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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 3 - Témoignages du 12 février 2003


OTTAWA, le mercredi 12 février 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit ce jour à 15 h 46 pour examiner les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique afin d'en faire rapport.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je souhaite la bienvenue aux porte-parole de la Chambre de Commerce du Canada et du Conseil canadien des chefs d'entreprise qui sont venus comparaître devant nous aujourd'hui.

Monsieur d'Aquino, allez-y, je vous prie.

M. Thomas d'Aquino, président -directeur général, Conseil canadien des chefs d'entreprise: Monsieur le président, nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. Cela fait longtemps que nous admirons le travail du comité.

M'accompagne ici aujourd'hui M. George Haynal, premier vice-président, politiques, qui s'est joint à notre organisation dans le courant de l'année. Il a toute une vie d'expérience derrière lui, ayant eu une carrière remarquable au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Est également ici avec nous notre conseiller économique supérieur, M. Sam Boutziouvis, qui s'occupe depuis aussi longtemps que je me souviens de relations Canada-États-Unis-Amérique du Nord et de questions économiques mondiales.

Je suis ravi d'être accompagné d'eux et j'oserais dire que s'il leur arrive de trouver ma logique erronée ils bondiront tout de suite pour insuffler leur sagesse dans mes propos.

Monsieur le président, en prévision de cette comparution devant le comité, nous avons pensé qu'il y avait plusieurs approches possibles. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise est connu par la plupart d'entre vous sous son ancien nom, le Business Council on National Issues — Conseil canadien des chefs d'entreprises. Nous avons officiellement changé notre nom au début de l'an dernier, ce en partie pour refléter le mandat trilatéral de notre organisation — le Canada, l'Amérique du Nord et le monde. C'est ainsi que nous répartissons nos ressources, nos avoirs, notre temps et nos priorités.

L'organisation est composée des chefs de nos 150 plus grosses entreprises, dont 35 sont responsables de la grande majorité des exportations aux États-Unis et en Amérique du Nord. Ces 150 entreprises administrent collectivement des avoirs d'une valeur supérieure à 2,1 billions de dollars et sont responsables du gros du commerce, de l'investissement, de la recherche, du développement et de la formation au Canada. Notre enjeu collectif à l'égard du Canada, en tant que puissance commerciale efficace, est absolument énorme.

Je vais vous entretenir brièvement d'une nouvelle initiative que nous avons récemment lancée, tout juste en janvier. Nous appelons cela l'«Initiative pour la sécurité et la prospérité nord-américaines». Je peux vous promettre que vous allez en entendre davantage parler dans les mois à venir car cela représente l'aboutissement d'un travail très sérieux accompli au cours des 12 derniers mois en vue de répondre à la question de savoir vers quoi devrait maintenant tendre le Canada dans sa relation en Amérique du Nord. En d'autres termes, comment devons-nous traiter avec la nouvelle «Rome du Potomac»? Par ailleurs, que devons-nous faire face à un environnement de sécurité ainsi qu'à un environnement économique qui sont en train de changer très rapidement?

Il n'est nul besoin pour moi d'insister auprès des personnes réunies autour de cette table sur le degré d'intégration entre les économies du Canada et des États-Unis qui a été réalisé depuis la signature de l'Accord de libre-échange. Je constate que le sénateur Carney est ici aujourd'hui. J'en suis ravi car elle et nous savons que les plus sombres pronostics quant aux effets qu'allait avoir l'ALÉ se sont en fait réalisés dans le sens étonnamment tout opposé.

Le commerce total a plus que doublé depuis 1994, approchant des 2,3 milliards de dollars par jour. Les États-Unis comptent aujourd'hui pour plus de 80 p. 100 des exportations du Canada, et nous achetons quant à nous environ le quart de la totalité des exportations américaines — plus que les 15 membres actuels de l'Union européenne ensemble et trois fois plus que le Japon. Plus d'un demi-million de personnes et 45 000 camions traversent notre frontière commune chaque jour. Le mouvement de marchandises par le poste frontalier entre Detroit et Windsor est supérieur à tout le commerce américain avec le Japon.

Nous comptons pour 19 p. 100 des importations américaines, ce qui est énorme. C'est plus que l'Europe et plus que le Japon. Bien que cela inspire la crainte chez certains qui aimeraient que l'on s'en excuse, le gros des pays du monde feraient n'importe quoi pour occuper une telle position sur le marché américain.

Les attentats terroristes du 11 septembre ont exposé la vulnérabilité partagée de nos deux sociétés. Le besoin très clair d'accorder la toute première priorité à la sécurité par suite des attentats a, comme vous le savez, eu une incidence immédiate et dévastatrice sur le trafic transfrontalier et a très rapidement mené à la fermeture d'usines et à d'énormes pertes économiques dans les deux pays. En même temps, ces attentats ont fait ressortir à quel point nos deux pays partagent les mêmes valeurs essentielles, la même histoire et les mêmes racines institutionnelles et, partant, la nécessité de relever les nouveaux défis mondiaux en tant que membres d'une communauté nord-américaine.

L'accord pour une frontière intelligente signé par le vice-premier ministre John Manley et par Tom Ridge, Homeland Security Secretary, en décembre 2001, a marqué un pas très important dans notre travail conjoint en vue d'assurer la sécurité physique des citoyens des deux pays d'une façon qui n'entrave pas leur sécurité économique.

Le conseil entrevoit la possibilité de bâtir à partir de ce travail. C'est ainsi que nous avons, en janvier, lancé notre Initiative pour la sécurité et la prospérité nord-américaines, ou ISPNA, en vue d'accélérer le progrès sur les plans économique et de sécurité en forgeant un nouveau partenariat canado-américain.

Bien que la stratégie prônée par notre conseil soit d'envergure très vaste, elle ne préconise aucune forme d'union politique entre nos deux pays, excluant toute possibilité d'assemblée législative conjointe, de cour supérieure commune ou de forces armées communes. Nous ne proposons pas non plus un marché commun de style européen doté d'institutions supranationales chapeautant le tout.

Bien que la réduction suggérée des différences entre le traitement canadien et le traitement américain du commerce avec des pays tiers puisse éventuellement illustrer les avantages d'une union douanière exhaustive, ni cette option ni une monnaie commune ne font partie de la stratégie dont nous faisons la promotion. Le conseil s'attarde plutôt sur cinq volets clés que je vais m'efforcer de résumer rapidement.

Le premier de ces cinq volets clés est ce que nous appelons la «réinvention des frontières», chose dont vous avez beaucoup entendu parler au comité. Pour réaliser ce que le gouvernement canadien a décrit comme étant une frontière qui est «ouverte aux affaires mais fermée au terrorisme», nous croyons que nos pays doivent créer une zone de coopération englobant le continent au lieu d'axer leurs efforts de sécurité sur la ligne qui nous sépare. Pour ce faire, il nous faut mettre l'accent sur la protection des abords de l'Amérique du Nord tout en éliminant les barrières réglementaires, de procédures et d'infrastructure à notre frontière intérieure.

L'efficacité des frontières sur une planète mondialisée est une question de processus plutôt que de géographie. Il nous faut, pour assurer notre sécurité et notre prospérité partagées, bâtir sur la déclaration de 2001 en matière de frontières intelligentes et établir des approches communes au traitement, à l'infrastructure, à la surveillance et au renseignement commerciaux, des papiers d'identité nord-américains et une institution commune chargée d'assurer le contrôle. Cela nous permettrait en définitive de transformer cette frontière intérieure en des postes de vérification efficaces mais partagés, à l'intérieur d'un espace économique intégré.

Le deuxième élément de notre stratégie est la «maximisation des efficiences économiques». Étant donné le degré élevé d'intégration de nos deux économies, nombre de nos systèmes de réglementation sont redondants. S'agissant des normes et des procédures d'inspection et d'accréditation, par exemple, nos deux pays devraient pouvoir appliquer un principe de «vérification unique» aux fins du marché canado-américain. Nous devrions à cette fin créer des groupes techniques conjoints chargés d'examiner nos cadres de réglementation secteur par secteur et de fournir aux gouvernements des deux pays des conseils quant aux moyens à mettre en oeuvre pour combler les écarts par le biais de reconnaissance mutuelle ou d'autres formes d'harmonisation.

Il importe, dans le cadre de cet effort, d'aborder trois questions très sensibles. Celles-ci sont énormes mais d'une importance critique: l'utilisation de recours commerciaux à l'intérieur d'un marché intégré de facto, des restrictions réglementaires en matière d'accès et de propriété dans les principales industries et, ce qui est vraisemblablement un objectif à plus long terme, les entraves à la mobilité d'ouvriers qualifiés.

La troisième composante de notre stratégie vise à veiller à «la sécurité des ressources». Le Canada et les États-Unis bénéficient d'un riche marché de ressources interdépendant englobant pétrole, gaz naturel, électricité, charbon, uranium, métaux primaires, produits forestiers et agriculture. La sécurité de nos deux pays dépend de l'assurance de mouvements ininterrompus entre nous.

Nous croyons qu'il importe que soit lancée une initiative d'envergure destinée à éliminer la menace de différends commerciaux et, plus particulièrement, à résoudre une fois pour toutes les questions controversées en matière de prix et de subventions dans le secteur des ressources. Une telle initiative devrait déboucher sur un pacte en matière de sécurité des ressources fondé sur deux principes de base: des marchés ouverts et des cadres de réglementation compatibles.

La quatrième composante est très importante et fait l'objet de beaucoup de discussions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des pouvoirs publics. Je veux parler ici d'une «alliance de défense nord-américaine». Nos militaires jouent un rôle critique dans la protection de notre continent, mais les États-Unis en portent une part de responsabilité très largement disproportionnelle. Le Canada doit et réinvestir dans sa capacité de défense et veiller à l'interopérabilité des forces armées canadiennes et américaines sur terre, en mer et dans les airs.

S'appuyant sur leurs antécédents de collaboration sur plus de 40 ans par le biais du NORAD, nos deux pays devraient s'efforcer de créer une communauté de défense nord-américaine de nations souveraines. La nouvelle structure élargirait notre alliance pour défendre le continent contre toute attaque au missile ou autre menace par les airs; partager plus efficacement la protection navale des abords de l'Amérique du Nord; protéger les éléments d'infrastructure essentiels tels pipelines, réseaux électroniques, chemins de fer, ponts et lignes de transmission; et nous permettre de réagir ensemble aux désastres naturels ou causés par l'homme des deux côtés de la frontière.

Une capacité de sécurité canadienne intérieure rehaussée au sein de l'Amérique du Nord permettrait au Canada de contribuer plus efficacement à la guerre mondiale contre le terrorisme.

La cinquième composante de la stratégie est la nécessité de créer des «institutions du XXIe siècle». La relation dynamique Canada-États-Unis n'est plus servie adéquatement par les règles et institutions nationales et bilatérales existantes. Il faut à l'Amérique du Nord un nouveau partenariat axé sur la collaboration et le respect mutuel de la souveraineté de chaque pays, et non pas un modèle de type européen caractérisé par des institutions supranationales. L'on pourrait créer des commissions mixtes spécialisées chargées de se pencher sur les quatre volets ciblés par la stratégie: réinvention de la frontière, maximisation des efficiences économiques, assurance d'une sécurité des ressources et établissement d'une alliance de défense nord-américaine plus efficace. Le cadre institutionnel requis pour gérer un partenariat canado-américain plus rapproché exigera cependant un examen très attentif.

En conclusion, monsieur le président, j'aimerais m'attarder sur la dimension nord-américaine. Le conseil attache beaucoup d'importance au rôle du Mexique en tant que partenaire nord-américain. Des entreprises canadiennes investissent vigoureusement au Mexique depuis dix ans. Nous avons découvert le Mexique et le Mexique nous a découverts aussi. L'économie et la société mexicaines sont déjà étroitement liées à celles des États-Unis, et la relation du Mexique avec le Canada est en train de se construire.

Il se présente d'énormes possibilités pour les trois pays de bâtir sur les fondements de l'ALENA et chaque pays contribue au partenariat des atouts uniques. Lorsque les gens nous demandent pourquoi nous sommes si enthousiastes à l'égard du Mexique, je leur dis que c'est un pays de 100 millions de personnes dont la moitié sont âgés de moins de 30 ans. Un bien plus grand nombre de jeunes Mexicains sont aujourd'hui en train de poursuivre des études et le Mexique va devenir une force avec laquelle il faudra compter. Le Mexique va cependant également présenter au continent de sérieux défis.

Nos pays devraient avancer d'une manière pratique et à un rythme qui convient à nos intérêts respectifs. Si les trois pays s'entendent sur une initiative donnée, ils devraient bouger ensemble. Si deux des trois pays s'entendent sur quelque chose, le troisième devrait être libre de les rejoindre lorsque cela lui convient. Cette approche a été très porteuse lors de l'élaboration de l'ALE et de l'ALENA et pourrait donner de bons résultats à l'avenir.

Une version plus détaillée de ma déclaration figure sur notre site Web. J'ai déposé un certain nombre de recommandations plutôt détaillées mais nous avons également fait état d'une vision à plus long terme dont nous parlons à l'interne depuis presqu'un an, soit le concept d'un «traité de l'Amérique du Nord». Ce traité serait un mécanisme grâce auquel les trois pays pourraient s'engager à l'égard d'objectifs d'ensemble mais qui leur permettrait à chacun de les réaliser à sa manière dans les 8, 10 ou 15 ans, selon le cas.

Au cours de l'année écoulée, le conseil a effectué des études, mené de vastes consultations et établi un groupe de travail avec des homologues aux États-Unis et au Mexique. Nous avons déposé un document initial lors de la réunion des leaders de l'APEC tenue à Los Cabos, au Mexique. Un deuxième document, traitant de la question de l'ALENA- plus, sortira prochainement. Nos collègues américains ont préparé le premier document, nos collègues mexicains le deuxième et notre tâche à nous est de traiter de la vision au-delà de l'ALENA.

Nous pensons que le moment est venu de passer à l'action. Nous prônons la stratégie décrite ici en vue de favoriser la discussion et de réels progrès en vue de la réalisation de notre objectif, qui est de forger ce qui devrait selon nous être une alliance économique et de sécurité inattaquable entre nos deux pays et, dans un contexte plus vaste, englobant le Mexique.

Nous sommes en ce moment même en train de construire les fondations de l'initiative du conseil. Nous oeuvrons à l'établissement d'un ensemble de comités représentant les principaux secteurs au Canada, tous dirigés par des premiers dirigeants, englobant les marchés de capitaux, le secteur de l'automobile, les secteurs des ressources et les transports. Conformément à la tradition de notre organisation, cela supposera que des PDG travaillent directement et sans possibilité de remplacement au sein de nos différents comités. Nous mènerons par ailleurs de vastes consultations avec le gouvernement et avec toutes les personnes intéressées, d'un bout à l'autre du pays.

Nous reconnaissons que les décisions doivent être prises par le gouvernement et non par le secteur privé, mais nous tenons à être constructifs. Il est intéressant que le 10 septembre 2001 nous ayons eu une réunion de notre groupe dit de nos «irréductibles» pour discuter de cette question. Nous autres Canadiens déplorions le fait que le président du Mexique, Vicente Fox, se rendait à Washington pour conférer avec la nouvelle administration Bush, qui semblait être totalement préoccupée et séduite par les Mexicains. Le lendemain, c'était le 11 septembre et la tragédie que l'on sait aux États-Unis. La relation entre les États-Unis et le Mexique a changé assez radicalement ce jour-là. Aujourd'hui, c'est une relation d'un genre très différent.

L'une des raisons pour lesquelles elle est différente va au coeur même de ce qu'est pour moi le défi en matière de sécurité. Cela offre également aux Canadiens une occasion formidable: celle d'utiliser la sécurité comme assise pour la construction d'une nouvelle relation. J'arguerais cependant qu'il importe que cette relation satisfasse aux critères d'intérêt national du Canada qui, conformément à la stratégie à cinq points que nous avons déposée, pourraient très bien servir nos buts et objectifs nationaux.

Le président: Merci. Monsieur Keyes, allez-y, je vous prie.

M. Bob Keyes, vice-président international, Chambre de Commerce du Canada: Je suis ravi d'être ici parmi vous et, comme vous l'avez souligné, je suis accompagné d'Alexander Lofthouse, qui fait partie de mon équipe et qui consacre trop de son temps au dossier canado-américain. C'est presque un travail à temps plein.

J'aimerais dire, au nom du conseil d'administration et des membres de la Chambre de Commerce du Canada, que nous sommes ravis d'être ici cet après-midi. La Chambre de Commerce est une organisation d'envergure nationale qui a accueilli dans sa famille 170 000 entreprises, petites et moyennes et recouvrant de nombreux secteurs d'une rive à l'autre du pays. Fait qui n'étonnera personne, le dossier canado-américain a plus d'une fois été abordé par notre conseil d'administration et lors de nos réunions de comité.

Vous ne serez pas surpris d'entendre qu'il y a une grande diversité de vues quant à l'orientation à prendre. Il n'y a cependant aucune divergence de vues sur l'importance de cette relation avec les États-Unis mais, il y a, bien sûr, toute une gamme d'opinions sur les étapes à franchir à partir de maintenant.

J'ai déposé auprès du comité un bref mémoire qui vous fournira davantage de détails sur certains des points que je vais soulever.

La relation entre le Canada et les États-Unis est une relation que nous avons souvent tenue pour acquise. Nous sommes voisins, partenaires économiques et alliés. Nous sommes à l'aise l'un avec l'autre et nous avons de solides liens en matière de commerce, d'infrastructure, de réseaux électriques, de réseaux routiers, de marchés financiers, de réseaux de distribution, de tourisme, de familles, de forces militaires, et cetera. Nous faisons par ailleurs nombre de choses main dans la main.

L'on peut soutenir que pour certaines questions nous avons de plus solides liens nord-sud qu'est-ouest. Prenez, par exemple, notre réseau électrique. Vous pourriez arguer que, compte tenu de certaines des barrières commerciales intérieures dans ce pays, il est plus facile de faire affaires selon un axe nord-sud, qu'un axe est-ouest. Le Canada est en train de forger avec le Mexique un partenariat économique de plus en plus solide par le biais de l'ALENA. Le commerce et l'investissement entre les deux pays continuent de croître. Le Canada et le Mexique se trouvent confrontés à des défis communs dans leurs relations avec les États-Unis.

En 1988, l'ALE, l'Accord de libre-échange, avec les États-Unis, a été une démarche audacieuse. Le parachèvement de l'Accord de libre-échange nord-américain, ou ALENA, en 1994 est venu rehausser cette relation et fermement intégrer le Mexique dans la famille nord-américaine. Le défi suivant est celui-ci: où aller à partir de maintenant? Avons- nous une vision en vue d'une autre étape tout aussi audacieuse ou bien d'une approche plus progressive? Avons-nous un objectif clairement défini pour l'avenir ou bien sommes-nous pris au piège de l'«improvisation» et du «gradualisme»?

Les réponses ne sont pas claires et nous ne prétendons pas les connaître. Il nous faut cependant tenir ce débat sur ce vers quoi nous nous dirigeons. Il nous faut examiner toute la gamme des possibilités. Nos membres nous ont clairement dit cela, encore et encore. Lors de notre dernière réunion, tenue en septembre, les résolutions adoptées et le débat sur le parquet ont envoyé comme clair message qu'il nous faut avoir cette discussion. Il nous faut travailler de façon délibérée et ne pas laisser les choses au hasard.

Mes remarques porteront sur le court terme et le long terme. À court terme, m'attardant pour l'instant sur les questions frontalières, nous avons trop tenu les choses pour acquises. Jusqu'aux événements du 11 septembre, la négligence bénigne régnait à la frontière. Le rythme du commerce a cru rapidement, la capacité de notre matériel et de notre infrastructure à la frontière a été mise à l'épreuve et l'on a constaté à certains endroits que les choses grinçaient sérieusement.

Nous avions cependant en mains de bons plans. En 1995, nous avions un accord sur notre frontière partagée, mais celui-ci n'a jamais, en dépit des meilleures intentions, vraiment porté fruit. De la même façon, le Partenariat stratégique canado-américain, ou PSCA, lancé par le premier ministre et le président Clinton, était une bonne initiative mais n'a jamais vraiment pris son envol.

Puis sont survenus les événements du 11 septembre et le scénario a tout d'un coup changé de façon drastique. C'est la sécurité qui est devenue le mot d'ordre. Les milieux d'affaires et les gouvernements des deux côtés de la frontière ont dû travailler très fort pour veiller à ce que les nouvelles mesures de sécurité proposées n'étranglent pas le système d'alimentation vital des sociétés qu'elles étaient censées protéger. Nous avons connu certaines réussites. Le plan d'action à 30 points de 2001 est devenu le catalyseur pour l'avancement de nouvelles idées et de nouvelles approches, dont certaines faisaient l'objet de discussions depuis plusieurs années déjà. Nous applaudissons à cette initiative.

La priorité maintenant est de mener à bien ce plan d'action et de mettre en place ces mesures, pour les mettre à exécution de la façon la plus exhaustive possible. En dépit des progrès réalisés, il reste encore beaucoup à faire. La cible est sans cesse en train de se déplacer.

Conjointement à ce plan, il y a la répartition des fonds d'infrastructure. Le financement d'infrastructure promis viendra compléter ces initiatives. Toutes les bonnes idées, comme par exemple NEXUS et FAST, ne saurons aboutir à moins des dépenses d'infrastructure requises et d'une augmentation de la capacité à la frontière. Aussi utiles soient les initiatives en cours, elles sont pour la plupart des décongestionnants. La médecine ne donnera pas de résultat tant que nous ne nous attaquerons pas au problème fondamental, soit qu'il y a trop peu de couloirs d'accès à la frontière. À Windsor, par exemple, le principal accès au pont Ambassador et au tunnel passe par le centre-ville. Voilà qui illustre le problème.

Nous demandons également la décentralisation de la sécurité frontalière, ce en éloignant l'activité et la paperasserie des inspections douanières du 49e parallèle et de la frontière interne physique. Pour le Canada, une frontière qui fonctionne est absolument essentielle. Si nous voulons nous positionner comme plate-forme de lancement pour l'investissement dans l'ALENA, il nous faut avoir une frontière qui fonctionne.

Des ambassades de pays d'Europe nous abordent de temps en temps. J'entretiens des relations étroites avec la Chambre de commerce internationale et j'ai des interactions avec des gens partout dans le monde. On me demande ce qui se passe avec la frontière canado-américaine. Va-t-elle rester ouverte? Va-t-elle devenir engorgée? C'est là un message qu'il nous faut impérativement écouter.

Je ne peux pas passer à autre chose sans dire que de récents développements du côté américain — plans en vue de systèmes d'entrée-sortie, comme par exemple les nouvelles exigences administratives, la prénotification — risquent de nous faire retourner en arrière par rapport à certains des gains que nous avons réalisés. Nonobstant les meilleures intentions possibles, les inquiétudes actuelles et la situation en matière de sécurité, nous nous trouvons sur un terrain quelque peu glissant.

Notre président était à Washington la semaine dernière, tout comme M. d'Aquino, et on leur a dit que l'engagement des autorités américaines à l'égard du plan à 30 points était solide. Cependant, dans le feu de l'action, lorsque surviennent des questions de sécurité, nous pourrions nous trouver confrontés à des problèmes.

Avec la déclaration et l'avertissement Code Orange la semaine dernière, les camions ont été refoulés à Windsor et l'attente y a été de deux heures. Aujourd'hui, tout va bien au tunnel de Windsor, mais l'attente au pont Ambassador est de 45 minutes; à Blue Water, elle est de 75 minutes et il faut compter 60 minutes à l'entrée dans le Vermont. Si l'on passe à un niveau d'alerte supérieur, l'on peut s'attendre à des problèmes et c'est là que le bât blesse. Les milieux d'affaires ont leur rôle à jouer eux aussi. Nous cherchons des moyens de rappeler à nos gens d'affaires membres qu'ils font partie de la solution et qu'ils doivent prendre au sérieux la sécurité et la vigilance.

Je vais maintenant passer au contexte à plus long terme. Comment influencer cette relation et quoi faire maintenant? Cette relation s'approfondit de jour en jour. L'intégration de facto est là, que nombre de Canadiens le voient ou l'acceptent ou non. La réalité est que nous avons des entreprises avec des chaînes de production traversées au milieu par une frontière. Elles fabriquent des produits pour un marché intégré qui est en train de devenir au fil du temps de plus en plus homogène. Nombre de nos membres envisagent l'Amérique du Nord comme un seul et même marché.

Comment les institutions vont-elles réagir? Nous entendons tout un continuum de possibilités: convergence et harmonisation, union douanière, marché commun, intégration économique totale, dollarisation, expansion de l'ALENA, nouveau cadre de gouvernance nord-américain et institutions politiques continentales. Voilà quelques exemples seulement.

Ces idées méritent qu'on s'y penche et qu'on en discute. Cependant, pour être réaliste, il faudra attendre longtemps avant que l'une quelconque de ces possibilités ne voie le jour. Celles-ci soulèvent par ailleurs d'importantes questions politiques et de souveraineté. Nous ne nous attendons pas à ce que s'opère un changement radical du tableau d'ensemble. Il n'est pas réaliste d'imaginer cela. Cela prendra des années à négocier.

Pourquoi mentionnons-nous ces possibilités? Nous pensons qu'il faut commencer quelque part. Il nous faut commencer à réfléchir à l'extérieur de la boîte.

L'opinion de la communauté canadienne des affaires est claire: personne ne souhaite ni n'envisage la disparition de la frontière. Cela définit notre territoire en tant que pays. La frontière a des dimensions symboliques, politiques et de souveraineté. Par ailleurs, une union nord-américaine n'est pas au programme.

Examinons quatre choses pratiques qui pourraient être faites: ce sont des choses que les gens d'affaires recommandent au gouvernement et qui faciliteraient les affaires entre le Canada et les États-Unis.

Tout d'abord, des accords de reconnaissance mutuelle. Nous pensons qu'il faudrait que le Canada et que les États- Unis examinent leurs processus et normes de réglementation respectifs. Les entreprises produisent pour un marché intégré: pourquoi donc avons-nous des systèmes d'approbation parallèles, qui se chevauchent, et en double. Cela n'est pas adapté. Pour les entreprises, cela est source de retards, de coûts accrus et de frustration. Les règlements pourraient être simplifiés. Le ministre Pettigrew en a fait état. Lors d'un récent discours, il a parlé du travail qui se fait déjà dans des domaines tels les pesticides, l'aviation, la biotechnologie et l'industrie pharmaceutique.

Le rapport de l'an dernier du Comité permanent des affaires étrangères de la Chambre des communes a recommandé que les partenaires de l'ALENA mettent en oeuvre des régimes de reconnaissance mutuelle pour les règlements existants. Nous appuyons cette vision et cette idée et encourageons le gouvernement à poursuivre vigoureusement cette approche avec les États-Unis et, là où cela est possible, avec le Mexique, et qu'il obtienne l'adhésion des milieux d'affaires.

Avons-nous besoin de systèmes de réglementation qui se reproduisent les uns les autres à l'intérieur d'un marché nord-américain intégré? Nous pensons que non.

Cela ne signifie pas que nous adopterions automatiquement les normes américaines. Voyons plutôt quel est le meilleur modèle, la meilleure façon de faire les choses. Ce n'est pas une course au nivellement par le bas. Cela signifie tout simplement qu'il n'est pas logique pour deux gouvernements de recueillir les mêmes données ou d'exécuter le même test sanitaire ou sécuritaire. Comme point de départ, il serait peut-être utile pour les gouvernements canadien et américain, en collaboration avec les milieux d'affaires, de choisir deux ou trois secteurs dans lesquels des Accords de reconnaissance mutuelle ou ARM seraient le plus logique et laisser venir. Cela devrait être fait sans tout un exercice ardu et compliqué sur papier. Que l'on progresse avec ce dossier.

La deuxième idée est celle d'une union douanière. C'est une idée complexe mais qui vaut la peine d'être examinée. C'est une idée qui revient souvent. La définition la plus courante d'union douanière suppose la suppression des tarifs frontaliers entre participants et l'adoption d'un tarif extérieur commun. Il existe de nombreuses définitions de ce qu'est une union douanière, selon les textes commerciaux et économiques que vous utilisez. Ces définitions relèvent davantage d'un art que d'une science. Le Canada et les États-Unis ont fait beaucoup de chemin ensemble vers l'adoption de tarifs communs. Nous avons enlevé les tarifs applicables à de nombreux biens industriels. Selon l'échéancier de l'ALENA, les tarifs restants devraient bientôt disparaître.

L'objet fondamental d'une union douanière est de favoriser le libre mouvement des marchandises en réduisant la nécessité de mener des inspections à la frontière, exception faite des inspections requises pour des raisons de sécurité, en éliminant la paperasserie, et peut-être même en réduisant l'incertitude et les coûts liés aux règles d'origine. Ces dernières sont mystérieuses, mais elles sont d'une importance vitale pour les structures.

Je ne veux pas dire par là qu'une union douanière réglerait tous les problèmes non encore réglés entre les deux pays. Aucune entente ni institution ne pourrait à elle seule faire cela. De nombreuses questions devront être couvertes, dont les tarifs extérieurs du Canada. Nous avons des systèmes différents de ceux des Américains. Nous reconnaissons différents pays et avons également le système du Commonwealth.

Il y a par ailleurs d'autres questions qu'il importe d'examiner et qui n'ont rien à voir avec les tarifs. Qu'adviendrait-il des lois antidumping et des recours commerciaux tant chéris par les Américains? Des barrières telles inspections sanitaires et exigences sécuritaires pourraient ou ne pourraient pas être maintenues dans le cadre d'une union douanière. Les restrictions quant aux mouvements de personnes demeureraient. Comment agirions-nous lors de discussions commerciales internationales comme par exemple à l'OMC ou à la table de l'ALE?

Il y a de nombreux angles et de nombreuses questions entourant cette notion d'union douanière. Voyons-y une étape dans notre recherche de là où nous voulons aller. Ce n'est pas une chose à prendre à la légère, mais il ne nous faut pas non plus rejeter simplement l'idée sans y réfléchir. Il n'y a au sein des milieux d'affaires aucun consensus en la matière, mais les gens disent «Examinons cela et voyons ce que cela pourrait offrir».

La troisième idée est celle d'accords sectoriels ou de tarifs sectoriels. Cela pourrait-il servir de première étape? Il vaut la peine de souligner que l'Union européenne a entrepris son processus d'intégration avec certaines institutions dans des secteurs bien particuliers: la Communauté européenne du charbon et de l'acier et l'Agence de l'énergie atomique. Le processus européen a été différent, mais dans le contexte nord-américain, un candidat qui a été suggéré est l'acier — il s'agit d'un marché qui est très intégré, les entreprises ont des usines des deux côtés de la frontière et les matériaux traversent la frontière dans les deux sens. Les institutions commerciales qui interviennent en matière de règlement des différends ne cadrent cependant pas avec l'idée d'un marché intégré, et le recours constant à la pléthore de mesures antidumping et de droits compensateurs que nous avons constaté dans le cas du TCCE et de la Commission du commerce international, représente énormément de temps, d'argent et d'aggravation. Pourquoi ne pas se pencher sur l'idée d'un accord de tarifs sectoriels? Pourquoi ne pas envisager l'acier comme exemple?

La quatrième question est celle des recours commerciaux. Malheureusement, l'un des aspects clés, et c'est également l'une des grandes lacunes, de l'ALÉ et de l'ALENA est que chacun des pays partenaires a conservé son droit d'appliquer pleinement ses mécanismes de recours commercial respectifs en plus des mécanismes de règlement des différends inscrits dans l'entente. Bien sûr, le secteur privé peut en profiter pleinement.

Essayer de réaliser davantage de progrès à l'égard de ces mécanismes est un aspect essentiel du travail non encore terminé de l'ALENA, et ce n'est pas un dossier facile. Cela figure à l'ordre du jour de la table de l'ALÉ et de l'OMC. Il y a eu de la résistance au sein du Congrès. C'était une question très litigieuse lors de l'acceptation de l'autorité en matière de promotion du commerce. Il s'agit d'une question très complexe. À l'échelle multilatérale, pourrons-nous vraiment progresser sérieusement là-dessus?

Il est intéressant de noter que le comité du MAECI a envisagé la création d'organes devant commencer à bâtir les fondations d'organes permanents de l'ALENA. Ce sont des idées qui devraient être examinées et étudiées dans le détail. À la Recommandation 19, on a parlé d'un mécanisme antidumping et de droits compensateurs nord-américain en vertu de l'ALENA 1907. On a parlé d'un tribunal permanent qui serait chargé de trancher les différends en matière de commerce et d'investissement. Ces idées ne porteront pas fruit immédiatement. Il s'agit d'idées à long terme qui demandent beaucoup de temps à élaborer et qui doivent bénéficier du bon consensus et s'inscrire dans le bon climat politique et économique. L'important, cependant, est que l'intégration s'en vient et que les institutions devront y réagir.

Le Canada doit être un partenaire à part entière et actif dans la relation bilatérale. Si nous ne voulons pas être menés, alors nous devrons mener. Il nous faut être agressifs et nous emparer du programme, un peu comme nous l'avons fait lors de l'élaboration du plan à 30 points avec les États-Unis suite aux événements du 11 septembre. Le Canada a porté ce programme et, en dépit d'un terrain très glissant et du fait que nous luttions contre des forces supérieures, il a soumis nombre de ces idées aux États-Unis et celles-ci ont été endossées.

Le monde des affaires n'attend pas pour avancer. Il a saisi les occasions qui s'offraient à lui en vertu de l'ALENA et de l'ALE, comme en témoignent les statistiques sur le commerce de l'investissement. Dans les faits, nos entreprises approuvent ou contestent l'utilisation qu'elles font de leurs dollars d'investissement et de commerce. Le Canada ne peut pas se permettre une dérive continentale; cette relation est trop importante pour que l'on laisse cela se produire. Il nous faut être proactifs, créatifs et prudents dans notre façon d'envisager les choses, nonobstant la frustration et l'angoisse qui nous viennent sur différents fronts.

Il n'existe pas face à ces questions d'approche stratégique. Il n'y a pas de vision large ou audacieuse quant au contexte dans lequel s'opère cette intégration. Nous n'avons pas un seul ministère gouvernemental ni un seul programme ou plan qui gère cette intégration. Celle-ci se fait, tout simplement.

Nous sommes à la recherche d'une approche pratique directe. Nous sommes à la recherche d'une étude attentive d'idées à l'extérieur de la boîte. Définissons nos priorités, besoins, intérêts et objectifs et agissons selon nos conditions et en tenant compte de nos besoins.

J'envisage avec plaisir les résultats des discussions du comité et vos questions.

Le président: Merci.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais commencer par une simple proposition ou observation. Ayant suivi le dossier Canada-États-Unis depuis l'époque où le sénateur Carney occupait avec distinction cet important poste pour le commerce, j'ai constaté que sans énergie de la part du monde des affaires, nous ne pouvons avancer sur aucun front commercial. Nous n'avons pas seulement besoin de leadership politique; il nous faut également une énergie politique parallèle venant de la petite et moyenne entreprise. Je dis cela parce qu'en tant que libéral de Manchester et ayant étudié le libéralisme de Manchester, je sais que l'on ne peut pas être libre-échangiste à moins que la communauté locale ne soit derrière vous en train de pousser. Votre participation ici est essentielle s'agissant de toutes les questions auxquelles nous sommes confrontés dans le contexte de cette relation complexe, tant avec l'ALENA que dans l'ère post-ALENA. J'aimerais commencer avec la question du post-ALENA, pour ensuite revenir à l'ALENA.

Post-ALENA, tournés ensemble vers l'avenir, le Canada, les États-Unis et le Mexique, il nous faut voir comment élargir nos marchés et les cibles évidentes sont l'Europe, le Mercosur, le Japon, la Chine et l'Asie — marchés auxquels nous pouvons livrer des produits à valeur ajoutée.

Hier, nous avons entendu des propos étonnants de la bouche d'un témoin. Dans son mémoire, il a dit que l'initiation du Canada sur tous ces fronts est en train d'être marginalisée. Le Mexique va de l'avant avec un accord de libre- échange avec le Japon. Nous ne sommes pas du tout sur les rangs. J'ignore où sont les États-Unis, mais ils ne sont pas loin derrière. Le Mexique va de l'avant avec un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Nous ne sommes pas sur les rangs dans ce cas-là non plus. Il y a un rideau de fer entre le Canada et l'Union européenne. Le Mexique avance bien avec le Mercosur et nous connaissons tous l'hésitation, surtout de la part du Brésil, à l'égard d'un engagement envers le Canada en vue d'un accord de libre-échange. Où nous voyez-vous aller et comment nous exciter pour l'ALENA-plus? Que faut-il faire maintenant en ce qui concerne ces marchés?

M. d'Aquino: Sénateur Grafstein, je pense que vous avez mis le doigt sur une chose extrêmement importante et qui me préoccupe personnellement depuis longtemps. Nous tous dans cette salle savons qu'un pays ne peut faire de percées, sur les plans politique ou économique, que s'il est prêt à «penser en dehors de la boîte» et à être quelque peu entêté. Il est vrai que non seulement notre initiative «libre-échange un» — si je peux m'exprimer ainsi — était une innovation originale et importante, mais à l'époque où ces négociations ont été lancées, l'ère des accords de libre- échange multiples ne faisait que débuter. Si l'on examine le travail fait ensemble par le Canada et les États-Unis, l'on constate que c'est lui qui a établi le cadre pour ce que nous tenons maintenant pour acquis.

La deuxième chose que nous a apprise cet exercice très audacieux et fort controversé est qu'il faut du courage pour arriver en haut ainsi qu'une vision et une véritable détermination pour continuer de pousser. Il faut également l'appui de la communauté économique et, de façon plus générale, du public.

Ce que les Mexicains ont réussi à faire au cours des dix dernières années a été réellement étonnant. Il s'agit d'un pays qui, il y a 12 ou 15 ans, était l'un des plus autocentrés, un pays qui était cartellisé, un pays qui avait une inimitié historique contre les États-Unis, un pays dirigé par un petit nombre d'élites. Il a non seulement réussi à faire des choses remarquables en Amérique du Nord, mais, comme vous l'avez souligné, sénateur Grafstein, il a tendu la main au reste du monde. Comment a-t-il fait cela? Il l'a fait en ayant un leadership politique qui demandait ceci: «Comment allons- nous nous imposer? Nous n'allons pas nous imposer en nous contentant de négocier une entente avec les pays au nord de nous, espérant devenir la plaque tournante pour l'hémisphère; il nous faut tendre la main plus fermement vers l'Europe et le Japon». Le pays avait une combinaison de vision très claire, de solide leadership en haut et d'une communauté des affaires engagée et prête à abattre le travail. Par exemple, mon bon ami Juan Gallardo a fait environ 26 visites en Europe en sa qualité de joueur d'avant-front officieux pour le compte des gens d'affaires mexicains, allant frapper aux portes. Je me souviens d'avoir demandé à Pascal Lamy, «Pourquoi le Mexique et pas nous?». Il a répondu que c'est parce que les Mexicains le voulaient tellement. Lors d'une conversation semblable que nous avons eue avec le président de Toyota, avec qui nous travaillons très étroitement, il a dit que c'était parce que les Mexicains sont allés si souvent chez eux et qu'ils en veulent tellement.

J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le sénateur. Si nous voulons cela, il nous faut être clairs; mais je dois dire que je suis maintenant encouragé. Pourquoi? Parce que nous avons eu des rapports sortis du Parlement qui établissent clairement que nous sommes prêts à réfléchir courageusement. Je pense que nous avons dans ce pays une bien plus grande conviction qu'au début des années 80 que les Canadiens peuvent réussir le pari. Le niveau d'appui en faveur de l'ALENA est chez nous le plus élevé parmi les trois pays. Je pense qu'une combinaison de soutien public — soutien en provenance du bon travail fait par les gens dans ces chambres — et de soutien par le monde des affaires peut vraiment faire aboutir les choses.

Le président: M. Keyes est en train d'attendre patiemment.

M. Keyes: En réponse à votre question, sénateur, je suis d'accord avec M. d'Aquino pour beaucoup de ce qu'il a dit, surtout en ce qui concerne le dynamisme avec lequel le Mexique a tendu la main et a entrepris des choses. Il nous a battus au démarrage pour certaines choses et je lui tire mon chapeau pour ce qu'il a fait.

Pour ce qui est du contexte canadien, où mettons-nous nos oeufs? Les mettons-nous dans des ententes régionales ou bien dans l'OMC? J'ai eu l'autre soir une conversation avec David Crane, du Toronto Star. Je ne sais pas si vous avez vu son article cette semaine. Il nous a reproché de ne pas prêter attention aux dossiers de l'OMC, soulignant à quel point cela est important. Je conviens avec lui que cela est important. Je ne partage cependant pas son point de vue lorsqu'il laisse entendre que nous ignorons ces questions, car ce n'est pas le cas.

Sur quoi mettons-nous la priorité? L'OMC ou les ententes régionales? Vous pourriez même demander: Où sont les priorités commerciales du Canada? Qu'avons-nous négocié récemment? Le CA4, le Costa Rica, nous sommes maintenant en République dominicaine et nous envisageons un pacte andin; ce sont là de petits marchés. Ce sont des créneaux qui vont être importants pour certaines entreprises, mais ce n'est pas là que nous allons obtenir un gros effet multiplicateur. Lorsque nous demandons à nos agents de commerce quelle est leur priorité, il ressort clairement que nous avons des priorités éclatées. Je pense que nous adhérons à certaines de ces ententes commerciales pour des raisons politiques et non pas commerciales.

Le président: Merci, monsieur Keyes. Je pense que vous avez été très bien compris.

Le sénateur Carney: J'adhère au commentaire du sénateur Grafstein au sujet de la participation de l'industrie. C'est mon prédécesseur, James Kelleher, qui avait organisé les GCSCF, le plus vaste processus de consultation jamais lancé pour sonder l'opinion dans tous les secteurs de la société.

J'oublie le sens des lettres du sigle GSCSF; cela est devenu en quelque sorte un mot en soi.

M. Keyes: Groupes de consultation sectoriels sur le commerce extérieur.

Le sénateur Carney: Merci. Il y en a beaucoup, avec des entreprises petites et grandes, et nous n'aurions pas pu mener les négociations en vue de l'ALÉ sans elles.

J'ai deux questions que j'aimerais adresser aux deux témoins.

Monsieur Keyes, dans votre mémoire vous mettez le doigt sur les deux problèmes qui n'ont pas été résolus. Vous avez tous les deux fait de nombreuses remarques constructives quant aux relations canado-américaines. Cependant, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas de meilleures politiques de migration en matière de main-d'oeuvre et tant que nous n'aurons pas réglé les questions des recours commerciaux antidumping et des droits compensateurs qui sont utilisés contre nos industries, il ne sert à rien de faire plus dans ce domaine. Ce sont là des barrières issues de l'industrie. Les mesures antidumping et l'imposition de droits compensateurs sont le fait de l'industrie, et non pas des gouvernements, en dernière analyse.

Qu'est-ce qui motiverait les Américains — vos homologues — à suivre votre plan ambitieux?

M. Keyes: Pour ce qui est des points relatifs à l'immigration et à la main-d'oeuvre, les entreprises nord-américaines déplacent des gens de part et d'autre. Il a été prouvé qu'il est dans leur intérêt de faire fonctionner cela. Il nous reste encore beaucoup de questions en suspens, même sous le chapitre 16. Certaines des barrières sont toujours là. Il y a des ministères qui bloquent le passage et des entreprises de part et d'autre, mais les autorités en matière d'immigration résistent au changement. Il y a de nombreux aspects à la question et nous comprenons pleinement cela.

Pour ce qui est des questions d'antidumping et de droits compensateurs, nous avons un marché de plus en plus intégré des deux côtés de la frontière — nous sommes le plus important partenaire commercial de 38 des 50 États américains. Assurément, les États-Unis ont tout intérêt, au fur et à mesure que ce marché prend de l'ampleur, à envisager les choses de manière différente. Les Américains tiennent beaucoup à ces recours commerciaux. Je pense que vous avez souligné à très juste titre, sénateur, que cela va être un dur combat. Il sera intéressant de voir comment les choses tournent avec l'ALÉ et l'OMC — si des pressions suffisantes seront exercées sur une base suffisamment large pour que l'on voie des changements.

M. d'Aquino: Sénateur Carney, lors d'une rencontre avec nos homologues en juin de cette année, lorsque nous avons plus ou moins averti les PDG américains de notre venue, nous avons dit: «Cette relation englobe beaucoup plus que le bois d'oeuvre. C'est beaucoup plus que le blé. C'est une relation qui est d'abord et avant tout axée sur des préoccupations en matière de sécurité». Nous avons inséré tout ce dont nous avons parlé dans le contexte de la sécurité et avons discuté d'une vaste stratégie. Au fur et à mesure de notre examen des différentes étapes et de la discussion au sujet de l'interopérabilité, de la défense du continent, d'un pacte en matière de ressources, de l'approvisionnement énergétique, de la sécurité alimentaire, de la mobilité des travailleurs, du commerce et de l'investissement, je leur ai demandé ceci: «Où, à l'intérieur d'une telle vision, y a-t-il de la place pour des recours commerciaux? Mesdames et messieurs, nous croyons que les recours commerciaux — et ce sont les mots exacts que j'ai employés — doivent être relégués aux corbeilles de l'histoire. Il n'y a pas de place pour eux».

Tant et aussi longtemps, donc, que nous essayons de mener des négociations sur le bois d'oeuvre et le blé, nous n'aboutirons nulle part. La seule chose qui puisse capter leur attention serait une chose si énorme, si prédominante, que toutes ces autres choses finiraient par disparaître. Il faudrait que le prix de l'entente soit ce que nous avons tous cherché à obtenir il y a 15 ans, c'est-à-dire l'élimination des recours commerciaux. Dans le cadre de notre relation, les recours commerciaux n'ont aucune raison d'être.

Le sénateur Carney: Vous n'avez pas à me convaincre. Je vous demande ce que font les Américains, car ce sont les petits producteurs qui ne sont pas à votre table qui infligent ces recours commerciaux.

Je pense qu'on vous a bien compris.

Le président: Sénateur Carney, aimeriez-vous, vu l'heure, poursuivre avec votre deuxième question? Mais je n'entends aucunement par là exercer de pression sur vous.

Le sénateur Carney: Étant donné l'heure, nous pourrions tous partir et cela réglerait votre problème. Cependant, cela ne serait pas très utile au sénateur Grafstein.

Ma deuxième question porte sur les commissions mixtes, car vous n'avez pas traité de l'aspect imputabilité. Vous proposez que la gestion de nos relations canado-américaines soit de plus en plus cédée à des commissions mixtes. Il y a des commissions mixtes qui ont été créées en vue de traiter de dossiers très controversés et qui ont bien réussi.

J'aimerais savoir ce que vous envisageriez s'agissant de la composition de ces commissions mixtes. S'agirait-il de nominations politiques ou commerciales? Où se situerait la reddition de comptes? En tant qu'ancienne collègue au MAECI, je pense que nos gens aux Affaires étrangères font un très bon travail. J'ignore s'il y a ici des gens du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, mais vous suggérez en définitive que ces commissions indépendantes viennent remplacer une grosse partie de leur mandat. J'aimerais savoir ce que vous entrevoyez pour ce qui est de leur composition et de la reddition de comptes à l'égard des Canadiens, en ce qui concerne tout particulièrement les questions de responsabilités partagées entre les provinces et le gouvernement fédéral. Il s'agit là d'une question assez vaste, et vous ne pourrez pas y répondre dans les trois minutes allouées par le président, mais j'aimerais néanmoins que vous tentiez une réponse.

M. d'Aquino: Sénateur Carney, vous avez mis le doigt sur un ensemble de questions critiques relativement aux commissions mixtes.

Premièrement, notre proposition voulant que l'on examine la possibilité de la création de commissions ne serait pas l'aboutissement du jeu, mais bien son coup d'envoi. Si nous nous sommes penchés sur l'idée de commissions mixtes, c'est qu'il y en a une — la Commission mixte internationale — qui existe depuis près d'un siècle. Elle fonctionne et a été très efficace de part et d'autre de la frontière. Vous pourriez penser que cela ne vaut que pour un secteur très limité.

Notre stratégie est de bâtir à partir de choses que les Américains ont vu fonctionner. C'est ainsi que, bien que l'article 10 de la loi accorde une compétence potentiellement plus vaste à la Commission mixte internationale, la question de reddition de comptes demeure importante. Nous ne proposons pas que des experts viennent supplanter le Parlement ou le Congrès, mais nous disons qu'une grosse partie du travail détaillé pourrait être faite par des panels d'experts, si je peux les appeler ainsi. Ces panels auraient à leur tour à rendre des comptes au pouvoir politique. Il ne serait pas question de dire «On vous délègue les pouvoirs et c'est vous qui gérez la relation».

Bien évidemment, les commissions mixtes ne sont pas la seule possibilité, mais laisser cela entièrement aux mains du Parlement et du Congrès, ou de leurs comités, n'est pas la façon de gérer une relation aussi complexe que celle que l'on connaît. La question de la reddition de comptes est extrêmement importante et nous sommes en train de nous y pencher. Au cours de six à 12 prochains mois, nous allons nous attaquer au côté institutionnel, et nous serions ravis de pouvoir revenir partager nos idées avec vous.

Le sénateur Carney: Ce sont là deux des plus importantes barrières à la mise en oeuvre de certaines des idées intéressantes de nos témoins.

M. Keyes: La question de l'imputabilité, de votre point de vue et de celui du sénateur, ancienne ministre, en serait clairement une. Nous parlons d'organes permanents, de tribunaux de règlement de différends qui se verraient confier des pouvoirs, avec des experts de part et d'autre. Clairement, en bout de ligne, ces organes devraient rendre des comptes aux autorités politiques. Nous avons des panels dont les décisions sont exécutoires; par exemple, au chapitre 11, les différends en vertu de l'ALENA sont réglés grâce à un système de type arbitral. Il s'agirait de réunir ces personnes dans le cadre d'un secrétariat permanent qui s'occuperait de beaucoup de ces choses. Ce secrétariat établirait la jurisprudence et toute une expérience s'agissant de ces questions. L'on pourrait assurément mettre en place les mécanismes de reddition de comptes appropriés. Ce serait quelque chose de bien.

Le sénateur Setlakwe: Monsieur d'Aquino et monsieur Keyes, je ne suis pas tout à fait satisfait de la réponse que vous avez donnée à la question du sénateur Grafstein quant à votre position relativement au Mexique et à sa capacité de négocier des accords de libre-échange avec l'Europe, comme cela s'est déjà vu. Le Mexique est en train de négocier avec le Japon et les Américains font de même. Je ne suis pas convaincu que nous n'avons pas fait notre maximum. Est- ce tout simplement que les Européens ne nous prennent pas au sérieux?

Nous avons l'ancien ministre du Commerce international qui préside la Table ronde Canada-Europe. Nous avons eu l'initiative Pearson et l'initiative Trudeau, et voici que nous avons maintenant une initiative Chrétien. Personne ne semble nous écouter, et je songe ici tout particulièrement aux Européens. Je me demande dans quelle mesure nous pourrions faire plus que ce que nous avons fait jusqu'ici. Roy McLaren a suggéré que l'on arrête de parler aux gens à Bruxelles et que l'on entame des discussions directement avec des États souverains. Peut-être que ce message pourrait être transmis à Bruxelles. C'est une procédure complexe. Qu'en pensez-vous?

M. d'Aquino: Le sénateur Grafstein m'a rappelé de temps à autre lorsqu'il nous est arrivé de nous retrouver dans un ascenseur que le monde des affaires a été un peu négligeant dans l'attention qu'il a portée à l'Europe. Je lui dis toujours que ce n'est pas le cas.

Nos interventions en vue de promouvoir l'idée de quelque chose de plus important avec les Européens remonte 20 ans en arrière. Nous avons travaillé directement avec des gens comme sir Laon Britton. Nous avons trois fois rencontré M. Pascal Lamy. Nous avons donné notre ferme appui aux diverses initiatives lancées. Le premier ministre a prononcé un discours devant le Sénat français. M. Roy McLaren a proposé un accord de libre-échange nord-américain. Nous avons toujours poussé cela dans le cadre de nos réunions bilatérales avec nos homologues. Nous avons reçu les Français en août dernier et nous sommes revenus à la charge. Nous avons récemment eu une rencontre avec les Suédois, et là encore nous en avons parlé.

La vraie question est la suivante: cela m'ennuie de le dire, car ce n'était pas le cas il y a 20 ans, mais nous sommes aujourd'hui de la petite bière pour l'Union européenne. Celle-ci est extrêmement préoccupée par son propre programme, soit d'augmenter d'abord le marché intérieur puis d'augmenter la communauté.

Le deuxième problème est que l'Union européenne nous perçoit comme étant très liés aux Américains. Elle a énormément de difficulté à voir qu'il y a une distinction. Elle connaît par ailleurs les chiffres dont nous avons discuté aujourd'hui relativement au niveau d'intégration entre nos deux pays. Quelle indépendance réelle y a-t-il?

Le troisième problème est cet horrible mot tant redouté: «l'agriculture». Nous avons soulevé cette question avec Pascal Lamy: pourquoi le Mexique et pas nous? Je suis même allé jusqu'à dire, pour être un peu provocateur, que le Canada a déposé deux divisions sur les côtes de la Normandie, mais pas les Mexicains; j'ai également dit que nous avons été des fondateurs de toutes les institutions transatlantiques importantes, mais pas les Mexicains. Je dis cela en dépit de la grande affection que j'ai pour mes amis Mexicains.

Il n'en demeure pas moins qu'à mon sens c'est l'agriculture, ajoutée à quelques autres questions, qui a créé la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ils sont revenus après le dernier sommet et ont dit qu'on ferait quelque chose de mieux que les anciens accords de libre-échange. On allait maintenant parler d'accords nouvelle-âge. Ils essaient tout simplement de nous calmer. Je ne pense pas que l'on arrive à quoi que ce soit avec les Européens tant et aussi longtemps que l'on ne verra pas un genre d'accord transatlantique entre l'Amérique du Nord et l'Union européenne.

M. Keyes: Outre les points qu'a soulevés M. d'Aquino, et sur lesquels nous sommes d'accord, la situation en matière de tarifs entre le Mexique et les États-Unis était différente. Les Mexicains avaient de nombreux tarifs élevés et les Européens voyaient le Mexique comme un tremplin vers l'Amérique latine.

Aujourd'hui, avec les Européens, il nous faut mettre l'accent non seulement sur les barrières tarifaires, qui continuent de reculer, mais également sur les barrières non tarifaires. Il nous faut cerner ces barrières non tarifaires pour les attaquer et il nous faut laisser de côté la grande architecture. Il nous faut entreprendre cela de façon pratique et nous attaquer de front à certaines de ces questions de réglementation, de processus et de commercialisation.

La troisième question, en ce moment, est que quelqu'un à l'Union européenne m'a dit qu'ils ne désarmeraient pas unilatéralement tant et aussi longtemps que l'OMC n'aura pas réglé certaines de ces questions. Au beau milieu de la ronde de l'OMC, qui, en ce moment, céderait quelque chose de sérieux? La question de l'agriculture est énorme dans toute cette équation.

Le sénateur Graham: Juste, par curiosité, quelle interaction y a-t-il entre vos deux organisations?

M. d'Aquino: Tout juste hier, sénateur, nous disions l'un et l'autre que nous sommes des camarades. Il y a en vérité énormément d'interactions entre nos deux organisations. Depuis la fondation même de notre organisation, le président de la Chambre de Commerce du Canada siège en tant que membre ex officio à notre conseil d'administration.

M. Keyes: Notre relation de travail est excellente, absolument.

Le sénateur Graham: M. Keyes apporte à vos 150 super grosses entreprises 170 000...

M. Keyes: Grosses et petites.

Le sénateur Graham: J'ai une question au sujet de l'union douanière.

Monsieur d'Aquino, vous dites dans votre mémoire, au sujet de la stratégie de votre conseil, que bien que «la réduction suggérée des différences entre le traitement canadien et le traitement américain du commerce avec des pays tiers puisse éventuellement illustrer les avantages d'une union douanière exhaustive, ni cette option ni une monnaie commune ne font partie de la stratégie dont nous faisons la promotion».

Monsieur Keyes, vous nous avez livré un argument plutôt convaincant en faveur d'une union douanière. À la fin, vous aviez mis un bémol en disant «Politiquement, il s'agirait clairement là d'une étape importante et le moment présent ne serait pas opportun pour une telle initiative».

Monsieur Keyes, pourquoi? Monsieur d'Aquino, pourquoi cela ne fait-il pas partie de votre stratégie?

Si je me souviens bien, la semaine dernière vous avez mentionné Roy McLaren, qui a dit qu'il n'y a pas de grandes chances pour cela. Un autre témoin a dit que ce n'était pas au programme. Encore un autre témoin a dit que ce n'était pas réaliste. Un de nos témoins était quant à lui très en faveur d'une union douanière.

Vous pourriez peut-être tous les deux réagir.

M. d'Aquino: Sénateur Graham, je suis très en faveur d'une union douanière. Je pense que cela est réaliste et faisable. Cependant, nous n'en préconisons pas une parce que chaque fois au cours des trois dernières années que nous avons soulevé la question d'une union douanière, même auprès de membres du monde des affaires américain, on nous a toujours dit «Non, on ne peut pas». «Non, cela paraît trop institutionnel». «Le Congrès n'acceptera jamais». Cela entamera notre souveraineté. «Politiquement, cela ne fonctionnera pas.» Nous en avons tiré des leçons.

Bien que ce soit là ma très nette préférence et celle de nombre de mes collègues qui n'hésiteraient pas une seconde, nous avons décidé que sur le plan tactique il n'est pas dans l'intérêt de notre stratégie d'aller de l'avant avec l'idée d'une union douanière.

À notre avis, nous obtiendrons le même résultat en bout de ligne en ne nous présentant pas devant les Américains et en ne disant pas à nos PDG homologues que nous leur venons avec une proposition en vue d'une union douanière. Cependant, si nous progressons dans tous les domaines que nous avons mentionnés, nous obtiendrons une situation qui, dans les faits, équivaudra à une union douanière.

Tout comme l'idée d'une devise commune est rejetée du revers de la main, celle d'une union douanière est rejetée par beaucoup de gens parce que l'attitude nécessaire n'est pas présente aux États-Unis.

À l'automne 1981 lorsque nous avons pour la première fois évoqué l'idée d'un accord de libre-échange avec les Américains, elle avait elle aussi été rejetée du revers de la main. Il nous a fallu attendre jusqu'en 1984 pour que nos homologues PDG s'assoient avec nous pour discuter d'une chose appelée ALÉ, parce qu'ils disaient qu'ils ne se sentaient pas l'aise quant à cette idée, qu'ils ne savaient pas ce que c'était, et cetera.

Nous avons tiré de nombreuses leçons du passé. Sommes-nous en faveur de l'idée? Absolument. Cela est-il logique pour le continent? Incontestablement.

Le sénateur Graham: S'agit-il d'une chose que vous allez poursuivre?

M. d'Aquino: Nous avons fait beaucoup de travail sur les éléments devant constituer une union douanière. Nous parlons ici en famille, même si je sais que la transcription de la réunion va être publique. Nous essayons de réaliser, en passant par la porte arrière, ce que nous ne pensons pas pouvoir réaliser en empruntant la porte de devant.

M. Keyes: Les raisons et les questions que nous avons soulevées dans notre mémoire pour expliquer pourquoi cela pourrait poser problème font obstacle. S'agissant de l'aspect souveraineté, nos pays sont de tailles différentes. Ce serait les règles de quel pays qui l'emporteraient — surtout si l'on commence à négocier une position extérieure commune? Est-ce que ce serait les règles américaines ou les nôtres?

Il y a une énorme différence de poids entre l'éléphant et la souris. Si nous pensions avoir le poids, le pouvoir de négociation nécessaire pour que nos vues soient mises sur un pied d'égalité à l'intérieur de cette union douanière, ainsi que sur le plan souveraineté et questions plus marginales, alors nous serions peut-être beaucoup plus optimistes que nos ne le sommes. Clairement, il y a parmi nos membres des gens qui sont pour et des gens qui sont contre; certains pensent que c'est ce qu'il faudrait faire, mais d'autres ne sont pas du même avis.

Ce que nous disons c'est qu'il nous faut voir comment procéder, évaluer les avantages et les inconvénients et faire le tri dans tout cela. Cela pourrait très bien s'avérer être le pas audacieux qu'a été l'ALÉ en 1988.

M. Alexander Lofthouse, analyste de politiques, Chambre de Commerce du Canada: Lorsque nous avons dit que ce n'est pas le bon moment, politiquement, c'est qu'il y a une alerte orange et ce n'est donc pas le bon moment pour parler union douanière. Si Dieu le veut, la crise ne durera pas éternellement.

Une fois la crise passée, il nous faudra poursuivre et réfléchir à l'avenir de l'Amérique du Nord. Il nous faudra voir ce qui se trouve dans la boîte à outils et ce que cela signifierait pour le Canada. Il nous faudrait en discuter publiquement et examiner les différentes options envisageables.

Le moment présent ne serait pas propice. Il nous faut cependant en parler. Il nous faut évaluer l'option avant de savoir si l'on peut ou non la poursuivre.

M. d'Aquino: En temps normal, je suis presque toujours d'accord avec M. Keyes. Cependant, nous ne sommes pas vraiment préoccupés par ces différences.

Pourquoi est-ce que je dis cela? Regardez le degré d'intégration entre nos marchés — marchés des capitaux, marchés de l'automobile, marchés de l'acier et marchés de l'alimentation. La réalité est que le niveau d'intégration est énorme. Quant à la structure tarifaire, exception faite de quelques anomalies, nous sommes presque sur le point d'aboutir à ce que j'appellerais un régime uniforme. Cela ne veut pas dire que nous achetons la règle américaine: nous achetons un jeu de règles commun. Pourquoi? Parce que nous sommes une économie commune. Nous sommes une économie intégrée.

Il y aurait quelques petites exceptions plutôt épineuses. Cependant, nous pourrions nous asseoir demain et en arriver à une entente en matière d'union douanière englobant, je pense, 90 p. 100 de l'économie. Il nous faudrait peut-être nous chamailler pour les 10 p. 100 restants, et puis après? Nous pourrons en arriver à des ententes sur les 10 p. 100.

Je ne pense pas que cette différenciation — compte tenu du niveau d'intégration — fonctionne vraiment. Nos multinationales sont intégrées et nous travaillons très étroitement ensemble.

Le sénateur Graham: Dans bien des domaines, donc, nous aurons une union douanière.

Le président: Je ne sais pas si c'est le cas, mais c'est une proposition.

M. Keyes: M. d'Aquino a tout à fait raison en ce qui concerne le secteur privé. Il y a beaucoup de choses qui nous lient ensemble. Ce sont les institutions gouvernementales qui sont les durs à cuire. Cela achoppera sur les questions de processus, d'institutions et de souveraineté.

Le sénateur Di Nino: J'aimerais tout d'abord proposer que nous ayons une petite séance à huis clos de cinq minutes une fois que les témoins auront terminé. Je pense qu'il y a un certain nombre de questions dont nous devrions traiter relativement à notre voyage dans l'Ouest la semaine prochaine.

Ce que j'entends est que nous avons une relation qui, selon tous les critères, peut être décrite comme étant réussie. Il y a néanmoins des irritants. Vous ai-je bien compris tous les deux en pensant qu'il y a certaines préoccupations quant à ce vers quoi tend cette relation, s'agissant d'aller de l'avant de façon positive, et qu'il y a peut-être une absence de volonté politique en vue du règlement de certains de ces problèmes? Ai-je raison de comprendre cela?

M. d'Aquino: Je dirais qu'il y a une hésitation chez les Canadiens — et pas seulement chez certaines élites politiques canadiennes — mais également chez de nombreuses personnes influentes quant au prochain pas audacieux à faire. Notre argument est que les Canadiens sont aujourd'hui, du fait de notre grande réussite — et les sondages appuient cela — beaucoup plus confiants quant à leur existence à proximité de ce pays. Nous sommes à l'heure actuelle préoccupés par l'Iraq, les alertes rouges et tout le reste, mais mettons cela de côté pour le moment.

Nous pensons que l'énorme impératif en matière de sécurité créé le 11 septembre a produit d'énormes possibilités pour nous tous. Il nous faut mettre tout cela ensemble. Ce n'est pas le monde des affaires qui va réunir tout cela, et ce ne sera pas non plus le fait de journalistes. Il faut que ce soit un gouvernement qui réunisse le tout.

Pour en revenir à une chose que disait M. Keyes, si nous poursuivons si énergiquement notre stratégie c'est que nous croyons que si nous pouvons avoir une idée claire de ce que nous voulons en tant que stratégie — stratégie que je qualifierais de gagnante — c'est nous qui devrons l'élaborer, la soumettre et la vendre aux Américains. Je pense que nous avons la base pour faire cela, mais il faut néanmoins un gouvernement, un leader, un consensus entre nos partis politiques pour que l'on examine des questions du genre «Si nous ne faisons pas cela, quel en sera le prix?» Les Américains nous imposeront-ils leur souveraineté du fait que nous n'ayons pas pu affirmer la nôtre? La capacité d'avoir une capacité de défense crédible va-t-elle entacher notre capacité de faire des choses sur le plan économique? C'est ce que j'entends dire aux États-Unis. Une incompatibilité dans nos façons de traiter avec les gens et d'aborder les questions de sécurité va-t-elle nous défavoriser?

Nous ne devrions pas faire cela pour les Américains. Nous devrions élaborer notre propre stratégie — une stratégie gagnante qui satisfasse ce que j'appellerais le critère de l'intérêt national — puis la vendre aux Américains. Aussi distraite que soit Rome du Potomac, si nous concevons une stratégie gagnante pour les gens, la défense, les ressources, les frontières et des approches communes pour contrer le terrorisme, nous pourrons faire quelque chose que nous n'aurions jamais pu faire avant le 11 septembre. Cela exigera néanmoins un solide leadership politique et un solide consensus dans ce pays.

M. Keyes: Je suis pour la plupart d'accord avec M. d'Aquino dans ce qu'il dit. Je pense qu'il a mis le doigt sur ce qu'il nous faut faire. Nous n'avons pas de programme intégré. Nous faisons beaucoup de gestion au cas par cas et beaucoup d'improvisation. Les questions ont tourné autour de la frontière, et j'attribue tout le mérite à M. Manley pour ce qu'il a fait au sujet de la frontière.

Où cela s'inscrit-il dans le tableau d'ensemble? Les Canadiens ne voient pas très bien. C'est cette étape-là qui nous manque. Les travaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes et les questions que pose le comité ici réuni sont des exemples du genre de discussions qu'il nous faut avoir afin d'être en mesure de coudre quelque chose et de passer à l'étape suivante pour obtenir l'engagement politique d'en haut et foncer.

Le sénateur Di Nino: Vous venez d'aborder la deuxième partie de ma question, soit les éléments essentiels à la réussite. Le sénateur Grafstein a parlé du monde des affaires. Vous venez à l'instant de dire que les Canadiens ne voient pas. Cela me fait penser à un commentaire que m'ont fait un certain nombre de personnes. Vous avez dit que l'intégration se fait. L'un des témoins que nous avons entendus avant vous a dit qu'il y a une intégration silencieuse avec les États-Unis et il a enchaîné en disant que cela n'ennuie pas les Canadiens.

J'imagine que face à ce problème il nous faut un genre de stratégie de communication pour amener les Canadiens à pleinement comprendre tout cela. Il me semble que c'est cela qui fait défaut. Ai-je raison?

M. Keyes: Oui. Je ne pense pas que les Canadiens comprennent vraiment dans quelle mesure les deux pays sont intégrés et que c'est cela notre avenir, que cela nous plaise ou non. Nous n'allons pas changer notre géographie.

Le président: J'ai une question qui s'inscrit dans le même ordre d'idées que celles posées par les sénateurs Grafstein et Di Nino. Ne nous sommes-nous pas enfermés dans une situation dans laquelle nous sommes devenus otages? Nous ne sommes pas aux commandes; nous sommes otages.

Les Américains se font attaquer. Partout dans le monde ils disent qu'ils partent en guerre. Environ 86 p. 100 de nos exportations vont à un seul et même pays — 35 p. 100 de notre PIB. Je suis au courant des questions de sécurité. Ceci m'est venu tout de suite à l'esprit. J'ai passé le gros de ma vie dans des endroits où il existe d'énormes problèmes de sécurité. On nous dit que toutes les deux secondes et demie, un camion traverse cette frontière. Je vous demande ceci: Que se passera-t-il si cela ne se fait plus que toutes les cinq ou dix secondes? Nous ne contrôlerons aucunement cela.

Je ne suis peut-être pas très en faveur de certaines des directions empruntées par les Américains. Je suis peut-être membre de ce qui semble être la grosse majorité, mais nous voici malgré tout ici en train de parler d'union douanière et de changements fondamentaux à des choses auxquelles je m'imagine qu'ils ne s'intéressent pas beaucoup en ce moment.

Les Mexicains ont déployé beaucoup d'efforts. Je parle espagnol et je connais assez bien le Mexique. Le Mexique a un accord de libre-échange avec l'Union européenne et il essaie d'en négocier un avec le Japon. Il s'efforce de ne plus être un otage. Je sais qu'il s'agit d'un accord de libre-échange exhaustif avec le Mexique parce que l'ambassadeur Phillips me l'a dit.

Cela ne nous préoccupe-t-il pas jusqu'à un certain point que nous soyons en fait dépendants à l'égard d'un pays qui est en guerre avec beaucoup de gens? Nous sommes dépendants à l'égard du commerce que nous faisons avec lui à travers une frontière qui doit être à toutes fins pratiques ouverte pour je ne sais trop combien de millions d'emplois canadiens. Qu'en pensez-vous, monsieur Keyes?

M. Keyes: Je pense qu'il est important, dans l'intérêt du Canada et du point de vue politiques commerciales, que nous diversifiions autant que possible nos schémas d'échanges commerciaux. Mettre tous ses oeufs dans le même panier est formidable tant que le tour de manège dure.

Le président: Mais le tour de manège est fini.

M. Keyes: Non, il n'est pas fini, pas du tout. On tourne toujours. Nous avons des idées, j'espère, pour le court terme, quant à la façon de mieux gérer les choses.

Je pense que le fait d'être voisin immédiat du marché le plus important et le plus dynamique au monde est un bon avantage. Tirons un maximum de l'effet de levier que cela nous donne. C'est ce que nous nous efforçons de faire et c'est ce que fait le monde des affaires depuis l'ALÉ et l'ALENA. Les chiffres le montrent. Cela ne veut pas dire qu'il faut diminuer vos efforts en vue de diversifier partout où cela est possible votre schéma d'échanges.

Le président: M. Lofthouse a souligné, à très juste titre, que tant et aussi longtemps que les négociations à l'OMC — qui ne semblent pas très bien se dérouler — n'auront pas abouti, personne ne bougera, car les positions sont prises dans le tableau d'ensemble. Il y a la question de la frontière. Il y a trois kilomètres de camions le long de la 401 — quelles préoccupations cela soulève-t-il pour quelqu'un qui livre des marchandises «juste à temps» à un marché?

M. d'Aquino: Vous avez décrit un verre à moitié vide. Permettez-moi de vous servir l'argument du verre à moitié plein. L'an dernier, 225 millions de personnes ont traversé cette frontière dans les deux sens, et c'était le cas également de 13 millions de camions. En conséquence, surtout avec les événements du 11 septembre, la sécurité entre le Canada et les États-Unis est devenue totalement indivisible. Trente-sept États comptent sur nous en notre qualité de plus gros marché. Nos économies sont beaucoup plus intégrées que ne le savent la plupart des gens. S'agissant de secteurs clés comme l'Internet, les structures financières, l'énergie hydroélectrique, l'énergie — peu importe — ne croyez pas que nous sommes leurs otages. Nous sommes également extrêmement importants pour eux. Cela marche dans les deux sens.

Le président: Nous représentons 2 p. 100 de leur PIB, et eux comptent pour 35 p. 100 du nôtre.

Le sénateur Grafstein: Nous fournissons 18 p. 100 de l'énergie dont ils ont besoin.

M. d'Aquino: Lorsque vous dites 2 p. 100 de leur PIB, il s'agit là d'un chiffre énorme. Les pourcentages de PIB qui passent par la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas ou la frontière entre l'Italie et l'Autriche ne sont qu'une bagatelle à côté. Ce pourcentage est important en termes réels, et il nous faut être futés et profiter de cette interdépendance.

Cette interdépendance va ressortir encore plus clairement au fur et à mesure du passage du code orange au code rouge, au fur et à mesure de la guerre contre le terrorisme et au fur et à mesure de la poursuite d'une intégration qui est irréversible. Avons-nous bien vendu cet argument? Non. Avons-nous été ingénieux dans le travail préparatoire afin de leur soumettre une stratégie qui fonctionne? Pas encore. Nous l'avons fait une fois, lorsqu'il y a eu une énorme menace. Cette fois-ci, la menace est celle du terrorisme mondial et de la possibilité de la fermeture de la frontière. La dernière fois que nous avons eu ce grand débat au Canada c'était lors de la grande menace du protectionnisme commercial américain. L'accord de libre-échange n'a pas réglé tous les problèmes, mais regardez les chiffres aujourd'hui. Ils montrent que nous avons réglé un grand nombre des problèmes.

Le moment est venu pour nous de faire un autre pas audacieux. Tout comme nous autres Canadiens avons été les ingénieurs du dernier grand pas en avant, il nous faut être les ingénieurs du grand pas en avant suivant. Si nous ne le faisons pas, nous passerons du code orange au code vert et M. Ashcroft et M. Ridge et tous les autres diront que peu importe les 30 millions de personnes vivant au nord d'eux, ils feront ce qu'il leur faut faire pour s'occuper de leurs propres intérêts. Voilà pourquoi il nous faut définir les intérêts pour eux et selon nos conditions. Voilà ce que nous demandons.

Le président: Merci beaucoup. Cette réunion a été fort intéressante.

La séance se poursuit à huis clos.


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