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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 3 - Témoignages du 27 novembre 2002


OTTAWA, le mercredi 27 novembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, saisi du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, se réunit aujourd'hui à 15 h 45 pour examiner ledit projet de loi.

Le sénateur Gérald-A. Beaudoin (vice-président) occupe le fauteuil.

[Translation]

Le vice-président: Nous devons examiner deux aspects du projet de loi C-10: l'aspect procédural et l'aspect substantiel.

Le Sénat nous a ordonné de scinder le projet de loi C-10 et nous avons adopté l'autre jour à l'unanimité une motion à cette fin. Nos spécialistes ont travaillé avec ceux de la Chambre des communes pour préparer la copie de travail que vous avez devant vous, et j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit que d'une copie de travail, des projets de loi C-10A et C-10B. Du point de vue strictement juridique, nous avons considéré que nous allions examiner un projet de loi qui sera scindé, si la Chambre des communes y consent. Nous expliquerons plus tard le processus qui sera utilisé.

Notre comité est en train de créer un précédent. Il y a deux précédents pour la scission d'un projet de loi, qui remontent à 1988 et 1981, mais ces deux précédents ne concernent pas des situations exactement identiques à celle qui nous occupe aujourd'hui. Nous allons devoir innover et créer un précédent. J'estime que cela est tout à fait faisable, mais nous allons devoir procéder prudemment — ce qui n'est pas une mauvaise chose pour le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le sénateur Stratton: Nous avons reçu aujourd'hui deux projets de deux parties du projet de loi, C-10A et C-10B; nous n'avons toutefois pas encore eu la possibilité de les examiner. Ce qui est encore plus important que cet aspect, c'est qu'il faut examiner comment se déroulera la procédure à mesure que nous progresserons dans cette étude. Autrement dit, nous devons nous interroger sur ce qui se passe, ce qui peut et doit se passer avec ces deux projets de loi, qui sont des projets de loi de la Chambre des communes qui n'ont pas encore été approuvés par elle. Il s'agit d'avant- projets.

Devons-nous renvoyer ces projets de loi au Sénat pour qu'il les approuve maintenant que nous les avons reçus, de façon à pouvoir aller de l'avant? Cela fait, quelle sera la décision que prendra le Sénat au sujet de ces projets de loi? Faudra-t-il ensuite envoyer ces projets de loi à la Chambre des communes pour qu'ils soient approuvés?

J'aimerais en savoir davantage au sujet de ce processus, de façon à être certain que ce que nous allons faire est tout à fait constitutionnel. Nous avons le droit de savoir cela. Nous devons le savoir car nous risquons autrement de travailler pour rien.

Le vice-président: Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je tiens à respecter la Constitution. Nous avons parlé de cette question, parce que quatre représentants du Sénat et quatre représentants de la Chambre des communes se sont déjà rencontrés pour en parler. Il y a eu trois ou quatre réunions du comité directeur qui ont été consacrées à ces deux questions.

Je vais appeler les deux parties du projet de loi des «documents», parce que juridiquement, le projet de loi n'est pas encore scindé. Nous sommes tous d'accord sur ce point.

Nous avons le droit, et même le devoir, de respecter la directive du Sénat et de scinder le projet de loi. Cependant, étant donné que nous voulons scinder ce projet de loi — et je répète que ce projet de loi n'est pas encore scindé, juridiquement parlant — nous sommes obligés de renvoyer ces deux documents à la Chambre des communes. Le projet de loi C-10 y a été présenté initialement, à titre de mesure financière, en partie du moins. Nous avons l'autorisation du gouverneur général de procéder ainsi. Nous aurons peut-être à revenir plus tard sur cette question, mais c'est un problème qui peut être résolu.

Cela dit, si vous le souhaitez, je suis prêt à accepter une motion visant à renvoyer ces deux documents au Sénat, pour qu'ensuite le Sénat les renvoie à la Chambre des communes. Cela est clair.

Le Sénat a suspendu ses travaux pour la journée, de sorte qu'il ne pourra pas se pencher aujourd'hui sur cette question. Cependant, si les sénateurs souhaitent adopter une motion maintenant, cela me convient parfaitement. Je tiens à vous faire savoir le plus clairement possible que je suis tout à fait disposé à procéder de cette façon. Après quoi, nous reprendrons l'audition des témoins. Demain, nous ferons des commentaires sur tous les articles — et j'ai bien dit «commentaires» pour le moment parce qu'il ne s'agit pas de l'étude article par article. Le projet de loi qui nous est soumis est donc unique.

Nous avons informé la Chambre des communes que le Sénat renverrait le plus tôt possible les deux documents à la Chambre des communes. Le but est de veiller à ce que les privilèges soient respectés.

Constitutionnellement, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas commencer aujourd'hui à entendre les témoins et envoyer ces deux documents le plus rapidement possible d'abord au Sénat, et ensuite du Sénat à la Chambre des communes.

Le sénateur Stratton: Si le Sénat en décide ainsi.

Le vice-président: Oui. Nous ne formons qu'un comité du Sénat, même si c'est un comité important.

Le sénateur Corbin: J'invoque le Règlement. La semaine dernière, nous avions convenu d'entendre les témoins, et de ne pas parler du processus. Nous sommes en train de parler du processus. Nous sommes en train de prévoir ce qui pourrait se passer plus tard. Je crois qu'il faudrait nous en tenir à ce que dit l'avis de convocation.

Le sénateur Cools: Absolument. Si nous entrons dans les détails, nous n'arriverons jamais à régler cette question.

Le vice-président: Je reconnais que nous avons commencé de parler du processus, mais le sénateur Stratton voulait obtenir certains renseignements. Ces renseignements ont été, d'après moi, communiqués. Cela semble très clair. Si un autre sénateur veut poser une question, qu'il le fasse, je serais heureux d'y répondre.

Le sénateur Bryden: La position que vous adoptez en ce moment en tant que président du comité vient s'ajouter à celle que vous avez adoptée la semaine dernière. Nous avons un projet à étudier, c'est le projet de loi C-10. C'est le projet que nous étudions. Le Sénat nous a demandé de scinder ce projet de loi.

Si je me souviens bien, vous avez déclaré, en qualité de constitutionnaliste, que nous pouvions considérer le projet de loi C-10A comme un projet scindé, sans avoir à le renvoyer devant le Sénat. Je n'avais jamais entendu dire auparavant que nous devions au préalable soumettre cette question au Sénat. Vous aviez mentionné que le Sénat approuverait ou refuserait la scission du projet de loi mais que nous pouvions procéder sur la partie du projet de loi concernant les armes à feu, non seulement pour ce qui est d'entendre les témoins, mais également pour procéder à l'étude article par article.

J'essaie de me souvenir de ce que vous avez dit et de ce sur quoi nous nous étions entendus. Nous avions convenu de faire ensuite rapport au Sénat pour lui indiquer que nous avions exécuté ses directives, que nous avions scindé le projet de loi et que nous faisions rapport au sujet du projet de loi C-10A, et que nous procédions à l'étude du projet de loi C- 10B, l'autre partie du projet de loi scindé.

Le Sénat aura à ce moment la possibilité d'approuver ce que nous avons fait. S'il estime que nous avons procédé de façon régulière, nous poursuivrons alors l'étude de l'autre partie du projet de loi. La partie 10A sera alors présentée en troisième lecture. Le rapport qui suit la deuxième lecture sera accepté et nous agirons comme nous le faisons habituellement et passerons à la troisième lecture.

Le Sénat envoie ensuite le projet de loi à la Chambre des communes et lui demande d'approuver la façon dont le Sénat a examiné le projet de loi. La Chambre des communes donne son approbation ou la refuse. Si elle donne son approbation, notre étude du projet de loi C-10A est alors terminée et la Chambre pourra faire ce qu'elle doit faire à ce sujet.

Je crois comprendre que cela est conforme au précédent de 1988, à l'exception que, lorsque le Sénat a envoyé la première partie du projet de loi scindé à la Chambre des communes, il n'a pas demandé qu'il soit approuvé, ce qui est un point technique.

J'ai découvert en faisant un peu de recherche que les conservateurs, qui étaient au pouvoir — je ne sais pas qui était le chef à cette époque — ont proposé, à la fin du débat en troisième lecture devant le Sénat, un amendement indiquant qu'il n'était pas nécessaire de demander l'approbation de la Chambre des communes. C'était la question de procédure qui a permis au président de déclarer que ce projet de loi n'avait pas été régulièrement soumis au Sénat dans le but de prolonger le débat, comme le souhaitait un des sénateurs.

Il y a sans doute un peu de licence poétique dans ce que je vous dis. Je paraphrase ce qui a été dit. Ce qui a été proposé ici la semaine dernière et accepté, du moins par la majorité, est ce qui avait été proposé, du moins en grande partie. Nous avions convenu de suivre la procédure telle que décrite, et vous aviez mentionné qu'avec l'approbation de la Chambre, cette procédure serait tout à fait conforme aux règles constitutionnelles et parlementaires.

Je ne comprends pas que l'on puisse maintenant dire «Non, nous devons renvoyer le projet de loi».

Il y a une raison pour laquelle nous faisons ce que nous faisons. À la fin du mois, il y a des gens qui contreviendront à la Loi sur les armes à feu parce que les droits acquis dont ils bénéficiaient pour certaines de leurs armes vont expirer. Il y a des délais très importants. C'était là une des raisons pour lesquelles nous voulions scinder le projet de loi. Il nous a en effet paru impossible d'examiner en un mois l'ensemble de ce projet de loi, avec tous les problèmes qu'il soulève.

La dernière personne qui a parlé de cette question et qui a présenté une motion au comité, le sénateur Adams, avait accepté, pour l'essentiel, de présenter une motion voulant que nous étudiions le projet de loi sur les armes à feu de façon à pouvoir être certains de pouvoir régler cette question avant la fin de l'année. Cela donnerait aux personnes qui s'intéressent à la partie du projet de loi traitant de la cruauté envers les animaux le temps de convoquer des témoins et d'examiner à fond cette partie.

Je pense que j'ai résumé de façon assez juste ce que nous avons décidé de faire. J'espère que nous ne sommes pas simplement en train d'essayer de retarder les choses. Je ne crois pas que cela soit le cas. Je suis néanmoins certain d'avoir accepté l'opinion du sénateur Beaudoin, pratiquement celle d'un spécialiste, selon laquelle ce que nous voulions faire la dernière fois que nous nous sommes réunis était conforme à toutes les règles constitutionnelles et parlementaires, et qu'il y avait des précédents. Les difficultés mineures pouvaient être facilement résolues.

Est-ce bien cela, monsieur le président?

Le vice-président: Nous en sommes très proches, sénateur Bryden. J'ai tenté de mettre de côté les lacunes que comportaient les deux projets de loi antérieurs. C'est peut-être pour cette raison que l'on peut dire que nous en faisons un peu trop. La Chambre des communes est disposée à nous envoyer deux parchemins.

Le sénateur Cools: Nous ignorions cela.

Le vice-président: Je vais peut-être vous dire ce qu'il en est.

Le sénateur Cools: Vous ne pouvez en parler.

Le sénateur St. Germain: Vous faites des cachotteries?

Le vice-président: Ce ne sont pas des cachotteries. Je vous ai dit que des spécialistes du Sénat et de la Chambre des communes s'étaient rencontrés à ce sujet au cours de la fin de semaine. Nous voulons être sûrs qu'il n'y a pas eu violation d'un privilège de la Chambre des communes. Tout ce que je vous ai dit aujourd'hui, je le crois, et je le croirai encore demain. Cela est certain. Le sénateur Stratton voulait obtenir certains renseignements.

Selon ce qui a été dit des deux côtés jusqu'ici, tout semble indiquer que la procédure que nous suivons n'est pas contraire à la Constitution ni à la lex parliamenti, ce qui est un facteur très important ici. Lorsque l'on crée un précédent en droit parlementaire, c'est qu'il y a une situation nouvelle. J'espère que nous sommes tous d'accord là- dessus. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas modifié l'ordre du jour de la réunion de cet après-midi, en ce qui concerne les témoins, parce que je veux les entendre aujourd'hui. Je veux continuer à les entendre demain et examiner le projet de loi qui nous a été soumis.

Si les sénateurs souhaitent régler la question de l'envoi des deux documents à la Chambre des communes, je suis prêt à le faire.

Le sénateur Bryden: Une précision, notre unique objectif ici est de veiller à ce que le projet de loi sur les armes à feu soit adopté avant Noël. Est-ce que cela satisfait tout le monde? Nous ne pourrons plus rien changer lorsque le projet de loi aura fait l'objet d'un rapport devant la Chambre des communes.

Le sénateur Nolin: C'est exactement ce que nous essayons de dire.

Le sénateur Bryden: Savons-nous quand nous pourrons procéder à l'examen article par article pour renvoyer ce projet de loi devant la Chambre des communes pour qu'elle puisse agir à ce sujet, sachant que nous faisons ce que le gouvernement souhaite faire? Tout cela pourra-t-il être en place pour la fin du mois de décembre, de façon à éviter toute illégalité?

Le vice-président: Cela est possible.

Le sénateur Bryden: N'oublions pas qu'ils devront peut-être utiliser les règles de la Chambre des communes — la clôture — pour y parvenir; ils doivent avoir suffisamment de temps pour y parvenir. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous essayons d'achever ce travail.

Je tiens à indiquer clairement que, si nous ne respectons pas le processus sur lequel nous nous sommes entendus la semaine dernière, et que nous ne réussissons pas à effectuer l'examen article par article demain, il est fort possible que cela veuille dire — en retournant devant la Chambre des communes — que nous ne pourrons respecter leur échéancier. On pourra alors reprocher à notre comité d'avoir fait commettre des illégalités le 1er janvier à des personnes qui pensaient ne pas agir illégalement.

Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Bryden a dit certaines choses qui sont exactes. Je tiens néanmoins à rappeler au sénateur Bryden que lorsque nous nous sommes réunis la dernière fois, nous n'étions pas très sûrs de la bonne façon de procéder. Nous avions reçu l'ordre de scinder un projet de loi. Je pensais que le comité avait reconnu que nous n'avions pas le pouvoir de scinder le projet de loi, que nous pouvions faciliter le travail du Sénat en utilisant des copies de travail d'un projet de loi scindé, et que c'est exactement ce que nous avons demandé à notre personnel juridique de faire, à savoir, produire deux copies de travail.

Un examen du procès-verbal de la réunion du comité indiquerait que c'est bien là-dessus que nous nous sommes entendus. Nous nous sommes engagés à agir de cette façon.

Nous avons supprimé l'étude article par article, parce que nous avons dit qu'il n'était pas possible de faire l'étude article par article à partir de copies de travail, et que nous pourrions tout simplement faire un commentaire article par article, comme nous l'avions fait avec le projet de loi C-36. Nous avions ce problème juridique — seul le Sénat peut scinder le projet de loi et le renvoyer à la Chambre des communes. La Chambre des communes fait alors ce qu'elle doit faire dans un tel cas.

Je ne suis pas d'accord avec le sénateur Beaudoin lorsqu'il parle de l'adoption de ce projet de loi par la Chambre des communes. Cette Chambre est une chambre indépendante et elle prendra la décision qu'elle pense devoir prendre. Nous espérons que la Chambre des communes adoptera ce projet de loi. Nous espérons qu'elle prendra une décision à ce sujet. Le projet de loi sera alors renvoyé pour qu'il soit étudié article par article. Nous ne savons pas encore s'il s'agira d'une première lecture, d'une deuxième lecture, d'une troisième lecture, d'un examen article par article par un comité plénier ou par ce comité. Je ne suis pas certaine qu nous puissions modifier ce processus.

Nous avons décidé de faire ce que nous pouvions — à savoir, étudier ce projet de loi comme une copie de travail et procéder à l'examen article par article, tout comme nous l'avons fait avec le projet de loi C-36. En cas de divergences d'opinion, j'avais compris que le comité pouvait étudier la question du registre des armes à feu et préparer un rapport pour ensuite poursuivre l'étude de la partie du projet de loi concernant les animaux.

Des experts nous disent maintenant qu'il faut renvoyer, d'une façon ou d'une autre, le projet de loi devant la Chambre des communes et que, si nous faisons rapport sur une moitié du projet de loi dont nous sommes saisis, c'est la totalité du renvoi qui est annulée. Cela aurait aussi pour effet de compromettre la partie du projet de loi qui traite de la cruauté envers les animaux.

De notre côté, nous essayons de faciliter la réalisation des projets du gouvernement et j'espère que cela figure dans le compte rendu. C'est pourquoi nous avons suggéré de renvoyer le projet de loi scindé de façon à ce qu'ils examinent la question soumise au Sénat pendant que nous étudions le projet de loi. En fait, cette étude deviendra une étude préliminaire. Notre comité entendra les témoins sans perdre de temps et le Sénat et la Chambre des communes pourront faire leur travail. Notre comité aura ainsi eu le temps de faire son travail et sera alors en mesure d'examiner le projet de loi.

Si les sénateurs ne souhaitent pas procéder de cette façon, je m'inclinerai volontiers. Nous procéderons alors comme nous l'avons mentionné la dernière fois, c'est-à-dire de la façon suivante: si nous ne pouvons pas présenter un rapport sur les deux copies de travail de façon à ce que le Sénat puisse les examiner aujourd'hui, pour en faciliter l'examen, essayons de lui en transmettre une partie un peu plus tard.

De cette façon, si l'on nous dit qu'il n'est pas possible de scinder le projet de loi, la partie qui concerne la cruauté contre les animaux sera abandonnée. Je ne pense pas que ce sera à cause des personnes qui se trouvent de ce côté-ci de la Chambre que cela se produira. Nous essayons de préserver les deux parties du projet de loi, tout en respectant la lettre de la loi.

Je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas renvoyer immédiatement ces documents au Sénat, ou demain, pour que les sénateurs puissent prendre les décisions qui s'imposent pendant que nous effectuons notre étude préliminaire du projet de loi.

Le vice-président: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est parce que nous ne voulons pas que le comité soit dessaisi. Il y a deux aspects. Si nous faisons rapport, il y a des spécialistes qui affirment que nous allons être dessaisis.

Le sénateur Bryden: Qui affirme cela?

Le vice-président: Certains spécialistes.

Des voix: Quels spécialistes?

Le vice-président: Gary O'Brien, du Sénat. Il sera ici demain, si les sénateurs souhaitent l'entendre. Nous tenons à être très prudents.

J'ai toujours eu l'intention de renvoyer le projet de loi à la fin, de renvoyer tout à la fin, ainsi que les deux documents. Cela a toujours été mon intention. Il y en a toutefois qui disent que non, il faut le faire immédiatement et renvoyer le projet de loi le plus rapidement possible à la Chambre des communes. Si nous faisons cela, nous préparerons un rapport provisoire. Je ne sais toutefois pas ce qui se produira après un rapport provisoire. Aurons-nous le droit de poursuivre nos travaux?

Je tiens à poursuivre l'étude du projet de loi et c'est pourquoi nous avons agi comme nous l'avons fait. Nous ne sommes pas très loin du but, même si une motion est présentée aujourd'hui, et même si nous envoyons les deux documents au Sénat et si cela est approuvé. Voilà ce que j'ai dit, sénateur Andreychuk. Bien sûr, c'est au Sénat de l'envoyer à la Chambre des communes, et tout le monde est d'accord avec cela. Cependant, ce processus ne pourra commencer aujourd'hui; même si nous adoptons la résolution aujourd'hui, elle ne sera pas envoyée au Sénat aujourd'hui parce qu'il ne siège pas.

Je propose donc d'entendre les témoins, ce qui nous permettra peut-être de terminer nos travaux demain. Soyons optimistes.

Le sénateur Bryden: Lorsque vous parlez d'achever nos travaux, parlez-vous de l'étude article par article et du rapport?

Le vice-président: Cela est possible.

Le sénateur Cools: Comment pouvons-nous faire l'étude article par article alors que nous ne sommes pas officiellement saisis du projet de loi?

Le sénateur Nolin: Nous ne sommes saisis que du projet de loi C-10. C'est le seul projet de loi qui nous a été renvoyé. On nous a demandé de scinder le projet de loi et c'est ce que nous avons fait.

Le vice-président: Nous l'avons fait.

Le sénateur Nolin: Supposons que nous étudiions la partie A du projet de loi, qui concerne le registre des armes à feu, et que nous examinions le projet de loi article par article. Pourquoi faire l'étude article par article? Serait-ce dans le but d'amender cette partie du projet de loi? Serons-nous vraiment en mesure d'amender ce projet de loi? Je n'en suis pas certain.

Le vice-président: Lorsque nous avons scindé le projet de loi, nous l'avons bien évidemment amendé. C'est un amendement d'envergure que de scinder un projet de loi. Cela est très clair en droit. Il ne faut pas oublier que nous exerçons un pouvoir délégué. Le Sénat a le dernier mot sur tout mais nous sommes ici pour aider le Sénat en faisant notre travail. Si nous entendons tous les témoins et effectuons l'étude article par article du projet de loi, en présentant nos commentaires sur chaque article du projet, nous aurons fait de l'excellent travail.

Le sénateur Nolin: Sénateur Beaudoin, je n'ai rien contre le fait de formuler des commentaires, comme vous dites, sur chacun de articles, mais je me pose des questions au sujet des amendements.

Le vice-président: Il y aura des amendements si ces propositions sont soumises au Sénat et si celui-ci les accepte.

Le sénateur Cools: Non, non.

Le vice-président: C'est dans le rapport.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, nous faisons face à un problème intéressant parce qu'il y a deux perceptions distinctes de la décision qui a été prise par le comité jeudi dernier. La première chose à faire est peut-être de préciser la nature exacte de cette décision. Je suis certaine que ce que vous proposez est ce que le sénateur Sparrow et moi avons demandé la semaine dernière et que le comité a rejeté.

Jeudi dernier, le sénateur Sparrow et moi avons adopté la position suivant laquelle notre mandat était de scinder le projet de loi et de renvoyer le produit fini, quel que soit le nom que nous lui donnions, au Sénat. Ensuite, c'était au Sénat de décider de la façon de procéder. C'était la position que le sénateur Sparrow et moi défendions et elle a été rejetée par le comité.

Le sénateur Adams: Elle n'a pas été adoptée par le comité.

Le sénateur Cools: Oui, cette position a été rejetée. Le comité a accepté de procéder comme l'a décrit le sénateur Bryden. Une décision a donc été prise.

Le vice-président: Oui.

Le sénateur Nolin: Par conséquent, nous ne pouvons pas amender le projet de loi.

Le vice-président: Non, non, je n'ai jamais dit cela. Nous pourrons amender le projet de loi demain.

Le sénateur Cools: Vous présentez maintenant une proposition qui a pour effet d'infirmer la décision qu'a prise le comité jeudi dernier.

Le vice-président: Non.

Le sénateur Cools: Si vous annulez cette décision, vous ne pouvez pas simplement changer de position. La description qu'a faite le sénateur Bryden est conforme à la décision qu'avait prise le comité. Votre proposition est identique à celle que le comité a rejetée la semaine dernière.

Le vice-président: Je n'ai rien rejeté. Sénateur Cools, je vais vous lire le dernier paragraphe de la motion que nous avons adoptée:

Que le greffier du Sénat soit invité à préparer une copie de travail des deux projets de loi, pour qu'il soit examiné par le comité article par article, en renumérotant tous les articles et en apportant les changements qui s'imposent.

Cela a été fait. Nous avons suivi la motion qui a été adoptée. Je sais ce que dit la motion, c'est moi qui l'ai proposée.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas là-dessus que porte la discussion. Nous ne parlons pas de la motion, parce que nous sommes tous d'accord sur le fait que la motion a été adoptée. Nous ne sommes pas d'accord sur la discussion que nous avons eue au moment où nous nous sommes entendus sur la façon de procéder après la scission du projet de loi. C'est de cela dont nous parlons. Il n'y a pas de désaccord pour ce qui est du fonds de la motion.

Le vice-président: En fait, il y a des gens qui n'étaient pas là la semaine dernière. La semaine d'avant, nous étions en congé. C'est ce qui explique qu'il y ait peut-être des questions auxquelles nous n'avons pas répondu ou des propositions qui n'ont pas été commentées. Mon premier devoir est d'examiner la partie substantielle du projet de loi, de le scinder ensuite, d'entendre les témoins et demain, d'en faire l'examen article par article. S'il y a des amendements, nous les examinerons demain, et c'est tout.

Le sénateur Cools: Vous retirez votre proposition.

Le sénateur St. Germain: J'aimerais poser une question simple, à moins que je ne puisse poser de question. Je voudrais simplement savoir comment le Sénat peut créer les projets de loi C-10A et C-10B? Comment se fait-il que ces projets ne soient pas désignés par la lettre S?

Le vice-président: Nous faisons une proposition au Sénat, le Sénat prend une décision et envoie un message à la Chambre des communes. Il faut que les deux Chambres s'entendent pour qu'il y ait une décision définitive. C'est ce qu'exige notre système parlementaire. Nous travaillons sur un document qui a été préparé par des légistes à partir d'un projet de loi unique, le projet de loi C-10. Le projet de loi ne sera scindé qu'à la toute fin, sur le plan juridique. Pour le moment, nous allons aborder les aspects substantiels et, demain, les amendements. Les deux documents seront renvoyés en temps et lieu, avec le rapport demain soir ou un autre jour.

Le sénateur Stratton: Voilà comment je conçois ce qui nous a été soumis: ce que l'on appelle les copies de travail du projet de loi C-10A et du projet de loi C-10B sont-elles des projets de loi ou des avant-projets de loi?

Le vice-président: Juridiquement parlant, nous n'avons qu'un seul projet de loi, le projet de loi C-10.

Le sénateur Stratton: Je comprends cela.

Le vice-président: Le travail du légiste a consisté à scinder ce qu'on nous ordonné de scinder. Il n'y a pas encore d'amendement, mais il y en aura peut-être demain. Voilà à partir de quoi nous devons travailler.

J'ai l'impression que nous savons assez bien dans quelle direction nous nous engageons. Pour moi, cela est très clair.

Le sénateur Stratton: S'agit-il simplement d'un document de référence? Quel est le document dont vous affirmez qu'il nous a été remis?

Le vice-président: C'est un document de travail qui concerne un projet de loi qui nous a été soumis. À la fin de nos travaux, dans deux à quatre jours, il y aura deux projets de loi.

Le sénateur Stratton: Comment peut-il y avoir deux projets de loi s'il s'agissait au départ d'un projet de loi de la Chambre des communes? Comment le Sénat peut-il scinder un projet de loi de la Chambre des communes? Je pensais que nous allions procéder à une étude préliminaire et que ces deux avant-projets de loi seraient renvoyés, avec nos recommandations, à la Chambre des communes. N'est-ce pas exact?

Le vice-président: Eh bien, il est exact qu'il n'y aura qu'un seul projet de loi jusqu'à la toute fin. Lorsque nous aurons proposé les deux projets de loi et lorsque le Sénat aura accepté notre rapport, nous l'enverrons à l'autre Chambre. Ce n'est qu'à ce moment que le projet de loi sera considéré comme un projet de loi des deux Chambres. C'est ce qu'on appelle, en droit, une fiction juridique ou légale.

Le sénateur Andreychuk: Puis-je poser une question supplémentaire sur ce point? J'avais compris la dernière fois, et je parle uniquement en mon nom, qu'il était possible d'utiliser ces fictions juridiques, de faire rapport à la Chambre et de faire rapport sur les deux projets de loi d'une façon ou d'une autre. Je pensais que nous allions scinder les projets de loi ici pour faire rapport à la Chambre sur l'état de la première partie de ce projet de loi. La chambre l'aurait ensuite transmis à la Chambre des communes et nous n'aurions pas été dessaisis de l'autre moitié de ce projet de loi. Cependant, à cause de vos interprétation juridiques et techniques, la présentation d'un rapport nous dessaisit de ce projet. Je crains que nous allions de l'avant et découvrions que cette deuxième interprétation juridique, qui n'est pas celle sur laquelle nous nous sommes basés la semaine dernière, est la bonne. Nous aurons fait notre devoir à l'égard de l'enregistrement des armes à feu mais nous serons dessaisis de la partie concernant la cruauté envers les animaux. Cela ne fera plus partie du projet de loi C-10 et nous serons dessaisis de cette question. Je ne veux pas perdre la possibilité d'examiner cette partie du projet de loi, parce que cette partie est, pour moi, tout aussi importante que l'autre.

Le vice-président: Sénateur Andreychuk, je suis d'accord avec vous, mais quelqu'un a attiré mon attention sur le paragraphe 783 du Beauchesne, cinquième édition:

Rien n'autorise un comité de la Chambre saisi d'un projet de loi ou d'une proposition à faire rapport d'autre chose à la Chambre.

On m'a dit que si nous faisions un rapport provisoire, nous ne pourrions poursuivre l'étude du projet. Cela me scandalise, mais ce n'est pas moi qui ai fait cette règle. Nous pouvons fort bien préparer un rapport provisoire, mais je veux être certain que nous pourrons poursuivre l'étude de ces deux projets de loi.

Le sénateur Bryden: Je veux faire un dernier essai pour montrer pourquoi nous ne serons pas dessaisis de ce projet de loi. Nous avons scindé le projet de loi pour des raisons pratiques; c'est la raison pour laquelle cela a été fait. Nous aurions fort bien pu étudier le contrôle des armes à feu et les aspects du Code pénal concernant cette question en utilisant le même document. Quelqu'un a fait remarquer qu'il serait pratique de séparer ces deux parties, parce que cela éviterait d'avoir à passer de l'une à l'autre. C'est la raison pour laquelle nous avons scindé le projet.

Si nous ne l'avions pas fait, si nous avions continué à travailler sur le projet de loi C-10, je pense que nous aurions fort bien pu faire rapport au Sénat en indiquant que nous proposons d'amender le projet de loi C-10, de façon à ce que le Sénat «élague» ces articles du projet de loi C-10, que nous proposons d'appeler le projet de loi C-10A.

Nous proposons d'appeler ce projet le projet de loi C-10A et que le comité continue d'examiner le reste du projet de loi et de faire rapport à son sujet sous le titre de projet de loi C-10B. La seule différence que je puisse voir est que nous avons décidé, pour pouvoir travailler plus commodément sur ces dispositions, de placer tout ce qui concerne le contrôle des armes à feu dans un projet, et tout le reste, dans l'autre. Si nous avons le droit d'amender le projet de loi, ce que nous avons d'ailleurs fait, nous faisons rapport sur ces amendements à la Chambre et nous lui disons que nous n'avons pas fini d'examiner les autres amendements. Le Sénat accepte ou rejette notre proposition et, s'il l'accepte, elle est transmise à la Chambre des communes. Je crois que c'est ce que vous disiez hier.

Le vice-président: Je ne nie pas avoir dit cela, mais j'ai appris depuis que si nous présentons un rapport provisoire, nous risquons de ne pouvoir poursuivre l'étude de ce projet. Je n'aime pas cela, mais la loi, c'est la loi. Néanmoins, si les sénateurs sont disposés à présenter un rapport provisoire sur la première partie et poursuivre dans un deuxième temps avec la cruauté envers les animaux, nous devrions le faire. Pourquoi pas? Il n'y a personne autour de cette table qui s'opposerait à cette formule.

Le sénateur Nolin: Je pense que cela ne serait pas valide, mais si la majorité veut procéder de cette façon, il faut que quelqu'un nous dise ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. Bien sûr, ce n'est pas ce groupe qui me le dira, alors allons-y.

Nous ne pouvons pas amender une partie d'un projet de loi et faire rapport sur cette partie. Je veux que cela soit mentionné dans le rapport. Cela dit, nous pouvons procéder comme nous l'entendons.

Le vice-président: Affirmez-vous que si nous examinons seulement une partie du projet, nous en sommes dessaisis?

Le sénateur Nolin: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis que nous ne pouvons pas faire rapport sur une partie du projet de loi, tout en conservant l'autre partie du projet de loi.

Le sénateur Smith: Je voudrais tout d'abord vous féliciter pour les efforts que vous faites pour faire avancer les choses. J'en suis très heureux. Je pense que tout le monde ici est de bonne foi. J'en suis convaincu, mais je crois qu'il faut arrêter de faire du sur-place et essayer d'avancer. Je ne pense pas que nous soyons obligés de prendre une décision immédiatement sur les questions qui ont été soulevées parce que vous avez dit que, lorsque nous examinerons demain le projet de loi article par article, toute cette question aura été examinée par les autorités compétentes. Nous entendrons cet avis et prendrons alors les mesures qui nous paraissent appropriées.

Entre-temps, je pense que personne ne sera lésé si nous entendons ces témoins maintenant. Ils sont venus ici de bonne foi et je pense que nous devrions les entendre. Nous devrons le faire de toute façon et il serait donc bon de le faire maintenant.

Nous pourrons examiner ces autres aspects demain avec la personne dont vous avez parlé plus tôt et qui est chargée d'examiner la question des rapports provisoires.

Le vice-président: Je suis disposé à reporter à demain matin l'étude de l'aspect procédural de cette question et d'entendre maintenant nos témoins.

Le sénateur Smith: Je vous invite à le faire et vous appuierai comme je le peux.

Le vice-président: J'aimerais toutefois que ceux qui ne sont pas d'accord m'expliquent les raisons de leur désaccord. Quelqu'un a dit qu'il voulait être certain sur le plan des aspects juridiques. Eh bien, sur le plan juridique, je suis convaincu que nous allons dans la bonne direction et ce n'est qu'à la toute fin que tout sera clair.

Le sénateur Corbin: Le sénateur Smith m'a retiré les mots de la bouche. Cela fait 45 minutes que nous parlons de cette question. J'ai mentionné dès le départ qu'il y avait un ordre du jour officiel qui avait été distribué. Notre ordre du jour est d'entendre des témoins et non pas de spéculer sur le contenu de notre rapport ou sur les décisions que prendront les Chambres. Nous n'en sommes pas encore là.

Monsieur le président, je vous prie de commencer l'audition des témoins.

Le vice-président: Si c'est là le sentiment de l'assemblée, je propose de remettre à demain l'examen des autres questions de procédure. Nous allons entendre les témoins aujourd'hui. Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Watt: Puisque nous avons terminé avec cela, j'aimerais aborder un autre sujet. Si tout le monde est d'accord, j'aimerais déposer quelques documents.

Le sénateur Cools: Proposez une motion.

Le sénateur Corbin: Déposez simplement ces documents.

Le vice-président: Déposez-les.

Le sénateur Watt: Je propose que ces documents soient déposés. J'aimerais vous en parler rapidement avant de les déposer.

Je sais que nous ne parlons pas directement du projet de loi C-68, mais nous en parlons indirectement par le biais du projet de loi C-10A, si nous en sommes effectivement saisis.

Sénateurs, j'ai appris aujourd'hui qu'hier, Nunavut Tunngavik Incorporated, le Procureur général du Canada et le gouvernement du Nunavut ont demandé d'intervenir dans une cause devant la Cour de justice du Nunavut. Je voulais transmettre cette information au comité parce qu'elle concerne le sujet qui nous occupe. J'ai également joint le communiqué de presse parce qu'il explique en détail la nature de nos griefs et que cela nous évite d'avoir à examiner la totalité du projet de loi.

Le vice-président: La discussion sur votre proposition est reportée.

Le sénateur Watt: Fort bien.

Le vice-président: Déposez les documents. Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Bryden: Si cela est pour demain, pourrait-on distribuer des copies à tous les membres du comité?

Le sénateur St. Germain: Pourquoi pas à tous les sénateurs présents?

Le vice-président: Je ne vois pas pourquoi je m'y opposerais.

Maintenant que nous avons examiné, de façon très détaillée, la question de la procédure, remettons le reste à demain. Nous allons donc commencer notre séance.

La réunion porte sur le projet de loi C-10. Nous savons déjà que nous avons adopté une motion.

Nous allons entendre cet après-midi trois groupes de témoins. Le premier est composé de représentants du ministère de la Justice et du Centre canadien des armes à feu. Nous invitons M. Webster et Mme Roussel à commencer leur exposé de cinq minutes.

M. Gary Webster, président-directeur général, Centre canadien des armes à feu, ministère de la Justice du Canada: Nous sommes venus ici aujourd'hui vous parler de la partie du projet de loi C-10A que vous venez de commenter. Nous présentons au sein du projet de loi C-10A des amendements au projet de loi C-68, qui sont principalement de nature administrative et qui ont pour but de simplifier les systèmes mis au point pour répondre aux exigences de la loi, aussi bien à celles du projet de loi C-68 qu'à celles des amendements proposés par le truchement du projet de loi C-10A.

Avec ces amendements, les Canadiens pourront plus facilement respecter les exigences de la Loi sur les armes à feu et les processus administratifs seront rationalisés à cette fin. Le projet de loi introduit une série de modifications administratives qui ont pour effet de créer le poste de commissaire aux armes à feu qui sera chargé de surveiller l'administration du programme des armes à feu, de confier au directeur et non aux contrôleurs des armes à feu la responsabilité à l'égard de certaines cessions, le pouvoir de prolonger la validité de certains permis et de préciser les armes dispensées de l'application de certaines dispositions.

Ce projet de loi contient également des amendements au Code criminel qui sont de nature administrative et qui touchent le commissaire aux armes à feu dont je viens de parler. Il traite de questions touchant la classification et le statut des armes à air comprimé. Il contient certaines dispositions en matière de mise en liberté provisoire par voie judiciaire et introduit certaines modifications techniques, qui font toutes partie des modifications apportées au Code criminel.

Pour ce qui est des modifications qui touchent la Loi sur les armes à feu, le projet de loi contient des définitions qui sont décrites dans ce document. Dans ces définitions, il attribue de nouvelles responsabilités, ou les modifie, à certains organismes et fonctions exercées par divers fournisseurs au sein du système mis sur pied par cette législation, ainsi qu'à l'égard des propriétaires d'armes à feu au Canada.

Le projet de loi traite des cours sur la sécurité des armes à autorisation restreinte et des exigences qui sont imposées aux personnes qui possèdent des armes à feu et qui veulent les utiliser. Il traite également, dans une certaine mesure, des rôles, responsabilités et attributions des employés qui travaillent pour des fabricants ou des entreprises qui s'occupent de la vente ou de la réparation des armes à feu.

Comme l'un des sénateurs l'a mentionné plus tôt, le projet contient des dispositions relatives aux droits acquis relatives à l'article de la loi qui traite des armes de poing qui sont à l'heure actuelle en la possession de particuliers et de vendeurs et de la disposition de ces armes à feu au 31 décembre 2002.

Le projet de loi traite également des cessions et de la méthode prévue par les textes législatifs pour céder la propriété des armes à feu au Canada. Il traite également de façon assez détaillée de l'importation et de l'exportation des armes à feu — une disposition importante qui vise à simplifier les processus permettant de veiller à ce que le transport d'armes légales d'un côté à l'autre de la frontière respecte les lois. En outre, il contient des dispositions qui donnent aux policiers des pouvoirs accrus en matière de contrebande d'armes à feu.

Le projet de loi traite aussi des demandes de permis, de leur délivrance, des certificats d'enregistrement et des autorisations. Il favorise la simplification des processus dans le but de réduire les coûts et de faciliter l'accès au système pour les propriétaires d'armes qui respectent la loi. Il traite également de questions concernant la durée de la validité des permis et des autorisations de sorte qu'à l'avenir, le renouvellement des permis se fasse plus rapidement et plus simplement et par conséquent, à un coût moindre pour le contribuable. Il traite également de questions concernant les avis de révocation qui portent sur la création du poste de commissaire aux armes à feu et de directeur au sein d'une nouvelle relation hiérarchique qui n'englobe pas le solliciteur général, ni la GRC.

Le projet de loi traite des exemptions accordées aux particuliers qui viennent au Canada pour des raisons officielles et qui, en vertu de leurs responsabilités, sont tenus de porter des armes à feu à autorisation restreinte. Le projet de loi C-10A contient des dispositions qui autorisent ces personnes à exercer leurs responsabilités.

Certains pouvoirs attribués aux contrôleurs des armes à feu sont délégués aux préposés aux armes à feu de façon à faciliter le déroulement des opérations et à en réduire le coût.

Voilà donc les grandes lignes du projet de loi C-10 que nous proposons. Je m'attends à ce que les questions portent principalement sur les diverses dispositions du projet de loi C-10 qui introduisent des modifications.

Le sénateur Baker: J'aimerais obtenir des réponses brèves, si cela est possible. Vous pourriez peut-être expliquer tout à l'heure quelles sont les dispositions qui doivent être en vigueur d'ici le 31 décembre parce que la plupart des choses dont vous avez parlé sont déjà en vigueur.

Quelles sont les parties de ce projet de loi qui doivent être adoptées avant le 31 décembre? Voilà une question intéressante mais je ne vais pas vous la poser.

Le sénateur Nolin: Vous devriez.

Le sénateur Baker: Non, il y a des choses plus importantes. Je crois savoir qu'il y a plus d'un million d'armes à feu qui ne sont pas encore enregistrées et que vous n'offrez pas la possibilité d'enregistrer ces armes parce que vous limitez le nombre des personnes qui répondent au téléphone à l'administration centrale. Pourriez-vous me répondre brièvement à ce sujet?

M. Webster: Je vais tenter de vous répondre brièvement.

Nous recevons, à l'heure actuelle, en moyenne 4 700 appels par jour à notre centre d'appels. La durée moyenne de l'attente est aujourd'hui de 18 minutes. Il y a 72 personnes qui répondent à nos téléphones, sept jours par semaine et 16 heures par jour.

Le sénateur Baker: À cette vitesse-là, tous ceux qui veulent vous rejoindre n'y parviendront pas.

M. Webster: Nous allons bientôt ajouter d'autres téléphones à notre système, et les gens pourront laisser des messages. S'ils souhaitent uniquement obtenir des formulaires, ils pourront laisser un message et quelqu'un se chargera de leur envoyer ces formulaires le plus rapidement possible.

Le sénateur Baker: Lorsque quelqu'un compose votre numéro, il s'entend répondre: «Désolé, en raison du très grand nombre d'appels, nous serons obligés de vous rappeler».

Je crois savoir que vous avez fait une enquête à la fin de l'été dernier et découvert qu'il y avait 1,4 ou 1,6 million d'armes qui n'avaient pas été enregistrées. Les Canadiens essaient d'enregistrer leurs armes avant la date limite du 31 décembre. Vous n'offrez pas un service d'appels téléphoniques 24 heures par jour. Je me demande pourquoi. Vous offrez quatre heures de service les fins de semaine, de midi à 16 heures ou quelque chose du genre. Est-ce bien exact?

Est-il possible qu'après le 31 décembre, près d'un million de Canadiens deviennent des criminels et risquent d'être emprisonnés si l'on découvre leur situation?

M. Webster: Je vais vous fournir les données réelles, d'après ce que nous savons. Il y a 2,1 millions de propriétaires d'armes à feu qui ont respecté leurs obligations et qui ont présenté des demandes de permis. Sur les 2,1 millions de personnes qui ont demandé un permis, nous en avons délivré près de 1,89 million. Les permis peuvent être refusés pour plusieurs raisons.

Près de 1,2 million de ces 1,89 million de personnes ont respecté leurs obligations et enregistré leurs armes. Nous avons reçu des demandes de tous ces Canadiens. La différence représente, comme vous l'avez mentionné, un peu moins d'un million, mais il y a encore des Canadiens qui n'ont pas présenté de demande. Nous avons constaté depuis quelques semaines une forte augmentation du nombre des demandes que nous recevons. Nous sommes en mesure de traiter les demandes à mesure qu'elles nous arrivent.

Je devrais mentionner aux sénateurs que nous avons également distribué ou envoyé des formulaires à toutes les personnes qui avaient obtenu un permis au Canada en utilisant ce processus. Tous les titulaires d'un permis ont reçu par courrier chez eux, entre l'automne dernier et le début du printemps, des documents les informant qu'ils avaient la possibilité d'enregistrer leurs armes à feu sans avoir à payer de frais, pendant une certaine période, de façon à faciliter l'enregistrement de ces armes, tout en prolongeant pour nous la période d'enregistrement, de façon à réduire les coûts.

Le sénateur Baker: Je suis au courant de cela. Tout le monde le sait. Cependant, êtes-vous en train d'affirmer que vous connaissez le nom de toutes les personnes qui possèdent des armes à feu qui ne sont pas encore enregistrées?

M. Webster: Toutes les personnes qui ont reçu nos envois par courrier, il y en a 1,8 million, en ont reçu un second à la fin de l'été lorsque nous nous sommes aperçus qu'elles n'avaient pas présenté de demande dans le délai qui leur était accordé pour pouvoir s'enregistrer gratuitement.

Le sénateur Baker: Connaissez-vous le nom de toutes les personnes qui possèdent des armes qui ne sont pas enregistrées? C'est la question que je vous pose.

M. Webster: Nous connaissons le nom des 1,8 million de personnes qui ont obtenu un permis. Il nous suffit de retracer les personnes qui n'ont pas répondu, et oui, nous pouvons le savoir.

Le sénateur Baker: Non, vous ne le savez pas. Votre enquête affirme que vous ne savez pas cela.

M. Webster: Si vous faites référence aux personnes qui n'ont pas encore obtenu de permis, je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Baker: C'est bien cela. À combien s'élève ce nombre d'après vous?

M. Webster: En se basant sur l'enquête à laquelle vous faites référence, j'utiliserais le chiffre de 2,1 millions de personnes au total. Nous avons déjà 1,2 million de personnes dans le système et nous avons constaté une forte augmentation du nombre des demandes d'enregistrement. Ces demandes arrivent en ce moment.

Le sénateur Baker: Ces demandes ont été reçues mais elles ne seront pas conformes à la législation, si elles ne sont pas traitées avant le 1er janvier 2003.

M. Webster: Cela est probablement vrai. Le gouvernement examine diverses solutions de façon à régler ce problème.

Le sénateur Baker: Quelles sont ces solutions? Vous avez là un comité du Sénat qui essaie de faire quelque chose que la Chambre des communes n'a pas fait. Nous sommes en train d'essayer de régler le grave problème qui vient du fait qu'il y aura le 1er janvier 2003 un million de Canadiens qui seront des criminels, d'après nos lois.

Vous avez mentionné que le gouvernement ou le ministre examine des solutions, pouvez-vous dire au comité brièvement quelles sont les mesures examinées et indiquer si cela sera fait?

M. Webster: Je ne peux pas vous parler des mesures qui sont en train d'être examinées, tant que le processus n'est pas achevé.

Le sénateur Baker: Vous dites que certaines solutions sont examinées?

M. Webster: Des solutions sont effectivement à l'étude. C'est tout ce que je peux vous dire tant que le ministre et le gouvernement n'auront pas pris de décision dans ce domaine.

Le sénateur Baker: Une dernière chose. Il est évident qu'il y a beaucoup de demandes en ce moment. La date butoir du 31 décembre arrive bientôt. Les gens ne veulent pas se retrouver en prison. Il est évident que vous êtes submergés par les demandes.

M. Webster: C'est exact.

Le sénateur Baker: Vous devez essayer de prolonger les heures où l'on peut vous appeler au téléphone. Ce serait inexcusable de ne pas le faire.

M. Webster: Comme je l'ai dit, nous avons 72 personnes qui travaillent 16 heures par jour, sept jour par semaine.

Le sénateur Baker: Seize heures par jour, ce n'est pas suffisant. Il faudrait travailler 24 heures par jour si on ne veut pas que toutes ces personnes deviennent des criminels.

Ma question suivante est posée au nom des gens qui habitent dans le Nord et dont la situation préoccupe les sénateurs Watt et Adams. Comment peut-on enregistrer une arme à feu si l'on ne possède pas de permis, ce qui veut dire qu'on est devenu un criminel le 1er janvier 2001? Tout d'un coup, il faut enregistrer les armes à feu avant le 31 décembre 2002. Ces gens ont suivi un cours sur la sécurité des armes à feu et la seule façon pour eux d'enregistrer leurs armes est de le faire par ordinateur.

Il est possible d'enregistrer une arme à feu par Internet en inscrivant des chiffres. Il faut fournir par Internet un numéro de permis. Ils n'en ont pas, ils ont une autorisation.

M. Webster: C'est exact.

Le sénateur Baker: Il faut huit chiffres. On ne peut mettre que six chiffres lorsqu'on habite au Nunavut ou à Terre- Neuve. Il n'y a que des nombres à six chiffres. Ils ne peuvent entrer huit chiffres, et ils ne peuvent demander leur permis d'arme à autorisation restreinte, si c'est bien le terme exact.

Ils ne peuvent enregistrer leurs armes. Ce sont pourtant les gens qui ont besoin de le faire. Ils composent ce numéro tous les jours depuis trois mois et on leur dit à chaque fois de rappeler plus tard parce que les lignes sont surchargées.

Ces gens sont respectueux des lois et ne veulent pas devenir des criminels le 31 décembre. Que peuvent-ils faire? Il y a des centaines de milliers de gens comme eux. Comment peuvent-ils enregistrer leurs armes?

Le sénateur Stratton: Aller en prison!

Le sénateur Baker: C'est une question grave. Que peuvent-ils faire? Ils ne peuvent enregistrer leurs armes par Internet parce qu'ils n'ont pas les huit chiffres du permis ou du permis de possession. Ils ne peuvent utiliser le téléphone. Lorsqu'ils téléphonent pour poser une question, ils n'arrivent pas à rejoindre quelqu'un qui leur réponde.

Ces personnes-là sont très inquiètes en ce moment. Il y a au Canada des centaines de milliers de personnes qui sont vraiment très inquiètes parce qu'elles ne savent pas comment elles vont pouvoir respecter les conditions fixées par la loi d'ici le 31 décembre.

Comment peut-on les rassurer et leur donner les moyens de respecter la loi en enregistrant leurs armes à feu avant le 31 décembre?

M. Webster: Si elles n'ont pas de permis, elles doivent en demander un. La loi est très claire sur ce point.

Le sénateur Baker: Ils ont suivi des cours pour obtenir un permis. Ils ont un permis temporaire qui est valable 90 jours pour les résidents du Nunavut ou du nord du Labrador.

Il y a des centaines de milliers de personnes qui se trouvent dans cette situation et elles vont devenir des criminels. Je vous demande comment empêcher cela. Comment peuvent-elles enregistrer leurs armes à feu? Allez-vous faire quelque chose pour qu'elles puissent enregistrer leurs armes? Elles essaient de le faire en ce moment, mais elles n'y arrivent pas.

M. Webster: Comme je l'ai mentionné, pour les personnes qui sont en possession d'une arme à feu le 31 décembre et qui n'ont pas respecté la loi en obtenant un permis de possession d'arme à feu, la loi est claire.

Le sénateur Baker: Comment pouvons-nous changer cela? Faut-il amender le projet de loi? Devons-nous amender cet article? C'est une question qui s'adresse à un avocat.

Mme Kathleen Roussel, avocate, Services juridiques, Centre canadien des armes à feu, ministère de la Justice: Il faudrait modifier certains articles du Code criminel qui ne figurent pas dans le projet de loi C-10. En fait, le comité ne pourrait pas faire cette modification.

Le sénateur Baker: Pourriez-vous lui demander de préciser cela? Elle vient d'affirmer que nous ne pouvons pas amender le projet de loi.

Le vice-président: Que voulez-vous dire?

Le sénateur Andreychuk: Ce n'est pas un amendement.

Le sénateur St. Germain: Ce n'est pas dans le projet de loi.

Le vice-président: Si cela est relié au projet de loi, alors le comité est saisi de la question.

Le sénateur Cools: Nous pouvons l'amender.

Mme Roussel: À mon avis, les dispositions du Code criminel concernant les infractions relatives à la possession d'armes à feu ne sont pas reliées à la substance du projet de loi C-10. Elles sont reliées au projet de loi C-68, la première Loi sur les armes à feu; par contre, le projet de loi C-10 ne contient aucune disposition qui soit directement reliée à cela.

Le vice-président: On peut faire n'importe quoi avec un amendement. C'est un bon départ.

Le sénateur Andreychuk: Je voudrais poursuivre le point qu'a abordé le sénateur Baker. Vous nous dites que l'on avait évalué à 1,2 million de personnes le nombre de celles qui n'ont pas de permis ou de certificat d'enregistrement?

M. Webster: Non. J'ai dit qu'il y avait 1,8 million de personnes qui avaient un permis et que, sur ce nombre, un peu plus de 1,2 million avaient maintenant présenté une demande d'enregistrement. Les autres doivent le faire entre aujourd'hui et la fin du mois de décembre. Nous recevons maintenant toutes les semaines de plus en plus de demandes d'enregistrement parce que les Canadiens essaient de respecter les exigences de la loi avant la fin de l'année.

Le sénateur Andreychuk: Combien cela représente-t-il de personnes?

M. Webster: Environ 600 000 personnes.

Le sénateur Andreychuk: J'essaie de comprendre quelles sont ces personnes qui doivent présenter des demandes d'enregistrement. Il y a celles qui n'ont pas de permis et qui essaient d'obtenir un permis et un certificat d'enregistrement. Ce groupe comprend 600 000 personnes.

Vous avez utilisé le terme de citoyens «respectueux des lois». Avez-vous une idée du nombre des personnes qui ont des armes à feu et qui n'ont pas obtenu soit le permis, soit le certificat d'enregistrement?

M. Webster: Malheureusement, tant que nous ne disposerons pas d'éléments dans ce domaine, celui des permis...

Le sénateur Andreychuk: Combien de personnes cela peut-il représenter?

M. Webster: Les chiffres que j'ai utilisés viennent d'une enquête qui a été effectuée par un organisme externe. Ce chiffre est en fait de 2,1 millions. Les auteurs de l'enquête avaient prévu des chiffres plus élevés, mais après avoir tenu compte de certains facteurs, le chiffre a été établi à 2,1 million. Nous avons attribué des permis à 1,8 million de ces personnes.

Au-delà de ces 2,1 millions de personnes, l'enquête évalue le nombre total à près de 2,3 millions de personnes. Pour revenir à la question du sénateur, si l'on se fie à l'enquête, il pourrait y avoir 200 000 personnes qui n'ont pas fait les démarches prévues par la loi.

Il existe un certain nombre d'explications rationnelles de cette situation. La première est qu'il y a des gens qui avaient des armes à feu avant l'entrée en vigueur de ces dispositions et qui ont décidé de se débarrasser de ces armes à feu, à cause de la lourdeur des processus mis en place. Il y a peut-être donc un certain nombre de personnes qui ont décidé de se débarrasser de leurs armes à feu à cette époque.

Il y a un autre groupe de personnes qui ont probablement décidé de refuser de participer à quoi que ce soit. C'est la raison qui a été mise de l'avant et nous utilisons le chiffre de 2,1 millions de personnes qui nous vient de l'enquête. Ces personnes n'ont pas de permis parce que, entre ce chiffre de 1,8 million et celui de 2,1 millions, il y a des personnes à qui l'ont a refusé de délivrer un permis et d'autres qui font encore l'objet d'une enquête. Avant de délivrer un permis, il faut procéder à une enquête approfondie et minutieuse.

C'était là l'objectif du projet de loi C-68; le but était de savoir avec certitude que les personnes qui obtenaient un permis de possession d'armes à feu et d'armes enregistrées avaient des connaissances de base sur le maniement des armes à feu et que ces personnes étaient en mesure de comprendre les responsabilités qui leur incombaient. Ces enquêtes prennent beaucoup de temps et il y a encore un certain nombre de demandes de permis qui en sont à la troisième étape de l'enquête. Il faut achever l'enquête de façon à pouvoir prendre, en toute connaissance de cause, la décision d'accorder ou de refuser un permis de possession d'armes à feu.

Nous parlons des 1,8 million de personnes qui ont obtenu un permis et plus de 1,2 million d'entre elles ont présenté une demande d'enregistrement. Nous recevons maintenant, toutes les semaines, un nombre considérable de demandes. Je m'attends à ce que leur nombre augmente encore à mesure qu'approche la fin du mois de décembre.

Le sénateur Andreychuk: Lorsque nous avons examiné le projet de loi C-68, nous avons parlé de permis et d'enregistrement. Nous avons tenu pour acquis que nous ne parlions pas des gens qui n'avaient aucune intention d'obtenir un permis ou un certificat d'enregistrement mais qui avaient des armes à feu.

M. Webster: C'est exact.

Le sénateur Andreychuk: Nous n'avons absolument aucune idée de ce que ce groupe représente.

M. Webster: Nous en avons une idée, ce sont les chiffres que je vous ai donnés tout à l'heure et qui viennent de l'enquête dont j'ai parlé.

Le sénateur Andreychuk: Je parle des gens qui refusent de respecter la loi mais qui sont des citoyens canadiens ou des résidents de notre pays et qui possèdent des armes à feu. Ils ne figurent pas du tout dans ces statistiques, est-ce bien cela?

M. Webster: Pas dans celles que je viens de vous communiquer. Nous avons commandé une enquête parce que l'on a cité toutes sortes de chiffres. Les organismes qui représentent les utilisateurs d'armes à feu ont leurs propres chiffres; il existe plusieurs évaluations du nombre des armes à feu qui sont en la possession des vendeurs ou des particuliers au Canada. Nous avons commandé cette enquête pour essayer d'obtenir les chiffres les plus exacts possible. Cette enquête a non seulement été effectuée par un organisme indépendant, mais les résultats ont également été confirmés par un organisme de défense de l'intérêt public qui a reconnu que la méthodologie utilisée permettait d'affirmer que l'évaluation du nombre des armes à feu était valide, à certains points de pourcentage près, ce qui est normal.

En fin de compte, cette loi n'est pas différente des autres. Si des gens décident de ne pas respecter la loi, c'est une décision personnelle. Mais pour ce qui est de la loi et des amendes prévues, il faut alors en subir les conséquences.

Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Baker parle des gens qui souhaitent respecter la loi. Nous n'avons aucun moyen de communiquer avec les personnes qui possèdent des armes à feu mais qui n'ont aucune intention de les enregistrer. Ce projet de loi n'offre aucune protection ou aucune garantie pour ces cas-là.

Le sénateur Stratton: Ce n'est peut-être pas une question appropriée parce que vous abordez les aspects juridiques ou procéduraux du projet de loi. Je m'intéresse principalement aux coûts. Puis-je vous adresser cette question ou devrais-je la poser au ministre?

M. Webster: Vous pouvez me la poser et nous verrons si vous l'avez posée à la personne appropriée.

Le sénateur Stratton: Permettez-moi de citer les témoignages qui ont été fournis hier devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. M. Richard J. Neville, Sous Contrôleur Général, Conseil du Trésor du Canada, Secrétariat, a comparu à plusieurs reprises devant ce comité. Le président du comité lui a demandé: «Est-il possible de vous demander si vous vous intéressez officiellement à l'augmentation des dépenses dans ce domaine?» M. Neville a répondu:

Sénateurs, c'est une question qui est justifiée. Du point de vue du Secrétariat du Conseil du Trésor, ce sujet nous préoccupe beaucoup.

Le sénateur Comeau a également assisté à cette réunion et a fait le total des coûts prévus jusqu'ici, en englobant l'année financière 2004-2005. Dans son résumé, le sénateur Comeau a déclaré: «Cela nous amènerait à près de 985 millions de dollars d'ici mars 2005, si je ne me suis pas trompé». M. Neville a répondu que cela était à peu près exact.

Est-ce à peu près exact?

M. Webster: Il me paraît que ces chiffres doivent certainement être exacts puisqu'ils sont fournis par un représentant du Conseil du Trésor.

Le sénateur Stratton: Pouvez-vous nous dire si ce chiffre est exact?

M. Webster: Je crois qu'ils ont fait des calculs. M. Neville a arrondi le chiffre à 688 millions de dollars, qui est le total cumulatif depuis 1995-1996. Je crois qu'il a également mentionné qu'on a ajouté pour cette année-ci — parce que cela ne comprend pas l'exercice financier actuel — un autre montant de 110 millions de dollars, je crois.

Le sénateur Nolin: Ce montant est de 113,5 millions de dollars.

M. Webster: Je pense qu'il a parlé de 110 millions de dollars. Il a fait le total de ces deux nombres et il a ensuite ajouté d'autres montants qui représentent les coûts exposés par d'autres ministères fédéraux. Je ne suis pas en mesure de parler des coûts correspondant aux autres ministères fédéraux. Il est au Conseil du Trésor. Il dispose d'éléments dont je n'ai pas encore eu connaissance.

J'essaie simplement de voir comment il en est arrivé à 810 millions de dollars. Il a ensuite ajouté à ce chiffre les prévisions qui viennent de notre propre budget ministériel, qui sont des documents publics, soit 95 millions pour l'année prochaine et 80 millions de dollars pour la dernière année.

Le sénateur Stratton: Vos chiffres sont de 95 millions de dollars pour l'année prochaine et de 80 millions de dollars pour l'exercice 2004-2005.

M. Webster: Le seul élément que je ne connais pas est le montant de 11 ou 12 millions de dollars qu'il cite à propos des autres ministères fédéraux.

Le sénateur Stratton: Lorsque vous parlez de 985 millions de dollars d'ici le mois de mars 2005, vous n'êtes pas sûr des montants supplémentaires concernant les autres ministères qu'il faudrait peut-être ajouter. Avez-vous tenu compte dans ces chiffres du coût des modifications au projet de loi C-68 ou au projet de loi C-10A?

M. Webster: Quels sont les coûts supplémentaires qu'entraînerait le projet de loi C-10? Il y en aurait dans le sens qu'il s'agit de l'année financière 2002-2003. Les coûts ont commencé à diminuer en 2001-2002 et ils diminuent encore cette année. Ils sont également en diminution, comme vous pouvez le constater, d'après les chiffres du budget principal des dépenses pour les deux prochaines années.

Le sénateur Stratton: Je veux faire ressortir le fait que le projet de loi entraînera des coûts supplémentaires parce qu'il faudra embaucher un commissaire et lui fournir des locaux.

M. Webster: Les coûts dont je parlais pour ces deux dernières années tenaient compte de ce fait.

Le sénateur Stratton: Ces chiffres sont donc inclus.

Je m'intéresse à cette question depuis le premier jour, celui où Allan Rock, qui était le ministre chargé de cette question à l'époque, a solennellement promis à cette Chambre que les coûts de cette opération seraient de 85 millions de dollars, moins les remboursements, ce qui ramènerait les coûts à 5 millions de dollars. Comme vous vous en souvenez, il a fait cette affirmation. Le reconnaissez-vous?

M. Webster: Je n'étais pas présent lorsqu'il a fait cette déclaration.

Le sénateur Cools: Nous l'avons entendu.

M. Webster: Je n'ai pas une connaissance directe de ces chiffres, mais je sais qu'en 1994 ou 1995, quand ces déclarations ont été faites, ce montant de 85 millions de dollars représentait à l'époque le coût de l'élaboration de la technologie qu'utiliserait le système mis en place. Cela ne comprenait certainement pas les coûts annuels qu'il faut prévoir chaque année pour la mise en oeuvre d'un programme.

Le sénateur Stratton: Cela devait venir des droits de permis. Il nous a garanti que cela ne coûterait pas plus de 5 millions de dollars. Nous en sommes aujourd'hui à 985 millions de dollars. Comment pouvons-nous croire que cela représente le montant définitif du coût du contrôle des armes à feu? Il est bien évident que le gouvernement n'a aucune crédibilité lorsqu'il s'agit d'évaluer le coût définitif de cette mesure législative.

Il est ridicule de penser que nous en sommes à 985 millions de dollars. Est-ce que cela comprend le coût de tous les autres intéressés impliqués financièrement? Est-ce que cela comprend les coûts assumés par les gouvernements provinciaux?

M. Webster: Oui.

Le sénateur Stratton: Cela comprend-il tous les gouvernements provinciaux?

M. Webster: Cela comprend les gouvernements provinciaux avec lesquels nous avons signé des ententes. Dans les autres provinces, nous mettons nous-mêmes en oeuvre le programme.

Le sénateur Stratton: Ces coûts sont donc compris dans cette somme.

M. Webster: Exact.

Le sénateur Stratton: Pensez-vous que les coûts ne dépasseront pas 985 millions de dollars?

M. Webster: Techniquement, cela n'est pas possible, parce qu'il y a les coûts de fonctionnement annuels tant qu'il existe une loi qui prévoit la mise en oeuvre d'un programme.

Le sénateur Stratton: Que représente ce coût?

M. Webster: Comme vous l'avez vous-même fait remarquer tout à l'heure pour ce qui est de la diminution des coûts qui vont passer à 80 millions de dollars en deux ans, ces coûts vont continuer à diminuer et tomberont à un niveau que je ne suis pas encore en mesure d'évaluer. On pourra calculer le coût moyen annuel de ce programme. Cela dépend de l'adoption du projet de loi C-10 et des règlements qui en découlent.

Lorsque tout cela sera fait, nous serons en mesure de mettre en oeuvre les mécanismes et les procédures qui permettront de réaliser pleinement les possibilités d'épargne qu'offre le projet de loi C-10. Tant que cela n'aura pas été fait, je ne pourrai vous dire quel sera le véritable coût annuel de ce programme.

Le sénateur Stratton: Y a-t-il quelqu'un qui puisse dire aux Canadiens que cela ne coûtera pas 50 millions de dollars, 100 millions ou 200 millions de dollars de plus?

M. Webster: Je dois mentionner que l'évolution des coûts s'explique principalement par les consultations approfondies qui ont été effectuées auprès des Canadiens en général, auprès des organismes représentant les utilisateurs d'armes, auprès de la Coalition pour le contrôle des armes à feu, des organismes policiers et beaucoup d'autres. Cela résulte également des nombreuses recommandations qu'a faites le comité de la Chambre au sujet du projet de loi C-68. Ces recommandations, qui ont pour la plupart d'entre elles été acceptées par le gouvernement, ont modifié la mise en oeuvre du programme. Cela a entraîné des coûts supplémentaires.

Une fois que le Sénat aura examiné ce projet, qu'il sera renvoyé à la Chambre des communes, et que nous aurons davantage d'expérience dans la mise en oeuvre de ce programme, je pense que nous allons continuer à veiller à ce que les coûts continuent de diminuer. Il serait à mon avis trompeur de fournir un chiffre au comité. Je vous invite à tenir compte du fait que les prévisions indiquent une forte diminution des coûts annuels futurs.

Le sénateur Stratton: Je regarde tout cela et je vois 985 millions de dollars. La dernière année de vos prévisions parlait de coûts de 80 millions de dollars pour 2004-2005. Je ne vois guère sur quoi je pourrais me baser pour penser que les coûts vont diminuer sensiblement par la suite.

M. Webster: Vous devriez trouver encourageant le fait que ces chiffres sont beaucoup plus faibles que n'étaient les coûts de fonctionnement annuels il y a trois ans.

Le sénateur Stratton: Vous n'allez certainement pas me convaincre de tout cela parce que les coûts sont exorbitants.

Le sénateur Sparrow: Nous n'avons pas tenu compte de la récupération des coûts.

Le sénateur Stratton: Oui, vous avez raison.

Est-ce que je peux vous poser des questions au sujet des statistiques concernant le nombre de personnes qui sont tuées par des armes à feu?

M. Webster: Là encore, je vais tout simplement vous inviter à me poser la question.

Le sénateur Stratton: Je vais laisser cet aspect pour la deuxième ronde de questions.

Le sénateur Bryden: Pourriez-vous nous indiquer brièvement, sans faire référence aux articles, quels sont les aspects du projet de loi qui sont particulièrement urgents?

Mme Roussel: Il y en a deux. L'un est majeur, l'autre mineur. Pour ce qui est du premier, avec le projet de loi C-10, la plupart des permis d'entreprise verront leur validité prolongée d'un an à trois ou cinq ans, selon le type d'entreprise. Le projet de loi C-10 contient une disposition qui vise à répartir le renouvellement de ces permis d'entreprise sur des périodes de trois et cinq ans. Cependant, le projet de loi ne prévoit cette possibilité que jusqu'au 1er janvier 2003. C'est là un aspect relativement mineur.

Il y a un aspect plus urgent qui touche les armes de poing prohibées que possèdent actuellement des personnes qui les ont acquises légalement entre le 14 février 1995, date du dépôt du projet de loi sur les armes à feu et le 1er décembre 1998, date d'entrée en vigueur de cette loi.

Le projet de loi C-10 contient des dispositions qui accordent des droits acquis à ces personnes pour ce qui est des armes de poing. Cette question est urgente parce que les certificats qu'elles possèdent actuellement ont été délivrés selon l'ancienne loi et expirent à la fin de l'année. Elles vont devoir réenregistrer ces armes de poing avant cette date.

Le sénateur Bryden: Cela touche combien de personnes?

Mme Roussel: Il y a environ 21 000 armes de poing, dont 18 000 font partie d'inventaires commerciaux et 3 100 qui appartiennent à des particuliers. Le nombre des particuliers est légèrement inférieur parce que certains possèdent plus d'une arme de poing. Il y a environ 3 000 particuliers et un certain nombre d'entreprises.

Le sénateur Bryden: Quel est le nombre des entreprises?

Mme Roussel: Je ne connais pas le nombre des entreprises.

Le sénateur Bryden: Elles en ont davantage.

Mme Roussel: Elles possèdent 18 000 armes de poing, et il y en a 3 100 entre les mains de particuliers.

Le sénateur Bryden: Vous pensez qu'il y a en moyenne 10...

Mme Roussel: Non, la plupart des gens ont une ou deux armes de poing. Cela concerne environ 2 500 à 3 000 personnes.

Le sénateur Bryden: Si nous ne réussissons pas à faire adopter ce projet de loi, qu'est-ce qui va arriver à ces gens? Si nous ne réussissons pas à faire adopter cette loi avant la date limite, parce qu'il y a d'autres mécanismes que les nôtres, le projet de loi doit en effet être renvoyé à la Chambre des communes.

Prenons le cas d'une personne qui a demandé que son arme soit enregistrée, disons une arme d'épaule, et qui n'a pas reçu son certificat d'enregistrement avant le 1er janvier, n'y a-t-il pas une disposition qui exonère cette personne et lui évite la prison, pour la raison qu'elle a présenté sa demande?

Mme Roussel: Je suis une ancienne avocate de la défense et je peux vous dire que cela serait un excellent moyen de défense en cas d'accusation. Cette personne serait en possession d'une arme à feu mais elle aurait fait tout ce qu'elle pouvait pour respecter la loi. Il serait très surprenant que l'on porte des accusations dans un tel cas.

Le Code criminel accorde au gouvernement des pouvoirs en matière d'amnistie et celui-ci pourrait les utiliser. Il est encore trop tôt pour vous dire si cela sera le cas. Nous serons peut-être en mesure de vous en dire davantage pendant la suite de vos délibérations.

Le sénateur Bryden: Si ces pouvoirs d'amnistie étaient exercés, pourraient-ils viser l'article relatif aux droits acquis, en cas de besoin?

Mme Roussel: Les armes de poing font à l'heure actuelle l'objet d'une amnistie. Les particuliers peuvent demeurer en possession de ces armes même si légalement ils n'ont pas le droit d'avoir un permis et de les enregistrer. Les dispositions relatives à l'amnistie ne peuvent attribuer des droits acquis. Il n'y en a pas dans la loi.

Le sénateur Bryden: Est-ce que je peux céder à quelqu'un d'autre mes droits acquis?

Mme Roussel: Il y a un article qui le permet. En fait, les «droits acquis» vous permettent d'être en possession d'un objet qui est prohibé pour la raison que vous l'avez acquis légalement, à un moment où il n'était pas prohibé.

Le sénateur Bryden: Si l'adoption du projet de loi, ou des dispositions qui traitent de cette question, est finalement retardée jusqu'au 15 mars 2003 au lieu du 15 décembre 2002, serait-il possible de décréter une amnistie qui couvrirait cette période, si on décidait d'avoir recours à une telle mesure?

Mme Roussel: Une amnistie autoriserait ces particuliers à demeurer en possession des armes à feu mais elle ne leur accorderait pas de droits acquis. Pour déclencher l'application de la clause du projet de loi C-10 qui traite des droits acquis, il faut avoir été titulaire d'un certificat d'enregistrement pour une de ces armes de poing entre le 1er décembre 1998 et aujourd'hui, sans aucune interruption. Si ces certificats expirent à la fin de l'année, leurs titulaires ne pourront jamais bénéficier des dispositions du projet de loi C-10 en matière de droits acquis parce qu'ils n'auront pas été titulaires d'un certificat sans interruption. C'est là que réside le problème de la limite du 31 décembre.

Le sénateur Bryden: Il faudrait qu'ils présentent une nouvelle demande de possession d'armes à feu.

Mme Roussel: Il faudrait soit modifier une nouvelle fois la Loi sur les armes à feu soit que ces personnes trouvent le moyen de disposer légalement de ces armes à feu parce qu'elles n'auraient plus le droit de les avoir en leur possession.

Le sénateur Bryden: Vous avez parlé d'une enquête qui a permis de déterminer le nombre des personnes qui ne figurent pas dans votre système. Il y a 600 000 personnes dans ce système qui n'ont pas demandé de certificat d'enregistrement. Vous savez qui elles sont parce que ces personnes ont déjà des permis. À la suite de cette enquête, j'ai calculé qu'il doit y avoir environ 200 000 personnes qui n'ont pas fait ces démarches.

A-t-on constaté au cours de l'enquête qu'il y avait un fort pourcentage des personnes appelées qui refusaient de répondre?

M. Webster: Comme je l'ai dit il y a un instant, sénateur, on fait des milliers d'appels téléphoniques pour ce genre d'enquête, c'est ce qui a été parfois fait ici. Il y a peut-être eu plusieurs milliers d'appels téléphoniques qui ont débouché sur un refus de participer à une enquête donnée.

Les chiffres que je vous ai cités proviennent des personnes qui ont effectivement participé à l'enquête dont je parle. La validité de la méthodologie et des résultats de l'enquête a été confirmée par des personnes indépendantes de l'organisation qui a effectué cette vérification. Elles ont confirmé que l'enquête avait été bien faite et respectait toutes les lignes directrices que l'on suit habituellement dans ce genre de situation.

Il y a beaucoup de gens qui ont refusé de répondre, mais cela arrive dans toutes les enquêtes. Les résultats viennent des réponses fournies par les personnes qui ont accepté de participer.

Le sénateur Bryden: Je connais bien les enquêtes et la question des personnes qui refusent de répondre ou qui disent ne pas savoir. Lorsqu'il y a 45 p. 100 de personnes qui ne sont pas décidées, ce n'est pas un bon signe.

M. Webster: Je ne savais pas qu'il y en avait 45 p. 100.

Le sénateur Bryden: Je pense que le chiffre est de 38 p. 100.

M. Webster: Je ne savais pas que c'était le cas.

Le sénateur Bryden: Je soupçonne que parmi les 38 p. 100 de personnes qui n'ont pas participé à l'enquête, il y en a un fort pourcentage qui n'avaient pas d'autorisation d'acquisition d'une arme à feu ou qui n'avaient pas suivi le cours. Si l'on ajoute ces personnes aux 200 000 dont nous savons qu'elles n'ont pas enregistré leurs armes, à cause de l'enquête, cela veut dire qu'il y a peut-être plus de 200 000 personnes qui refusent de répondre.

M. Webster: Je ne souhaite pas débattre avec vous de la question de la méthodologie. J'essaie de régler cette question en m'en remettant le plus possible au groupe qui l'a effectuée. On nous a assuré que malgré le fait que des personnes ont décidé de ne pas participer à l'enquête, la précision des résultats se situe dans la fourchette habituelle. Nous avons accepté les résultats de cette enquête en nous fondant sur cette garantie. On nous a confirmé que les résultats étaient crédibles et nous n'avons aucune raison d'en douter.

Le sénateur Bryden: Il arrive que le processus d'enregistrement soit très efficace. Lorsque j'ai enregistré mes armes, j'ai parfois reçu deux certificats d'enregistrement pour certaines armes.

Le sénateur Stratton: Attendez que je vous raconte mon histoire.

Le sénateur Cools: J'ai suivi les propos qu'ont échangés M. Webster et le sénateur Stratton et je tiens pour acquis que le témoin est très au courant du fait que le comité des finances nationales a soulevé la question du gonflement démesuré des coûts de cette initiative. Personne ne nous a fourni de réponse. Le ministre ne s'est jamais manifesté. Le ministère ne s'est jamais manifesté non plus. On assiste à un gonflement des coûts accompagné d'un silence assourdissant du côté du ministère.

Lorsqu'un gouvernement ou un organisme décide de faire quelque chose, il me semble que le résultat de cette action doit être mesuré à un moment donné. Pourriez-vous me dire si vous qualifiez de succès l'administration du projet de loi C-68? Pouvez-vous dire que c'est une mesure qui a permis de réaliser les objectifs tels qu'ils nous avaient été présentés au départ? Avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Webster: Jusqu'ici, il faut préciser que le volet permis du programme s'est achevé le 1er janvier 2001. Nous attendons encore l'achèvement du volet enregistrement du programme. Tant que les volets permis et enregistrement ne fonctionneront pas ensemble — ce qui a toujours été l'intention — et tant que nous n'aurons pas réussi à renforcer les relations avec les services policiers des différentes régions et tant que nous n'aurons pas pris un peu de recul après le 1er janvier 2003, il sera difficile de dire avec certitude quels sont les avantages découlant de ce programme.

Nous avons entendu les commentaires des policiers et vous allez entendre d'autres représentants ce soir aussi. Les chefs de police ont déclaré devant le comité de la Chambre des communes que la combinaison d'un système de permis et d'enregistrement était essentielle pour eux et jouerait un rôle très important dans l'exercice de leurs activités. Depuis le 1er décembre 1998, nous avons refusé ou révoqué 7 000 permis. C'est un nombre assez important parce que ces permis étaient détenus par des personnes qui n'ont plus aujourd'hui légalement accès à des armes à feu et qui n'ont plus le droit d'en porter.

Le sénateur Cools: Je ne pense pas que vous ayez bien saisi ce que je voulais dire par «mesurer les résultats et le succès de l'initiative». On vous a dit très clairement que la raison d'être du projet de loi C-68 — l'objectif de ce projet de loi — était de réduire les actes criminels et de protéger les femmes. C'étaient les objectifs qui ont été mentionnés au moment du dépôt du projet de loi. J'espère que quelqu'un est en mesure de nous indiquer si le nombre des actes criminels a diminué et si les femmes sont maintenant mieux protégées.

Je veux parler d'une façon scientifique de mesurer si cette initiative d'un milliard de dollars permet véritablement d'obtenir les résultats escomptés. Vous me répondez comme si le principal objectif de cette opération était de délivrer des permis et d'enregistrer des armes à feu, par plaisir. Ce n'était pas là l'objectif initial. On nous a dit qu'il fallait prendre cette mesure — qui imposerait à des millions de Canadiens le fardeau d'obtenir un permis et d'enregistrer leurs armes — pour protéger la population, et en particulier, les femmes. Je me souviens très bien de la situation qui existait en 1995. Je suis certaine que vous vous en souvenez également. Je n'ai jamais été convaincue par tous ces arguments, et je veux savoir dans quelle mesure la criminalité a été réduite.

Le sénateur Sparrow: Une analyse coût-bénéfice.

Le sénateur Cools: Je veux également savoir combien de femmes ont été protégées grâce à cette facture d'un milliard de dollars.

M. Webster: Toutes les dispositions ne sont pas encore en vigueur et il serait difficile de donner une évaluation complète de l'opération. J'ai entendu quelqu'un parler d'un indice coût-bénéfice. Il ne serait guère utile de procéder à une telle analyse.

Vous allez entendre plus tard ce soir un témoin, Mme Wendy Cukier, la présidente de la Coalition pour le contrôle des armes à feu. Nous collaborons étroitement avec cette coalition, tout comme avec les organismes favorables aux armes à feu. On peut trouver dans les rapports du recensement de l'année 2000, en partie du moins, les chiffres concernant la diminution de l'utilisation des armes à feu dans la perpétration des vols qualifiés, des disputes familiales, et cetera. Ces chiffres existent. Ce sont ceux qui suivent ces choses de près qui pourraient vous fournir la meilleure réponse. Cette coalition s'intéresse au sujet que vous avez soulevé.

Le sénateur Cools: Je ne suis guère satisfaite de votre réponse. Nous sommes des sénateurs et le gouvernement vient nous demander des milliards de dollars et nous votons des crédits. Nous essayons simplement de savoir ce que fait le gouvernement avec cet argent. Aucune association, aussi méritoire soit-elle, ne peut remplir ce rôle. Il me semble, monsieur Webster, que vous devriez modifier quelque peu votre point de vue.

M. Webster: Je me permets de vous rappeler que je suis un fonctionnaire et que je ne peux donc faire de commentaires, du point de vue du gouvernement, sur la question de savoir si cette politique donne de bons résultats. C'est au gouvernement d'en décider. Je ne peux que vous fournir les renseignements que je possède.

Le sénateur Cools: Je comprends cela.

M. Webster: J'essaie d'être franc avec vous lorsque je vous dis qu'à mon avis, il est prématuré de vouloir procéder à une telle évaluation, compte tenu des renseignements dont nous disposons. Je vous ai suggéré de vous adresser à un autre témoin qui pourra peut-être vous fournir des lumières sur cette question, à cause du travail qu'effectue son organisme. Cela devrait être utile.

Le sénateur Cools: Je pensais aux études et aux analyses que votre ministère pourrait présenter. J'espère que ces décisions reposent sur des bases scientifiques et non sur de simples hypothèses.

M. Webster: Du point de vue, officiel, du ministère, j'aimerais savoir que les dispositions sont entrées en vigueur et disposer d'éléments précisant l'effet de cette entrée en vigueur avant de pouvoir faire des commentaires sur le fonctionnement du programme et la réalisation des objectifs fixés au départ.

Le sénateur Cools: Par exemple, dans le projet de loi C-10A, l'article 15, modifiant les articles 17 et 18 de la Loi sur les armes à feu, énonce:

Sous réserve des articles 19 et 20, une arme à feu prohibée ou une arme à feu à autorisation restreinte enregistrée au nom d'un particulier ne peut être gardée que dans la maison d'habitation notée au Registre canadien des armes à feu ou en tout lieu autorisé par le contrôleur des armes à feu.

Par conséquent, cela veut dire que si quelqu'un veut prêter une arme à feu à quelqu'un, cette arme à feu doit être entreposée dans la maison d'habitation du prêteur dont l'adresse a été enregistrée. Je pense que c'est ce que cela veut dire.

Mme Roussel: L'article 17 traite uniquement des armes à feu prohibées et à autorisation restreinte, pas des armes d'épaule habituelles. Le fait est que la personne qui a enregistré une de ces armes à feu est tenue de la conserver chez elle, à moins qu'elle ne soit autorisée à agir différemment en vertu d'une autorisation de transport ou d'une autorisation émanant du contrôleur des armes à feu. Si cette personne veut prêter cette arme à feu, il faut d'abord que l'emprunteur obtienne l'autorisation de conserver cette arme chez lui.

Le sénateur Cools: Vous pensez vraiment que ce genre d'article permet de lutter contre la criminalité, en particulier lorsque l'on sait qu'elle s'applique à des armes anciennes, à des antiquités? À mon avis, ce genre d'article ne fait rien pour réduire la criminalité au centre-ville de Toronto. Ces dispositions s'appliquent uniquement aux propriétaires légitimes d'armes à feu. Ce projet de loi et le projet de loi C-68 contiennent toute une série d'articles qui ne font rien pour réduire la criminalité mais qui imposent un fardeau très lourd aux citoyens ordinaires.

M. Webster: Là encore, c'est peut-être une question qu'il serait souhaitable de poser à des représentants de la police. C'est comme pour tout, il faut savoir de quoi il s'agit. Si on n'a pas la moindre idée du nombre et du genre d'armes à feu qui existent au Canada, il est difficile de faire quoi que ce soit. On a dit — avec raison — que les criminels n'enregistraient pas leurs armes. Pour pouvoir faire leurs enquêtes, les policiers ont besoin de pouvoir retracer les armes, de savoir qui en sont légalement les propriétaires lorsqu'ils les trouvent, par exemple, sur les lieux d'un crime. Les policiers ont besoin de savoir quelles sont les personnes qui possèdent légalement des armes à feu.

Lorsqu'une arme a été volée, le projet de loi autorise les policiers à faire une enquête selon un processus qu'ils ne pouvaient utiliser auparavant. Lorsque les policiers arrivent sur les lieux d'un crime, et là encore, je ne veux pas parler au nom des représentants des services de police, ils vont pouvoir éventuellement s'appuyer sur des bases de données concernant la possession des armes à feu de sorte que, lorsqu'ils sont appelés à se rendre sur les lieux à la suite d'un appel, ils auront une idée de ce qui peut se trouver là.

Les activités criminelles ne sont pas toujours exercées devant quelqu'un. Cela peut commencer comme une activité toute innocente, un citoyen ordinaire qui obtient un permis et qui achète ensuite une arme qui se retrouve très rapidement entre les mains de personnes qui ne devraient pas l'avoir.

Le sénateur Cools: On m'informe que l'administration du projet de loi C-68 a entraîné la prise de 30 à 50 décrets en conseil. Est-ce exact? Qu'a-t-on autorisé avec ces décrets en conseil?

M. Webster: Je ne le sais pas.

Mme Roussel: Bien évidemment, il existe plusieurs règlements d'application de la Loi sur les armes à feu. Il y a également des règlements pris aux termes de la partie III du Code criminel. Certains de ces règlements ont été modifiés, comme par exemple, le règlement sur les armes à feu des agents publics. L'entrée en vigueur de certains articles a dû être reportée et chaque fois, il a fallu modifier le règlement. Il n'y a pas eu beaucoup de décrets en conseil, à part celui pour l'amnistie. La plupart des pouvoirs attribués par la partie III du Code criminel et la Loi sur les armes à feu sont de nature réglementaire, par opposition aux ordres en conseil qui ne font pas l'objet d'un contrôle.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, je pense qu'il serait utile d'en savoir davantage au sujet de l'utilisation qui a été faite de ces décrets en conseil. Nous pourrions peut-être les communiquer aux membres du comité. Cela serait très utile. Les décrets en conseil sont des instruments très efficaces.

Le vice-président: Cela ne concerne pas la question qui nous est soumise.

Mme Roussel: Je ne m'y oppose pas. Tout ce qui est règlement est public, évidement. La seule question que je me pose est la mention d'un chiffre se situant entre 30 et 50. Je ne sais pas très bien de quoi il s'agit. Je ne sais pas très bien quels sont les documents que l'on me demande de produire.

Nous pouvons certainement vous communiquer les modifications qui ont été apportées aux règlements d'application de la Loi sur les armes à feu, les décrets d'amnistie et les règlements du Code criminel. Je ne suis pas sûre de pouvoir vous remettre tout cela avant demain matin parce qu'il y a des dossiers qui ont été archivés parce qu'ils concernent des règlements de nature procédurale.

Le sénateur Cools: Je crois que la plupart de ces décrets en conseil ont été pris après le mois de mars 1998. Ils ne devraient pas être très loin.

Mme Roussel: Il doit s'agir des règlements d'application de la Loi sur les armes à feu, qui sont facilement accessibles.

Le sénateur Cools: Je pense que le comité devrait les examiner.

Le vice-président: Avez-vous terminé, sénateur Cools?

Le sénateur Cools: Oui, mais inscrivez-moi pour la deuxième ronde.

Le sénateur St. Germain: Merci d'être venus, monsieur Webster et madame Roussel. Comme l'a dit le sénateur Bryden, j'ai deux permis pour une arme. Cela est ridicule. Lorsque j'ai demandé un permis de possession et d'acquisition, pourquoi ne m'a-t-on pas demandé si j'étais propriétaire d'une arme à usage restreint ou si j'en achetais une? Et pourtant, vous m'avez envoyé une lettre en juillet disant, si j'ai bien compris la lettre, que je devais m'acheter une arme à usage restreint pour conserver mon permis de possession et d'acquisition. Si j'avais été titulaire d'un permis de possession, j'aurais dû avoir une arme à feu.

L'ancien ministre Allan Rock, et Wendy Cukier aussi, ont toujours dit que ce serait comme pour le permis de conduire. Si j'ai un permis de conduire, je ne suis pas obligé de conduire pour la simple raison que je possède un permis de conduire. Si je veux un permis de la catégorie «A» pour conduire une semi-remorque, je ne suis pas obligé de conduire une semi-remorque pour obtenir ce permis. Pourquoi donc faut-il être propriétaire d'une arme pour pouvoir l'enregistrer? Pourquoi ne peut-on pas simplement demander un permis? J'en ai demandé un. On m'a dit que je devais obtenir un permis parce que je possédais des armes à feu. Voilà ma première question.

Pour ce qui est d'enregistrer ces armes à feu, j'ai appelé le centre et on m'a dit qu'il fallait que j'attende une soixantaine de minutes pour obtenir une réponse avec le numéro de téléphone qui figure en bas ici. Comme le sénateur Baker l'a fait remarquer, cela est tout à fait ridicule. Cela dépasse les bornes. Si l'on veut parler d'un gouvernement qui dépasse les bornes et qui fait des choses tout à fait ridicules, je crois que le fait d'avoir à attendre 60 minutes pour parler à quelqu'un au téléphone est suffisamment éloquent. Vous avez déclaré au sénateur Baker que vous étiez satisfait du nombre de personnes qui répondent au téléphone. Il se trouve que j'ai mon permis. J'ai reçu le permis de possession et d'acquisition. Ceux qui n'en ont pas vont tous devenir des criminels et c'est aussi un désastre financier. Je ne pense pas que vous puissiez le nier. Le sénateur Stratton a déclaré que vous aviez parlé d'un chiffre de 85 millions de dollars. Je me suis intéressé de près à cette question depuis le début. Nous en sommes maintenant à 985 millions de dollars.

Savez-vous combien je dois enregistrer d'armes à feu?

M. Webster: En ce moment?

Le sénateur St. Germain: Oui. Savez-vous combien d'armes je dois enregistrer?

M. Webster: Non, je ne le sais pas.

Le sénateur St. Germain: Cela veut dire que vous ne savez pas combien d'armes à feu vous allez devoir enregistrer d'ici la fin de l'année. Vous ne savez pas non plus combien en a mon fils.

M. Webster: Non. C'est la raison pour laquelle nous procédons à l'enregistrement des armes, pour en connaître le nombre.

Le sénateur St. Germain: Vous le savez donc. Mais comment allez-vous faire pour traiter tout cela?

M. Webster: Je ne le sais pas pour le moment, mais je le saurai grâce à l'enregistrement.

Le sénateur St. Germain: Vous avez dit à ces personnes que vous avez fait certaines prévisions financières. Vous ne savez même pas ce que vous avez à faire. Comment pouvez-vous être ici et dire au comité sénatorial, ou à qui que ce soit, toutes ces choses? À mon avis, Wendy Cukier fait du lobbying pour Allan Rock. Ce qu'elle va nous dire, d'après vous, est peut-être aussi déformé que ce que nous aimerions faire nous-mêmes mais dans l'autre sens.

Un fait demeure: Comment pouvez-vous en toute honnêteté nous dire quels seront ces coûts en vous basant sur ces éléments?

M. Webster: Cela serait utile, parce que cela m'aidera à me souvenir de ce que je dois dire.

Premièrement, non, je ne peux pas vous dire combien vous possédez d'armes à feu. C'est la raison pour laquelle nous avons mis sur pied un programme d'enregistrement des armes. Je ne serai jamais en mesure de dire qu'une personne donnée possède dix armes et n'en a enregistré que cinq. Je ne pourrai jamais affirmer ce genre de chose, à moins qu'il se passe quelque chose et que l'on apprenne que cette personne n'a pas enregistré toutes ses armes.

En fait, tant que le programme d'enregistrement n'aura pas été mené à bien, nous ne le saurons pas. C'est la raison pour laquelle le gouvernement est allé de l'avant avec le projet de loi C-68. Au départ, personne ne savait ce qui se passait au Canada. Il y a eu des événements assez horribles que se sont produits qui ont amené le gouvernement à présenter ce projet de loi.

La loi et les règlements qui ont suivi vont pour l'essentiel dans le même sens. Pour répondre à votre question sur la raison pour laquelle il faut avoir une arme pour obtenir un permis, je dirais que c'est exactement pour cette raison. Il faut comprendre la situation. Le gouvernement a décidé à l'époque qu'il fallait mieux connaître la situation pour ce qui est de la répartition des armes au Canada. Le gouvernement a décidé de mettre sur pied le système dans lequel vous vous trouvez parce que vous êtes propriétaire d'une arme à feu. Vous avez un permis parce que vous avez des armes. Cela est différent. Cela est complètement différent.

Le sénateur St. Germain: On nous avait dit que ce serait comme pour un permis de conduire. Est-ce qu'on nous a menti?

M. Webster: Je ne peux pas faire de commentaires là-dessus.

Le sénateur St. Germain: Vous vous souvenez de ça, j'en suis sûr.

M. Webster: Là encore, vous faites référence à une époque où je n'étais pas en mesure de savoir avec précision ce que disaient certaines personnes.

L'idée essentielle est qu'on ne pourra profiter pleinement du système de permis et d'enregistrement qu'une fois qu'on aura intégrer ces deux éléments principaux: fournir aux services de police des renseignements et mieux savoir où se trouvent les armes à feu au Canada. Selon l'esprit du projet de loi C-68, il faut avoir un permis pour avoir une arme et il faut une arme pour avoir un permis. Il ne servirait pas à grand-chose de délivrer des permis d'arme à feu à des gens qui n'ont pas d'armes. Cela n'aiderait pas beaucoup les services de police de savoir qu'une personne a un permis d'arme à feu sans savoir si cette personne possède effectivement des armes.

Le sénateur St. Germain: Je ne vois pas la difficulté. Il y a des gens qui ont un permis de conduire et qui ne conduisent pas, c'est la même chose.

M. Webster: C'est différent dans la mesure où une voiture n'est pas une arme à feu.

Le sénateur St. Germain: Non, c'est plus dangereux. Elle tue davantage de gens.

M. Webster: De quoi parlez-vous?

Le sénateur St. Germain: Des voitures.

M. Webster: Je ne vais pas entrer dans une discussion avec vous à ce sujet. J'essaie de répondre à vos questions conformément à l'esprit de cette loi.

Le sénateur St. Germain: Je viens de la Colombie-Britannique, de St. Boniface au départ. Il y en ce moment en Colombie-Britannique un endroit où se commettent beaucoup de meurtres. Cela touche beaucoup de nos jeunes femmes qui vivent dans le quartier est de Vancouver. Pour certains d'entre nous, la somme de 900 millions de dollars que nous pensons dépenser d'ici 2005 pour l'enregistrement des armes à feu est un gaspillage. Aucune de ces femmes n'a été tuée par une arme à feu.

Je suis tout à fait convaincu que ces femmes sont mortes pour la seule raison que les services de police n'ont pas les moyens d'assurer la continuité des enquêtes. J'ai été policier pendant cinq ans. Je sais ce dont je parle. Je pense que c'est un énorme bluff. Je ne pense pas que vous vouliez faire des commentaires là-dessus, mais ne vous gênez pas.

M. Webster: Je ne pense pas que je vais le faire.

Le sénateur St. Germain: Cette situation découle d'un mauvais usage des fonds publics. Je pense que c'est le plus beau travail d'amateur qu'on ait jamais vu ici.

Je prédis que vos coûts seront beaucoup plus élevés que le montant qui a été mentionné parce que vous ne savez pas combien il y a d'armes à feu. Ce n'est que dans un mois que les demandes vont arriver. Il semble même que les armes qui ont déjà été enregistrées doivent l'être à nouveau, est-ce bien exact?

M. Webster: Les armes qui ont été enregistrées selon l'ancien règlement sur les armes à usage restreint?

Le sénateur St. Germain: Non. C'est un certificat pour un fusil que j'ai acheté pour la chasse et cela est un fusil commémoratif pour les cent ans de la GRC. Est-ce qu'il faut les enregistrer à nouveau?

Mme Roussel: Seules les armes prohibées et à usage restreint qui ont été enregistrées selon les anciennes dispositions doivent être enregistrées à nouveau. Cela ne s'applique pas à tout ce qui a été acquis depuis le 1er décembre 1998. Pour ce qui est des deux certificats que vous possédez, il n'est pas nécessaire d'enregistrer ces armes à nouveau.

Le sénateur St. Germain: J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le sénateur Baker. Il a très bien vu le problème. Cet homme sait de quoi il parle. S'il y a un sénateur qui réfléchit, et je n'aime pas beaucoup faire des compliments à un libéral, c'est bien lui.

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Le sénateur Nolin: Mes questions concernent l'article 97 et tout ce qui touche le programme de dispense. Dans la loi actuelle, un ministre provincial peut accorder des dispenses, et le paragraphe 1 de l'article 97 énumère l'étendue de ce pouvoir. Ceux qui ont entre les mains le projet de loi C-10 original peuvent se référer à l'article 52. Je me réfère à l'article 51 pour ceux qui ont la copie de travail du projet de loi C-10A.

Au paragraphe 1, vous nous demandez de modifier le régime de l'article 97 et d'accorder au gouverneur en conseil un pouvoir de dispense pour toute catégorie de non résidant. Au paragraphe 2, vous nous demandez d'accorder au ministre fédéral de la Justice le pouvoir de dispense tout non résidant de l'application de la loi.

Pourriez-vous expliquer comment, de façon concrète, vous envisagez le fonctionnement de cette nouvelle procédure de dispense qui, dans un cas, est accordée au gouverneur en conseil, dans l'autre au ministre de la Justice, et dans les deux cas s'applique à des non résidants?

Mme Roussel: Tout d'abord, l'article 97 de la Loi sur les armes à feu a déjà été modifiée par la voie du projet de loi C-36, et ce qui est devant vous a été adopté par l'entremise du même projet de loi. Les dispositions du projet de loi C-36 sont en vigueur depuis décembre dernier. À ce jour, aucune dispense n'a été accordée, ni par le gouverneur en conseil ni par le ministre de la Justice.

Le but premier, lorsque cela a été proposé dans le projet de loi C-15, était d'accorder des dispenses si nécessaire, surtout dans des cas d'impossibilité de se conformer aux dispositions de la Loi sur les armes à feu en matière d'importation pour les non résidants.

Par exemple, certains agents de la paix américains doivent passer par une partie du Canada pour se rendre à leur lieu de travail. Il existe deux endroits, soit Point Roberts en Colombie-Britannique et Northwest Angle au Manitoba, où il n'existe aucune façon de se rendre au travail sans passer par le Canada. C'est pour cette raison que les dispenses avaient été proposées.

Le ministre pourrait, par décret, accorder une dispense à un non résidant particulier. Par exemple, s'il y avait des Olympiques au Canada et qu'un pays participant voulait participer aux compétitions avec une arme prohibée sur le territoire canadien, il n'existerait aucun moyen, en vertu des dispositions normales de la Loi sur les armes à feu, d'importer cette arme.

C'est un décret qui devrait également être approuvé par le gouverneur en conseil. Il y a eu ajout de ces dispositions au projet de loi C-36 pour s'occuper des gendarmes de l'air, mais aucune dispense n'a encore été accordée.

Le sénateur Nolin: J'attire votre attention sur deux segments de phrase qui semblent vouloir dire la même chose, mais qui ne sont pas écrits de la même façon. Au paragraphe 1 de l'article 97, on y lit:

[...] peut dispenser toute catégorie de non résidant.

Au deuxième paragraphe, on peut lire:

Tout peut dispenser tout non résidant.

On constate la différence dans le mot «catégorie» et j'aimerais savoir à quoi on fait référence.

Mme Roussel: À titre d'exemple, dans le cas des gendarmes de l'air américains, on parle de plusieurs milliers d'employés. Si on accordait une dispense, on le ferait par catégorie, en décrivant les employés gendarmes de l'air d'une administration particulière plutôt que de nommer un à un les 3 000 gendarmes de l'air qui pourraient venir au Canada.

Le ministre peut accorder une dispense à un individu en particulier. Par exemple, dans le cas du sénateur Nolin, s'il était non résidant, on lirait «Le sénateur Nolin, non résidant» par opposition à «tous les sénateurs qui siègent au Comité permanent des affaires légales et constitutionnelles».

Le sénateur Nolin: D'où l'utilisation du mot «catégorie»?

Mme Roussel: Oui.

Le sénateur Nolin: Si on fait référence à un groupe d'individus sans les nommer, c'est un décret du gouverneur en conseil et on se réfère au paragraphe 1?

Mme Roussel: Oui.

Le sénateur Nolin: Et s'il s'agit d'un individu?

Mme Roussel: On se sert du paragraphe 2.

Vous êtes familiers avec l'article 117l)(i) de la Loi sur les armes à feu concernant le pouvoir réglementaire qui permet de régir à peu près tout sur les armes à feu. On y énumère les personnes qui sont principalement des gens qui font respecter la loi en commençant par les agents de la paix, les officiers de douane, et cetera.

N'y aurait-il pas lieu de donner plus de précision dans votre demande d'amendement à l'article 97? Mon objectif est de circonscrire le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre. Personnellement, j'ai beaucoup de réticence à accorder un pouvoir discrétionnaire, à moins qu'on précise dans quel cadre et pour quels motifs on l'accorde.

Vous nous avez donné des exemples fort à propos qui militent en faveur de donner au ministre ou au gouverneur en conseil le pouvoir d'accorder des dispenses. N'y aurait-il pas eu lieu d'inclure dans le projet de loi encore plus d'éléments qui circonscriraient les motifs? Je pense entre autres à la période de temps. Le ministre provincial peut accorder une dispense pour un an alors que le ministre fédéral n'a pas de limite de temps. Pourquoi ne pas avoir introduit cette notion de temps?

Mme Roussel: Au contraire, le ministre fédéral peut accorder une dispense pour un an. Si vous lisez la fin de l'article 97(2), il s'agit d'une période maximale d'un an.

Le sénateur Nolin: Pourquoi ne pas le faire pour une plus grande catégorie de non-résidents?

Mme Roussel: Quand on parle de la catégorie, il faut que ce soit spécifié dans le décret. Quand on a conçu l'idée des dispenses — et j'étais autour de la table — c'était vraiment pour régler le problème géographique des agents de la paix américains. Il est évident qu'à long terme, ils auront une dispense. Si le gouverneur en conseil peut accorder une dispense, il peut aussi la révoquer, s'il y a lieu.

Le sénateur Nolin: Quels mécanismes de contrôle allez-vous mettre en place pour vous assurer que les bénéficiaires d'une dispense vont respecter les conditions de la dispense et le cadre dans lequel elle sera utilisée?

Mme Roussel: Il faut s'assurer que ceux qui bénéficient d'une dispense le font selon les modalités. Par exemple, si on retourne à l'exemple des policiers des airs, ces gens doivent avoir un certain rapport avec Transport Canada. Il serait possible d'inclure dans la dispense des conditions qui les obligeraient à faire certains rapports à Transport Canada de façon régulière. Quand on parle des agents de la paix américains, cela pourrait être certains rapports faits à la GRC ou à une agence policière de la juridiction où ils doivent traverser. Il y a, au paragraphe (5), la possibilité de mettre des conditions. C'est très important parce que si on parle d'un agent de la paix américain, il n'a pas besoin de son arme à feu au Canada. Il y a donc des conditions évidentes qui imposent que les armes à feu doivent être verrouillées dans le capot de la voiture et non accessibles lorsqu'ils traversent le Canada.

Le vice-président: Les policiers des airs, est-ce que ce sont...

Mme Roussel: En anglais, on les appelle «air marshalls».

[Translation]

Le sénateur Watt: Monsieur Webster, je vous souhaite la bienvenue. Nous nous rencontrons finalement dans une circonstance plus officielle. Je vais m'efforcer de m'en tenir aux aspects pratiques qui me concernent, en particulier à cause de la date limite d'enregistrement qui a été fixée pour tous les fusils.

Si je me souviens bien, vous avez dit à un des sénateurs qu'il fallait obtenir un permis d'acquisition d'arme à feu avant de pouvoir enregistrer son fusil. Je comprends cela.

Il y a un certain nombre de gens, je ne peux pas vous dire exactement combien il y en a, mais je leur parle tous les jours, dans ma communauté et dans les communautés adjacentes au Nunavik qui ont eu des problèmes. Voici ce qui s'est passé, des citoyens respectueux des lois ont présenté des demandes, non pas une seule, mais plusieurs, dans certains cas trois, et on versé plusieurs fois les droits. J'étais une des personnes qui a suivi le cours ainsi que d'autres qui attendaient leur permis, mais j'ai obtenu mon permis. Ils ont également réussi le cours. Les formulaires ont ensuite été envoyés au bureau d'enregistrement. Dans ce cas-ci, ils sont envoyés à un préposé aux armes à feu au Québec. Il était plus facile pour nous de procéder ainsi.

Je ne voulais pas attendre et être traité comme les autres, alors j'ai commencé à exercer des pressions sur notre préposé aux armes à feu. J'ai tout de suite obtenu une réponse. J'essaie de faire la même chose pour les autres. Il n'y a pas de réponse. Dans certains cas, ces demandes ont été perdues, d'après ce qu'on me dit. Ils ne savent pas où elles sont. Comment allez-vous savoir si ces demandes ont été vraiment perdues et si ces personnes en ont effectivement présenté?

Le fait qu'on ne retrouve pas ces demandes. Je sais personnellement que certaines ont été envoyées mais on attend toujours une réponse. La date limite arrive vite.

Que faire dans cette situation? Ils ont essayé de respecter les lois et ont suivi le processus. La date limite approche, ils ont présenté une demande, ils ont essayé de verser les droits, mais ils n'ont pas obtenu de réponse.

Permettez-moi d'aborder une autre question. Cela n'est pas facile pour un Inuit, en particulier s'il est âgé, unilingue, s'il ne communique que dans sa langue maternelle. Le préposé aux armes à feu du Nunavuk a été renvoyé. Ils sont en train d'embaucher quelqu'un d'autre qu'il faudra former. Ce n'est que plus tard qu'il pourra aider les gens à remplir les formulaires et à répondre aux questions. Il y a le fait que la date limite approche. Cela est un problème.

Pouvez-vous aborder ces sujets? J'aurais ensuite d'autres questions à vous poser lorsque vous m'aurez fourni ces réponses. C'est un problème grave.

M. Webster: Pour ce qui est des demandes qui ont été perdues, personne ne nous a signalé que des demandes avaient en fait été perdues. Nous avons demandé à tous les députés, sénateurs ou autres personnes qui représentent des électeurs de bien vouloir nous signaler les irrégularités dont ils pourraient avoir connaissance et que nous agirions immédiatement. Il faut nous signaler les cas des personnes qui affirment avoir présenté une demande qui a été perdue.

Le sénateur Watt: Vous avez fait tout votre possible pour répondre aux besoins de ces personnes.

M. Webster: Pour ce qui est de l'explication générale que vous demandez, je vous dirai que nous avons cherché avec le règlement d'adaptation pour les Autochtones à créer des possibilités pour accorder un soutien aux collectivités autochtones dans des domaines comme la langue. C'est parfois une question d'isolement ou c'est le rôle que les anciens jouent dans le processus décisionnel au sein de leur propre collectivité. Ce règlement d'adaptation a été pris initialement pour s'assurer que les besoins spéciaux seraient pris en compte, lorsque cela était approprié.

Cela a donné naissance à un programme important d'aide aux collectivités autochtones qui avaient besoin d'aide à cause de difficultés linguistiques, de l'isolement ou de questions culturelles. Nous nous sommes rendus dans un grand nombre de collectivités, et avons commencé par une campagne de délivrance de permis qui a été prolongée par une campagne d'enregistrement des armes, de façon à donner aux Autochtones canadiens vivant dans ces régions la possibilité de respecter la loi.

Nous avons travaillé avec des organismes de Métis et avec l'Assemblée des premières nations. Nous avons également travaillé avec les groupes que représente le sénateur pour essayer de tenir compte de leurs préoccupations et de leurs intérêts, lorsque cela était possible.

Nous avons toujours été obligés, et nous le sommes encore, de travailler avec la loi telle qu'elle existe. Nous avons tenté d'en arriver à une certaine compréhension en vue de faciliter le plus possible l'attribution de permis et l'enregistrement dans les collectivités autochtones grâce à des ententes qui respectent l'effet général de la loi, aspects auxquels vous avez fait allusion tout à l'heure lorsque vous avez dit que vous étiez heureux de me rencontrer à nouveau.

Les bureaucrates et les fonctionnaires ne font que mettre en oeuvre les lois et ils ne sont pas en mesure d'en écarter l'application, si ce n'est en fournissant tous les services que nous pouvons aux Canadiens, dans ce cas particulier, aux Autochtones canadiens. Nous travaillons en ce moment, comme nous le faisons depuis un certain temps, avec l'APN pour examiner la possibilité d'embaucher des Autochtones venant de ces collectivités qui seraient beaucoup mieux placés pour travailler en collaboration avec les Autochtones canadiens qui essaient de respecter la loi.

Évidemment, tout n'est pas parfait, et il y a encore des problèmes à régler, mais les deux côtés ont déployé des efforts importants pour en arriver à une meilleure entente en vue de veiller à ce que les intérêts de tous soient protégés.

Le sénateur Watt: Monsieur Webster, chaque fois que je viens à Ottawa et que je parle à une personne qui représente les autorités, comme vous, par exemple, j'entends toujours la même chose. En pratique, de quoi parlez-vous? Avez- vous vraiment vu de vos propres yeux les choses qui ont été mises en place pour aider les gens? Moi, je n'ai rien vu.

M. Webster: Parlez-vous du Nunavut en particulier?

Le sénateur Watt: Vous faites semblant d'agir. Chaque fois que je viens à Ottawa et que je parle à des gens qui sont chargés de la question des armes à feu, ils disent tous exactement la même chose: «Tout est prévu, tout est là». Ce n'est pas le cas. Je viens de vous parler de ce qui s'est produit à Iqaluit. Le préposé aux armes à feu qui s'y trouvait a été renvoyé. Monsieur Webster, vous ne pouvez pas dire que tout est parfait dans cette région.

M. Webster: Je n'ai pas dit que tout était parfait. En fait, j'ai dit que ce n'était pas parfait.

Le sénateur Watt: Tous ces programmes d'adaptation et ces négociations avec votre ministère au sujet des préposés aux armes à feu ne mènent, à mon avis, nulle part. J'ai cru que l'on commençait à faire certains progrès, mais les négociations juridiques ont été rompues il y a un an.

M. Webster: Si les négociations ont échoué sur les points que j'ai mentionnés, c'est qu'il y avait de bonnes raisons.

Le sénateur Watt: Vous pensez peut-être que ce sont de bonnes raisons. À mon avis, «les réalités concrètes du Nord» ne constituent pas une bonne raison.

M. Webster: Je ne pense pas que nous devrions nécessairement nous opposer sur ce point.

Le sénateur Watt: Pourquoi pas, il y a désaccord.

M. Webster: Je reconnais avec vous que tout n'est pas parfait. J'ai cependant affirmé que les lois étaient très claires. Nous essayons, et nous allons continuer à le faire, de travailler avec les collectivités autochtones en utilisant les dispositions du règlement d'adaptation lorsque c'est ce que cette collectivité veut faire; le but est de trouver les moyens de respecter la loi telle qu'elle existe. Il nous est malheureusement impossible de mettre la loi de côté et de faire des choses que la loi ne nous permet pas de faire.

Nous essayons, et nous allons continuer de le faire, de conclure des ententes avec les collectivités autochtones qui assurent au moins un accès à ce système. Selon le droit actuel, c'est tout ce que nous pouvons faire, tant que le droit ne sera pas changé.

Les points sur lesquels nous ne sommes pas d'accord concernent, manifestement, la question des permis et du coût des permis. La loi est très claire sur ce qui est exigé de tous les Canadiens. Nous avons obtenu des résultats acceptables dans les collectivités qui étaient prêtes à travailler avec nous, comme l'a fait la vôtre. Nous avons réussi à conclure des ententes qui respectaient la loi et qui ont satisfait la plupart des gens. Évidemment, vous êtes un des cas où cela n'a pas été possible. Nous avons néanmoins réussi à conclure dans certaines collectivités des ententes qui ont permis aux Autochtones de savoir qu'ils respectaient vraiment les exigences de la loi.

Le sénateur Watt: Mais que se passe-t-il s'ils ne sont pas en mesure de le faire? Je comprends parfaitement que vous êtes tenu de faire respecter la loi. Mais j'aimerais savoir si vous pouvez régler le problème auquel nous faisons face en ce moment? La date limite arrive bientôt. Si votre réponse est que la loi c'est la loi et que, par conséquent, ils deviennent tous des criminels, je l'accepte.

M. Webster: Ce n'est pas ce que je dis.

Le sénateur Watt: Je ne sais pas pourquoi je vous parlerais si c'était le cas. Que dites-vous?

M. Webster: Je disais que la loi est très claire pour ce qui est des obligations que doivent respecter les personnes qui possèdent des armes à feu, en matière de permis et d'enregistrement. Nous sommes en mesure, grâce aux programmes communautaires et au règlement d'adaptation, de travailler avec les collectivités autochtones en utilisant des processus très différents de ceux que nous utiliserions au centre-ville de Toronto.

Le sénateur Watt: Le centre-ville de Toronto est très différent du Nord.

M. Webster: C'est exactement ce que je dis. Avec les moyens qui ont été fournis aux fonctionnaires, et avec les dispositions législatives en vigueur, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour essayer d'obtenir avec les collectivités autochtones des résultats positifs. Mais lorsqu'on arrive à un point où on commence à ne plus tenir compte de la loi, il y a des limites qu'en tant que fonctionnaires publics nous ne pouvons pas dépasser, malheureusement.

D'autres sénateurs ont déjà soulevé cette question. C'est ce que dit le projet de loi C-68. En tant que fonctionnaires, nous sommes tenus de mettre en oeuvre la loi, coûte que coûte. Nous avons utilisé le règlement d'adaptation pour les Autochtones...

Le sénateur Watt: Ce règlement n'existe pas.

M. Webster: ... le programme communautaire.

Le sénateur Watt: Il n'existe pas.

M. Webster: Je ne peux débattre de cet aspect. De notre point de vue, chaque fois qu'un intérêt a été exprimé, nous avons fait tout ce que nous pouvions faire pour servir les intérêts de la collectivité autochtone, tout en respectant la loi. Je ne peux pas vous dire autre chose parce que c'est ce que nous avons fait.

Le sénateur Watt: Je vous comprends très bien. Vous dites: «Je suis désolé, mais j'ai un travail à faire et la loi, c'est la loi, et la loi ne change pas». Je comprends très bien.

M. Webster: Cela me paraît un peu injuste.

Le sénateur Watt: Monsieur Webster, je vous dis que je représente des gens qui sont sur le point de devenir des criminels à cause du processus — les permis et les certificats d'enregistrement ne semblent pas arriver. La plupart d'entre eux aimeraient pouvoir respecter la loi mais, malheureusement, ils vont devenir des criminels même s'ils n'ont rien fait pour cela. C'est là la question.

En plus, on pénalise les gens du Nord. Par exemple, vous avez parlé du nombre de personnes qui respectent déjà les obligations imposées par la loi. Il y a un certain nombre de personnes dont les demandes ont été rejetées. Elles ont été rejetées parce que ces personnes possédaient un casier judiciaire, mais ces personnes doivent nourrir leur famille. Le système va-t-il aider ces personnes qui seront déclarées hors-la-loi pour le reste de leur vie, et aussi leur famille? Il y a des gens qui ont faim. Voilà les problèmes auxquels je fais face.

Comment essayer de vous faire comprendre la situation? Il n'y a pas de solution unique. Lorsque ce projet de loi a été présenté au début de l'année 1995, je suis immédiatement allé voir Allan Rock et lui ai dit: «Il faut vraiment que nous travaillions ensemble sur cette question. Nous savons que vous essayez de renforcer la sécurité de la population. Essayons d'élaborer un système à deux vitesses». Il m'a répondu: «Je vous comprends parfaitement. Cela est faisable, mais ce n'est pas dans mes cartons». Autrement dit, ce n'était pas dans ses projets.

Le sénateur Adams et moi représentons ces gens. C'est votre travail.

Le sénateur Cools: Il y a beaucoup de gens qui aimeraient oublier qu'ils ont approuvé ce projet de loi.

Le sénateur Watt: Vous avez parlé d'emplois. Dans la modification que le projet de loi C-10A introduit de façon indirecte dans le projet de loi C-68, on nous a dit que les non-résidents seraient dispensés de certaines obligations pour qu'ils puissent faire leur travail; est-ce bien ce que vous avez dit?

Mme Roussel: J'ai dit «dans certains cas».

Le sénateur Watt: Oui. Qu'est-ce que la chasse pour vous? Qu'est-ce que cela veut dire pour vous que de nourrir sa famille? Comment appelez-vous cela? Est-ce un travail ou un simple sport? Qu'est-ce que c'est? Comment voyez-vous cela? Il y a des gens qui vont chasser; est-ce que ce n'est pas un travail? C'est leur seule façon de gagner un revenu. Il vous est facile d'aller au dépanneur pour acheter de la nourriture. Notre argent, c'est notre fusil. Nous allons chasser pour nourrir nos familles, pour mettre du pain sur la table. Ce n'est quand même pas la même chose. On ne tient pas compte de cette différence.

Vous nous niez le droit de vivre, qui est garanti par la Constitution.

Mme Roussel: Je tiens à signaler que je reconnais tout à fait l'importance de la chasse à des fins de subsistance. Nous tenons compte de la chasse à des fins de subsistance parce que nous renonçons à percevoir les droits que devraient payer ces chasseurs lorsqu'ils demandent un permis ou l'enregistrement de leur arme.

Le sénateur Joyal: J'aimerais faire un commentaire sur les questions qu'a abordées le sénateur Watt. Cela intéressera également le sénateur Adams.

La Cour suprême a déjà reconnu à plusieurs reprises que les Autochtones qui exerçaient leur droit de pêcher et de chasser exerçaient un droit ancestral. Nous avons déjà accepté des amendements. La dernière fois, il s'agissait de la Loi sur les jeunes contrevenants, à propos de laquelle nous avons affirmé que la situation sociale spéciale et la situation historique des Autochtones qui vivent au Canada méritaient d'être reconnues par le Code criminel, au moins dans une phrase. La Cour suprême a accepté cela dans une affaire que nos témoins connaissent, j'en suis sûr, très bien.

Lorsque nous adoptons des mesures législatives qui remettent en question ces droits constitutionnels fondamentaux, et je dis constitutionnels parce qu'ils ont été reconnus par la Cour suprême, il faut nous demander quel sera l'effet de ces mesures sur les Autochtones.

Je ne voudrais pas faire dire au sénateur Watt ce qu'il n'a pas dit au sujet de l'interprétation de la loi. Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de prendre position sur cette question. Je suis néanmoins convaincu qu'il faut aborder ce sujet en tenant compte de ce contexte.

Si j'ai bien saisi la nature du document que le sénateur Watt a déposé aujourd'hui, il indique que les tribunaux ont été saisis de la question de l'application aux Autochtones des dispositions relatives aux armes à feu. Voilà le premier commentaire que je voulais faire.

Deuxièmement, et je le dis avec beaucoup de respect pour nos témoins, je suis toujours un peu intrigué lorsqu'un représentant de Justice Canada comparaît devant nous pour nous dire: «Ce projet de loi est de nature technique. Ne vous inquiétez pas trop; nous ne faisons que changer quelques petites choses».

Cet argument a été présenté au Sénat au moment où le projet de loi C-10 a été déposé. Ce projet de loi devait contenir uniquement des modifications mineures, ayant pour effet d'augmenter le montant de certaines amendes. Lorsque nous avons commencé à examiner les dispositions du projet de loi, nous en sommes venus à des conclusions bien différentes.

Je sais que ce qui est mineur pour une personne peut être complexe pour une autre. Je le reconnais. Cependant, lorsque l'on examine ce projet de loi, on constate qu'il crée le poste de commissaire aux armes à feu, et que celui-ci exerce pratiquement tous les pouvoirs du ministre. Cela, pour moi, n'est pas une modification mineure. Lorsqu'un ministre responsable devant le Parlement délègue l'exercice de ses prérogatives ou de ses pouvoirs légaux à un fonctionnaire public, il y a des répercussions. Cela me gêne. Ce n'est pas un bon argument pour faire adopter un projet de loi rapidement.

Monsieur Webster, je vous dis ceci, tout en affirmant que j'ai le plus grand respect pour votre personne et vos fonctions si complexes.

Voici ma question: le projet de loi traite de la complexité de la Loi sur les armes à feu et du Code criminel. Je vais lire la recommandation royale qui accompagnait le projet de loi initial, qui décrit la nature des modifications susceptibles d'être apportées au projet de loi, selon notre procédure habituelle:

Son Excellence la gouverneure générale recommande à la Chambre des communes l'affectation de deniers publics dans les circonstances, de la manière et aux fins prévues dans une mesure intitulée «Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu».

Si l'on nous demandait d'examiner un amendement du genre dont a parlé le sénateur Baker, qui consiste pour l'essentiel à prolonger la période d'enregistrement pour une période fixe et limitée. L'article 117 de la loi est modifié par l'article 54 du projet de loi. Étant donné que cet aspect est mentionné dans le code criminel, j'estime, à première vue, et contrairement à ce que notre témoin a déclaré, que nous pourrions proposer une telle mesure dans le cadre du mandat qui nous a été confié à l'égard du projet de loi, aux termes de la recommandation royale, étant donné que cela n'alourdit pas les responsabilités financières du gouvernement. Pour ce faire, nous ne choisirions pas de prolonger la mise en oeuvre de certains articles du projet de loi pendant une période plus longue que celle qui avait été initialement prévue et fixée par le projet de loi C-68.

D'après le témoin, l'effet essentiel du projet de loi vise à préserver des droits acquis. Que faisons-nous? Nous reconnaissons des droits acquis. Avec ce projet de loi, nous reportons la date limite. Nous prenons une mesure qui tient compte de l'importance des répercussions d'un article qui reconnaît des droits acquis. Nous pourrions fort bien décider d'amender le projet de loi de façon à ce qu'il tienne compte du problème signalé par le sénateur Baker. Le sénateur Baker a déclaré qu'il y avait des Canadiens de bonne foi qui avaient essayé à plusieurs reprises d'enregistrer leurs armes à feu mais qui n'avaient pu faire correctement traiter leurs demandes, à cause de l'afflux des demandes. Les commentaires du sénateur Baker sont certainement conformes à l'objectif général du projet de loi, accorder des droits acquis.

Le sénateur Cools: Ils sont également conformes à la portée du projet de loi.

Le sénateur Joyal: Là encore, je ne prétends pas avoir absolument raison, mais je n'ai pas non plus absolument tort. La recommandation royale décrit le mandat qui nous a été confié. Les mesures financières constituent une question délicate. Nous proposons une modification qui attribuerait une responsabilité supplémentaire au ministère de la Justice à l'égard des armes à feu sans alourdir le fardeau du Trésor public.

Le vice-président: Vous avez dit que cela n'en imposerait pas?

Le sénateur Joyal: Non, à mon avis. Je ne suis pas en train de présenter un amendement ou de préparer une telle mesure. Il faut toutefois examiner le problème qu'a signalé le sénateur Baker, les autres difficultés mentionnées par le sénateur Bryden et par le sénateur Watt, pour ce qui est de la situation spéciale des Autochtones. Je ne suis pas sûr que nous soyons empêchés d'aborder cette question pour des raisons de temps, parce que c'est le sujet dont nous parlons.

[English]

Le sénateur Nolin: Si on poursuit le raisonnement, on va devoir envoyer un avis à la Chambre des communes pour leur dire ce qu'on a fait avec ce qu'ils nous ont envoyé. S'ils sont d'accord avec ce qu'on a fait, la recommandation royale dans le projet de loi d'origine sera-t-elle la même? Pour suivre votre raisonnement, la réponse doit être oui. Cela ne devrait pas être une deuxième recommandation royale.

Autrement dit, le projet de loi C-10A existe pour les raisons de l'argument, mais il s'agit d'un nouveau projet de loi C-10A, qui devra comporter une nouvelle recommandation royale.

Le sénateur Joyal: Techniquement, oui.

Le sénateur Nolin: Et si on l'a amendé dans le projet de loi C-10A, on tient compte de votre préoccupation, tout en introduisant l'amendement pour satisfaire les préoccupations du sénateur Baker et du sénateur Watt.

[Translation]

Le sénateur Nolin: La formulation d'une nouvelle recommandation royale avec un nouveau projet de loi C-10A, approuvé par la Chambre des communes, résoudrait la difficulté qu'a signalée le sénateur Joyal.

Le vice-président: Pas nécessairement.

Le sénateur Joyal: Je tiens à rappeler aux sénateurs qu'un ministre de la Couronne peut à tout moment régler la question de la recommandation royale en prenant la parole en Chambre et en déposant la recommandation.

Le sénateur Nolin: C'est ce qu'ils devront faire.

Le sénateur Joyal: Vous souvenez-vous du fameux projet de loi C-20?

Le sénateur Nolin: Quelle législature était-ce?

Le sénateur Joyal: Il traitait du ministère de la Justice.

Le sénateur Nolin: Nous acceptons...

Le sénateur Joyal: Mon seul argument aujourd'hui est que cette recommandation royale nous permet, à mon avis, de présenter un amendement qui reporterait la mise en oeuvre d'un objectif de la Loi sur les armes à feu pour une période de temps limitée, selon...

Le vice-président: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur Joyal: Notre témoin a répondu non à cette question. Il est tout à fait possible d'aborder ce point avec des représentants du ministère.

Le vice-président: Merci d'avoir soulevé ce point. Je suis convaincu que nous pouvons prolonger le délai. Je n'ai aucun doute là-dessus parce qu'une recommandation royale est un acte de nature très générale. On nous dit que nous ne pouvons dépenser plus que ce que mentionne le projet de loi de la Chambre des communes, mais cela n'est pas vrai. Nous pouvons fort bien dépenser davantage. La seule réserve est que la Constitution énonce que le projet de loi doit être déposé en premier devant la Chambre des communes. Je suis d'accord avec vous, sénateur Nolin.

Le sénateur Nolin: Ce n'est pas un privilège mais c'est un droit garanti par la Constitution.

Le vice-président: Oui, mais c'est une lex parliamenti. C'est différent. Il est possible d'affirmer que le Sénat a le droit d'examiner une mesure financière. Cela doit toutefois être autorisé et être présenté initialement devant la Chambre des communes. Je suis d'accord avec vous, sénateur Nolin.

Le sénateur Joyal: Peut-être que notre témoin, Mme Roussel en particulier, aimerait ajouter des commentaires.

Mme Roussel: Je ne suis bien évidemment pas ici pour donner des conseils juridiques au Sénat. Ce n'est pas une question que j'ai approfondie. Il est évident que le Sénat peut présenter des recommandations à la Chambre. Si vous le voulez, je pourrais vous dire quel est l'article à modifier pour obtenir ce résultat.

Le sénateur Cools: Parfait, dites-le-moi.

Mme Roussel: Le paragraphe 98(3) du Code criminel.

Le sénateur Joyal: Nous avons ici ce soir un représentant du ministère de la Justice. Le premier sujet que j'ai soulevé à l'égard des Autochtones et de leurs droits constitutionnels concernait la chasse et la pêche et les armes à feu dont ils ont besoin. Comme vous le dites à certaines personnes: «Vous pouvez pêcher, mais vous ne pouvez pas utiliser de canne à pêche».

C'est une question importante. Cela fait partie du débat au sujet des droits ancestraux des Autochtones. C'est du moins ce qu'il me paraît à première vue. J'apprécie les efforts qu'a décrits M. Webster, lorsqu'il a déclaré qu'ils avaient essayé de faire tout ce qu'ils pouvaient, conformément à la loi, pour répondre aux besoins des Autochtones, mais je pense néanmoins que les Autochtones constituent une catégorie spéciale de propriétaires d'armes à feu au Canada.

Le vice-président: Cela est certain, à cause de l'article 35.

Le sénateur Joyal: Absolument.

Mme Roussel: La Loi sur les armes à feu contient également une clause interdisant toute dérogation.

Le vice-président: Voilà un point intéressant. Il y a un article de ce genre?

Mme Roussel: Oui.

Le sénateur St. Germain: Cela n'est-il pas mentionné dans la Constitution?

Le vice-président: Cela doit l'être.

Le sénateur Joyal: Il faudrait consigner ce point au procès-verbal.

Le sénateur Watt: Le paragraphe 2(3), sous la rubrique Droits des autochtones, énonce:

Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le vice-président: Cela est très clair.

Le sénateur Watt: Je ne veux pas prendre le temps de parole d'un autre, mais si vous le permettez, j'aimerais poser la question suivante: le gouvernement du Canada n'agit-il pas illégalement lorsqu'il applique cette loi sur les armes à feu aux Autochtones?

Le sénateur Nolin: Précisez le document que vous venez de lire, pour être sûr que le procès-verbal en fasse mention.

Mme Roussel: C'est à l'article 2.

Le sénateur Watt: Cela fait partie de la Constitution, paragraphe 2.

Le vice-président: Ce n'est pas dans la Constitution.

Le sénateur Watt: C'est dans le projet de loi C-68.

Le vice-président: Le projet de loi C-68 n'est pas la Constitution.

Le sénateur Maheu: Non, mais il y fait référence.

Le sénateur Nolin: Il n'y a qu'une Constitution.

Le sénateur Cools: Qu'il soit indiqué au procès-verbal que le sénateur a lu une disposition de la Loi sur les armes à feu.

Le sénateur Watt: Cela fait partie du projet de loi C-68.

Le sénateur Joyal: Il y a ici un représentant du ministre de la Justice qui est chargé de mettre en oeuvre cette loi. Nous pourrions peut-être demander à Mme Roussel de nous indiquer où se trouve exactement la disposition dont il s'agit.

Mme Roussel: C'est le paragraphe (3) de l'article 2 de la Loi sur les armes à feu.

Si je puis faire un autre commentaire, j'aimerais mentionner que les sénateurs Watt et Joyal ont soulevé des sujets qui méritent d'être débattus, mais il y a un aspect de ces sujets qui nous limite, c'est que ces questions ont été soumises aux tribunaux. Trois actions qui traitent de l'application de cette loi aux Autochtones ont été intentées devant la Cour fédérale. Je pense qu'en tant que représentants du ministère, nous ne sommes pas en mesure de débattre de cette question.

Le sénateur Maheu: Vous ne pouvez faire de commentaires.

Le sénateur Cools: Non, ils peuvent faire des commentaires.

Le vice-président: Le fait qu'une affaire ait été soumise aux tribunaux n'empêche pas le Sénat ou un de ses comités de l'examiner. Nous pouvons en traiter.

Le sénateur Cools: C'est exact.

Le vice-président: Selon le droit constitutionnel, cela est très clair.

Le sénateur Joyal: J'invoque le Règlement; avec tout le respect que je dois à nos témoins, je tiens à signaler que le fait que trois affaires célèbres traitant du mariage aient été soumises aux tribunaux n'a pas empêché le ministre de la Justice de déposer un libre blanc sur le mariage et de demander à la Chambre des communes d'examiner cette question.

Le sénateur Cools: C'est exact.

Le sénateur Joyal: Vous n'êtes peut-être pas en mesure de prendre position sur cette question, mais c'est bien le cas.

Le vice-président: Voilà qui confirme ce que j'ai dit.

Mme Roussel: Ce n'est pas ce que je dis. Il est certainement possible aux membres du comité d'examiner cette question mais, en tant que représentante du ministère, je ne peux, bien évidemment, prendre position.

Le vice-président: Excellente remarque. Je vous en remercie. Néanmoins, pour ce qui est d'un comité sénatorial, cela est tout à fait légal.

Le sénateur Andreychuk: Je ne peux me retenir plus longtemps. J'ai assisté à toutes ces discussions et j'ai en fait voté contre le projet de loi C-68 à cause des Autochtones et mes collègues ne m'ont pas appuyée sur ce point; je vous invite donc à aller voir ce que nous avons fait à l'époque. Les membres du comité ont soulevé cette questions, et le sénateur Watt y était, il s'en souviendra donc; le projet de loi C-68 ne respectait pas l'article 35 de la Charte des droits et libertés et le gouvernement a décidé unilatéralement que la Loi sur les armes à feu pouvait s'appliquer aux Autochtones, malgré l'article 35. Les groupes autochtones qui ont comparu devant nous ont déclaré qu'ils n'avaient pas été consultés.

Nous avons eu toute une discussion informelle sur l'interprétation de l'article 35. La Couronne a-t-elle la prérogative de décider si l'article 35 s'applique dans ce cas, en d'autres mots à l'enregistrement? Le gouvernement a déclaré qu'après avoir étudié la question, il avait conclu que l'enregistrement des armes à feu ne constituait pas une violation des droits des Autochtones. Les membres du comité, une partie d'entre eux au moins, n'étaient pas d'accord avec lui. Je n'étais pas d'accord avec cette interprétation et je sais que d'autres membres du comité ne l'étaient pas non plus.

Nous sommes passés ensuite à une autre étape. Compte tenu de ce fait, nous leur avons demandé s'ils n'étaient pas obligés de procéder à des consultations. Il y avait de la jurisprudence et certains experts affirmaient que le gouvernement devait consulter les Autochtones lorsqu'il examinait les droits ancestraux. Certains fonctionnaires nous ont dit qu'ils avaient consulté les Autochtones. Nous avons découvert par la suite que cette consultation avait consisté à faire circuler une lettre générale du genre: «Nous allons apporter d'autres modifications au système de contrôle des armes à feu. Pouvez-vous nous faire des suggestions?» Cela était loin d'être suffisamment précis pour que les Autochtones puissent répondre. En fait, quelqu'un m'a dit: «Je ne réponds pas à ce genre de lettre parce que je ne sais pas vraiment à quoi je réponds et cela pourrait être utilisé ensuite contre moi».

C'est à ce moment-là que le ministre Rock a déclaré qu'effectivement, les consultations n'étaient peut-être pas suffisantes mais qu'il pouvait remédier à cet obstacle — et il a reconnu que cela constituait un obstacle — en les consultant au cours de l'élaboration des règlements et qu'il pourrait ainsi répondre à leurs besoins. Nous lui savons demandé: «Comment peut-on chasser et pêcher et posséder des droits inhérents dans ce domaine si l'on ne peut utiliser les armes à feu dont on se sert traditionnellement pour préserver une façon traditionnelle de chasser et de pêcher?» On nous a dit que les fonctionnaires auraient pour instruction de négocier avec les Autochtones et de les consulter au moment de l'élaboration des règlements, de façon à tenir compte de leurs besoins. Le ministre Rock a reconnu que ce n'était peut-être pas la meilleure façon de procéder mais qu'il ne pouvait faire mieux pour le moment.

C'est ainsi qu'il est allé de l'avant et qu'il a convaincu la majorité. Il ne m'a pas convaincue. Je ne pensais pas que c'était la bonne façon d'appliquer l'article 35 et les droits ancestraux. Ce qui a été démontré, d'après moi, c'est qu'il n'y a pas eu de consultation au cours du processus d'élaboration des règlements, parce que les négociations achoppent dès que les Autochtones n'ont pas le même point de vue que le gouvernement. Le gouvernement ne peut répondre aux aspirations des Autochtones au sujet de la façon dont les règlements devraient tenir compte de leurs droits inhérents. Les difficultés que nous entrevoyions avec le projet de loi C-68 et que nous avions signalées par rapport aux droits des Autochtones se sont concrétisées.

Comment y remédier maintenant? Je ne pense pas que ce soit une question de règlement et de prolongement de délai. C'est une lacune fondamentale qui touche le projet de loi C-68 depuis le début. Je ne sais pas combien de gens partagent ce point de vue, mais j'étais tellement convaincue de l'importance de cet aspect qu'il l'a emporté sur la nécessité d'adopter des mesures législatives pour contrôler les armes à feu. J'ai pensé que les droits ancestraux étaient plus importants.

J'invite les sénateurs qui n'étaient pas là à l'époque à lire le compte rendu de ces réunions et certains des discours qui ont été faits au Sénat.

Le sénateur Joyal: Je ne dis pas que nous pouvons résoudre la question constitutionnelle des Autochtones pour ce qui est de leur droit ancestral de posséder des outils traditionnels qui leur permettent de pêcher et de chasser. Ce n'est certainement pas ce que je dis, en prolongeant les délais de trois mois. Ce n'est pas le sens de mes remarques.

Je voulais d'abord faire un commentaire au sujet de l'aspect qu'a soulevé le sénateur Watt, savoir la mise en oeuvre de la Loi sur les armes à feu dans le contexte de l'objectif de la loi.

Ma deuxième remarque concerne le sujet qu'ont soulevé les sénateurs Bryden et Baker qui concerne les Canadiens qui ont de bonne foi essayé d'enregistrer leurs armes et le fait que, pour des raisons techniques, parce qu'on ne peut pas tout faire en 24 heures, le ministère fait face à un afflux de demandes. Je ne veux pas laisser entendre que le ministère ne fait pas du bon travail. Nous faisons face à une situation qui semble bien réelle, dont les sénateurs et nos témoins reconnaissent la gravité, et qui vient du fait que les gens vont commettre des infractions du seul fait qu'ils n'auront pas en main les papiers qu'ils doivent avoir d'ici le 1er janvier.

Je comprends les arguments mis de l'avant par Mme Roussel. Ces gens n'ont pas l'intention de commettre des infractions, mais le seul fait qu'ils n'aient pas les documents exigés avant le 1er janvier constitue un problème. Les gens seront obligés de se défendre. Cela est grave. Il s'agit d'infractions pénales.

Nous savons qu'il y a un problème concret qui se pose ici, et qu'il ne vient pas seulement de la mauvaise volonté du gouvernement, ni des citoyens. Nous plaçons un fardeau supplémentaire sur le dos des citoyens lorsque nous leur imposons une date limite. Je crois qu'il nous appartient en tant que législateurs de faire preuve de réalisme. Nous voulons que les lois soient respectées. Nous ne voulons pas que les gens commettent des infractions. Je ne dirai jamais que le fait qu'un certain nombre de Canadiens seront en infraction d'ici le 1er janvier n'est pas important. Ce serait la pire chose à faire dans ce contexte.

Je suis reconnaissant aux témoins d'avoir accepté de discuter de ces choses aujourd'hui. C'est une question grave. Elle est grave non seulement sur ce plan, mais aussi sur celui de la banque des données.

J'ai examiné les articles pertinents de la Loi sur les armes à feu. Voilà le formulaire qui décrit les renseignements que doivent fournir les Canadiens pour obtenir un permis. On leur demande de fournir des renseignements sur la façon dont ils vivent avec leur épouse ou leur conjointe de common law, des renseignements de nature privée. Cela a pour effet de créer une grosse banque de données. Les projets de loi C-36 et C-16, l'ancien projet de loi C-55, nous amènent à créer une mégabanque de données. Cette banque de données sera reliée à d'autres banques de données et éventuellement le gouvernement connaîtra le nombre de disputes que nous avons eues avec notre conjoint.

Cela soulève la question du respect de la vie privée. Nous ne pourrons pas résoudre tous ces problèmes ce soir, ni même en 24 heures, parce que nous avons un délai à respecter. Mais il ne faut pas oublier que les Canadiens veulent vivre dans une société libre et démocratique.

Je reviens à mon premier point, qui était qu'on nous avait dit qu'il s'agissait d'un projet de loi de nature technique. Je suis désolé, mais si vous considérez que ces questions sont de nature technique, c'est votre opinion.

Tous ces aspects font partie des réflexions que nous amènent à faire nos témoins. Pour ce qui est des droits des citoyens, lorsqu'on nous demande de résoudre les problèmes de ceux qui vont perdre leurs droits acquis, nous ne pouvons pas mettre de côté la situation dans laquelle vont se retrouver d'autres groupes, en vertu de la même législation.

Le sénateur St. Germain: Votre organisation est-elle physiquement capable de résoudre le problème qu'ont mentionné les sénateurs Baker et Watt? Avez-vous les moyens concrets, de réussir si tout allait parfaitement ou est-il impossible de régler ces choses avant la date limite?

M. Webster: La date limite pour l'enregistrement des armes, telle qu'elle est fixée actuellement, est minuit le 31 décembre. Techniquement, une minute après minuit, si la demande d'enregistrement n'a pas été traitée, la personne qui l'a présentée est dans l'illégalité.

Je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais le gouvernement examine actuellement la possibilité de traiter les demandes présentées avant minuit le 31 décembre.

Le sénateur Adams: Le sénateur Watt, le président et moi-même avons fait tout ce que nous pouvions pour présenter au ministre Rock le point de vue des Autochtones sur les dispositions du projet de loi. Nous lui avons rappelé que nous ne vivions pas dans des villes comme Montréal, Toronto ou Vancouver, mais qu'en fait, nous représentions et connaissions les chasseurs qui vivent dans nos collectivités. Lorsque M. Rock a comparu devant notre comité au sujet du projet de loi C-68, nous lui avons demandé s'il admettait que les Autochtones vivent de la chasse et de la pêche. Il nous a répondu, et cela figure dans le compte rendu, que nous étions tous des Canadiens, que nous étions tous sur le même plan.

Après l'adoption du projet de loi C-68, les chasseurs ont été obligés d'enregistrer leurs armes auprès de la GRC. La GRC n'a toutefois pas réussi à s'occuper de l'enregistrement de ces fusils, parce qu'il y en avait trop dans nos collectivités, et elle a cessé de le faire. La GRC a fait savoir au ministère de la Justice qu'elle avait trop de travail et qu'elle n'avait pas le temps de demander aux gens d'enregistrer leurs armes à feu.

Après l'adoption du projet de loi C-68, le ministre Rock a nommé 14 personnes qui étaient chargées de régler les problèmes associés à l'enregistrement des armes à feu dans les collectivités autochtones. Il nous a dit qu'il simplifierait le processus d'enregistrement. Il a suivi le travail effectué par ces 14 personnes pendant deux ans. Ils n'ont résolu aucun de ces problèmes.

Nous avons demandé au ministère de la Justice de traduire les documents utilisés pour l'enregistrement de façon à ce que les gens de nos collectivités puissent les lire et les comprendre. On devait envoyer dans tous les bureaux de poste du Nord des documents traduits. Le ministre de la Justice a accepté de le faire, mais cela n'a jamais été fait.

Les gens de ces collectivités ont fait ce qu'ils pouvaient. La GRC a décidé que les anciens pouvaient signer les formulaires d'enregistrement mais, même avec l'aide des membres de la collectivité, la GRC a décidé qu'elle n'avait pas les moyens de se charger de ce travail.

Le ministère de la Justice a alors décidé de nommer un préposé aux armes à feu à Ottawa et celui-ci a ouvert un bureau principal à Edmonton. Il a décidé de ne pas s'installer à Iqaluit, peut-être parce qu'il y fait trop froid, et c'est donc le bureau principal d'Edmonton qui dessert le Nunavut.

Comme le sénateur Watt l'a mentionné tout à l'heure, ce préposé aux armes à feu a été inculpé d'une infraction. J'ai écrit des lettres pour essayer de savoir de quoi l'avait accusé la GRC. Je sais qu'il a été renvoyé avant même que les tribunaux n'aient entendu les accusations.

Le sénateur Watt: Il a été renvoyé avant d'avoir été déclaré coupable de ces accusations.

Le sénateur Adams: Il y a beaucoup de gens dans nos collectivités qui ne parlent pas anglais et on leur a donné un numéro de téléphone à composer pour faire enregistrer leurs armes à feu. On leur a dit qu'il fallait aller les enregistrer à Regina, en Saskatchewan. Bien évidemment, les Inuits ne peuvent se rendre à Regina pour faire enregistrer leurs armes.

J'ai écrit des lettres pour savoir quand arriverait le remplaçant de cet Inuit. Il a été congédié en mai dernier et je viens d'apprendre qu'on a embauché au début du mois un Inuit de Rankin Inlet. Nous avons attendu sept mois que l'on nomme un préposé Inuit à l'enregistrement des armes à feu qui soit Inuit.

Comme l'a dit le sénateur Watt, le préposé à l'enregistrement des armes à feu se trouvait au départ dans son bureau principal d'Edmonton et ce bureau a ensuite déménagé au Nouveau-Brunswick. Ceci explique que de nombreux formulaires d'enregistrement ont été perdus, et que les gens vivant dans le Nord aient dû présenter de nouvelles demandes. Voilà les raisons pour lesquelles cette date limite nous inquiète.

Je crois savoir que les causes seront entendues à partir du 18 décembre.

Le sénateur Watt: Les documents ont été déposés hier.

Le sénateur Adams: Je crois savoir que près de 70 p. 100 des 30 000 Nunavummiuts ont enregistré leurs armes à feu au Nunavut. Il faut à peu près six mois pour que les gens de ces collectivités reçoivent leurs permis.

Il y a quelques années, la ministre Anne McLellan a embauché 200 étudiants au Canada, certains au Nunavut et au Nunavik, qui devaient aider à l'enregistrement des armes à feu, mais cette initiative n'a pas donné grand-chose.

Voilà ce qui s'est passé avec l'adoption du projet de loi C-68. Nous avons essayé d'aider nos gens de notre mieux.

Maintenant, le gouvernement nous demande d'adopter le projet de loi C-10A, dont les dispositions doivent entrer en vigueur le 31 décembre. Il est pratiquement impossible que nos gens puissent présenter leurs demandes et obtenir leurs certificats d'enregistrement d'ici là. Cela prendra six mois et il nous reste moins de quatre semaines.

Il va peut-être falloir trouver quelqu'un de la région pour donner des cours sur l'enregistrement des armes à feu. Dans nos collectivités, presque tout le monde connaît le fonctionnement de ces armes. Ils connaissent tous les modèles et le reste. Mais ils n'aiment pas beaucoup ce genre de travail, parce qu'ils ne veulent pas expliquer aux autres comment on doit manier un fusil.

Le sénateur Baker: C'est gênant.

Le sénateur Adams: Oui. Il faut trouver quelqu'un, un préposé aux armes à feu qui ne vienne pas de la collectivité, pour donner des cours à nos gens. C'est le problème que nous avons eu avec le projet de loi C-68.

Le sénateur Baker: Brièvement, j'aimerais commencer par vous dire que je suis d'accord avec la représentante juridique du bureau du ministre, Mme Roussel, sur le fait que la méthode établie, telle que décrite dans Beauchesne ou Erskine May, ou dans d'autres ouvrages, interdit d'aborder des sujets qui ne font pas partie du mandat du comité. Je comprends ce dont elle parle. Nous ne pouvons supprimer une disposition; nous ne pouvons introduire de nouveaux éléments. Je le comprends parfaitement.

Il faudrait être prudent lorsque nous la critiquons. J'ai beaucoup de respect pour ses connaissances juridiques depuis qu'elle m'a dit qu'un des auteurs qu'elle a dû lire et relire lorsqu'elle était à la faculté de droit était nul autre que le sénateur Beaudoin.

Mme Roussel: Je suis contente d'avoir finalement pu mettre un visage sur ce livre.

Le sénateur Baker: Premièrement, quelle est l'enquête dont vous parlez, celle qui parle de 2,2 millions de propriétaires d'armes à feu, qui a été faite en 2001?

M. Webster: C'était en novembre 2001.

Le sénateur Baker: Avez-vous fait une enquête en 2002?

M. Webster: Non.

Le sénateur Baker: Il y a une partie de cette enquête qui a été faite en 2001.

M. Webster: L'enquête qui parle du nombre des propriétaires d'armes a été effectuée en 2001.

Le sénateur Baker: Vous n'en avez pas fait en 2002.

M. Webster: Nous avons fait une enquête sur le nombre des armes en 2002.

Le sénateur Baker: Est-ce que l'évaluation du nombre des armes a été modifiée?

M. Webster: Non. Il s'agissait de deux enquêtes différentes. Nous avons obtenu le nombre des armes à feu grâce à l'enquête effectuée en 2002.

Le sénateur Baker: Est-ce que le nombre des armes à feu a augmenté par rapport à l'enquête qui avait été faite en 2001?

M. Webster: En 2001, l'enquête portait sur le nombre des propriétaires d'armes.

Le sénateur Baker: L'enquête sur le nombre des armes a été effectuée cette année?

M. Webster: C'est exact.

Le sénateur Baker: Et pas en 2001? Cela a été fait à la fin de l'été.

M. Webster: Comme je l'ai dit, l'enquête qui portait sur le nombre des armes a été faite cette année-ci. Celle qui a porté sur le nombre des propriétaires d'armes a été effectuée l'année dernière.

Le sénateur Baker: Je vous prie de me corriger si je me trompe, parce que je ne suis pas sûr de ce qui suit. Tout propriétaire d'armes doit obtenir un permis d'ici le 1er janvier 2001. Tous les propriétaires d'armes qui avaient des armes chez eux et qui n'avaient pas de permis doivent maintenant suivre un cours qui dure un jour ou deux pour obtenir un permis. Ils obtiennent un permis temporaire. Comprenez-vous ce dont je parle?

M. Webster: Si vous parlez de ce qui se passe maintenant, ce n'est pas ce qui se passe.

Le sénateur Baker: Je suis désolé, mais c'est ce qui se passe à Terre-Neuve. Sommes-nous différents du reste du Canada?

M. Webster: Non.

Des voix: Oui, vous l'êtes.

M. Webster: Je pourrais essayer de préciser certaines choses.

Le sénateur Baker: Je me permets de vous signaler que j'ai suivi ce cours il y a deux semaines, juste pour voir. Il a duré deux jours, samedi et dimanche. On m'a remis un permis blanc, valide pour 60 jours. C'était un permis temporaire, comme celui qui a été remis à tous les autres. J'ai parlé à beaucoup de gens là-bas, et ils se plaignaient du fait qu'ils ne pouvaient enregistrer leurs armes en utilisant Internet. Ils n'arrivent pas non plus à communiquer par téléphone.

Votre enquête indique que les armes qui ne sont pas enregistrées se trouvent principalement dans les zones rurales du Québec, de l'Atlantique et de l'Ouest. La plupart de ces gens sont des ruraux. Ce ne sont pas des gens qui vivent à Ottawa, à Montréal ou à Toronto.

S'il y avait une amnistie ou si l'on adoptait un amendement qui reportait la date limite de trois à six mois, est-ce que cela s'appliquerait aux personnes qui n'ont pas obtenu leur permis avant le 1er janvier 2001? Si l'on reportait la date limite d'enregistrement des armes à feu, est-ce que cela réglerait le problème de ces personnes?

M. Webster: J'aimerais revenir un peu en arrière, au moment où nous parlions de notre capacité de traiter les demandes qui ont été transmises par ces gens avant la fin de l'année. D'après les déclarations qui ont été faites tout à l'heure au sujet des solutions examinées, ces gens seront manifestement couverts.

Le sénateur Nolin: Les articles 54 et 55 du projet de loi C-10 traitent du pouvoir d'adopter de nouveaux règlements. L'ancien projet de loi C-15 est resté près d'un an et demi devant la Chambre des communes. Je suis sûr que vous avez déjà commencé à travailler sur le texte de ces nouveaux règlements. Pourrions-nous les obtenir?

Mme Roussel: Il n'y a pas beaucoup de textes. Nous avons transmis des directives aux rédacteurs de règlements. Je ne connais pas la pratique applicable aux comités parlementaires.

Le sénateur Nolin: Nous avons le droit d'avoir tout ce que vous avez.

Mme Roussel: Je peux certainement vous les communiquer.

Le sénateur Nolin: Je vous en prie.

Mme Roussel: Ça se trouve dans mon ordinateur.

Je tiens à signaler qu'il s'agit là d'un document de travail; il n'est pas complet.

Le sénateur Nolin: Vous nous demandez de vous attribuer le pouvoir d'adopter ces règlements. Nous avons par conséquent le droit de savoir quel est le genre de règlements que vous envisagez.

Mme Roussel: Certainement. Je voulais simplement vous rappeler que vous allez obtenir un document de travail qui n'est pas nécessairement sous une forme définitive.

Le sénateur Andreychuk: Si j'ai bien compris la réponse que vous avez fournie au sénateur Baker, si l'une des solutions examinées par le ministre est retenue, il y aura des gens qui pourront respecter les conditions de la loi. Vous n'êtes pas toutefois encore en mesure de nous dire quelles sont ces solutions. La seule façon de les connaître serait de le demander au ministre.

Avez-vous une idée du moment où ces solutions seront choisies? Nous sommes presque au 1er décembre. À quel moment le ministre va-t-il probablement choisir une de ces solutions?

Mme Roussel: Nous serons en mesure de fournir au comité davantage d'informations demain.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez déclaré que vous deviez être sensible aux aspects culturels de la situation des Autochtones pour interpréter les règlements et pour mettre en oeuvre le projet de loi C-68, tel qu'il était à l'époque. Avez-vous reçu des instructions vous invitant à consulter la collectivité autochtone au sujet de l'ensemble du projet de loi, de façon à déterminer comment les droits ancestraux pourraient être protégés?

M. Webster: Personnellement, je n'ai pas reçu d'instructions de ce genre. Si vous pensez à l'époque où de telles instructions ont peut-être été données, je n'étais pas encore là, de sorte que je n'ai pas pu en recevoir.

Le sénateur Andreychuk: Vous a-t-on transmis quelque chose du genre?

M. Webster: On ne m'a rien transmis, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas eu.

Le sénateur Nolin: À quelle date avez-vous été nommé?

M. Webster: Le 3 juillet 2001.

Le sénateur St. Germain: Le sénateur Baker a obtenu un permis blanc. Nous parlons d'infraction au Code criminel. Vous êtes le directeur du registre des armes à feu, monsieur. Vous ne savez pas que l'on délivre ce genre de permis.

À mon avis, il devrait être mentionné au procès-verbal que vous n'êtes pas au courant de cela. Vous avez dit il y a un instant, monsieur, que ce n'était pas la méthode utilisée. On délivre pourtant des permis temporaires. Je pense qu'il y a là un problème parce qu'il y a des gens qui pourraient agir de bonne foi en se basant sur ces documents et ne pas respecter le Code criminel.

M. Webster: Parlons-nous de permis d'enregistrement?

Le sénateur Baker: Qu'est-ce que l'on donne à la fin d'un cours?

M. Webster: Un certificat indiquant que la personne a suivi le cours.

Le sénateur Baker: La personne reçoit un permis temporaire. Ensuite, 60 ou 90 jours après, elle reçoit un permis par le courrier. Nous parlons de permis.

M. Webster: Excusez-moi, je pense que nous parlons de deux choses différentes. Nous parlons du programme de formation et du programme d'enregistrement.

Le sénateur Baker: Il faut avoir suivi un cours de sécurité pour obtenir un permis.

M. Webster: Le certificat que l'on obtient après avoir suivi un cours n'est pas un certificat d'enregistrement. Il faut encore enregistrer les armes.

Le sénateur Baker: Il vous le faut pour obtenir un permis.

M. Webster: C'est exact.

Le sénateur Baker: C'est ce que nous voulions indiquer.

M. Webster: J'ai pris note de cela.

Le vice-président: Excusez-moi, mais il faut que je mette un terme à cette réunion. Madame Roussel, monsieur Webster, je vous remercie beaucoup de votre patience.

Nous n'allons pas lever la séance. Nous allons poursuivre avec le second groupe de témoins.

Mme Roussel: Voulez-vous que M. Webster et moi revenions avant demain matin?

Le vice-président: Non, parce qu'il faut bien s'arrêter à un moment donné.

Mme Roussel: Très bien.

Le vice-président: Il faut bien se fixer des limites.

Mme Wendy Cukier, présidente, Coalition pour le contrôle des armes à feu: M. Dave Griffin, de l'Association canadienne des policiers et policières, a un avion à prendre. Je lui cède donc la place.

M. David Griffin, directeur général, Association canadienne des policiers et policières: L'Association canadienne des policiers et policières représente 28 000 agents de police de première ligne à travers le Canada, notamment des membres de la GRC, des membres de la police des chemins de fer et des membres de la police des Premières nations également.

L'Association canadienne des policiers et policières appuie depuis six ans le programme de contrôle des armes à feu du gouvernement fédéral. Cet appui a été réévalué à plusieurs reprises; d'ailleurs, dans le cadre de notre assemblée nationale de mars 2001, nos délégués ont confirmé à nouveau leur appui par un vote en ce qui concerne l'enregistrement obligatoire des armes à feu.

La délivrance de permis aux propriétaires d'armes à feu et l'enregistrement des armes à feu sont des méthodes importantes de lutte contre le mauvais usage et le commerce illégal des armes à feu. En exerçant un contrôle préalable rigoureux et en délivrant un permis aux propriétaires d'armes à feu, on diminue les risques, en ce qui concerne ceux qui constituent une menace pour eux-mêmes ou pour les autres. Des données prouvent que le système permet d'éviter que des armes à feu ne tombent entre les mains de personnes qui ne devraient pas en posséder. Un contrôle préalable efficace est essentiel si l'on veut assurer la réussite du programme; si nous appuyons les améliorations visant à rendre ce contrôle plus efficace, nous pensons que la sécurité publique doit demeurer une priorité. La délivrance de permis aux propriétaires d'armes à feu décourage en outre la possession d'armes à feu sans but précis. Posséder une arme à feu est une grosse responsabilité et l'obligation d'obtenir un permis est une contrainte raisonnable. Nous ne pénalisons pas les propriétaires d'armes à feu conscients de leurs responsabilités mais l'obligation d'obtenir un permis et de faire enregistrer une arme encourage les Canadiens à se débarrasser des armes indésirables, inutilisées et inutiles. En décembre 2000, de nombreux services de police à travers le Canada ont reçu des dizaines de milliers d'armes à feu remises par des personnes qui préféraient s'en défaire que de demander un permis.

L'enregistrement accroît la responsabilité des propriétaires d'armes à feu en établissant un lien entre l'arme et son propriétaire. Ce système encourage les propriétaires d'armes à feu à respecter les règlements en matière d'entreposage sécuritaire et les oblige à signaler les vols d'armes lorsque ceux-ci peuvent être liés à un mauvais entreposage. L'entreposage en lieu sûr des armes à feu réduit le nombre d'armes volées en circulation sur le marché noir, restreint l'usage prohibé d'armes à feu, réduit l'utilisation d'armes «sous l'impulsion du moment» et réduit le nombre d'accidents, surtout ceux liés aux enfants. L'enregistrement donne aux services de maintien de l'ordre des renseignements précieux qui les aident à faire respecter les ordonnances d'interdiction et facilitent les enquêtes policières. Le registre est consulté des milliers de fois par jour par les services policiers des diverses régions du pays. Dans plusieurs cas, des enquêtes policières ont été facilitées par l'accès à l'information que contient ce registre.

Alors que la police ne se fie jamais uniquement sur ces informations, elles sont utiles pour savoir s'il y a vraisemblablement des armes sur les lieux lorsqu'elle répond à un appel concernant un cas de violence familiale, par exemple. L'agent concerné tiendra compte de ces informations pour faire une évaluation des risques.

L'enregistrement facilite l'établissement de la preuve de possession d'armes à feu volées ou passées en contrebande; par conséquent, il facilite les poursuites. Il y a quelques années, on avait de la difficulté à prouver qu'une personne était en possession de fusils et de carabines illégaux. L'enregistrement permet d'avoir accès à des informations plus précises susceptibles de faciliter les enquêtes sur des vols et autres événements liés à des armes à feu. Grâce à ces informations, la police peut remonter la filière jusqu'au propriétaire des armes du délit. L'enregistrement est absolument capital pour mettre en application les règles en matière de permis car sans cela, rien n'empêcherait un propriétaire d'armes titulaire d'un permis de vendre une arme non enregistrée à une personne qui ne possède pas de permis.

Les armes illégales ont été d'abord des armes légales. L'enregistrement aide à éviter la transition de la propriété légale à la propriété illégale et aide à déterminer à partir de quand la transition a eu lieu. Les mesures qui sont proposées par la direction du Centre canadien des armes à feu et qui ont été adoptées par le ministre de la Justice pour simplifier le processus de délivrance des permis et le processus d'enregistrement afin d'inciter un plus grand nombre de Canadiens respectueux de la loi à se mettre en règle ont produit des résultats encourageants. Jusqu'à présent, 80 p. 100 des propriétaires d'armes à feu ont obtenu des permis et plus de deux tiers d'entre eux ont fait enregistrer leurs armes.

La simplification des formalités de demande et des formulaires, la capacité de traitement électronique, un traitement plus rapide et un meilleur rapport coût-efficacité, grâce à l'utilisation de technologies actuelles ou d'avant-garde, sont quelques-unes des propositions du projet de loi C-10. D'autres propositions faites dans le projet de loi C-10 concernent le respect des échéances fixées dans le projet de loi C-68, des mesures prévoyant l'octroi de concessions raisonnables aux propriétaires d'armes respectueux de la loi, notamment l'extension des droits acquis en ce qui concerne les propriétaires d'armes de poing, et surtout le ciblage de l'attention et des ressources sur le maintien de l'inadmissibilité des personnes qui présentent un risque pour la sécurité publique. Nous appuyons ces propositions d'une façon générale.

Afin d'atteindre les objectifs de sécurité publique visés dans le projet de loi en assurant un niveau de respect de la loi élevé, l'Association canadienne des policiers et policières a suggéré de régler les questions de non-conformité aux exigences administratives du programme, comme l'oubli de signaler un changement d'adresse au Centre, par la voie réglementaire pour permettre aux personnes concernées de se mettre en règle car elles ne devraient pas être exposées à des sanctions criminelles ou à la suppression du permis pour une simple négligence.

Nous pensons que les droits d'enregistrement devraient être annulés pour faciliter une conformité optimale dans les conditions les plus efficientes et les moins coûteuses.

Nous avons en outre recommandé que le gouvernement du Canada mette davantage l'accent sur le renforcement de la sécurité de nos frontières nationales et sur l'application des mesures de contrôle, afin de réduire considérablement l'entrée illégale d'armes à feu et toute autre forme de contrebande au Canada. L'année dernière, notre association a adopté une résolution avant le 11 septembre afin de rappeler que nous tenions à ce que la sécurité de nos citoyens demeure une priorité dans les discussions concernant les contrôles frontaliers. Nous comprenons l'importance du mouvement des produits et des marchandises dans le contexte des objectifs économiques, mais il est essentiel que le Canada demeure vigilant face à la menace à la sécurité des Canadiens et Canadiennes que représente le passage d'armes en contrebande à nos frontières. Le Canada a amené ses lois sur les armes à feu au niveau de celles d'autres pays industrialisés. Cependant, nous sommes vulnérables en ce qui concerne les armes importées d'autres pays, notamment des États-Unis, où le contrôle des armes à feu est inexistant ou inefficace.

Le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent adopter une attitude plus ferme en condamnant à une peine les personnes reconnues coupables de délit criminel impliquant des armes à feu et ils doivent faire preuve d'une tolérance zéro en ce qui concerne l'application des dispositions de la loi actuelle portant sur la condamnation à une peine obligatoire minimale; ils doivent en élargir l'application et la portée.

Le gouvernement du Canada doit continuer à consacrer des ressources à la coordination des efforts en matière d'application.

L'Équipe nationale de soutien à l'application de la loi sur les armes (ENSALA) a joué un rôle utile dans le cadre du programme de contrôle des armes à feu. Ses objectifs sont de renforcer la capacité d'application de la loi afin de lutter contre la contrebande et le trafic d'armes illégales, de renforcer l'expertise du Canada dans le secteur de la collecte de renseignements criminels concernant les mouvements illégaux d'armes à feu et de renforcer la capacité du Canada de suivre la filière des armes illégales.

Vous êtes probablement nombreux à savoir que le Canada est actuellement un pays d'acheminement de stupéfiants aux États-Unis. Une étude faite en 1999 par le Service canadien de renseignements criminels a révélé qu'aux États- Unis, les échanges d'armes contre de la drogue sont de plus en plus courants. Ces armes sont ensuite passées en contrebande au Canada pour y être vendues. Des armes du samedi soir sont passées illégalement au Canada et tombent souvent entre les mains de délinquants urbains. Des fusils d'assaut et des fusils automatiques sont passés en contrebande au Canada pour être vendus à des groupes de milice, à des groupes faisant partie de la pègre et à des bandes de motards hors-la-loi.

L'ENSALA joue un rôle essentiel en aidant la police à appliquer la Loi sur les armes à feu. Son rôle a consisté à accroître la sécurité publique par rapport aux armes à feu. Il y a quelques mois à peine, dans l'ouest du Canada, des membres de l'ENSALA ont aidé la police à exécuter un mandat d'arrestation pour atteinte à la sécurité publique lorsqu'un individu avait menacé un directeur d'école et plusieurs employés d'entreprises locales. Cet individu était domicilié juste en face de l'école et on craignait qu'il ne mette ses menaces à exécution. Un mandat de perquisition a permis à la police de trouver plusieurs fusils et carabines qui étaient entreposés négligemment dans un placard de sa maison. Toutes les armes ont été saisies et les membres de l'ENSALA ont aidé la police à frapper l'individu d'une interdiction de possession d'armes à feu et à se débarrasser des armes.

Toujours dans l'ouest du Canada, l'ENSALA a appuyé la police lorsqu'un individu en instance de divorce a menacé de tuer les personnes chargées de la procédure de divorce. L'ENSALA a aidé la police à faire une enquête et a découvert que le suspect avait reçu depuis peu un permis de possession d'armes à feu et avait trois armes de poing enregistrées à son nom. L'enquête a permis de procéder à son arrestation et à la saisie des armes.

Dans la région de l'Atlantique, l'ENSALA a aidé la police lorsque deux armes ont été saisies au cours d'une enquête sur une affaire présumée d'exploitation d'enfants. Le suspect était détenteur d'un permis et avait en sa possession une arme enregistrée. Deux accusations ont été portées contre lui et on tente d'obtenir une ordonnance d'interdiction de possession d'armes à feu.

Toujours dans la région de l'Atlantique, dans le cadre d'un autre incident, la police a trouvé un fusil accroché au mur d'une résidence privée. Elle pense que cette arme avait été utilisée dans un cas d'homicide non élucidé qui remonte à 1987. L'ENSALA aide la police dans le cadre de l'examen de cette arme.

J'ai également noté un autre cas se rapportant à une affaire couverte dernièrement par les médias. On a procédé à la saisie d'une arme à feu prohibée à Winnipeg; une vérification au registre a permis de confirmer que cette arme était enregistrée au nom d'un collectionneur de la région de Winnipeg. Des mandats de perquisition ont été exécutés par la suite et on a découvert que, bien que le collectionneur soit en possession de plusieurs armes légales et dûment enregistrées, il possédait en outre plusieurs armes prohibées ou à autorisation restreinte. Deux mitrailleuses avaient disparu et la police craint qu'elles ne soient tombées entre les mains de malfaiteurs. L'article paru dans The Winnipeg Sun signale qu'une des armes manquantes est une Uzi 9 mm fabriquée en Israël dont la superproduction cinématographique de 1984, The Terminator, avec pour vedette Arnold Schwartzneger, a fait la notoriété. L'autre mitrailleuse est une Ingram 9 mm américaine compacte. La police examine cette collection d'armes qui comprend près de 400 pièces. Cet examen s'étalera sur plusieurs semaines. Jusqu'à présent, la police a découvert cinq armes de poing non enregistrées et elle est également à la recherche d'armes illégales. Elle craint que ce collectionneur n'ait perdu la trace de plusieurs autres armes et que celles-ci soient tombées entre les mains de criminels. Au cours d'une enquête qui n'avait aucun lien avec cette affaire, la police a trouvé une mitraillette qui était également enregistrée au nom de cet individu. Au cours d'une descente, la police a saisi près de 400 armes à son domicile, notamment des lance-fusées, des bazookas et sept grenades non désamorcées.

Le sénateur Cools: La Loi sur les armes à feu ne sera pas utile dans cette situation.

M. Griffin: Elle a déjà été utile dans cette affaire. Ce ne sont là que quelques exemples de l'aide qu'apporte le Programme canadien des armes à feu aux services policiers canadiens. Enfin, je signale que nous ne considérons pas ce programme comme une panacée qui permettra de répondre à tous les besoins en matière d'application de la loi. Nous pensons cependant que la délivrance de permis et l'enregistrement des armes à feu constituent un outil précieux pour les agents de police de première ligne. C'est pourquoi nous appuyons en principe les modifications prévues dans le projet de loi C-10.

Mme Wendy Cukier, présidente, Coalition pour le contrôle des armes à feu: Aux fins du compte rendu, je signale que je suis professeure à l'Université Ryerson. C'est mon emploi rémunéré. Je suis en outre bénévole pour la Coalition pour le contrôle des armes à feu, qui regroupe 350 organismes, notamment l'Association canadienne des chefs de police, l'Association de santé publique et divers groupes communautaires.

Étant donné la tournure qu'a pris la discussion, je voudrais mettre brièvement l'accent sur un ou deux points avant de faire des commentaires précis sur ce projet de loi. Il ne faut pas oublier que ce projet de loi a pour objet d'apporter à la loi des modifications ayant pour but de simplifier la vie aux propriétaires d'armes à feu. Ces modifications visent à aider les propriétaires d'armes à feu qui sont en possession d'armes de poing prohibées, prolonger la période de renouvellement des permis et simplifier le processus de possession d'une arme à feu pour le rendre plus efficace. En ce qui concerne la Coalition pour le contrôle des armes à feu et la sécurité publique, les seules dispositions de ce projet de loi qui soient vraiment marquantes sont celles visant à permettre au Canada de respecter ses obligations internationales en ce qui concerne le contrôle à l'importation et à l'exportation, ce qui lui permettra de ratifier l'Accord de l'OEA et le Protocole des Nations Unies sur les armes à feu.

Je pense que ce projet de loi n'a pas pour but de tenir compte de nos suggestions mais de rendre la vie plus facile aux propriétaires d'armes canadiens.

En 1989, lorsque notre organisme a été créé, le nombre de décès liés à l'utilisation de fusils et de carabines, qu'ils soient dus à des suicides, à des homicides ou à des accidents, était de 1 400 par an en moyenne. Les services de santé publique avaient contribué à l'élaboration de dispositions législatives concernant le processus de contrôle. Demain, je remettrai au greffier un exemplaire d'une lettre que 18 médecins et divers organismes connus du secteur de la santé ont envoyée au ministre de la Justice. Parmi les auteurs de cette lettre, se trouvent le directeur général de l'Association canadienne de santé publique et le Dr Richard Schabas, qui a été médecin hygiéniste en chef en Ontario et a demandé au gouvernement de la province de ne pas réduire le budget prévu pour les processus de contrôle de l'eau. Ils disent notamment ceci dans cette lettre:

Alors que bien des personnes semblent avoir oublié les principaux objectifs de la loi, en tant que professionnels de la santé, nous ne pouvons pas accepter un compromis qui pourrait être préjudiciable à la santé et à la sécurité publiques. Nous savons que des pressions ont été exercées pour simplifier le programme afin d'en réduire le coût, mais la tragédie récente de Walkerton (Ontario) nous a fait prendre conscience des problèmes auxquels on s'expose lorsqu'on perd de vue les objectifs de la santé et de la sécurité publiques. Il est vrai qu'il n'est pas facile d'évaluer l'efficacité des mesures de prévention, mais il est indéniable que l'on peut mesurer les conséquences de l'occultation d'un problème.

Je rappelle aux membres du comité que l'on estime à 6,6 milliards de dollars le coût de la violence armée au Canada. L'investissement dans le renforcement du contrôle des armes à feu au Canada a été, en ce qui nous concerne du moins, un excellent investissement. Le système qui était en place avant 1991 coûtait 30 millions de dollars par an. À cette époque, on ne connaissait pas l'identité des propriétaires d'armes à feu; un tiers seulement d'entre eux avaient une autorisation d'acquisition d'armes à feu. Le nombre de cas de violence armée était beaucoup plus élevé qu'à l'heure actuelle.

Les coûts de démarrage ont été beaucoup plus élevés que prévu. Cependant, le coût annuel de 60 à 80 millions de dollars doit être examiné dans cette perspective. Il faut le comparer aux coûts d'autres programmes de prévention.

L'année dernière, la province de Québec a dépensé 125 millions de dollars pour la vaccination contre la méningite, parce que 67 personnes avaient contracté la maladie. Le gouvernement du Canada investira 400 millions de dollars dans l'élargissement d'un tronçon de route du Nouveau-Brunswick où une cinquantaine de personnes ont perdu la vie dans des accidents au cours des cinq dernières années. Au cours de la même période, près de 5 000 Canadiens ont été tués par des armes à feu. C'est dans cette perspective que doivent s'inscrire les discussions concernant les coûts.

Depuis notre dernier passage devant votre comité, la Cour suprême du Canada a maintenu la constitutionnalité de la loi et du lien entre la délivrance d'un permis et l'enregistrement. La Commission pour la prévention du crime et la justice pénale des Nations Unies a présenté une résolution recommandant aux pays qui ne l'ont pas encore fait de délivrer des permis aux propriétaires d'armes à feu et d'enregistrer leurs armes. À une date plus récente, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a déclaré que les pays qui ne protègent pas leurs citoyens de la violence armée par une législation efficace manquent peut-être aux responsabilités qu'ils ont prises dans le contexte de la Convention internationale sur les droits de l'homme et en vertu du droit humanitaire. Ce ne sont là que quelques-uns des changements qui se sont produits depuis ma dernière visite.

Comme M. Webster, je pense que l'on ne peut pas évaluer l'influence réelle de la loi avant sa mise en oeuvre. J'ai toutefois mentionné à la fin de notre mémoire quelques données récentes sur les décès et la violence liés à des armes à feu au Canada. Ces données indiquent de façon indiscutable qu'il y a environ 300 décès par arme à feu de moins par an que lorsque notre coalition a été créée. Nos documents indiquent en outre que le nombre de meurtres par arme d'épaule — c'est le type d'arme impliqué le plus souvent dans les cas de violence familiale — a diminué des deux tiers.

Nous avons déclaré publiquement que nous sommes prêts à accepter et à appuyer les modifications proposées dans le projet de loi C-10. Nous savons toutefois très bien que ces modifications ne sont pas faites pour nous.

Je voudrais attirer votre attention sur trois points en particulier. Nous sommes préoccupés au sujet de la possibilité de présenter une demande de permis ou de renouvellement de permis par Internet. Le processus de contrôle a été conçu pour être rigoureux et pour que les formulaires portent la signature des personnes dont le nom a été mentionné comme référence; ce n'est pas possible sur Internet. Nous ne nous opposons pas à ce que les formulaires soient téléchargés sur Internet. Cependant, nous n'approuvons pas que l'enregistrement ou les autorisations de cession se fassent par Internet. Il faut en effet être prudents, car certains changements pourraient avoir des conséquences non souhaitables.

Nous avons mentionné que près de 2 millions de propriétaires d'armes à feu ont obtenu un permis en l'espace d'un an, même si le plan financier et le plan de mise en oeuvre prévoyaient une période de trois ans pour la délivrance des permis. L'opposition des provinces et la contestation de la validité constitutionnelle du programme ont retardé le processus et il a fallu par conséquent délivrer un permis à 2 millions de personnes entre janvier 2000 et la fin de cette année. Cette accélération du processus a fait grimper les coûts et a engendré un autre problème: toutes ces personnes devront renouveler en même temps leur permis d'ici cinq ans. La solution qui permettrait aux propriétaires d'armes à feu d'attendre jusqu'à neuf ans pour renouveler leur permis ne nous plaît pas beaucoup. Nous avons suggéré que le Parlement examine diverses options qui permettraient d'atténuer l'impact de cette situation en ayant recours à d'autres incitatifs comme une diminution des droits à payer.

Le troisième facteur est une question qui relève peut-être davantage de la compétence des avocats. Nous avons certaines préoccupations au sujet du paragraphe 65(3) proposé et de son libellé. Nous comprenons le bien-fondé des droits acquis en ce qui concerne des armes de poing prohibées et nous ne nous y sommes jamais opposés. Quatre types d'armes sont prohibées au Canada: les armes automatiques, qui ont été prohibées en 1977; les armes semi- automatiques convertibles, qui ont été prohibées en 1991; diverses armes militaires d'assaut, qui ont été prohibées par décret en 1993; et les autres armes militaires d'assaut qui ont été prohibées par Allan Rock en 1995.

La modification proposée dit:

L'autorisation de transport d'une arme à feu prohibée — à l'exception d'une arme automatique — ou d'une arme à feu à autorisation restreinte pour le tir à la cible ou la participation à une compétition de tir [...]

Nous sommes convaincus que le but de ces modifications n'est pas de relâcher les contrôles sur les armes militaires d'assaut. Je pense que personne ne préconise de relâcher les contrôles en ce qui concerne ce type d'armes et de permettre de les utiliser pour faire du tir à la cible, sauf dans les circonstances exceptionnelles dans lesquelles c'était déjà autorisé dans la version initiale de la loi.

Nous pensons que, pour plus de clarté, il serait préférable de libeller ce paragraphe comme suit:

L'autorisation de transport d'une arme à feu prohibée ou d'une arme de poing visée au paragraphe 12(6.1) [...]

Ce serait plus prudent. Le libellé actuel permettra de transporter des armes militaires d'assaut qui ne sont pas entièrement automatiques pour le tir à la cible, ce qui n'a jamais été le but visé dans la loi initiale.

M. Steve Torino, président, Groupe d'utilisateurs d'armes à feu: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à exposer le point de vue du Groupe ministériel d'utilisateurs d'armes à feu au sujet du projet de loi C-10 et à répondre à vos questions à ce sujet.

Le Groupe d'utilisateurs a été créé par le ministre de la Justice en décembre 1995 après que le projet de loi C-68 eut reçu la sanction royale. Ses membres représentent les divers types d'utilisateurs d'armes à feu et sont chargés de l'administration courante de la législation. Le Groupe se compose de chasseurs, de tireurs à la cible, de collectionneurs, d'exploitants de champs de tir, d'entreprises, d'instructeurs en maniement des armes à feu, de représentants d'organismes de protection de la faune, de pourvoyeurs et d'agents d'exécution des lois.

À titre de conseiller du ministre de la Justice, le Groupe d'utilisateurs a pour mandat de lui donner des conseils indépendants de source non gouvernementale et de le tenir constamment au fait de l'évolution et de l'application de la Loi sur les armes à feu.

Dans le cadre de recommandations concernant l'élaboration et la mise en oeuvre de modifications à nos lois et règlements sur les armes à feu, des comités parlementaires avaient déjà mentionné la nécessité de créer un groupe consultatif ministériel de ce type. Les changements apportés au système ne seront vraisemblablement efficaces que s'ils sont compris et acceptés par les propriétaires et les utilisateurs d'armes à feu qui sont conscients de leurs responsabilités et par les administrateurs du programme.

Le Groupe d'utilisateurs appuie inconditionnellement les modifications proposées dans la partie du projet de loi qui concerne la législation sur les armes à feu. Plusieurs des modifications présentées dans ce projet de loi sont semblables aux recommandations que nous avions faites et qui ont été, si j'ai bien compris, rendues publiques.

Les principaux sujets qui ont été traités par M. Webster et par M. Griffin sont notamment les problèmes de confiscation immédiate liée aux armes de poing, suscitée par le paragraphe 12(6) et par les articles 67 à 71 visant à simplifier la procédure régissant l'émission des permis et la cession d'armes.

Certaines personnes croient que ce projet de loi fait des concessions aux propriétaires d'armes à feu, tandis que d'autres estiment qu'il a surtout l'avantage d'éliminer les disparités, de réduire les coûts et de rendre le système plus efficient. D'autres encore y voient une ouverture permettant de trouver un juste équilibre dans un monde de plus en plus préoccupé par la sécurité. En fait, les modifications apportées dans ce projet de loi constituent un excellent premier pas vers la résolution de problèmes importants qui sont une source de préoccupations depuis des années.

Nous encourageons vivement le gouvernement à soutenir cette initiative en continuant d'améliorer la législation dans l'intérêt de toutes les personnes concernées.

Lorsque nous avons comparu devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes, nous lui avons exposé et expliqué les principales réserves que nous avons au sujet de ce projet de loi. Il est essentiel de corriger ces faiblesses pour que le plus grand nombre possible de propriétaires d'armes se mettent en règle avec la loi. J'ai mentionné quatre points dans le mémoire. Le premier est la crainte de la confiscation au moment de l'enregistrement, qui découle du fait que, de 1992 à 1995, on a modifié la classification de certaines armes à feu en vertu des projets de loi C-17 et C-68, et la crainte que des mesures semblables ne soient prises à l'égard des armes déjà enregistrées ou réenregistrées.

Le deuxième point, c'est la possibilité que les coûts associés au programme ne montent en flèche et la nécessité de trouver l'équilibre entre la sécurité publique et ces coûts. Il faudrait restructurer le budget du programme de manière à augmenter les crédits affectés à son administration générale dans des domaines tels que la délivrance des permis, le maintien de l'admissibilité, et cetera. Il faudrait en outre réaffecter les fonds consacrés aux procédures administratives redondantes et enfin, combiner le report des frais de cession à des initiatives peu coûteuses de manière à ce qu'elles aient une forte incidence sur le marché clandestin.

Le troisième point est le besoin de communiquer périodiquement aux propriétaires d'armes à feu des informations fiables au sujet du projet de loi C-10 pour éviter qu'ils se fient à des informations périmées et contradictoires provenant de diverses sources. L'ignorance pourrait leur valoir une condamnation au criminel.

Le quatrième point est que la reconnaissance de la possession sécuritaire et légale d'armes à feu comme activité légitime est au coeur de tout ce qui concerne la législation relative aux armes à feu et qu'elle doit venir des autorités chargées de réglementer cette activité.

D'autres questions importantes requièrent de toute urgence l'attention du gouvernement, notamment un règlement modificateur indispensable à l'application efficace des modifications prévues dans ce projet de loi. Si l'on tarde davantage à adopter ce projet de loi, les modifications à la réglementation, diverses autres améliorations législatives et une réduction des coûts seront impossibles. Il est fort probable qu'un grand nombre d'armes à feu ne soient toujours pas enregistrées et qu'il soit impossible de les faire enregistrer d'ici 2003, étant donné que les propriétaires de ces armes, qu'ils détiennent ou non un permis, ne disposent actuellement d'aucun moyen légal de faire enregistrer leurs armes ou de les céder à des propriétaires détenteurs de permis avant la date fatidique. Ce problème se posera dans toute son ampleur dans cinq semaines environ et il requiert une attention urgente.

Il faudra par ailleurs procéder à une réorganisation du budget du programme, afin que les restrictions financières actuelles ne compromettent pas l'efficience du programme et l'efficacité des mesures de sécurité relatives à la vérification des antécédents des demandeurs de permis et à la cession. Cela contribuera à affaiblir le marché gris et le marché noir. À la fin de l'année, plus de 900 000 certificats d'enregistrement, délivrés à des propriétaires d'armes en vertu de l'ancienne loi, viendront à expiration. De nombreux propriétaires ne sont pas informés de ces conséquences ou n'en comprennent pas la portée. Comme les certificats émis en vertu de l'ancienne loi ne portent pas de date d'expiration, les propriétaires croient que leurs certificats C-306 sont encore valides et ils pensent donc, mais à tort, être en règle avec la loi.

Il faudra apporter beaucoup d'autres modifications à la loi et à la réglementation relatives aux armes à feu pour corriger les autres faiblesses du programme, dont nous avons remis une liste au ministère de la Justice.

Nous encourageons vivement le gouvernement à continuer d'améliorer la législation en y apportant les autres modifications essentielles qui ont été recommandées.

Le sénateur St. Germain: Monsieur Griffin, comme vous le savez, les services de police sont à court de fonds. Mme Cukier avait dit que ce programme ne coûterait que quelques millions de dollars alors qu'on a dépensé jusqu'à présent près de 1 milliard de dollars.

En Colombie-Britannique, il y a eu l'affaire Clifford Robert Olson et un autre cas dans la zone est du centre-ville. Je ne veux compromettre l'issue d'aucune affaire, mais il paraît que si l'on trouve le corps d'une femme enfoui dans le sol sur cette exploitation agricole, alors il pourrait y avoir 150 autres cadavres. J'ignore combien de femmes enlevées dans la partie est du centre-ville ont pu être assassinées. Ces meurtres ont eu lieu parce que les agents de police n'étaient pas en mesure de poursuivre l'enquête étant donné qu'ils n'avaient pas suffisamment de fonds.

Nous avons mentionné que l'enregistrement était peut-être une assez bonne initiative mais que cela coûterait 1 milliard de dollars et qu'il serait préférable de les investir dans la surveillance policière. Un grand nombre de femmes ont donc perdu la vie. Il semble qu'aucune de ces femmes n'ait été tuée au moyen d'une arme à feu. Vous avez mentionné aujourd'hui que deux tiers des armes à feu ont été enregistrées. Comment pouvez-vous le savoir?

Bien que M. Webster ignore combien d'armes sont en circulation, vous n'hésitez pas à prendre la défense d'une initiative d'un coût exorbitant pour les contribuables. Vous avez mentionné des chiffres allant de 80 millions de dollars à 985 millions, mais vous ne savez même pas combien d'armes n'ont pas encore été enregistrées. Le coût total pourrait dépasser le milliard de dollars. Comment justifiez-vous ces chiffres? Comment pouvez-vous affirmer que deux tiers des armes ont été enregistrées? Vous avez dit que 85 p. 100 des propriétaires d'armes ont fait une demande de permis. Comment pouvez-vous savoir que deux tiers des propriétaires ont fait enregistrer leurs armes? Je n'ai d'ailleurs pas encore fait enregistrer les miennes.

M. Griffin: Sénateur, je prévoyais certaines de vos questions et j'ai donc préparé des notes. C'est sur le site Web du Centre canadien des armes à feu que nous avons trouvé ces renseignements. On y indique, sur une base bimensuelle ou mensuelle, le nombre de demandes d'enregistrement, le nombre de sondages que M. Webster a mentionné et le nombre de propriétaires d'une arme à feu détenteurs d'un permis.

Sauf votre respect, je ne vois pas le rapport entre les 80 millions de dollars en question et l'affaire de Vancouver. Le Service de police de Vancouver ne reçoit pas de fonds du gouvernement fédéral pour les services policiers.

Le sénateur St. Germain: C'est la GRC qui assure la surveillance policière dans Port Coquitlam, monsieur.

M. Griffin: De là à en conclure que si le programme des armes à feu n'était pas en place, le gouvernement aurait donné des fonds supplémentaires à la police, il y a une marge.

Le sénateur St. Germain: C'est pourtant ce qu'il aurait dû faire.

M. Griffin: J'ai tenté de déterminer ce qu'une somme de 80 millions de dollars pouvait représenter par rapport à d'autres programmes fédéraux. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a un budget de 3,3 milliards de dollars. Elle dépense 230 millions de dollars par an pour entretenir son réseau informatique à l'échelle nationale. À ces dépenses, il convient d'ajouter celles qui concernent les nouveaux projets liés à l'informatique. L'évaluation a été faite par un fonctionnaire de cette agence. Ce chiffre est certes impressionnant, mais il semble logique si on le compare aux frais d'administration d'autres programmes fédéraux.

On présume toujours que lorsque la mise en oeuvre du programme des armes à feu sera terminée et que tout le personnel nécessaire sera en place, les frais annuels seront moins élevés qu'actuellement.

Vous voudriez savoir si les policiers souhaiteraient que des changements soient apportés à ce programme. Nous nous présentons régulièrement devant le comité pour lui faire des suggestions. Les nombreuses modifications qui ont été apportées aux lois et aux décisions judiciaires au cours des 20 dernières années ont obligé les agents de police à mener leurs enquêtes d'une autre façon. Nous acceptons ces changements, car nous sommes dans une société libre et démocratique. On n'a toutefois jamais fait une évaluation de leur incidence sur les enquêtes policières.

Quand les autorités apportent des modifications qui obligent les agents de police à faire des démarches pendant six mois pour obtenir une ordonnance d'écoute électronique que l'on pouvait auparavant obtenir du jour au lendemain, elles ne nous accordent pas les fonds nécessaires pour couvrir les dépenses supplémentaires qu'entraînent toutes ces formalités. Le manque de fonds est une question qui préoccupe la collectivité policière. Si le nombre de personnes qui perdent la vie de cette façon a baissé de 300, cela doit toutefois pris en ligne de compte.

Je pense que, tout compte fait, une somme de 80 à 100 millions de dollars ne paraît pas exorbitante par rapport à d'autres programmes fédéraux.

Le sénateur St. Germain: Pourquoi devrions-nous croire que le coût de maintenance du programme diminuera considérablement? Comment pouvez-vous affirmer cela alors que le coût du programme était évalué initialement à 50 millions de dollars, puis à 80 millions de dollars, et qu'il atteint maintenant 1 milliard de dollars? Il faut vraiment ne pas avoir le moindre sens des affaires pour faire de telles affirmations avec autant d'assurance.

J'ai été policier pendant cinq ans. J'ai travaillé au poste 100, à East Hastings. Je sais ce qu'est la surveillance policière. Je ne dis pas que j'étais le meilleur agent de police, mais j'ai fait ce travail. J'en ai au moins fait l'expérience. Je sais de quoi je parle. Je ne tiens pas à compromettre l'issue de cette affaire, mais je suis au courant de certaines informations précises et j'ai une notion des conséquences des préoccupations budgétaires sur l'efficacité de notre force policière nationale.

On harcelle des grands-mères qui possèdent des carabines de calibre .22, à Humboldt, en Saskatchewan, et ça me fait peur.

Nous avons écouté l'exposé de Mme Cukier; elle a été très directe et n'a pas mâché ses mots. Elle n'avait pas froid aux yeux. Tous les renseignements qu'on nous a donnés sur les aspects financiers étaient faux. Je ne pense pas que ce soit voulu, mais ils étaient faux.

Cela me préoccupe d'entendre des discours aussi emphatiques. Je pense que les Canadiens ont le droit de connaître la vérité. Actuellement, dans bien des régions du pays, la population est scandalisée.

Le commentaire suivant concerne les Autochtones. Nous avons signalé à Mme Cukier qu'un professeur d'université ou un policier de Vancouver avait moins de difficulté à obtenir un permis qu'un Autochtone. Pourtant, ces personnes ne vivent pas de la terre. De nombreux Autochtones utilisent des armes pour se procurer des vivres mais joindront les rangs des criminels, parce qu'ils n'ont pas le choix.

Le sénateur Cools: Je voudrais faire une petite remarque qui n'est pas particulièrement profonde. Je pense que les témoins sont convaincus à tort que le Parlement ou que les sénateurs sont pingres ou du moins, qu'ils sont trop près de leurs sous.

Le problème, c'est que le Parlement a été induit en erreur par les estimations et les prévisions qui avaient été faites en ce qui concerne le coût de la législation sur les armes à feu. Si on nous avait demandé 1 milliard de dollars, c'est en se basant sur ce montant que nous aurions voté. Le Parlement ne refuse généralement pas d'investir des fonds dans de bonnes causes. Ce que nous voulons dire, le sénateur Stratton et moi-même, c'est qu'il est très important qu'un ministre communique une estimation des coûts précise et raisonnable lorsqu'il présente une initiative au Parlement.

Le sénateur Robichaud: Ça n'a aucun rapport avec les témoins.

Le sénateur Cools: Si. Ils répondent aux commentaires qui ont été faits.

Le sénateur St. Germain: Ils justifient les coûts.

Le sénateur Cools: Sauf votre respect, nous avons posé aux témoins précédents de nombreuses questions sur les prévisions budgétaires que nous avons examinées il y a quelques jours et ils y ont longuement répondu. Ils répondent maintenant à certaines questions concernant les coûts.

Le montant importe peu. Si Allan Rock avait demandé 1 milliard de dollars, on aurait peut-être voté en faveur d'un budget de 1 milliard de dollars. Je dis bien peut-être. Il a toutefois demandé 60 millions de dollars, puis 80 millions de dollars. Lorsque le projet de loi a été adopté par les deux chambres, on pensait généralement que le coût serait de l'ordre de 85 millions de dollars. C'est le point que mes collègues et moi tentons d'éclaircir. Ce n'est pas une question d'avarice.

Le sénateur St. Germain: Nous ne disposons pas de fonds illimités.

M. Griffin: Je voudrais faire des commentaires sur l'aspect financier de la décision. Ce projet de loi a été présenté il y a environ 18 mois, après de longues consultations auprès des associations policières et des associations d'amateurs d'armes. Nous avons participé à des consultations concernant les poids et contrepoids prévus dans le projet de loi et c'est à cette occasion que la question des coûts a été abordée.

Si le p.-d.g. d'une entreprise privée avait mentionné il y a 18 mois aux membres de son conseil d'administration que des économies pourraient être réalisées en apportant certains changements, ces changements auraient été apportés immédiatement. Les responsables du programme administrent un système hybride qui double les coûts dans la plupart des cas. Par conséquent, l'adoption de ce projet de loi serait un bon point de départ pour régler les problèmes de coûts.

En ce qui concerne les collectivités autochtones, notre vice-président représente les agents de police des Premières nations du Canada. Je n'ai pas la prétention d'être le porte-parole des Autochtones touchés par cette loi. On a consulté non seulement les chefs de police des Premières nations et les associations de policiers des Premières nations, mais aussi des représentants des collectivités autochtones avant de fixer l'échéance du 1er janvier 2001 pour les permis. Je ne suis pas en mesure de dire si ces consultations ont porté fruit mais ce que je sais, c'est que le directeur du Centre canadien des armes à feu avait tenté alors d'apaiser certaines préoccupations.

Nous avons participé activement à ces consultations parce que nous avions des inquiétudes au sujet de l'application de l'échéance du 1er janvier, date à partir de laquelle nous devions intervenir dans le cas des personnes qui ne seraient plus en règle.

Le sénateur Joyal: Monsieur Griffin, vous avez mentionné que deux tiers des armes à feu ont été enregistrées. J'ai cru comprendre que vous étiez présent lorsque le représentant du ministère de la Justice a témoigné et que les sénateurs Bryden et Baker ont discuté des problèmes qui se posent dans certaines régions. Les Autochtones ont signalé des problèmes concrets et le sénateur Adams a mentionné les difficultés bien réelles auxquelles ils font face.

Quels changements faudrait-il apporter pour régler la situation? Vous êtes agent de police. En janvier 2003, la Loi sur les armes à feu sera en place et de nombreuses personnes n'auront pas de certificat d'enregistrement et seront en infraction par rapport au Code criminel.

Le sénateur Baker a suivi le cours et a reçu une attestation. Le problème, c'est que même s'il a reçu ce document, il est fort probable qu'il soit en violation de la loi avant de recevoir le certificat d'enregistrement.

Quels changements suggérez-vous d'apporter dans l'immédiat? Comme l'a mentionné Mme Cukier, nous essayons de rendre la loi plausible.

M. Griffin: C'est une bonne question, honorable sénateur. Nous avons acquis une expérience précieuse à l'occasion de l'échéance du 1er janvier 2001 pour les permis. Nous nous sommes efforcés de faire preuve de compréhension à l'égard des personnes qui s'étaient soumises de bonne foi au système. Plusieurs propriétaires d'armes à feu qui avaient présenté leur demande le 1er décembre n'avaient aucun document prouvant qu'ils l'avaient fait. Nous nous sommes efforcés de régler leur problème et des permis temporaires ont été délivrés si j'ai bonne mémoire.

Je vous conseille de vous adresser aux fonctionnaires pour obtenir des renseignements plus précis. Quelques instructions avaient toutefois été données à la police en ce qui concerne les obligations, les mécanismes temporaires et les options qu'avaient les agents.

Les agents avaient le pouvoir de saisir l'arme si le propriétaire n'avait pas le document adéquat. Celui-ci avait alors l'occasion de présenter une preuve de la demande et son permis temporaire.

En ce qui nous concerne, en 2001, la délivrance des permis était davantage axée sur certains problèmes de sécurité que sur l'enregistrement des armes des détenteurs de permis.

Nous pensons appliquer le même type de raisonnement dans la situation présente. Nous mettrons en place un processus de vérification qui nous aidera à vérifier si une personne a fait une demande de permis.

Le sénateur Joyal: Que pensez-vous de la suggestion qui a été faite de reporter l'échéance de trois mois, pour régler principalement le cas des personnes qui sont de bonne foi? Certaines personnes ont déjà entamé les démarches mais ne sont pas en règle à cause des retards administratifs. Ne serait-il pas préférable de leur faire savoir que l'on est en train de régler ce problème? Elles n'auront plus à se demander si la police les laissera tranquilles parce qu'elles sont de bons citoyens ou ont une bonne tête. La personne qui a un physique particulier risque d'avoir des problèmes. On ne peut pas ne pas ignorer le contexte national ou mondial.

M. Griffin: Je ne prétends pas être expert en matière de comportement humain, mais le risque auquel on s'expose en prolongeant le délai est que cela ne fasse que reporter le problème. Si l'on m'accordait trois mois de délai supplémentaire pour envoyer ma déclaration d'impôt sur le revenu, je la remplirais probablement encore la veille de la date d'échéance.

Le sénateur Cools: Il s'agit d'un autre problème.

Le sénateur Joyal: Je ne dis pas que c'est le même. J'admets que certains contribuables attendront jusqu'au 30 juillet pour remplir leur déclaration d'impôt si on leur dit qu'ils ne doivent la remettre qu'à la fin de juillet.

Ce n'est pas la même situation. Ces personnes ont déjà entamé les formalités. Leur demande est déjà renvoyée. Elles ont démontré de bonne foi qu'elles respectent la loi. Ce retard n'est pas dû à une mauvaise décision de leur part comme l'ont déjà mentionné plusieurs témoins.

Cette situation est due à ce que j'appelle le «syndrome de Noël». C'est une période de l'année où tout le monde veut se rencontrer le même jour et en même temps. Nous ne pouvons pas servir tout le monde en même temps, à cause du nombre de personnes concernées. La situation qui a été exposée ce soir en ce qui concerne les personnes qui essaient d'arriver juste à temps pour l'échéance est une situation réelle. Ce n'est pas une situation que nous avons créée pour ce projet de loi.

M. Griffin: Nous nous attendions à avoir beaucoup plus de problèmes au cours de l'étape de la délivrance des permis que de celle de l'enregistrement. Grâce aux mesures qui ont été mises en place par le Centre des armes à feu à la date d'échéance pour les permis — le 1er janvier 2001 —, les problèmes ont été mineurs. Il n'a pas été nécessaire de modifier la loi. La question a été réglée, si j'ai bonne mémoire, par l'octroi de certains pouvoirs réglementaires ou par un décret.

Je ne suis pas très au courant des aspects techniques, mais d'après les commentaires de M. Webster et d'après ceux qui ont été faits à d'autres occasions, on est prêt à prendre les mesures nécessaires pour éviter que certaines personnes soient pénalisées et se trouvent dans l'illégalité à cause d'un problème administratif, sachant que les demandes afflueront à l'approche de l'échéance. La police ne tient pas à devoir régler cette question elle-même.

Le sénateur Joyal: Exactement. Il s'agit de faire le meilleur usage possible des forces policières disponibles.

Cet après-midi, Mme Roussel a signalé que si l'on reportait l'échéance de trois mois, il faudrait modifier les dispositions du paragraphe 98(3) du Code criminel. S'il y avait eu moyen de régler la question par la voie administrative, grâce à des règlements par exemple, la décision serait laissée à la discrétion du gouverneur en conseil. Ce serait plus facile que de modifier la loi. Nous connaissons les difficultés que cela présente.

Cette dame nous a toutefois signalé que si nous voulions modifier la loi, nous devrions également modifier le paragraphe 98(3) du Code criminel. C'est consigné au compte rendu et ce n'est pas une réponse que j'invente.

Je m'efforce de mettre en évidence le commentaire que vous avez fait sur la délivrance des permis. Nous sommes à la veille de l'échéance prévue pour l'enregistrement des armes. Le processus est censé se terminer sous peu. On a encore le temps de faire une demande de permis, mais le paragraphe 98(3) du Code criminel fixe une échéance précise pour l'enregistrement. Il s'agit d'une échéance fixe et pas d'une échéance mobile. J'ai tenté de concilier ce principe avec la suggestion que vous avez faite.

M. Griffin: Je ne prétends pas être un expert en droit. Il y aurait moyen de reporter l'échéance en apportant une modification à la loi, si j'ai bien compris.

Le sénateur Joyal: Oui, mais ce serait la dernière échéance.

M. Griffin: Il ne s'agirait pas d'une sorte d'amnestie ni d'une mesure discrétionnaire temporaire qui permettrait aux Canadiens et Canadiennes de présenter peut-être leur demande après que la loi ait été modifiée.

Pour être franc, au cours de cette discussion, je tentais de déterminer si une modification qui serait apportée par le Sénat pourrait être adoptée par la Chambre et par le Sénat d'ici la fin de l'année.

Le sénateur Joyal: Oui, ce serait facile.

Le vice-président: On ne sait jamais, sénateur Joyal.

M. Griffin: Est-ce que cela ne résoudrait pas le problème tout en en créant un autre pour les propriétaires d'armes qui espèrent être dans la légalité?

Le sénateur Joyal: Le présent projet de loi ne peut être adopté comme tel à cause de la décision qui a été prise la semaine dernière par le Sénat de le scinder en deux. De ce fait, il devra être renvoyé à la Chambre des communes. Ce n'est pas comme si nous apportions un amendement à un projet de loi qui se présente tel qu'est maintenant le projet de loi C-10. Il doit être renvoyé à la Chambre des communes. C'est la procédure normale.

Cet amendement servirait l'objectif du projet de loi. À mon avis, il réglerait le cas des personnes qui ont déjà entamé les formalités. Il éviterait des situations grotesques, tant pour les agents de police que pour les personnes qui participent au processus.

Le sénateur Watt: Êtes-vous agent de police?

M. Griffin: Non. J'aurais dû préciser que j'ai déjà été agent de police mais que je travaille maintenant pour le service de police.

Le sénateur Watt: M. Joyal a fait allusion aux citoyens respectueux de la loi qui s'efforcent d'être en règle. Ils ont présenté la demande mais attendent toujours leur certificat. Certains d'entre eux ont l'impression que leur demande a été égarée. C'est important pour moi d'entendre les suggestions d'un ex-agent de police comme vous.

Je sais que l'ignorance de la loi n'est pas une excuse. Je le sais depuis longtemps. Cependant, certaines personnes sont d'une ignorance totale en matière de lois. Malgré leur ignorance, elles s'efforcent de la respecter. Certaines personnes, comme les personnes âgées, passent par les mailles du filet parce que le système n'a pas été établi en fonction d'elles. Comment peut-on faire si ces personnes deviennent des criminels malgré tous les efforts qu'elles font pour respecter la loi?

Le sénateur Adams a mentionné que l'agent qui avait été préposé aux armes à feu pour aider ces personnes n'occupait plus ce poste. On est en train d'engager une autre personne. Cette personne devra recevoir une formation. Entre-temps, l'échéance fatidique approche inexorablement. Comment régler le problème?

M. Griffin: En toute franchise, sénateur, j'ai de la difficulté à établir ce lien. Les personnes qui ont déjà obtenu un permis doivent savoir qu'elles sont obligées de faire enregistrer leurs armes. À moins d'avoir changé d'adresse, elles ont certainement reçu plusieurs documents d'information du Centre des armes à feu. Les propriétaires d'armes à feu qui n'avaient pas leur permis pour le 1er janvier sont déjà, théoriquement, en infraction.

Le sénateur Watt: C'est un fait. Cependant, ces documents sont censés être présentés de telle façon que les intéressés aient tous les renseignements nécessaires. Pourtant, ils ne sont pas traduits. Je pense notamment aux personnes qui sont unilingues et qui ne parlent que l'inuktitut, par exemple. Faut-il les oublier?

M. Griffin: Non. Je ne pense pas être la personne la mieux placée pour en parler. Je sais toutefois, d'après ce que m'a dit mon collègue qui représente les agents de police des Premières nations et s'est occupé de leurs problèmes, et d'après nos consultations avec des représentants du Centre des armes à feu, que divers programmes ont été mis en place à l'intention de ces personnes. M. Webster l'a d'ailleurs mentionné. Je ne suis toutefois pas naïf au point de penser que ces programmes ont permis d'informer toutes les personnes concernées.

Je pense qu'en toute légitimité, il faut s'efforcer de faciliter la conformité à la loi dans tous les cas sans sauter à la conclusion que, parce qu'une personne ne possède pas de permis, elle commet un acte de désobéissance civile ou a enfreint la loi volontairement.

Comme je l'ai mentionné, les agents de police ont du pain sur la planche. Leur but n'est pas de poursuivre les auteurs de ce type d'infraction quand ils sont convaincus que cette situation est due à un problème de communication ou à quelque autre problème analogue. Il faut faire davantage d'efforts pour s'assurer que tous les Canadiens qui possèdent une arme à feu soient au courant de cette loi.

Le sénateur Watt: Êtes-vous conscient que dans plusieurs collectivités isolées, la chasse est la seule activité qui permette vraiment aux chasseurs d'assurer leur subsistance et celle de leur famille? Ces gens-là n'ont pas d'autre moyen de joindre les deux bouts. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait trouver une solution à ce problème? C'est essentiel. Cette situation affecte non seulement les personnes âgées et celles qui répondent aux conditions à remplir pour avoir le droit de posséder une arme et d'obtenir un permis, mais des familles tout entières et des enfants. Comment pourront-ils avoir de quoi se nourrir?

Le sénateur St. Germain: Le problème a déjà été soulevé il y a cinq ans.

M. Griffin: Ces personnes doivent avoir un permis pour pouvoir acheter des munitions.

Le sénateur Watt: On ne vend même plus de munitions. Nos lois ont déjà des conséquences néfastes sur la vie de certaines personnes. Les commerçants refusent d'avoir des munitions en stock parce qu'ils craignent qu'on porte des accusations contre eux. La plupart des membres de ces collectivités n'ont plus de munitions. On en revient progressivement aux méthodes de chasse traditionnelles, avec une lance par exemple, parce que c'est la seule solution pour se procurer des vivres pour assurer la subsistance de notre famille.

Le sénateur Joyal: C'est de la cruauté envers les animaux.

Le sénateur Watt: Le projet de loi C-10 ferait de nous de «doubles criminels», parce que nous enfreindrions également les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux. C'est un cercle vicieux.

Le droit que m'accorde la Constitution d'adopter le mode de vie traditionnel est compromis. Les habitants du Nord sont très différents des autres Canadiens. On ne peut pas s'attendre à ce que les lois qui sont faites à Ottawa, à Toronto ou à Vancouver répondent aux besoins de tous les Canadiens. Ce n'est pas le cas. Vos lois sont actuellement une source de problèmes pour de nombreux citoyens.

C'est tout ce que je peux dire pour l'instant. Je compte sur vos suggestions, étant donné que vous avez été agent de police. Que peut-on faire si l'on ne peut pas apporter une modification au projet de loi?

Le sénateur Cools: Je tiens à présenter nos excuses aux témoins pour les avoir fait attendre. J'admire les personnes qui sont patientes et qui donnent bénévolement de leur temps. Je tenais à vous en remercier, parce que vous étiez ici à 15 h 30 et que vous deviez passer à 16 h 30.

Comme l'a mentionné le sénateur Watt, les mesures prévues dans le projet de loi ne seront pas efficaces dans le Nord. Elles ne seront pas efficaces non plus dans les villes, à en juger d'après ce qui s'est passé depuis que le projet de loi C-68 est entré en vigueur. Si vous avez suivi les actualités — surtout au cours des derniers mois —, vous savez certainement qu'à Toronto, le nombre de meurtres chez les jeunes noirs monte en flèche. Le projet de loi n'a pas découragé du tout l'usage illicite d'armes et la criminalité, à ce que je peux voir.

J'ai trois questions à poser. La première s'adresse à M. Torino ou à tout autre témoin qui voudrait répondre.

Monsieur Torino, je vois que vous représentez le Groupe ministériel d'utilisateurs d'armes à feu.

M. Torino: C'est bien cela.

Le sénateur Cools: D'après ce que j'ai cru comprendre, votre tâche consiste à donner des informations, de l'appui ou des conseils au ministre.

M. Torino: C'est bien cela.

Le sénateur Cools: Je voudrais savoir comment vous vous acquittez de vos fonctions. Pouvez-vous dire par exemple quand vous avez rencontré le ministre pour la dernière fois et préciser la fréquence de ces rencontres?

M. Torino: Nous avons rencontré la ministre McLellan en novembre 2001. Nous n'avons pas encore rencontré le ministre actuel. Notre tâche consiste généralement à faire une série de recommandations basées sur les discussions que nous avons à nos réunions.

Le sénateur Cools: Permettez-moi de revenir en arrière. Avez-vous bien dit que vous n'aviez pas encore rencontré le ministre Cauchon?

M. Torino: C'est exact.

Le sénateur Cools: N'avez-vous pas dit également que c'est l'année dernière que vous avez rencontré la ministre McLellan?

M. Torino: Notre dernière rencontre avec la ministre McLellan a eu lieu le 15 novembre 2001.

Le sénateur Cools: Vous n'avez donc plus rencontré le ministre depuis un an.

M. Torino: C'est exact.

Le sénateur Cools: Je suis quelque peu surprise. Qui avez-vous rencontré et combien de fois?

M. Torino: Généralement, nous nous réunissons avec des fonctionnaires du Centre canadien des armes à feu, c'est-à- dire avec M. Gary Webster et ses collaborateurs. Nous avons rencontré le ministre environ deux fois par an. Nous avons rencontré plusieurs fois le ministre Rock. Il a assisté à presque toutes nos réunions. Nous rencontrions la ministre McLellan deux fois par an. Nous n'avons pas encore eu de réunion avec le ministre Cauchon et nous n'avons pas tenu de réunion du Groupe des utilisateurs depuis le mois de novembre.

Le sénateur Cools: On ne peut donc pas considérer que vous communiquez souvent vos opinions au ministre. Je me demandais quel genre de dialogue le ministre pouvait avoir avec les utilisateurs d'armes à feu. Je suis quelque peu surprise.

M. Torino: Je peux expliquer brièvement le processus, si vous le désirez.

Le sénateur Cools: Je vous en prie.

M. Torino: Le processus consiste à faire des recommandations par écrit venant du Groupe plutôt que des employés du Centre canadien des armes à feu. Nous tenons généralement une réunion tous les deux mois ou à intervalles plus rapprochés, lorsque le programme est plus chargé. Les recommandations sont transmises directement au ministre et nous faisons parvenir un exemplaire de ce document aux responsables du Centre canadien des armes à feu.

Le sénateur Cools: Cela m'intrigue. C'est renversant. Les responsables du Centre des armes à feu peuvent rencontrer quelqu'un quand ils veulent; ils organisent des dizaines de réunions. En fait, je considère que c'est un groupe politique actif, plus actif que nous en fait. Si vous avez effectivement des réunions avec eux, pourquoi vous appelez-vous «groupe ministériel»?

M. Torino: Le ministre Rock nous a nommés en 1995, immédiatement après que le projet de loi C-68 ait reçu la sanction royale. Notre rôle consistait à donner des opinions sur la mise en oeuvre du programme et à communiquer directement avec le cabinet du ministre et avec le Centre canadien des armes à feu. Il était prévu que nous ne rencontrerions le ministre que de temps en temps, à sa demande ou à notre demande.

Le sénateur Cools: C'est intéressant parce que, de toute évidence, vous n'êtes pas les seuls à avoir de la difficulté à rencontrer le ministre Cauchon. À ce propos, j'espère que le ministre Cauchon nous fera l'honneur de nous rencontrer d'ici quelques jours pour nous parler de ce projet de loi, parce que nous n'en avons pas encore discuté avec lui. J'espère que nous y arriverons.

C'était ma première question. Je me demandais comment vous procédiez. Un des témoins a fait allusion au recours à des décrets pour interdire des armes précises. J'ai posé une question au sujet du nombre de décrets aux témoins précédents, qui sont des fonctionnaires. L'un d'eux en a mentionné deux.

Pourriez-vous parler du recours aux décrets par le ministre dans ce contexte? On dirait que c'est un mystère. Il faudrait faire une étude sur le recours aux décrets.

Ma question suivante concerne la diminution de la criminalité et la sécurité publique. Je pense que M. Griffin a mentionné que le nombre annuel de meurtres avait diminué de 300. L'un d'entre vous pourrait-il dire combien d'homicides par an sont commis au Canada et parmi ces homicides, combien sont des homicides par arme à feu? Parmi les victimes de ces homicides, combien sont des hommes et combien sont des femmes et, dans le cas où les victimes sont des femmes, combien de ces homicides sont commis par leur conjoint? Je parle d'homicides par arme à feu. Je voudrais les nombres absolus, si quelqu'un les a.

Le sénateur St. Germain: J'aurais une petite question à poser. Êtes-vous bénévole, monsieur?

M. Torino: Oui, sénateur.

Le sénateur St. Germain: Entièrement bénévole?

M. Torino: Oui. Nos frais sont remboursés. Je suis négociant autorisé en armes à feu. Je possède un club de tir. Je suis président d'un club de collectionneurs d'armes et j'ai d'autres activités.

Le sénateur Cools: C'est pour cette raison que je pose toutes ces questions. En effet, vous faites partie des personnes qui ont beaucoup d'expérience et une connaissance approfondie des armes à feu. C'est ce qui m'intéressait.

M. Griffin: Je pense avoir mentionné les décrets. Je l'ai fait lorsque j'ai répondu aux questions du sénateur Joyal. J'ai dit que je ne savais pas très bien comment nous avions réglé les problèmes d'échéance en ce qui concerne les permis, si c'était par un décret ou par un règlement. Je pense que je l'ai mentionné.

Le sénateur Cools: Non. Au cours de la dernière demi-heure, l'un de vous trois a fait allusion au recours à des décrets pour interdire des armes, ce qui est différent. On ne peut pas prolonger le débat par décret.

Mme Cukier: C'est moi qui l'ai dit. Le projet de loi de Kim Campbell, qui a été adopté en 1991, contenait un article permettant la prohibition d'armes militaires d'assaut par décret. Le libellé de ces dispositions était très précis afin d'apaiser les craintes des chasseurs, à savoir notamment la crainte que l'on décide ensuite d'interdire les armes de poing de calibre .22. Les termes employés étaient: «les armes dont on ne fait pas raisonnablement usage pour la chasse». On a eu recours à cette modification par décret en raison d'un antécédent et cela se fait dans bien d'autres pays. Si l'on dit: «C'est un M16 et nous décrétons que c'est une arme prohibée» et que l'on indique dans la loi que le M16 est prohibé, l'année suivante le fabricant produira une arme analogue sous un autre nom.

L'objectif était donc de laisser au gouvernement la latitude de prévoir d'éventuels changements par les fabricants. J'ai été un certain temps aux Nations Unies et je peux vous citer de nombreux exemples précis: un fabricant invente un type d'arme, y apporte une petite modification et lui donne un autre nom. En 1993, Kim Campbell a interdit, par décret, diverses armes militaires d'assaut. M. Rock a eu recours au même procédé en 1995.

La modification apportée par le ministre Rock à la loi, par rapport à son libellé à l'époque de la ministre Campbell, est qu'il a remplacé «les armes dont on ne fait généralement pas usage pour la chasse» — car je crois que c'était ainsi sous la ministre Campbell — par «les armes dont on ne fait pas raisonnablement usage pour la chasse». Cette modification a été rapportée parce qu'un député avait déclaré qu'il avait besoin de son arme militaire d'assaut munie de chargeurs de grande capacité pour tuer les lapins dans ses vergers, car il n'était pas bon tireur. Je ne citerai pas de nom et je ne préciserai pas quel parti il représentait.

On voulait régler le problème de l'utilisation éventuelle d'armes qu'il n'est pas raisonnable d'utiliser. Je pense qu'il est un fait généralement admis que si l'on n'est pas capable de tirer juste et si l'on a besoin d'utiliser une AK47 pour tuer des lapins, ce n'est pas normal. C'est pourquoi cette modification a été apportée. Elle avait pour but de rassurer la population.

Le sénateur Cools: D'après mes informations, le ministère a pris plus de 30 décrets depuis mars 1998. Je me demande bien pour quelle raison il y a recours. Je n'étais pas sûre que c'était bien à cela que faisiez allusion. Je croyais que vous faisiez allusion à des pouvoirs spécifiques en ce qui concerne les armes à feu.

Pour revenir à la question des homicides, surtout ceux dont sont victimes les femmes, on a dit qu'une des principales raisons de cette initiative était de protéger les femmes contre ces hommes monstrueux qui sont prêts à assassiner toutes les femmes qui croisent leur chemin. La plupart de mes collègues savent ce que je pense de cette manie de faire un rapprochement entre les hommes et l'agression. J'ai eu l'occasion de constater personnellement au cours de ma vie que les femmes peuvent être très agressives.

Quelqu'un peut-il m'éclairer à ce sujet? Je pense que la plupart d'entre nous commencent à oublier l'atmosphère qui régnait entre 1992 et 1994, quand on portait des rubans de couleurs différentes. On portait chaque jour des rubans de couleurs différentes pour manifester son opposition à la violence contre les femmes. Nous avons tenu des débats à la Chambre et au Sénat à ce sujet. Le ministre Rock et la secrétaire d'État à la Condition féminine ont mentionné à maintes occasions que le projet de loi sur les armes à feu avait pour but de protéger les femmes. C'était de la foutaise! On se met non seulement à oublier le type de raisonnement que l'on tenait à l'époque, mais aussi à s'en dissocier. On affirmait pourtant que c'était l'un des principaux buts de cette initiative.

Je voudrais examiner des données à ce sujet, si quelqu'un pouvait me les communiquer. J'aimerais savoir quelle est la tendance — si l'on peut s'exprimer ainsi — en ce qui concerne les homicides de femmes par arme à feu.

Mme Cukier: Voyez à la dernière page de notre mémoire. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais j'y ai indiqué le nombre d'homicides de femmes par arme à feu. Il est à son niveau le plus bas depuis 30 ans.

Le sénateur Cools: Où voyez-vous cela?

Mme Cukier: À la dernière page de mon mémoire. Nous l'avons remis dans les deux langues officielles mais, pour une raison que j'ignore, il n'a pas été distribué. Je suis désolée. Je pensais que vous en aviez un exemplaire. Le taux d'homicides de femmes par arme à feu est indiqué à la cinquième colonne, à partir de la gauche.

Le sénateur Cools: Je ne suis pas à la même page que vous.

Mme Cukier: C'est dans le tableau, à l'avant-dernière page. Le taux d'homicides par arme à feu est à son niveau le plus bas depuis 30 ans et le pourcentage de femmes victimes d'homicides a beaucoup plus diminué que celui des hommes. Il est de 0,19.

Le sénateur Cools: J'aime me baser sur des nombres absolus parce que, quand on mentionne un taux de 50 p. 100, par exemple, on constate souvent par la suite que le nombre absolu est de deux ou trois. J'aime les nombres précis. Je constate que de 1974 à 2001, le nombre d'homicides n'a pas beaucoup changé. D'après les chiffres que vous citez, le nombre d'homicides s'est élevé à 554 pour l'année 2001.

Le sénateur Cools: En 1994, le nombre total était de 596. Il est différent, mais la différence n'est pas importante du point de vue statistique. En 1985, le nombre était de 704.

Mme Cukier: C'est pourquoi il faut faire une analyse de régression et s'intéresser aux moyennes pour une période de dix ans.

Le sénateur Cools: C'est ce que nous faisons. Je parle de l'année à partir de laquelle le projet de loi sur les armes à feu a été présenté.

Mme Cukier: Les taux donnent une indication beaucoup plus précise parce qu'ils tiennent compte du taux démographique. Je voudrais attirer votre attention sur deux ou trois points. Le premier ne concerne pas uniquement la diminution du taux d'homicides de femmes. Vous reconnaîtrez que dans les années 90, la situation avait beaucoup changé par rapport aux années 80 et que cette diminution est notamment due à la loi de Kim Campbell, qui constituait la première étape de l'amélioration du système de contrôle pour les autorisations d'acquisition d'armes à feu.

L'autre donnée qu'il convient d'examiner — surtout quand on pose des questions sur la loi axée sur les fusils et les carabines — est le taux d'homicides par fusil et par carabine, qui a chuté considérablement. Il a baissé de deux tiers au cours des dix dernières années, grâce à la loi proposée par Kim Campbell. La loi proposée par Allan Rock a accentué cette tendance.

En ce qui concerne la question de la violence faite aux femmes, je signale que les principales organisations féminines canadiennes ont appuyé la loi. Il est en outre utile de mentionner qu'à l'échelle internationale, d'après la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et la rapporteuse spéciale de cette commission chargée de la violence contre les femmes, le contrôle des armes de petit calibre et des armes à feu est une question de plus en plus préoccupante. Ce n'est pas qu'un plus grand nombre de femmes que d'hommes se fassent tuer car ce n'est pas vrai du tout. Un plus grand nombre d'hommes que de femmes se font tuer. Cependant, la plupart des propriétaires et des utilisateurs d'armes à feu sont des hommes. C'est pourquoi le juge en chef de la Cour d'appel de l'Alberta a insisté sur le fait que ce problème était associé aux membres d'un sexe en particulier lorsque cette Cour a maintenu la constitutionnalité de la loi.

Le sénateur Cools: Libre à vous de persister dans cette approche. Revenons à la question des chiffres précis depuis que le projet de loi C-68 a été adopté. D'après les données publiées pour l'année antérieure (1994), 23 femmes avaient été tuées par des armes à feu appartenant à des conjoints ou à des proches. Les chiffres n'ont pratiquement pas changé.

Mme Cukier: Non. D'après les taux...

Le sénateur Cools: Vous pourriez peut-être faire une pause et nous pourrions demander à quelqu'un de faire une recherche.

Mme Cukier: En 1994, le taux était de 0,26 alors qu'en 2000, il était de 0,19. Même si le nombre n'a pas changé, les taux ont diminué.

Le sénateur Cools: En fait, en 1995, lorsque nous avons été saisis de ce projet de loi, le nombre absolu de femmes tuées par arme à feu par des conjoints n'a jamais été mentionné. J'ai constaté qu'il était extrêmement difficile d'obtenir un chiffre très précis.

Je voudrais raconter une anecdote qui intéressera peut-être mes collègues, même si elle n'est pas particulièrement importante. Au cours de l'étude du projet de loi C-68, de nombreux ministres de l'Ouest ont témoigné devant notre comité. Pendant la période des questions, plusieurs d'entre eux ont été surpris de constater qu'aucune femme n'avait été tuée par arme à feu dans leur province. Si le nombre annuel d'homicides est de 23, comme il y a dix provinces, il est normal qu'aucun n'ait été commis dans certaines d'entre elles.

Je ne révélerai pas son identité, mais un des ministres d'une des provinces de l'Ouest est venu me trouver après les audiences pour en discuter. Il m'a dit qu'il pensait, d'après tout le bruit et tout l'émoi que cela suscitait, que le nombre de victimes se chiffrait par milliers. Il en était convaincu. Il ne s'était jamais donné la peine d'examiner les nombres absolus, ce qui est renversant de la part d'un ministre. J'en suis restée bouche bée.

Il est indéniable que le meurtre est tragique et terrible. Nous ne l'excusons nullement. Le fait que nous devions le préciser est un signe de notre époque.

Il faut toutefois bien admettre qu'alors, la question des femmes ne pouvait pas être le principal motif d'une telle loi. Ce qui me préoccupait, c'est qu'on s'en servait comme prétexte. Vous vous en souvenez certainement. On avait établi un lien avec la tragique affaire Marc Lépine, à Montréal. On avait établi un lien entre le projet de loi et cette tragédie et je trouve que c'est franchement lamentable. Cette question m'a préoccupée énormément. Ce fut l'enfer pour les familles des victimes. On ne les a pas beaucoup aidé en associant les hommes à la cause d'une telle tragédie et en tirant une conclusion aussi simpliste. Les législateurs, les parlementaires et les décideurs se doivent de comprendre que l'agression est un caractère de l'être humain et que ce n'est pas un caractère propre aux représentants d'un sexe en particulier.

La plupart d'entre vous connaissent déjà ma chanson, mais je suis prête à la chanter en tout temps. Je signale que bien des actes criminels commis par des femmes restent impunis parce que les agents de police ont tendance à en rechercher les auteurs parmi les hommes et non parmi les femmes. Je tenais à le préciser.

Si l'on avait invoqué d'autres raisons pour présenter le projet de loi C-68, la situation aurait été différente. C'est toutefois ainsi que cette initiative a été présentée. On en paye maintenant les conséquences.

Mme Cukier: Il est indéniable que les organisations féminines ont appuyé cette initiative. Cependant, elle a été surtout appuyée par les services policiers et les services de santé publique. Vous avez probablement raison; notre perception des risques est souvent très différente des risques réels. C'est pourquoi le fait que les taux de meurtre soient par exemple plus élevés dans l'Ouest et dans les régions rurales — surtout dans le nord du Canada — que dans les grandes villes est important. Vous avez pourtant mentionné la situation actuelle à Toronto, qui a fait l'objet d'une grande attention.

Le sénateur Cools: Vous pourriez peut-être nous en parler. Cette affaire m'a consternée. Je suis née dans les Antilles, je ne peux pas le cacher. Il s'agit d'Antillais. C'est très inquiétant.

Mme Cukier: Vous avez mentionné que vous préfériez les nombres aux taux. Il est important de signaler qu'en 2001 — et on s'attend à ce que le chiffre soit le même en 2002 —, le nombre de meurtres commis avez des armes à feu s'est élevé à 33 alors qu'en 1991, il était de 38.

Le sénateur Cools: Continuez et citez le chiffre concernant les personnes de race noire. Il est énorme.

Mme Cukier: On ne le signale pas pour des raisons évidentes. On a l'impression que la violence liée aux armes est devenue incontrôlable à Toronto alors qu'en réalité, si l'on se base sur les taux et d'autres données, il a diminué.

Si vous lui posez la question, la police répondra qu'environ la moitié des armes de poing qu'elle récupère sont des armes en provenance des États-Unis, qui ont été passées en contrebande. C'est notamment pour cette raison qu'il est important de renforcer les lois.

La moitié des armes à feu qui venaient du Canada sont des armes volées et vendues illégalement, ce qui confirme l'importance de la présente loi.

Le sénateur Cools: Lorsque le ministre viendra, il pourra donner des explications.

Le vice-président: Il ne viendra pas demain.

Le sénateur Cools: Il n'a pas encore témoigné au sujet du projet de loi.

Le sénateur Pearson: Si.

Le sénateur Cools: Non. Nous ne lui avons pas posé de question. C'est agaçant. Nous n'avons pas eu de discussion avec le ministre.

Le vice-président: Il est venu témoigner.

Le sénateur Cools: Oui, mais il est parti pour nous laisser l'occasion de décider comment procéder.

En ce qui me concerne personnellement, je n'ai pas eu l'honneur de pouvoir lui poser une seule question au sujet de ce projet de loi. D'après ce que j'ai pu constater et comprendre, aucun sénateur n'a eu ce privilège. Cela n'a probablement pas dérangé certains sénateurs, et je le comprends.

Pour ma part, cette situation me dérange. Je ne prends pas mon travail à la légère. Le nombre de sénateurs qui s'en fichent que nous lisions le projet de loi, que nous le recevions ou que nous l'examinions est déjà suffisant. Si vous ne voulez pas examiner le projet de loi, c'est votre droit. Cependant, certains sénateurs veulent examiner la question consciencieusement.

Le sénateur Robichaud: Du calme!

Le sénateur Cools: C'est vous qui feriez mieux de vous calmer!

Le sénateur Robichaud: Je garde mon calme.

Le ministre a témoigné devant le comité. Certains sénateurs ne voulaient pas le laisser parler.

Le sénateur Cools: Vous dites des bêtises.

Le sénateur Robichaud: Ça vous arrive aussi.

Le sénateur Cools: Je vous prie de nous excuser. Vous avez mentionné que vous avez eu des consultations avec le ministère de la Justice au sujet de ces projets de loi. Tous les témoins ont eu des consultations. Je pense que c'est notre devoir de faire notre travail consciencieusement, même si le gouvernement nous bouscule pour adopter un projet de loi que nous n'avons reçu que depuis quelques jours. Il faut faire son travail consciencieusement, même si nos opinions sont parfois divergentes. Voilà ce que je voulais dire. C'est agaçant à la longue. Excusez-moi pour cet éclat.

Le sénateur Adams: Madame Cukier, avez-vous des chiffres concernant les accidents mortels de chasse ou vos chiffres concernent-ils uniquement les homicides? Vous avez mentionné que le nombre annuel de décès liés à des armes à feu s'élevait à 1 500 par année.

Mme Cukier: Le nombre total de décès par arme à feu jusqu'en 1999 est mentionné à l'annexe 3. Les chiffres sont ventilés selon les accidents, les suicides et les homicides.

Le sénateur Adams: Y a-t-il une ventilation par région?

Mme Cukier: Les différences régionales?

Le sénateur Adams: Oui.

Mme Cukier: Je peux établir les ventilations régionales sous forme de nombre et sous forme de taux. Je communiquerai volontiers ces chiffres au greffier.

Le sénateur Adams: La police a-t-elle utilisé le projet de loi C-68 depuis qu'il a été adopté? La fin de semaine dernière, un couple a été tué avec une arme volée. Le criminel a été arrêté et la police a découvert qu'il avait déjà eu des démêlés avec la justice. Je me demande si le projet de loi C-68 est efficace.

Mme Cukier: Où cela s'est-il passé?

Le sénateur Joyal: Dans Gatineau, la fin de semaine dernière.

Mme Cukier: Je tiens à préciser que la réglementation des armes à feu n'est pas une panacée. Les décès dus à des armes à feu ne cesseront pas complètement, pas plus que les dispositions législatives sur la conduite avec facultés affaiblies, les contrôles routiers et les ceintures de sécurité ne permettront d'éliminer complètement les accidents de la route. L'objectif du projet de loi est de réduire les risques d'être tué par une arme à feu. De nombreuses données prouvent qu'une réglementation plus stricte des armes à feu a fait diminuer le nombre de décès causés par de telles armes.

Je ne sais pas où ce criminel s'est procuré l'arme en question. Ce dont je suis sûre, c'est que dans le cadre de six enquêtes criminelles menées depuis 1991, les jurys ont recommandé que l'on délivre des permis et que l'on exige l'enregistrement des armes à feu à titre préventif. Je pense que la loi répond à ces situations.

Le sénateur Adams: Il n'y a pas de saison de chasse dans le Nord. Dans cette région-ci, la chasse a été ouverte ce mois-ci. Dans le Nord, les chasseurs vont à la chasse toutes les fins de semaine pour se procurer des vivres pour leur famille et ils utilisent par conséquent leurs armes toute l'année. La situation est différente. Dans cette région-ci et dans plusieurs autres, les chasseurs n'utilisent leurs armes que pendant une saison de chasse qui ne dure généralement pas plus d'un mois.

Je voudrais avoir des informations un peu plus précises sur les diverses causes d'accidents dans lesquels sont impliquées des armes à feu. Je voudrais obtenir les chiffres pour le Nord et les chiffres pour le Sud du pays.

Le vice-président: Je suis désolé, sénateur Adams, mais les témoins ont un avion à prendre et doivent s'en aller immédiatement.

Le sénateur Adams: Merci, monsieur le président. J'ai hâte d'obtenir les autres renseignements, peut-être demain.

Le sénateur Joyal: Monsieur Torino, vous avez présenté votre mémoire en quatre points et le dernier concerne les mesures réglementaires. Le premier point concerne la crainte de la confiscation, le deuxième, les compressions budgétaires et le troisième les problèmes de communication alors que le quatrième porte sur les mesures réglementaires. Vous avez mentionné que la mise en application de la loi serait facilitée si l'on pouvait prendre connaissance des mesures réglementaires. Pourriez-vous faire des commentaires plus précis à ce sujet?

M. Torino: Normalement, toutes les modifications réglementaires ou législatives sont portées à notre attention d'avance. Nous ne voyons le libellé définitif de la loi que lorsqu'elle a été adoptée et rendue publique. Cependant, les principes de base sont examinés avec nous avant son adoption.

Comme l'a mentionné le sénateur Cools, nous n'avons pas eu de réunion depuis plus d'un an. Nous attendons que le Sénat prenne une décision au sujet du projet de loi C-10. Nous tentons d'obtenir du ministre de la Justice des informations sur les divers problèmes qui se poseront à partir du 1er janvier. Nous sommes préoccupés au sujet des armes à feu non enregistrées et de l'expiration des certificats d'enregistrement. Nous pensons qu'étant donné l'ampleur de la situation, il faut s'adresser en haut lieu pour attirer l'attention, sinon de nombreuses personnes seront dans de beaux draps à partir du 1er janvier.

Nous connaissons quelques-uns des principes sur lesquels reposent les modifications réglementaires, mais elles ont un lien direct avec le projet de loi. Si le projet de loi n'est pas adopté, ces modifications ne pourront pas entrer en vigueur avant un certain temps. Le Parlement devrait fermer ses portes pour la saison des Fêtes d'ici deux ou trois semaines. Les chances de faire adopter une série de dispositions réglementaires d'ici là sont quasi nulles. C'est ce que je pense, du moins.

Le sénateur Joyal: Cela vous aiderait-il à régler les problèmes et à atteindre vos objectifs si vous obteniez un délai supplémentaire de trois mois?

M. Torino: Oui, mais c'est une arme à double tranchant. Si le projet de loi n'est pas adopté à cause de la prolongation du délai, cela créera de nombreux problèmes. Si le projet de loi était adopté, cela nous aiderait beaucoup mais notre avocat nous a prévenu que c'était une arme à double tranchant.

Le sénateur Joyal: Je vois.

M. Torino: Il faut agir parce que si 300 000 propriétaires d'armes à feu sont concernés, par exemple — car le nombre est élevé —, à raison de trois armes par propriétaire — ce qu'indique le dernier sondage —, cela représenterait de deux à trois millions d'armes à feu ne pouvant pas être enregistrées avant l'échéance. Leurs propriétaires seraient dans de beaux draps, d'après les dispositions du Code criminel.

Le sénateur Joyal: C'est pourquoi j'ai posé cette question. Votre exposé démontre qu'il est nécessaire de régler le problème et qu'on ne peut pas l'occulter.

M. Torino: Je ne vois pas beaucoup d'exemplaires de notre mémoire. Je me demande s'il n'a pas été mélangé avec d'autres mémoires.

Le sénateur Joyal: J'ai pris des notes pendant votre exposé.

M. Torino: C'est très important.

Le vice-président: Au nom de mes collègues, je vous remercie d'avoir participé à nos audiences.

Je demande au témoin suivant, M. Bernardo, de présenter son mémoire.

M. Tony Bernardo, directeur exécutif, Canadian Shooting Sports Association: Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer nos opinions au sujet du projet de loi C-10.

Mes premiers commentaires porteront sur le remplacement du paragraphe 12(6) de la Loi sur les armes à feu dont il est question à l'article 15 du projet de loi C-10. Cette initiative a pour principal but d'éviter au gouvernement l'embarras de devoir confisquer des armes la veille de l'enregistrement. J'ignore pour quelle raison, mais les chiffres publiés par le Centre canadien des armes à feu à ce sujet ont changé par rapport à ceux publiés il y a quelques années. Initialement, le Centre avait signalé que le nombre de propriétaires d'armes de poing s'élevait à 47 000 et le nombre d'armes de poing à 115 000. D'après les chiffres actuels, le nombre de propriétaires s'élèverait maintenant à 2 000 seulement. Si c'est exact, ils font tous partie de mon association parce que je reçois des appels tous les jours. Nous avons des contacts tous les jours, voire toutes les heures, avec des propriétaires d'armes de poing. Leur nombre est bien plus élevé que 2 000. Les chiffres initiaux de 47 000 propriétaires et de 115 000 armes de poing sont probablement plus exacts.

Le gouvernement veut modifier la date d'échéance parce que ces personnes intenteront des poursuites contre les autorités lorsque leurs armes auront été confisquées. Ils en sont pourtant les propriétaires légitimes et ces armes ont été acquises légalement, sont dûment enregistrées et entreposées de façon sécuritaire. Le gouvernement du Canada ne peut pas confisquer des biens sans dédommager les propriétaires. C'est un fait acquis. Ce l'est en tout cas en vertu du droit coutumier, en Angleterre et en Australie.

En Angleterre et en Australie, lorsque les armes à feu ont été confisquées, leurs propriétaires ont été dédommagés selon leur juste valeur marchande. Certaines armes peuvent être de très grande valeur, même s'il s'agit d'armes de petite taille. Par exemple, un petit PPK comme celui de James Bond, portant la mention «Nazi Postal Service» vaut plus de 100 000 $, ce qui représente une somme considérable pour une famille. Je vous donne à parier que si le gouvernement du Canada confisque le PPK d'une personne, celle-ci intentera des poursuites contre lui.

Le gouvernement reporte toutefois la confiscation. Il n'a pas encore confisqué ces armes. Il les confisquera au décès du propriétaire. J'ai toujours pensé qu'au Canada, la succession d'une personne revenait à ses proches qui pouvaient en disposer comme bon leur semble. Cependant, il est impossible de se débarrasser légalement de ces armes. Elles doivent être remises pour être détruites, sans dédommagement.

Ce n'est pas un cas hypothétique; il est bien réel. La semaine dernière, j'ai reçu une demi-douzaine d'appels de veuves qui ont hérité des biens de leur mari défunt, biens dont font partie des armes prohibées. Ces armes doivent être enregistrées d'ici le 1er janvier, sinon ces veuves seront en possession d'armes prohibées non enregistrées et pourraient être condamnées à une peine d'emprisonnement. Le problème est que le mari est décédé. Comment peuvent-elles faire réenregistrer ces armes? C'est un dilemme assez intéressant.

Le Centre canadien des armes à feu, le CCAF, m'a conseillé de faire réenregistrer ces armes au nom du mari défunt. Le CCAF ne veut pas régler le problème. C'est à cela que nous sommes occupés depuis quelques semaines.

M. Webster a mentionné que le but de ce projet de loi est notamment de permettre de respecter plus facilement la loi. Nous n'avons pas eu beaucoup de consultations avec le CCAF; c'est une question à laquelle je reviendrai un peu plus tard. En ce qui concerne les armes à air comprimé, nous avions recommandé d'adopter la norme britannique, qui est de 12 pieds-livre pour un fusil et de six pieds-livre d'énergie pour une arme de poing. C'est tout simple. Cependant, le CCAF a trouvé que ce système ne serait pas efficace et a décidé d'adopter deux normes, une norme fondée sur la vélocité et une norme fondée sur l'énergie, mesurée en joules, même si la norme industrielle est en pieds-livre.

Nous tentons actuellement d'obtenir un renseignement que même les fabricants ne sont pas en mesure de nous donner. Faudra-t-il que la vélocité soit supérieure à 500 pieds à la seconde et l'énergie supérieure à 5,7 joules? Comment diable le propriétaire d'armes moyen pourra-t-il savoir si son arme a une énergie supérieure à 5,7 joules? Qu'est-ce qu'un joule? Il faut être titulaire d'un diplôme en physique et avoir accès à des chronographes et à divers autres appareils tels que l'on en trouve dans le laboratoire de balistique de la GRC pour savoir de quoi il s'agit.

Cette décision a été prise parce que le laboratoire de balistique de la GRC a pris des armes à air comprimé courantes, y a placé des projectiles ultra-légers et les a tirés sur le chronographe. Qu'a-t-elle constaté? Eh bien, que ces armes avaient une vélocité supérieure à 500 pieds à la seconde. On en a conclu qu'il s'agissait d'armes à feu et qu'il fallait les faire enregistrer. C'est ainsi que cette décision a été prise.

La solution à ce problème tout simple est une formule ultra-compliquée que, pour comprendre, il faut être titulaire d'un diplôme en physique. Je suis désolé, monsieur Webster, mais ça ne facilite pas le respect des conditions. Nous avons une solution parfaitement rationnelle à proposer.

À ce propos, j'aimerais que l'on parle de consultations puisque c'est une question qui est revenue sur le tapis à de nombreuses reprises. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous le dire en face, vous avez été induit en erreur. On vous a menti en quelque sorte. De A à Z, ce projet de loi est entouré d'un tissu de mensonges indescriptible. Allan Rock avait mentionné que cela coûterait 85 millions sur une période de cinq ans.

Le sénateur Cools: C'est bien ce qu'il avait dit.

M. Bernardo: Il avait également dit que si le coût dépassait 115 millions de dollars, il retirerait le projet de loi. Il ne l'a toutefois pas fait.

En ce qui concerne l'efficacité de ce projet de loi, il faudrait peut-être que vous invitiez Julian Fantino; il pourrait vous en parler parce qu'il a toutes sortes de problèmes à Toronto avec des enfants qui se tirent les uns sur les autres avec des armes de poing enregistrées depuis 1934. Chose étrange, on n'oblige pas les malfaiteurs à se procurer un permis.

Ce projet de loi est une source de problèmes pour beaucoup de citoyens. L'année dernière, en Ontario, 1 900 accusations pour entreposage non sécuritaire ont été portées aux termes de la Loi sur les armes à feu. Moins de 400 personnes ont été traduites devant les tribunaux. Vous auriez peut-être tendance à penser que c'est formidable, puisque 1 500 personnes ont été acquittées, mais pour être acquittées, cela leur a coûté entre 5 000 $ et 15 000 $ en frais judiciaires. Qu'on ne me dise pas que la Loi sur les armes à feu n'a aucune incidence. Ce sont des citoyens ordinaires. Notre bureau est sollicité quotidiennement — et celui de M. Hinter aussi — pour des affaires de ce genre. Nous avons engagé trois avocats qui sont occupés à plein temps par des accusations concernant les armes à feu. Nous pourrions les faire venir ici. Ils pourraient mentionner des cas pendant deux semaines. C'est donc une situation bien réelle, que l'on vit actuellement. Quoi qu'en dise le ministère de la Justice, c'est une situation bien réelle.

Permettez-moi d'exposer le cas d'un petit armurier sans histoire de Whitby (Ontario) contre lequel 102 chefs d'accusation ont été portés pour entreposage non sécuritaire. Ces chefs d'accusation ont tous été rejetés. La seule accusation qui a été retenue est celle de méfait. Cette affaire lui a fait perdre quatre années et demie de sa vie et lui a coûté 175 000 $ en frais judiciaires. Qu'on ne me dise donc pas que la Loi sur les armes à feu n'a aucune incidence néfaste. C'est une situation dramatique.

On passe d'un expédient à l'autre pour tenter de régler le problème des armes à feu. On ne s'est pourtant pas attaqué à la racine du problème; les législateurs ont complètement manqué leur but. Ne vous a-t-on pas induit en erreur au sujet du recouvrement des frais? Savez-vous combien il faudrait demander aux propriétaires d'armes à feu pour le permis pour récupérer un milliard de dollars? On vous a menti à ce sujet parce qu'on ne recouvre pas les frais. On ne fait même plus payer de frais pour la cession d'armes. On tient tellement à ce que les Canadiens respectent la loi que la cession d'une arme est maintenant gratuite.

Les frais d'enregistrement sont de 18 $ par arme et les armes ne doivent être enregistrées qu'une fois — c'est du moins ce qu'on affirme. L'échéance qui approche pour les armes de poing concerne en fait le réenregistrement de ces armes, parce qu'on avait omis d'indiquer une date d'expiration sur les certificats délivrés.

La semaine dernière, j'ai eu l'honneur d'être interviewé à la radio de CHOK de Sarnia, une petite station radio communautaire. L'intervieweuse m'a d'abord posé la question suivante: «Comment se sentent les propriétaires d'armes à feu canadiens?» Je lui ai répondu qu'ils avaient peur et qu'ils ne savaient que faire. Au bout de 40 minutes, l'intervieweuse m'a dit qu'elle était étonnée du manque d'information. J'ai été invité à nouveau à cette émission radio, pendant deux heures, pour répondre aux questions des propriétaires d'armes à feu. C'est moi qui devrais présenter le projet de loi au ministère de la Justice parce que je fais le travail à sa place.

Si la situation est inquiétante à Sarnia, elle doit l'être encore bien davantage dans les régions rurales isolées — dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Même à Toronto, la plupart des propriétaires d'armes ignorent les démarches qu'ils doivent faire pour être en règle avec la loi. Sauf votre respect, monsieur Griffin, la faculté de jugement de la police dans cette affaire est aussi illusoire que l'existence du lapin de Pâques. Elle est inexistante. Les policiers portent toutes les accusations possibles parce que leurs hausses salariales sont maintenant établies en fonction du nombre d'accusations et pas du nombre de déclarations de culpabilité.

Le nombre de citoyens ordinaires en difficulté est absolument remarquable. Notre caisse de recours légal, qui est établie depuis des années, est presque vide. Je suis certain que la vôtre aussi. Nous n'avons pas les moyens financiers nécessaires. Nos avocats travaillent à plein régime.

Nous avons eu quelques rencontres avec des fonctionnaires à ce sujet, au cours desquelles nous avons abordé des questions importantes comme celle des formulaires. Lorsque nous avons tenté d'aborder des sujets plus terre à terre, ils nous ont dit qu'ils étaient impuissants. Le seul résultat concret des consultations est le projet de loi C-10 et il n'est même pas bien fait. Ce n'est, une fois de plus, qu'un expédient.

Le sénateur Cools a demandé des chiffres concrets. Je n'ai pas les chiffres pour cette année, mais bien pour l'année précédente. Je vous ferai parvenir les nouveaux par télécopieur demain matin. En 2000, 26 personnes ont été tuées par leur conjoint. Ce chiffre comprend les hommes et les femmes. Il est tiré de Juristat. Il est intéressant de comparer ce chiffre à ceux concernant d'autres infractions. Par exemple, le nombre de décès à la suite d'une intervention chirurgicale est de 7 000 et le nombre de femmes qui ont tué leur bébé s'élève à 27. Ce nombre est donc plus élevé que celui des personnes qui ont tué leur conjoint avec une arme à feu. Il est intéressant de comparer des chiffres comme ceux-là.

En ce qui concerne le nombre de propriétaires d'armes à feu au Canada, notre étude indique de façon concluante, sur la base des chiffres du gouvernement du Canada, qu'il est de 5 à 5,5 millions. Nous vous ferons parvenir ce document. La bibliographie contient toutes les informations pertinentes. Tous les chiffres viennent de sources gouvernementales et ils sont en quelque sorte indiscutables.

Les résultats d'un sondage téléphonique fait il y a quelques années indiquaient que le nombre de propriétaires d'armes à feu s'élevait à 3,3 millions. Les résultats d'un autre sondage téléphonique fait deux années plus tard indique que le nombre n'est plus que de 2,1 millions. Lorsque j'ai demandé ce qu'étaient devenus les 1,2 million de propriétaires d'armes à feu qui avaient disparu, on m'a répondu qu'ils avaient renoncé à ce sport.

Le gouvernement a également indiqué que le nombre moyen d'armes par propriétaire est de 2,7. Un petit calcul rapide permet de constater que cela représente au total 4 millions d'armes. Le nombre de vendeurs au détail d'armes à feu n'est que de 450 pour l'ensemble du pays. J'en ai appelé quelques-uns pour leur demander s'ils avaient acquis un grand nombre d'armes usagées au cours des 12 derniers mois. Ceux-ci m'ont répondu qu'ils en avaient acquis un nombre un peu plus élevé que d'habitude. J'ai donc supposé que les ex-propriétaires d'armes les avaient remises à la police et j'ai fait un petit calcul rapide. Un nombre de 4 millions d'armes est suffisant pour enterrer un poste de police canadien sous une pile d'armes de 32 pieds de haut. Que sont devenues toutes ces armes? C'est qu'elles étaient inexistantes ou bien alors, qu'elles sont toujours en circulation.

Le vice-président: Pourriez-vous également faire parvenir au greffier le document que vous comptez envoyer par télécopieur au sénateur Cools?

M. Bernardo: Oui.

M. James M. Hinter, président national, National Firearms Association: Honorables sénateurs, je vous remercie de me rendre la tâche difficile, en qualité d'Albertain. Plusieurs habitants de ma province parlent d'un Sénat élu, efficace et à représentation égale. Ce soir, j'ai vu qu'il était efficace; j'ai également vu des signes d'égalité. Quant au Sénat élu, je ne m'en préoccuperai pas. Il ne faut pas s'attarder là-dessus.

Le fait le plus troublant à propos de la Loi sur les armes à feu est que le nombre de meurtres ne cesse d'augmenter à Toronto. Des porte-parole de la police de Toronto affirment l'existence d'un lien étroit entre les bandes, la drogue et les armes à feu. C'est la première fois que je témoigne personnellement, mais la National Firearms Association s'est déjà présentée devant votre comité et elle avait prédit une recrudescence de la violence. La mise en place d'une loi sur les armes comme celle-ci engendre une recrudescence de la violence.

La raison de cette recrudescence est que l'on a mobilisé un milliard de dollars, somme qui représente 1 000 agents de police, un nombre considérable de bureaucrates et un nombre incalculable d'heures de travail, pour s'attaquer aux citoyens les plus respectueux des lois. Je vais poser une question ridicule. À main levée, combien de propriétaires d'armes à feu y a-t-il autour de cette table?

Comment devient-on propriétaire d'armes à feu? J'expliquerai le processus pour ceux et celles d'entre vous qui ne sont pas propriétaires d'une arme. Il n'y a pas très longtemps que je possède une arme moi-même, croyez-le ou non. J'ai obtenu mon autorisation d'acquisition d'arme à feu en 1998. J'ai suivi le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu à autorisation restreinte. J'ai obtenu la même note que le sénateur Baker, 100 et 100. J'ai suivi ce cours puis je me suis présenté au service de police de la Ville de Calgary, où j'ai passé une entrevue. Quelqu'un a passé en revue les questionnaires en me regardant droit dans les yeux. J'ai envoyé ma demande de permis par l'intermédiaire de ce service de police et j'ai reçu mon autorisation d'acquisition d'armes à feu 40 jours plus tard. Il s'agit de l'ancien permis.

Ce permis m'a permis d'acheter des armes. Je suis membre d'un club de tir. Il fallait alors avoir un permis pour transporter une arme à autorisation restreinte. Je ne la portais pas à la ceinture. On était obligé de la transporter dans un étui fermé à clé et le cran de sûreté devait être fermé. Les munitions devaient être entreposées sous clé entre mon domicile et le club de tir. Je ne pouvais les transporter entre mon domicile et le club qu'à cette condition; en outre, ces armes devaient être enregistrées.

Je précise à l'intention de ceux et celles d'entre vous qui ne sont pas propriétaires d'armes qu'il s'agit de l'ancien certificat d'enregistrement. Ces certificats ont été émis jusqu'au 1er décembre 1998. Celui-ci est le certificat pour un pistolet de compétition Schmidt Hubert de calibre .22. J'ai acheté celui-ci parce qu'il est maintenant désactivé. Ce n'est plus une arme. Il est totalement inoffensif.

J'ai également acheté une arme en décembre 1998 et j'ai alors obtenu un des nouveaux certificats d'enregistrement. C'est un document plastifié durable. Je vais les faire circuler pour que vous puissiez les examiner. Je ferais circuler également mon vieux permis s'il n'était pas déchiré et ne risquait pas de tomber en morceaux.

Quand vous jetterez un coup d'oeil sur ce certificat d'enregistrement, je voudrais que vous vous mettiez dans la peau d'un agent de police. Vous venez de me faire signe d'arrêter ma Jeep Cherokee de couleur argentée sur l'accotement. Je rentre du champ de tir du West Edmonton Mall. J'ai dans ma Jeep une arme rangée dans son étui, le cran de sûreté fermé, ainsi que des munitions. L'étui est fermé à clé. Il est posé sur le siège avant, côté passager. Il s'agit d'un contrôle alcootest et vous me demandez si j'ai pris de la boisson. Je réponds que je ne bois jamais d'alcool. Dois-je vous signaler que j'ai des armes à feu juste à côté de moi? Cela risquerait-il de me causer des ennuis?

Voilà les questions que je me pose en citoyen respectueux de la loi. J'ai ici une pile de documents. Je dois avoir ma carte de membre du club de tir. J'en ai deux. Je dois avoir mon permis. Je dois avoir les certificats d'enregistrement de mes armes à feu ainsi qu'une autorisation de transport qui me permet de transporter mes armes à feu entre le club de tir et mon domicile. Tous les formulaires nécessaires pour obtenir ces documents sont longs à remplir.

En outre, je suis maintenant obligé de faire enregistrer mes armes d'épaule. Je n'ai reçu qu'un document du gouvernement jusqu'à présent, celui-ci. Il porte un code à barres sur la partie supérieure et porte aussi mon nom. Pour vous donner une idée des connaissances de la conception des systèmes qu'ont les fonctionnaires, je signale qu'ils ont utilisé un papier vert pâle. Quand on photocopie ce document, toutes les cases qu'on doit remplir n'apparaissent pas sur la photocopie; je ne peux donc pas remplir ce formulaire correctement.

Cette année, à partir du lendemain de la fête du Travail, je me suis mis à appeler le Centre canadien des armes à feu trois fois par jour pour tenter d'obtenir les formulaires nécessaires pour me mettre en règle avec la loi. Je ne les ai toujours pas reçus.

J'ai envoyé une lettre au ministre de la Justice, par courrier recommandé, le 3 octobre 2002. J'ai également envoyé cette lettre par courriel et par télécopieur. Je suis bien aise d'apprendre que le ministre ne s'est pas encore présenté devant vous et qu'il n'a donc pas eu encore beaucoup de contacts avec vous parce que, lorsqu'il a été nommé, nous lui avons envoyé une lettre pour le féliciter et pour lui demander s'il serait possible de le rencontrer. Je n'ai toujours pas reçu d'invitation.

On se rend maintenant compte que le groupe ministériel devrait s'appeler «le groupe de M. Webster». M. Bernardo a mentionné le sujet des consultations. Nous avons rencontré M. Webster, puis la ministre McLellan en novembre 2001. M. Webster m'avait promis de me recontacter dans deux semaines pour poursuivre nos entretiens. Aujourd'hui, il n'a eu qu'une seule hâte, c'est de se sauver après la réunion de crainte de se retrouver nez à nez avec moi. Vous l'avez mis sur la sellette, et c'est bien fait! S'il était capable de monter à cheval de cette façon, il gagnerait le prix de 50 000 $ au stampede sans difficulté. Est-ce une façon de traiter les citoyens respectueux des lois?

Les criminels ne suivent pas de cours de sécurité dans le maniement des armes à feu. Ils ne font pas une demande de permis. Ils ne font pas enregistrer leurs armes. Ce sont des hors-la-loi. Ils ne sont pas touchés par les lois. Le gouvernement a mobilisé toutes ses énergies pour s'en prendre à des personnes comme moi, comme M. Tomlinson, comme le sénateur Baker, comme le sénateur Sparrow ou comme le sénateur Adams, c'est-à-dire aux propriétaires d'armes à feu. Il manque son but.

Si vous ratez trop souvent la cible au champ de tir, le responsable vous dit de revenir quand vous aurez appris à tirer. Il est maintenant question de reporter l'échéance prévue pour la fin de l'année. Quelles modifications pourrait-on apporter à la loi? Sénateurs, il conviendrait peut-être de mentionner les promesses initiales faites au Sénat par le ministre de la Justice lorsqu'il tentait de faire accepter ce projet de loi. On nous avait promis une baisse de la violence, une diminution du nombre d'homicides de conjoints et un accroissement de la sécurité publique.

Certaines personnes qui appuient ce projet de loi considèrent parfois les membres de la National Firearms Association comme des propriétaires d'armes et pensent que nous voulons vivre dans l'insécurité et appliquer la loi du Far West. J'ai un chapeau de cow-boy. Je l'adore. Je ne suis toutefois pas au Far West et je ne tiens pas à vivre dans un milieu comme celui décrit dans la série télévisée Gunsmoke. Ce n'est pas ainsi que l'on procédait à l'époque du Far West.

Pensez au type de personnes qui vivaient à cette époque. Il y avait des soldats qui avaient déserté la guerre civile et étaient allés s'établir dans l'Ouest pour échapper à la violence. Si vous étiez une espèce de cinglé et que vous décidiez de semer la terreur dans une ville, vous aviez affaire à des experts en maniement d'armes à feu. Les taux de criminalité étaient nuls.

De nos jours, le maintien de l'ordre est assuré par des agents de police, que nous rencontrons dans la rue. Je me fais toujours un devoir de discuter avec eux — pas avec les employés du service de police, pas avec les bureaucrates, mais avec les agents de police en patrouille. Dans les régions rurales, les agents de police connaissent déjà les personnes qui risquent de causer des problèmes. Ils savent que le vendredi, c'est jour de paye et qu'un tel s'enivrera probablement à nouveau et causera des problèmes. Ils sont probablement en mesure de prévoir à une heure ou deux près quand ils devront se rendre à son domicile.

Nous devons prendre en considération les promesses qui avaient été faites initialement au sujet de ce projet de loi. Ce projet de loi n'est pas acceptable pour le Canada, un point c'est tout. On y a consacré un milliard de dollars. L'entrepreneur général, M. Webster, était présent aujourd'hui et n'a pas pu justifier l'escalade du coût de 100 000 $ à un milliard de dollars. Le programme coûte 12 fois plus qu'on ne l'avait promis initialement et pourtant, les responsables ne sont même pas fichus de répondre aux questions qu'on leur pose. C'est révoltant.

Qu'arriverait-il si vous deviez avouer à votre conjoint qu'au lieu des 100 $ prévus, vous avec dépensé 1 200 $ en achats d'épicerie? C'est 12 fois plus que prévu initialement. Quelles en seraient les conséquences? La première, c'est que vous perdriez une grosse quantité de produits alimentaires parce qu'ils ne se conserveraient pas. Pourtant, la situation actuelle est une situation analogue.

Il est possible d'y apporter des remèdes mais, je suis désolé, ce n'est pas dans le projet de loi C-10 qu'ils se trouvent. Quelqu'un a mentionné aujourd'hui la possibilité de déclarer l'amnistie. Le devoir des sénateurs est d'intervenir auprès de la Chambre des communes qui leur a renvoyé un projet de loi qui, de toute apparence, a été bâclé. Les propriétaires d'armes à feu n'ont pas été consultés. Il est nécessaire de déterminer quels facteurs sont importants au Canada pour élaborer une politique typiquement canadienne qui protège les Autochtones, leur mode de chasse traditionnel, le droit de chasser des citoyens respectueux des lois, le droit de faire du tir à la cible et de jouer au cow-boy, bref de pratiquer des activités de loisir avec des armes à feu.

D'après les actuaires, les dangers que représente la propriété et l'utilisation d'armes à feu sont inexistants. On vient d'augmenter pour la première fois en dix ans le montant de la prime d'assurance-responsabilité de la NFA. J'ai une assurance-responsabilité de 5 millions de dollars pour mes activités de tir. L'année dernière, le montant de la prime était de 4,75 $. L'année prochaine, il sera de 5,95 $. Les compagnies d'assurance savent que la pratique du tir n'est pas une activité dangereuse. C'est pourquoi elles sont prêtes à s'engager à verser des indemnités d'un montant d'un million de dollars pour une prime d'assurance de 5 $.

Nous devons trouver des solutions mais le projet de loi C-10 et le projet de loi C-68 n'en apportent aucune. Vous devriez renvoyer ce projet de loi à l'autre Chambre et exiger qu'on prolonge l'amnistie ou qu'on suspende l'enregistrement.

Tous les chasseurs savent que lorsqu'on est en plein bois et qu'on se perd, la première règle est de cesser de marcher pour ne pas aggraver la situation. Pourtant, le projet de loi C-10 recommande de continuer à avancer et qu'ainsi, on finira bien par arriver quelque part. Tous ceux qui vivent dans le Nord vous diront que si vous poursuivez votre marche, vous êtes un homme mort.

Des dizaines de personnes perdent la vie dans les rues de Toronto. On assistera à une recrudescence de la violence au Canada. Les entrées par effraction dans les maisons sont en recrudescence. Les Canadiens et Canadiennes ne tiennent pas à ce que ces tendances s'accentuent.

M. David Tomlinson, président du Comité des affaires juridiques, National Firearms Association: La National Firearms Association concentre ses efforts sur les conséquences juridiques de la loi sur le contrôle des armes à feu depuis des années parce que presque toutes les personnes qui sont touchées par cette loi sont victimes d'abus.

À supposer par exemple que George Pinakiak de Tuktoyaktuk fasse l'objet d'accusations parce qu'il ignorait qu'il devait se procurer un permis et que l'agent local de la GRC l'interpelle quand il est à la chasse et lui demande son enregistrement et son permis pour l'arme qu'il utilise. Il répond qu'il n'en a pas et qu'il a acheté cette arme légalement il y a des années. Il se demande donc où est la faute. George est traduit devant un tribunal et accusé d'infraction criminelle pour possession d'une arme à feu sans permis.

À première vue, c'est un cas limpide. Cependant, si nous étions saisis de cette affaire, nous donnerions des informations à l'avocat de George au sujet d'un jugement de la Cour suprême qui dit «Lorsqu'une loi offre la possibilité d'une défense». Si George est accusé en vertu des dispositions de l'article 91 du Code criminel, celui-ci indique qu'il ne serait pas accusé s'il avait un permis. Le problème est que certains permis sont faciles à obtenir et d'autres pas. Si George était accusé de possession d'un fusil de chasse à canon scié, il ne serait pas condamné parce qu'il n'existe pas de permis ni de certificat d'enregistrement pour ce type d'arme. Dans le sud du pays, un criminel qui ferait face à une telle accusation serait laissé en liberté.

Pour George, cela dépendrait du juge. Si le juge était conscient que la loi présente des faiblesses parce qu'elle offre toutes sortes de possibilités de défense — que le gouvernement n'offrait pas — il fonderait sa décision sur celle qui a été rendue dans l'affaire Morgentaler. C'est ce qu'il devrait faire, car il s'agit d'un jugement de la Cour suprême du Canada et que tous les tribunaux canadiens sont obligés d'en tenir compte. Dans ce cas, il annulerait la loi parce que c'est une mauvaise loi.

Le juge pourrait également se baser sur la décision rendue dans l'affaire B.C. Motor Vehicles parce que d'après ce jugement, toute loi susceptible d'entraîner l'incarcération d'une personne qui n'a commis aucun acte illégal est une loi qui devrait être annulée. Dans ce cas, le précédent est beaucoup plus clair parce que la personne en question n'a même pas à prouver son innocence. Le fait que la loi soit tellement mal faite qu'elle risque d'entraîner l'incarcération d'une personne n'ayant commis aucun acte illégal est une raison suffisante pour l'annuler.

Quant à l'article 91 du Code criminel, il peut entraîner l'incarcération d'une personne qui est en possession d'une arme à feu sans avoir de permis. C'est une infraction de responsabilité absolue. Il suffit que la Couronne fasse la preuve que vous n'avez pas de permis. Ce n'est même pas nécessaire. L'article 117.11 du Code criminel a pour effet d'inverser le fardeau de la preuve. La mise en place de ce système d'enregistrement et de délivrance de permis nous coûte un milliard de dollars et si George est accusé, c'est lui qui doit prouver qu'il possède un permis et un certificat d'enregistrement alors que le gouvernement n'est même pas obligé de vérifier dans ses dossiers pour établir la preuve qu'il n'en a pas. C'est une inversion du fardeau de la preuve qui aggrave beaucoup le cas de George.

À supposer que George soit dans la toundra aujourd'hui et qu'il ne soit plus en règle de permis parce qu'il avait oublié que le sien venait à échéance la semaine dernière, il serait immédiatement accusé d'infraction criminelle aux termes de l'article 91 du Code criminel. Il ne s'agit toutefois pas d'un acte coupable. Il n'a commis aucun acte; il s'agit d'une simple omission et pas d'un acte. Il n'avait nullement l'intention d'enfreindre la loi et, par conséquent, il n'y avait pas intention délictueuse. L'article 91 du Code criminel n'oblige pas le gouvernement à prouver que George a commis une infraction ou qu'il avait quelque intention coupable. Nous pensons que c'est une bonne raison pour faire annuler l'article 91 du Code criminel parce que ses dispositions sont nuisibles et anticonstitutionnelles.

Plusieurs jugements rendus par la Cour suprême du Canada indiquent que le Parlement ne peut pas adopter une disposition législative semblable et que, s'il le fait, les tribunaux canadiens ont le devoir de la faire annuler à la première occasion. L'article 91 du Code criminel n'est pas la seule disposition législative qui n'ait pas sa raison d'être.

Le bureaucrate a mentionné que le certificat d'enregistrement de quiconque a un permis de possession et n'a pas fait enregistrer l'arme à son nom d'ici la fin du mois de décembre sera révoqué. À partir du 1er janvier, on révoquera tous ces permis. Le ministère de la Justice aurait tout intérêt à engager un avocat compétent.

Examinons de plus près le cas de George Pinakiak. À supposer qu'il ait un permis de possession mais qu'il ne soit pas en possession d'une arme, qu'a-t-il reçu lorsqu'il a acheté ce permis? Il a passé un contrat avec le gouvernement en vertu duquel celui-ci acceptait son argent et il a reçu en échange un document du gouvernement certifiant qu'il avait le droit d'être en possession d'une arme à feu dont la période de validité est de cinq ans. Le bureaucrate ici présent pense pourtant qu'il peut révoquer le permis de George parce que celui-ci n'a pas fait enregistrer d'arme à son nom.

En vertu de l'article 33 de la Loi sur les armes à feu, quiconque est en possession d'une arme légale peut la prêter à George parce que George a un permis qui l'autorise à être en possession d'une arme. Pendant cinq ans, George peut emprunter des armes à divers membres de sa collectivité. Il a acheté ce permis, mais le bureaucrate ici présent prétend qu'il est en droit d'annuler unilatéralement un contrat. Il agit au nom du gouvernement. Il agit en fonction du pouvoir qui lui est accordé par l'article 70 de la Loi sur les armes à feu, qui l'autorise à révoquer un permis pour toute raison bonne et suffisante. Par exemple, il pourrait révoquer votre permis parce que vous êtes une femme ou parce que vous êtes noir ou juif s'il pense personnellement que c'est une raison bonne et suffisante.

C'est ce que l'on appelle la «portée excessive». Dans son excellent ouvrage intitulé Constitutional Law of Canada, M. Hogg mentionne que la portée excessive est un motif suffisant pour annuler la loi. La première fois que M. Webster essaiera de confisquer le permis de George parce que celui-ci ne possède pas d'arme enregistrée en son nom, il aura affaire dans un tribunal à un avocat de la défense de la NFA qui signalera que M. Webster est intervenu en vertu d'une loi qui lui confère des pouvoirs abusifs. La loi ne donne à M. Webster aucune indication de ce qu'il doit faire dans un cas semblable et lui confère des pouvoirs abusifs. George conservera son permis et le bureaucrate perdra ses pouvoirs si l'on a affaire à un juge raisonnable. La loi sur le contrôle des armes à feu est extrêmement vulnérable face à quelqu'un qui est très au courant de ses dispositions et qui est en mesure de les interpréter.

Avant longtemps, un Autochtone sera probablement accusé d'infraction aux termes du projet de loi C-68. Il mentionnera que le traité de la baie James fait partie intégrante de la Constitution du Canada. D'après ce traité, si un projet de loi contient des dispositions ayant une incidence sur la pratique de la chasse par les Autochtones, il doit être examiné au préalable par le Conseil de la baie James. Allan Rock était bien trop arrogant pour se préoccuper de cela; il n'a pas fait examiner le projet de loi par le Conseil de la baie James. Il est possible que la Cour suprême du Canada soit saisie de l'affaire la première fois qu'un Autochtone fera l'objet de poursuites et celle-ci décrétera que le projet de loi C- 68 n'a aucune validité. Ce sera un beau gâchis car on aura dépensé un milliard de dollars inutilement.

Nous ne sommes pas trop exigeants. Nous sommes des citoyens tranquilles et honnêtes; nous pratiquons nos hobbies préférés. Je pense que nous avons toutefois le droit d'exiger que les hauts bureaucrates qui administrent le système de contrôle des armes à feu et les parlementaires qui l'examinent et prennent des décisions au sujet de la loi fassent preuve d'un minimum de compétence.

Nous avons besoin de votre aide. Vous devez reconnaître que l'avenir de ce projet de loi est compromis. Il serait terriblement embarrassant pour toutes les personnes qui ont participé à la mise en place de cette loi qu'elle soit annulée par les tribunaux. Jusqu'à présent, on n'a pas intenté de poursuites pour possession d'armes sans permis ni pour la plupart des infractions d'ordre administratif parce que la police hésite à appliquer cette loi. Les procureurs de la Couronne hésitent à porter des accusations en vertu de cette loi et, par conséquent, les cas d'interventions ont été relativement rares jusqu'à présent.

Ce sera terminé à partir du 1er janvier. À partir de cette date, le prétendu permis invisible et les certificats d'enregistrement disparaîtront. La situation deviendra du jour au lendemain limpide pour les agents de police. Ils porteront des accusations contre les personnes qui ne sont pas en possession d'un permis ou d'un certificat d'enregistrement. C'est très simple et c'est très clair. C'est à partir de ce moment-là que les problèmes surgiront.

Le sénateur Watt: Je ne pense pas que je pourrai poser des questions. Je crois que vous étiez là quand j'ai questionné les représentants des utilisateurs d'armes à feu. J'ai insisté sur le fait qu'en ce qui concerne le projet de loi C-68, il tenait compte des droits ancestraux des Autochtones reconnus par la Constitution. C'est à ces droits que vous avez fait allusion à propos de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Je l'ai négociée. C'est un document très précis. Le gouvernement du Canada a des obligations à l'égard des personnes qui ont signé cette convention. Les Autochtones n'ont pas conclu ce marché avec le gouvernement mais avec la Couronne. Par conséquent, le gouvernement l'administre pour le compte du pays. S'il n'honore pas l'engagement qui a été pris aux termes de la Constitution, le projet de loi sera certainement annulé par la Cour suprême du Canada. Ce serait révoltant après avoir investi des sommes et des efforts aussi considérables, et après avoir causé autant de difficultés.

Les citoyens subissent déjà les conséquences de cette loi, non seulement les personnes qui sont en âge de posséder les armes, mais aussi leurs enfants. Je me demande comment elles s'en sortent. Je sais qu'elles enfreignent la loi sciemment, mais c'est une question de priorité. Faut-il se conformer à cette loi lorsque c'est une question de survie?

Ce sont des questions qui seront réglées par la Cour suprême du Canada. Je pense, mois aussi, que l'avenir de ce projet de loi est gravement compromis.

Vous avez mentionné que nous devrions le renvoyer à la Chambre des communes en signalant qu'il n'est pas inattaquable. En d'autres termes, sa validité pourrait être contestée et il pourrait être annulé pour des motifs liés à sa constitutionnalité douteuse. La Convention de la Baie-James et du Nord québécois est enchâssée dans la Constitution. Nous avons investi beaucoup d'efforts dans l'élaboration de ce traité qui a été signé en 1975. Le sénateur Joyal a d'ailleurs participé à la signature de ce traité; il est au courant des conséquences. Le problème, c'est qu'on ne nous écoute pas toujours. Comment se faire entendre? Faut-il aller jusqu'à la Cour suprême du Canada pour que la situation change?

M. Tomlinson: Le Sénat est appelé la chambre du second examen objectif. D'après la Constitution du Canada, cette chambre est sur un pied d'égalité avec la Chambre des communes. Depuis des années, elle se fait bluffer par la Chambre des communes. Celle-ci a décrété que les sénateurs ne pouvaient pas intervenir parce qu'ils ne sont pas élus. Pourtant, la Constitution ne mentionne rien de semblable.

Le leadership s'est considérablement effrité dans l'autre Chambre. Nous avons le regard tourné vers Ottawa dans l'espoir d'avoir un jour un gouvernement qui fasse preuve de leadership car nous ne voyons que stupidité, confusion, mauvais jugement et incompétence dans le gouvernement actuel.

Je pense que c'est une belle occasion pour le Sénat de faire une action d'éclat et de dire à la Chambre ce qu'il aurait depuis toujours été censé lui dire lorsqu'elle ne fait pas son devoir et produit une loi aberrante: «Nous sommes désolés, mais nous devons étouffer ce projet de loi parce que vous vous êtes, une fois de plus, mis le doigt dans l'oeil». C'est une façon de parler plutôt directe, mais c'est pourtant le cas.

Si vous voulez bien examiner notre mémoire, nous y citons plusieurs autres cas analogues à ceux que je viens de mentionner dans trois domaines. Il y a pourtant bien d'autres domaines. Par exemple, M. Bernardo a fait remarquer qu'en vertu des dispositions du projet de loi, si une arme à air comprimé a une vélocité supérieure à 500 pieds par seconde, ce n'est pas une arme à feu. Je suis désolé, mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Si l'on analyse le libellé tortueux et incompréhensible du projet de loi, vous verrez que le terme employé est «ou» et pas «et». À cause de ce «ou», toutes les armes à air comprimé qui n'atteignent pas la limite de 4,6 joules sont en fait des armes à feu et elles sont soumises entièrement à la réglementation concernant les armes à feu. À cause de ce «ou», toutes les armes à air comprimé qui n'atteignent pas le niveau de vélocité prévu mais atteignent le plafond de 4,6 joules sont également considérées comme des armes à feu. Au lieu de soustraire les armes à air comprimé à l'application de la loi sur le contrôle des armes à feu, on y inclus même les carabines à balles de peinture. Tout cela est indiqué dans la première partie de notre mémoire.

Vous entendrez peut-être dire que ce «ou» signifie en fait «et», mais personne n'a le droit d'interpréter la loi si ce n'est un juge d'une cour pénale. C'est et ce sera toujours la Cour suprême du Canada qui aura le dernier mot.

Notre analyse n'est peut-être pas exacte. Si c'est le cas, mais je ne le pense pas, la Cour suprême du Canada est la seule instance apte à le confirmer. C'est un problème majeur en ce qui concerne la législation sur le contrôle des armes à feu.

M. Bernardo: Il convient de mentionner également que l'on s'attend non seulement à ce que les propriétaires d'armes à feu comprennent la loi mais à ce qu'ils la respectent en outre au pied de la lettre, alors qu'on n'arrive même pas à savoir à quoi s'en tenir.

M. Tomlinson: Les décrets posent un autre problème majeur. Une personne peut être accusée d'avoir enfreint un décret. Plus de 30 décrets ont été passés depuis 1998. Certaines dispositions de la loi ont été modifiées à six reprises, par décrets successifs. L'affaire Regina c. Rusk illustre bien les conséquences de cette situation. M. Rusk a été accusé en 1999 pour avoir entreposé ses armes à feu de façon illégale, parce qu'il les entreposait au même endroit que ses munitions. Son avocat a argué que les armes n'étaient pas avec les munitions et que celles-ci étaient entreposées un peu plus loin. Le libellé du règlement numéro 4 a fait l'objet de longues discussions, puis l'affaire est allée jusqu'en cour. Le juge a rendu un jugement en faveur de la défense. Jusqu'à présent, aucun juge, aucun procureur de la Couronne ou aucun avocat de la défense ne sait que le règlement numéro 4 a été annulé en 1998 et a été remplacé par le règlement numéro 5 d'un recueil de règlements différent portant un titre et ayant un libellé différents.

On a donc tenu de longues discussions et dépensé des sommes considérables pour régler une affaire en se basant sur un règlement inexistant. Comme je l'ai mentionné, plus de 30 décrets ont été passés. Aucun recueil des décrets n'a été publié. La seule possibilité de se tenir au courant des décrets, c'est en s'abonnant à la partie 2 de la Gazette du Canada. Les procureurs de la Couronne ne s'y abonnent pas, les avocats non plus et les juges non plus. Les avocats et les magistrats sont dans l'impossibilité totale de s'assurer du libellé des règlements.

Un recueil de règlements a été publié en 1998 mais ces règlements ont été modifiés depuis lors. On ne peut donc plus du tout s'y fier.

Le sénateur Watt: On ne saura jamais exactement quel règlement s'applique.

Le sénateur Sparrow: J'ai ici un certificat d'enregistrement d'armes à feu qui ne porte pas de nom. Je suppose qu'il pourrait appartenir à n'importe qui. Ce certificat autorise seulement à posséder une arme. Voulez-vous dire que l'on me confisquera toute arme qui n'a pas été enregistrée à mon nom?

M. Tomlinson: C'est ce que prétend le bureaucrate et il en a le pouvoir. Qu'il essaie et je le traînerai devant les tribunaux!

Le sénateur Sparrow: Voici un certificat d'enregistrement d'armes à feu qui ne porte pas mon nom. Mon nom est peut-être indiqué dans un quelconque dossier.

Si j'ai ce certificat, c'est que j'ai besoin qu'une arme soit enregistrée à mon nom. Je possède une exploitation agricole dans laquelle travaillent plusieurs membres de ma famille. J'ai aussi engagé du personnel mais nous ne fournissons pas une arme à tous les employés. Les armes sont des outils indispensables dans notre métier. Les membres de ma famille ont un certificat de possession d'arme à feu. Environ cinq ou six personnes ont une arme. Si elles ne sont pas propriétaires des armes représentées par ce document, toutes celles-ci peuvent être confisquées, je présume.

M. Tomlinson: Oui.

Le sénateur Sparrow: Voulez-vous dire que je serai le seul à pouvoir utiliser cette arme?

M. Tomlinson: C'est bien cela.

Le sénateur Sparrow: C'est un outil de base dans notre métier, comme l'ont d'ailleurs aussi mentionné le sénateur Adams et le Sénateur Watt. Que dois-je faire?

M. Tomlinson: Vous devez attendre que les permis d'arme à feu de votre famille soient révoqués. Ensuite, vous vous mettrez en contact avec la NFA. Nous donnerons l'instruction à notre avocat de faire annuler la loi qui a permis à ce bureaucrate de confisquer vos armes.

Le sénateur Sparrow: Combien cela coûtera-t-il?

M. Tomlinson: Si le cas ne s'est pas encore produit, c'est pour deux raisons. La première, c'est que l'on n'a pas encore porté d'accusation pour possession d'une arme sans permis. La deuxième, c'est qu'à partir du 1er janvier, on se mettra à porter des accusations, notamment contre des membres de clubs de tir au pigeon d'argile, qui sont des personnes très à l'aise financièrement. Nous pensons que c'est une bonne tactique de laisser d'abord un homme riche défendre sa cause pour que les autres personnes contre lesquelles des accusations seront portées puissent compter sur un précédent solide lorsqu'elles devront se défendre devant les tribunaux.

Le sénateur Sparrow: J'ai déjà examiné ce problème à l'occasion du projet de loi C-68. Je pense qu'un trop grand nombre de sénateurs prennent ce type de problème à la légère et disent, en plaisantant, que ceux qui sont pris au piège sont des malchanceux. Le nombre de personnes prises au piège est toutefois beaucoup trop élevé. Ma famille et moi sommes coincés. De nombreux membres des collectivités agricoles le sont aussi. Ils sont pris au piège et nous ne pouvons rien faire pour les aider. Nous pouvons seulement discuter des coûts et cautionner ces dépenses puisque, comme l'a laissé entendre le témoin précédent en mentionnant que le coût du programme pourrait atteindre le milliard de dollars, «Ce n'est que de l'argent, après tout».

Le commentaire qui suit n'a aucun rapport avec le sujet et je vous prie de m'en excuser, monsieur le président. Le milliard de dollars que nous avons demandé en vain au gouvernement pour aider les agriculteurs de l'Ouest aurait permis d'éviter dans les collectivités rurales un nombre de suicides bien plus élevé que le nombre de victimes éventuellement épargnées grâce à la réglementation des armes à feu que nous examinons et dans laquelle des sommes colossales ont été investies. Ce n'est pas votre problème, mais je tenais à le mentionner parce que le témoin précédent a fait remarquer que ce n'est que de l'argent ou que tous les ministères coûtent cher.

M. Hinter: Lorsque je viens à Ottawa, je passe à côté d'un édifice qui porte le nom d'un de mes héros, C.D. Howe. Dans l'Ouest, on est généralement surpris d'apprendre que l'un de mes héros est un libéral. C.D. Howe posait des questions qui visaient à trouver des solutions efficaces aux problèmes. Son collègue de l'autre côté de la chambre, M. Diefenbaker, lui a attribué la déclaration suivante: «Qu'est-ce qu'un million de dollars?» Pourtant, M. Howe n'a jamais fait une telle déclaration.

Lorsque je passe devant l'édifice C.D. Howe, dans le centre-ville d'Ottawa, certains passages de la biographie de C.D. Howe me reviennent à la mémoire. En regardant cet édifice, il poserait la question suivante: «Est-ce qu'il est efficace?» S'il examinait la Loi sur les armes à feu, il se poserait certainement la même question et il se rendrait compte qu'elle n'est pas efficace du tout.

La recrudescence de la violence est terrible. Ce que je vais dire pourrait ruiner ma réputation comme président de la NFA car on me considère comme un gros terrible; pourtant, je suis très ému quand je vois mourir un de mes poissons tropicaux. Je n'aime pas la violence — personne ne l'aime, d'ailleurs. Dans l'ensemble, nous formons le groupe le plus calme qui soit à travers le pays. Vous avez un sérieux problème sur les bras.

M. Tomlinson: Je voudrais relater une anecdote qui a un rapport avec votre situation. M. Lamontagne se rendait en Floride pour son travail, laissant au foyer un fusil de chasse, une arme de poing et sa femme. La police a eu connaissance de ce fusil et de cette arme de poing et elle a accusé sa femme d'entreposage illégal parce que les armes n'étaient pas entreposées conformément aux règlements. Par chance, le juge était raisonnable. Dans sa décision, il a dit que Mme Lamontagne était innocente parce qu'elle n'avait pas d'intention délictueuse. Elle n'avait aucune intention d'être en possession des armes à feu et, par conséquent, elle n'avait aucun lien avec ces armes. Elle a toutefois dû débourser 5 000 $ en frais juridiques. Je vous laisse imaginer ce qu'un tel incident peut représenter pour une femme de Terre-Neuve dont le mari a dû émigrer aux États-Unis pour trouver du travail.

Le caractère abusif de ce projet de loi est extrême. Si vous voulez qu'Ottawa devienne un des endroits les plus détestés du Canada, il suffit de l'appuyer.

M. Bernardo: Monsieur le président, en ce qui concerne le problème mentionné par le sénateur Sparrow, je signale que le sénateur Baker l'a déjà évoqué. Votre comité est chargé d'examiner les questions juridiques et est entièrement composé de personnes qui sont expertes en matière de droit et de lois et pourtant, deux de vos membres n'arrivent pas à comprendre les dispositions les plus simples de la loi. Des millions de Canadiens qui portent une casquette à l'envers et ont un tracteur dans leur cour s'y retrouvent encore moins. Ce projet de loi doit être renvoyé à la Chambre. La législation sur le contrôle des armes à feu doit être entièrement remaniée.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné la Convention de la Baie-James. L'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a été signé par Sa Majesté la Reine et par le gouvernement du Canada. Cet accord précise comment procéder en ce qui concerne les revendications territoriales et les droits de chasse. Vous avez mentionné le cas de notre ami George de Tuktoyaktuk dont le certificat d'enregistrement est venu à expiration et contre lequel des accusations ont été portées parce qu'il était à la chasse. Vous avez dit que cette situation serait semblable à ce qui est prévu dans la Convention de la Baie-James. Est-ce bien cela?

Le sénateur Watt: C'est bien cela.

Le sénateur Adams: Je voulais m'assurer que si l'affaire était portée devant les tribunaux, nous aurions de chances d'obtenir un jugement en notre faveur.

M. Tomlinson: On a tout intérêt à contester la loi sur le contrôle des armes à feu parce qu'elle relève du droit réglementaire et qu'elle est enchâssée à tort dans le Code criminel, si bien que, lorsqu'une personne est accusée d'une infraction administrative, elle a un casier judiciaire. À cause de ce casier judiciaire pour infraction à la Loi sur les armes à feu, cette personne ne pourra plus aller en vacances ni travailler aux États-Unis. Elle ne sera plus parmi les dix groupes prioritaires lorsqu'elle postulera un emploi, toujours à cause du casier judiciaire. Elle ne pourra plus non plus occuper un emploi pour lequel il faut être cautionné.

Les conséquences de ce projet de loi, en raison de certaines exigences administratives, sont terribles parce qu'elle n'est pas considérée comme une loi relevant du droit réglementaire; c'est une loi pénale.

Le sénateur Joyal: Monsieur Tomlinson, cela saute aux yeux que vous êtes devenu expert en interprétation de la Loi sur les armes à feu. Vous n'ignorez certainement pas la décision que la Cour suprême a prise à la suite du litige dans le cadre duquel la constitutionnalité du projet de loi C-68 a été contestée. À propos des faiblesses de ce projet de loi qui pourraient engendrer une situation analogue à celle évoquée par mon collègue le sénateur Sparrow, pourriez-vous dire quelles questions ont été réglées dans la décision de la Cour suprême?

M. Tomlinson: Très peu. On a invoqué l'argument que le Parlement du Canada n'avait pas le pouvoir de rédiger une loi semblable sur le contrôle des armes à feu. Une des premières déclarations que l'avocat en charge de cette affaire a faite aux juges était malheureusement celle-ci: «Bien sûr, le Parlement du Canada a parfaitement le droit d'élaborer un système d'enregistrement des armes à feu en ce qui concerne les armes de poing mais absolument pas en ce qui concerne les fusils et les carabines». Le juge a demandé pour quelles raisons, mais l'avocat n'a pas pu répondre. L'avocat a été en perte de vitesse à partir de ce moment-là.

La seule question qui ait été réglée est que les juges ont décrété que le Parlement du Canada avait le droit de rédiger des lois pénales sur les armes à feu. C'est la seule question qui ait été réglée. Le jugement ne mentionne aucune disposition en particulier. Les faiblesses de la loi n'ont pas été examinées. Les contradictions par rapport à des décisions antérieures de la Cour suprême du Canada n'ont pas été examinées. On s'est posé une seule question: le gouvernement du Canada peut-il rédiger une loi de ce type? La réponse est affirmative. Ce n'est qu'après que le Parlement ait fait entrer la loi en vigueur qu'on peut en contester des dispositions précises. Au Canada, les recours en justice collectifs aboutissent rarement à un résultat. C'est très différent aux États-Unis dans ce domaine. Par contre, lorsque le gouvernement s'en prend à un citoyen en portant atteinte à sa liberté et à sa capacité de pratiquer les activités nécessaires pour assurer sa survie, les juges des cours inférieures examinent ces affaires et la loi d'un oeil beaucoup plus critique. C'est une loi bizarre.

Un avocat ontarien m'a parlé d'un client, un pharmacien, qui habite au-dessus de son magasin, situé dans une petite ville de l'Ontario. Il a entendu quelqu'un entrer par effraction au rez-de-chaussée et, comme ce n'était pas la première fois que ça arrivait, il est descendu avec son revolver et a surpris dans le magasin deux hommes en train de voler des produits pharmaceutiques. Les deux individus se sont enfuis. Il les a poursuivis. Ils se sont enfuis par une porte alors que lui sortait par l'autre; il les a rejoints à l'extrémité du bâtiment, au moment où ils montaient dans leur fourgonnette. Il a tiré dans deux pneus de la fourgonnette et les malfaiteurs se sont donc enfuis dans un véhicule dont deux pneus étaient à plat. Le pharmacien est rentré chez lui et a appelé la GRC.

Le lendemain matin, des agents de la GRC sont venus chez le pharmacien et ont saisi toutes les armes qu'il possédait. Ils ont ensuite porté plusieurs chefs d'accusation contre lui. Son avocat lui a dit qu'il y avait dans la région un bon juge qui croit en la justice et qu'il n'avait aucune crainte en ce qui concernait la plupart des accusations, sauf une pour laquelle il ne savait comment s'y prendre. En effet, lorsque les agents de police avaient demandé au pharmacien de leur remettre toutes ses armes, il était allé dans l'arrière-boutique du magasin et en était revenu avec un fusil de chasse à deux coups, l'avait ouvert et en avait sorti deux cartouches, puis le leur avait remis. Ils l'avaient alors accusé d'entreposage illégal d'une arme chargée. J'ai expliqué à l'avocat ce qu'il fallait faire. Il s'est exclamé. Plus tard, le juge a dit qu'il était d'accord avec l'avocat de la défense. L'arme en question n'était pas entreposée et, par conséquent, les dispositions législatives sur l'entreposage des armes ne s'appliquaient pas dans ce cas-là. C'était une arme qui servait de moyen de défense personnelle.

C'est le type de juge que j'apprécie.

Le sénateur Joyal: Le problème que vous avez soulevé dans votre exposé, dans le contexte d'une confiscation, peut avoir des conséquences importantes sur le plan juridique parce que des cas analogues peuvent se présenter dans le contexte d'autres lois. Je pense en particulier aux pouvoirs conférés aux agents de douane. Si vous arrivez au Canada et que vous faites une déclaration qui ne plaît pas à l'agent de douane, il peut saisir votre voiture. En théorie, la voiture n'est pas un objet illégal, mais il peut la saisir et la garder, et même la confisquer. Pourtant, dans bien des cas, la voiture peut être considérée comme un moyen de subsistance.

Ce que j'ai essayé de vérifier dans votre mémoire, c'est si la Loi sur les armes à feu ne fait pas d'une arme à feu un objet illégal comme tel. Quand on possède des stupéfiants comme de l'héroïne ou quelque autre substance, qui sont prohibés en vertu de la Loi sur les stupéfiants, on possède des substances qui sont illégales en soi. En ce qui concerne les armes à feu, je considère qu'elles ne sont pas illégales en soi.

M. Tomlinson: Certaines armes à feu le sont et d'autres pas.

Le sénateur Joyal: Certaines armes, oui. Il est toutefois question en l'occurrence de citoyens ordinaires comme les membres de vos clubs sportifs ou de diverses associations. Je ne parle pas d'armes de type militaire. Autrement dit, on n'a pas en sa possession une AK47 pour chasser le lapin. C'est bien évident.

À partir de quel moment l'objet qui est en votre possession devient-il, lorsqu'on a enfreint une règle de procédure administrative, un objet illégal qui peut être confisqué sans le moindre recours possible?

M. Tomlinson: Il s'agit d'un processus en deux étapes. Il y a d'abord infraction criminelle avec l'arme à feu — qui peut être liée au simple fait d'être en sa possession. On vous accuse donc d'infraction criminelle. Ensuite, en vertu d'un article du Code criminel, toutes les armes impliquées dans l'infraction sont confisquées par la Couronne et le juge n'a pas le choix. Il doit ordonner que toutes ces armes soient remises à la Couronne.

À supposer que vous soyez dans les bois avec une arme à feu, sans permis, et que l'on vous arrête. Si vous avez été accusé de possession sans permis, la police sera probablement allée chez vous avec un mandat de perquisition et aura saisi toutes les armes que vous possédiez avant même que vous vous soyez présenté au tribunal. Si vous possédez une collection importante d'armes à feu, celles-ci peut valoir plusieurs millions de dollars. Comme toutes ces armes sont liées à l'infraction, elles seront confisquées par la Couronne. Comme je l'ai mentionné, c'est une loi abusive.

Le sénateur Joyal: Je m'efforce de comprendre le principe énoncé dans le Code criminel en vertu duquel la peine concernant un objet s'applique à tous les objets du même type que vous possédez.

M. Tomlinson: L'objet en cause est confisqué parce que vous avez commis une infraction criminelle liée à des armes à feu. L'acte criminel que vous avez commis est peut-être lié à un règlement. Cependant, il ne s'agit pas d'une loi réglementaire mais d'une loi pénale. Elle n'est pas du tout réglementaire, contrairement à ce qu'on aurait tendance à croire en examinant ces morceaux de papier.

Par exemple, on n'aurait jamais dû employer le terme «permis» dans cette loi. Un permis est un document qui accorde une permission. Jim Hinter commet une infraction criminelle s'il est en possession d'une arme sans avoir de permis. En lui accordant ce permis, le gouvernement donne donc à Jim Hinter la permission de commettre cette infraction.

Si le gouvernement peut agir ainsi, rien ne l'empêcherait d'adopter l'année prochaine une loi qui permette d'accuser certains citoyens de viol, de vol qualifié ou de meurtre. Le gouvernement envisage déjà de donner à la police la permission de commettre des infractions criminelles.

Le Parlement n'en a pas le pouvoir, à mon avis. On peut décréter qu'il s'agit d'une infraction criminelle et que toute personne qui commet une telle infraction sera passible d'une peine. On ne peut toutefois pas décider d'accorder à certaines personnes la permission de commettre ce type d'infraction.

J'ai appris cela en lisant le jugement de l'affaire Morgentaler. Je suivais avec intérêt les contorsions de la Cour suprême du Canada; elle ressemblait à un éléphant s'efforçant de faire de la danse à claquettes. C'est un délit criminel de se faire avorter ou de pratiquer un avortement, sauf si l'on est en possession d'un certificat d'avortement thérapeutique. La Cour suprême du Canada a fait des contorsions pour éviter de mentionner à quelque moment que ce soit que le certificat d'avortement thérapeutique était un permis donnant l'autorisation de commettre ce type d'infraction. Elle a dit qu'il s'agissait d'une défense taillée sur mesure pour une accusation criminelle précise, puis a annulé la loi parce que ce type d'exercice était tellement compliqué que c'était une cause pratiquement perdue d'avance. Pour ma part, je pense que la Cour suprême a annulé la loi, ou du moins que c'est une des raisons pour lesquelles elle l'a fait, parce qu'elle était libellée de telle sorte que ce certificat devenait pratiquement un permis. On accordait en fait à certaines personnes un permis les autorisant à commettre un acte criminel.

M. Bernardo: Après les commentaires faits par M. Tomlinson, je signale que, bien souvent, le juge retire le chef d'accusation quand une personne est accusée d'une infraction mineure liée à des armes à feu et qu'elle accepte qu'on lui confisque ses armes. C'est très fréquent.

M. Tomlinson: Dans le cadre d'une affaire récente, un homme a été accusé de possession d'une arme à feu sans permis. Il s'est fait arrêter sur le terrain de chasse. Il voulait contester l'accusation, s'il y avait possibilité de défense. Nous lui avons donné le conseil suivant: «Cette loi est anticonstitutionnelle. Voici comment vous pouvez vous défendre contre cette accusation». Cet homme est allé devant le tribunal et son avocat a exposé au procureur de la Couronne la défense qu'il utiliserait. Le procureur a retiré le chef d'accusation. Il ne voulait même pas porter l'affaire devant le tribunal pour déterminer si c'était légal.

Le sénateur Joyal: Je voudrais faire un commentaire sur l'affaire Shirose Campbell, dans le cadre de laquelle on a demandé à la Cour suprême du Canada de rendre une décision sur certaines infractions commises par des agents de police dans le contexte d'une enquête. L'année dernière, un projet de loi, créant la loi antigang, autorisait des individus à commettre, dans le cadre d'une enquête, des actes qui, dans certaines circonstances, seraient présumés criminels selon le Code criminel. Nous avons bien entendu apporté des amendements à ce projet de loi pour assurer un certain contrôle.

Quant à déterminer en quoi cela pourrait s'appliquer à la délivrance de permis, il y a, comme vous le savez, des situations extrêmes dans lesquelles la Cour suprême du Canada accepte un tel contexte législatif pour tenir compte de l'objet de la loi. Elle ne considère toutefois pas que la fin justifie les moyens. Les forces policières ne sont pas au-dessus des lois. Elles doivent être assujetties à la loi en tout temps.

Je m'efforce de comprendre en quoi, dans le contexte de la Loi sur les armes à feu, le système actuel de délivrance de permis modifie la nature traditionnelle d'un permis.

M. Tomlinson: J'ignore ce que fera la Cour suprême. Cependant, lorsque le gouvernement décide que c'est une infraction et qu'il accorde en même temps la permission de commettre l'infraction moyennant le paiement de droits pour obtenir un document, je trouve qu'il va un peu trop loin. Cela me préoccupe. Cela me préoccupe beaucoup parce que quel type de permis le gouvernement pourrait-il encore accorder par la suite? D'après le Black's Law Dictionary, un «permis» est un document qui accorde une permission dans le cadre du droit réglementaire afin de permettre à quelqu'un pratiquer une activité qui est réglementée. Veut-on que les crimes soient réglementés?

M. Bernardo: J'espère que c'est hors de question.

Le sénateur Cools: Ces messieurs savent que j'ai beaucoup d'estime pour eux et que je les appuie dans leurs démarches; je les appuie d'ailleurs depuis des années.

Je tiens à les remercier pour ce que je considère comme d'excellents témoignages, faits avec une clarté de perspective qui caractérise les personnes qui sont en contact intime avec la nature et comprennent les forces de la nature. Le caractère propre à ce type de personnes est peut-être qu'elles respectent les instruments de pouvoir que sont les armes à feu.

D'où venez-vous, monsieur Bernardo?

M. Bernardo: De Toronto.

Le sénateur Cools: J'aime Toronto, mais j'aime également beaucoup l'Alberta. Je suis certaine que c'est parce que j'ai passé mon enfance dans une société associée aux plantations et dans de grands espaces libres. Votre exposé était excellent. Je tiens à vous remercier d'avoir décrit de façon aussi précise le large fossé qui sépare le gouvernement fédéral et les citoyens ordinaires.

Je m'en veux beaucoup de ne pas être en mesure de convaincre mes collègues du parti de ce que je vois et de ce que j'entends, que ce soit au sujet de cette question-ci ou du divorce, notamment des terribles épreuves que traversent les hommes dans les affaires de divorce. Je tenais à vous remercier d'avoir exposé vos opinions de façon aussi précise.

Cela me brise le coeur de voir comment la plupart des Canadiens sont traités à cause du projet de loi bâclé et inefficace que nous adoptons. Nous recevons souvent des projets de loi inadéquat qu'il faut adopter de plus en plus rapidement. C'est aberrant.

Peu de personnes sont au courant des racines historiques de ce projet de loi et de la question des armes à feu. Je suis désolée que le Parti libéral du Canada soit l'artisan de la criminalisation de la propriété et de l'utilisation d'armes à feu et que l'on décide de les bannir complètement parce que quelques individus veulent créer une culture où elles sont considérées comme des instruments du mal. Ça me brise le coeur.

Le libéralisme a été à la base de la démocratisation de l'usage des armes à feu. Les conservateurs voulaient que leur usage soit réservé aux aristocrates. L'usage des armes à feu a été démocratisé grâce aux principes libéraux.

De nombreuses familles canadiennes possèdent des armes à feu depuis des générations. Le principe de l'utilisation des armes à feu pour assurer sa subsistance a des racines historiques: tout garçon de 15 ans ou plus en bonne condition physique était censé apprendre à manier des armes à feu pour être appelé à défendre la patrie et à protéger la famille. On s'attendait à ce que toutes les personnes riches fournissent des armes à feu et des hommes pour se battre pour le roi. Depuis des années, on s'attaque aux fondements mêmes de notre histoire. En ce qui me concerne, je pense que tous les instruments de pouvoir doivent être respectés et traités avec soin et avec prudence. Je pense qu'il faut surtout respecter la vie humaine parce que c'est un bien précieux. Comme l'a mentionné le sénateur Watt, nous avons des droits qui sont de vivre conformément à la culture dans laquelle nous avons été élevés. Comme vous le savez, ma culture est très britannique.

Je vous remercie d'avoir poussé votre analyse aussi loin. Je vous remercie pour la clarté de votre discours. C'est un vrai plaisir d'entendre des témoignages qui ne soient pas truffés de jargon et empreints de rectitude politique, d'entendre des propos qui viennent droit du coeur et soient le reflet de la conscience. Je vous en remercie, messieurs.

M. Tomlinson: Je vous remercie.

M. Hinter: Merci bien.

Le vice-président: Au nom de tous mes collègues, je vous remercie d'avoir participé à nos audiences.

La séance est levée.


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