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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 19 - Témoignages du 21 octobre 2003


OTTAWA, le mardi 21 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit ce jour à 18 heures pour étudier les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis et entre le Canada et le Mexique.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à M. Stephen Poloz, économiste en chef d'Exploitation et développement Canada, à M. Andrew Sharpe, directeur exécutif du Centre d'étude des niveaux de vie et à M. John Anania, économiste principal adjoint de RBC Groupe Financier.

Messieurs, vous devez savoir que le comité a déposé en juin dernier le premier volume de son étude consacrée à l'Accord de libre-échange. Il y était question de l'effet des taux de change sur le commerce canado-américain. Nous avons déjà recueilli des témoignages très intéressants à ce sujet. Nous sommes ravis que vous ayez pris le temps de vous joindre à nous ce soir.

Le sujet est non seulement intéressant, mais en outre, il arrive à point nommé, puisque le dollar américain a chuté considérablement au cours des six derniers mois.

M. Stephen Poloz, économiste en chef, Exploitation et développement Canada: Je vous remercie sincèrement de nous avoir invités aujourd'hui, monsieur le président. Il y a 10 jours, j'ai remis un mémoire au comité. Plutôt que d'en reprendre la teneur en détails, je me contenterai d'en souligner les éléments principaux, afin qu'on puisse en discuter par la suite.

La question posée est celle des effets des taux de change sur le commerce du Canada et, par voie de conséquence, sur la croissance économique au Canada. La simplicité de la question peut décevoir les économistes. En termes concrets, quels sont les effets de la récente augmentation de 15 p. 100 du dollar canadien? En théorie, c'est en effet une question simple. L'appréciation du dollar canadien comprime les exportations du Canada et favorise les importations, réduisant ainsi l'excédent de notre balance commerciale et le taux de croissance de notre PIB.

Le facteur approximatif que les économistes appliquent généralement au Canada est de trois points. Une appréciation du dollar de 15 p. 100 signifie par conséquent une réduction de cinq points de pourcentage de la croissance économique au cours de l'année suivante.

On sait que les économistes tempèrent toujours une réponse de ce genre, en disant que c'est le résultat obtenu, toutes choses restant égales par ailleurs. Que toutes choses restent égales constitue une hypothèse essentielle et naturellement, elle est toujours fausse.

La quasi-totalité des éléments qui perturbent l'économie intérieure ou l'économie mondiale peuvent avoir un effet sur le taux de change. Ils en ont aussi sur les exportations, le commerce et l'économie du Canada. Cela signifie qu'un rajustement du taux de change aura des effets différents sur l'économie en fonction de ce qui a provoqué le changement du taux de change. Quels sont les autres événements qui se produisent simultanément? Il se peut, par exemple, qu'on assiste à une hausse du dollar canadien alors que les exportations augmentent, ou au contraire, à une hausse du dollar canadien alors que les exportations chutent. Ces deux situations sont parfaitement concevables, selon les autres événements qui se produisent simultanément.

Dans le concret, de très nombreux phénomènes se manifestent simultanément, si bien qu'il est pratiquement impossible de répondre à cette question tel qu'on doit normalement la poser.

Je parle ici de facteurs qui se répercutent à la fois sur le taux de change et sur l'économie canadienne, comme les taux d'intérêt, la croissance économique, que ce soit ici ou à l'étranger, l'évolution des politiques fiscales ici et à l'étranger, les fluctuations des marchés des produits de base, qui constituent un moteur très important, et l'évolution dans la perception du risque au sein des diverses économies, y compris de la nôtre. Voilà donc une longue liste de variables.

La question est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. Elle le serait même si le monde n'avait pas changé depuis 20 ans. Or, il a beaucoup changé depuis, et son évolution a elle aussi une incidence sur la question que vous posez.

Pour mesurer l'effet du taux de change sur l'économie, les économistes se servent d'un modèle théorique qui suppose par ailleurs que les exportations canadiennes sont chiffrées en dollars canadiens. En réalité, elles sont généralement exprimées en dollars américains. Par conséquent, lorsque le dollar canadien s'apprécie, le prix des exportations en dollars américains reste fixe. C'est ce qui est prévu dans les contrats. En théorie, un prix exprimé en dollars canadiens va automatiquement suivre l'évolution du dollar canadien. Cependant, en réalité, les sociétés canadiennes acceptent un prix exprimé en dollars américains. Lorsque le dollar canadien s'apprécie, les sociétés canadiennes exportatrices vont donc recevoir un moindre montant de dollars canadiens pour l'exécution de leurs contrats.

Pour l'acheteur étranger, le prix ne change pas automatiquement. Dans le cas précédent, l'exportateur a la possibilité de modifier le prix qu'il demande à son acheteur étranger. C'est lui qui décide de la façon de réagir à l'appréciation de la devise. Si l'on suppose, comme on le fait souvent, qu'une augmentation du dollar canadien entraîne une diminution des exportations canadiennes, on suppose également que les exportateurs canadiens augmentent automatiquement leur prix en dollars américains lorsque le dollar canadien augmente, selon le mécanisme que je viens de décrire. Or, ce n'est pas ce que les sociétés que j'ai consultées ont tendance à faire. Au contraire, elles établissent leur prix en fonction du marché, elles appliquent dans la mesure du possible un prix inchangé en dollars américains dans leur transaction avec leur acheteur étranger, et c'est leur marge bénéficiaire qui se trouve comprimée par la hausse du dollar canadien. Ensuite, elles vont chercher à rétablir leur marge bénéficiaire au bout d'un certain temps. Elles pourront négocier un prix légèrement supérieur en dollars américains lors du renouvellement du contrat. Mais plus vraisemblablement, elles vont essayer de réduire leur coût pour récupérer leur marge bénéficiaire grâce à de meilleurs investissements ou par une réorganisation de leurs activités.

Voilà le premier élément qui a changé dans le monde actuel, monsieur le président. La mondialisation des ententes d'approvisionnement constitue un deuxième élément qui a une forte incidence sur la question posée. D'une part, nous vendons nos produits et nos services dans le monde entier, mais en outre, nous nous approvisionnons également dans le monde entier. Les sociétés d'envergure mondiale considèrent leurs produits non pas comme des articles uniques, mais plutôt comme des ensembles de composantes. Dans certains cas, des producteurs étrangers peuvent fabriquer de meilleures composantes à meilleur marché. On se retrouve avec un produit mondialisé dont certaines composantes sont importées.

Les sociétés canadiennes peuvent donc considérer les deux côtés de la problématique du taux de change. Lorsque le dollar canadien augmente, leur vente leur rapporte effectivement moins de dollars canadiens. Néanmoins, sur la même période, les composantes importées qu'elles intègrent à leur produit leur coûtent moins cher. Pour certaines sociétés, c'est six d'un côté et une demi-douzaine de l'autre. Pour d'autres, la balance penche toujours à gauche ou à droite. La situation varie sensiblement dans les différents secteurs de l'économie canadienne. En moyenne, la valeur du contenu canadien de nos exportations dépasse à peine 60 p. 100. Le reste est importé.

Des secteurs comme le tourisme ou les services d'ingénierie ont un plus fort contenu canadien. Par contre, les produits manufacturés, notamment en électronique, ont un contenu canadien plus faible, parfois bien inférieur à 50 p. 100. En conséquence, l'effet du taux de change varie d'une société à l'autre en fonction du contenu canadien. De surcroît, l'investissement en matériel et en outillage constitue lui aussi un intrant important dans l'entreprise. L'essentiel du matériel et de l'outillage acheté au Canada est importé. Son prix diminue lorsque le dollar canadien augmente.

Pour ces deux raisons, la réponse des économistes peut varier considérablement dans le temps. Elle a beaucoup évolué au cours des années 90, et en particulier depuis de libre-échange et le début du mouvement de mondialisation.

Dans ce contexte, comment faut-il interpréter la récente augmentation du dollar canadien et ses effets sur l'économie canadienne? Tout d'abord, toutes choses ne sont pas restées égales. La situation a évolué avec le temps. Nous sommes dans un contexte où l'économie mondiale n'a pas connu d'équilibre depuis 1996. Nous avons connu une série de crises qui ont fait monter le dollar américain et baisser le dollar canadien, selon un phénomène naturel. Actuellement, le monde semble reprendre un certain équilibre et l'on constate que le dollar américain repart à la baisse pour retrouver son niveau naturel proche de celui de 1996, tandis que le dollar canadien retrouve lui aussi son niveau de 1996. C'est là un processus naturel que des économistes et de nombreuses entreprises canadiennes avaient pressenti.

Selon cette analyse, l'augmentation du dollar canadien, observée essentiellement depuis un an, est un symptôme d'un retour à une économie mondiale plus saine. Ce regain de santé est bon pour le Canada, qui dépend du commerce et il a en définitive un effet net positif pour le Canada. C'est pourquoi les économistes ne prévoient pas de récession majeure, ni même de ralentissement de l'économie canadienne imputable à la force du dollar au cours de la prochaine année. La force du dollar canadien a aussi des effets compensateurs positifs. Nous allons connaître plus d'échanges commerciaux et de croissance économique grâce à la vigueur de l'économie mondiale et notre dollar canadien s'en trouvera renforcé.

Parmi les effets secondaires, nous allons bénéficier d'un plus fort investissement en matériel et outillage importé; ce stimulant de l'économie canadienne va améliorer notre productivité. Il a donc un aspect très positif.

En conséquence, compte tenu de tous ces éléments, je pense que l'économie canadienne va connaître une bonne croissance cette année et nous allons assister à une relance du commerce international malgré l'augmentation du dollar canadien, et grâce à elle.

Le président: Merci, monsieur Poloz. Monsieur Sharpe, nous vous écoutons.

M. Andrew Sharpe, directeur exécutif, Centre d'étude des niveaux de vie: Monsieur le président, je suis heureux que vous m'ayez invité à cette séance. Étant donné le mandat du Centre d'étude des niveaux de vie, qui consiste à observer les tendances des niveaux de vie au Canada, il m'a semblé opportun de fonder mon exposé sur une analyse des effets des fluctuations du taux de change sur le niveau de vie des Canadiens.

Par niveau de vie, j'entends le PIB par habitant. C'est une définition plus étroite que le bien-être économique et la qualité de vie, mais on peut la mesurer assez précisément.

Pour comprendre l'effet des fluctuations du taux de change sur le niveau de vie, il faut comprendre les variables qui ont une incidence sur le niveau de vie. J'en citerai trois: la première est la croissance de la productivité, c'est-à-dire les extrants par rapport aux intrants unitaires de la productivité, généralement de main-d'oeuvre. À long terme, c'est la seule façon d'assurer une élévation durable de notre niveau de vie. La deuxième, à court et à moyen terme, est la croissance de l'emploi grâce à la baisse du chômage et à une plus forte participation de la main-d'oeuvre. La troisième est l'inflation. Une plus faible augmentation de prix pour un revenu nominal donné produit un plus fort gain de revenu réel.

Considérons les effets des fluctuations du taux de change sur ces trois variables. Je vais parler tout d'abord des effets du taux de change sur la productivité. Ces effets sont de quatre ordres. Le premier, c'est l'hypothèse de l'abri du taux de change. Ses tenants prétendent qu'un taux de change inférieur améliore la compétitivité au niveau des coûts; les entreprises éprouvent moins le besoin de préserver leur compétitivité et font donc moins d'efforts pour améliorer leur productivité. C'est aussi ce qu'on appelle «l'hypothèse du fabricant paresseux.»

Le deuxième mécanisme par lequel les fluctuations du taux de change peuvent infléchir la productivité correspond à «l'hypothèse du prix des facteurs.» Elle signifie que le taux de change peut avoir une incidence sur les prix relatifs de la main-d'oeuvre et des capitaux et si ces prix changent, ils entraînent une modification du mode de remplacement du capital pour la main-d'oeuvre dans le processus de production. La productivité de la main-d'oeuvre s'en ressent. Le meilleur exemple de cette hypothèse est la situation où le taux de change se déprécie, ce qui fait augmenter le coût des biens d'équipement et amène les entreprises à remplacer les biens d'équipement par de la main-d'oeuvre, auquel cas le rapport capital-travail augmente plus lentement et la croissance de la productivité de la main-d'oeuvre s'en trouve ralentie.

Le troisième mécanisme est «l'effet d'investissement dans la productivité.» Comme on l'a dit, la modification du taux de change peut nuire à la rentabilité des entreprises canadiennes, en particulier lorsqu'elles vendent en dollars américains. Quand le taux de change se déprécie, les profits et les investissements augmentent, et l'investissement favorise les gains de productivité.

Le dernier mécanisme est «l'effet de l'investissement étranger.» Le taux de change accentue l'attrait de l'investissement au Canada et l'attrait de l'investissement à l'étranger pour les Canadiens. Par exemple, un taux de change plus bas rend les actifs canadiens plus intéressants pour les étrangers et s'ils investissent au Canada, ils peuvent acheter une entreprise, construire une nouvelle usine ou fabriquer du matériel, ce qui peut se traduire par de solides gains de productivité. Tout dépend, bien sûr, du nombre des multinationales présentes au Canada et de la mesure dans laquelle elles fondent leurs décisions sur la compétitivité relative des différents pays. Les quatre effets que je viens de mentionner varient grandement d'un secteur ou d'une région à l'autre, et je m'exprime donc en termes très généraux.

Le deuxième effet du taux de change sur le niveau de vie concerne l'emploi. Le facteur essentiel à considérer dans ce domaine, c'est le niveau d'emploi de l'économie. Malheureusement, au cours des dernières années, l'économie canadienne n'a pas fonctionné à pleine capacité. Le taux de chômage est resté bien loin du plein emploi. Actuellement, il est de l'ordre de 8 p. 100. En situation de plein emploi, l'emploi ne peut plus augmenter.

Le premier mécanisme à considérer ici est celui de la compétitivité par rapport au coût, dont il a déjà été question. Le taux de change infléchit le prix relatif des biens et des exportations, et son appréciation fait augmenter le prix des exportations et diminuer celui des importations. Les fluctuations du taux de change agissent sur la demande de main- d'oeuvre, qui se traduit par des augmentations ou des diminutions de revenu, selon que la tendance est à la hausse ou à la baisse. Dans une situation où il y a du chômage et où la devise se déprécie, l'emploi, les revenus et le niveau de vie augmentent. Si la devise s'apprécie, comme elle le fait actuellement dans un contexte où le chômage est présent, on a une évolution contraire du niveau de vie.

En ce qui concerne l'emploi, on peut également observer un effet de l'investissement étranger, l'évolution du taux de change ayant encore une fois une incidence sur l'attrait relatif des actifs canadiens. Le phénomène a une incidence sur l'emploi et le niveau de vie à l'étranger.

Le dernier effet est celui du taux de change sur l'inflation. Ici encore, une dépréciation fait monter le prix des importations, ce qui se traduit par de plus faibles augmentations du revenu réel. Une appréciation a l'effet inverse. On observe rarement une répercussion intégrale et par conséquent, il n'y a pas de relation directe entre ces variables, à cause de la fluctuation des marges bénéficiaires.

Quels ont donc été les effets des fluctuations du taux de change sur le niveau de vie des Canadiens? Il convient ici de distinguer deux périodes. La première correspond à la deuxième moitié des années 90 et aux trois premières années de la présente décennie, où l'on a observé un taux de change inférieur par rapport au dollar canadien. Pendant cette période, l'économie canadienne a été caractérisée par une solide croissance de l'emploi, par une accélération de la croissance de la productivité, par le dynamisme des investissements, une faible inflation et une augmentation rapide du niveau de vie. De multiples effets sont ici à l'oeuvre. Tous les facteurs et mécanismes dont j'ai parlé entrent en jeu. Par conséquent, il s'agit essentiellement de calculer l'importance relative de chacun d'entre eux, ce qui se révèle très compliqué.

Je vous dirais simplement ce qui est en jeu et qui me donne un résultat final quant aux effets des fluctuations et du taux de change sur le niveau de vie.

La faiblesse du taux de change à la fin des années 90 et au début des années 2000 a eu un effet positif sur le niveau de vie, grâce à l'augmentation du coût de la compétitivité de notre secteur industriel et, par voie de conséquence, à la force des intrants de l'emploi, grâce également à l'augmentation des profits des investissements et au regain d'intérêt des investissements étrangers pour le Canada. Nous avons donc là trois effets positifs de l'évolution du taux de change.

Pendant la période considérée, la faiblesse du taux de change a eu un effet négatif sur le niveau de vie à cause de l'effet du prix des facteurs, à savoir le prix plus élevé des biens d'équipement. Il a fortement ralenti la croissance du rapport capital-travail, ce qui a nui à la croissance de la productivité de la main-d'oeuvre. La plus forte inflation résultant de la dépréciation du taux de change a cependant eu sur les prix un effet qui compense à peu près les autres facteurs, et l'inflation globale a été très faible. On peut bien sûr prétendre que l'hypothèse de l'abri a eu peu d'effet, mais je n'insisterai pas outre mesure sur cette hypothèse du fabricant paresseux. Peut-être en existe-t-il quand même quelques exemples?

La dépréciation du taux de change au cours des dernières années a eu un effet positif sensible sur le revenu réel des Canadiens, à cause de la sous-utilisation considérable de la main-d'oeuvre dans l'économie canadienne. Elle a remis du monde au travail, et c'est donc très positif.

En 2003, on a enregistré une appréciation de 20 p. 100 du taux de change depuis janvier, ce qui a nui au niveau de vie des Canadiens à cause de la plus faible compétitivité au niveau des coûts et par conséquent, de la diminution des exportations, à cause des taux de rendement et de l'investissement plus faible et à cause d'une diminution de l'investissement étranger au Canada.

En revanche, le taux de change a actuellement un effet positif sur notre productivité et notre niveau de vie, grâce aux biens d'équipement qui sont disponibles à meilleur marché, à une inflation plus basse pour toute augmentation du revenu nominal et grâce à la réduction de l'effet d'abri derrière le taux de change.

Je considère que l'effet net du taux de change sur le niveau de vie est actuellement négatif, à cause du taux de chômage à 8 p. 100. Ce facteur est plus important que les autres.

J'en viens maintenant à la question de l'importance des effets du taux de change sur le niveau de vie. Il existe à cet égard d'autres facteurs plus importants que les effets du taux de change dont j'ai parlé. J'en citerai trois.

Tout d'abord, le niveau général de la demande globale est un élément clé de l'économie. Il dépend des dépenses gouvernementales, de la consommation et de l'investissement, et il subit les effets des taux d'intérêt et de la confiance des consommateurs. Voilà ce qui détermine l'économie. Deuxièmement, il y a l'état de la demande étrangère, en particulier la croissance du revenu aux États-Unis. Troisièmement, il y a la tendance fondamentale de la croissance de la productivité, qui dépend de l'investissement et des changements technologiques.

Voilà les trois principaux facteurs qui déterminent notre niveau de vie. Le taux de change a un effet à ce niveau, mais il n'est pas aussi marqué que celui de ces trois facteurs.

En conclusion, étant donné le fort taux de chômage observé actuellement au Canada, l'appréciation du dollar canadien n'est pas un phénomène favorable pour l'économie canadienne et pour notre niveau de vie, mais il n'est pas pour autant désastreux. D'autres éléments peuvent largement compenser les effets négatifs de l'appréciation du taux de change du dollar canadien. La Banque du Canada devrait veiller à réduire au minimum l'écart entre les taux d'intérêt canadiens et américains, pour exercer une pression à la baisse sur le dollar. Néanmoins, si le taux de change s'apprécie à cause de phénomènes étrangers comme la détérioration des finances publiques aux États-Unis ou grâce à la réduction du rapport dette-PIB au Canada, il n'y a pas lieu de s'en préoccuper outre mesure, on devrait au contraire s'en réjouir.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Anania, êtes-vous prêt?

M. John Anania, économiste principal adjoint, RBC Groupe Financier: Mes collègues ont déjà donné bien des détails sur le sujet à l'étude. J'aimerais mettre l'accent sur un élément qu'ils ont abordé brièvement, à savoir les rapports entre le dollar canadien, le commerce et la productivité dans ce pays.

Je participe à de nombreuses rencontres à Toronto et à Montréal, et je constate que les clients et les employés de la Banque royale se préoccupent actuellement de la montée du dollar canadien. Leur inquiétude est légitime, car la valeur du dollar canadien est sans doute le facteur le plus déterminant de l'économie canadienne. Nous avons une petite économie ouverte et un dollar canadien plus fort a des conséquences sur la répartition des ressources au Canada. Pour l'essentiel, on prive les industries qui dépendent de leurs ventes à l'étranger de certaines ressources pour en faire profiter les industries qui vendent davantage sur le marché intérieur. Par conséquent, les perspectives d'emploi seront meilleures chez ces dernières. On pourrait observer de ce fait une augmentation du chômage frictionnel au Canada, mais ce ne serait que temporaire.

Évidemment, il n'y a pas que des mauvaises nouvelles. L'histoire du dollar canadien aura ses côtés positifs, en particulier si le dollar se maintient aux niveaux actuels, ou même s'il s'apprécie encore en 2004 et en 2005.

Je parle ici de l'effet causal du dollar canadien sur la productivité. Les autres ont signalé le fait que notre pays importe de 70 à 80 p. 100 du matériel, de l'outillage et des logiciels dans lesquels nos entreprises investissent. Il s'agit pour l'essentiel d'achats faits aux États-Unis, et c'est là un facteur important. Lorsque le dollar canadien se déprécie par rapport au dollar américain, le coût du capital augmente au Canada par rapport au coût de la main-d'oeuvre. On a toujours constaté que les sociétés canadiennes ont tendance à dépendre un peu plus de la main-d'oeuvre que des capitaux. Cette tendance a des conséquences fondamentales sur la productivité de la main-d'oeuvre. Plus le capital social augmente, plus la main-d'oeuvre est productive.

Le contraire vaut lorsque le dollar canadien prend de la valeur. Évidemment, le coût des capitaux diminue par rapport à la main-d'oeuvre. Les entreprises peuvent investir davantage, le capital-actions augmente et, de ce fait, la productivité est plus forte.

Avant d'aller plus loin, je voudrais dire que nous avons fait une étude — j'espère que les honorables sénateurs en ont obtenu copie — sur les avantages cachés du dollar canadien. Je parlerai dans un instant de certains des tableaux de cette étude.

Je dois également faire référence aux relations empiriques, que de nombreux économistes ont étudiées. On cherche ici le lien de cause à effet entre le dollar canadien et l'investissement au Canada. Force est de dire que jusqu'à maintenant, les preuves empiriques ont toujours fait défaut. Personne n'a encore trouvé de preuves convaincantes d'un éventuel effet des fluctuations du dollar canadien sur l'investissement au Canada.

Il se pourrait fort bien, par ailleurs, que la flèche soit orientée dans une autre direction, indiquant que la productivité augmente pour d'autres raisons. Dans ce cas, elle attire les capitaux au Canada et stimule le dollar canadien.

C'est une situation complexe, mais j'estime qu'on peut dire, d'après les preuves empiriques, qu'une augmentation du dollar canadien favorise la productivité dans notre pays.

J'aimerais maintenant commenter deux des graphiques de l'étude que j'ai distribuée sur les avantages cachés du dollar canadien.

Reportons-nous à la page 2, dont les deux graphiques expliquent en grande partie les preuves empiriques dont je viens de parler.

Le premier graphique présente le coût du capital par rapport à la main-d'oeuvre au Canada et aux États-Unis. Il est exprimé en dollars canadiens. Le dollar canadien figure sur l'échelle présentée à droite. C'est une échelle inversée, et une élévation de la courbe représente une dépréciation du dollar canadien. L'échelle de gauche est l'indice du coût du capital par rapport à la main-d'oeuvre au Canada et aux États-Unis. Ce graphique indique que par rapport aux États- Unis, le ratio entre le coût du capital et la main-d'oeuvre dépend de la valeur du dollar canadien. C'est ce qu'on voit ici.

Mais surtout, si vous considérez la période de 1981 à 2002, vous voyez que la dépréciation du dollar canadien a fait augmenter le ratio du coût du capital et du coût de la main-d'oeuvre au Canada par rapport à l'évolution observée aux États-Unis. C'est là un élément important. J'espère avoir expliqué clairement ce graphique. Je pourrai peut-être y revenir à l'occasion des questions. C'est très important, en particulier dans le contexte du graphique suivant, le numéro quatre.

J'ai été très surpris en découvrant ce graphique et en prenant connaissance des détails sur lesquels il repose. Tout d'abord, le ratio du capital-actions et du PIB est représenté pour le Canada et les États-Unis. La ligne en pointillé correspond aux États-Unis, et la ligne continue au Canada. Au cours des années 70, ce ratio a augmenté davantage au Canada qu'aux États-Unis. On constate ainsi que les entreprises américaines utilisent davantage d'outillages, d'équipements et de logiciels pour produire que les entreprises canadiennes. Cela s'explique en partie par le fait que le dollar canadien s'est déprécié sur la période considérée. Mais ce n'est pas la seule explication.

On se heurte à des problèmes lorsqu'on veut comparer le capital-actions du Canada et des États-Unis, car les intrants à mesurer sont parfois différents d'un pays à l'autre. D'après Statistique Canada, ces différences expliqueraient une partie de l'écart, mais pas sa totalité. L'important, c'est que les Américains utilisent davantage de capitaux pour produire que les Canadiens. C'est sans doute pour cela que la productivité de leur main-d'oeuvre a une tendance à dépasser celle des Canadiens.

En considérant ce graphique, je mes suis posé une question. Au graphique numéro trois, sur la période de 1986 à 1991, on remarque une appréciation du dollar canadien, qui est passé de presque 0,71 $ à 0,89 $ en quatre ou cinq ans. Dans ce contexte, on s'attendrait donc à ce que les entreprises canadiennes aient augmenté leur investissement par rapport à leur coût de main-d'oeuvre et que le capital-actions ait augmenté au Canada, stimulant éventuellement la productivité. Or, ce n'est pas ce qui s'est passé, parce que cette relation de cause à effet ne fonctionne pas en vase clos. De nombreux autres facteurs interviennent dans les décisions d'investissement des entreprises.

Entre 1986 et 1991, les entreprises ont connu une grande incertitude. L'inflation posait encore un problème. La Banque du Canada n'avait pas encore adopté de mesures anti-inflationnistes, les finances gouvernementales n'étaient pas aussi saines qu'aujourd'hui et avaient sans doute tendance à pousser les taux d'intérêt et le coût du capital à la hausse.

Les taux d'intérêt réels tournaient à l'époque autour de 5,3 p. 100. Aujourd'hui, ils atteignent à peine 1 p. 100 et ne devraient augmenter modestement que jusqu'à 2 ou 3 p. 100 d'ici un an et demi à deux ans.

Il y a aussi d'autres facteurs à considérer. L'Accord de libre-échange a été négocié et signé. Il comportait, lui aussi, sa part d'incertitude.

Enfin, compte tenu de cette combinaison de facteurs, on comprend que les entreprises n'aient pas tiré parti du fait que le coût du capital par rapport à celui de la main-d'oeuvre avait baissé grâce à l'appréciation du dollar canadien.

Cette fois-ci, l'augmentation du dollar canadien s'accompagne également d'avantages fondamentaux au Canada. On est fondé de penser que si le coût du capital par rapport à la main-d'oeuvre baisse au Canada et que l'appréciation du dollar canadien se maintient — nous pensons qu'il va encore s'apprécier légèrement — le recours au capital devrait s'améliorer par rapport au recours à la main-d'oeuvre. Le capital-actions au Canada devrait augmenter par rapport au PIB et il se pourrait que la productivité de la main-d'oeuvre commence enfin à rattraper son retard par rapport à la situation qui prévaut aux États-Unis. Tous les Canadiens en profiteront.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Carney: Je tiens à remercier les témoins de cette mise à jour de nos connaissances économiques. C'est un sujet d'actualité.

Je ne sais pas qui souhaitera répondre à cette question, mais j'aimerais vous interroger sur les effets des déficits budgétaires américains sur les taux de change, en particulier sur le taux de change canado-américain.

On a vu, dans le cas de la guerre du Vietnam, que l'augmentation des déficits budgétaires aux États-Unis a occasionné un mouvement d'inflation qui a eu ses répercussions ici au Canada. On assiste actuellement à d'énormes déficits budgétaires aux États-Unis. Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela?

Monsieur Anania, votre analyse est excellente au plan intellectuel, mais si l'on considère que le dollar canadien va continuer d'augmenter et que cette augmentation aura des conséquences vis-à-vis du dollar américain, nous allons rencontrer des problèmes. Pouvez-vous nous dire lesquels?

M. Poloz: La situation que vient de décrire le sénateur Carney et qui prévalait à la fin des années 60 et au début des années 70 illustre le cas où un déficit budgétaire engendre de l'inflation, ce qui a affaibli le dollar américain et renforcé le dollar canadien lorsque nous nous sommes libérés du taux de change fixe.

La situation actuelle est différente à bien des égards. Je vous demanderais surtout de considérer le contexte dans lequel le déficit américain est apparu. On peut difficilement considérer que le monde connaît une situation normale depuis quatre ans. Des problèmes sont apparus dans plusieurs régions du monde.

Le président: Vous l'avez déjà dit. Que considérez-vous comme normal?

M. Poloz: Un monde normal est un monde dans lequel toutes les économies connaissent une croissance simultanée et synchronisée. Les marchés en développement connaissent une plus grande croissance que les marchés développés. Les taux d'intérêt sont stables et l'inflation ne pose pas de problème. Les taux de change sont stables. La dernière fois où l'on a connu une situation normale de ce genre remonte à 1996. Ensuite, il y a eu des crises en Asie, en Russie et au Brésil, il y a eu le 11 septembre, etc.

Au cours de cette évolution, on a procédé à des rajustements importants, notamment depuis deux ans, avec le ralentissement de l'économie américaine. Au cours d'une période de ce genre, le déficit augmente dans n'importe quel pays. Ajoutez à cela l'effort de guerre contre le terrorisme et vous obtenez un élément structurel qui aggrave le déficit. Cette situation n'agit sur la détermination du taux de change que si elle passe à l'étape suivante, celle que vous avez décrite, où la guerre du Vietnam a provoqué un problème d'inflation.

Rien n'indique que le même problème se pose actuellement. Il pourrait se poser si à l'échelle mondiale, les investisseurs décidaient soudain de ne plus acheter la dette américaine. On constate que les appétits s'émoussent, et c'est sans doute ce qui explique en partie le déclin du dollar américain. Cependant, ce n'est pas une raison pour s'attendre à une chute dramatique du dollar américain. On peut y voir une influence, mais à mon avis, c'est plutôt le glaçage que le corps même du gâteau.

L'essentiel, c'est que le dollar américain s'est apprécié à cause des déséquilibres mondiaux et que maintenant, il redescend alors que ces déséquilibres disparaissent. Ce retour à une situation planétaire saine a pour symptôme le repositionnement du taux de change à la «normale.»

M. Anania: Est-ce que l'augmentation du déficit fédéral aux États-Unis aura un impact sur l'évolution du taux de change entre le Canada et les États-Unis? C'est ce que nous pensons.

Je vais essayer de simplifier la question. Actuellement, aux États-Unis, les consommateurs, les entreprises et les gouvernements dépensent plus qu'ils ne gagnent. C'est le problème des Américains. Si vous considérez que ce qu'ils gagnent équivaut à ce qu'ils produisent, vous constaterez alors qu'ils consomment plus qu'ils ne produisent. Évidemment, c'est ce qui explique le déficit de leur compte courant; les importations augmentent plus que les exportations. Pour financer l'écart, les Américains doivent emprunter sur les marchés internationaux des capitaux. Le gouvernement américain apporte l'une des explications du phénomène.

On constate actuellement que les investisseurs étrangers ne sont plus prêts à subventionner ou à financer ce déficit. Les marchés boursiers, par exemple, sont actuellement en hausse aux États-Unis, mais ils le sont également — et peut- être même encore plus — à l'étranger. Les taux d'intérêt — et c'est là un facteur essentiel — sont inférieurs aux États- Unis que dans les autres pays, comme le Canada ou la zone euro, peut-être à l'exception du Japon.

Vous voyez le problème. Les Américains doivent emprunter; les gouvernements empruntent; les investisseurs étrangers ne sont plus désireux de financer aveuglément le déficit du compte courant américain. Il faut que quelque chose cède, et c'est le dollar américain. Il doit perdre de la valeur pour attirer les capitaux aux États-Unis. À notre avis, il faudra un certain temps avant que le problème ne soit résolu. Néanmoins, au cours des années à venir, la dépréciation du dollar américain va favoriser les exportations américaines et va atténuer la volonté américaine d'importer, la demande de capitaux devrait chuter aux États-Unis et on va constater qu'à la fin du processus, le dollar américain se négociera pour une valeur inférieure.

En résumé, ce phénomène devrait avoir des conséquences à l'avenir.

Le sénateur Carney: Ma deuxième question concerne vos propos sur l'augmentation de la productivité de la main- d'oeuvre et sur le rapport entre l'investissement et la main-d'oeuvre, ainsi que sur l'augmentation de la productivité de la main-d'oeuvre. Normalement, ce sont là des noms de code pour parler des déplacements de la main-d'oeuvre causés par les pertes d'emplois imputables à l'augmentation des dépenses en capitaux.

Étant donné que nous sommes en pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et que l'évolution démographique va peut-être y remédier, à quel moment — M. Anania en a parlé, mais M. Sharpe pourrait en parler également — commence-t-on à voir apparaître les effets sur les chiffres du chômage de ce compromis entre l'augmentation de la productivité de la main-d'oeuvre et l'investissement?

M. Sharpe: À long terme, je ne pense pas qu'il y ait de compromis entre l'augmentation de la productivité et la croissance de l'emploi. À court terme et au moyen terme, il peut y en avoir un, mais il dépendra en grande partie de l'état de la demande globale. Cela signifie que la main-d'oeuvre va pouvoir s'amenuiser dans certains secteurs pour des raisons précises, mais si la demande est suffisamment forte, la plupart des travailleurs concernés pourront retrouver de l'emploi dans d'autres secteurs en croissance. Pour ceux qui n'en trouveront pas, il faudra prévoir des programmes de rajustement pour les garder en activité ou pour leur accorder un soutien du revenu s'ils sortent de la main-d'oeuvre active.

De façon générale, sous réserve que les bonnes politiques soient en place, il n'y a pas à s'inquiéter de ce compromis entre la croissance de la productivité et le chômage. Nous devrions être en mesure de faire face au problème.

Dans la deuxième moitié des années 90, on a observé une baisse du prix relatif de la main-d'oeuvre par rapport au capital au Canada. C'était ici aussi lié au renchérissement des biens d'équipement attribuables à la dépréciation du dollar. C'était également lié à l'approfondissement de notre écart de production. Le chômage était plus élevé au Canada, ce qui a fait baisser le prix de la main-d'oeuvre. Le taux de progression des salaires au Canada a été plus lent dans la deuxième moitié des années 90 qu'aux États-Unis.

On a assisté à un puissant regain de l'emploi au Canada, par rapport aux États-Unis, surtout dans le secteur manufacturier. La tendance s'est poursuivie ces dernières années. Les États-Unis ont perdu un grand nombre d'emplois dans le secteur manufacturier; pas nous. Cela a eu un effet général positif sur l'économie canadienne. Cela a relevé le niveau de vie mais a ralenti la croissance de la productivité du secteur manufacturier par rapport aux États-Unis. Aujourd'hui encore, la croissance de la productivité de la main-d'oeuvre est de 2 p. 100 au Canada et de 4 p. 100 environ aux États-Unis. N'eut été de la dépréciation du dollar, le chiffre aurait sans doute été beaucoup plus proche de ce qu'il est là-bas.

Le sénateur Carney: Je tiens à signaler qu'il y a des conséquences régionales très nettes dans le secteur primaire et ailleurs. Un de mes collègues voudra peut-être poser des questions sur le sujet parce que ce tableau est un peu trop optimiste vue de la côte Ouest.

Le sénateur Grafstein: Je m'intéresse au fait qu'une des questions dont discutent depuis un petit moment les pouvoirs publics est celle de la compétitivité et de la productivité. Il me semble que, à tout prendre, un dollar canadien plus fort conduira dans la plupart des secteurs à une productivité et une compétitivité accrues. J'ai raison?

M. Sharpe: Oui, je crois que c'est le cas. Sauf que cela peut nuire à l'emploi; mais si nous connaissons le plein emploi, alors oui l'appréciation du dollar mènera à l'amélioration de la productivité et au relèvement du niveau de vie.

Le sénateur Grafstein: Nous dépendons beaucoup des exportations. Notre compétitivité sur le marché international repose sur notre capacité d'exporter de plus en plus. Nous avons un gros excédent avec les États-Unis. Nous avons aussi un déficit; par exemple, avec un autre grand bloc commercial comme la Chine. Pourriez-vous nous parler des effets de l'appréciation du dollar dans la zone euro pour ce qui est des exportations et sur le marché asiatique, notamment chinois? Nous avons un déficit sur le marché chinois et j'aimerais savoir si un dollar plus fort améliore notre capacité d'exporter ou de commercer sur ces deux marchés.

Le président: Permettez-moi de vous rappeler, sénateur Grafstein, que l'objet de nos réunions est le commerce canado-américain. Il n'est pas question du commerce avec l'Asie. Nous commerçons avec tout le monde, mais l'objet de nos réunions est d'examiner les arrangements commerciaux entre le Canada et les États-Unis.

Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, j'en suis conscient, mais je ne veux obtenir qu'une courte réponse avant de poser ma dernière question.

Le président: Je vous invite à vous en souvenir.

M. Poloz: C'est une bonne question en ce sens que beaucoup de nos liens commerciaux sont de nature multidimensionnelle et font intervenir l'Europe et l'Asie, tout comme les États-Unis. Votre question est extrêmement complexe.

En général, toutefois, les taux de change sont moins importants pour l'Europe dans son ensemble que pour nous. Sa pénétration commerciale — le total des échanges par rapport à la taille de son économie — est, comme celle des États- Unis, d'environ 20 ou 25 p. 100 tandis que celle du Canada avoisine les 90 p. 100. Cela importe beaucoup moins. Pour cette raison, les grandes fluctuations du taux de change ont moins d'effet sur les Européens. Elles influent toutefois considérablement sur certaines entreprises de ces pays.

Chose plus importante, et je reviens à ce que je disais au début, dans les six à neuf derniers mois, les taux de change retrouvent une fourchette plus normale. C'est un signe que les choses s'améliorent.

J'aimerais ajouter une dernière chose en ce qui concerne la comparaison Canada-États-Unis. Pendant cette période de dollar américain fort, depuis 1998, l'économie américaine a perdu 3 millions d'emplois dans le secteur manufacturier. C'est cela, en un mot, le gain de productivité. Parallèlement, dans la même période, elle a aussi créé 7 millions d'emplois dans le secteur tertiaire. Des revenus supérieurs et une baisse des prix des produits manufacturés confèrent en outre un plus grand pouvoir d'achat à la population. J'imagine que l'on observerait le même phénomène au Canada au cours des deux ou trois prochaines années.

Le sénateur Grafstein: Dites-nous donc rapidement quel serait l'effet global des placements à l'étranger par les Canadiens à l'aide d'un dollar plus fort: bon, mauvais ou nul?

M. Poloz: L'investissement direct canadien à l'étranger est un élément essentiel de nos rapports commerciaux. La création d'une chaîne d'approvisionnement mondiale, dont j'ai parlé tout à l'heure, exige des investissements lourds. Or, lorsque le dollar canadien est plus fort, cela coûte moins cher et accélère les échanges d'éléments dans la chaîne. Aujourd'hui, nous commerçons avant de fabriquer le produit puis vendons le produit fini. Les investissements nécessaires à ce processus coûteront moins si le dollar canadien vaut plus. Je pense donc que cela va favoriser le commerce.

Le sénateur Di Nino: Je suis resté perplexe quand M. Poloz a dit que la période de 1996 était «normale.» Je ne suis pas certain que tout le monde soit du même avis mais il a donné sa définition et je l'accepte. Je pense qu'il y a des périodes plus longues où s'affrontent divers facteurs qu'il n'y en a où règne l'harmonie.

Certains ont clairement laissé entendre que les États-Unis ont délibérément favorisé l'affaiblissement du dollar. Estimez-vous que c'est le cas?

M. Poloz: Il ne fait pas de doute que les déclarations de ce genre par les autorités ont un effet catalyseur sur le marché. Par contre, il y a longtemps que les économistes disent que le dollar américain est largement surévalué. Il y a longtemps que nous réclamons la hausse du dollar canadien. On ne sait jamais ce qui amorce le mouvement. On dirait que plus rien ne correspond aux manuels. Toutefois, les taux de change se mettent soudainement à fluctuer dans toutes les directions au lieu de suivre les courbes régulières qui figurent dans nos modèles. Quand le besoin d'un rajustement se fait sentir, il arrive que les marchés se bloquent à un point donné, puis quelqu'un dit quelque chose et ça redémarre. Je crois que le changement de point de vue a joué dans l'amorce de ce mouvement. Néanmoins, ce rajustement était foncièrement souhaitable.

M. Sharpe: J'aimerais parler d'un concept que je n'ai pas eu le temps d'aborder dans mon exposé, à savoir la parité des pouvoirs d'achat. Il s'agit du prix d'un panier de biens dans une devise donnée au Canada et aux États-Unis. Les économistes estiment que, à longue échéance, les taux de change finissent par graviter vers ce niveau. D'après Statistique Canada et l'OCDE, la valeur du dollar canadien en parité des pouvoirs d'achat est d'environ 0,84 $ ou 0,85 $ américain et les économistes estiment qu'avec le temps il gravitera vers ce niveau alors qu'il était à 0,62 $. Rien n'est acquis, mais il extrêmement probable que le dollar abandonnera son niveau de 0,62 $ et s'élèvera beaucoup plus haut. Nous n'atteindrons peut-être pas la parité des pouvoirs d'achat mais il est possible que cela se réalise. De ce point de vue, on ne peut pas affirmer que les États-Unis ont agi délibérément. C'est en grande partie le résultat des forces du marché.

M. Anania: Au sujet de la question qui vient d'être posée, je suis d'accord avec M. Poloz. Le dollar américain suit les forces du marché. Il a été conservé à un niveau artificiellement élevé par l'intervention sur les marchés d'institutions comme la Banque du Japon, qui cherchait à ralentir la chute du yen. Ce sont surtout les forces du marché qui jouent actuellement.

Le sénateur Di Nino: Vu que 87 p. 100 de notre commerce se fait avec les États-Unis et vu l'appréciation du dollar canadien, le gouvernement canadien a-t-il réagi comme il le fallait ou devrait-il procéder autrement? Dans l'affirmative, que devrait-il faire?

M. Sharpe: Dans l'ensemble, la réaction a été très bonne. Je ne pense pas que la Banque du Canada en particulier devrait viser un taux de change donné. Elle vise essentiellement un taux d'inflation. Elle a un certain pouvoir sur les taux de change, sur les différences de taux d'intérêt, un peu, et pourrait les réduire légèrement. Même si elle éliminait les différentiels de taux d'intérêt jusqu'à atteindre la parité avec les États-Unis, on n'assisterait pas à une dépréciation importante du dollar. Globalement, nous ne devrions pas réagir à ces changements. Il ne faudrait surtout pas adopter un taux de change fixe. Cela ferait disparaître la liberté de mouvement que nous avons actuellement. Dans l'ensemble, je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une grande défaillance du gouvernement.

M. Anania: Je pense que la décision prise par la Banque du Canada récemment a été dure à prendre, mais elle a sans doute bien fait.

Plusieurs facteurs donnent à penser que l'économie canadienne s'améliorera en 2004 et vers la fin de cette année. Certes, l'appréciation du dollar canadien pourra avoir des effets négatifs à court terme et perturber le marché du travail, mais si vous regardez ce qui se passe actuellement aux États-Unis, l'économie là-bas se relève de façon spectaculaire. Elle a progressé de 6 ou 7 p. 100 au troisième trimestre, qui s'est terminé en septembre. Chose plus importante encore, il semble que la tendance se maintiendra et que le quatrième trimestre aux États-Unis sera bon également et qu'une croissance supérieure à la tendance se prolongera jusqu'en 2004. Cela compensera peut-être l'appréciation du dollar canadien pour ce qui est de nos exportations.

Pour ce qui est des élasticités dont M. Poloz a parlé tout à l'heure, l'augmentation du dollar canadien a été formidable. Normalement, toutefois, les exportations sont plus sensibles aux facteurs de la demande aux États-Unis qu'au dollar canadien.

Le président: Je regarde les exportations canadiennes. J'en ai une liste ici. Il n'y a pas de mystère. L'agriculture représente environ 7,5 p. 100 de nos exportations. Je ne sais pas dans quelle mesure l'agriculture est sensible aux prix. J'imagine que les Américains ont besoin d'énergie et j'imagine donc que ces exportations se poursuivront à leurs cours mondiaux. Les matériaux bruts et industriels, qui interviennent pour 26 p. 100 de nos exportations, dépendent de la demande. Tous ceux que nous avons entendus sur le sujet nous ont dit que la demande était forte dans les années 90, ce qui a bien évidemment fait monter nos exportations. Les produits automobiles représentent 24 p. 100 de nos produits. C'est en raison du Pacte de l'automobile et non de l'Accord de libre-échange. Cela a commencé en 1968. L'intégration est extrêmement poussée. La catégorie «autre» est intéressante: elle représente 7,75 p. 100. Par exemple, nous avons découvert que le quatrième fabricant de meubles en Amérique du Nord est à Winnipeg et qu'il était déjà imposant avant l'Accord de libre-échange.

Quand je regarde la liste, il me semble que la catégorie la plus sensible aux taux de change — c'est mon avis à moi mais je voudrais connaître le vôtre — est le deuxième, celui qui représente 24 p. 100 de nos exportations et qui dépend du Pacte de l'automobile. Comme vous l'avez dit, je suis certain que c'est calculé en dollars parce que les mêmes compagnies de part et d'autre de la frontière s'envoient mutuellement des pièces et c'est sans doute un facteur, et aussi sur la catégorie de 7,75 p. 100, qui englobe cette entreprise de meubles de Winnipeg.

Il y a beaucoup de demandes pour ces produits d'exportation: l'agriculture, l'énergie et les matériaux bruts. Sont- elles très sensibles aux prix? Autrement dit, quel pourcentage de nos exportations sont effectivement sensibles aux prix, autrement dit au taux de change? Elles ne peuvent pas l'être toutes. J'aurais cru, par exemple, que nos exportations de pétrole et de gaz étaient particulièrement sensibles au taux de change.

M. Poloz: Vous avez raison. En général, le secteur des ressources naturelles connaît des prix établis sur le marché mondial en dollars américain, qu'il s'agisse de blé, de bois d'oeuvre, de nickel, etc. Le fournisseur canadien ne peut faire autrement que d'accepter ces prix en dollars US. Cela signifie que lorsque le dollar canadien augmente en valeur, on va toucher moins de dollars canadiens pour le même contrat. Vous lirez dans les journaux que la marge bénéficiaire s'en ressent. Vous avez pu lire dans les journaux la semaine dernière encore que les profits d'Inco ont été inférieurs à ce qu'ils auraient été normalement, à cause de l'envolée du dollar canadien. L'article ne mentionnait cependant pas que le cours mondial du nickel a augmenté de 70 p. 100 au cours des douze derniers mois. Cela signifie 70 p. 100 de dollars US en plus; avec 20 p. 100 de dollars canadiens en moins en échange des dollars US, cela laisse tout de même 50 p. 100 de revenus en plus. Ce n'est pas une mauvaise équation.

Certains secteurs des ressources sont en arrière de cette courbe et d'autres en avance. Tout dépend du produit. Vous avez tout à fait raison de dire que les ressources ne sont pas sensibles au cours du dollar canadien, mais le profit des compagnies lui, le sera, toutes autres choses étant égales. Les ressources représentent quelque 40 p. 100 de nos exportations. Le reste se compose pour moitié de voitures, ou du secteur automobile, et pour moitié de machines, équipement et «autres produits.» Les produits de fabrication, bien entendu, sont les plus sensibles. Au fait, sachez que je parlerai des services plus tard. Toutefois, le secteur automobile est celui qui possède le moins de contenu canadien, de toutes nos exportations. Une voiture fabriquée dans ma ville d'origine, Oshawa, n'a que 35 p. 100 de contenu canadien. Le reste provient des États-Unis, du Mexique, d'Asie et d'Europe — d'un peu partout dans le monde. Par conséquent, sa sensibilité au taux de change est relativement faible. Le secteur des pièces est plus sensible car le contenu canadien y atteint 60 ou 65 p. 100. Même ainsi, il y a un important contenu importé, comme je l'ai mentionné plus tôt.

Pour ce qui est des machines et équipement, tout dépend du produit. La sensibilité couvre tout un éventail. Chacun vous donnera une réponse différente, selon le secteur, mais tout le monde vous dira que, toutes autres choses étant égales, ils préfèrent un dollar canadien faible car ils vont obtenir plus de dollars canadiens pour une livraison. Il ne faut donc pas perdre de vue l'influence de la notion «toutes autres choses étant égales.»

Les exportations les plus sensibles sont celles à très fort contenu canadien, en particulier les services. Le tourisme a un contenu canadien de presque 100 p. 100. Les services d'ingénierie ou autres services aux entreprises produits par nos firmes représentent quelque 14 p. 100 de la totalité de nos exportations aujourd'hui. Nous-mêmes nous y intéressons très peu.

Le président: Il n'est même pas sur notre liste.

M. Poloz: Exact. Il connaît une expansion beaucoup plus rapide que la croissance moyenne des biens; il représente 80 p. 100 de notre économie. Il est le moteur futur de la croissance de nos échanges. Par conséquent, je vous exhorte à ne pas oublier cette réalité et à ne pas perdre de vue que les services sont les plus sensibles. Un analyste canadien qui vend son rapport, qui a 100 p. 100 de contenu canadien, de l'autre côté de la frontière, trinque lorsque notre monnaie augmente.

Le président: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il intervenir?

M. Anania: J'aimerais focaliser sur ce que je disais au sujet de la productivité; j'ai également deux graphiques à la fin de l'étude, «Les avantages cachés du dollar canadien.» Ils montrent l'investissement en machines et biens d'équipement des industries en pourcentage de la valeur de leur production. On dirait qu'il n'y a pas que le secteur de la fabrication qui utilise beaucoup de biens d'équipement pour leur production. D'autres industries risquent également d'en bénéficier, dont certaines se situent dans le secteur des services.

Si vous regardez le deuxième graphique, qui est peut-être le plus surprenant, vous voyez que l'éducation et les services connexes ont aussi un gros volet équipement. C'est dû à tous les ordinateurs et choses de cette nature que l'on introduit de nos jours dans les salles de classe. Les industries de services telles que les services financiers, l'assurance, l'immobilier ont un taux d'investissement très élevé. Elles aussi vont bénéficier de la hausse du dollar canadien.

Le sénateur Massicotte: Monsieur Poloz, M. Sharpe a indiqué que si nous n'avons pas réalisé le plein emploi, il est dans l'intérêt du Canada d'avoir un dollar faible pour stimuler l'emploi, etc. Par conséquent, il a mentionné qu'il était très intéressé par la politique relative aux taux d'intérêt. M. Sharpe a indiqué que la Banque du Canada, comme vous le savez, s'intéresse exclusivement au taux d'inflation et fait savoir carrément que le niveau du dollar canadien lui importe peu. Bien entendu, le niveau du dollar influe indirectement sur l'inflation.

À votre avis, est-ce que la Banque du Canada doit continuer à cibler l'inflation ou bien doit-elle devenir plus sensible aux fluctuations du dollar avec ses répercussions sur l'économie canadienne?

M. Poloz: La Banque du Canada jauge la situation juste comme il faut. Le vrai problème ici est que la chronologie paraît bizarre. Les choses n'arrivent jamais toutes en même temps.

Si nous pouvions voir l'avenir l'an prochain — je reviendrai à ma définition de normal — je m'attends à ce que 2004 soit la première année «normale» pour l'économie mondiale depuis 1996. Le Canada connaîtra une bonne année: le chômage ne sera pas fort, l'emploi sera probablement stable et l'inflation sera faible, etc. C'est ce que nous voulons.

Quel taux de change correspond à cela? Les taux de change bougent toujours avec une longueur d'avance et c'est ce qu'ils font depuis quelques mois. L'an prochain, nous regarderons en arrière et verrons que les taux de change sont aujourd'hui juste à peu près là où ils doivent être, merci beaucoup. C'est le fait qu'ils bougent précocement dans le processus qui fait penser qu'il est trop tôt pour l'hypothèse que M. Sharpe a énoncée. Autrement dit, nous avons un chômage élevé et ce serait bien qu'il diminue plus vite, et une monnaie faible favorise ce surplus de croissance. Autrement dit, si nous escomptons 3 p. 100 ou 3,5 p. 100 de croissance au Canada, si par quelque tour de magie le dollar avait pu rester à 0,65 $ — je pense qu'on aurait pu le maintenir là — alors nous aurions, 8 p. 100 de croissance l'an prochain.

Le sénateur Massicotte: Je ne m'inquiète pas de la conjoncture actuelle. Je songeais plutôt à la politique future. La politique de la Banque du Canada néglige totalement le niveau du dollar. Elle s'intéresse uniquement à l'inflation. Est- ce là une bonne chose?

M. Poloz: C'est exactement ce qu'il faut, car c'est la seule chose faisable. Il n'y a ainsi pas à s'interroger sur la performance économique. Si l'économie était durablement déprimée, cela exercerait une pression à la baisse sur l'inflation et amènerait la Banque à agir de façon à stimuler l'économie pour empêcher une déflation.

En substance, les deux ne sont pas distinctes. Amener l'économie à un taux d'inflation stable signifie également atteindre le niveau de plein emploi à plus long terme.

Le sénateur Massicotte: Monsieur Sharpe, M. Anania a dit que lorsque le dollar est fort, le coût de l'importation de matériel et de logiciels est manifestement moindre. Cependant, votre hypothèse fondamentale est que lorsque nous n'avons pas le plein emploi, un dollar faible est avantageux pour notre pays. Vous avez également opposé un démenti à la théorie du fabricant paresseux. Pourtant, il y a trois ou quatre ans, tous les articles dans les pages affaires des journaux affirmaient que le dollar canadien était beaucoup trop bas, que nous devenions paresseux et inefficients et que c'était là la principale explication de notre faible productivité.

Pourriez-vous parler de ces aspects? Manifestement, vous jugez que c'était erroné, mais pourriez-vous nous en dire plus?

M. Sharpe: Certainement. J'ai fait beaucoup de recherches sur la productivité du secteur de la fabrication, car elle est si piètre par rapport aux États-Unis. La principale raison n'en est pas la paresse des fabricants mais le fait que nous avons un secteur de haute technologie beaucoup plus petit que celui des États-Unis. Or, celui-ci a connu une croissance de productivité extrêmement forte comparée à la nôtre et il était bien sûr de beaucoup plus grande envergure. Cela explique la plus grande partie des gains de productivité relativement plus forts aux États-Unis.

S'il y avait beaucoup de vérité dans cette hypothèse des fabricants paresseux — je ne dis pas qu'elle est toujours fausse — les effets en sont minimes. En effet, on constaterait chez tous les fabricants canadiens une productivité pire qu'aux États-Unis. Cependant, à l'exclusion du secteur de haute technologie, la croissance de productivité dans le secteur manufacturier canadien au cours de la deuxième moitié des années 90 a été aussi bonne ou presque aussi bonne qu'aux États-Unis.

Je suis un grand partisan de la productivité. J'ai fait beaucoup de recherches sur le sujet. À long terme, c'est la seule façon d'améliorer notre niveau de vie. Cependant, veillons d'abord à assurer le plein emploi et soucions-nous ensuite d'amélioration de productivité.

Je ne dis pas cela en relation avec le cours du dollar, car nous n'avons pas beaucoup de moyens de contrôler le dollar. Cependant, du point de vue du niveau de vie des Canadiens, nous devons assurer des emplois à ceux qui cherchent du travail afin que leur revenu soit aussi bon que possible et contribue au niveau de vie global des Canadiens.

Je ne suis nullement opposé aux améliorations de productivité. Je dis simplement que la clé est de faire tomber notre taux de chômage à 6 p. 100 ou moins.

Le sénateur Austin: J'aimerais approcher le sujet selon un angle différent. Nombre de théories économiques aujourd'hui reconnues sont fondées sur l'étude des comportements. Comment l'économie réagit-elle aux changements de comportement ou à la façon dont se comportent les êtres humains?

Abordons un sujet hautement politique. On constate aux États-Unis une rhétorique politique qui donne à penser que le protectionnisme a le vent en poupe. Vous nous avez parlé de la performance de l'économie américaine en 2004. Pensez-vous que cela pourrait contrer les tendances anti-mondialistes dans la vie politique américaine?

J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt la réunion des ministres des Finances du G7 le mois dernier. Tous — y compris le ministre des Finances canadien — ont mis l'accent sur l'influence de la Chine et l'alignement de la monnaie chinoise sur le dollar américain, en place depuis 1993, je crois. Mais un certain nombre d'articles parus dans les journaux américains, notamment dans le Financial Times — assurent que la performance de l'économie américaine est relativement indépendante de l'alignement de la monnaie chinoise, que les États-Unis ont leurs propres problèmes économiques internes qui sont à la source des difficultés que les États-Unis connaissent.

Je serais curieux de savoir pourquoi le G7 continue à faire pression sur la Chine et comment cela se répercutera sur les échanges canado-américains — à supposer qu'un tel effet se matérialise.

Mes questions portent donc sur les motifs du comportement américain, tant au niveau micro que macro.

M. Poloz: Le protectionnisme et l'unilatéralisme semblent être en hausse. La sécurité prend le pas sur le commerce. Dans le monde d'après le 11 septembre, le coût du commerce international a grandi, en raison de facteurs tels que les primes d'assurance, les formalités administratives et les attentes à la frontière. C'est un peu comme si on avait jeté du sable dans les rouages du commerce international. C'est un peu comme si l'on défaisait une partie de la libéralisation des échanges intervenus dans les années 80 et 90.

Pour prendre cela en compte lorsque nous formulons nos prévisions mondiales, nous postulons que le taux de croissance global du monde sera plus lent qu'il ne l'aurait été sans le 11 septembre d'une marge de quelque 0,3 ou 0,4 p. 100. Cela finit par représenter beaucoup d'argent sur une période de dix ans. C'est un peu comme une taxe sur la croissance imposée par tous ces facteurs que je résume sous le nom de «nouvelle ère d'incertitude.» Tout cela est incorporé dans nos analyses. Nous ne pensons pas qu'on va tout d'un coup revenir au protectionnisme, mais les choses ne tournent plus aussi rond qu'auparavant.

Néanmoins, nous pensons que le monde connaîtra une situation meilleure dans un an ou deux et que peut-être les conditions seront plus favorables à des négociations commerciales.

Le sénateur Austin: Êtes-vous en train de dire que le monde retrouve sa ligne de tendance depuis le recul par suite des événements du 11 septembre? Est-cela que vous êtes en train de dire, soit que l'on retrouve la ligne de tendance antérieure?

M. Poloz: La ligne de tendance sera toujours en deçà de celle que je me serais imaginée avant le 11 septembre. La croissance est peut-être de 3,7 ou de 3,8 p. 100, en moyenne, dans le monde, au lieu de 4,1 p. 100, mais nous resterons à jamais légèrement en dessous.

Pour ce qui est du blocage de la devise chinoise, il n'existe aucune preuve que la devise soit sous-évaluée. Lorsque c'est le cas, il se présente des symptômes classiques, dont aucun n'existe en ce moment. Tout ce qui existe, c'est un déficit commercial entre les États-Unis et nous-mêmes et la Chine. C'est le cas non pas parce que nous perdons dans la concurrence que nous livrons à la Chine, mais plutôt parce que les entreprises canadiennes et américaines sont en train d'intégrer la Chine dans leur chaîne d'approvisionnement mondiale. Cela veut dire qu'il y a des sous-systèmes, des composants et ainsi de suite que l'on fait fabriquer là-bas et qui sont intégrés à nos produits. Un bon exemple serait peut-être la chemise que je porte. C'est une chemise de la marque Tommy Hilfiger, conçue et vendue aux États-Unis. Tous les merveilleux emplois cols blancs sont toujours aux États-Unis, mais le produit est maintenant fabriqué en Chine. Ces chemises coûtent moitié moins cher qu'avant. Tommy Hilfiger gagne beaucoup d'argent avec cela.

Tout ce qu'un désarrimage du taux de change avec la Chine fera, c'est porter atteinte temporairement à la rentabilité des multinationales. Plus de la moitié des exportations de la Chine sont le fait de compagnies multinationales.

M. Sharpe: Pour ce qui est de la tendance en faveur du protectionnisme aux États-Unis, je suis d'accord. Cela est inquiétant. L'une des raisons est le manque de compétitivité sur le plan des coûts de l'industrie américaine. Avec la dépréciation de la devise américaine, il y aura moins de pressions protectionnistes aux États-Unis. Je suis optimiste sur ce plan; le problème ne sera pas aussi grave qu'il l'a été par le passé.

Je ne suis pas de l'avis de M. Poloz lorsqu'il dit qu'il n'y a aucune preuve que la devise chinoise est à l'heure actuelle sous-évaluée. Si vous regardez les prévisions quant à la parité du pouvoir d'achat de la devise chinoise, c'est en gros le double de l'actuel taux de change. Dans cette perspective, si la devise chinoise offrait une parité du pouvoir d'achat, il y aurait beaucoup moins de produits chinois concurrentiels sur les marchés nord-américains et il y aurait une demande amoindrie pour ces produits. En gros, la Chine importerait beaucoup plus de chez nous.

Les Chinois finiront un jour par abandonner l'arrimage. Ce serait dans l'intérêt de la population chinoise. Cela améliorerait définitivement le niveau de vie des Chinois du fait qu'ils auraient accès à des biens importés meilleur marché.

Bien sûr, l'arrimage de la devise a également été dans l'intérêt du peuple chinois s'agissant de l'augmentation de l'emploi. Nous avons constaté en Chine une solide croissance de l'emploi, largement attribuable au fait que les gens quittent les campagnes pour aller travailler dans l'industrie en région urbaine. Cela a résulté en une amélioration du niveau de vie de nombreux Chinois.

M. Anania: En ce qui concerne la deuxième partie de la question — c'est-à-dire la préoccupation peut-être mal à propos du G7 quant au taux de change — il y a un certain nombre de ces éléments qui sont à l'oeuvre dans l'économie américaine. Celle-ci continue de se nourrir de l'énorme bulle d'investissements survenue vers la fin des années 90. Le marché de l'emploi aux États-Unis est épouvantable à l'heure actuelle. Il est peut-être en train de s'améliorer, mais les entreprises évitent toujours à embaucher. La relance sera-t-elle interrompue à cause de cela?

Depuis que les États-Unis ont sombré dans une récession, la seule chose qui a été positive dans l'économie mondiale a été le fait que les consommateurs américains ont continué de dépenser. Il est inhabituel qu'ils aient augmenté leurs dépenses au titre de biens durables pendant la récession. Non seulement cela, mais ils ont continué depuis d'augmenter leur consommation de ces types d'articles.

Le fait de se concentrer sur les devises et de laisser le dollar américain se déprécier aidera en vérité l'économie mondiale. À mon avis, il y a sans doute davantage de demandes refoulées dans des économies comme le Japon et l'Europe qu'aux États-Unis. Le résultat net pour l'économie mondiale sera positif si le dollar américain se déprécie par rapport à ces autres devises. Cela favorisera la baisse des taux d'intérêt dans d'autres pays et au fur et à mesure que les craintes quant à l'inflation s'estompent et servira à promouvoir les dépenses de consommation locales.

Le sénateur Mahovlich: Il y a quelques années, lorsque notre dollar chutait et que le dollar américain était à la hausse, il avait été question de lier notre dollar. Personnellement, lorsque notre dollar était à 0,90 $, j'ai trouvé que c'était plutôt bien. Si nous devions stabiliser notre dollar, est-ce qu'une valeur de 0,90 $ serait un bon niveau? Il vous faut rappeler que nous partageons une frontière avec les États-Unis. Nous ne pouvons pas éviter cela. La façon dont évolue le dollar américain a une très grosse incidence sur nous.

M. Poloz: De façon très fondamentale, l'on pourrait fixer le dollar à n'importe quel niveau et ce serait alors à l'économie de s'y adapter, auquel cas l'on voudrait peut-être choisir un seuil. Ce serait plus facile de faire le calcul ainsi, mais l'économie aurait alors à s'adapter à ce niveau.

Cependant, il est peu probable que nous continuerons d'être confrontés aux genres de chocs qui surviennent dans le monde et qui nous touchent différemment des Américains. C'est pourquoi il nous faut de temps à autre un amortisseur. Le reste du temps, ce serait beaucoup plus facile si cela ne bougeait pas. Il semble que l'on ne puisse pas avoir l'un sans l'autre.

Pour le moment, je dirais que les avantages de la flexibilité me séduisent. Lorsque je pense au désastre que nous aurions peut-être vécu en 1998 et en 1999, lorsque nous avions une devise bloquée, je songe à un problème du genre de celui qu'a vécu l'Argentine — pas aussi grave mais semblable — soit une récession se prolongeant indéfiniment et la nécessité de nous y adapter. Je pense que la flexibilité de notre devise nous a vraiment rendu service pendant cette période.

M. Sharpe: Pour revenir à ce que vous disiez au sujet du blocage du dollar à 0,90 $, cela condamnerait l'économie canadienne à être non concurrentielle par rapport à l'économie américaine et résulterait en une hausse marquée du chômage au Canada. Ce serait une bonne chose pour certains groupes comme les importateurs, les gens qui passent l'hiver en Floride ou les équipes de hockey canadiennes qui paient leurs joueurs en dollars américains. Certains groupes en bénéficieraient, mais ce serait dans l'ensemble négatif pour l'économie canadienne.

Si nous fixions le dollar à 0,62 $, ce serait fantastique sur le plan croissance de l'emploi, mais ce serait très mauvais pour tous ces mêmes groupes. Il y a des gagnants et des perdants aux différents niveaux.

La conclusion essentielle est que nous ne devrions bloquer notre devise à aucun niveau. Nous devrions l'utiliser en tant que mécanisme d'adaptation afin de jouir de toute la souplesse voulue face aux chocs externes.

M. Anania: Je suis de l'avis de M. Sharpe. D'autre part, mesurer le niveau approprié pour le dollar canadien à un moment précis est chose très difficile. Ce peut paraître un travail d'analyse assez simple, mais ce n'est pas le cas. M. Sharpe parlait d'estimations de la PPA entre 0,81 $ et 0,84 $ pour le dollar canadien par rapport au dollar américain. Cependant, cela est sensible aux déflateurs utilisés dans le calcul de la PPA. Si vous utilisez d'autres déflateurs, tels les coûts demain-d'oeuvre unitaires au Canada et aux États-Unis, les mesures de PPA ont tendance à être plus faibles au milieu des années 70 comparativement au milieu des années 80. La méthode de mesure est elle aussi un facteur important.

Le président: En ce qui concerne la PPA, je n'ai jamais réussi à comprendre comment l'on peut comparer la parité du pouvoir d'achat d'un pays en développement et d'un pays industrialisé. L'on ne peut que faire des comparaisons entre des pays qui connaissent un niveau de développement relativement semblable, car autrement cela ne fonctionnerait pas, pour toutes sortes de raisons.

Le sénateur Eyton: J'ai trois questions.

Premièrement, pourriez-vous me renseigner — et je suppose que je veux parler ici de dollars constants — quant aux coûts de la main-d'oeuvre au Canada exprimés en tant que pourcentage du coût de la production totale dans les lignes de tendance ici? Si l'on y réfléchit dans l'abstrait, ce doit être un pourcentage qui diminue, car il y a beaucoup plus de machines, de logiciels et d'autres éléments qui sont tels que c'est un petit peu plus efficient. Pourriez-vous me dire ce que cela représente par rapport aux coûts de production totale?

M. Sharpe: Cela varie d'une industrie à l'autre. Certaines ont une plus forte intensité de main-d'oeuvre et affichent donc des coûts de main-d'oeuvre beaucoup plus élevés.

Le sénateur Eyton: Je suis intéressé par la situation nationale.

M. Sharpe: Pour toutes les industries, vous pouvez prendre la part de la main-d'oeuvre et la valeur ajoutée totale. Croyez-le ou non, cela est resté relativement constant dans le temps. La rémunération du PDG est incluse dans les coûts de main-d'oeuvre. Cela est considéré au Canada comme faisant partie des salaires et traitements. Dans l'ensemble, la part de la main-d'oeuvre dans le PIB a été relativement stable dans le temps. Cela varie un peu avec le cycle d'activités. Cela augmente en règle générale en période de récession car les profits sont plus sensibles au cycle que les revenus du travail. Cela baisse en période d'expansion, mais dans l'ensemble, le niveau est resté relativement stable.

Le sénateur Eyton: Vous n'avez pas parlé du taux de change. Nous venons de vivre une courte période au cours de laquelle notre taux de change s'est amélioré; en d'autres termes, la valeur du dollar canadien a gagné quelque 20 p. 100. Je viens du milieu des affaires. Une chose est certaine: les affaires n'aiment pas les chocs. Les entreprises ont leurs budgets et leurs plans d'affaires, et il leur est très difficile de composer avec des chocs ou des changements soudains. La plupart des gens d'affaires n'ont pas une connaissance très sophistiquée des taux de change. Ils s'adresseront à RBC ou à un ou deux autres et obtiendront une solution. Dans le cas de nombreuses entreprises, il y a de toute façon une couverture naturelle, mais s'il n'y en a pas, l'entrepreneur essaiera de se couvrir sur la base d'hypothèses quant à l'évolution que connaîtront les taux dans l'année.

Il me semble que c'est une mauvaise chose que les taux de change et que le dollar canadien aient augmenté autant qu'ils l'ont fait et aussi rapidement qu'ils l'ont fait. Cela nuit aux affaires et nuit à la façon dont les entreprises font leurs rapports et gèrent leurs activités. Pourriez-vous faire quelques commentaires là-dessus puis nous indiquer quel serait un meilleur taux de change par rapport à celui que nous venons de vivre?

M. Poloz: Vous avez raison de dire que cela a été plus difficile. La rapidité du changement a rendu l'adaptation beaucoup plus intimidante en un court laps de temps. Étant donné que c'est sans doute nécessaire à au moins 90 p. 100, alors autant en finir tout de suite. Je ne pourrai pas vous citer de vitesse optimale. Je ne peux pas m'imaginer ce que ce pourrait être. Quel genre d'adaptation serait acceptable pour les entreprises tout en continuant d'être nécessaire? Ce serait très difficile pour moi de le dire.

Mon argument serait que les entreprises ont la liberté d'absorber cela dans leur marge bénéficiaire puis de choisir leur propre vitesse pour récupérer cette marge. Si elles veulent faire dans le spectaculaire, elles peuvent faire vite. Si elles préfèrent prendre leur temps, alors il leur faudra maintenir leur marge bénéficiaire sur une période plus longue. C'est leur choix.

M. Anania: Il n'y a aucun doute qu'une volatilité indue côté taux de change peut poser problème pour les entreprises, surtout si elle n'est pas liée à des facteurs fondamentaux sous-tendant les économies canadiennes et américaines. Je songe ici à «l'instinct animal» et aux «dépassements» dans les taux de change. Nous avons constaté cela maintes fois par le passé. Dans le cas de la récente appréciation du dollar canadien, cela est davantage rattaché à des éléments fondamentaux au lieu d'être simplement le fait de la volatilité et des dépassements du marché des taux de change.

À mon avis, le dollar canadien a gagné rapidement sur une courte période de temps. La clé est que nous ne pensons pas que le dollar va retomber. Nous pensons qu'il se maintiendra au niveau d'aujourd'hui et qu'il augmentera peut-être même en 2004 et en 2005. Comme l'a dit M. Poloz, c'est peut-être une bonne chose que ce soit arrivé si rapidement.

Le sénateur Eyton: Je songeais à la tendance des entreprises canadiennes, surtout celles qui vendent beaucoup aux États-Unis ou qui vendent en dollars américains, et cetera.

De plus en plus, nous constatons que les sociétés canadiennes, en particulier les grandes sociétés publiques, convertissent leurs bilans et leurs résultats en dollars américains. Elles se protègent ainsi des fluctuations et des corrections qui surviennent à l'occasion.

Existe-t-il un lien important avec le taux de chance? Cela entraîne-t-il des répercussions? Je reconnais qu'idéalement ça ne devrait faire aucune différence. Croyez-vous toutefois que cela a des effets relativement au taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain?

M. Poloz: Brièvement, cela peut aider les sociétés à être plus transparentes, à mieux élaborer leurs plans d'affaires d'exercice en exercice et à maintenir le cap.

Dans les faits cependant, bon nombre des coûts des sociétés sont établis en dollars canadiens. Donc, il ne serait pas plus naturel de fonctionner de la sorte. Ce n'est pas comme si elles se protégeaient des fluctuations, qui sont en quelque sorte fondamentales. C'est plutôt une question de convention: si une société peut l'exprimer plus simplement ainsi, cela constitue un avantage.

Le sénateur Eyton: Voici la question: est-ce que la forte tendance qui se manifeste actuellement dans les grandes entreprises canadiennes engendre des répercussions cachées. Elle ne devrait pas en avoir.

M. Poloz: Je ne le crois pas. Cela pourrait toutefois signifier, un jour ou l'autre, que les sociétés deviennent plus favorables à un taux de change fixe ou au remplacement de notre monnaie, dans l'ensemble de notre économie, par le dollar américain que ne le seraient, dans l'ensemble, les Canadiens.

J'affirme que ce n'est tout de même encore que la pointe de l'iceberg.

Le président: Je tiens à remercier les témoins de nous avoir fait part de leur opinion et je remercie également mes collègues. Nous nous réunirons à nouveau demain soir.

La séance est levée.


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