Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 4 - Témoignages du 4 décembre 2002
OTTAWA, le mercredi 4 décembre 2002
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour examiner le projet de loi en question.
Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, cet après-midi, nous devons entamer l'examen des dispositions de l'actuel projet de loi C-10B concernant la cruauté envers les animaux avec trois groupes de témoins. Nous entendrons d'abord le témoignage des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice qui travaillent pour la Division de la politique en matière de droit pénal. Nous entendrons ensuite les témoignages d'un groupe de représentants de l'industrie, à savoir le Canadian Cervid Council, de la Fédération canadienne de l'agriculture et de l'Alberta Farm Animal Care Association.
Les derniers témoins exposeront les préoccupations des Autochtones; il s'agit des représentants de l'Inuit Tapiriit Kanatami.
Je prie mes collègues de rester quelques minutes après la fin des audiences afin d'examiner une question budgétaire.
Nous donnons maintenant la parole à notre premier groupe de témoins.
Le sénateur Stratton: Quelle question examinons-nous?
Le sénateur Adams: J'allais poser la même question.
Le sénateur Cools: Quelle est la question qui nous a été renvoyée?
Le sénateur Stratton: Oui, quelle est cette question?
Le sénateur Cools: Quelle question sommes-nous en train d'examiner et en vertu de quelles instructions?
Le président: Je pense qu'hier, les instructions du Sénat étaient toujours d'examiner le projet de loi C-10B.
Le sénateur Stratton: Où est-il?
Le sénateur Cools: Où est le projet de loi C-10B?
Le président: Nous en connaissons la teneur; il est actuellement à l'étude.
Le sénateur Beaudoin: C'est le dernier paragraphe du message.
Le sénateur Andreychuk: Le message que nous avons reçu mentionne le projet de loi C-10 mais pas le projet de loi C- 10B. Je suis parfaitement disposée à l'examiner mais, si j'ai bien compris, en ce moment même, nous demandons à la Chambre des communes de scinder le projet de loi C-10. Nous l'avons renvoyé à la Chambre des communes en lui demandant de le scinder en deux projets de loi: le projet de loi C-10A et le projet de loi C-10B.
Je ne pense pas que nous soyons actuellement chargés d'examiner les projets de loi C-10, C-10A ou C-10B, mais je suis prête à examiner cette question en partant du principe qu'il s'agit d'une étude préalable et que les témoignages vaudront pour ce qui sera indiqué dans le message que nous recevrons de la Chambre. Je ne pense toutefois pas que nous soyons légalement saisis de l'examen de ces projets de loi pour le moment. Je l'ai signalé au Sénat pour tenter d'obtenir des instructions. Je n'ai pas l'intention de bloquer le processus. Au contraire, j'attendais impatiemment cette partie du projet de loi C-10. Je tiens à ce qu'on l'examine, mais je pense qu'il s'agira en fait d'une étude préalable. Nous pourrions utiliser un document de travail comme le projet de loi C-10B comme document de référence et écouter les exposés des témoins. Je ne pense toutefois pas que nous puissions légalement étudier le projet de loi C-10, étant donné que nous l'avons renvoyé à la Chambre des communes, ni les projets de loi C-10A et C-10B.
Le sénateur Beaudoin: À propos des projets de loi C-10A et C-10B, j'accepterais aisément que l'on examine la deuxième partie du document dont nous sommes saisis, parce qu'en droit, le projet de loi ne sera scindé que lorsque l'autre chambre aura donné son accord. Étant donné que nous en avons longuement discuté, nous devrions faire ce qui est proposé. J'irais même jusqu'à dire que nous devrions faire une étude préalable de cette question. Si un problème de procédure se pose, nous le réglerons à ce moment-là. Si nous entamons tout de suite une discussion sur le problème, nous perdrons encore une heure.
Le président: Vos commentaires sont très pertinents.
La seule question que j'aurais à vous poser est la suivante: si nous suivons la suggestion du sénateur Beaudoin, qui me semble raisonnable, suivrons-nous les instructions du Sénat qui sont de procéder à l'étude du projet de loi C-10B?
Le sénateur Cools: Non. Nous ne respecterions pas les instructions du Sénat. Il ne suffit pas de mentionner que nous devrions l'examiner tout de suite pour éviter de perdre du temps. En fait, un comité n'a que le pouvoir que lui confère le Sénat et n'a que les renvois que fait le Sénat. Nous avions initialement deux renvois: l'un concernait le projet de loi C- 10 proprement dit et le deuxième était l'instruction de scinder le projet de loi C-10 en deux projets de loi. Il y avait deux renvois. Ils sont inaltérables.
Il y a quelques jours je pense, le sénateur Andreychuk a mentionné que nous perdrions notre compétence en ce qui concerne le projet de loi C-10 lorsque nous discutions de la façon de procéder. C'est ce qui s'est passé cet après-midi au Sénat. Lorsque nous avons tenté de déterminer si c'est la version intégrale du projet de loi C-10 qui était renvoyée au Sénat, le président nous a informés qu'il s'agissait du projet de loi C-10. Je ne sais pas très bien comment cela s'est fait, mais il semblerait que le projet de loi C-10 ait été arraché de force au comité et scindé en deux, soit les projets de loi C- 10A et C-10B, et qu'il ait été renvoyé à la Chambre des communes. En fait, nous ne sommes plus chargés d'examiner le projet de loi C-10B. C'est grave.
Le sénateur Beaudoin: Je ne suis pas d'accord du tout. La dernière phrase du message faisait mention de notre pouvoir d'étudier le projet de loi C-10B. La discussion est close.
Le sénateur Cools: Non, elle ne l'est pas.
Le sénateur Beaudoin: Il est inutile de poursuivre la discussion sur cette question.
Le sénateur Cools: Non, la discussion n'est pas close.
Le sénateur Beaudoin: C'est mentionné dans le message.
Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, je tente de trouver un moyen terme. C'est pourquoi je voulais que le Sénat confirme ce que nous étions censés étudier. Étant donné qu'il ne l'a pas fait, nous ne pouvons que présumer que nous ne sommes plus saisis du projet de loi C-10: il a été renvoyé et cela a été confirmé. Nous pouvons toutefois examiner le sujet de la partie 10B de ce projet de loi puis, lorsqu'il nous sera renvoyé à nouveau, nous pourrons lui appliquer les témoignages. Il semble que ce soit le moyen terme qui nous permette de surmonter le problème juridique que nous pose le fait de ne pas être saisis du projet de loi C-10.
Le sénateur Beaudoin: J'ai déjà accepté cela.
Le sénateur Cools: Je pense que nous avons besoin d'un renvoi pour cela.
Le sénateur Baker: Je rappelle à mes collègues que, lorsqu'on lui a demandé ce dont nous discutions, le président a déclaré textuellement: «du sujet».
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je pense que nous ne pouvons pas décider que ce dont nous sommes saisis est simplement le sujet du projet de loi et pas le projet de loi C-10B comme tel, parce qu'au début de la discussion, nous n'étions pas certains que le C-10B était un projet de loi. Je pense que nous nous enfonçons toujours un peu plus à chaque étape. Lorsque le comité a décidé de scinder le projet de loi, on lui a dit qu'il devrait faire rapport du projet de loi C-10A et qu'il serait renvoyé à la Chambre des communes mais que le comité conserverait le C-10B. Cependant, en vertu d'un pouvoir dont nous ne sommes pas parvenus à déterminer la nature au Sénat aujourd'hui, quelques sénateurs ont pris l'initiative de renvoyer le projet de loi C-10. Je pense donc que cette initiative l'emporte sur la précédente, honorables sénateurs. Nous ne pouvons pas décider, de notre propre chef, de modifier notre ordre de renvoi. On ne peut pas procéder ainsi.
Le président: Sénateur Cools, je pense que nous sommes obligés de tenir compte d'une instruction du Sénat. Comme l'a mentionné le sénateur Beaudoin, il nous a donné l'instruction d'examiner le projet de loi C-10B.
Le sénateur Cools: Non. En réalité, cette question a fait l'objet d'une longue discussion. Le Sénat ne nous a-t-il pas donné l'instruction d'étudier le projet de loi C-10, puis de le scinder en deux? C'est nous qui avons pris la décision de conserver le projet de loi C-10B et de faire rapport du C-10A. On ne peut pas procéder ainsi. La confusion règne.
Monsieur le président, nous ne pouvons vraiment pas continuer à procéder ainsi. Nous nous enfonçons un peu plus à chaque étape. La façon dont nous avons procédé aujourd'hui n'est pas réglementaire. Je suis même prête à affirmer qu'elle est anticonstitutionnelle. Car elle l'est. Nous avons besoin d'un renvoi du Sénat.
Le sénateur Stratton: Nous devons prendre note des objections, mais je ne tiens pas à poursuivre cette discussion pendant des heures. Les témoins sont là et nous devons avoir l'obligeance de les écouter. Je voudrais qu'on aille de l'avant en tenant compte des recommandations du sénateur Andreychuk et de l'avis de l'objection du sénateur Cools. Je pense que c'est ainsi qu'il faudrait procéder, si c'est possible.
Le sénateur Cools: On ne peut malheureusement pas — ou heureusement pas — décider de renverser un renvoi...
Le sénateur Stratton: Il ne s'agit pas de cela.
Le sénateur Cools: Je suis désolée, mais on ne peut pas.
Le sénateur Smith: Vous opposez-vous à ce que nous procédions à l'étude du projet de loi?
Le sénateur Cools: On ne peut pas procéder de cette façon. Le comité n'a pas encore d'ordre de renvoi précis du Sénat et le président a le devoir de clarifier cette question.
Le sénateur Smith: Il l'a déjà fait.
Le sénateur Cools: Non.
Le président: Permettez-moi de poser la question suivante, sénateur Cools: est-ce le souhait du comité que nous écoutions les témoignages et, dans ce cas, accepterait-t-il que nous suivions l'instruction de poursuivre l'étude de cette question?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Cools: Qu'il soit consigné au compte rendu que je ne suis pas d'accord.
Le président: L'objection du sénateur Cools sera consignée au compte rendu.
Le sénateur Adams: Les témoins peuvent-ils maintenant prendre place?
Le président: Oui.
Le sénateur Stratton: J'ai une petite observation à faire.
Je n'ai pas encore vu de liste complète des témoins. Plusieurs personnes m'ont dit qu'elles aimeraient témoigner. Je ne sais pas si elles sont sur la liste. Pourrait-on me remettre une liste?
Le président: Oui.
Le sénateur Cools: Comme ex-présidente, j'aurais pensé que l'une des premières décisions du comité serait une décision sur la façon de procéder, la durée du processus et le nombre approximatif de témoins que l'on compte entendre. Il faut procéder avec méthode.
La semaine dernière par exemple, nous avons présumé que le comité continuerait d'entendre des témoins pendant quelques jours. Il ne l'a pas fait. Je ne comprends pas comment l'on prend ce type de décisions.
Je pense que nous devons procéder avec méthode.
Le président: Sénateur Cools, comme vous le savez très bien, ces décisions sont prises par un comité directeur. Si les listes ne sont pas remises aux honorables sénateurs à temps, nous ferons tous les efforts nécessaires pour que vous receviez un avis le plus longtemps possible d'avance. Nous prenons bonne note de votre remarque, sénateur.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, sauf votre respect, le comité directeur ne prend pas des décisions, mais il fait des recommandations. Toute décision prise par le comité directeur doit être approuvée par le comité.
Le sénateur Beaudoin: Non.
Le sénateur Cools: Bien sûr que oui!
Le président: Sénateur Cools, c'est une question qu'il faudrait examiner à une autre occasion. Je demande au premier groupe de témoins de prendre place à la table.
Étant donné le nombre relativement élevé de témoins à entendre au sujet de ce projet de loi et le nombre de sénateurs qui souhaitent vivement participer au débat, nous avons demandé aux témoins de faire des exposés de cinq minutes au maximum. Je voudrais aussi que mes collègues abrègent les commentaires préliminaires lorsqu'ils posent des questions, pour pouvoir poser le plus grand nombre possible de questions dans un très court délai.
Monsieur Mosley, je pense que vous avez un exposé à faire.
M. Richard G. Mosley, sous-ministre adjoint, Division de la politique en matière de droit pénal et de la justice communautaire, ministère de la Justice: Depuis son adoption, en 1892, le Code criminel du Canada contient des dispositions interdisant divers agissements à l'égard des animaux. Initialement, ces dispositions étaient applicables aux animaux dont on est propriétaire ou que l'on a sous sa garde. En 1953, la loi a été modifiée et l'on y a ajouté pour la première fois des infractions protégeant tous les animaux, domestiques ou sauvages, contre les traitements causant une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité, et contre la négligence criminelle.
Les dispositions actuelles du Code concernant la cruauté envers les animaux sont par conséquent généralement semblables à celles qui ont été adoptées en 1953. Toutes les infractions, sauf celles qui concernent le bétail, sont des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de six mois, ou d'une amende de 2 000 $ ou des deux. Les infractions concernant le bétail sont passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans ou d'une amende d'un montant maximal indéterminé.
Les modifications présentées dans le document que vous examinez ont deux principaux objectifs. Le premier est d'imposer des peines plus lourdes et de simplifier et rationaliser les infractions; ce sont d'ailleurs des objectifs courants dans le contexte d'une réforme du droit pénal. Les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire sont transformées en infractions mixtes et les peines maximales seraient portées de six mois à cinq ans en ce qui concerne les infractions liées à la cruauté volontaire et de six mois à deux ans en ce qui concerne les infractions liées à la négligence criminelle. En outre, ces modifications simplifient et modernisent la loi actuelle en supprimant les dispositions qui se chevauchaient et les termes ainsi que les distinctions archaïques, en abrogeant les dispositions déterminatives complexes, en faisant une distinction bien nette entre les infractions liées à la négligence criminelle et les infractions volontaires plus graves, et en cessant d'assimiler les infractions liées à la cruauté envers les animaux à d'autres infractions liées aux biens.
Nous sommes conscients que l'on craint que certaines pratiques industrielles soient davantage exposées à des poursuites. Nous pensons cependant que, si l'on examine de près les dispositions actuelles et les mesures proposées dans le présent document, il apparaît clairement que la responsabilité potentielle des participants ne sera pas plus lourde ou ne sera nullement modifiée. Nous pensons que les dispositions législatives actuelles sur la cruauté envers les animaux sont notamment mal interprétées en raison d'une interprétation erronée au sujet de l'application du droit pénal en général. Si vous me le permettez, je voudrais faire quelques commentaires à ce sujet.
Premièrement, ce qui est légal aujourd'hui restera légal aux termes des dispositions du projet de loi, c'est-à-dire du document que vous examinez. La définition d'une infraction est maintenue dans les nouvelles modifications, sauf en ce qui concerne une nouvelle infraction liée au fait de tuer sauvagement un animal de façon intentionnelle, ce qui ne se fait pas dans le contexte industriel. Le but est d'assurer la plus large applicabilité de la jurisprudence actuelle.
Deuxièmement, le projet de loi ne supprime pas ou ne restreint pas les moyens de défense, même si le paragraphe 429(2) du Code, qui fournit les défenses de la justification légale, de l'excuse et de l'apparence de droit, ne s'appliquera plus expressément dans le contexte de la partie du Code qui serait modifiée. Le paragraphe 429(2) n'est pas d'une importance cruciale pour un accusé parce que toutes les défenses, excuses et justifications reconnues par la common law sont accessibles en vertu du paragraphe 8(3).
Le projet de loi C-10, tel qu'il a été adopté à la Chambre des communes, fait spécifiquement mention du paragraphe 8(3). Cela inclut l'apparence de droit et les autres moyens de défense. Dans notre régime législatif, l'apparence de droit est une forme d'erreur, une justification ou une excuse. «Justification ou excuse» sont mentionnés dans le paragraphe 8(3). Si une défense de la common law s'applique à une accusation précise, l'accusé peut l'invoquer en vertu de ce paragraphe du Code. Il assure actuellement à l'accusé une protection plus large que le paragraphe 429(2). Nous pensons que ce dernier paragraphe est désormais redondant en raison des modifications proposées dans le projet de loi C-10.
Les défenses ne doivent pas être confondues avec ce que l'on appelle la protection spéciale ou directe accordée aux groupes industriels concernés. L'opinion que les défenses assurent une protection spéciale en ce qui concerne les pratiques industrielles légales ou qu'elles entrent en ligne de compte dans l'évaluation de la légalité d'un acte dans un contexte industriel ne repose sur aucun fondement légal, ni d'ailleurs celle que les défenses aident à définir ce qui est considéré comme une infraction pénale. Cela irait à l'encontre des principes d'interprétation des lois bien établis. Par exemple, on ne définit pas le meurtre par rapport au principe de la légitime défense.
De même, la défense de l'apparence de droit ne peut justifier le délit de cruauté envers les animaux. En vertu du poids de la jurisprudence, les personnes engagées dans des activités légales doivent éviter de causer de la douleur sans nécessité. La protection de l'industrie vient de sa conformité à la loi, autrement dit du fait que ses pratiques sont humaines. Les dispositions législatives actuelles ne prévoient pas de protection spéciale en ce qui concerne les pratiques industrielles à l'égard des animaux.
Cela concorde avec la façon dont le Code s'applique à d'autres types de professionnels et de travailleurs comme les agents de police, les médecins, les athlètes et les avocats. Ils sont tous assujettis au droit pénal dans l'exercice de leurs fonctions et peuvent, dans des cas exceptionnels, être accusés d'une infraction. La loi s'applique à ces personnes de la même façon qu'elle s'applique aux autres citoyens, et les intervenants de l'industrie des productions animales ne font nullement exception.
Nous ne pensons pas pour autant que les pratiques actuelles de cette industrie soient cruelles. Les pratiques industrielles humaines ne sont pas cruelles. La plupart des personnes actives dans ces secteurs d'activité se conforment à la loi et traitent les animaux avec respect. Cependant, lorsqu'un participant dépasse les bornes et inflige sans nécessité une douleur à un animal, la loi doit être en mesure d'intervenir.
Les représentants de l'industrie en sont déjà conscients. Les documents publicitaires de l'Ontario Farm Animal Council et de la Canadian Cattlemen's Association ainsi que des défenseurs de la recherche pratiquée sur des animaux comme Partners in Research reconnaissent expressément que ces activités sont actuellement assujetties aux dispositions du Code concernant la cruauté envers les animaux et qu'ils ne peuvent pas causer de douleur sans nécessité dans le cadre de leurs activités. Ces documents ne contiennent aucune information permettant d'en conclure que les personnes engagées dans ces activités sont autorisées à faire preuve de cruauté. Au contraire, ces documents confirment leur responsabilité de traiter humainement les animaux.
C'est précisément ce qu'ont mentionné les Canadiens et les Canadiennes au cours des consultations qui ont été tenues avant l'élaboration et la présentation de ce projet de loi.
On craint en outre que le transfert des infractions à une nouvelle partie du Code ne confère des droits sur les animaux ou ne modifie leur statut de biens accordé par la loi aux animaux. Cette interprétation va à l'encontre des principes reconnus en matière d'interprétation des lois et du droit constitutionnel. Le retrait des infractions de la partie du Code concernant les infractions contre les biens ne modifie pas le statut de biens qu'accorde la loi aux animaux. Le titre de chapitre n'est qu'un outil de classification.
Enfin, il semble que l'on redoute que des particuliers ou des groupes ne se servent des dispositions législatives pour mettre fin aux pratiques industrielles en intentant des poursuites privées. De nombreuses mesures de protection sont en place pour empêcher les particuliers d'avoir recours au droit pénal à des fins stratégiques. Les récentes modifications apportées par le biais du projet de loi C-15A, qui a été adopté le printemps dernier et est entré en vigueur l'été dernier, sont telles qu'il est plus difficile que jamais d'avoir recours au système de justice pénale à des fins non judiciaires. Le procureur général de la province ou du territoire concerné doit être avisé d'une poursuite privée et peut la reprendre et retirer les accusations en tout temps. Les poursuites vexatoires envisagées par ces personnes peuvent être facilement avortées avant que l'accusé ne soit tenu de comparaître devant un tribunal. L'efficacité de ces mesures de protection et la bonne foi des juges de paix, des juges des cours provinciales et des procureurs généraux ne font aucun doute.
Le gouvernement a tenu compte des préoccupations qui ont été exprimées dans ce contexte. Plusieurs changements ont été apportés aux modifications, depuis leur présentation au Parlement, à la demande expresse des groupes industriels. Ce n'était probablement pas nécessaire sur le plan juridique, mais cela a été fait pour clarifier certains points.
Ces modifications sont relativement modestes dans le contexte global de la réforme du droit pénal. Elles sont toutefois importantes. Elles améliorent les dispositions législatives actuelles en précisant que la cruauté envers les animaux est désormais une infraction plus grave qu'avant et en simplifiant la loi. Elles n'exposent pas les participants de l'industrie à des risques accrus de poursuites par rapport aux dispositions actuelles.
Je vous remercie de votre indulgence et de m'avoir accordé un peu plus de cinq minutes pour mon exposé.
Le sénateur Beaudoin: Vous n'avez pas mentionné le critère de l'intention délictueuse. Applique-t-on le principe du Code criminel comme d'habitude ou est-il question de la mens rea dans ce projet de loi? Est-ce toujours la même chose qu'avant ou est-ce différent?
M. Mosley: On a fait un effort pour clarifier la mens rea dans ce domaine. Par exemple, le nouveau paragraphe 182.2(1) proposé mentionne notamment que:
Commet une infraction quiconque, volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte:
a) cause à un animal ou, s'il en est le propriétaire, permet que lui soit causée une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité;
b) tue sauvagement ou cruellement un animal [...] ou, s'il en est le propriétaire [...]
Je ne passerai pas les divers alinéas en revue.
Sénateur, c'est lié à la question de l'apparence de droit qui a causé de vives préoccupations. L'apparence de droit est une forme d'erreur en ce qui concerne les faits requis pour établir l'infraction. Cependant, cet état d'esprit peut également vicier l'élément mental requis pour commettre l'infraction. Autrement, il peut également être lié à la volonté ou à l'insouciance des conséquences de son acte.
Un précédent a été créé à la suite d'une affaire concernant un individu qui avait tiré des coups de feu pour chasser deux chiens errant sur sa propriété. Il voulait tirer entre les deux chiens mais en a accidentellement blessé un. Il n'avait pas l'intention de blesser sciemment un de ces chiens. Il voulait leur faire peur. C'est pourquoi il a été excusé de toute responsabilité criminelle, mais cette décision a été fondée sur son raisonnement plutôt que sur la question du droit de tirer sur des animaux dans de telles circonstances.
Le sénateur Beaudoin: Si je pose la question, c'est que nous avions déjà eu une discussion sur les termes «sciemment» et «volontairement». C'est l'honorable sénateur Nolin qui avait posé la question. Je pense que vous y avez déjà répondu. Cela dépend des articles concernés. Le terme «sciemment» est d'une importance capitale.
M. Mosley: Oui, dans le contexte approprié. Le Code criminel utilise le terme «sciemment» dans certaines circonstances. D'une façon générale, s'il n'est fait aucune mention d'un état d'esprit et qu'il y a infraction, il est nécessaire qu'il y ait mens rea. Il s'agit généralement de l'intention et de la connaissance des circonstances entourant la commission d'une infraction.
Le sénateur Beaudoin: Ma dernière question concerne les biens. Il s'agit, bien entendu, d'une infraction contre les biens, mais ce projet de loi en fait une infraction plus grave encore. A-t-on introduit dans ce projet de loi un nouveau concept lié au propriétaire et à l'animal ou bien la situation est-elle la même qu'avant?
M. Mosley: Je pense que le Parlement a pris cette décision en 1952 ou en 1953. Une commission, créée en 1947 ou en 1948 sous la direction de M. Martin, a proposé plusieurs modifications importantes au Code criminel. Il s'agissait de la première réforme importante du Code criminel depuis 1892.
Le sénateur Beaudoin: Le concept n'a toutefois pas changé.
M. Mosley: Non. Avant que ces modifications ne soient adoptées en 1953, les dispositions législatives concernant la cruauté envers les animaux étaient axées sur la propriété des animaux. Cette notion remonte au Code criminel de 1892. Elle remonte aux statuts impériaux qui ont été intégrés au droit canadien avant la Confédération et ont été maintenus entre la Confédération et 1892. On mettait surtout l'accent sur la propriété et les droits de propriété liés aux animaux.
Le sénateur Beaudoin: Le concept n'a pas changé.
M. Mosley: Il a changé il y a une cinquantaine d'années, mais pas dans ce projet de loi.
Le sénateur Jaffer: Certaines personnes qui sont engagées dans des activités agricoles et dans d'autres activités légales ont mentionné qu'elles pensent que ce projet de loi les privera de leur protection directe contre des poursuites liées à leurs activités. Quelles sont vos opinions à ce sujet?
Mme Joanne Klineberg, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice: En principe, ce qui est légal en vertu des dispositions actuelles demeurera légal lorsque ces modifications auront été adoptées. Nous pensons que le concept de la protection directe est quelque peu déplacé. Il porte à croire que les poursuites sont interdites si l'objectif d'une activité est légal. Le droit jurisprudentiel démontre clairement que même si le but d'une activité est légal, les méthodes utilisées pour l'atteindre doivent être humaines.
Aucune disposition législative pouvant être considérée comme une mesure de protection légale directe de l'industrie n'est en place. L'industrie reconnaît pleinement qu'elle a l'obligation de traiter humainement les animaux et nous pensons que c'est ainsi qu'elle les traite.
Le sénateur Stratton: Je voudrais que l'on examine la question de la perception et de l'ouverture vers cette pente dangereuse que cela crée.
Le problème a déjà été soulevé, mais je poserai malgré tout la question. La société protectrice des animaux de Winnipeg a été, je pense, le dernier des organismes de ce type qui ait vendu des animaux pour la recherche. Au fil des années, les défenseurs des droits des animaux ont progressivement mis un terme à ces activités en exerçant des pressions. La SPA de Winnipeg a donc cessé de vendre des animaux pour la recherche.
Toutes les personnes qui approuvent ce geste devraient lire le code d'éthique très strict que les universités et les collèges ont établi en ce qui concerne le traitement des animaux destinés à la recherche. Dans ce milieu, il y a une procédure bien précise à suivre. Malgré cela, les groupes d'activistes ont progressivement supprimé toutes les sources d'approvisionnement en animaux pour la recherche.
Si vos commentaires concordent avec les dispositions du projet de loi, certaines personnes pensent par contre qu'elles permettraient éventuellement à des groupes comme ceux-là d'intenter par exemple des poursuites contre l'Association canadienne des expositions, les organisateurs de foires, de festivals et de rodéos, et en particulier ceux du Stampede de Calgary. L'Association des universités et collèges du Canada est préoccupée. Les éleveurs de bétail, les agriculteurs, les trappeurs et les chasseurs sont préoccupés également.
Vous prétendez que ce ne sera pas le cas, mais la réaction des personnes que cela préoccupe est que ces groupes chercheront jusqu'à ce qu'ils trouvent un agent de police prêt à porter des accusations. Elles craignent que cela ne crée une ouverture. On a beau tenter de les rassurer, elles savent bien que certains groupes d'activistes emploient cette tactique en ce qui concerne la vente d'animaux pour la recherche.
Je dois présenter mes excuses à mon épouse, à mes enfants et à mes petits-enfants parce qu'ils approuvent vos intentions. Ma femme voudra probablement divorcer après les commentaires que je viens de faire. Je m'excuse toujours d'abord auprès d'eux.
Il s'agit d'une situation bien réelle. Le cas s'est produit en ce qui concerne les animaux destinés à la recherche. Pourquoi ne se produirait-il plus?
M. Mosley: Je voudrais d'abord signaler que nous n'avons aucun parti pris dans le cadre de cette discussion. Ce qui nous intéresse, c'est que le droit criminel soit clair et que l'on fasse des réformes conformes aux principes que l'on met en pratique depuis des années. Il ne faut pas confondre perception et réalité.
J'étais procureur avant de devenir fonctionnaire. De tout temps, des individus et des groupes ont exercé des pressions sur les procureurs pour plier le droit pénal aux exigences de leur plan d'action politique. C'est un aspect inévitable de l'expérience humaine et de l'expérience juridique.
Cependant, la loi ne permet pas les recours abusifs. Une erreur est toujours possible de la part d'une personne chargée de l'administration de la justice. Le système le reconnaît et corrige ces erreurs en donnant par exemple aux procureurs généraux des provinces un rôle de supervision sur les poursuites privées. Ce mécanisme évite que le système soit engorgé par un grand nombre de personnes désireuses de harceler ou d'intimider d'autres personnes en ayant recours au système de justice pénale. On ne donne pas suite à ces poursuites. Les procureurs généraux les prennent en charge ou y mettent un terme.
Je vous assure que tous les efforts possibles ont été faits pour élaborer une loi reposant sur des principes solides et reflétant les conceptions modernes en matière de répression de la cruauté. Je ne fais pas allusion aux pratiques de recherche ni aux pratiques industrielles, mais à la cruauté gratuite envers les animaux.
Vous êtes probablement au courant de quelques cas extrêmes où la structure actuelle de la loi s'est avérée inadéquate pour exprimer la répulsion de la société pour la cruauté. Ces affaires ne concernaient pas des agriculteurs, des éleveurs, des organisateurs de stampede, des scientifiques ni d'autres personnes pratiquant des activités liées à des animaux. Il s'agit de cas individuels de brutalité et de cruauté envers les animaux.
Tout en éprouvant le plus grand respect pour les inquiétudes qui ont été exprimées, nous sommes conscients de divers problèmes concrets et je ne tente pas de les minimiser de quelque façon que ce soit. Cependant, nous ne voyons pas comment ces propositions pourraient faire avancer la cause des groupes qui veulent prendre en charge les sociétés de protection des animaux. Ce type d'intervention est déjà possible. Il est possible par l'exercice des droits politiques des individus au sein d'une collectivité, mais il n'est pas facilité de quelque façon que ce soit par les modifications proposées au Code criminel.
Le sénateur Stratton: Ce qui préoccupe les organisateurs de rodéos, par exemple, c'est qu'au cours d'une course de chariots, une collision — et cela s'est produit il y a quelques années — les oblige à abattre les animaux blessés. Ne pensez-vous pas que les activistes pour la défense des animaux intenteraient des poursuites contre les organisateurs, en utilisant tous les recours légaux possibles, comme ils l'ont fait en ce qui concerne les sociétés de protection des animaux, et qu'ils feraient ainsi interdire ce type d'activités?
M. Mosley: Ce n'est pas possible actuellement et ce ne le sera pas davantage lorsque ces modifications seront entrées en vigueur.
Le sénateur Stratton: Allan Rock nous l'a garanti.
Le sénateur Cools: Et les armes à feu? Vous savez pourtant que M. Rock nous avait fait des promesses à ce sujet.
Le sénateur Bryden: Je m'efforce d'être aussi précis que possible. Vous avez présenté un amendement à l'étape de la Chambre consistant en l'ajout de l'article 182.5:
Il est entendu que le paragraphe 8(3) s'applique aux procédures relatives à une infraction en vertu de la présente partie.
La raison de cet ajout est que l'on craignait notamment que le paragraphe 429(2) ne s'applique plus à la Partie V. La réticence que j'ai est que le paragraphe 8(3), que je ne citerai pas, est une disposition générale du Code criminel offrant un moyen de défense s'appliquant à tous les articles du Code criminel. Lorsque les dispositions correspondantes concernant les animaux se trouvaient dans la partie XI du Code criminel, le paragraphe 429(2) était là.
Ma question est: si le paragraphe 8(3) que vous venez d'ajouter s'appliquait à tous les contacts avec des animaux et que l'on vient de décider que, pour cette raison, le paragraphe 429(2), qui offrait une possibilité de défense, n'était plus nécessaire, pourquoi ce dernier paragraphe avait-il été jugé nécessaire initialement?
M. Mosley: Il faudrait remonter jusqu'au XIXe siècle et jusqu'aux lois qui ont été les précurseurs du Code criminel. J'ai déjà mentionné que lorsqu'elles ont été rédigées, les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux s'appliquaient aux droits de possession, à la propriété ou à la possession des animaux, même s'il s'agissait initialement d'animaux sauvages qui avaient été capturés. Tout était lié aux biens et aux droits de possession que l'individu avait sur ces animaux.
La disposition précédant le paragraphe 429(2) est applicable dans le contexte d'infractions liées aux biens comme le vol et la fraude. On pourrait affirmer qu'elle s'applique également aux droits de possession sur les animaux.
La suppression du paragraphe 429(2) ne fait pas disparaître les défenses liées à la justification ou à l'excuse parce qu'il s'agit de défenses reconnues par la common law qui ont été intégrées au Code criminel par le biais du paragraphe 8(3).
Le paragraphe 429(2) est redondant en quelque sorte depuis 1892, parce qu'il n'était pas nécessaire. Quant à savoir si tous les aspects des défenses de la common law ont été initialement reconnus, cette question est sujette à discussion. La Cour suprême a toutefois spécifié récemment que le paragraphe 8(3) n'englobe pas toutes les défenses de la common law. La Cour suprême a en outre précisé que la common law peut s'élargir en ce qui concerne les défenses accessibles aux accusés.
Honorables sénateurs, notre position est que l'on ne perd rien en supprimant le paragraphe 429(2) des dispositions du Code relatives à la cruauté envers les animaux. En fait, le paragraphe 8(3) donne une meilleure protection à l'accusé parce qu'il suffit de faire naître un doute raisonnable en ce qui concerne toutes les défenses envisagées. Comme l'a mentionné la Cour d'appel du Manitoba, le libellé du paragraphe 429(2) est d'une validité douteuse sur le plan constitutionnel parce qu'il semble imposer un fardeau à l'accusé en l'obligeant à prouver qu'il avait bel et bien une justification ou une excuse.
Étant donné que les principes généraux de la disculpation s'appliquent, il suffit d'invoquer un doute raisonnable par rapport à un des moyens de défense reconnus par la common law. Ces défenses sont applicables ou non, selon les circonstances.
L'apparence de droit est un bon exemple de défense qui ne s'applique pas dans bien des circonstances factuelles parce qu'elle n'a pas de rapport avec les faits.
Le sénateur Bryden: Monsieur le président, je reste préoccupé parce que le paragraphe 8(3) était déjà en place — et je présume que plusieurs révisions ont été apportées au Code criminel — et que si le paragraphe 429(2) a été maintenu dans le Code, c'est qu'il était considéré sinon comme une défense nécessaire, du moins comme une défense. Pourtant, dans la nouvelle Partie V, nous décidons de supprimer le paragraphe 429(2) sous prétexte que la disposition générale que constitue le paragraphe 8(3) du Code criminel assure une protection. Le juge qui devrait interpréter ces dispositions ferait normalement le commentaire suivant: «Les législateurs ne prennent pas d'initiative sans raison. Pourquoi a-t-on supprimé le paragraphe 429(2)? En quoi le contexte en ce qui concerne la façon de traiter les animaux a-t-il changé par rapport à l'époque où le paragraphe 429(2) était nécessaire?» Le paragraphe 8(3) a toujours été là et le paragraphe 429(2) s'appliquait déjà aux animaux, et c'est maintenant seulement qu'on décide de le supprimer dans le présent projet de loi.
M. Mosley: En bref, le Parlement reconnaît également le bien-fondé des dispositions d'application générale. C'est précisément l'objectif que l'on s'efforce d'atteindre depuis des années, à savoir obtenir un code qui ne soit pas truffé de dispositions spécifiques ne s'appliquant qu'à quelques articles ou types d'infractions mais que le Code contienne plutôt des énoncés de principe généraux s'appliquant à toutes les dispositions du Code qui font l'objet d'un consensus.
Je suppose que vous aurez l'occasion d'entendre le témoignage de criminalistes dans le cadre de l'étude de ces propositions et je doute qu'ils expriment des opinions divergentes à ce sujet. Le paragraphe 8(3) assure une protection complète. Le professeur Stewart est peut-être sur votre liste de témoins. C'est un des plus fervents partisans de la recodification; il préconise une consolidation pour tenter de clarifier et de simplifier les principes de base.
Si le Parlement insérait une ou des défenses précises chaque fois qu'il modifie une partie du Code, il sèmerait davantage la confusion et ce serait contraire à l'objet général de la loi qui est de s'assurer que les principes soient bien compris. Tout ce que je peux dire, sénateur, c'est que c'est redondant. Ce n'est pas du tout nécessaire dans le présent contexte.
Le sénateur Bryden: Je ne tiens pas à m'appesantir sur cette question, mais je voudrais faire un commentaire. Vous avez fait allusion à la Criminal Lawyers' Association. Une des représentantes de cette association, Mme Perkins- McVey, a fait précisément le même commentaire que vous à propos de l'article 8, à savoir qu'il s'applique à la défense de la justification ou de l'excuse légale. Elle a toutefois mentionné également ceci: «Si certaines personnes craignent ne plus avoir le droit à une excuse ou à une justification raisonnable, nous pouvons tout simplement mentionner à l'article 429 qu'il s'applique à l'article 182.2 proposé, ce qui est tout simple, ou ajouter un paragraphe à la Partie V mentionnant que cette disposition ne supprime nullement les défenses de la common law mentionnées à l'article 8 et à l'article 429 du Code criminel».
Avez-vous des objections à ce que l'on procède ainsi?
M. Mosley: Sauf votre respect, c'est essentiellement ce que l'on a fait lorsque l'on a inséré l'article 182.5, en faisant référence aux défenses de la common law. «Il est entendu [...]». C'est un rappel. Cet article concerne le paragraphe 8(3).
Le sénateur Bryden: Il dit ceci:
Il est entendu que le paragraphe 8(3) s'applique aux procédures relatives à une infraction en vertu de la présente partie.
Je suis d'accord. Cependant, Mme Perkins-McVey semble dire que si certaines personnes craignent perdre des moyens de défense, c'est qu'une précision manque ou alors, l'article 429 n'aurait aucune raison d'être. On pourrait également mentionner que l'article 429 est incorporé à cette disposition.
M. Mosley: Le Code criminel ne cesse de s'étoffer et le ministère de la Justice a participé à la mise en place de plusieurs modifications. Au début de votre intervention, vous avez confirmé que Mme Perkins-McVey acceptait le principe que les défenses soient couvertes par le paragraphe 8(3). Sans vouloir vous offusquer le moindrement, je signale qu'une loi pénale n'a pas pour objet d'apaiser certaines préoccupations. Une loi pénale doit être précise, tant sur le plan des principes que sur celui de l'application par les tribunaux. Si l'on apportait des modifications ça et là de façon à faire des références expresses à certaines infractions pour rassurer les personnes qui auraient des préoccupations à ce sujet, le Code doublerait rapidement de volume. Ce n'est pas nécessaire.
Le sénateur Bryden: Il est peut-être nécessaire de rassurer certaines personnes pour qu'une nouvelle disposition puisse devenir une loi. En effet, il faut parfois rassurer des personnes comme nous. Je suis conscient que le document paraîtra peut-être un peu moins bien rédigé, mais de nombreuses personnes craignent avoir perdu au change. En spécifiant que l'article 429 s'applique à l'article proposé 182.2, on n'ajouterait pas beaucoup de pages au Code criminel; on pourrait aussi procéder de la façon inverse et mentionner également l'article 429 dans l'article 182.5 proposé, en spécifiant qu'il est entendu que les paragraphes 8(3) et 429(2) s'appliquent aux procédures relatives à une infraction en vertu de la présente partie.
Je ne veux pas insister davantage sur la question. Je tenais seulement à signaler ce problème. Je suis avocat. Je comprends que je peux aussi aisément gagner une cause en m'appuyant sur le paragraphe 8(3), mais les personnes qui ont besoin d'être rassurées sont les gestionnaires de parcs d'engraissement ou les Autochtones qui chassent le phoque au harpon car ils voudront être assurés que nous n'empiétons pas sur leurs droits ou que nous ne donnons pas à des personnes qui ne comprennent peut-être pas leur mode de vie un outil supplémentaire pour les harceler.
Je n'ai pas besoin de réponse, parce que je comprends ce que vous voulez dire d'un point de vue légal. Vous avez parfaitement raison. Si j'étais rédacteur de lois, je procéderais de la même façon.
Mme Klineberg: Il semble que chaque fois que le sujet soit abordé, on pense que l'article 429 est, comme vous l'avez mentionné, important aux yeux des personnes qui ont des parcs d'engraissement ou qui font de la recherche avec des animaux, qu'il leur assure une certaine protection et que c'est une raison suffisante pour l'insérer pour plus de clarté.
Il ne faut toutefois pas oublier que l'article 429 ne peut être interprété de cette façon. La jurisprudence en ce qui concerne la cruauté envers les animaux n'appuie en aucune façon l'opinion que les défenses prévues à l'article 429 constituent une protection en ce qui concerne les pratiques légales de l'industrie. La définition de ce que l'on considère comme une infraction exige que même lorsque des personnes s'adonnent à des pratiques légales, celles-ci doivent être humaines. C'est prévu dans la définition du terme «infraction». Toutes les infractions contiennent tous ces éléments. La jurisprudence ne permet pas de penser que l'article 429 qui interviendrait après coup puisse offrir un moyen de défense dans le cas d'une personne qui a commis sciemment un acte de cruauté. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que les défenses prévues à l'article 429 sont pertinentes. Elles sont peut-être applicables dans les cas où une personne a commis un acte par contrainte ou par nécessité. Ce serait peut-être des excuses pour avoir infligé volontairement ou par négligence de la douleur à un animal. Cependant, aucune disposition législative ne confirme que l'article 429 permet la cruauté volontaire dans le cadre d'activités légales.
Donner une certitude accrue est un objectif louable, mais il ne faudrait pas le faire en partant du principe que l'article 429 protège les personnes qui réclament son maintien. Il ne peut être interprété de cette façon.
Le sénateur Baker: Un autre comité du Sénat examine actuellement un projet de loi sur les espèces en péril. Je présume que vous êtes au courant de ce projet de loi. L'article 100 de ce projet de loi indique que la prise de précautions voulue peut être opposée en défense à toute accusation portée au titre de la présente loi.
Nous avons modifié la Loi sur les pêches il y a deux ou trois ans. Le paragraphe 78(6) de cette loi mentionne non seulement la défense fondée sur la prise de précautions voulue mais mentionne également que quiconque est sincèrement convaincu de certains faits qui, s'ils étaient exacts, constitueraient une justification ou une excuse légales, serait jugé innocent.
Il semble que la codification de ces protections soit plutôt une tendance qu'une exception. Voulez-vous dire que nous n'avons pas besoin de ces protections dans la loi qui a été adoptée dernièrement et dans le projet de loi présentement examiné au Sénat parce qu'elles sont assurées par le paragraphe 8(3)?
M. Mosley: Je pense que les divers moyens de défense reconnus par la common law actuellement prévus au paragraphe 429(2) seraient accessibles à l'accusé en vertu du paragraphe 8(3).
Je suis au courant du projet de loi sur les espèces en péril, mais je ne participe pas à son élaboration. Je peux toutefois parler de la prise de précautions voulue dans un contexte plus général.
La prise de précautions voulue est une notion que la Cour suprême du Canada a établie il n'y a pas très longtemps dans le contexte de l'application de la négligence en droit pénal. Elle sert de défense lorsqu'une personne ou une entreprise est jugée coupable de ce qui, sans cela, pourrait être considéré comme une infraction de responsabilité présumée. Si l'on avait pris toutes les précautions voulues, à toutes les étapes, pour éviter de causer la douleur qui fait l'objet des poursuites, cela servirait de défense en cas de constat de négligence dans ces circonstances. C'est ainsi que cela devrait se passer d'une façon générale.
Dans le contexte du présent projet de loi, même les rédacteurs ou les parlementaires qui ont participé à son élaboration ont peut-être pensé qu'il était nécessaire de préciser dans ce contexte que la prise de précautions voulue était un moyen de défense possible en ce qui concerne cette infraction statutaire précise.
Dans ce contexte, comme l'a reconnu votre collègue, il n'y a pas vraiment de raison en droit pour faire une mention directe ou indirecte au paragraphe 429(2). Le seul motif apparent de le faire serait d'apaiser les préoccupations de certaines personnes qui craignent perdre une défense. Elles ne perdent absolument rien sur le plan légal et je pense que le poids de la jurisprudence le confirmera.
Est-ce bien nécessaire? Je ne peux pas faire de commentaires sur votre faculté de jugement politique; ce serait déplacé de ma part. Cependant, en ce qui concerne la clarté de la loi, il serait régressif d'inclure ces termes ou d'en faire mention dans ce contexte.
Le sénateur Baker: Les modifications qui avaient été apportées à la Loi sur les pêches couvrent, bien entendu, l'apparence de droit parce qu'elle contient une définition de cette notion à l'alinéa 78(6)b) et de la prise de précautions voulue à l'alinéa 78(6)a) ainsi qu'à l'article 100 du projet de loi sur les espèces en péril examiné actuellement par le Sénat.
Les seules modifications radicales apportées, à mon avis, aux dispositions actuelles de la loi sont que les infractions deviennent des infractions hybrides, que les peines s'alourdissent et que l'on fait une distinction entre un chien courant et un chien policier.
En ce qui concerne les modifications majeures, vous avez toutefois cité l'exemple de l'individu qui avait blessé un des deux chiens qui se trouvaient sur sa propriété. La défense utilisée dans cette affaire est liée au paragraphe 429(2). Les juges ont décrété qu'il avait un droit parce que ces chiens se trouvaient sur sa propriété. C'est la défense qui a été invoquée.
Le gros changement est l'omission des trois défenses reconnues par la Cour d'appel de l'Ontario, par la Cour d'appel de Terre-Neuve et par d'autres cours d'appel, je présume. La suppression de ces trois défenses est d'autant plus importante que notre société est déjà réglementée à outrance.
En ce qui concerne l'article 19 du Code criminel relatif à l'ignorance de la loi, le juge en chef de la Cour suprême du Canada a dit, dans le contexte de l'affaire R. c. Jorgensen qu'il y avait des exceptions à cet article. Il a mentionné que c'était notamment le cas en ce qui concerne les erreurs imputables à l'autorité compétente. La deuxième exception est la codification de l'apparence de droit dans certaines lois du Parlement.
J'ai eu une discussion avec Mme Klineberg quant à savoir si cet article ne couvre que l'erreur de fait ou s'il couvre également l'erreur de droit. Il s'agit cependant d'une tout autre question. La plupart des avis rendus par des cours d'appel ont reconnu que dans les cas où cela a été codifié, cela couvre en fait également les erreurs de droit.
Le jugement le plus récent est celui qui a été rendu par la Cour d'appel de Terre-Neuve et du Labrador dans l'affaire R. c. Watson qui remonte à 1999 et a provoqué un examen de la loi actuellement en place au Canada. La Cour d'appel a décrété que, même si la question a fait l'objet de certaines discussions, le poids de l'autorité et la logique suggèrent que l'apparence de droit ne se limite pas à des erreurs de fait mais qu'elle s'applique également aux erreurs de droit. La Cour d'appel mentionne la décision rendue par la Cour suprême du Canada et celle rendue par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. c. Demarco.
Vous dites que ce paragraphe est redondant, mais rien ne nous empêche de le réinsérer.
Le sénateur Joyal: Ou de le laisser en place.
Le sénateur Baker: Oui. Pouvez-vous citer des arguments qui, selon vous, justifient que le Sénat ne doive pas envisager d'inclure le paragraphe 429(2) dans ce projet de loi? Avez-vous un autre motif que le fait qu'il soit redondant?
M. Mosley: J'allais mentionner l'affaire Comber. Il s'agissait incontestablement d'une situation où la personne concernée n'avait pas l'intention, ni l'élément mental requis, et a commis une erreur raisonnable quant à l'existence d'un état de fait lui permettant d'agir comme elle l'a fait. La cour n'a eu aucune difficulté à décider que, étant donné ces circonstances, cette personne avait une justification ou une excuse légale. Le même raisonnement s'appliquerait, aujourd'hui ou demain, si ce projet de loi était adopté tel quel.
La plus grande préoccupation serait toutefois que, chaque fois que le Parlement ajoute des termes ou des détails superflus, il accentue la confusion lorsqu'il s'agit d'interpréter la loi et complique son application dans les tribunaux. Il est beaucoup plus précis de faire un renvoi au paragraphe 8(3) que de chercher constamment des renvois qui ne s'appliquent pas nécessairement à l'infraction qui fait l'objet des poursuites.
Toutes les parties en cause dans l'enquête ou dans les poursuites, quant à savoir si la justification ou l'excuse s'applique à l'accusé, seraient du même avis et il suffirait que l'accusé fasse naître un doute raisonnable quant à son application pour y avoir droit. Si l'on ajoute certains termes au Code ou que l'on conserve des termes superflus, on risque de se poser davantage de questions sur leur interprétation.
Que se passe-t-il si ces termes sont maintenus dans ce contexte mais ne s'appliquent pas dans un autre? Le Parlement a-t-il manifesté l'intention que le paragraphe 8(3) ne soit pas d'application générale et qu'en l'absence de mention précise d'autres infractions pour lesquelles l'accusé pourrait avoir le droit de trouver des justifications ou des excuses, c'est-à-dire en l'absence de mention expresse, les dispositions de ce paragraphe ne soient pas applicables?
Je comprends que vous vouliez apaiser les craintes des personnes qui redoutent les conséquences de ces modifications, mais si l'on procédait comme vous le préconisez, cela aurait des conséquences néfastes sur la rédaction du Code criminel.
C'est un code qui est en place depuis plus d'un siècle et on ne cesse d'y faire des ajouts. Je pense donc que le Parlement doit s'efforcer de préciser ses intentions chaque fois que c'est possible. Il s'agit en l'occurrence d'une belle occasion de ne pas accentuer la confusion au sujet de la loi.
Le sénateur Baker: Vous auriez donc tendance à suggérer que nous recommandions également que l'article 100 du projet de loi sur les espèces en péril, en cours d'examen au Sénat, qui a été inséré par le ministère de la Justice, soit supprimé, parce qu'il est superflu. Il est redondant.
M. Mosley: Je n'en fais pas du tout la suggestion.
Le sénateur Baker: Pourquoi pas?
M. Mosley: Comme je l'ai expliqué précédemment, la question de la prise de précautions voulue est une notion différente. C'est une notion bien précise.
Le sénateur Baker: Et en ce qui concerne la Loi sur les pêches?
M. Mosley: Je dois avouer que je ne suis pas très bien renseigné sur cette loi.
Le sénateur Baker: C'est une excellente loi. Elle est très connue, à Terre-Neuve. Le premier ministre de la Nouvelle- Écosse est également très bien informé sur cette loi.
Le sénateur Bryden: Si je vous comprends bien, il n'est probablement pas très recommandé que l'article 182.5 qui dit «Il est entendu que le paragraphe 8(3) s'applique aux procédures relatives à une infraction [...]» soit inclus dans le présent projet de loi parce que l'on pourrait en déduire que le paragraphe 8(3) ne s'applique pas dans certains cas. Est- ce que si vous le pouviez, vous ne supprimeriez pas l'article 182.5 du projet de loi?
M. Mosley: C'est bien cela.
Le sénateur Baker: Pourtant, cet article est en place. Pourquoi ne pourrait-on pas insérer l'autre dans le projet de loi?
Mme Klineberg: Permettez-moi de mentionner une autre raison pour laquelle il serait déplacé ou très peu pratique d'inclure un renvoi à l'article 429. Vous vous souvenez peut-être de la conversation que nous avons eue à ce sujet.
Le sénateur Baker: Nous en avons effectivement discuté.
Mme Klineberg: Comme je l'ai mentionné en répondant à la question du sénateur Bryden, certaines personnes ont la perception — et il s'agit d'une perception erronée — que l'article 429 justifie ou excuse la cruauté intentionnelle lorsque la personne s'adonne à des pratiques légales. Il semble que ce soit le sujet de préoccupation. C'est un sujet de préoccupation chez les personnes qui sont engagées dans des pratiques légales et qui craignent de perdre des droits. D'autres personnes craignent par contre que l'article 429 ne permette aux premières de faire fi du droit pénal et que même si elles commettent des actes de cruauté volontaire, l'article 429 puisse leur servir d'excuse.
Cette interprétation ne repose sur aucun fondement juridique. L'article 429 n'aide pas les personnes engagées dans une pratique légale dans les cas où elles causeraient sciemment, intentionnellement ou par négligence, une douleur. Cet article n'a pas encore été invoqué comme moyen de défense dans quelque affaire que ce soit.
Par conséquent, un renvoi à l'article 429 pour rassurer ce groupe de Canadiens leur permettrait de continuer de croire qu'ils bénéficient d'une protection qui, sur le plan légal, est inexistante. Ces personnes seraient alors exposées à une responsabilité criminelle si elles dépassaient les limites. En tentant de les rassurer sans que cela n'ait cet effet en droit, on les encouragerait à entretenir cette perception erronée, au détriment de toutes les parties concernées.
M. Mosley: J'aimerais préciser la réponse que j'ai faite à la hâte à propos du commentaire du sénateur Bryden.
Le renvoi au paragraphe 8(3) n'a aucune conséquence néfaste parce qu'il s'agit d'un renvoi à une disposition générale du Code criminel et qu'il sert à en rappeler la présence. Il s'agit en quelque sorte d'un signal qui attire l'attention sur la présence de cet article d'application générale. Il dispense de la nécessité d'insérer des mentions spécifiques concernant les moyens de défense dans diverses dispositions du Code.
Le sénateur Joyal: J'ai deux séries de questions à poser. Vous avez mentionné que vous avez consulté les Canadiens. Pouvez-vous fournir une liste des groupes qui ont été consultés au sujet du présent projet de loi? Avez-vous demandé à un cabinet privé de faire des consultations pour vous ou bien des fonctionnaires du ministère de la Justice ont-ils rencontré les représentants de divers groupes? Dans ce cas, quels sont les groupes et les diverses personnes que vous avez consultés?
Mme Klineberg: En 1998, nous avons préparé un document de consultation publique que nous avons intégré au site Web du ministère de la Justice. Il a également été envoyé à divers groupes: des associations agricoles, des associations de recherche médicale, des associations vétérinaires, des sociétés protectrices des animaux et des groupes d'activistes pour la défense des animaux, des enseignants, des associations d'avocats et des gouvernements provinciaux. Nous en avons peut-être consulté d'autres également. Je peux vous faire parvenir la liste que nous avons utilisée. Je pense que nous avons envoyé plus de 100 exemplaires de ce document. Nous avons reçu un certain nombre de réponses.
Le sénateur Joyal: Avez-vous consulté officiellement les représentants des Autochtones?
Mme Klineberg: Je sais que le document de consultation a été envoyé à plusieurs organisations autochtones. Je ne me souviens toutefois plus si nous avons reçu des réponses par écrit.
Le sénateur Joyal: Vous avez toutefois été officieusement en contact avec ces organisations en envoyant ce document.
Mme Klineberg: C'est bien cela.
Le sénateur Joyal: Avez-vous la perception qu'aucun groupe autochtone n'a fait de commentaires à ce sujet? Avez- vous évalué les incidences du projet de loi sur les pratiques ancestrales de chasse et de pêche des Autochtones?
Mme Klineberg: Nous en avons assurément tenu compte. Nous avons examiné la question des droits ancestraux reconnus par la Constitution. Lorsque nous avons examiné les incidences du projet de loi sur les collectivités autochtones, nous nous sommes fondés sur les mêmes principes que pour l'analyse des incidences sur diverses industries. La loi a été très peu modifiée quant au fond; les modifications résident dans la nature des clarifications et dans un accroissement des peines. Comme nous l'avons mentionné tantôt, la loi ne change pas quant au fond. Par conséquent, nous estimons que son application ne devrait pas être très différente de ce qu'elle est actuellement. Ce principe vaut d'ailleurs pour toutes les parties concernées et pas seulement pour les groupes autochtones.
Le sénateur Joyal: Le ministère de la Justice ne considère-t-il pas, par l'intermédiaire de votre division, qu'il a une responsabilité fiduciaire de la Couronne de protéger les droits ancestraux de chasse des Autochtones comme ils le sont par la Constitution et d'évaluer les incidences de cette loi ou de ce projet de loi sur les collectivités autochtones? Je ne cherche pas à vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais les collectivités autochtones ne sont-elles pas, à votre avis, semblables à toutes les autres collectivités susceptibles d'être touchées par ce projet de loi?
M. Mosley: Si vous me permettez d'intervenir, sénateur Joyal, je tiens à signaler que nous désapprouvons vos insinuations. Comme l'a d'ailleurs mentionné ma collègue, nous n'envisageons pas en l'occurrence d'apporter des modifications de fond à la loi.
Nous n'avons donc pas pensé à d'éventuels risques d'empiétement sur les droits des Autochtones ni à quelque circonstance que ce soit qui pousse à invoquer les droits protégés par l'article 35 de la Constitution.
Bien entendu, si un droit issu d'un traité ou tout autre droit des Autochtones est menacé par les dispositions actuelles du Code criminel ou par les modifications proposées, ces droits peuvent être invoqués dans les tribunaux. Cependant, je ne vois pas très bien comment les dispositions actuelles du Code criminel ou les modifications proposées pourraient avoir une incidence sur les droits des Autochtones.
Le sénateur Joyal: Le commentaire que j'ai à faire est le suivant. Il peut sembler politique, mais c'est un commentaire d'ordre juridique. Je pense que lorsque la Couronne fédérale, par l'intermédiaire du ministère de la Justice dans le cas présent, car il s'agit de questions concernant le Code criminel, envisage d'apporter des modifications au Code, elle doit se demander quelles en seront les incidences sur les Autochtones, parce que le gouvernement fédéral a une relation fiduciaire avec les Autochtones. Vous établissez des lois pour l'ensemble des citoyens et le Code criminel s'applique à tous, mais vous avez en outre le devoir, reconnu par la Constitution, de vous demander, au nom de la Couronne, quelles en seront les incidences sur les Autochtones.
Cela fait partie du double exercice que doit faire à mon avis le ministère de la Justice dans ce cas-ci, comme il a dû le faire dans le cas de la Loi sur les armes à feu. C'est pourquoi cette dernière loi renferme une disposition reconnaissant les droits des Autochtones. C'est également la raison pour laquelle certaines causes sont actuellement devant les tribunaux.
Dans la version initiale du projet de loi C-10, on nous a demandé de légiférer dans deux domaines, à savoir d'examiner les dispositions concernant la cruauté envers les animaux et celles concernant les armes à feu. Dans les deux cas, cela avait une incidence directe sur les droits ancestraux de pêche et de chasse des Autochtones, reconnus par la Constitution.
Nous ne pouvons pas ignorer les conséquences qu'auront ces dispositions pour ces groupes de citoyens, parce que nous avons la responsabilité de poser la question et que leurs droits sont sous notre responsabilité. C'est pourquoi nous sommes les fiduciaires de leurs droits. À mon humble avis, nous ne pouvons pas décider de légiférer sans se soucier de l'incidence de ces nouvelles dispositions législatives sur les Autochtones. En ce qui me concerne, ce serait faire fi de la responsabilité qu'a la Couronne à l'égard des Autochtones lorsque le Parlement du Canada légifère.
Dans la version initiale du projet de loi C-10, bien entendu, ces deux séries de dispositions portent spécifiquement sur les questions de la chasse et de la pêche. Certains groupes d'activistes pour la défense des animaux considèrent que les modes traditionnels de chasse et de pêche peuvent être extrêmement cruels.
Nous en avons déjà fait l'expérience, notamment à propos de la chasse au phoque. Mes collègues de Terre-Neuve et d'autres groupes sont en mesure d'en témoigner. En examinant cette question, surtout quand l'on tient compte des commentaires que vous avez faits il y a quelques minutes, on rajeunit le Code criminel tout en l'étoffant. C'est incontestable. La preuve est que la définition du terme «animal» que nous insérons dans le Code est inconnu dans d'autres systèmes fondés sur la common law.
On doit maintenant tenir compte de la douleur que peut ressentir un animal en vertu de cette définition; c'est donc un nouveau concept. Nous n'avons pas abordé la question; c'est toutefois un élément important. Si vous avez décidé que les animaux cessent d'être considérés comme des biens pour être classés dans une catégorie différente, c'est que vous aviez une bonne raison de le faire. Ce n'est pas uniquement pour moderniser le Code criminel. Quand vous prenez une initiative, elle a des incidences légales.
Je tente de concilier cet aspect avec le devoir qu'a le Parlement du Canada, ou du moins une des chambres du Parlement, d'évaluer personnellement les incidences de ce projet de loi. Nous avons la responsabilité de nous poser ces questions d'emblée.
Il ne suffit pas de me dire qu'on consultera les Autochtones par le biais d'Internet et que s'ils répondent aux questions, c'est bien, mais que s'ils n'y répondent pas, on présumera qu'ils sont satisfaits. Notre responsabilité dans ce domaine va, à mon humble avis, beaucoup plus loin.
Nous avons examiné les commentaires faits par d'autres témoins au sujet de la Loi sur les armes à feu et de ce que je considère comme l'interprétation de notre responsabilité fiduciaire. En ce qui concerne ces droits, il est clair qu'avant d'adopter ce projet de loi, nous devons être convaincus d'avoir accompli notre devoir en protégeant les droits traditionnels. Nous sommes après tout les fiduciaires des droits ancestraux reconnus par la Constitution.
Il ne suffit pas d'insérer un article dans le projet de loi et de mentionner qu'ils peuvent aller devant les tribunaux s'ils ne sont pas satisfaits ou s'ils se sentent menacés. Tout citoyen canadien qui n'est pas satisfait peut contester une loi devant les tribunaux. Nous avons toutefois une responsabilité supplémentaire à l'égard des Autochtones. Il ne suffit pas d'insérer une clause non dérogatoire et de leur signaler que s'ils estiment que l'on empiète sur leurs droits, ils peuvent tenter de prouver que l'animal est un invertébré, par exemple.
Je pense qu'il est impératif de se poser au préalable cette question au sujet de cette partie du projet de loi et de l'autre.
M. Mosley: Cette intervention était très étoffée. Je ne tenterai pas de répondre à tous les points abordés. Comme vous l'avez mentionné, la définition a été élargie. Il s'agit d'une modification de fond. Cependant, la nature des infractions n'a pas été modifiée pour ce qui est du fond. Sauf votre respect, je pense que les animaux qui font l'objet des pratiques ancestrales de chasse et de pêche sont les mêmes animaux que ceux qui sont régis par la loi actuelle.
Je n'ai connaissance d'aucune affaire dans le cadre de laquelle on a suggéré que les pratiques ancestrales de chasse ou de pêche constituent un traitement inhumain des animaux.
Si l'on n'apporte pas de modifications de fond aux divers éléments des infractions, je ne vois pas comment on pourrait affirmer que ces modifications au Code auraient des conséquences néfastes sur l'exercice de ces droits ou pratiques ancestraux.
Nous prenons bonne note de votre commentaire sur la responsabilité fiduciaire. Nous nous efforçons de l'assumer. Par l'intermédiaire d'une unité du ministère, nous consacrons des ressources au droit des Autochtones, quoique ces ressources soient restreintes. Nous comptons sur nos collègues du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Nous n'avons pas des ressources suffisantes pour tenir des consultations systématiques sur chaque initiative, comme vous le recommandez. En toute franchise, je reconnais que le gouvernement et le ministère ne peuvent pas consulter les membres des diverses collectivités à l'occasion de chaque nouvelle initiative de réforme du droit pénal et leur poser des questions précises. Nous devons compter sur les associations nationales et leur capacité de répondre à nos documents de consultation.
Je pense qu'en l'occurrence, le document en question a été accessible pendant près d'un an. Nous pourrions le vérifier. Il est toutefois resté dans le domaine public pendant de longs mois. Il demandait aux Autochtones de donner leur opinion. Le Parlement est saisi de cette question depuis des années, dans le contexte d'un projet antérieur et du projet de loi actuel. Cela fait près de quatre ans que la question est examinée publiquement.
Jusqu'à présent, je n'ai aucune information indiquant qu'un droit autochtone, qu'un droit issu de traité ou que tout autre droit soit menacé par les modifications apportées à la loi. Elles ne modifient pas les éléments de fond des infractions qui font partie de notre régime législatif depuis plusieurs générations au cours desquelles ces pratiques ont été exercées sous l'égide du Code criminel du Canada.
Le sénateur Joyal: Si je comprends bien votre approche, vous n'avez pas consulté le guide de la fonction publique fédérale depuis 1996 ou 1997. Il mentionne l'approche qui doit être adoptée par les divers ministères, et pas seulement par celui des Affaires indiennes, mais par les divers ministères qui traitent de questions qui touchent les peuples autochtones du Canada. Il s'agit de lignes directrices qui doivent être respectées par les divers paliers de l'administration lorsqu'ils proposent des lois ou des programmes concernant les Autochtones. Un guide officiel a été publié. Je pourrais vous en donner le titre exact. Il a été publié et diffusé dans toute la fonction publique fédérale, et c'est essentiellement le but d'un tel guide.
Le ministère des Affaires indiennes n'est pas le seul ministère à avoir cette responsabilité fiduciaire. Les divers ministères, surtout celui de la Justice, sont, au même titre qu'Affaires indiennes et du Nord Canada, les fidéicommis de cette relation spéciale.
Comme je l'ai déjà mentionné, et je ne tiens pas à trop m'appesantir là-dessus, deux causes ont été portées devant la Cour suprême, l'affaire Guerin, en 1986 et l'affaire Sparrow, en 1990. Dans le cadre de ces deux causes, il a été bien spécifié que lorsque le gouvernement s'attaque à une question qui a des incidences sur les Autochtones, il doit suivre certaines règles. On ne peut pas envoyer les documents par courrier en se disant que c'est tant mieux s'ils répondent.
Nous sommes conscients du contexte dans lequel sont la plupart des collectivités autochtones. Hier, la vérificatrice générale du Canada a mentionné dans son rapport que de nombreuses petites collectivités autochtones sont très défavorisées et qu'elles ont beaucoup de difficulté à répondre aux consultations. C'est mentionné dans un rapport présenté hier par la vérificatrice générale. Je pense que c'est une question très importante. Je l'aborde parce que nous avons le privilège de vous accueillir comme témoins. Je pense que nous devons avoir la certitude que nous ne portons pas atteinte à leurs droits lorsque nous élaborons des lois qui les touchent.
M. Mosley: J'approuve ce principe de base.
Le sénateur Adams: Je suis chasseur. Des milliers d'espèces différentes vivent dans ma région. Elles ne peuvent pas toutes être mentionnées dans le projet de loi C-10.
Le projet de loi englobe également le gibier. Or, nous devons faire de la chasse et du piégeage pour assurer notre survie. C'est une activité qu'il est difficile de réglementer en vertu du Code criminel. Le mode de vie n'est pas le même dans l'Arctique que dans les régions urbaines. Chaque été, de nombreux oiseaux venant du Sud sont de passage dans ma région. Ils émigrent vers le Nord. La chasse à l'oie était pratiquée au printemps. C'est la meilleure saison pour les oies, parce qu'elles sont grasses au printemps.
Votre ministère a-t-il les ressources nécessaires pour consulter les membres de la collectivité? Pourquoi n'avez-vous pas fait une tournée des collectivités pour demander aux Autochtones quelles sont leurs préoccupations et comment ils souhaiteraient que soient réglementées les dispositions du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux?
Nous avons pour principe que nous ne mangerons pas si nous ne tuons pas de gibier. En outre, nous évitons de faire preuve de cruauté quand nous tuons un animal. Quand je vais à la chasse au caribou, je ne me mets pas à l'affût. L'animal doit me voir d'abord. C'est ainsi que nous chassons. Nous donnons à l'animal une chance de s'enfuir. S'il le fait et que je le rate, je cherche une autre proie.
Le projet de loi C-10B mentionne également les chiens. Nous avons mis en place des règlements communautaires en ce qui les concerne. Nous ne sommes pas obligés de nous procurer des plaques d'identité, comme dans le Sud. Si un chien n'est pas réclamé au bout de deux ou trois jours, pendant lesquels l'agent chargé d'appliquer les règlements le nourrit et en prend soin, il doit être éliminé. D'après les dispositions du projet de loi C-10B, cet agent serait accusé de cruauté envers les animaux en vertu du Code criminel.
Je connais les différentes espèces de mammifères du Nord que nous chassons l'hiver. L'été, il y en a peut-être une centaine. Le projet de loi C-10B ne les mentionne pas spécifiquement, sinon il serait très volumineux.
Je n'aurais pas d'objection si ce projet de loi ne s'appliquait qu'aux agriculteurs.
En 1970, Greenpeace a envoyé des délégations dans nos collectivités pour tenter de convaincre les gens de cesser de chasser, de chasser le phoque ou de piéger. Le prix des peaux de phoque et des peaux de renard a baissé de 60 $ à 5 $. Il serait préférable que le gouvernement donne des prestations d'aide sociale à ces chasseurs. Avec des prix pareils, ils n'ont même plus de quoi s'acheter une arme. Les chasseurs n'utilisent plus des attelages de chiens, mais ils doivent acheter des skidoos qui coûtent une dizaine de milliers de dollars.
En 1970, la Compagnie de la Baie d'Hudson a fermé ses comptoirs dans le Nord. C'est elle qui achetait les fourrures aux membres de la collectivité. Nous utilisons les peaux et la viande des mammifères que nous chassons.
Nos sorties de chasse durent parfois plusieurs jours. Certains jours, il fait 40 ou 50 degrés sous zéro. Ce n'est pas comme dans le Sud, où l'on peut aller acheter tout ce qu'on veut à l'épicerie, pour autant que l'on ait de l'argent.
Le président: Je suis désolé de vous interrompre, sénateur Adams. Vos commentaires sont très intéressants, mais de nombreux collègues souhaitent poser des questions.
Le sénateur Adams: Comme l'a mentionné le sénateur Joyal, les droits des Autochtones doivent être reconnus. Pourquoi les Autochtones n'ont-ils pas été consultés puisque nous sommes les citoyens les plus touchés par le projet de loi C-10? Nous devons payer les produits alimentaires que nous achetons deux fois plus cher que les habitants du sud du pays. Je n'ai aucune objection contre ce projet de loi en ce qui concerne son application au porc par exemple, mais bien en ce qui concerne son application aux autres animaux.
M. Mosley: Lorsqu'il y a un risque d'empiétement sur un droit issu d'un traité ou sur un autre droit des Autochtones, nous consultons les collectivités concernées. Dans le présent contexte, je n'entrevois nullement la possibilité d'un empiétement. J'accepte l'exemple mentionné par l'honorable sénateur. J'ai déjà participé à une chasse au phoque dans le Nord au cours de laquelle les phoques étaient tués de façon très efficace et très humaine; c'est tout ce qu'exige la loi. Elle l'exige depuis une cinquantaine d'années. Ces exigences n'ont pas changé en ce qui concerne le fond.
Le président: Je voudrais poser une question à propos du commentaire qu'a fait le sénateur Adams au sujet des plaques d'identité municipales pour les chiens.
L'article 182 proposé mentionne que quiconque tue un animal sans excuse légitime commet une infraction à une loi fédérale. La compétence provinciale sera-t-elle considérée comme une excuse légitime? Pour choisir un cas concret, est- ce qu'un permis de chasse provincial serait considéré comme une excuse légitime?
Mme Klineberg: Une excuse légitime pour tuer un animal peut provenir de plusieurs sources différentes. Il peut s'agir d'un objectif reconnu par la common law. Il peut s'agir d'un but reconnu par une loi. Il est tout à fait exact que les divers objectifs ancestraux seraient considérés comme des excuses légitimes de tuer un animal.
Je précise cependant qu'en vertu des dispositions législatives proposées, si une personne qui tue un animal lui cause une douleur sans nécessité, elle s'expose à être accusée d'une infraction.
Le président: Pensez-vous qu'une loi provinciale serait considérée comme une excuse pour commettre l'infraction fédérale sans qu'il soit fait mention de cette situation dans le projet de loi?
Mme Klineberg: Je ne dis pas que la loi serait l'excuse; c'est le motif reconnu pour tuer un animal et beaucoup de motifs sont reconnus par la common law. Plusieurs motifs de récolte d'animaux sont reconnus par la loi. C'est donc l'objectif comme tel qui fournirait l'excuse, mais pas la loi en soi.
Le sénateur Baker: Je ne pense pas que les témoins aient répondu à la question du sénateur Adams. Le sénateur Adams a demandé pourquoi les Autochtones n'ont pas été consultés au sujet d'une modification aussi majeure qui rend une infraction passible et punissable d'un emprisonnement de trois ans.
M. Mosley: Les infractions n'ont subi aucune modification quant au fond. La lourdeur de la peine a été en effet considérablement accrue.
Le sénateur Baker: C'est à cela que l'honorable sénateur faisait allusion.
M. Mosley: Cette disposition du projet de loi ne vise pas le type de comportement auquel l'honorable sénateur faisait allusion mais à des comportements comme ceux qui ont fait l'objet des manchettes dans les journaux au cours des dernières années. Je pense notamment à l'affaire concernant une personne habitant à proximité du Saint-Laurent qui avait décidé de se débarrasser d'un chien en lui donnant des coups sur la tête puis en le jetant dans le fleuve.
Presque tous les groupes qui ont fait des commentaires sur ce projet de loi reconnaissent que les peines prévues actuellement sont insuffisantes pour ce type d'infractions et qu'il faut prévoir des peines plus lourdes qu'un emprisonnement maximal de six mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
C'est une question de culpabilité morale de l'individu. Sans vouloir vous offusquer, je ne comprends vraiment pas le rapport qu'il pourrait y avoir entre le fait de tuer sauvagement ou cruellement un animal sans justification et les pratiques ancestrales de chasse et de pêche.
N'est-ce pas un argument raisonnable contre un accroissement de la peine? On a constaté de nombreuses fois ce type de comportement au Canada chez des personnes qui avaient précisément traité de la sorte des animaux, qu'il s'agisse d'animaux qui leur appartenaient ou d'animaux rencontrés. Le public n'admet pas que la peine maximale dans de telles circonstances ne soit qu'un emprisonnement de six mois ou une amende de 2 000 $. C'est tout à fait insuffisant. Le fait de remédier à cette lacune en apportant des modifications au droit pénal ne limite pas ou n'affecte pas de quelque façon que ce soit les droits ou les pratiques autochtones. Sauf votre respect, sénateur, je pense que ce type de commentaires n'est pas pertinent dans le cadre d'un débat comme celui-ci.
Le sénateur Sparrow: Vous affirmez que la question qui se pose en l'occurrence concerne uniquement l'accroissement des peines, mais ce projet de loi contient plusieurs autres modifications. Ainsi, le paragraphe 182.2(1) proposé dans ce projet de loi dit:
Commet une infraction quiconque, volontairement ou sans se soucier des conséquences [...]
c) tue un animal sans excuse légitime [...]
À supposer qu'il ne soit pas question de chasse ou d'élevage mais de rongeurs comme des rats ou des gaufres. Il s'agit donc de tuer volontairement un gaufre. D'après cet article, cette personne n'a aucune excuse légitime de le faire. C'est tout simplement la pratique courante.
En Saskatchewan, par exemple, les rongeurs ont envahi la province. La Fédération de la faune a versé une prime d'un certain montant par queue de gaufre tué. Dans ce cas, il s'agit peut-être d'une excuse légitime, mais comment peut-on prouver que la personne qui décide de son propre chef d'aller tuer des gaufres parce qu'ils pullulent et que les agriculteurs l'encouragent à le faire — il ne s'agit donc pas d'un animal d'élevage mais d'un rongeur — a une excuse légitime? C'est une question qui se pose constamment.
Monsieur le président, le témoin pourrait peut-être répondre à cette question en ce qui concerne des cas individuels.
M. Mosley: Les rongeurs causent incontestablement des dégâts considérables à l'agriculture. Les gaufres sont nuisibles. C'est faire preuve de bonne gestion de ses terres que de limiter la quantité d'animaux de cette espèce. Sauf votre respect, sénateur, je ne peux imaginer qu'un tribunal canadien décrète que la réduction de la population de rongeurs sur vos terres n'est pas une initiative raisonnable pour protéger celles-ci.
Je rappelle qu'il suffit que la personne concernée fasse naître un doute raisonnable quant à son excuse légitime. Un agriculteur qui veut protéger ses champs a un motif parfaitement légitime de vouloir lutter contre la prolifération des rongeurs.
Le sénateur Sparrow: L'agriculteur a effectivement un motif légitime, mais est-ce que toute autre personne qu'un agriculteur qui tue volontairement cet animal en a une? Il s'agit pourtant de protection.
Je voudrais citer un exemple précis. En ce qui concerne les gaufres, qui posent un gros problème, les activistes pour la défense des animaux recommandent de ne pas les tuer mais de les attraper au piège puis de les relâcher dans une autre région où ils ne seront pas nuisibles. C'est de cela qu'il s'agit.
Le sénateur Andreychuk: C'est ainsi que l'on procède en ce qui concerne les bernaches du Canada. Alors qu'on les capturait au piège et qu'on en consommait la chair, on est maintenant obligé de les regrouper et de les expédier régulièrement par avion dans le nord de la Saskatchewan.
Le sénateur Sparrow: C'est ce que recommandent les activistes à propos des gaufres.
Le sénateur Cools: Ce n'est pas une plaisanterie.
Le président: Sénateur Sparrow, je pense que M. Mosley comprend très bien votre réponse.
Avez-vous d'autres commentaires à faire à ce sujet, monsieur Mosley?
M. Mosley: Je ne pense pas.
Mme Klineberg: La seule autre observation que je voudrais faire est que la lutte contre les nuisibles est, en common law, un motif légitime reconnu de tuer des animaux. Si le motif est la lutte contre les nuisibles, qu'il s'agisse du propriétaire ou d'une personne qui l'aide à protéger ses terres contre les nuisibles, il équivaut à une excuse légitime.
Le sénateur Sparrow: Je comprends cela.
Mme Klineberg: Vous avez parfaitement raison. En ce qui concerne l'individu qui décide, sans motif précis, d'aller tuer un animal sauvage, c'est aux tribunaux qu'il appartient de trancher la question.
Le sénateur Sparrow: Ce n'est pas le temps de faire intervenir les tribunaux.
Mme Klineberg: Si quelqu'un est prêt à affirmer que l'individu n'a aucune excuse légitime...
Le sénateur Sparrow: J'ai cité un exemple où il n'y a aucune excuse légitime, à savoir celui de la personne qui tue des rongeurs parce qu'ils sont là, pour le plaisir de la chasse. Vous dites que vous porterez l'affaire devant les tribunaux et que ce sont eux qui trancheront la question. J'espère que vous vous efforcez de décider immédiatement si c'est illégal. La question que je vous pose est: est-ce contraire à la loi? Vous avez dit que oui, que ce serait contraire à la loi et que ce sont les tribunaux qui trancheraient la question.
Le sénateur Cools: Vous dites qu'il faut laisser le soin aux tribunaux de trancher la question. J'ai suivi le débat avec un certain intérêt. Je signale aux témoins et à mes collègues que nous sommes actuellement surchargés de lois et de règlements et que la plupart des citoyens ne s'y retrouvent plus. Je ne pense pas que ce soit une attitude responsable de dire qu'il faut laisser le soin aux tribunaux de trancher la question.
Quelqu'un a-t-il vérifié dernièrement les tarifs pratiqués par les avocats? L'activité commerciale appelée exercice du droit est une industrie très prospère. Ce qui me préoccupe au sujet de ce projet de loi, c'est que l'on est en train de créer diverses occasions qui ne sont peut-être pas voulues ni prévues, permettant aux membres de la magistrature et du barreau d'innover. Je pense qu'à une certaine époque, c'était impossible, mais j'ai suivi et lu beaucoup de jugements et je constate que c'est ainsi.
Je suis en faveur du principe de la protection des animaux. Je suis née dans une famille de grands amateurs de chevaux. Un de mes oncles en élevait. Je respecte les animaux. La façon dont nous les traitons est un reflet de notre degré d'humanité.
Ce que je voudrais savoir cependant, c'est si ce projet de loi aura les incidences que nous prévoyons. Ce que nous craignons, c'est que l'on impose ainsi un fardeau supplémentaire aux citoyens et que l'on crée des outils supplémentaires pour intenter des poursuites interminables sans régler pour autant le problème de la cruauté envers les animaux ou sans y mettre un terme.
À ce propos, j'aurais deux ou trois questions à poser. La première concerne la peine prévue pour ces infractions. Il y a quelques minutes, vous disiez que la plupart des personnes trouvent que les peines ne sont pas assez sévères ou strictes par rapport à la nature des infractions. C'est très possible. Pourriez-vous donner quelques informations au sujet de la rédaction du présent projet de loi et de sa conceptualisation?
À la page 3 du «soi-disant» projet de loi C-10B — je refuse d'appeler cela des projets de loi — ... en fait, j'ai été tentée d'utiliser ce terme, hier, pendant mon discours, mais je ne l'ai pas fait. Donc, à la soi-disant page 3 du soi-disant projet de loi C-10B, au paragraphe 182.2(2), on emploie le terme «acte criminel passible d'une peine». Je voudrais le consigner au compte rendu.
Ce paragraphe proposé dit:
Quiconque commet l'infraction visée au paragraphe (1) est coupable:
a) soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans [...]
Vous avez choisi une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans pour ce type d'infractions. Pourriez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi une peine de cinq ans plutôt que de quatre, de six ou de trois ans? J'attire notamment votre attention sur l'article 233 du Code criminel qui porte sur l'infraction d'infanticide. Comme nous le savons, c'est une infraction féminine. Un homme ne peut être accusé d'infanticide. On pense généralement que l'infanticide est le fait de tuer un enfant, mais ce n'est pas cela. Un homme ne peut pas être accusé d'infanticide. L'article 233 dit notamment:
Une personne de sexe féminin commet un infanticide lorsque, par un acte ou une omission volontaire, elle cause la mort de son enfant nouveau-né [...]
En fait, vous proposez dans ce projet de loi une peine égale à la peine prévue pour un infanticide ou pour bien d'autres infractions criminelles. D'après l'exemple cité par le sénateur Sparrow, l'infanticide est le même type d'infraction criminelle que le fait de tuer un gaufre. Pour prendre un autre exemple, disons que le fait de tuer un cerf de Virginie est une infraction criminelle analogue au meurtre d'un nouveau-né. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet? J'aimerais également poser une autre question.
M. Mosley: À propos de l'infanticide, je signale que le meurtre d'un nouveau-né commis par une personne de sexe masculin serait considéré comme un homicide involontaire ou comme un meurtre.
Le sénateur Cools: Comme un meurtre au premier ou au deuxième degré ou comme un homicide involontaire.
M. Mosley: Diverses peines sont prévues.
Le sénateur Cools: Si une personne de sexe masculin tue un enfant, la même infraction criminelle est passible d'une peine beaucoup plus lourde. J'en suis consciente. C'est pourquoi j'ai précisé qu'il s'agissait d'une infraction féminine.
M. Mosley: L'article 233 du Code criminel est probablement dû à une conception paternaliste.
Le sénateur Cools: Du rôle de la femme.
M. Mosley: Il est en outre fondé sur le principe que peu après la naissance, une femme pourrait ne pas être saine d'esprit ou de corps. C'est certainement une conception qui date du XIXe siècle. Nous avons tenté à plusieurs reprise de rationaliser les dispositions législatives en matière d'homicide.
Le sénateur Cools: J'aimerais qu'elles soient modifiées.
M. Mosley: Nous nous sommes heurtés à une certaine résistance. Les gens comme les choses ne changent pas.
Le fait de tuer du bétail est actuellement considéré, et ce, depuis de nombreuses années, comme une infraction passible de la peine maximale de cinq ans. Il s'agissait notamment d'harmoniser les dispositions actuelles concernant le bétail avec celles concernant l'élimination avec cruauté d'autres animaux.
Pendant des années, le Code criminel était fondé sur le principe de l'accroissement des peines par degrés, la peine de base étant un emprisonnement de six mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Au cours des dix dernières années, on a inséré dans le Code une nouvelle peine maximale pour les infractions hybrides de 18 mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. On a prévu ensuite des peines d'emprisonnement de deux ans, de cinq ans, de dix ans, de 14 ans et d'emprisonnement à vie. C'est l'approche globale. Quand nous envisageons d'apporter des modifications aux peines, nous tentons de respecter la démarche logique du Code et d'accroître les peines en fonction de cette gradation.
À propos des raisons pour lesquelles on a jugé que cette modification était nécessaire, je signale que nous recevons un très grand nombre de lettres de citoyens ordinaires qui pensent qu'une peine maximale de six mois pour l'élimination d'un animal avec cruauté est tout à fait insuffisante. Je n'ai pas encore vu de lettre indiquant que le maintien du niveau de peine à six mois est suffisant compte tenu du degré de culpabilité de la personne en cause dans les cas les plus extrêmes.
Il n'est pas question d'assimiler le meurtre d'un nouveau-né à l'élimination d'un animal. Dans chaque type de circonstances, la culpabilité de la personne concernée peut justifier une infraction aux divers degrés prévus par la loi. Dans notre société, il est difficile de justifier une peine maximale plus lourde pour l'abattage du bétail que pour l'élimination d'autres animaux. Les Canadiens n'admettent pas qu'une vache ou qu'un taureau ait plus de valeur que puisse en avoir par exemple un chien de compagnie pour une personne qui a besoin de l'aide de ce type d'animal.
Le sénateur Cools: Comme je l'ai déjà mentionné, j'en suis très consciente. J'ai été élevée en compagnie d'animaux et c'est donc une question à laquelle je suis très sensible. J'essaie toutefois de déterminer quel est votre cadre conceptuel. Il n'est pas toujours clair pour nous.
Ainsi, en ce qui concerne l'article 182.3 proposé à la page 3 du projet de loi, il dit notamment:
Commet une infraction quiconque [...]
b) s'il est le propriétaire d'un animal ou la personne qui en a la garde ou le contrôle, l'abandonne volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte ou, par négligence, omet de lui fournir les aliments, l'eau, l'air, l'abri et les soins convenables et suffisants [...]
Les termes qui se dégagent de cette disposition sont les termes «garde» et «contrôle». C'est le même type de termes que ceux employés dans le contexte de l'accès et du bien-être de l'enfance. Je me demande notamment pourquoi vous n'avez pas employé d'autres termes que «garde» et «contrôle» après «s'il est le propriétaire ou la personne qui en a la propriété». Je tente de démontrer que dans ce soi-disant projet de loi, on emploie des termes qui ont une signification différente de celle que vous leur attribuez. Vous faites certains commentaires mais, en réalité, les termes employés dans ce prétendu projet de loi cachent un autre type de raisonnement. J'y reviendrai un peu plus tard.
Ma deuxième question, qui est en fait le but principal de mon intervention, est que je constate qu'au début de ce projet de loi, dans la section «définition de ``animal''», ce prétendu projet de loi définit ces derniers termes comme suit:
Dans la présente partie, «animal» s'entend de tout vertébré — à l'exception de l'être humain — et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur.
Si l'on considère la nature d'un vertébré — et nous avons eu une discussion à ce sujet il y a quelques minutes pendant laquelle j'ai tenté de me remémorer ce que l'on disait pendant le cours de zoologie au sujet des vertébrés et des invertébrés, d'après la définition courante —, la classe des vertébrés englobe les êtres humains, ainsi que les bêtes, les reptiles, les grenouilles, les crapauds et les poissons. La sous-classe des vertébrés englobe de nombreuses espèces.
Quand je tente de saisir l'objectif du présent projet de loi et que j'examine les sections du Code criminel portant sur l'infanticide, je me dis que nous nous efforçons de protéger la vie et que nous considérons la vie comme un bien très précieux. Je pense que toute vie humaine est précieuse également. On ne peut s'empêcher de penser à la catégorie d'êtres appelés les enfants à naître.
Le fait que le Canada soit probablement le seul pays développé au monde n'ayant pas prévu de dispositions législatives visant à protéger les enfants à naître me préoccupe. De nombreuses personnes considèrent que c'est une victoire, mais je ne le pense pas.
Si je devais examiner la question de l'élimination volontaire d'un enfant à naître au cours du troisième trimestre ou du huitième mois de grossesse, devrais-je examiner la section sur la cruauté envers les animaux? Cette section protégerait-elle un enfant à naître?
L'article 223 du Code criminel indique à partir de quand un enfant est considéré comme un être humain. Cette démarche recèle une contradiction. Elle indique à partir de quand un être peut être considéré comme un être humain.
Ces considérations préoccupent un grand nombre de Canadiens et Canadiennes qui redoutent que l'avortement soit devenu une technique déguisée de limitation des naissances au Canada et pas ce que l'on avait prévu. Je me demande si les enfants à naître sont protégés en vertu de cette section du Code criminel.
Le Code criminel précise: «à l'exception de l'être humain». Je présume que la personne qui a rédigé cette phrase avait une intention bien précise. Pourriez-vous dire quelles étaient les intentions des rédacteurs des autres sections du Code criminel où il est question du moment à partir duquel on considère qu'un être est un être humain?
Le terme «vertébrés» englobe de nombreuses espèces et nous savons que les enfants à naître ne sont pas des reptiles. Comment sont-ils traités dans cette section du Code?
De nombreuses personnes voudraient être invitées pour avoir précisément l'occasion d'en discuter. Je serais curieuse d'entendre certains de ces témoignages parce qu'il y aurait, parmi ces témoins, des avocats très compétents et très habiles dans l'interprétation de la loi. J'espère que nous aurons l'occasion d'entendre Mme Gwen Landolt, qui s'est déjà présentée devant ce comité et qui est une avocate très brillante.
Le président: C'est à grand regret que je vous interromps.
Le sénateur Cools: Je pose une question. C'est une question qui concerne la loi.
Le président: Vous l'avez posée. Je pense que M. Mosley l'a entendue. Il pourrait peut-être y répondre.
M. Mosley: Je ne me suis pas rafraîchi la mémoire sur ce point avant de me présenter aujourd'hui. Je suggère toutefois à l'honorable sénateur de jeter un coup d'oeil sur l'article 238 du Code criminel, qui se trouve à peu près dans la même partie du Code que les dispositions concernant l'infraction d'infanticide.
Le Code criminel et le droit pénal sont toujours aux prises avec cette question, mais il s'agit en fait de déterminer à partir de quand un enfant qui meurt pendant la naissance peut être considéré comme un enfant, comme un foetus ou comme un enfant à naître. L'article 238 traite de la question mais fait une distinction entre cet être et un être humain. Si j'ai bonne mémoire, la conclusion des tribunaux est que ces dispositions ne s'appliquent pas au type de situation que vous avez décrite. Par conséquent, en droit, le foetus n'est pas considéré comme un être humain.
Le sénateur Cools: C'est précisément ce que je dis: le foetus est un animal qui n'a pas la capacité de ressentir la douleur.
Un témoin a mentionné l'article 238 du Code criminel mais, dans cet article, il est question de l'enfant à naître qui est tué au cours de l'accouchement, ce qui est quelque peu différent de la question qui a été posée. Je ne parlais pas nécessairement d'un être tué au cours de l'accouchement. Je parlais de l'acte qui provoque le décès pour éviter qu'il naisse.
M. Mosley: Le contexte de cette partie du prétendu projet de loi...
Le sénateur Cools: Vous avez bien dit le prétendu projet de loi!
Le sénateur Sparrow: Il le reconnaît enfin!
M. Mosley: Sauf votre respect, je pense que le tribunal chargé d'interpréter la signification du terme «animal» dans ce contexte examinerait toute la partie et en conclurait que l'intention des rédacteurs n'est pas qu'elle s'applique à un être de nature humaine mais à d'autres animaux qui n'ont pas la qualité d'être humain. En ce qui me concerne, il serait inconcevable qu'un tribunal décide que cela s'applique dans les circonstances que vous mentionnez.
Le sénateur Cools: Je pense que le témoin a donné une réponse pertinente, mais nous avons encore besoin d'éclaircissements et nous devrions assurément entendre des témoignages sur ce point important.
[Français]
Le sénateur Nolin: J'aurais quelques questions concernant les principes directeurs qui ont amené le ministre et le ministère à entreprendre cette révision sur les infractions contenues, de temps immémoriaux, dans le Code criminel, et avant cela dans les lois britanniques.
Qu'est-ce qui sous-tend cette action du ministre et du ministère aujourd'hui? On pourrait aller dans le détail des infractions, mais ce qui anime les modifications est vraiment l'augmentation des peines, des sanctions rattachées à ces infractions.
[Traduction]
Quels sont les principes directeurs?
Mme Klineberg: Ces modifications sont fondées sur deux principes directeurs. L'un est l'accroissement des peines. L'autre, que M. Mosley a mentionné dans son exposé, est de simplifier et de clarifier certains aspects du régime actuel concernant la cruauté envers les animaux, car il est complexe.
Par exemple, la loi actuelle comprend certaines dispositions déterminatives, notamment une qui présume que la négligence est volontaire. En droit pénal, il y a deux concepts qui n'ont en fait aucun rapport entre eux mais c'est l'insertion de cette disposition déterminante qui permet à la loi d'atteindre son objectif, à savoir d'interdire non seulement la cruauté volontaire, mais aussi la négligence; c'est un système assez compliqué.
Le principal but était d'accroître les peines, mais plusieurs éléments du régime actuel sont compliqués et ne sont pas suffisamment précis. L'autre principe directeur était donc de clarifier ces questions pour que toutes les personnes concernées puissent mieux comprendre les exigences de la loi.
Le sénateur Nolin: Je comprends en ce qui concerne la clarification. Je voudrais toutefois que l'on examine la question des peines. Le terme important est «principe». Pourquoi est-ce important d'accroître les peines?
Mme Klineberg: Les employés des sociétés protectrices des animaux sont les travailleurs de première ligne dans les affaires de cruauté envers les animaux. Dans toutes les provinces, des sociétés pour la prévention de la cruauté envers les animaux ont été créées en vertu d'une loi. Ces organismes ont, en vertu de la loi, l'autorité et le pouvoir d'interdire des actes de cruauté et de faire enquête sur les cas de cruauté envers des animaux. La plupart de ces lois permettent aux sociétés protectrices des animaux de désigner des agents comme agents de la paix investis de pouvoirs en vertu du Code criminel.
Les travailleurs de première ligne dans les cas de cruauté envers les animaux sont pour la plupart des travailleurs des sociétés protectrices des animaux. La police intervient parfois à une étape ultérieure du processus. Les plaintes concernant des actes de cruauté et de violence envers les animaux sont généralement adressées aux sociétés protectrices des animaux. Ce sont généralement elles qui suivent les poursuites du début à la fin.
Les sociétés protectrices des animaux nous ont signalé il y a plusieurs années qu'elles éprouvaient de la difficulté à faire respecter les lois actuelles en s'appuyant sur le système de justice pénale. Certains procureurs et juges ne prennent pas toujours leurs causes au sérieux. Leur perception à titre d'exécutants de la loi dans ce domaine est que les peines devaient être accrues pour renforcer les lois de façon à les rendre plus efficaces.
Le sénateur Nolin: Quel genre de recherche le ministère a-t-il fait pour en arriver à la conclusion qu'il était important d'accroître les peines?
Mme Klineberg: Nous avons entamé un processus de consultation au cours duquel nous avons sollicité les opinions de divers groupes. La réponse de la plupart des groupes concernés était que les peines devaient être accrues. Les groupes industriels consultés ont réagi de la même façon.
Nous avons également fait des recherches sur le lien entre la cruauté envers les animaux et la violence à l'égard d'êtres humains. Un nombre croissant d'études scientifiques, y compris des canadiennes, indiquent que lorsqu'une personne a tendance à faire preuve de cruauté envers les animaux, elle est davantage susceptible de commettre à un moment donné des actes de violence envers des personnes.
Le sénateur Nolin: Pourriez-vous déposer ce document?
Mme Klineberg: Bien sûr.
Le sénateur Nolin: Ce serait intéressant.
Des études scientifiques ont donc démontré l'existence d'un lien entre la cruauté envers les animaux et la violence à l'égard d'être humains. Pourquoi votre définition dans le contexte de la cruauté envers les animaux est-elle limitée aux invertébrés? Pourquoi ne pas inclure tous les animaux, à l'exception de l'être humain?
[Français]
Pourquoi s'en tenir qu'aux invertébrés? Oublions les êtres humains et le problème du fœtus. Pourquoi ne pas s'en tenir qu'aux vertébrés?
M. Mosley: Si vous regardez la version française, on dit: «[...] et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur ». C'est plus que les vertébrés.
Le sénateur Nolin: Quel est le rapport entre la protection de l'individu et le fait qu'un animal, qui n'est pas un vertébré, puisse ressentir de la douleur? Est-ce simplement la notion de douleur? Quel est le lien entre la douleur de l'animal et le fait qu'un individu est...
[Traduction]
... susceptible de ne pas être respectueux à l'égard des êtres humains parce qu'il est cruel envers les animaux.
[Français]
Quel est le lien? Pourquoi la notion de douleur est-elle si importante?
[Traduction]
M. Mosley: Nous partons du principe que les vertébrés ont des facultés sensorielles et qu'ils peuvent ressentir la douleur. Outre l'étude mentionnée par ma collègue, nous avons examiné les modifications qui ont été apportées à la loi dans les pays avec lesquels nous établissons généralement des liens de comparaison; les États-Unis et les pays du Commonwealth ont modernisé leurs lois en ce qui concerne la cruauté envers les animaux. Certains de ces pays ont tenté de redéfinir la notion de «animal».
Si vous consultez un dictionnaire, vous aurez peut-être quelques difficultés à englober tous les animaux qui, d'après certaines données scientifiques, peuvent ressentir la douleur. L'objet de la définition n'était pas d'englober tous les animaux qui peuvent ressentir la douleur. Dans un cas où l'on présume qu'un individu a traité un de ces animaux de façon inhumaine, il faudrait démontrer que l'animal en question pouvait ressentir la douleur.
Ce n'est pas illimité, mais il faudrait fournir des preuves pour établir ce fait devant un tribunal.
[Français]
Le sénateur Nolin: J'entends votre réponse et c'est ce sur quoi je bloque. Prenons l'exemple d'un animal qui n'entre pas dans la définition de vertébré. Pourquoi créer un problème pour le procureur qui devra prouver que cet animal souffre? Ce sera là un degré de preuve plutôt compliqué à obtenir. Pourquoi cette préoccupation, alors que ce qui nous intéresse est l'attitude de l'être humain envers un animal? C'est l'attitude qui nous préoccupe et non le fait que l'animal souffre.
[Traduction]
M. Mosley: Le fait que l'animal souffre est pertinent en ce qui concerne le droit pénal. J'ai entendu quelqu'un dire que le fait d'accrocher un ver à un hameçon pour pêcher constituerait une forme de cruauté envers les animaux. Sauf votre respect, je ne pense pas que ce soit un argument convaincant. Cependant, si une personne était suffisamment inconsciente pour l'invoquer, je me demande bien comment vous pourriez prouver que ce type de conduite causerait de la souffrance à l'animal.
Il faut bien limiter le champ d'application du droit pénal. La plupart des personnes raisonnables acceptent que l'on s'en tienne à la notion de la souffrance causée et que c'est à ce niveau que se situe la culpabilité de l'individu.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je lirai vos études. Je présume que vous reviendrez à la fin du processus, après que nous aurons entendu d'autres témoins, afin d'approfondir ces questions, car celles-ci m'apparaissent être le fondement du maintien de ces infractions au Code criminel. On nous demande d'augmenter l'élément de sanction pour ces crimes. Nous allons devoir comprendre leur raison d'être à l'origine et si on doit approfondir les peines. Cette question m'apparaît fondamentale.
[Traduction]
Le président: Certainement, sénateur Nolin.
Le sénateur Andreychuk: Monsieur Mosley, vous avez mentionné qu'en supprimant le paragraphe 429(2) et en se basant sur le paragraphe 8(3) on peut avoir davantage de moyens de défense à sa disposition parce que paragraphe fait référence à la common law.
En ce qui me concerne, je pense que le problème réside en partie dans le fait qu'un corps de lois a été établi autour du paragraphe 429(2). J'ai été juge pendant plusieurs années et je pense que lorsqu'on supprime le paragraphe 429(2) et que l'on adopte le paragraphe 8(3), cela ne veut pas dire nécessairement que la magistrature aura la même attitude et les mêmes opinions.
Par conséquent, les personnes qui comptent sur ce corps de lois en évolution ne se demandent-elles pas si ces lois seront applicables ou si elles devront être soumises à nouveau aux tribunaux?
Ne modifie-t-on pas le fardeau de la preuve en procédant ainsi? Je considère que ce serait en soi un motif de préoccupation si on était coincé à cause de ces paragraphes.
M. Mosley: Je me permets de signaler que c'est l'inverse et que c'est dû au libellé actuel du paragraphe 429(2).
Le sénateur Andreychuk: Le fardeau de la preuve incombe à l'accusé.
M. Mosley: C'est bien cela, mais lorsqu'on fait naître un doute raisonnable en vertu du paragraphe 8(3), c'est à la Couronne qu'il incombe de décréter que ce moyen de défense n'est pas applicable. Cette modification sert les intérêts de l'accusé au lieu de lui nuire.
Les moyens de défenses mentionnés au paragraphe 8(3) sont des moyens de défense liés à la common law. Ils sont très nombreux, sauf si le Code criminel mentionne expressément qu'un moyen de défense n'est pas applicable. C'est ce que le Parlement, dans sa sagesse, a décidé dans certaines circonstances. Il supprime alors un moyen de défense.
Cependant, le paragraphe 8(3) fournit à l'accusé un moyen de défense d'application plus facile et plus large que le paragraphe 429(2).
Le sénateur Andreychuk: Monsieur Mosley, nous sommes tous deux assez âgés pour savoir que les moyens de défense reconnus par la common law ne sont pas mentionnés explicitement et qu'il faut par conséquent s'appuyer sur des précédents.
Ce qui me préoccupe, c'est qu'on a élaboré un corps de lois autour du paragraphe 429(2) avec lequel on se sent à l'aise et que l'on comprend. Je comprends toutefois que l'on ait pu penser que ces dispositions comportaient quelques faiblesses et qu'il serait nécessaire d'y apporter des modifications.
Quant à décider de compter sur les moyens de défense de la common law et de mettre le fardeau de la preuve à charge du plaignant, tout en donnant l'impression à première vue que c'est dans l'intérêt du défendeur, je me demande s'il en sera ainsi dans la pratique.
Ne reconnaissez-vous pas que, bien que vous étiez animé des meilleures intentions en rédigeant le projet de loi et en faisant votre exposé, ce n'est pas ainsi que ces dispositions seront interprétées par les tribunaux?
M. Mosley: Si l'on demandait à un des criminalistes qui se sont présentés devant votre comité quelles seront les conséquences de la décision de s'appuyer sur le paragraphe 8(3), il donnerait exactement la même réponse que moi. Il suffit que l'accusé fasse naître le doute quant à l'application du moyen de défense et quant au fardeau de la preuve. C'est un fardeau de présentation, mais ce n'est pas un fardeau de persuasion. Le fardeau de persuasion est assumé par la Couronne; c'est à elle qu'il appartient de prouver que le moyen de défense ne s'applique pas à l'accusé.
En ce qui concerne la jurisprudence en vertu du paragraphe 429(2) — et nous avons examiné tous les précédents —, elle est rattachée aux principes qui sous-tendent ces moyens de défense de la common law. La jurisprudence remonte au XIXe siècle. Le paragraphe 429(2) n'est que l'expression de ces moyens de défense dans le Code. Ce paragraphe n'apporte rien de plus que ce qui aurait été reconnu par la common law en ce qui concerne l'application de ces moyens de défense à l'accusé.
Le sénateur Andreychuk: Nous ne sommes pas tout à fait sur la même longueur d'onde à ce sujet.
M. Mosley: La jurisprudence restera applicable lorsqu'il s'agira de déterminer si un moyen de défense fondé sur la justification ou l'excuse s'applique à un accusé dans des circonstances précises.
Mme Klineberg: En ce qui concerne l'apparence de droit mentionnée à l'article 429, la jurisprudence correspondante est intimement liée à la jurisprudence entourant les dispositions du Code criminel concernant le vol. Dans ces dispositions, l'infraction inclut les termes «frauduleusement et sans apparence de droit». Je ne suis pas certaine qu'il soit exact de considérer la jurisprudence en vertu de l'article 429 comme un corps de lois distinct. C'est à la notion d'apparence de droit, qui apparaît dans plusieurs dispositions du Code criminel, que les tribunaux s'intéressent et ils s'inspirent des décisions rendues dans les diverses causes. Je pense que la jurisprudence concerne l'apparence de droit plutôt que les dispositions de l'article 429.
Le sénateur Andreychuk: Je pense que nous n'avons pas les mêmes opinions à ce sujet, mais je n'ai pas le temps de poursuivre la discussion aujourd'hui.
Monsieur Mosley, vous avez mentionné que toute personne qui pratique l'élevage d'animaux dans des conditions normales ne devrait avoir aucune inquiétude. Cependant, je sais pertinemment que les attitudes ont évolué en ce qui concerne le caractère humain ou le caractère inhumain, au même titre que nos attitudes à l'égard des femmes, des enfants, de la violence et de diverses autres questions couvertes par le Code criminel. C'est une question de valeurs. Par conséquent, les interprétations que vous ferez en l'occurrence seront celles que nous accepterons.
Vous venez de dire que cet article a été inséré dans une loi parce qu'on pensait qu'il était utile à l'époque alors que maintenant, la plupart des personnes consultées ont dit que ces dispositions étaient dépassées.
Le problème est dû aux tensions que suscite la présence de systèmes de valeurs différents. On a constaté des tensions entre les personnes qui ne tiennent pas à ce qu'on cause le moindre mal à un animal et les personnes qui pensent que l'on peut prévoir des exceptions pour quelque motif très valable.
Ce test a évolué avec le temps. Ne seriez-vous pas disposé à laisser en place l'article 429, puisque sa présence rassure les citoyens et que c'est surtout une question de jugement?
M. Mosley: La perception d'une protection absolue pour les personnes qui tueraient des animaux de façon inhumaine est absolument fausse.
Le sénateur Andreychuk: Pour autant que nous sachions, ce n'est pas la réalité qui est importante, mais la perception. Le degré d'aisance et le réconfort ne devraient pas être évalués d'après nos critères, mais d'après ceux des citoyens. En matière de politique gouvernementale, n'est-il pas indiqué de faire en sorte que les citoyens se sentent à l'aise lorsqu'il s'agit d'exercer leur métier ou d'assurer leur subsistance?
M. Mosley: On leur rendrait toutefois un mauvais service. Je reconnais que la conception de ce qui est humain ou de ce qui est inhumain évolue et qu'elle a évolué au cours des 50 dernières années, puisque ces modifications ont été apportées en 1953. Elle continuera d'évoluer, que le Parlement adopte ce projet de loi ou non. Elle ne sera pas modifiée par l'adoption de ce projet de loi.
Si elle continue toutefois d'évoluer, la loi actuellement en place ne permettra pas de régler les cas les plus extrêmes de traitement inhumain, quelles que soient les perceptions de la société d'ici un an ou deux ou dans un avenir plus éloigné.
Le sénateur Andreychuk: Je ne recommande pas de modifier ce soi-disant projet de loi.
Je me demande s'il ne serait pas préférable de faire des efforts pour que les citoyens se sentent plus à l'aise avec la loi, même si cela implique que le projet de loi devienne plus volumineux. Je me demande si ce ne serait pas une politique gouvernementale plus avisée.
Il ne faut pas oublier que le ministre a annoncé qu'il voulait revoir le Code criminel et le rationaliser dans le but d'en supprimer toutes les dispositions inéquitables, voire les articles superflus, et c'est très bien ainsi.
Il convient toutefois de procéder à cette réforme en tenant compte de l'intérêt public et éviter de cibler quelques personnes qui se sentent apparemment très vulnérables, comme en l'occurrence. Cela ne coûterait rien d'y ajouter trois phrases qui, d'après vous, ne modifieraient pas la loi mais qui garantiraient aux citoyens qu'ils ne seraient pas exposés à des conséquences non voulues.
M. Mosley: Sauf votre respect, cela les inciterait peut-être à penser que la loi assure une certaine protection qui serait inexistante. Ce serait rendre un mauvais service aux personnes qui cherchent à être rassurées à ce sujet.
Le sénateur Andreychuk: Voulez-vous dire qu'en insérant ces dispositions dans le projet de loi, on induirait ces personnes en erreur?
M. Mosley: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Pourquoi?
M. Mosley: Cela les inciterait à penser qu'elles sont protégées contre l'application des dispositions du Code criminel relatives à la cruauté envers les animaux. Cela renforcerait la perception que sous le régime actuel du paragraphe 429(2) elles bénéficient d'un traitement spécial ou d'une exemption en ce qui concerne la façon dont elles traitent les animaux. Il s'agit d'une perception erronée de la loi qui subsiste depuis une cinquantaine d'années.
Le sénateur Andreychuk: Aucun des groupes qui ont communiqué avec moi n'a fait cette remarque. Ces personnes pensent qu'elles vont perdre un moyen de défense mais pas qu'elles bénéficient actuellement en quelque sorte d'une exemption. Elles sont conscientes du fait qu'elles ne bénéficient pas d'une exemption; elles pensent toutefois avoir accès à un moyen de défense. Si vous pensez que c'est un outil administratif et que cela ne leur viendrait pas en aide, il serait peut-être encore plus important pour elles d'avoir l'assurance que la situation ne changera pas.
Si un groupe me disait qu'il bénéficie d'une exemption, je lui ferais prendre conscience de son erreur.
Pendant des années, j'ai intenté des poursuites et j'ai pris la défense d'accusés en vertu de ces articles. Je ne pense pas qu'aucune de ces personnes, qu'il s'agisse d'un chercheur, d'un agriculteur ou d'un Autochtone, n'ait cru être exempte.
Ces personnes craignent que leur façon de procéder ne soit plus rigoureusement conforme à la loi et elles craignent de devenir vulnérables à des poursuites pour des activités qui étaient acceptables. Pour une raison ou l'autre, elles ont l'impression d'avoir besoin d'un moyen de défense. Je pense que cette crainte est justifiée parce que vous modifiez le fardeau de la preuve et l'associez à la common law. Je pense qu'un jour, un juge décrétera que certains des moyens de défense de la common law ont disparu aux termes du paragraphe 8(3) et que l'interprétation de cet article variera selon la province ou le territoire.
Pourquoi ne pourrait-on pas théoriquement faire à ces personnes une concession qui n'aura aucune incidence néfaste sur la loi ni sur les animaux et qui pourrait les aider à poursuivre leurs activités en toute tranquillité d'esprit, que ce soit dans le domaine de la recherche, de l'agriculture ou dans le cadre des activités de subsistance des Autochtones?
Le sénateur Watt: J'aimerais tenter de faire d'abord un rapide bilan de la situation des Autochtones.
Jusqu'au début des années 60, les peuples autochtones utilisaient encore beaucoup les moyens de transport traditionnels pour se déplacer sur le territoire dans le but de récolter les vivres nécessaires. Pour une raison quelconque, ces outils, c'est-à-dire les chiens, ont été abattus sur l'ordre du gouvernement du Canada. Les personnes qui ont exécuté cet ordre étaient des agents de la GRC.
D'après ce que vous avez mentionné, ces dispositions législatives étaient déjà en place. Il aurait fallu tenir compte non seulement de la cruauté de cette décision, mais aussi du fait qu'il s'agissait du seul moyen de subsistance des personnes concernées.
Jusqu'au début des années 60, et même un peu plus tard, les Autochtones ont été privés de leurs outils traditionnels.
Les chiens ont été traités humainement par leurs propriétaires, puis attachés. Ils n'ont même pas été libérés de leurs chaînes. Ils ont été abattus alors qu'ils étaient encore attachés à leur chaîne.
Je trouve que c'est un point qui mérite d'être signalé.
Je pense que ces mesures ont été prises par le gouvernement dans le but de nous soumettre à ses ordres et à la loi. Il y a environ sept ans, soit en 1995, et je dis cela sans chercher à faire un procès d'intentions, le gouvernement du Canada a semblé vouloir désarmer tous les citoyens en présentant le projet de loi C-68.
Un grand nombre d'Autochtones sont passés entre les mailles du filet parce qu'ils n'étaient pas bien informés ou parce qu'on n'avait pas été en mesure de communiquer de façon assez efficace pour transmettre les informations. Je dirais que la plupart des Autochtones âgés de 45 ans sont encore unilingues; par conséquent, ces personnes ne pouvaient pas comprendre les dispositions du projet de loi qui était en voie d'adoption.
C'est donc ainsi qu'en 1975, j'étais une des personnes qui prévoyaient les difficultés énormes auxquelles les Autochtones devraient faire face. Nous avons décidé d'examiner le système pour voir si nous pouvions former un peuple, étant donné que nous étions certains d'être écrasés du simple fait que nous n'étions pas assez nombreux. Ceux qui ne font pas nombre n'ont parfois aucun poids dans la balance politique.
C'est pour cette raison que nous avons décidé, en tant que peuple, qu'il était temps pour nous de conclure un accord acceptable avec le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux qui nous concernent. C'est ce type d'accord qui a abouti à la création du Nunavik pour les Inuits du Nord du Québec, après la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Cet accord est extrêmement détaillé.
Par ailleurs, le Nunavut, qui relève de la compétence fédérale, est toujours dans une certaine mesure sous la coupe d'un ministre. Nous le savons. Nous avons des premiers ministres et des représentants élus, mais aucun pouvoir.
Une des autres initiatives que nous avons prises était de nous assurer les services de nombreux avocats quand nous négocions une entente, ou plutôt ce que l'on appelle un «traité moderne». Si je ne m'abuse, nous avons agi en sachant très bien que la Constitution n'était pas en jeu. C'était avant 1982. Les Autochtones ont déployé tous les efforts possibles pour obliger le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à s'engager en présentant une loi générale, le projet de loi C-9. C'est avec la Couronne que nous avions conclu un accord et un traité et pas avec le gouvernement. Le gouvernement a dû s'incliner et suivre cette tendance.
Malgré cela, nous nous savions et sentions toujours vulnérables. C'est alors qu'une autre occasion s'est présentée: Pierre Elliott Trudeau a parlé de rapatriement de la Constitution du Canada.
À la veille du rapatriement, nous avons décidé de former une organisation appelée Comité inuit sur les affaires nationales (ICNI). Nous étions à l'avant-plan des négociations et nous aidions le premier ministre parce qu'il avait de la difficulté à convaincre les provinces et se demandait s'il ne devait pas prendre des décisions unilatérales. Nous étions à ses côtés et nous pensions que c'était une occasion de définir clairement notre place dans ce pays.
Des années plus tard, le gouvernement qui avait fait abattre mes chiens et ceux de mes frères et qui avait profondément bouleversé notre mode de subsistance et d'autres aspects importants de notre mode de vie ancestral a adopté le projet de loi C-68. Les personnes de mon âge n'ont pas eu de difficulté à respecter cette loi parce que nous comprenons et communiquons au mieux de nos capacités. Nous ne sommes peut-être pas parfaits, mais nous avons nos permis. Nous faisons enregistrer nos armes et respectons les règlements. Cependant, les habitants du Nord n'arrivent toujours pas à en comprendre la nécessité.
En 2002, c'est le projet de loi C-10 que le gouvernement présente, qui a été subdivisé en deux projets de loi, le projet de loi C-10A et le projet de loi C-10B. Il est nécessaire de tenir compte de certaines situations particulières dans ces projets de loi. C'est précisément le but de la convention que nous avons signée. Ce sont des situations qui sont reconnues par la Constitution. La Convention de la Baie James et du Nord québécois et l'Accord du Nunavut sont enchâssés dans la Constitution.
Vous n'avez probablement pas oublié qu'à l'époque, l'accord était ouvert; d'ailleurs, le sénateur Joyal peut confirmer l'exactitude de mes dires. Quand nous avons opté pour un accord ouvert, on a considéré que cela paralyserait le système. Le premier ministre Lougheed a décidé d'imposer des restrictions aux Autochtones de crainte qu'ils ne détruisent le pays. Il a ajouté un terme à l'accord que nous avons négocié et on l'a laissé tomber initialement. Je suis allé trouver Pierre Elliott Trudeau et lui ai demandé: «Que s'est-il passé? Vous m'aviez assuré que cela n'arriverait pas». On n'a toutefois pas inséré ce terme dans la résolution, avant le rapatriement de la Constitution.
Je pense que vous êtes sur le point de vous engager à nouveau dans la même voie. C'est une affaire que nous devrons contester devant les tribunaux. J'ignore qui paiera la facture. Le gouvernement fédéral devra peut-être la payer puisque, comme l'a mentionné le sénateur Joyal, il a une responsabilité fiduciaire. Certaines personnes seront peut-être accusées à tort d'avoir traité sciemment un animal de façon inhumaine. Je n'ai certainement pas la même conception d'un traitement inhumain que la plupart d'entre vous.
Vous avez mentionné que vous aviez participé à une chasse au phoque et que les méthodes de chasse étaient humaines. J'ignore dans quelle région de l'Arctique vous êtes allé. Si un activiste pour la défense des animaux, un représentant d'une société protectrice des animaux ou un agent de la GRC voyaient un chasseur appliquer les méthodes de chasse ancestrales avec le matériel de chasse traditionnel, ils trouveraient ces méthodes inhumaines, parce que le phoque doit être sorti du trou dans la glace avant d'être tué. Si le chasseur tue le phoque lorsqu'il est dans son trou, il le perdra, parce que le phoque coulera.
J'ai aussi des inquiétudes au sujet de la chasse au harpon. Lorsqu'on harponne le poisson à travers le trou dans la glace, on ne le tue pas immédiatement. On utilise une fourche munie d'une pointe en son centre pour empêcher le poisson de s'échapper.
Qu'est-ce qui importe le plus à vos yeux? Perdre une partie de la récolte ou s'efforcer de pratiquer la récolte de façon professionnelle, même si l'on doit utiliser l'équipement de chasse traditionnel et des techniques analogues? Ce sont les questions qui nous préoccupent actuellement. Que reste-t-il pour les Autochtones?
Nous n'avons pas d'objection en ce qui concerne l'absence de définition de la cruauté envers les animaux pour autant qu'on limite cette définition à des animaux de compagnie comme des chiens, des chats et autres animaux semblables. Nous n'avons pas la moindre objection parce que nous souhaitons que nos biens soient protégés. Si elle est bien conçue, cette loi aidera les Autochtones. Elle pourrait donc être intéressante, mais il faudrait qu'elle soit structurée autrement.
Le président: Puis-je vous interrompre, sénateur Watt?
Le sénateur Watt: J'ai encore bien d'autres commentaires à faire, mais je pourrais les poursuivre au deuxième tour de questions.
Le président: Vous pourriez peut-être donner aux témoins l'occasion de répondre.
Le sénateur Watt: Je m'arrête pour l'instant et je continuerai au cours du deuxième tour.
Le sénateur Buchanan: Je suis content pour vous.
Le sénateur Watt: Je suis désolé, mais je suis au Sénat depuis 18 ans. Pensez-vous que je devrais continuer à me laisser écraser en hésitant à signaler continuellement ces problèmes? Non, monsieur le président, je suis décidé à ne pas me laisser faire.
Le président: La seule raison pour laquelle je vous interromps, sénateur Watt, est que vous avez soulevé de nombreux problèmes et que je pense qu'il serait juste de donner aux témoins l'occasion de répondre.
Voici comment nous procéderons pour la suite des audiences. Deux autres groupes de témoins sont prévus au programme. Nous écouterons les témoignages d'un autre groupe. Le troisième a eu l'amabilité d'accepter de comparaître un autre jour. Je les remercie pour leur patience et leur compréhension. Étant donné que l'heure avance et que nos rangs s'éclaircissent, nous reporterons la comparution du troisième groupe. Nous écouterons cependant les témoignages du deuxième groupe.
Je donne maintenant à M. Mosley l'occasion de faire des commentaires sur certains problèmes soulevés par le sénateur Watt, qui aura peut-être également des commentaires à faire sur d'autres sujets.
Le sénateur Watt: Je ne m'attends pas à ce que vous fassiez des commentaires sur toutes les questions que j'ai abordées, étant donné qu'elles sont nombreuses.
M. Mosley: Je vous remercie pour votre compréhension. Je ne pense pas que je pourrais traiter toutes ces questions.
J'ai beaucoup de respect pour le mode de vie traditionnel dont vous venez de faire la description. Je ne vois pas en quoi ce projet de loi pourrait avoir des incidences négatives sur ce mode de vie. Nous avons mentionné plus tôt dans la soirée que le traitement inhumain est déjà couvert par les dispositions législatives actuelles et qu'il pourrait faire l'objet d'une enquête et de poursuites. Vous n'avez toutefois encore jamais fait l'objet de poursuites pour cette raison.
Le sénateur Watt: Pas encore.
M. Mosley: Non, et l'on peut difficilement concevoir des circonstances dans lesquelles ce serait possible, parce qu'il s'agit d'un mode de vie vieux de plusieurs millénaires et que la méthode de chasse au phoque que vous avez décrite représente la technique de capture reconnue. Vos commentaires sont extrêmement pertinents. On ne peut pas tuer le phoque et le regarder disparaître dans le trou. Il faut le harponner pour pouvoir le capturer.
Les explications que vous avez données au sujet de cette méthode sont parfaitement logiques. Depuis une cinquantaine d'années, quelqu'un pourrait théoriquement intenter des poursuites devant les tribunaux pour cette raison. On n'a toutefois encore jamais intenté de poursuites pour cette raison et on ne le fera pas, car la loi est renforcée et clarifiée.
Je comprends très bien vos préoccupations au sujet des changements apportés par le Parlement et par la société contemporaine, mais ce projet de loi n'apportera aucun changement à votre mode de vie. Ce serait possible, mais cela ne se produira pas parce que les personnes qui administrent la loi sont raisonnables et qu'elles savent que les tribunaux ne...
Le sénateur Watt: C'est précisément le problème.
M. Mosley: Je ne peux pas vous donner des garanties que tous les agents du maintien de l'ordre seront raisonnables. Nous savons que ce n'est pas le cas. Cependant, les présentes dispositions législatives ne donneront pas davantage d'occasions à un agent de la paix d'abuser de son pouvoir.
Le sénateur Watt: C'est bien beau de dire que cette loi ne s'appliquera pas à nous. Si nous sommes exemptés de l'application de cette loi, nous avons absolument besoin de garanties alors que nous n'en avons aucune à présent. Les frais de défense devant les tribunaux sont considérables. J'imagine ce qui pourrait arriver à une personne âgée qui élève ses petits-enfants, ce qui est courant dans la collectivité autochtone. Les jeunes sont souvent élevés par leurs grands- parents.
Par exemple, la fin de semaine dernière, j'étais dans le Nord, et une personne est venue me trouver pour me signaler que, parce qu'elle avait un casier judiciaire, sa demande de permis a été retardée. Cet homme m'a demandé ce qu'il lui restait à faire et je n'ai pas pu lui donner de réponse. Il élève ses petits-enfants.
Seriez-vous prêt à recommander qu'on nous aide en ce qui concerne ce projet de loi? Le manque de précision des dispositions de ce projet de loi nous préoccupe beaucoup. Les Autochtones pourraient-ils être exemptés complètement de l'application de ce projet de loi?
M. Mosley: Aucune exemption n'est prévue pour les Autochtones dans ce projet de loi.
Le sénateur Watt: Pourquoi? Vous m'avez dit que nous n'avions aucune raison d'être inquiets parce que ces dispositions législatives ne s'appliqueraient pas à nous. Vous affirmez toutefois maintenant qu'elles s'appliquent à tous les citoyens et qu'aucune exemption n'est prévue.
M. Mosley: Sauf votre respect, sénateur, je n'ai pas dit cela. La discussion que j'ai eue avec le sénateur Andreychuk démontre précisément les préoccupations que nous avons au sujet du maintien du paragraphe 429(2) du Code criminel; nous craignons précisément que certains citoyens pensent être exemptés de l'application de la loi alors que ce n'est pas le cas. Personne n'est exempté de l'application des dispositions du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux.
Le sénateur Watt: Si l'on insérait dans ce projet de loi un article exemptant les Autochtones, ce serait pour nous une garantie solide. Si un agent de la paix nous soupçonnait de tuer un animal de façon inhumaine, nous pourrions invoquer le fait que nous sommes exemptés. Aux termes des dispositions actuelles, les Autochtones doivent prouver qu'ils ont tué l'animal en employant des méthodes acceptables.
J'ai 11 huskys. Une de mes chiennes a eu une portée de neuf chiots il y a deux jours. L'un des chiots avait une malformation et j'ai dû me demander si j'allais laisser souffrir ce petit animal tout difforme. Je crois avoir dépassé les limites à cette occasion.
M. Mosley: Pourquoi?
Le sénateur Watt: En tuant ce chiot. Je n'avais pas le choix.
M. Mosley: Sans vouloir vous offusquer, je voudrais savoir en quoi ce projet de loi aurait une incidence dans une situation semblable.
Le sénateur Watt: Si un agent de la paix avait vu comment j'ai mis un terme aux souffrances de ce petit animal, il aurait pu m'accuser de l'avoir tué de façon très inhumaine. Je ne dirai pas comment j'ai procédé, mais ce sont des situations qui se présentent parfois dans la vie.
Le sénateur Beaudoin: Je voudrais faire un commentaire au sujet de l'inversion de la charge de la preuve. J'ai demandé au sénateur Andreychuk pourquoi elle ne vous avait pas demandé si l'inversion de la charge de la preuve enfreint la Charte. C'est ce que je pense personnellement. L'affaire Gamay a été portée à mon attention. Le jugement rendu dans cette affaire mentionne qu'il est apparemment anticonstitutionnel d'obliger l'accusé à prouver la justification ou l'excuse légale.
Je crois que l'on a fait erreur dans ce cas-là. Je pense que la Cour suprême du Canada a reconnu que l'inversion de la charge de la preuve n'enfreint pas la Charte des droits et libertés. Dans notre régime, on est présumé innocent tant qu'on n'est pas déclaré coupable. Nous ne sommes pas obligés de parler, mais si nous le faisons, nos déclarations peuvent être retenues contre nous.
D'après certaines dispositions de ce projet de loi, on peut être obligé dans certains cas de fournir des preuves. C'est un aspect très important. Est-ce contraire à la Charte? Je pense que oui, parce qu'on est présumé innocent tant qu'on n'est pas déclaré coupable. L'obligation de prouver notre innocence ne va-t-elle pas à l'encontre de la Charte?
Je ne me souviens plus de quelle affaire il s'agissait, mais je pense que la Cour a reconnu l'inversion de la charge de la preuve. C'est une question très complexe, mais j'aime poser des questions complexes.
Dans certains cas, il y a inversion de la charge de la preuve. Normalement, c'est la Couronne qui doit prouver la culpabilité. La preuve de la culpabilité doit être établie hors de tout doute raisonnable parce que, dans notre système, on est d'emblée présumé innocent.
Dans certaines lois et dans certains domaines, les législateurs ont inversé la charge de la preuve parce que la preuve de la culpabilité est difficile à établir. J'ai toutefois trouvé un jugement où l'on mentionne que cela va à l'encontre de la Charte. L'inversion de la charge serait donc anticonstitutionnelle. Ces commentaires ont un certain rapport avec les vôtres.
M. Mosley: Si j'ai bonne mémoire, deux des trois juges de la Cour d'appel du Manitoba pensaient que cet article était probablement anticonstitutionnel, mais ils n'ont pas été tenus de rendre un jugement dans cette affaire et la question n'est donc pas encore réglée.
Le sénateur Beaudoin: N'est-elle toujours pas réglée?
M. Mosley: Non, mais en principe, cet article est probablement anticonstitutionnel parce qu'il oblige l'accusé à faire la preuve de la justification ou de l'excuse légale.
Le sénateur Beaudoin: C'est mentionné au paragraphe 429(2), apparence de droit:
Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction visée aux articles 430 [...] s'il prouve qu'il a agi avec une justification légale [...]
De toute évidence, le tribunal a escamoté la fin de la phrase parce qu'elle devient anticonstitutionnelle. Nous avons toutefois découvert une affaire où les juges ont reconnu que cela n'allait pas à l'encontre de la Charte des droits et libertés. L'inversion de la charge de la preuve va, de prime abord, à l'encontre de la Charte.
M. Mosley: Si la loi procure un moyen de défense, il suffit que l'accusé fasse naître un doute raisonnable au sujet de cette défense. Il s'agit en quelque sorte d'une charge de présentation. D'après les principes constitutionnels de base, on n'est pas obligé de faire la preuve de la défense. C'est à la Couronne qu'il appartient de démontrer que la défense en question ne s'applique pas.
Le sénateur Beaudoin: À mon avis, cela va totalement à l'encontre de la règle de droit fondamentale qui veut que l'on soit présumé innocent.
Le sénateur Baker: Il s'agit de l'article 7 de la Charte.
Le sénateur Beaudoin: Oui, et du paragraphe 11d). Êtes-vous d'accord?
M. Mosley: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Dans ce cas, cela suffira pour aujourd'hui.
Le sénateur Baker: Je signale au sénateur Watt que le témoin ne voulait certainement pas nier qu'au cours des dernières années, des poursuites ont été intentées par des groupes d'activistes pour la défense des animaux, avec l'aide du ministère de la Justice, contre des chasseurs de phoques.
Il y a eu récemment un procès retentissant où c'est Clayton Ruby qui a représenté Greenpeace. Le ministère de la Justice a filmé la scène. Les chasseurs de phoques, représentés par un avocat bénévole, ont obtenu un jugement de la Cour d'appel portant sur la cruauté envers les phoques et les méthodes employées pour les tuer. Je suis certain que le témoin s'en souvient. Il y a eu également l'affaire R. c. Ward qui portait sur la vente des dos bleus. Les 108 personnes impliquées dans cette affaire feront l'objet de poursuites d'ici deux jours.
Je suis certain que le témoin ne voulait pas dire que le nombre de poursuites faites par le ministère des Pêches et des Océans, avec l'aide du ministère de la Justice, à la suite de plaintes émanant de groupes d'activistes pour la défense des animaux, n'a pas augmenté. D'est devenu à la mode, et c'est pourquoi le sénateur Watt est inquiet pour les chasseurs de phoques.
Le président: Avez-vous un dernier commentaire à faire, monsieur Mosley?
M. Mosley: Non. Je vous remercie. Est-ce presque terminé?
Le sénateur Buchanan: Je voudrais faire un commentaire. Comme le sénateur Baker et quelques autres sénateurs, je viens d'une région du pays où la pêche occupe une place très importante. Un pêcheur m'a appelé il y a quelques jours. Il est à la fois pêcheur et transformateur de chair de homard. Il m'a dit qu'il y a quelques jours, un groupe d'activistes pour la défense des animaux de Halifax s'est rendu dans la région de pêche où il élève des homards et en fait la transformation. Vous savez évidemment que pour cuire le homard, il faut le jeter vivant dans l'eau bouillante. Un agent trop zélé de la société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de la Nouvelle-Écosse a dit à cet éleveur qu'il intenterait des poursuites contre lui parce qu'une dame de Halifax avait prétendu qu'il traitait ses homards avec cruauté. Lorsque ce pêcheur m'a raconté cela, je lui ai dit de ne pas être ridicule. Maintenant, je me demande si je ne me trompais pas.
Dieu soit loué, aucune poursuite n'a été intentée contre lui. Le procureur de Halifax a refusé d'intenter des poursuites et l'affaire a été classée.
Ce qui préoccupe ce pêcheur, c'est que tout animal qui ressent de la douleur soit considéré comme un animal en vertu de ces nouvelles dispositions législatives. Même si je lui ai dit de ne pas s'en faire, je pense maintenant à la définition actuelle d'un animal est liée aux vertébrés.
Je fais souvent cuire des homards. Est-ce qu'un homard ressent la douleur? Pour ma part, je ne le pense pas. La dame de Halifax prétend toutefois que cet animal ressent la douleur. Lorsque ce projet de loi aura été adopté, elle sera une des premières personnes à harceler le bon vieux George parce qu'il fait la transformation des homards et qu'il leur cause beaucoup de douleur en les jetant vivants dans l'eau bouillante.
Le sénateur Stratton a mentionné il y a quelques minutes que sa femme voudrait divorcer. Ma femme ne divorcerait pas. Si elle m'entendait, elle me tirerait une balle dans la peau.
Le sénateur Baker se souvient peut-être qu'il y a quelques années, une résolution concernant la chasse au phoque a été présentée à l'assemblée législative provinciale. Lorsque je suis rentré à la maison, on en parlait aux actualités.
Le sénateur Baker: Il était premier ministre.
Le sénateur Buchanan: Oui, et on disait aux actualités que c'était moi qui l'avait présentée alors que je n'y étais pour rien du tout. J'étais même absent de la Chambre lorsque cette résolution a été adoptée parce que je savais que j'aurais des problèmes à la maison. J'espère que cette réunion-ci est secrète. Lorsque je jette un homard dans la casserole, ma femme sort de la maison. Elle ne peut pas le supporter.
En ce qui concerne cette nouvelle définition qui mentionne «pouvant ressentir la douleur», y a-t-il des chances que les petits transformateurs de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve se fassent désormais harceler par des personnes au coeur tendre qui ont pitié du homard que l'on jette à l'eau bouillante? Lorsqu'on plonge un homard dans l'eau bouillante, il gigote effectivement pendant quelques secondes.
Le sénateur Watt: Le homard ressent-il la douleur?
Le sénateur Buchanan: Je ne le pense pas.
M. Mosley: J'ai entendu dire que certaines personnes entendent le cri du homard lorsqu'on le plonge dans l'eau, mais je pense que si le homard poussait un cri, j'aurais beaucoup de problèmes, moi aussi. Personne ne fera l'objet de poursuites pour cette raison.
Le président: Monsieur Mosley, madame Klineberg, nous vous remercions de votre participation. Nous vous inviterons peut-être à nouveau, mais cela dépendra des autres témoignages. Je vous remercie pour votre patience.
Le sénateur Beaudoin: Voulez-bien m'accorder quelques secondes? Le cas où l'inversion de la charge de la preuve a été acceptée est l'affaire Keegstra. La Cour suprême du Canada a dit dans son jugement que l'inversion de la charge de la preuve était une limite acceptable.
M. Mosley: Dans des circonstances précises et pas de façon générale, je présume.
Le sénateur Beaudoin: Chaque cas n'est-il pas examiné individuellement?
Le sénateur Joyal: Il faudra que nous lisions la première partie de la Charte à ce sujet.
Le président: Je souhaite la bienvenue au groupe de témoins suivant.
M. Serge Buy, directeur général, Canadian Cervid Council: Monsieur le président, le Canadian Cervid Council, qui a des membres dans les neuf provinces et territoires, représente environ 2 500 éleveurs canadiens de cerfs et de wapitis. La seule province où nous n'ayons aucun membre est la vôtre, monsieur le président. Nous représentons également des associations d'éleveurs de gibier à plume et quelques associations d'éleveurs de sangliers.
Les membres du Canadian Cervid Council sont des citoyens respectueux des lois qui ont fait de gros investissements dans leur entreprise et dans l'industrie. Un grand nombre de nos membres possèdent des fermes à gibier où l'on pratique également la chasse. Ces fermes font partie intégrante de notre industrie et sont considérées comme légales dans la plupart des régions du Canada.
Notre conseil respecte et appuie l'esprit du projet de loi. Cependant, nos membres craignent beaucoup que les termes employés dans ce projet de loi n'aient des incidences néfastes sur les entreprises commerciales légales déjà en place.
Ces dispositions législatives ne devraient pas servir à menacer des pratiques agricoles établies de longue date. Le conseil craint que l'ambiguïté du libellé du projet de loi ne permette qu'une partie ayant des opinions différentes au sujet des fermes à gibier ne profite du projet de loi pour les faire valoir, au lieu d'en respecter l'esprit.
La chasse dans les fermes à gibier ne devrait pas être menacée. Elles sont établies depuis des années dans plusieurs provinces canadiennes, aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Nouvelle-Zélande. Si le libellé du projet de loi peut être interprété de telle sorte que la survie des exploitations légales qui sont déjà en place soit compromise, il faut le modifier, soit en le clarifiant ou en y apportant des précisions supplémentaires, de façon à en révéler l'objet exact.
Le projet de loi n'a pas pour objet de forcer la fermeture de fermes à gibier exploitées selon les règles. Il faudrait que son objet soit bien précisé. Des termes tels que «volontairement», «sans nécessité» ou «sauvagement» sont ambigus. Dans une ferme à gibier, l'intention est de tirer sur un animal. Les défenseurs des droits des animaux pourraient prétendre que c'est un acte brutal ou que cela cause de la douleur sans nécessité. L'objet du projet de loi n'est toutefois pas de rendre la chasse illégale. Il faut que le libellé du projet de loi soit clair.
Le Canadian Cervid Council appuie les exceptions proposées rédigées par la Commission de réforme du droit du Canada. Nous voudrions également que l'on prévoie une exception pour les fermes à gibier exploitées selon les règles dûment établies en ce qui les concerne. Notre industrie ne tient pas à être entraînée dans des procès interminables avec des personnes et des groupes qui sont opposés à la chasse en général. Elle craint pourtant que c'est ce qui se produira si le libellé du projet de loi demeure aussi ambigu et si on n'y apporte aucun amendement ou aucune clarification.
La plupart de nos membres qui exploitent des fermes à gibier sont en Saskatchewan et au Québec. Il y a des fermes à gibier à plume et des fermes à gros gibier dans plusieurs provinces.
J'ai suivi les exposés des autres témoins avec beaucoup d'attention. M. Mosley a dit qu'il ne fallait pas être inquiet. Pourtant, nous le sommes. Sa collègue, Mme Klineberg, a dit qu'en cas de plainte, ce sont les tribunaux qui rendront une décision.
Sénateurs, nous n'avons pas les moyens d'aller devant les tribunaux chaque fois que quelqu'un portera plainte. Il faut protéger nos entreprises. Il faut protéger les pratiques agricoles en général.
J'ai reçu un rapport du groupe de travail libéral du premier ministre sur les voies de l'avenir dans l'agriculture, intitulé «Garantir l'avenir de l'agriculture — Un effort financier aujourd'hui pour prospérer demain».
Sénateurs, je voudrais que vous vous assuriez que le prochain rapport du groupe de travail libéral du premier ministre sur les voies de l'avenir dans l'agriculture ne soit pas intitulé «Un effort financier aujourd'hui pour pouvoir payer des avocats demain».
M. Guy Fontaine, président, Alberta Farm Animal Care Association: Je suis président de l'AFAC, l'Alberta Farm Animal Care Association, une association qui regroupe 18 groupements d'éleveurs spécialisés de l'Alberta. Je représente les Alberta Beef Producers. Autrefois, notre organisation s'appelait l'Alberta Cattle Commission.
Dans la province de l'Alberta, le nombre d'éleveurs bovins s'élève à 35 000. J'ai été nommé par l'Alberta Beef Producers pour représenter l'Alberta Farm Animal Care Association, l'AFAC, et, au cours des dernières années, j'ai été promu président de cette association.
Mon conseil d'administration et les groupements de producteurs spécialisés sont préoccupés au sujet du traitement humain des animaux. La plupart des producteurs de l'Alberta sont des éleveurs et des gestionnaires responsables. Nous considérons toutefois que le projet de loi doit être adopté sous sa forme actuelle. Nous pensons que les dispositions législatives actuelles du Code criminel du Canada concernant la cruauté envers les animaux doivent être modernisées.
Nos membres souhaitent que leurs méthodes d'élevage soient protégées. Ils sont disposés à approuver le projet de loi C-10B, à condition que l'on y apporte un amendement concernant les pratiques reconnues dans le milieu de l'élevage du bétail.
J'ai suivi le processus d'administration de la justice dans le domaine des poursuites. J'ai constaté que la justice albertaine devait intervenir constamment. Jamais une plainte privée n'a fait l'objet de poursuites. Cela ne s'est jamais produit à ma connaissance et je suis certain que cela ne s'est jamais produit du tout.
En vertu de l'Animal Protection Act (loi sur la protection des animaux) de l'Alberta, la plupart des poursuites concernant le bien-être des animaux et les problèmes de cruauté sont intentées à l'échelle provinciale; ce n'est que dans très peu de cas que des poursuites sont intentées en vertu du Code criminel du Canada. Les procureurs n'ont pas l'occasion d'intenter des poursuites par voie de mise en accusation parce que la loi ne contient aucun article hybride.
L'Animal Protection Act de l'Alberta dit:
2(1) Nul ne peut causer ou laisser causer de la douleur à un animal dont il est le propriétaire ou dont il a généralement la responsabilité, ni le laisser dans la douleur.
Le paragraphe 2(1) ne s'applique pas si la douleur résulte d'une activité menée conformément aux pratiques raisonnables et généralement reconnues en matière de gestion, d'élevage ou d'abattage d'animaux.
Nous avons intenté des poursuites contre des personnes qui n'ont pas suivi ces pratiques normales et acceptables d'élevage. Il y a deux jours à peine, le 28 novembre, nous avons intenté des poursuites contre Barry Graham. M. Graham est un producteur albertain qui fait l'objet d'une enquête depuis deux ans. À cause de sa négligence, 300 animaux ont été saisis et des peines très lourdes lui ont été imposées. À cause de sa négligence, 19 chevaux et 34 vaches sont morts. M. Graham a été accusé en vertu de deux lois différentes: l'Animal Protection Act de l'Alberta et le Code criminel du Canada. Il n'a toutefois pas été accusé deux fois pour la même infraction, parce que la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Kienapple interdit les doubles poursuites. Les poursuites intentées en vertu de la loi provinciale ont abouti à l'imposition d'une amende de 7 500 $ alors que le montant maximal prévu dans la Loi fédérale sur les jugements sommaires est de 2 000 $. Il y a trois ans, le montant maximal des amendes a été porté de 5 000 $ à 20 000 $ en Alberta.
Les membres de l'Alberta Livestock Producers cherchent à être rassurés dans le contexte du projet de loi C-10B. Ils veulent des garanties de pouvoir poursuivre leurs activités d'élevage courantes sans être exposés à des risques de poursuites pénales.
J'ai une garantie que l'administration de la justice ne permettra pas de telles poursuites. Je suis satisfait du projet de loi et je suis heureux que le paragraphe 429(2) ait été éliminé. J'ai toutefois entendu le sénateur Andreychuk demander pourquoi on ne laisserait pas ce paragraphe si cela ne représente que quelques lignes supplémentaires.
Le ministre de la Justice a dit que le paragraphe 429(2) n'est pas nécessaire en raison de la présence du paragraphe 8(3). C'est ce que je pense également. Je suis satisfait du paragraphe 8(3). J'ai toutefois l'impression que les producteurs ne le sont pas. En tout cas, le sénateur Andreychuk ne pense certainement pas de cette façon. L'Animal Protection Act de l'Alberta précise que ces pratiques sont justifiables lorsqu'il est démontré qu'il s'agit des pratiques d'élevage courantes dans le domaine concerné. Cela devrait apaiser les craintes du sénateur Watt en ce qui concerne la chasse au phoque.
Le président: Voulez-vous terminer votre exposé, monsieur Fontaine?
M. Fontaine: Oui. Je terminerai sur la note suivante.
[Français]
Le sénateur Nolin a posé la question à savoir pourquoi l'augmentation des peines. En réponse, je suggère que la peine monétaire est de nature à décourager. Deuxièmement, la procédure sommaire et l'acte d'inculpation conviennent aux cas plus sérieux.
[Traduction]
Je vous remercie.
M. Ron Bonnett, membre du conseil d'administration, Fédération canadienne de l'agriculture: Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion d'exprimer nos opinions au sujet de la partie du projet de loi C-10 portant sur la cruauté envers les animaux.
La Fédération canadienne de l'agriculture représente 200 000 familles d'agriculteurs. Nous avons diverses organisations provinciales et plusieurs organisations représentant des groupements de producteurs spécialisés, notamment des producteurs de lait, des producteurs de poulet, des producteurs d'oeufs et des producteurs de dindon. Nous représentons un large éventail de producteurs agricoles.
Les diverses organisations provinciales et les groupements de producteurs spécialisés sont dotés d'une structure démocratique qui permet d'examiner les problèmes sous toutes les coutures et d'en discuter.
Je suis membre du conseil d'administration de la FCA. Je suis également président de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario qui représente 40 000 agriculteurs. J'ai en outre une ferme d'élevage bovin à proximité de Sault Ste. Marie, en Ontario.
Nous appuyons les dispositions législatives concernant la cruauté envers les animaux. Nous sommes en faveur de l'imposition de peines plus lourdes aux personnes qui commettent volontairement des actes de cruauté envers les animaux. Nous avons participé à l'élaboration de codes de déontologie pour permettre aux agriculteurs de gérer leur bétail de la façon la plus efficace possible.
Si nous sommes ici aujourd'hui, ce n'est pas pour diluer le projet de loi mais pour examiner certaines faiblesses auxquelles il faudrait remédier. Nous pensons que nos moyens de défense actuels seront plus limités si l'on omet d'inclure un renvoi au paragraphe 429(2) du Code criminel; cela pourrait constituer un risque pour les éleveurs.
Nous proposons une solution très simple. Les agriculteurs ont tendance à aimer la simplicité et nous proposons d'apporter l'amendement qui suit à l'article 182.5, pour en modifier le libellé:
Les paragraphes 8(3) et 429(2) s'appliquent aux procédures relatives à une infraction en vertu de la présente partie.
M. David Wilson et Mme Lynn Starchuk, nos conseillers juridiques, ont préparé deux avis; je pense d'ailleurs qu'ils sont annexés au mémoire qui vous a été remis. M. Wilson en fera un exposé succinct lorsque j'aurai terminé mon exposé.
Nous voudrions également traiter de plusieurs autres questions en ce qui concerne le projet de loi. Le fait que l'on veuille déplacer la partie concernant la cruauté envers les animaux de la partie XI du Code criminel, Actes volontaires et prohibés concernant certains biens à la Partie V, Infractions d'ordre sexuel, actes contraires aux bonnes moeurs, inconduite, nous préoccupe.
Je pense que l'on peut affirmer qu'au cours des 50 dernières années, les animaux ont été protégés efficacement dans le contexte de la partie du Code criminel consacrée aux biens. En faisant passer ces dispositions de cette partie à la partie consacrée aux infractions d'ordre sexuel, le gouvernement élève le statut des animaux dans la société. C'est un changement qui préoccupe les agriculteurs. Nous sommes en mesure d'utiliser les animaux pour la production alimentaire parce que ceux-ci sont considérés comme une denrée. Le terme «biens» doit le refléter. Le traitement humain des animaux n'est pas compromis par la présence de ces dispositions dans la partie du Code consacrée aux biens.
Nous voudrions proposer un compromis, à savoir modifier le titre de la partie V comme suit:
Cruauté envers les animaux, biens privés et publics.
La référence aux biens publics étendrait l'application de ces dispositions aux personnes qui craignent que les animaux sauvages ne soient maltraités. Ce changement indiquerait dans cette partie qu'il s'agit de biens et pas d'infractions sexuelles.
Je voudrais également faire des commentaires au sujet de la définition du terme «animal». Nous sommes préoccupés par le fait qu'on associe la douleur à la définition d'un terme. L'absence de définition n'a jamais été un obstacle aux poursuites. Pourquoi vouloir établir une définition si son absence n'avait jamais posé de problèmes? Nous pensons que cette définition risque d'accroître la confusion et de causer inutilement des problèmes.
M. David K. Wilson, avocat, Fédération canadienne de l'agriculture: Mes commentaires porteront principalement sur les cinq principaux motifs juridiques pour lesquels la FCA appuie le maintien de la défense liée à l'apparence de droit en apportant un amendement mineur au projet de loi C-10.
L'apparence de droit est un moyen de défense important. Cette défense est applicable lorsqu'on est sincèrement convaincu d'un état de fait ou de droit. C'est une défense particulièrement importante dans la mesure où elle protège les pratiques d'élevage reconnues. Sans l'apparence de droit, le caractère raisonnable des pratiques d'élevage reconnues pourrait être examiné à la loupe dans le cadre de poursuites criminelles. Cette perspective préoccupe la FCA au plus haut point.
Le projet de loi C-10 sous son libellé actuel ne maintient pas l'apparence de droit. La Cour suprême du Canada a mentionné clairement que l'apparence de droit n'est pertinente que lorsqu'elle est incluse dans la définition d'une infraction criminelle, ce qui est le cas actuellement dans les affaires de cruauté envers les animaux fondées sur les dispositions du paragraphe 429(2).
Le projet de loi C-10 éliminerait toute possibilité d'invoquer l'apparence de droit dans les poursuites pour cruauté envers les animaux. Par conséquent, j'estime que le paragraphe 429(2) n'est pas redondant. Les commentaires qui ont été faits à ce sujet sont tout à fait inexacts, à mon avis.
Ensuite, l'adoption par le biais du projet de loi C-10 d'un seuil de culpabilité plus bas, alors que les dispositions actuelles précisent que la conduite doit être volontaire pour établir une infraction, est une source de préoccupations et de problèmes. Le projet de loi C-10, et plus particulièrement l'article 182.3, criminalisera la négligence. C'est pourquoi il est extrêmement important que la défense de l'apparence de droit soit protégée.
Enfin, les précédents indiquent que l'apparence de droit s'applique à des opinions sincères mais erronées, pas seulement en ce qui concerne les faits, mais aussi en ce qui concerne la loi. C'est pourquoi ce moyen de défense peut être considéré comme une exception restreinte au principe que l'ignorance de la loi n'est pas une excuse.
Étant donné le mode d'application de l'article 19 du Code criminel, ce moyen de défense disparaîtrait dans le contexte du projet de loi C-10 tel qu'il se présente actuellement.
L'amendement que la FCA propose préserverait l'application du paragraphe 429(2) aux cas de cruauté envers les animaux. Cet amendement ne ferait pas obstacle à la modernisation des dispositions législatives dans ce domaine, mais il protégerait les droits légitimes des utilisateurs d'animaux.
M. Bonnett: Honorables sénateurs, nous ne demandons pas un traitement de faveur. Nous voulons être en mesure de maintenir les pratiques d'élevage courantes reconnues et être à l'abri de poursuites malveillantes et injustes. Nous sommes préoccupés par les frais que pourrait entraîner un procès si nous sommes forcés de nous défendre. Nous pensons qu'il est possible de régler le problème tout de suite.
Nous appuyons l'esprit du projet de loi, mais pas au détriment de nos droits légitimes.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez employé tous deux les termes «moderniser le système» et vous avez proposé des amendements au projet de loi C-10B.
Monsieur Fontaine, approuvez-vous le projet de loi sous son libellé actuel, sauf en ce qui concerne l'amendement que vous avez proposé?
M. Fontaine: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Pourriez-vous répéter votre amendement?
M. Fontaine: Je suggère que vous examiniez l'Animal Protection Act de l'Alberta pour que les pratiques courantes d'élevage dans le secteur de l'élevage du bétail soient autorisées et exemptes de poursuites.
Le sénateur Buchanan: Cet amendement ne s'appliquerait-il pas également aux homards?
M. Fontaine: Si.
Le sénateur Beaudoin: C'est un bon point de départ.
M. Fontaine: Notre définition est moins complexe que celle de l'Animal Protection Act de l'Alberta qui mentionne seulement qu'un animal n'est pas un être humain.
Le sénateur Beaudoin: Quel amendement avez-vous à proposer, monsieur Bonnett?
M. Bonnett: Nous avons plusieurs amendements à proposer. L'un consiste à modifier le libellé du paragraphe 429(2) de sorte à maintenir la protection actuelle. Un autre consisterait à ajouter un sous-titre au-dessus de l'article 51 qui ferait mention des biens publics et privés. Ce sous-titre confirmerait l'intention de couvrir les biens et de ne pas faire un lien entre les animaux et les êtres humains.
Le troisième amendement consisterait à supprimer la définition du terme «animal», pour les mêmes raisons que celles invoquées en ce qui concerne le homard. Nous craignons notamment que cette définition soit exploitée par certains groupes préoccupés au sujet des vers de terre tués par la charrue de l'agriculteur. Pourquoi créer un tel problème?
Le président: Je voudrais que M. Wilson nous donne son opinion sur l'utilisation des titres comme outil d'interprétation.
M. Wilson: En principe, le titre d'une partie de loi est un outil d'interprétation utile. Il ne modifie pas de façon substantielle le contenu des diverses parties de la loi. Cependant, la Cour suprême du Canada et d'autres tribunaux ont parfois trouvé les titres utiles et importants. Ils permettent de nuancer l'interprétation des autres dispositions.
Je voudrais faire des commentaires au sujet de l'amendement proposé par la FCA en ce qui concerne le paragraphe 429(2). Je suis conscient que plusieurs organismes sont préoccupés au sujet de la suppression du paragraphe 429(2). Je trouve qu'il est utile de faire quelques commentaires sur l'approche de la FCA. La FCA tient compte du fait que ce projet de loi a atteint un stade avancé. Elle ne recommande pas une ablation radicale. Comme l'a mentionné M. Bonnett, la FCA appuie l'objet et l'effet du projet de loi. Il faut toutefois reconnaître que plusieurs problèmes se posent.
Les commentaires que j'ai faits portaient principalement sur la perte des moyens de défense fournis par le paragraphe 429(2). La suppression de ce paragraphe est une tentative d'ablation radicale alors que la FCA propose une solution plus flexible dans son amendement.
Le sénateur Beaudoin: D'une manière générale, et mis à part les amendements que vous proposez, approuvez-vous le projet de loi? Vos amendements nécessitent-ils des commentaires plus précis?
M. Wilson: Mes commentaires portent sur l'amendement concernant le paragraphe 429(2). Je pense que les avis juridiques diffèrent quant à l'importance de ce paragraphe. Les représentants du gouvernement affirment qu'il est redondant, qu'il n'a aucune signification profonde et que la common law couvre entièrement les dispositions.
L'article 429 porte sur la justification ou l'excuse légale et ne chevauche donc pas la common law. On peut interpréter les cas de diverses façons quant à savoir si cet article complète la common law. En ce qui concerne toutefois l'apparence de droit, la situation est totalement différente. L'apparence de droit est un concept qui, d'après la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Jones, ne peut être applicable que s'il inclut la définition d'une infraction criminelle. Dans ce cas, la Cour suprême a rejeté la requête d'un groupe autochtone qui tentait d'invoquer l'apparence de droit pour justifier certaines pratiques en matière de bingo sous prétexte qu'il n'y avait pas de pendant à l'article 429.
Si l'on applique ce raisonnement à la partie concernant la cruauté envers les animaux et que le Parlement se débarrasse de l'article 429, il faudrait alors se poser la question suivante: est-ce que l'apparence de droit a encore sa place dans le Code criminel?
À mon humble avis, elle n'aurait plus sa place en raison de l'interprétation faite par la Cour suprême du Canada et de la façon dont les tribunaux interpréteraient un changement de cet ordre. Les tribunaux invoqueraient le motif que le Parlement avait l'intention manifeste de supprimer l'article 429 et expressément l'apparence de droit. En l'absence de quelques précédents jetant de l'éclairage sur la notion d'apparence de droit dans le contexte de la common law en vertu du paragraphe 8(3), cette question poserait un gros problème. Je ne connais aucun précédent en jurisprudence.
Ces considérations m'amènent à présenter un deuxième argument: personne ne s'en soucie. Est-ce que l'apparence de droit a de l'importance? Le nombre de précédents n'est pas très élevé, ce qui est un désavantage. La Cour suprême du Canada n'a pas examiné la question de la cruauté envers les animaux et n'a qu'effleuré le sujet de l'apparence de droit. Nous travaillons avec des outils extrêmement limités.
Le jugement rendu dans l'affaire Comber constitue cependant un de ces précédents limités. L'apparence de droit a été le moyen de défense principal en ce qui concerne un agriculteur qui avait été accusé parce qu'il avait accidentellement abattu un chien en tentant de l'effrayer et qu'il avait tiré une deuxième fois sur le chien pour mettre fin à ses souffrances. On a invoqué l'apparence de droit pour défendre la cause de cet agriculteur. C'est grâce à cela qu'il a été déclaré non coupable.
Quelqu'un a mentionné que le comportement de cet agriculteur était parfaitement raisonnable et qu'il n'aurait pas plus de problèmes aux termes des dispositions actuelles. Dans cette affaire, le tribunal n'a toutefois pas examiné le caractère raisonnable de ce comportement. Il a décidé que l'agriculteur avait la sincère conviction, quoique peut-être erronée, que l'animal ne survivrait pas et l'a par conséquent achevé pour mettre fin à ses souffrances. C'est l'élément qui a servi de base à la défense liée à l'apparence de droit.
Je l'ai mentionné pour mettre l'accent sur le fait qu'il s'agit d'un secteur de droit très complexe, très difficile et qui a été très peu examiné par les tribunaux. Ce n'est pas le moment d'éliminer des moyens de défense importants sous prétexte qu'ils sont redondants.
M. Fontaine: Je voudrais faire quelques brefs commentaires sur l'amendement proposant d'intégrer l'article pertinent de l'Animal Protection Act au projet de loi C-10B. Pour mettre les choses au point, je signale que je ne recommande pas de maintenir le paragraphe 429(2), puis d'insérer les dispositions en question de l'Animal Protection Act. Si le paragraphe 429(2) est éliminé comme semble l'indiquer l'article 182, nous proposons d'intégrer le libellé de l'article pertinent de l'Animal Protection Act au projet de loi.
Le président: Monsieur Fontaine, si j'ai bien compris, contrairement à M. Wilson, vous ne pensez pas que si l'on supprime l'article 429, on perde du même coup la défense de l'apparence de droit.
M. Fontaine: Je ne suis pas très bien M. Wilson. J'ai toujours pensé que l'apparence de droit concernait les biens. Je pense qu'il doit être de mon avis. La partie XI porte sur les biens et les législateurs qui ont adopté le paragraphe 429(2) avaient probablement l'intention de fournir un moyen de défense lié aux biens. C'est une situation différente et l'apparence de droit n'est même pas mentionnée au paragraphe 8(3), mais certains principes de la common law sont fondés sur l'excuse légale. Je pense que cela s'appliquerait à l'apparence de droit.
Cela ne me préoccupe pas que le paragraphe 429(2) disparaisse. Je pense que l'on pourra invoquer les mêmes moyens de défense en vertu du paragraphe 8(3). M. Roger Tassé a fait la même suggestion. Ma suggestion est appuyée par la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Regina c. Holmes, en 1988.
[Français]
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que vous avez son amendement?
M. Fontaine: J'ai simplement vu sa présentation. Monsieur Tessier a suggéré qu'il n'y avait aucun risque d'atteinte à la défense de l'article 429(2). Il a simplement indiqué que grâce à l'article 8(3), nous avions préservé la défense des principes du droit commun.
Le sénateur Beaudoin: Je ne saisis pas très bien. Qu'est-ce qu'il propose? Il a sans doute rédigé un texte?
M. Fontaine: Si je ne m'abuse, M. Tessier a indiqué simplement qu'à son avis le fait que l'article 429(2) soit éliminé du projet de loi C-10 — à l'époque C-17 — ne représentait pas un problème.
Le sénateur Beaudoin: Que disait le paragraphe qu'il a écarté?
M. Fontaine: Sans mentionner un article pouvant être inclus dans le projet de loi C-17, M. Tessier, alors qu'il s'adressait au comité, avait simplement indiqué que si l'article 429(2) était éliminé, les défenses prévues sous l'article 8(3) existeraient tout de même. C'est la position que je maintiens. Cette position est d'ailleurs appuyée par la décision de la Cour Suprême du Canada dans l'arrêt Regina c. Holmes. Ai-je bien répondu à votre question ?
Le sénateur Beaudoin: Oui. J'aimerais examiner les trois amendements afin de voir ce qu'il est possible de faire. Dans notre rapport, nous suggérerons, s'il y a lieu, des amendements à la loi. Il arrive que nous acceptions le rapport tel que présenté. Ce fût le cas concernant les armes à feux où il n'y eut aucun amendement. Le projet de loi C-10B pourra faire l'objet d'amendements. Notre rôle est d'entendre des témoins et des experts. Dans le cas où ceux-ci produisent des documents, nous pouvons suggérer des amendements à notre législation. Nous sommes ici pour améliorer les choses.
M. Fontaine: J'aimerais suggérer que la Loi sur la protection des animaux, telle qu'elle existe en Alberta, soit soumise au comité afin que vous puissiez en examiner la formulation.
[Traduction]
Je peux vous procurer le texte de l'Animal Protection Act de l'Alberta.
Le président: Nous demanderons au greffier de communiquer avec vous, monsieur Fontaine.
M. Wilson: Je voudrais clarifier un point. Nous devons reconnaître que dans ce domaine, la loi n'est pas très limpide et que l'apparence de droit a ses racines dans le droit des biens.
Il est clair que la portée de l'apparence de droit n'est pas limitée aux droits concernant les biens. L'affaire Watson portait sur un membre de Greenpeace qui était accusé de méfait en haute mer et n'avait pas le moindre rapport avec des droits de propriété. Le concept de la doctrine a toutefois été reconnu comme un concept qui devait être examiné par le tribunal.
En ce qui concerne la cruauté envers les animaux, le fait que la personne concernée soit propriétaire de l'animal ou non n'est pas en cause. Ainsi, dans l'affaire Comber, le seul cas de cruauté envers les animaux où une décision a été rendue au sujet de l'apparence de droit, il s'agissait d'une personne qui avait tiré sur un chien errant pour protéger du gibier qui était sur son terrain mais n'était pas sa propriété.
Je signale que le principe de l'apparence de droit est un principe important qui ne se limite pas aux droits de propriété. C'est un aspect important.
Le sénateur Jaffer: Il s'agit de la partie V.I et pas V. Monsieur Bonnett, je pense que vous faites erreur en disant qu'il s'agit de la partie concernant les infractions d'ordre sexuel. Il s'agit de la partie V.I. Je crois que c'est une partie différente.
M. Bonnett: Le titre est différent.
Le sénateur Jaffer: Je n'ai pas lu l'arrêt Watson. J'ai toutefois toujours cru que l'apparence de droit était liée aux biens. Si j'ai bien compris, ce projet de loi retire les dispositions concernant les animaux de la partie du Code portant sur les biens. Je lirai donc l'arrêt Watson.
M. Wilson: Je pense que la loi indique clairement que l'apparence de droit n'est pas limitée aux droits de propriété, même si ce concept a des liens historiques avec les droits de propriété.
Il est en outre probablement exact que le concept des biens soit particulièrement applicable dans certains cas. Pour prendre comme exemple un cas de cruauté envers un animal et une situation liée aux pratiques agricoles, le fait que les animaux, du point de vue de l'agriculteur qui s'efforce d'agir humainement, soient une denrée peut avoir une incidence sur l'application du principe de l'apparence de droit. La loi devient un peu plus complexe, mais l'apparence de droit n'est pas limitée aux droits de propriété alors que le concept des biens peut être applicable dans certains cas, ce qui est une raison supplémentaire pour maintenir ce moyen de défense.
Le sénateur Jaffer: N'est-il pas exact que, dans le Code, «l'apparence de droit» fasse partie des défenses liées aux biens?
M. Wilson: Actuellement, à l'article 429, l'apparence de droit fait partie d'une série d'articles concernant les biens. Cela n'implique toutefois pas nécessairement que la portée de l'apparence de droit soit restreinte aux droits de propriété. Certains tribunaux ont rendu des décisions qui vont dans ce sens.
Si le gouvernement décide de retirer les articles concernant la cruauté envers les animaux de la partie consacrée aux biens pour l'insérer dans une autre partie du Code, cela n'aura aucune incidence sur la nécessité et sur l'importance de l'apparence du droit. Elle demeurera un moyen de défense très important.
Le sénateur Jaffer: Je vous remercie tous les quatre d'être restés aussi tard. Nous avons apprécié vos efforts.
Le président: À l'instar du sénateur Jaffer, je tiens à vous remercier pour votre patience et pour vos exposés très intéressants et très fouillés.
Le sénateur Adams: Recevrons-nous le projet d'amendement avant que la séance soit levée?
Le président: Oui. Je pense que M. Fontaine présentera l'amendement au greffier. M. Bonnett et M. Wilson ont déjà remis leurs amendements.
M. Buy: Nous présenterons également un mémoire. Un autre groupe présentera la semaine prochaine un mémoire analogue au nôtre, sauf en ce qui concerne un amendement se rapportant aux problèmes qui seront exposés à cette occasion.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.