein de l'entreprise sans l'autorisation de mon conseil d'administration. Il me semble raisonnable de faire valoir ce point.
Toutefois, je suis disposé à vous fournir certaines précisions. En ce qui concerne les activités quotidiennes de la BFC, j'agis à titre de premier dirigeant au chapitre de l'exécution du plan d'affaires, du développement des activités, et de l'acquisition de bateaux. Nous avons embauché un agent qui assurera la liaison auprès des villages. Outre les deux employés qui exercent leurs activités dans le bureau, nous comptons un nombre considérable d'employés à bord des bateaux de pêche. Nous ne les employons pas directement, car ils sont payés par les propriétaires des bateaux, mais nous avons placé un nombre assez important de travailleurs inuits sur ces bateaux.
Pour ce qui est du salaire de ces personnes, je l'ignore. Cela peut varier d'un bateau à l'autre. Ce que je peux vous dire, c'est qu'ils en vivent assez bien, et que le salaire varie d'un bateau à l'autre.
Le sénateur Cochrane: Je parle de la BFC. Vous dites qu'il n'y a que deux personnes: un employé inuit et vous-même. Ainsi, vous faites tout. Ne confiez-vous pas certaines tâches à des sous-traitants?
M. Ward: Non, je penserais plutôt qu'il s'agit de personnes compétentes qui ont retenu les services de la BFC afin qu'elle fasse le travail pour eux.
Le sénateur Cochrane: Seulement deux personnes?
M. Ward: Nous n'avons pas besoin de bâtir une bureaucratie pour faire fonctionner la BFC. Nous établissons des contrats avec d'autres bateaux.
Lorsque nous aurons fait l'acquisition d'un bateau, le nombre d'emplois à la BFC augmentera considérablement. Nous aurons besoin d'un comptable, d'un chef de bureau et d'une secrétaire. Nous nous retrouverons soudainement avec cinq ou six employés. Je n'ai pas besoin d'une secrétaire, car je suis tout à fait capable de taper mes propres lettres et d'acheminer mes propres courriels et télécopies. À l'heure actuelle, je peux diriger cet organisme en Russie autant qu'au Nunavut, grâce à mon portable et à mon téléphone cellulaire.
L'objectif initial consistait à jeter des bases financières saines avant d'établir l'infrastructure qui favorisera la croissance des activités. Il faut acheter les bateaux et ensuite se doter d'une infrastructure de gestion et de personnel de bureau. C'est là que nous en sommes. Nous sommes très près de cette étape. Nous n'allons pas embaucher des gens pour les renvoyer plus tard. Ils doivent être productifs, et le conseil d'administration l'a dit très clairement: si le personnel existant peut livrer la marchandise, qu'il le fasse.
Le sénateur Cochrane: Vous affirmez que, d'ici quelques années, vous allez probablement prendre de l'expansion et embaucher des employés supplémentaires?
M. Ward: Cela se produira beaucoup plus rapidement. Tout le monde sait que nous envisageons sérieusement la possibilité d'acquérir un gros bateau usine pour l'an prochain. Nous n'avons pas le choix.
Le sénateur Cochrane: Ainsi, vous allez probablement accroître votre nombre d'employés dès l'an prochain.
M. Ward: Il y aura plus à faire dans ce secteur d'activités, effectivement.
Le sénateur Cochrane: Vous avez dit quelque chose au sujet de la publicité. Vous faites de la publicité dans l'Atlantique. Pourriez-vous me fournir des détails sur le sujet?
M. Ward: Nous agissons de façon tout à fait transparente, de sorte que tout le monde peut voir ce qui se passe. Par exemple, pendant trois ans, nous avons publié des annonces dans The Navigator, un journal de pêche disponible dans tout le Canada atlantique. Nous avons aussi fait de la publicité dans The Evening Telegram, à St. John's. Nos annonces font appel aux propositions concernant la pêche s'inscrivant dans le quota pour la zone 0A pour les bateaux canadiens, et elles invitent les parties intéressées à se manifester. Nous veillons aussi à ce que les modalités soient claires.
Nous choisissons des bateaux parmi ceux qui répondent à l'annonce. Nous effectuons un tri afin de retenir les bateaux qui peuvent offrir le meilleur rendement à notre entreprise.
Le sénateur Cochrane: Vous avez placé des annonces en vue de recruter des bateaux.
M. Ward: C'est ça, des bateaux de pêche.
Le sénateur Cochrane: Mis à part le Canada atlantique, où faites-vous de la publicité?
M. Ward: Nous n'avons pas fait de publicité ailleurs, pour plusieurs raisons. Il est certain que les membres de la coalition savaient ce que nous faisions. S'ils avaient été intéressés par les OCT, ils auraient fait quelque chose. La réalité, c'est qu'il n'y a au Nunavut aucun bateau destiné spécifiquement à la pêche dans les eaux du Nunavut, alors nous n'avions d'autre choix que de nous tourner vers le Canada atlantique. Non, nous n'avons pas fait de publicité en Colombie-Britannique ou ailleurs, car cela n'était tout simplement pas pratique.
Le sénateur Cochrane: Ne croyez-vous pas qu'il aurait été pratique de faire de la publicité dans la région du Nunavut aussi?
M. Ward: Vous avez absolument raison à cet égard. Toutefois, je dois réitérer le point suivant: tous les intervenants du domaine de la pêche hauturière au Nunavut sont des membres votants de la Baffin Island Coalition. Cela découle d'une décision du conseil d'administration. Au bout du compte, même si on faisait de la publicité au Nunavut, qu'est- ce que le Nunavut pourrait faire?
Il serait insensé de réaffecter des ressources ou d'attribuer des quotas à d'autres intérêts du Nunavut, puisque nous tentons de faire la même chose. Le financement disponible est limité.
Le sénateur Cochrane: Je m'inquiète pour les gens qui préoccupent M. Audlakik: ceux qui ne savent ni lire ni écrire et qui ne parlent pas anglais. J'aimerais qu'ils soient traités de façon équitable et qu'ils soient en mesure de participer à ce qui se passe dans leur région.
M. Ward: Ces exactement ce que nous tentons de faire. C'est pourquoi la coalition a été créée. Personne n'est plus préoccupé par la maximisation de l'emploi des Inuits en particulier, ainsi que dans les collectivités, que le président et moi-même.
Je dis aux membres de mon conseil d'administration qu'ils sont élus au conseil d'administration par leur OCT ou leur communauté, et qu'ils sont responsables de présenter l'information sur l'emploi à leur communauté. D'ailleurs, nous avons effectué une tournée des collectivités à cette fin, en janvier dernier.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que tout le monde est heureux du travail de leur représentant au sein de la BFC?
M. Ward: Nous ne pouvons répondre à cela. C'est une question à laquelle doit répondre chaque OCT. Nous fonctionnons au moyen d'un conseil d'administration. C'est le conseil qui établit les directives que je dois suivre.
Le sénateur Cochrane: Ce monsieur a dit qu'il avait entendu des discussions au cours desquelles des membres de sa communauté étaient mécontents. Sont-ils mécontents du travail de la BFC? De quoi sont-ils mécontents?
M. Ward: Il y a un malentendu sur ce point. Ils sont mécontents du fait qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois. Ils ne sont pas nécessairement mécontents du travail de la BFC. Ils disent: «Nous avons une ressource dans nos eaux, pourquoi n'y a-t-il pas davantage d'Inuits sur ces bateaux?» L'un des principaux objectifs liés à la création de la BFC consistait à offrir une formation afin que les gens de Clyde River, de Pond Inlet, de Qikiqtarjuaq et des autres régions puissent jouir d'un accès équitable à l'emploi sur ces bateaux.
Le sénateur Cochrane: J'aimerais voir la BFC s'intéresser à l'éducation de ces gens: il faut les aider à apprendre l'anglais afin qu'ils puissent tirer leur épingle du jeu dans cette économie mondiale. J'espère que la BFC est encline à faire cela.
M. Ward: Nous devrions certainement en envisager la possibilité.
Le sénateur Cochrane: Monsieur aimerait prendre la parole.
[Traduction de l'interprétation]
M. Audlakik: Nous ne disposons pas du financement nécessaire pour offrir aux gens une formation en anglais, et ils ne parleront pas anglais immédiatement. Je suis allé à l'école et j'ai commencé à apprendre l'anglais il y a longtemps, et je ne suis toujours pas à l'aise. La BFC n'a pas de fonds pour une telle formation. Si nous avions cet argent, il faudrait que cette formation dure de nombreuses années.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane: Je comprends. Toutefois, ce que j'essaie de dire, c'est que vous pourriez vous fixer comme objectif d'effectuer une part de ces redevances à l'éducation de vos enfants. Vous affirmez ne pas être capable de parler anglais. Je vous ai entendu à quelques reprises, et vous parlez assez bien, c'est vrai. Vous parlez mieux anglais que je ne peux parler français, alors ne soyez pas trop critique, vous vous débrouillez plutôt bien. Vous avez seulement besoin de vous pratiquer davantage.
Oui, cela va prendre du temps. Je le sais. Mais n'abandonnez jamais: justement, la semaine dernière, à l'occasion d'une audience, j'ai vu environ 25 de vos jeunes ici; ils sont à Ottawa pour huit mois, en vue de suivre une formation. Vous avez du bon monde. C'est juste qu'ils sont encore jeunes. Ils reviendront à la maison et auront beaucoup d'impact dans votre région, croyez-moi. N'abandonnez jamais. L'éducation est la clé de tout: on ne peut aller nulle part sans elle.
Le sénateur Hubley: Je parlerai brièvement de la formation en anglais. Toutefois, pour l'instant, j'aimerais parler d'infrastructure.
Nous avons certainement entendu dire à quel point il est important de se doter de quais et de ports, voire même d'usines de transformation. Mais qu'est-ce qui vient en premier? À l'heure actuelle, vous mettez de côté 30 p. 100 de vos redevances dans un fonds afin de le faire fructifier et d'acheter un bateau. Vous planifiez votre présence dans les pêches.
Où allez-vous amarrer votre bateau et effectuer les autres tâches lorsque le temps viendra? Quelle devrait être la priorité? Qui devrait être responsable de chacun de ces aspects?
M. Ward: Pour ce qui est de l'infrastructure, comme les ports, les installations d'amarrage et les installations marines, il s'agit clairement du rôle et de la fonction des gouvernements. Le rôle de la BFC ne consiste pas à mettre en place des quais et des installations d'amarrage. Prenez, par exemple, le Canada atlantique. La majorité des ports de la région — en particulier, au Labrador — ont été créés en vertu d'une entente de développement économique, d'une entente de partage des coûts entre Ottawa et les provinces concernées. Il s'agit clairement d'une responsabilité gouvernementale. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Le conseil d'administration décide chaque année comment répartir ces fonds, et il le fera encore cette année. Nous avons déjà fixé un certain nombre d'objectifs pour les trois premières années, et nous poursuivrons la réalisation de ces objectifs. La stratégie qui consiste à acquérir un bateau vise justement à faire certaines choses dont nous avons parlé ici ce soir, comme investir dans l'éducation et les pêches exploratoires.
Nous tenons à le déclarer officiellement: nous avons tous échoué lamentablement en ce qui concerne l'éducation et la formation de nos citoyens — y compris à l'égard de la formation linguistique permettant d'accéder aux bateaux de pêche. L'un des principaux problèmes sur les bateaux tient à l'absence de communication découlant d'obstacles linguistiques.
Nous exécutons actuellement un imposant processus de formation à la BFC, et nous le faisons parce que nous avons maintenant la capacité de le faire. L'un des gros enjeux envisagés par le conseil d'administration est la formation, et nous affecterons des sommes considérables dans ce domaine.
Le sénateur Hubley: En ce qui concerne les programmes à frais partagés, est-il possible que la BFC prenne part à un programme à coûts partagés afin de se doter d'une infrastructure? Ce n'est peut-être pas votre rôle.
M. Ward: Eh bien, ce n'est certainement pas le mandat de la BFC à l'heure actuelle. Toutefois, la BFC et ses administrateurs peuvent décider chaque année de l'affectation de ses fonds.
Le sénateur Hubley: À quel point une telle initiative serait-elle prioritaire?
M. Ward: Il est très clair que les coûts en infrastructure liés à la création de ports et d'installations d'amarrages au Nunavut sont astronomiques. Le coût est très élevé dans le Canada atlantique. Je pense à trois programmes dans le Canada atlantique — plus spécifiquement, à Terre-Neuve — où des ententes de développement économique, d'une valeur oscillant entre 60 et 80 millions de dollars, ont été conclus dans le seul but de créer des ports dans des régions isolées. Je sais que cela suppose beaucoup d'argent.
Le principal objectif de la coalition consiste à fournir des emplois tout en veillant à ce que les bateaux soient dotés de pêcheurs inuits. Cela constitue tout un défi. Nous pouvons former tous les employés d'usine en un an ou deux. Par contre, savez-vous combien de temps il faudra mettre pour former des mécaniciens, des officiers de pont, des contremaîtres, et ainsi de suite? C'est ce que nous faisons à l'heure actuelle. Il est question de millions de dollars de formation au cours des trois à cinq prochaines années. Nous sommes capables de relever ce défi.
Le sénateur Hubley: Où la formation est-elle dispensée?
M. Ward: Nous accordons la priorité au Nunavut. Deux des cours que nous avons offerts cette année ont été dispensés à Iqaluit.
Où voulons-nous aller? Nous voulons offrir une éducation communautaire lorsque cela est possible. Nous éprouvons les mêmes difficultés au Québec ou dans d'autres régions isolées. Il est difficile de les convaincre de quitter leur famille pour une période de trois semaines à un mois. Lorsque cela est possible, nous voulons nous adresser directement aux communautés.
Dans le pire des cas, ils doivent aller à Iqaluit. La formation de mécaniciens et d'officiers de pont ainsi que la formation liée à la navigation seront dispensées ailleurs qu'au Nunavut. Selon toute probabilité, elle sera offerte dans un institut de marine à St. John's ou ailleurs dans le Canada atlantique. Ils possèdent les compétences requises pour le faire. D'ailleurs, les instituts de marine négocient actuellement un protocole d'entente avec le Collège du Nunavut en vue d'une collaboration dans le cadre de laquelle les étudiants du collège pourront obtenir une formation auprès des instituts. Nous contribuerons au financement de cette initiative.
Le sénateur Hubley: Quelle est la langue de travail sur les bateaux de pêche?
M. Ward: L'anglais, principalement.
Le sénateur Hubley: On peut donc affirmer que l'anglais est une condition préalable à l'obtention d'un emploi sur un bateau.
M. Ward: Non, nous n'affirmons pas qu'il faut parler anglais pour être à bord d'un bateau. Certaines personnes sur les bateaux parlent très peu anglais. Elles parlent inuktitut.
C'est un problème, car pour les encadrer, il faut établir un groupe afin de créer un sentiment d'appartenance. Au cours des dernières années, nous avons eu deux bateaux de pêche norvégiens. La plupart des gens à bord parlent norvégien et russe; très peu parlent anglais. Vous pouvez imaginer le casse-tête que cela représente.
Nous arrivons à surmonter cet obstacle. Évidemment, puisque nous avons davantage de membres de l'équipage qui sont inuits, nous devons envisager la possibilité de retenir les services d'un interprète à bord s'il le faut.
Le sénateur Mahovlich: Comptez-vous faire des démarches auprès du gouvernement lorsque viendra le temps d'établir votre infrastructure?
M. Ward: Le ministère du Développement durable, ainsi que d'autres ministères, ont tenu de nombreuses discussions avec la BFC — en particulier le groupe responsable des ports et des embarcations de petite taille. Je sais qu'ils sont venus au Nunavut et qu'ils ont envisagé plusieurs zones susceptibles d'accueillir des ports en eau profonde, et ainsi de suite.
Si on bâtit l'infrastructure, de nombreux bateaux seront déchargés au Nunavut. Cela stimulera le développement des entrepôts frigorifiques, des installations de transbordement et du trafic aérien — les retombées seront énormes.
Le sénateur Mahovlich: Cela devrait intéresser le gouvernement. C'est très positif. Je crois qu'il devrait être très intéressé à établir un port là-bas. En ce qui concerne les jeunes étudiants qui apprennent l'anglais, apprennent-ils aussi le français?
M. Ward: Eh bien, il y avait des interprètes dans la classe pour les 24 étudiants qui ont suivi le cours cette année.
Le sénateur Mahovlich: Et qu'en est-il des étudiants en deuxième, troisième ou quatrième années? Possèdent-ils une certaine connaissance de l'anglais ou du français? C'est le moment de commencer, lorsqu'ils sont jeunes.
M. Ward: M. Audlakik et le sénateur Adams sont peut-être mieux placés que moi pour répondre à cette question. Au Nunavut, les enfants apprennent l'inuktitut jusqu'en sixième année. Par la suite, l'enseignement se donne en anglais.
Le sénateur Adams: Jusqu'en sixième année?
M. Ward: Sénateur, je suis heureux que vous ayez soulevé la question. Prenons un moment pour examiner de façon plus détaillée la démographie du Nunavut. Grâce au gouvernement fédéral et au gouvernement du Nunavut, si vous terminez vos études secondaires, vous pouvez trouver dans votre secteur un assez bon emploi bien rémunéré.
Il faut d'abord se demander si on est disposé à passer deux mois sur un bateau de pêche à la fois, lorsqu'on a la possibilité d'obtenir un emploi terrestre et de voir sa famille en soirée. Il est clair que beaucoup de gens voulaient suivre la formation; nous avons dû limiter notre classe à 24 étudiants. C'est tout ce que nous pouvions nous permettre, mais nous aurions pu remplir cinq classes.
Vous constaterez que les personnes qui resteront dans le domaine des pêches sont celles qui ont besoin de cet emploi pour faire vivre leur famille — en particulier, les personnes d'âge moyen. Ces gens resteront et seront vos meilleurs employés. Au chapitre de la formation et de l'éducation, il faut les aider à accéder au niveau secondaire. Nous devons leur laisser savoir qu'il y a des possibilités de carrière dans la pêche et qu'il y a d'autres choix que de devenir fonctionnaires. Ils peuvent devenir mécaniciens, officiers de pont ou chefs d'usine, ou se lancer dans les domaines de la vente et du marketing. Il y a des débouchés fantastiques.
Le sénateur Johnson: Je suis très intéressée par ce que vous avez dit au sujet de la formation. Dans votre mémoire, vous dites que 24 travailleurs inuits ont terminé le cours. Où sont-ils maintenant?
M. Ward: À bord de bateaux de pêche.
Le sénateur Johnson: Est-ce que tous ces diplômés sont sur les bateaux?
M. Ward: Ceux qui étaient prêts et disposés à aller sur les bateaux sont sur des bateaux, oui.
Le sénateur Johnson: Combien de personnes êtes-vous en train de former présentement?
M. Ward: Nous lancerons de nouveaux programmes de formation en janvier.
Le sénateur Johnson: Et combien de temps dure ce programme?
M. Ward: Quiconque veut travailler en mer — pas seulement dans les pêches — doit d'abord suivre certains cours de base, comme le cours Fonctions d'urgence en mer, ou FUM. Ces cours durent environ deux semaines. C'est tout ce dont ils ont besoin. Cela suppose, par exemple, de sauter dans des eaux glaciales, vêtu d'une combinaison d'immersion, et d'apprendre comment redresser une embarcation renversée; ce sont des choses très importantes. Si vous vous retrouvez à 72 ou à 73 degrés de latitude au nord, où l'eau est à zéro degré, vous ne survivrez pas très longtemps si vous ne trouvez pas un moyen de rembarquer dans un petit canot pneumatique. C'est toute une épreuve pour ces gens, mais ils doivent le faire.
Notre approche et notre stratégie sont très claires. Il faut acquérir la formation de base, obtenir le certificat de Fonction d'urgence en mer, qu'on appelle aussi «formation prémaritime». Au total, ce programme dure trois semaines. C'est ce programme qui vous permettra d'avoir accès aux bateaux.
Cela ne nous suffit pas, car les meilleurs emplois dans le domaine sont liés aux postes de chef d'usine, de contremaître, de mécanicien et d'officier de bord — ces postes sont bien rémunérés. Nous voulons inscrire ces gens dans un programme d'apprentissage et les envoyer à l'école pendant l'hiver, lorsqu'ils ne pêchent pas. C'est l'orientation que nous prenons. Notre survie en dépend.
Le sénateur Johnson: Alors, vous prenez des mesures en ce sens?
M. Ward: Nous faisons énormément de travail à cette fin, mais je ne suis pas en mesure d'en parler ici aujourd'hui.
Le sénateur Johnson: À quel moment seriez-vous en mesure de nous en parler?
M. Ward: Toute cette information prendra forme au cours des deux prochains mois.
Monsieur le président, puisque la formation est un enjeu auquel vous accordez de l'importance, vous seriez peut-être intéressé à commenter.
[Traduction de l'interprétation]
M. Audlakik: Je ne peux pas vraiment vous dire grand-chose à ce sujet. Nous voulons offrir davantage de formation, mais nous n'avons tout simplement pas les fonds nécessaires. Dans le Nord, la formation est coûteuse. Nous venons de dépenser 140 000 $. Nous voulons offrir de nombreux autres programmes de formation. Cependant, dans le Nord, les billets d'avion ne sont pas donnés. Un vol d'Iqaluit jusqu'à ma localité est plus coûteux qu'un billet aller-retour entre Iqaluit et Ottawa.
[Traduction]
M. Ward: J'aimerais réagir à cette question lorsque nous présenterons le mot de la fin.
Le sénateur Johnson: Merci. Ma dernière question concerne le changement culturel. Est-ce que cela se déroule en douceur? Ils quittent la maison et laissent derrière eux leur mode de vie traditionnel.
M. Ward: Il est très difficile d'extraire une personne de sa communauté, qu'elle soit inuite ou terre-neuvienne. C'est comparable à l'époque où la pêche hauturière a commencé à Terre-Neuve, au cours des années 60 et 70. La population avait toujours pêché sur la côte, et nous avons éprouvé énormément de difficulté à les convaincre de pêcher au large. Une expédition ne durait que deux semaines. C'était un vrai problème. Ce n'est pas un problème aujourd'hui, parce qu'ils sont mieux rémunérés.
Nous connaîtrons cette même évolution au Nunavut. C'est un choc culturel. Imaginez une personne qui a l'habitude de vivre sur la terre ferme et d'être avec sa famille, et qui doit partir sur un gros navire de pêche — de 60 à 65 mètres, de quatre ou cinq étages — pour deux mois, sans possibilité de débarquer. Nous avons échoué lamentablement pour ce qui est de bien préparer nos gens à la vie sur un bateau. C'est l'un des problèmes que nous tentons de résoudre à l'heure actuelle.
Le sénateur Adams: J'aimerais revenir à votre recommandation de verser jusqu'à 30 p. 100 sur trois ans, pour un total de 1,5 million de dollars, et d'affecter 20 p. 100 aux pêches, sur trois ans.
Un grand nombre de ces personnes sont issues de familles de pêcheurs, comme c'est le cas à Terre-Neuve. Vous gérez les quotas et en faites l'acquisition auprès du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Vous parlez aussi d'éducation.
Si j'ai un bateau de 65 pieds et que j'ai besoin de six membres d'équipage, je sais que les gens de la communauté — je sais quelles personnes sont de bons chasseurs et de bons pêcheurs. Je ne crois pas qu'il faille s'en remettre au système d'éducation pour trouver des gens pour aller pêcher.
Vous voulez vous tailler une place dans le domaine, et il y a le système de quotas. En attendant, il y a des gens qui sont incapables de se procurer l'argent nécessaire à l'achat d'un bateau et au lancement d'une entreprise, car ils ne possèdent pas la formation nécessaire. Votre demande semble empiéter un peu sur les efforts des Inuits qui veulent trouver un emploi à bord d'un bateau de 45 ou de 65 pieds. C'est plutôt la BFC qui trouve les bateaux, se lance en affaires et dit: «C'est notre quota ici, et nous ne pouvons vous le donner.» Comment réagissez-vous à cela?
M. Ward: C'est une très bonne question, et je vous répondrai franchement. À l'heure actuelle, si on attribuait 4 000 tonnes à tous ces bateaux, on n'arriverait même pas à atteindre le quota. Vous connaissez l'environnement dans lequel nous évoluons. Il n'y a ni port pour décharger les bateaux, ni installation d'amarrage, ni usine ailleurs qu'à Pangnirtung.
Au cours de nos trois premières années d'activités, nos objectifs étaient assez clairs. Si le conseil d'administration de la BFC souhaite maintenant envisager l'adoption d'autres objectifs, comme le financement de bateau, ils ont le pouvoir de le faire. Il est clair que le conseil d'administration peut envisager cela. Je dis seulement qu'il faut se demander si on commence par l'œuf ou la poule. Est-ce qu'on mise sur les activités hauturières pour développer les activités côtières? C'est l'approche que la coalition a appliquée auprès des 11 membres.
Au cours des trois dernières années, nous avons donné suite à toutes nos recommandations et réalisé tous nos objectifs. Notre orientation pour les trois prochaines années sera peut-être complètement différente. Elle peut s'inspirer des commentaires de votre comité ou des OCT qui désirent un changement d'orientation. C'est tout à fait conforme au mandat du conseil. On tient chaque année une assemblée générale des actionnaires afin d'établir les objectifs.
Je déclare officiellement qu'au cours des trois à cinq prochaines années, le secteur de la pêche côtière au Nunavut sera imposant. Toutefois, nous devons le financer. Nous avons besoin de financement pour l'offre de formation liée à ces bateaux usines. Lorsque certaines personnes obtiendront leur brevet de capitaine de pêche, quatrième classe, ce qui veut dire qu'ils peuvent être capitaine d'un bateau de 65 pieds ou agir à titre de mécanicien à bord, nous espérons qu'ils voudront acheter leur propre bateau. Cela fera partie de notre évolution. C'est ce que nous vivons à l'heure actuelle. Voilà pourquoi il est important pour un organisme sectoriel comme la BFC de revoir son orientation et de la remanier chaque année. C'est la raison d'être de la BFC.
Le sénateur Adams: Nous avons entendu le témoignage de représentants du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et du ministère du Développement durable. Ils estiment que l'infrastructure nécessaire à l'établissement des pêcheries au Nunavut coûterait environ 50 millions de dollars. Ils disent que le MPO a dépensé plus de 50 millions de dollars l'an dernier, dans le cadre de projets d'infrastructure partout au Canada. Toutefois, on n'a pas vu la couleur de cet argent au Nunavut.
Certaines localités ne sont même pas dotées d'un quai. Je crois que nous devons créer une infrastructure, surtout dans les localités dotées d'installations portuaires.
[Traduction de l'interprétation]
Le sénateur Watt: Au cours de votre témoignage aujourd'hui, vous avez mentionné à titre d'exemple l'Inuit unilingue qui travaille sur les bateaux. D'après ce que j'ai vu, les Inuits comprennent bien le principe de la chasse. Ces gens savent déjà comment chasser et survivre sur la terre ferme. Ils peuvent acquérir ces nouvelles compétences très rapidement.
Par contre, si vous comptez embaucher seulement les Inuits qui parlent anglais, je tiens à vous laisser savoir que vous laisserez derrière vous les gens les plus qualifiés. Ne perdez pas cela de vue. Si on vous dit que les Inuits qui ne parlent pas anglais ne seront pas embauchés, je tiens seulement à dire que vous savez que les Inuits possèdent beaucoup de compétence.
M. Audlakik: J'aimerais commenter la déclaration du sénateur Watt. Des gens nous ont dit que, lorsque nous ne parlons pas anglais, nous sommes écartés. Je vous prie de m'écouter bien attentivement: cela s'est déjà produit. On nous a déjà dit ça.
Je suis membre du conseil d'administration depuis 1996, et je n'ai jamais entendu parler d'eux. Merci.
Le sénateur Watt: Vous ne faites plus partie de ce comité.
M. Audlakik: Je suis devenu membre du comité en 1996. On nous a dit qu'on représenterait les Inuits et qu'on nous convoquerait aux réunions, les quatre représentants de Clyde River, Broughton Island et Iqaluit et Pond Inlet. Aucun d'entre nous n'a eu de nouvelles depuis 1996.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. J'ai un certain nombre de questions au sujet des chalutiers congélateurs, et ainsi de suite. Toutefois, puisqu'il se fait tard, je ne pourrai pas poser ces questions. Je les poserai un autre jour.
Je crois que M. Ward aimerait brièvement présenter le mot de la fin.
M. Ward: Nous avons une occasion en or d'offrir des emplois importants et bien rémunérés aux collectivités géographiquement et économiquement défavorisées du Nunavut. Nous avons besoin du soutien de votre comité pour promouvoir notre cause. J'ai quelques recommandations à formuler.
Premièrement, le gouvernement fédéral doit prendre un engagement important à l'égard de l'infrastructure. C'est sa responsabilité et son rôle. Deuxièmement, le ministre des Pêches et des Océans doit s'engager à donner suite aux recommandations du rapport du GICA. Nous ne pouvons nous asseoir ici et accepter un taux de 51 p. 100. Oui, cela constitue une majorité, mais c'est inacceptable lorsqu'on exige généralement un taux de 80 à 89 p. 100 dans les autres territoires du Sud.
Troisièmement, il y a trop peu d'information scientifique sur la pêche dans le Grand Nord. Il faut davantage de R et D. Nous devons savoir si nous pouvons pêcher jusqu'à l'Île d'Ellesmere. Pouvons-nous aller à 78 degrés de latitude nord? Quelles autres espèces retrouve-t-on au Nunavut? S'il n'y a pas de programme de recherche, comment pouvons- nous savoir? C'est le rôle du gouvernement, et nous sommes prêts à investir pour soutenir la recherche.
Quatrièmement, le Nunavut doit se doter de ses propres bateaux de pêche s'il veut contrôler sa propre destinée et offrir de l'emploi. Cela ne se produira pas si nous ne sommes pas autonomes. La formation est un enjeu très important. Nous avons besoin de votre soutien à cet égard. Il y a le programme Partenariat pour les compétences et l'emploi des Autochtones, pour répondre aux commentaires et à la question de madame le sénateur sur la formation. Ce nouveau programme national de 85 millions de dollars destiné aux Autochtones vient tout juste d'être annoncé. Nous travaillons avec acharnement afin d'établir un programme de formation d'envergure pour l'ensemble du Nunavut — en dehors de la BFC — pour former nos gens afin qu'ils obtiennent leur brevet de capitaine au cours d'une période de cinq ans.
Nous vous invitons à soutenir le Nunavut, en particulier pour ce qui est de ce programme. Nous avons besoin de vos dollars et de votre soutien pour réaliser nos objectifs.
Nous devons maintenir l'engagement envers le développement des pêches côtières. Nous ne pouvons nous permettre de manquer le bateau et d'attendre 20 ans, sans navire ni infrastructure. Cette possibilité est tout simplement inacceptable pour quiconque aujourd'hui. Nous sommes organisés et préparés, et il est clair que nous voulons aller de l'avant.
En conclusion, nous tenons à remercier le comité de nous avoir écouté ce soir, et nous vous invitons à venir au Nunavut pour pêcher et voir comme c'est un endroit fantastique.
Nous sommes convaincus que l'industrie de la pêche au Nunavut est vouée à un brillant avenir. Il s'agit d'une industrie qui pourrait occasionner des retombées économiques dans tout le Nunavut.
Le président: Merci. L'audience de ce soir s'est révélée des plus informatives. Nous vous remercions tous les deux d'avoir pris le temps de nous aider à mieux comprendre les défis auxquels vous êtes confrontés au Nunavut. Nous savons que vous êtes très occupés.
Nous partageons votre désir de fournir des emplois aux gens du Nunavut, et de leur offrir un accès équitable. Notre comité fera tout son possible pour vous prêter main-forte. C'est toujours notre but.
La séance est levée.