Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 18 - Témoignages du 7 octobre 2003
OTTAWA, le mardi 7 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 18 h 07 pour discuter des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique.
Le sénateur Peter Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président: Aujourd'hui le Comité permanent des affaires étrangères entreprend une étude portant sur un facteur déterminant du commerce bilatéral, Canada-États-Unis, soit le taux de change.
[Traduction]
Cette nouvelle étude fait suite à une étude générale des relations commerciales Canada-États-Unis et Canada- Mexique, lancée en février. En juin, le comité a déposé un rapport intitulé «Accès incertain: Les conséquences des mesures prises par les États-Unis touchant la sécurité et le commerce pour la politique commerciale canadienne».
Je rappelle l'ordre de renvoi que nous a donné le Sénat en novembre 2002:
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à étudier et à faire rapport sur les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique, portant une attention particulière à: a) l'Accord de libre-échange de 1988; b) l'Accord de libre-échange nord-américain de 1992; c) un accès sûr pour les produits et services canadiens aux États-Unis d'Amérique et au Mexique; et d) le développement de mécanismes efficaces de règlement des différends, tous dans le contexte des relations économiques du Canada avec les pays des Amériques et du cycle de Doha des négociations commerciales de l'Organisation mondiale du commerce.
[Français]
Le comité entend se pencher sur un point plus précis ayant des effets directs sur l'Accord de libre-échange et l'ALÉNA, soit les effets des fluctuations du taux de change entre les dollars canadiens et américains sur le commerce entre les deux pays.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui nos premiers experts appelés à témoigner sur la question: de la Banque du Canada, M. John Murray, chef, Département international; du ministère des Finances du Canada, M. Steven James, directeur, Division de l'analyse et des prévisions économiques; et d'Industrie Canada, M. Someshwar Rao, directeur, Analyse des investissements.
Je me suis excusé, avant le début de la séance, de notre retard; il est dû au fait que le Sénat siégeait. Le sénateur Austin m'a suggéré que la meilleure façon de procéder serait peut-être d'entendre l'exposé de chacun d'entre vous, après quoi si le temps nous le permet, nous vous poserons quelques questions. Si, toutefois, nous n'en avons pas le temps, nous nous reprendrons à une autre occasion. Nous aurons au moins entendu vos dépositions.
M. Murray, veuillez commencer. Le comité sera ravi de vous entendre.
M. John Murray, directeur, Département des relations internationales, Banque du Canada: Je remercie le comité de m'avoir invité. Je tiens tout d'abord à dire que j'ai beaucoup aimé votre dernier rapport et que j'attends impatiemment la suite de vos travaux sur la question.
J'ai distribué aux honorables sénateurs deux documents. Comme ils contiennent beaucoup d'information, je ne veux pas tout passer en revue. D'ailleurs, mes collègues traiteront de certains des sujets dont il y est question, et je veux leur laisser le temps de le faire.
Mon message comporte quatre grands volets, qui figurent à la page deux, intitulée «Introduction». Premièrement, les récentes fluctuations du taux de change ne sont pas complètement inhabituelles. J'expliquerai pourquoi. En un sens, elles l'ont été, mais à bien d'autres égards elles n'ont rien d'exceptionnel. Deuxièmement, je crois qu'il y a des forces fondamentales, et probablement incontournables, qui déterminent la valeur de notre monnaie. Troisièmement, le relèvement du taux de change comporte un aspect positif. Tout n'est pas entièrement négatif. Quatrièmement, et je sais que je prêche peut-être ici à des convertis, un taux de change flottant demeure, parmi tous les régimes de taux de change, le plus profitable pour le Canada.
À la page trois, je tente de mettre la récente dépréciation en perspective, en expliquant le côté positif des récents développements. J'attire votre attention sur les tableaux dans ma documentation.
Le premier tableau, qui montre le comportement du dollar canadien vis-à-vis la devise américaine au cours des derniers mois, est plutôt inquiétant. La valeur de notre monnaie grimpe. Sur le tableau, elle commence à 64c., bien qu'elle soit déjà descendue plus bas, et monte jusqu'à environ 74c. Toutefois, comme certains d'entre vous le savent probablement, notre dollar a atteint aujourd'hui 75c. Cette appréciation vous semblera sans doute impressionnante et considérable, et elle l'est dans une certaine mesure, mais il faut se rappeler que le dollar canadien n'est pas la seule devise dans cette situation: on observe actuellement une appréciation générale des monnaies face au dollar américain.
Le deuxième tableau compare certaines devises au dollar américain. L'Euro s'est apprécié au cours des 18 derniers mois, encore plus que le dollar canadien. L'appréciation de notre monnaie est, en gros, comparable à celle du Japon. D'autres devises, comme le dollar australien, le dollar néo-zélandais et d'autres monnaies à taux de change flottant, ont enregistré une appréciation encore plus marquée que notre dollar. Je le signale pour mettre les choses en perspective.
Il est également important de se rappeler qu'au cours des 25 à 30 dernières années, la valeur de notre monnaie a beaucoup fluctué, principalement à la baisse. Le troisième tableau illustre les fluctuations récentes de notre monnaie par rapport à son comportement historique. Même si notre monnaie a connu récemment une appréciation plus rapide que les nombreuses appréciations qu'elle a subies dans le passé, le tableau permet de voir que cela n'est pas aussi inhabituel ou inquiétant qu'on pourrait le croire.
Le quatrième tableau illustre le comportement de certaines monnaies par rapport au dollar américain, depuis 1975 jusqu'à maintenant. Vues dans une perspective à plus long terme, les fluctuations du dollar canadien, comparées à celles d'autres monnaies importantes, apparaissent relativement modérées. Ce qui ne veut pas dire qu'elles soient sans importance. L'économie canadienne est plus ouverte que celle de nombreux autres pays, et le dollar américain a pour notre économie plus d'importance que pour la plupart des autres économies. Des changements même mineurs peuvent avoir des conséquences importantes sur le taux de change. Je ne veux pas minimiser les conséquences de la récente appréciation de notre monnaie sur les prix et la production, mais simplement mettre les choses en contexte.
À la page quatre de mon mémoire, sous la rubrique «Causes possibles de l'appréciation», j'explique que, au cours des 25 à 30 dernières années, la plupart des fluctuations importantes du taux de change de notre monnaie peuvent être expliquées par les fluctuations de trois ou quatre variables fondamentales sous-jacentes. En fait, la Banque du Canada utilise une équation du taux de change qui ne permet pas de faire des prédictions, mais qu'on peut utiliser pour trouver des explications. Selon cette équation, quatre variables expliquent la plupart des fluctuations de notre monnaie par rapport au dollar américain. Ces variables sont, premièrement, les écarts inflationnistes entre les deux pays, c'est-à-dire la comparaison du taux d'inflation au Canada et du taux d'inflation aux États-Unis; deuxièmement, les écarts des taux d'intérêt entre les deux pays, c'est-à-dire les taux d'intérêt canadiens comparés aux taux d'intérêt américains; et, enfin, deux composantes du cours des produits de base: le prix mondial des produits énergétiques, comme le pétrole, et le prix mondial des produits non énergétiques, notamment les matières premières comme le bois d'oeuvre, les minerais, le blé et les denrées alimentaires.
Le sixième tableau illustre le comportement de cette équation à la lumière de ces quatre variables. La courbe pleine représente les mouvements du taux de change; la courbe pointillée correspond à ce que l'équation de la banque permet de prédire ou d'expliquer en fonction de ces quatre variables. La courbe de l'équation ne tient pas compte de tous les soubresauts du taux de change, mais elle correspond très bien à la réalité. Elle est demeurée remarquablement stable au fil du temps. C'est ce qui nous permet de conclure que la valeur de notre monnaie n'est pas déterminée par un comportement erratique et spéculatif, mais par des forces fondamentales. Le taux de change a fluctué pour des raisons précises, généralement d'une manière qui a contribué à rééquilibrer l'économie canadienne. Remarquez, cependant, le bond à la fin du tableau. Il s'agit de la récente appréciation que le taux de change n'explique pas.
Il convient de signaler que l'équation réagit parfois avec un certain décalage. On sait que les prix mondiaux des produits de base ont subi une hausse de 15 à 20 p. 100 au cours de la dernière année. On peut donc s'attendre à ce que, à plus ou moins long terme, l'équation du taux de change marque un mouvement à la hausse et explique au moins en partie la récente appréciation.
Le président: Je ne veux pas empiéter sur le temps du comité, mais pourriez-vous nous expliquer cela? Vous dites que la ligne pointillée, au tableau 6, correspond aux causes possibles de l'appréciation proposées par la Banque du Canada, à la page quatre de votre mémoire.Je veux être sûr de bien comprendre à quoi correspond la ligne pointillée.
M. Murray: À la page quatre de mon mémoire, j'indique qu'une des causes de l'appréciation de notre monnaie est l'équation du taux de change de la Banque du Canada et quatre variables déterminantes, à savoir les taux d'intérêt, l'inflation et deux composantes des prix des produits de base. Si on intègre ces deux variables à l'équation et qu'on observe le comportement au fil du temps, en fait de 1973 jusqu'à maintenant, on obtient ce genre de valeur simulée. J'essaie de démontrer que, historiquement du moins, cette équation semble avoir réagi à ces variables fondamentales de façon prévisible et sensée. Je crois aussi qu'en définitive il y a une erreur. L'équation n'explique pas la plus récente appréciation, compte tenu de toutes les variables. Mais le processus est peut-être déjà en cours. Il ne faut pas invalider immédiatement l'équation.
Toutefois, selon la seconde interprétation, il pourrait se passer quelque chose de légèrement différent et fondamental. Je fais référence aux déficits commerciaux éphémères des États-Unis et à la nécessité de rééquilibrer l'économie mondiale.
Les causes sont peut-être plus profondes que les prix des produits, les différences entre les taux d'intérêt et les écarts entre les taux d'inflation. Si vous observez l'économie américaine plutôt que la nôtre, et je vous renvoie ici aux tableaux 7 à 9, vous comprendrez ce qui arrive à l'économie américaine.
La plupart d'entre vous connaissez les faits; j'irai donc rapidement. La courbe foncée montre le déclin rapide de la balance des paiements courants des États-Unis. Elle correspond actuellement à 5 p. 100 du PIB et continue de croître. La ligne plus pâle correspond à la position des États-Unis au chapitre de l'investissement international net. Les États- Unis, qui étaient le plus important créancier mondial au début des années 80, sont aujourd'hui le plus important débiteur.
L'une des explications possibles est que les fluctuations du taux de change que nous constatons représentent une partie de la correction de ces déséquilibres qui seront peut-être éphémères. Le tableau 8 illustre les fluctuations des comptes courants des États-Unis provoquées par la fluctuation du taux de change réel. On observe une tendance. De toute évidence, la valeur du dollar américain exerce une influence sur les comptes courants commerciaux des États- Unis.
Les tableaux 9 et 10 montrent quels pays ont accumulé des excédents commerciaux dans leurs échanges avec les États-Unis. En fait, c'est le cas d'à peu près tous les pays. Le fait que le Canada soit le plus important partenaire commercial des États-Unis explique peut-être en grande partie le déséquilibre des comptes courants des États-Unis et offre probablement, par voie de conséquence, un élément de solution. L'aspect rassurant des tableaux 9 et 10, c'est que même si le Canada peut contribuer à la solution du problème, il y prendrait peut-être une part moindre que certains des autres pays en cause. En effet, même si nous sommes le plus important partenaire commercial des États-Unis, nous affichons l'excédent commercial le plus modeste, comparativement à l'Union européenne, à l'Amérique latine, à la Chine, aux pays émergents d'Asie et au Japon. La situation mondiale pourrait peut-être expliquer en partie les fluctuations des taux de change.
En ce qui concerne les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis, les économies de ces deux pays sont de plus en plus intégrées, surtout depuis la signature de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA. Toutefois, des différences structurelles importantes continuent de différencier nos deux économies, surtout au chapitre des produits de base. Le Canada reste un important exportateur net de produits de base, alors que les États-Unis sont un important importateur net. C'est une heureuse coïncidence. Nous fournissons aux États-Unis exactement ce dont ils ont besoin.
Notre balance commerciale et nos comptes courants se sont améliorés au fil du temps. Le tableau 14 montre que non seulement notre balance des comptes courants s'est améliorée mais que, par voie de conséquence, notre position nette concernant l'avoir étranger s'est aussi sensiblement améliorée, à la différence de celle des États-Unis. Cela s'explique sans aucun doute par la faible valeur du dollar canadien depuis le milieu des années 90 jusqu'à maintenant. C'est l'une des raisons importantes de la force et de l'amélioration de notre situation sur le marché extérieur. Ce n'est cependant pas la seule explication. L'Accord de libre-échange et la croissance remarquable de l'économie américaine y sont aussi pour quelque chose. En outre, l'économie américaine atteignait les limites de sa capacité de production; n'étant pas dans cette situation, nous sommes restés une source naturelle de produits et services permettant de répondre à la demande croissante aux États-Unis.
Il s'est également produit une heureuse coïncidence en ce qui concerne la composition de la demande américaine. Non seulement la demande américaine était-elle en croissance rapide, mais il se trouvait que les Américains voulaient se procurer beaucoup de ce que nous avions, notamment des autos et des maisons. À la fin des années 90, un certain nombre de facteurs, mis à part le taux de change, ont joué et contribué à notre position favorable sur le marché extérieur.
La faiblesse récente est le résultat de l'appréciation de notre monnaie, mais il est encore très tôt. La majeure partie de ce que nous avons observé est attribuable à la faiblesse de la croissance américaine et à un déclin, jusqu'à récemment, des prix des produits de base sur les marchés mondiaux. On commence à observer un renversement de la tendance dans l'un et l'autre cas. Les perspectives économiques, aux États-Unis, se sont beaucoup améliorées. Certains prédisent même que l'économie américaine pourrait afficher une croissance de 5 p. 100 ou plus pendant la dernière partie de cette année, et 4 p. 100 ou plus en 2004 et 2005. Il pourrait en résulter une amélioration de notre situation extérieure, une forte croissance des exportations, et cela en dépit du taux de change.
Ce qui ne veut pas dire que le taux de change effectif réel et la récente appréciation de notre monnaie n'aient aucune incidence. Le tableau 15 est plutôt impressionnant, mais vous pouvez constater, et ce n'est pas une coïncidence, que lorsque le taux de change est élevé, nos exportations nettes baissent, et inversement. Le taux de change est important. Il importe également de mettre les fluctuations en contexte. Souvent, lorsque notre position se renforce, il y a à cela des raisons. Ces raisons sont bonnes pour le Canada, ce qui signifie que nous pouvons non seulement soutenir un taux de change élevé mais que nous avons besoin d'un taux de change plus élevé pour contenir la demande intérieure ou la demande, au Canada, de produits canadiens, sur les marchés intérieur et extérieur.
En somme, le taux de change fluctue généralement sous l'effet de forces fondamentales, et non pas de façon erratique. Les fluctuations s'expliquent par des causes qui contribuent à maintenir un macro-équilibre au Canada. C'est une bonne chose.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Graham: Je trouve cela fascinant. Je m'intéresse en particulier au tableau 6. Vous dites qu'il y a un avantage à avoir un dollar fort, et qu'un taux de change flottant est ce qui est le plus avantageux pour le Canada. Je me souviens avoir assisté, vers 1977, à une conférence qui se tenait au collège universitaire de Cap-Breton. Tom Kent, que vous connaissez peut-être, y était. À l'époque, notre dollar valait à peu près 93 cents. Tom Kent était un tenant d'un dollar à 75 cents, même s'il valait alors 93 cents.
De façon générale, et compte tenu de l'analyse que vous faites de l'économie et des fluctuations à la hausse et à la baisse, y a-t-il, selon vous, une valeur optimale pour le dollar canadien?
M. Murray: La réponse est non, car la valeur optimale, si elle existe, change au fil du temps. Aussi, je verrais mal que nous ayons un dollar à taux fixe, dont nous devrions nous accommoder par la suite. Cela aurait des conséquences néfastes qui auraient des manifestations plus déplaisantes que les fluctuations du taux de change.
Cela me rappelle un aspect de mon exposé sur lequel je suis passé rapidement, mais qui se trouve au coeur de mon propos. C'est le fait que les appréciations offrent l'avantage de réduire le coût des importations et, plus précisément, le coût des capitaux; cela contribue à rendre l'investissement au Canada plus facile et moins coûteux et, à la limite, à stimuler notre productivité.
On a également l'impression que tout relèvement du taux de change a des effets inégaux sur l'économie. Les industries ne sont pas toutes touchées de façon égale; certaines en bénéficient. Ce n'est évidemment pas le cas de la majorité des industries, mais tout dépendant de ce qu'elles exportent, de leur niveau de dépendance à l'égard des intrants importés et de la concurrence des autres importateurs sur le marché intérieur, les conséquences de l'appréciation varient d'une industrie à l'autre.
C'était une longue réponse à votre question. La valeur optimale de la monnaie varie selon l'industrie et le moment. Il vaut mieux laisser jouer les forces du marché.
Le président: L'un des buts de nos audiences est de saisir les conséquences sur nos exportations. Je veux être sûr d'avoir bien compris. Au paragraphe 15, comme vous le disiez, lorsque le dollar canadien vaut moins cher par rapport à la devise américaine, nos exportations augmentent; et lorsque notre monnaie s'apprécie par rapport au dollar américain, nos exportations diminuent. Est-ce que je simplifie trop les choses?
M. Murray: Non, c'est exactement cela.
Le président: Nous entendrons maintenant M. James.
M. Steven James, directeur, Division de l'analyse et des prévisions économiques, ministère des Finances du Canada: Je crois que vous avez tous reçu des copies des tableaux auxquels je ferai référence pendant mon exposé.
Je voudrais tout d'abord mettre les récents événements en contexte. Ces dernières années, les économistes s'attendaient à une appréciation du dollar canadien face à la devise américaine. De trimestre en trimestre, ils attendaient une appréciation, mais les faits leur ont toujours donné tort: en fait, notre monnaie s'est dépréciée. Dans une certaine mesure, l'appréciation attendue s'est finalement concrétisée cette année, mais elle s'est probablement manifestée de façon plus forte que prévu et, en tout cas, beaucoup plus rapidement qu'on ne l'avait anticipé. D'ailleurs, la rapidité de l'appréciation pose un problème.
Comme M. Murray le disait, le dollar américain a perdu de sa valeur face à tout un éventail de devises. Il est vrai que, depuis la fin de 2002, alors que le dollar canadien était particulièrement faible, le dollar américain s'est déprécié davantage face à notre monnaie qu'à de nombreuses autres devises. Toutefois, si on remonte plus loin dans le temps, disons la fin de 2001, la situation est différente. Le dollar américain a perdu environ 23 p. 100 de sa valeur face à l'Euro, et 15 p. 100 face au dollar canadien. De façon générale, peu importe la période de référence, nous devons tenir compte du comportement du dollar américain.
Il est important de reconnaître que le dollar n'est pas uniquement quelque facteur extérieur qui influe sur notre économie. Le comportement de notre économie influe aussi sur la valeur du dollar. Des chocs extérieurs ont également des répercussions à la fois sur la valeur du dollar et sur l'économie canadienne. Et lorsque cela se produit, le dollar peut jouer un important rôle de tampon pour amortir ces chocs.
Un exemple très important est le prix des produits de base dont parlait M. Murray. Le Canada est un exportateur net de produits de base, qui représentent environ 30 p. 100 de nos exportations. C'est moins qu'il y a 20 ans, mais le pourcentage demeure tout de même important.
Le tableau 1 indique le taux de change réel. Il s'agit simplement de la valeur du dollar canadien ajustée aux prix relatifs entre le Canada et les États-Unis. La valeur est déterminée en fonction de l'indice des prix réels de la Banque du Canada concernant les produits de base non énergétiques. Il s'agit de l'une des variables dont parlait M. Murray. Il existe clairement une corrélation. Le lien n'est peut-être pas aussi étroit que celui dont il fait état dans son équation, qui tient compte de ce genre de variables et d'un certain nombre d'autres variables. Le dernier point de données, s'il était inclus dans les données hebdomadaires, indiquerait une petite hausse dans les séries de cette année.
Par ailleurs, il y a des périodes où des divergences se manifestent, et où les prix des produits de base prennent une direction alors que le taux de change en prend une autre.
Le tableau 2 concerne les prix de l'énergie. Il s'agit en fait, dans ce cas, du véritable indice des prix du brut en dollars américains. Nous avons souvent tendance à établir une distinction entre les produits énergétiques et non énergétiques car, en ce qui concerne les produits énergétiques, et en particulier le pétrole, nous n'avons pas toujours été un exportateur net. Dans le passé, notre pays a été un importateur net. On se serait attendu à ce que les répercussions sur la valeur du dollar soient différentes. Cela figure dans les données. Plus récemment, depuis que nous sommes un exportateur net, on observe une corrélation positive entre les prix de l'énergie et le taux de change, bien que ce ne soit pas aussi prononcé que dans le cas des prix des produits de base non énergétiques.
Lorsque les prix mondiaux des produits de base diminuent, par exemple pendant la crise asiatique, les profits des exportateurs de produits de base ont tendance à baisser au Canada, et on constate un certain recul de la production générant des profits marginaux. Par ailleurs, les étrangers ont besoin de moins de dollars canadiens pour acheter une quantité donnée de produits de base. En outre, il y a diminution de la demande, par exemple, de capitaux associés aux entreprises de ce secteur. Il en résulte un affaiblissement du dollar canadien. C'est l'effet tampon dont je parlais, qui fait en sorte que la baisse des prix des produits, qui a un effet négatif sur l'économie canadienne, est partiellement amortie par la valeur plus faible du dollar canadien. Cette capacité d'amortir les chocs sur les prix et la demande mondiaux est un avantage fondamental des taux de change flexibles. M. Murray en a longuement parlé.
En ce qui concerne la récente appréciation, je répéterai en grande partie ce que vous avez déjà entendu. Comme M. Murray vous le disait, les prix des produits de base non énergétiques sont à la hausse depuis la fin de 2002. Le tableau 1 le montre. Les écarts entre les taux d'intérêt constituent certainement un autre facteur qui, à plus ou moins long terme, influe sur la valeur du dollar. Vous pouvez l'observer au tableau 3, où la ligne continue représente le taux de change nominal entre le Canada et les États-Unis et l'écart de trois mois concernant les bons du Trésor.
Encore une fois, il est important de souligner que même s'il s'agit du genre de variable qui agira dans une équation avec de nombreuses autres variables, il n'y a pas nécessairement concordance. Il peut y avoir des périodes où on observera une différence négative alors que le dollar se maintiendra, et vice-versa. Cela s'explique par le fait que d'autres facteurs, en plus de l'écart rapproché, influent sur le comportement du dollar. Dans ce cas aussi il y a corrélation positive.
Un quatrième facteur est le sentiment de l'investisseur, ou ce qu'on appelle la manifestation de l'instinct à l'égard de la situation internationale, économique et politique. C'est le genre de choses qu'il est difficile de mesurer et de réduire à des équations, et auxquelles on peut faire référence après coup pour expliquer une situation donnée. Par exemple, de nombreux analystes ont vu dans l'incertitude créée par la guerre en Irak un catalyseur ou l'élément déclencheur de la dépréciation du dollar américain. C'est une hypothèse plausible, mais dont la véracité, dans un sens ou dans l'autre, n'est pas démontrée.
Le cinquième facteur est la situation des comptes courants. M. Murray a abordé cet aspect et la question des déséquilibres mondiaux.
Le tableau 4 contient la même information que celle que vous a communiquée M. Murray, mais elle est présentée de façon différente. Les barres qui figurent du côté gauche représentent la balance des comptes courants du Canada en pourcentage du PIB. Comme vous pouvez le voir, nous sommes passés d'une longue période de comptes courants déficitaires — historiquement, le Canada a toujours eu des comptes courants déficitaires — à de solides excédents. Vous pouvez également voir que, par ailleurs, les États-Unis accusent maintenant un sérieux déficit de leurs comptes courants. Il y a donc une véritable divergence des voies suivies par le Canada et les États-Unis à ce chapitre. En additionnant ces balances des comptes courants, on obtient notre dette extérieure nette. Historiquement, le Canada a toujours été très endetté sous ce rapport. On assiste actuellement à un renversement de situation, la dette extérieure nette du Canada étant en nette régression, alors que l'endettement extérieur net des États-Unis augmente de façon constante et est maintenant plus élevé que celui du Canada.
L'endettement extérieur des États-Unis soulève la question des déséquilibres et de leur élimination, car l'endettement extérieur net des États-Unis ne peut pas s'accroître indéfiniment et atteindre des niveaux astronomiques. Tôt ou tard, il faudra y remédier d'une façon ou de l'autre.
Quelles seront les répercussions de la récente appréciation? Là encore, l'important n'est pas l'appréciation en soi, mais la situation de fait par rapport aux attentes. Si tout le monde s'attendait à voir l'appréciation du dollar atteindre un certain niveau, et les entreprises avaient planifié sur cette base qui s'est concrétisée, en un sens il n'y a pas de surprise; toutefois, il y a eu un imprévu, la rapidité de l'appréciation.
En théorie, on sait que si les exportateurs canadiens sont contraints d'accepter les prix mondiaux, un dollar plus fort entraîne une baisse des prix au Canada. Par ailleurs, cette situation influe sur les profits et peut engendrer, en particulier dans le secteur des ressources, un recul de la production marginale, comme dans le cas d'une diminution des prix des produits de base. Évidemment, cette situation est en partie compensée par le fait que les prix des produits base sont passablement élevés à l'heure actuelle.
Au chapitre des importations, dans la mesure où un dollar fort se traduit par une baisse des prix à l'importation, on peut assister à un certain déplacement de la demande intérieure, des produits fabriqués chez nous au profit de produits importés. Il y a cependant certaines indications selon lesquelles l'ampleur de ce déplacement serait moindre que par le passé. À la fin des années 90, lorsque notre dollar se dépréciait, nous n'avons pas observé d'influence à la hausse sur les prix, comme on était en droit de s'y attendre à la lumière de l'expérience passée.
Par ailleurs, certains importateurs canadiens font des profits au Canada. Il s'agit d'entreprises canadiennes, dans le secteur du gros ou du détail, par exemple, pour lesquelles des prix à l'importation moins élevés stimulent les profits, les marges et, dans certains cas, les ventes.
L'appréciation du dollar a aussi un effet positif, dans la mesure où l'importation de matériaux, de pièces, de machines et d'équipement revient moins cher. Le Canada importe environ 80 p. 100 de ces machines et équipement. Aussi, dans la mesure où des prix plus bas contribuent à stimuler l'investissement, il pourrait en résulter une croissance plus élevée de la productivité au Canada, et aussi une croissance plus forte de la production.
Encore une fois, bon nombre de ces facteurs sont difficiles à quantifier de façon précise. Comme je le disais plus tôt, l'importance du transfert semble changer au fil du temps. L'effet dépend des attentes des gens dans un cas donné, et des attentes quant à la persistance du choc sur le dollar.
Dans une perspective plus large, les échanges commerciaux sont tributaires non seulement du taux de change mais de nombreux autres facteurs. Nous avons été témoins d'une augmentation marquée des échanges commerciaux depuis le début des années 90, et cette situation est en grande partie le résultat des accords de libre-échange et d'une ouverture accrue des entreprises canadiennes sur les marchés mondiaux. Les importations sont également déterminées par la demande intérieure, et les exportations par la demande extérieure et les prix des produits. Les exportations vers les États-Unis en particulier, comme le faisait remarquer M. Murray, dépendent fortement de l'expansion économique américaine, qui semble actuellement prendre de la vigueur.
Le tableau 5 indique une forte corrélation. La courbe foncée indique une croissance réelle des exportations canadiennes, alors que la courbe pâle correspond à la croissance réelle du PIB américain. Cela figure sur l'échelle de droite, alors que la croissance des exportations figure sur l'échelle de gauche. Il y a une forte corrélation. Comme M. Murray le disait, les pronostiqueurs prévoient que l'économie américaine connaîtra une forte croissance. Un certain nombre de pronostiqueurs du secteur privé prédisent un taux de croissance de près de 6 p. 100 pour l'économie américaine pendant le dernier trimestre de cette année, et un taux de 4 p. 100 en 2004. Indépendamment du comportement du dollar, cela aura certainement un effet positif important sur nos industries de l'exportation.
Le président: Que s'est-il passé en 1995? Les exportations canadiennes ont augmenté de façon marquée, mais le PIB américain a connu une croissance modeste.
M. James: Je reconnais ne pas pouvoir expliquer de façon précise ce qui s'est passé à ce moment-là, mais nous pourrions examiner les données.
Le président: Non, c'est très bien.
M. James: Le caractère volatile des données sur nos exportations s'explique en grande partie par le comportement du secteur automobile, qui fluctue beaucoup d'un trimestre à l'autre. C'est ce qui explique en grande partie la faiblesse des exportations en 2001, par exemple. Même si l'économie américaine était faible à ce moment-là, nos exportations étaient encore plus faibles. Les automobiles et la technologie de pointe jouent aussi un rôle à cet égard. Nous pourrions vérifier les détails.
Le président: Merci beaucoup. Votre exposé était très intéressant. Les deux témoins étaient très intéressants.
Monsieur Rao, si vous voulez bien nous éclairer, nous sommes très intéressés et attentifs.
M. Someshwar Rao, directeur, Analyse des investissements, Industrie Canada: Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité. Mon exposé repose sur une étude que j'ai signée avec deux collègues, Ram Acharya et Prakash Sharma, tous deux d'Industrie Canada. Comme vous pourrez le constater, mon exposé complémente celui de mes deux collègues de la Banque du Canada et du ministère des Finances.
Mon mémoire est intitulé «Les liens entre le Canada et les États-Unis aux chapitres du commerce et de l'investissement». Je parlerai de la situation entre 1990 et 2002 et de certains des facteurs que nous avons jugés importants.
Je vous ai tous donné un exemplaire de mon mémoire. Comme vous pouvez le voir à la page deux, l'économie canadienne est beaucoup plus orientée vers le marché extérieur, en particulier depuis 1990, année de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis. Le commerce extérieur a enregistré une hausse considérable, tant les exportations que les importations en pourcentage du PIB. Aujourd'hui, le commerce extérieur, exportations et importations confondues, représente environ 78 p. 100 du PIB, comparativement à 52 p. 100 en 1990. Notre commerce extérieur a cependant enregistré un recul, puisqu'il avait atteint son sommet en 2000, soit 86 p. 100.
On observe une orientation similaire de l'investissement étranger direct sortant, en pourcentage du PIB. Aujourd'hui, nous sommes des exportateurs nets au chapitre de l'investissement étranger direct. L'investissement sortant, en pourcentage du PIB, est supérieur de 7 points de pourcentage à l'investissement étranger direct entrant, en pourcentage du PIB, comparativement à un écart de près de 30 points de pourcentage favorisant l'investissement étranger direct entrant en 1962. C'est un revirement marqué de la situation.
Cela est en grande partie attribuable au resserrement des liens économiques avec les États-Unis, au chapitre des échanges commerciaux. Comme vous pouvez le constater, les échanges commerciaux, les exportations comme les importations, mais surtout les exportations, ont enregistré une hausse considérable. Nos exportations vers les États- Unis, entre 1990 et 2002, ont augmenté de plus de 200 p. 100. Les importations ont aussi augmenté, mais pas de façon aussi marquée. Les exportations de biens et services représentent aujourd'hui environ 82 p. 100 de nos échanges commerciaux. Les États-Unis importent environ 82 p. 100 des biens et services que nous exportons, comparativement à 72 p. 100 en 1990. On constate donc un accroissement sensible de l'importance du marché américain. Nos importations enregistrent aussi une hausse, mais pas aussi considérable; elles sont passées de 68 p. 100 à 70 p 100.
L'investissement direct entre le Canada et les États-Unis a plus que triplé entre 1990 et 2002, mais la part que détiennent les États-Unis dans le stock d'investissement étranger direct entrant au Canada est restée plus ou moins la même pendant cette période, soit environ 64 p. 100; en ce qui concerne le stock d'investissement étranger direct sortant, les Canadiens investissent de plus en plus à l'étranger. En 1990, nous investissions 63 p. 100 de notre stock d'investissement étranger sortant aux États-Unis. Aujourd'hui, ce pourcentage n'est plus que de 47 p. 100. C'est dire que nous investissons beaucoup plus vers d'autres pays que les États-Unis. On constate la même situation dans le cas des placements de portefeuille.
Le sénateur Di Nino: Je veux m'assurer de bien comprendre vos tableaux, monsieur Rao. Les tableaux de la page deux représentent-ils les échanges commerciaux canadiens avec le monde ou avec les États-Unis et/ou l'investissement étranger direct avec le monde ou avec les États-Unis?
M. Rao: Ce tableau concerne le marché mondial. Ce que je dis, cependant, c'est que la situation mondiale est principalement déterminée par le marché américain.
Le sénateur Di Nino: Très bien. Le titre de votre mémoire, «Les liens entre le Canada et les États-Unis» aux chapitres du commerce et de l'investissement, m'a induit en erreur. Je vous remercie de l'explication.
M. Rao: L'accroissement des liens entre le Canada et les États-Unis, entre 1990 et 2002, s'est manifesté dans toutes les provinces. La Saskatchewan, qui enregistre le plus faible pourcentage d'exportations directes vers les États-Unis, se situe encore à 62 p. 100; en Ontario, le pourcentage est de 93 p. 100. Comme les honorables sénateurs peuvent le voir, toutes les provinces enregistrent une augmentation du pourcentage de leurs exportations.
C'est la même chose pour les industries. Toutes les industries ont accru leurs exportations vers les États-Unis. La part du marché américain s'est accrue dans tous les secteurs industriels.
Les échanges commerciaux du Canada avec le Mexique ne sont pas très importants, mais ils ont beaucoup augmenté. Entre 1992 et 2002, les échanges commerciaux entre ces deux pays ont augmenté de 300 p. 100, mais les exportations du Canada vers le Mexique ne représentent qu'un demi-point de pourcentage de nos exportations totales, alors que nos importations du Mexique sont passées de 2 p. 100 à 4 p. 100 de nos importations totales.
J'aimerais maintenant parler brièvement des avantages. La majeure partie du secteur manufacturier a grandement bénéficié de l'accroissement des échanges commerciaux avec les États-Unis. Plus de 80 p. 100 de la croissance de production du secteur manufacturier canadien dans les années 90 peut être attribuée à l'augmentation des exportations.
L'Accord de libre-échange et l'ALENA ont contribué à relever la productivité du secteur manufacturier, comme prévu avant la signature de l'Accord de libre-échange. Selon une étude effectuée par Daniel Trefler, à l'Université de Toronto, l'Accord de libre-échange a accru la productivité des industries où les barrières tarifaires étaient élevées avant la signature des accords commerciaux, et là où les barrières tarifaires étaient faibles, la croissance de la productivité a été moindre. Il y a aussi eu une certaine turbulence. Les industries pour lesquelles les chiffres étaient plus élevés que prévu ont accusé un taux d'exode net d'entreprises plus élevé.
Le tableau suivant, à la page 9, concerne les entreprises sous contrôle étranger en général. Il ressort, non seulement de notre étude mais de toutes les autres études, que les entreprises sous contrôle étranger sont en général plus productives que les entreprises sous contrôle canadien. L'investissement étranger direct au Canada contribue à relever la productivité moyenne. Il est vrai que les entreprises sous contrôle étranger sont non seulement plus productives mais les salaires y sont plus élevés.
Les entreprises canadiennes qui sont orientées vers le marché extérieur et qui exportent sont plus productives que les entreprises canadiennes moyennes. En général, l'orientation vers les marchés extérieurs a favorisé la productivité et contribué à relever le niveau de vie au Canada.
Permettez-moi de faire un survol des défis dont notre étude nous a permis de prendre connaissance. Premièrement, la concurrence du Mexique et de la Chine aux États-Unis s'intensifiera. Ce fut d'ailleurs le cas entre 1990 et 2002. Malgré une hausse considérable des exportations canadiennes vers les États-Unis, notre part du marché est demeurée plus ou moins stable. Elle a augmenté, puis est redescendue. Toutefois, notre part du marché mexicain a presque doublé, passant de 6 p. 100 à 11,6 p. 100. Notre part du marché chinois est passée de 3 p. 100 à environ 11 p. 100.
Bien que la composition de nos exportations ne soit pas la même — les produits que nous exportons aux États-Unis sont davantage axés sur la connaissance et la technologie de pointe — le Mexique et la Chine sont en train de rattraper leur retard dans ces domaines. Dans l'avenir, on peut s'attendre à une concurrence accrue de ces deux pays sur le marché américain.
Notre étude confirme ce que soutenaient MM. Murray et James, à savoir que le principal facteur de la croissance de nos exportations dans les années 90, a été l'économie américaine. Comme on peut le voir à la page 10, il existe une corrélation entre le taux de croissance des exportations canadiennes vers les États-Unis et la croissance des importations de marchandises des États-Unis. Nos exportations vers les États-Unis représentent environ 18 p. 100 des importations américaines. La forte corrélation qui existe est phénoménale. Selon notre étude, ce fut l'un des principaux facteurs de la croissance de nos exportations entre 1990 et 2002.
La dépréciation du dollar a aussi été un facteur important. Le tableau à la gauche de la page 12 illustre la dépréciation du dollar, dont M. Murray a également parlé. Le diagramme qui se trouve à droite de la page montre qu'entre 1990 et 2000, notre compétitivité s'est améliorée de 19 points, principalement en raison de la dépréciation de notre dollar. Notre monnaie a perdu environ 30 p. 100 de sa valeur au cours de cette période. Bien qu'elle se soit sensiblement améliorée, notre productivité est néanmoins demeurée inférieure à celle des États-Unis, qui ont affiché à ce chapitre un taux de croissance sensiblement plus élevé.
La rémunération horaire a progressé plus lentement qu'aux États-Unis, mais, par ailleurs, notre productivité était inférieure. En définitive, nous avons réduit nos coûts et, par voie de conséquence, nous avons amélioré notre position au chapitre des exportations nettes vers les États-Unis. Cette tendance ne pourra cependant pas se perpétuer, car nous sommes tributaires de la productivité. Comme le faisaient remarquer MM. Murray et James, la dépréciation de notre monnaie entraîne une diminution de notre niveau de vie et une augmentation du coût des importations, des machines et de l'équipement, ce qui peut avoir un effet négatif sur la productivité.
Le tableau suivant illustre le problème de productivité dans le secteur de la fabrication, qui joue un rôle essentiel dans le commerce international. Quatre-vingt p. 100 de nos exportations en dépendent et la concurrence, sur ce marché, est féroce. Le tableau sur la productivité du secteur de la fabrication, à la page 13, montre un élargissement de l'écart de productivité, qui est passé de 17 p. 100 en 1995 à 35 p. 100 en 2002. L'amélioration de notre performance commerciale, dans l'avenir, ne dépendra pas tant de la valeur de notre dollar, que nous ne pouvons contrôler, que de la productivité. C'est ce qui contribuera à accroître les salaires réels et à améliorer notre compétitivité sur le plan des coûts et notre performance commerciale.
Il ressort de notre étude que pour améliorer la performance commerciale du Canada dans l'avenir, nous ne pourrons pas continuer de compter sur la dépréciation du dollar comme nous l'avons fait dans une certaine mesure jusqu'à maintenant. Nous devrons nous efforcer d'améliorer notre productivité. Il faudra également réduire les risques frontaliers et les obstacles aux échanges commerciaux avec les États-Unis, car près de 87 p. 100 de nos exportations de marchandises sont destinées au marché américain. Les risques frontaliers et les obstacles commerciaux auront des répercussions négatives sur notre performance commerciale. Nous devons améliorer la productivité en facilitant une plus grande efficacité des marchés, en encourageant l'entrepreneuriat dans le secteur privé, en attirant et conservant des travailleurs hautement qualifiés, en investissant dans les secteurs clés et en améliorant la performance du Canada au chapitre de l'innovation et de la productivité. Tous ces éléments ne sont pas indépendants les uns de l'autre; ils sont interdépendants. En définitive, nous devons améliorer les facteurs de productivité, pour être en mesure de relever notre niveau de vie et avoir une meilleure performance au chapitre de la productivité.
Le président: Nous allons lever la séance maintenant car une autre séance nous attend.
Nous avons de nombreuses questions et nous pourrions être ici pendant encore une heure et demie. Nos trois témoins sont-ils d'avis que l'accroissement de la demande américaine et la valeur du dollar canadien ont grandement influencé nos exportations vers les États-Unis? Vous semblez tous le croire.
M. Murray: Oui.
Le sénateur Di Nino: Je tiens à m'excuser auprès de nos invités. Ils nous ont présenté trois exposés remarquables et instructifs, mais nous ne pouvons malheureusement pas poursuivre.
J'aimerais avoir votre promesse, monsieur le président, que vous les inviterez à revenir pour que nous puissions poursuivre l'étude de la question avec eux et en apprendre un peu plus.
Le président: Cela ne fait aucun doute, sénateur Di Nino. Pendant que les membres du comité sont ici, nous essayons d'éviter d'avoir à siéger la semaine prochaine. Comme vous le savez, la Chambre des communes et le Sénat ne siégeront pas et nous tentons de reporter les séances prévues la semaine prochaine à la semaine suivante. Ce serait la meilleure solution, puisque nous avons eu peu de réponses aux invitations pour la semaine prochaine.
Pour faire suite à ce que disait le sénateur Di Nino, je m'excuse. Le Sénat siégeait. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous inviter de nouveau, afin de pouvoir vous interroger sur ces très importants mémoires que vous nous avez donnés.
La séance est levée.