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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 7 - Témoignages du 13 février 2003


OTTAWA, le jeudi 13 février 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), se réunit ce jour à 10 h 56 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui deux groupes de témoins. Il s'agit de REAL Women of Canada et de la Coalition nationale pour la vie.

Normalement, nous donnons cinq minutes à chaque groupe pour son exposé. Je crois, madame Landolt, que vous n'avez pu nous faire parvenir votre mémoire qu'à la dernière minute. Les sénateurs n'ont donc pas eu l'occasion de l'étudier. Nous serons donc moins stricts sur le temps de votre exposé ce matin. Toutefois, si vous pouviez le condenser, ce serait utile car nous aimons bien garder assez de temps pour permettre aux sénateurs de poser des questions et d'avoir un échange avec vous.

Le sénateur Joyal: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Hier, j'ai dit que nous étions censés recevoir le guide du Conseil canadien de protection des animaux sur l'utilisation des animaux de laboratoire et les soins à leur donner. Le greffier m'a précisé que ce document nous avait été distribué en janvier. Il a effectivement été distribué en janvier, et je présente donc mes excuses à mes collègues. Le greffier du comité a dû faire parvenir à tous ce document en date du 9 janvier.

Les honorables sénateurs se souviendront que quand M. Gauthier, un représentant du Conseil canadien de protection des animaux, a comparu devant le comité il a mentionné ce guide et j'ai demandé qu'on en communique un exemplaire aux membres du comité.

Hier, des questions ont été posées à ce sujet. Ce matin, j'ai vérifié dans mon bureau et j'ai constaté qu'effectivement le guide avait été envoyé aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles par Marcy Zlotnick, le greffier du comité, le 9 janvier.

Le sénateur Nolin: Monsieur le président, au comité de la Chambre des communes, on a parlé d'une étude provenant de Justice Canada. Cette étude confirme qu'un individu qui peut manifester de la cruauté envers un animal peut aussi devenir dangereux pour les êtres humains. Peut-être serait-il possible d'obtenir cette étude de Justice Canada.

Le président: Nous allons vérifier.

Le sénateur Cools: C'est toute la question des affirmations qui ont été faites. Ce qu'il nous faut, ce sont des recherches solides sur la question. Il y a tout un corpus de recherches qui montrent les rapports entre le comportement psychopathe et la cruauté. Les gens qui sont cruels envers d'autres personnes sont aussi cruels envers les animaux. Ce sont des recherches très intéressantes et nous devrions convoquer des témoins à ce sujet aussi.

Le sénateur Nolin: De bonnes recherches, ce n'est pas la même chose que les conclusions des recherches.

Le sénateur Cools: Il faudrait examiner cela de près. Il y a des quantités de documents dans lesquels on saute aux conclusions sans preuves vraiment solides.

Le président: Madame Landolt.

Mme Gwen Landolt, vice-présidente nationale, REAL Women of Canada: Mesdames et messieurs les membres du comité, c'est toujours un plaisir de comparaître devant vous. Je suis très heureuse de pouvoir vous parler du projet de loi C-10B, le projet de loi sur la cruauté envers les animaux. Nous avons deux préoccupations à ce sujet.

Premièrement, le projet de loi étant l'infraction de cruauté. Je sais que vous avez déjà entendu Richard Mosley, sous- ministre adjoint, Droit criminel, ministère de la Justice, qui a dit que ce projet de loi ne changeait rien aux responsabilités de l'industrie. Toutefois, j'examinais le projet de loi et il étend les dispositions actuelles de cruauté envers les animaux au Canada. Dans la loi actuelle, on utilise le terme «volontairement», alors que dans le projet de loi on dit: «volontairement ou sans se soucier des conséquences». Cela donne un tout autre sens à l'interdiction de tuer ou blesser des animaux.

Il y a une autre disposition à l'article 182.3 proposé qui porte sur le fait de causer «de la douleur, des souffrances ou des blessures, sans nécessité» à un animal. Cette infraction n'existait pas dans la loi actuelle. En fait, il semble que nous ayons élargi l'infraction, ce qui risque de créer plus de problèmes à l'industrie car on n'a plus seulement le mot «volontairement», mais on ajoute «sans se soucier des conséquences» à la définition. L'industrie va donc être plus vulnérable qu'en vertu de la loi actuelle.

C'est un problème particulier car votre précédent témoin, M. Mosley, a dit que l'industrie devait conserver des pratiques sans cruauté. La norme de soin, c'est-à-dire l'absence de cruauté, n'est peut-être pas conforme aux pratiques habituelles et acceptées de l'industrie, qui pourra ultérieurement être accusée par un tribunal de causer des douleurs sans nécessité. En fait, un juge pourra décréter en vertu du projet de loi C-10B que les pratiques habituelles d'une industrie ne sont pas acceptables parce que la cruauté envers les animaux incluent non seulement les «actes volontaires», mais aussi les «actes commis sans souci des conséquences» et «qui causent une souffrance sans nécessité».

Il y a aussi la question des termes «sauvagement» et «cruellement». On ne définit pas ces deux mots. Là encore, c'est préoccupant. Qu'est-ce que cela signifie pour les Autochtones en fonction de leurs propres normes? Les fermes de chasse sont un autre exemple. Les collets à patte étaient inacceptables. Les collets à patte acceptables de mon temps, mais ils ne le sont plus parce que les normes de soins ont évolué. N'importe quel juge peut les changer. Si nous élargissons la définition de la cruauté envers les animaux, nous craignons que cela entraîne des problèmes pour l'industrie et pour nos Autochtones et leurs coutumes.

On a dit qu'en vertu des modifications apportées au Code criminel l'an dernier, les poursuites étaient plus difficiles. Je sais cependant que les agents de la Couronne et les représentants de certaines sociétés protectrices des animaux sont exemptés des dispositions de cette modification au Code criminel qui interdit les poursuites privées.

J'ai lu avec inquiétude ce qui suit dans le numéro de l'hiver 2000 de l'Alliance animale du Canada:

Je ne saurais insister suffisamment sur l'importance de ce changement. Cette place plus élevée qu'on donne aux animaux dans notre perspective morale et juridique constitue un précédent qui aura des répercussions extrêmement étendues. Nous y veillerons.

Autrement dit, non seulement l'industrie et les Autochtones vont être vulnérables à cause de la formulation de ce nouvel amendement, mais même si la Couronne n'intente pas de poursuites, les agents des sociétés protectrices des animaux le feront manifestement. C'est très préoccupant. Cet amendement a des répercussions très étendues.

Je passe maintenant à notre deuxième point, la définition de «animal» dans le projet d'article 182.1 est la suivante: «Dans la présente partie, ``animal'' s'entend de tout vertébré — à l'exception de l'être humain — et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur.» Là encore, je regarde ceci sous un angle juridique en tant qu'avocat. La définition semble créer une protection pour les êtres humains à naître ainsi que pour les animaux. Cette conclusion se fonde sur la loi suivante, que je vais résumer comme suit.

En vertu de l'article 223 du Code criminel, un enfant ne devient un être humain que lorsque «il a respiré, il a une circulation indépendante; ou le cordon ombilical est coupé.» En bref, le Code criminel prévoit qu'un enfant à naître ne devient un être humain qu'après être né et avoir été séparé de sa mère. Pourtant, l'article 223 du Code criminel, quand un enfant devient un être humain, a été appliqué dans l'affaire Lemay and Sullivan, en 1991. Dans cette affaire, un enfant était en train de naître et il y avait là pour aider à la naissance, deux femmes sans expérience médicale. La tête du bébé était sortie dans la filière génitale mais le reste du corps était coincé. Le travail durait depuis 24 heures lorsqu'on a amené la mère à l'Hôpital général de Vancouver. Comme l'a dit le juge d'instance, un jeune interne a utilisé une technique d'accouchement de base et le bébé est né en deux minutes, mais il était mort. La question s'est alors posée de savoir s'il s'agissait d'un être humain aux termes de l'article 223 du Code criminel. La Cour suprême du Canada a statué que non, ce n'était pas un être humain parce que son corps n'était pas encore complètement sorti, même si la tête l'était.

Le sénateur Nolin: Pouvez-vous répéter le nom des parties? Est-ce bien Lemay and Sullivan?

Mme Landolt: C'est à la page 5 du mémoire, Lemay and Sullivan. Nous savons qu'en vertu du Code criminel et du droit criminel un enfant n'est pas un être humain tant qu'il n'est pas complètement né.

Ensuite, selon le Code civil, de même que selon le common law anglais, il y a Daigle c. Tremblay. Dans ce cas, une injonction interlocutoire est demandée par le père d'un enfant à naître dans la province de Québec. La Cour suprême du Canada a écarté l'injonction interlocutoire accordée par la Cour d'appel du Québec considérant que l'enfant n'était pas un être humain et que par conséquent l'injonction contre la femme n'était pas valable.

En common law, il y a l'affaire Winnipeg Child and Family Services c. DFG, concernant une femme autochtone toxicomane habituée à inhaler de la colle. Son premier enfant était né normal, mais elle en a eu deux qui sont nés avec des anomalies foetales du fait de sa dépendance. Les trois enfants lui ont été enlevés par les services d'aide à l'enfant et placés en tutelle suivant une ordonnance de la cour parce qu'ils étaient en situation de risque du fait de la toxicomanie de la mère. Elle est devenue enceinte à nouveau. En vertu d'une ordonnance du tribunal, les services à l'enfant et à la famille de Winnipeg ont imposé à la mère un traitement médical. La Cour suprême du Canada a considéré à nouveau en 1997, que la femme ne pouvait pas être incarcérée parce qu'il ne s'agissait pas d'un être humain et que, par conséquent, il était impossible de protéger l'enfant, même s'il devait souffrir d'anomalies à sa naissance.

Ironiquement, comme la mère a été placée en traitement, son enfant n'a finalement pas eu d'anomalies parce qu'elle a été soignée et a cessé de renifler de la colle pendant cette période cruciale de sa grossesse. Mais il reste qu'aussi bien selon le Code criminel que selon le Code civil du Québec, et aussi selon le common law des provinces anglaises, l'enfant n'a pas été considéré comme un être humain en vertu de la décision de la Cour suprême du Canada.

Finalement en l'an 2001, il a eu l'affaire Martin v. Mineral Springs Hospital. Il s'agit d'un cas où pendant l'accouchement, un enfant est mort à la suite de la négligence avouée du médecin traitant. La mère a soutenu que si l'enfant n'était pas un être humain selon la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, elle avait droit à des dommages et intérêts pour la perte d'une partie de son corps de la même façon que s'il s'agissait de la perte d'un oeil ou d'un membre.

Madame le juge Rowbotham de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a refusé cette demande, disant que l'on ne pouvait être indemnisé pour la perte de la partie du corps qui était l'enfant à naître, parce qu'on ne peut être indemnisé pour le décès d'un enfant né ou d'un membre de la famille parce qu'il est impossible d'établir une valeur pécuniaire. Si l'on ne peut obtenir un dédommagement pour la perte d'un enfant né, il en va de même pour la perte d'un enfant à naître. Par conséquent, on a refusé d'accorder un dédommagement pour la perte d'un enfant à naître pour les mêmes motifs que s'il s'agit de la perte d'un enfant né. L'idée de l'enfant faisant partie du corps de la femme semble avoir été transformée l'année dernière par madame le juge Rowbotham.

Il semble que l'enfant ne peut pas être vraiment de la même matière que le corps de la mère à cause de son ADN. Nous savons maintenant que l'enfant a un ADN totalement distinct de celui de la mère. On ne le savait pas du tout avant. C'est tout à fait nouveau. Même si l'ADN a été découvert en 1953, ce n'est que récemment qu'il a été possible d'établir que l'enfant a un ADN tout à fait séparé et distinct de celui de la mère. C'est un individu distinct.

Encore une fois, dans l'affaire Borowski v. Attorney General of Canada, à la Cour du Banc de la Reine de Saskatchewan, le juge a estimé que les études génétiques et embryologiques modernes ont confirmé que l'enfant à naître constituait au plan génétique une entité distincte depuis le moment de la conception ou peu après. La cause Borowski a été renversée pour d'autres motifs, mais les conclusions du juge d'instance sur le caractère distinct de l'enfant n'ont pas été renversées.

En conséquence, au Canada, l'enfant à naître n'est pas un être humain, ni en droit criminel ni en droit civil. En outre, comme la mère de l'enfant à naître ne peut pas être dédommagée pour la perte de son enfant parce qu'il est considéré comme une entité séparée, il semble que ce n'est pas un être humain selon les définitions de ce projet de loi.

Lorsque ce projet de loi sera adopté, ce sera une infraction de causer une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité, à un enfant à naître, et les mots «sauvagement» et «cruellement» seraient aussi applicables. Selon l'article 182.3 de ce projet de loi, ce sera une infraction de causer une douleur, souffrance ou blessure par négligence. Nous avons déjà vu des décisions très convaincantes aux États-Unis suivant lesquelles des dédommagements ont été versés pour des enfants blessés in utero. De plus, ironiquement, les femmes peuvent maintenant être dédommagées pour la perte d'un embryon suite à l'utilisation des nouvelles technologies médicales.

L'interprétation de la loi est devenue plus claire et même si ce n'est pas un être humain, juridiquement parlant, il semble bien que l'on commence à le considérer comme tel.

Il faut souligner que si le statut et la protection des animaux sont renforcés grâce au projet de loi C-10B, ces protections doivent aussi être accordées à la vie humaine à naître. Ce projet de loi est rédigé de façon à donner aux animaux ce que les défenseurs des droits des animaux appellent le statut de «personne» afin qu'ils aient en quelque sorte une valeur juridique devant les tribunaux. Étant donné la définition que les tribunaux canadiens ont de l'enfant à naître, il serait impensable de ne pas accorder les mêmes droits à l'enfant à naître également en vertu du projet de loi C- 10B.

Cette conclusion n'a rien de surprenant parce que, par exemple, en février 1887, lorsque l'on a créé la Humane Society de Toronto, elle avait de grands objectifs humanitaires, notamment en ce qui concerne les chevaux et aussi les enfants négligés et abandonnés. À New York, en 1874, dans la célèbre cause d'une enfant adoptée, Mary Ellen, lorsque la police et le bureau du procureur de district ont refusé leur aide pour négligence et malnutrition grave, la American Society for the Prevention of Cruelty est venue à la rescousse. Elle a intenté des poursuites et gagné sa cause pour assurer la protection de l'enfant qui était traité comme un animal et était membre du royaume animal. C'est ainsi qu'une protection a été accordée à cet enfant, Mary Ellen.

Il est assez normal que le moment soit venu d'accorder cette protection en vertu du projet de loi C-10B, ou d'une autre loi, parce qu'environ 110 000 avortements ont été effectués au Canada l'année dernière. Ainsi, un plus grand nombre de Canadiens ont été tués par avortement au Canada en une seule année que dans toutes les guerres auxquelles le Canada a participé au XXe siècle. Le projet de loi C-18B peut donner le moyen de mettre un terme à la douleur et aux souffrances et à la mort d'êtres humains à naître qui sont actuellement selon la loi canadienne, relégués à un statut plus bas que celui des animaux.

La seule conclusion à laquelle on puisse parvenir lorsqu'on regarde la common law, le Code criminel et le droit civil du Québec, c'est que l'article 182 du projet de loi C-10B accorde une protection aux animaux, et que celle-ci s'applique manifestement à l'enfant humain à naître, ce dont nous nous réjouissons.

Mme Karen Murawsky, directrice nationale des Affaires publiques, Coalition nationale pour la vie: Merci de nous avoir invités à venir à votre comité.

La Coalition nationale pour la vie est l'organisation politique nationale pro-vie. Selon notre mandat, nous devons prendre note de toutes les questions examinées au Parlement et susceptibles d'influencer le statut des enfants à naître et des autres personnes vulnérables. C'est dans ce contexte que nous avons examiné le projet de loi C-10B et certains éléments du projet de loi méritent notre attention.

Je noterais que vous avez sous les yeux un mémoire datant du 13 février. Il y avait auparavant un autre mémoire qui a été modifié quand le projet de loi a été divisé. Je vous invite à vous reporter au mémoire du 13 février et à ne pas tenir compte du précédent.

M. Aidan Reid, agent des Affaires publiques nationales, Coalition nationale pour la vie: Dans le contexte de cette loi, ce qui nous préoccupe essentiellement, c'est la définition d'animal et la notion de protection des animaux et des enfants avant la naissance dans ce contexte. À l'article 182.1, on constate que «animal» signifie un vertébré, à l'exception de l'être humain, et tout autre animal pouvant ressentir la douleur.

On peut se demander s'il est possible de déterminer quels animaux peuvent ressentir la douleur et s'il y a un sens à essayer de déterminer leur statut en fonction de ce projet de loi. En revanche, il existe des témoignages scientifiques importants et convaincants qui montrent que les enfants en gestation ressentent de la douleur dès les premiers stades de la vie dans le ventre de la mère. Et pourtant, on oblige des êtres humains en gestation à subir des souffrances qui seraient interdites en vertu du projet de loi C-10B dans le cas des animaux.

Où est l'équilibre moral dans ce raisonnement? Le gouvernement refuse de protéger les enfants avant la naissance et envisage d'autoriser qu'on les tue simplement pour obtenir leurs cellules souches. En vertu du Code criminel, les enfants en gestation ne sont pas des êtres humains, puisque ce statut est réservé à ceux qui sont nés.

Actuellement, il n'est apparemment pas politiquement correct de reconnaître le droit le plus fondamental de l'enfant à naître, le droit à la vie.

En revanche, nous avons ce projet de loi C-10B qui reconnaît la gravité de la cruauté envers un animal. Il y est stipulé qu'une infraction peut entraîner une peine de prison de cinq ans, ou une amende et 18 mois de prison.

Allons-nous créer un système dans lequel on accordera aux animaux plus de valeur qu'aux humains?

Quand M. Gérald Lafrenière, de la Division du droit et du gouvernement à la Bibliothèque du Parlement, a analysé le projet de loi, il a dit qu'il avait été présenté parce qu'il y avait «de plus en plus de preuves scientifiques d'un lien entre la violence infligée aux animaux et la violence familiale ou la violence envers les gens en général». De même, le Dr Philip Ney écrivait en 1979 dans The Psychological Aspects of Abortion:

La libéralisation de l'avortement fragilise le tabou social de l'agression contre les êtres sans défense. À une époque où nous prenons tellement soin de ne pas perturber l'équilibre délicat de l'écologie animale et végétale, on se demande comment nous pouvons être aussi aveugles aux répercussions du meurtre d'enfants humains en gestation sur l'ensemble de l'humanité.

Les animaux sont des êtres qui ressentent la douleur et qui ont besoin d'une vaste protection dans notre société. Les enfants humains ressentent la douleur in utero mais ne sont pas protégés par notre société. N'est-ce pas révélateur de la place qu'on accorde aux animaux par rapport aux êtres humains dans l'échelle des valeurs humaines?

En conséquence, on pourrait inclure les enfants à naître dans la catégorie des «animaux» dans ce projet de loi. Le projet de loi C-10B aurait le grave tort de ne pas reconnaître aux êtres humains un statut plus élevé que celui des animaux, mais au moins il protégerait les enfants humains avant la naissance.

Le sénateur Beaudoin: Vous soulevez un problème délicat. Du point de vue pénal, le foetus n'est pas protégé. En droit civil, il ne l'est pas, pas plus qu'en common law. Nous avons cette définition de l'article 182.1. Vous dites que l'animal est plus protégé que le foetus. C'est bien ce que vous avez dit au début?

Mme Landolt: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce que vous voudriez qu'on redéfinisse le mot «animal»? Je ne vois pas en quoi l'article 182 proposé dans le projet de loi pourra modifier l'interprétation que les tribunaux donneront à la notion d'avortement en droit criminel. Il est exact que le foetus n'est pas protégé parce que les tribunaux ont dit que le foetus n'existait pas en tant que tel tant que l'enfant n'est pas né. Je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus.

Le Parlement du Canada peut définir l'avortement. Nous pouvons modifier le Code criminel et protéger le foetus. Naturellement, ce serait possible. Toutefois, ce projet de loi porte sur la cruauté envers les animaux. Je ne vois pas comment on peut dire qu'un foetus humain est un «animal», c'est impossible. Est-ce que vous voulez dire que l'enfant qui n'est pas né est un animal et que par conséquent il relève de la définition de l'article 182?

Mme Landolt: Justement, sénateur Beaudoin, il correspond à la définition. On y parle de «tout vertébré», ce qui inclut les enfants en gestation, «à l'exception de l'être humain». En droit civil et criminel, un foetus n'est pas un être humain, mais il y a ensuite «pouvant ressentir la douleur», et nous savons qu'un foetus ressent de la douleur. Il correspond donc parfaitement à la définition. Vous dites que ce serait en contradiction avec l'article 223 du Code criminel parce que le foetus n'est pas un être humain tant qu'il n'a pas été séparé de sa mère. Ces deux dispositions sont contradictoires.

Il faut croire que le ministre de la Justice savait ce qu'il faisait quand ce projet de loi a été rédigé avec cette vaste définition qui englobe les enfants en gestation. Nous savons tous que les êtres humains font partie de la catégorie animale. Ce ne sont pas des méduses ou des céphalopodes, des tubercules ou des légumes. Ils sont bien quelque chose, donc ce sont des animaux.

Il y a donc un conflit. L'article 223 du Code criminel dit qu'un foetus n'est pas un être humain. Le projet de loi, s'il est adopté, dira qu'il existe une protection parce qu'un foetus n'est pas un être humain en vertu de l'article 223 du Code criminel. Le projet de loi stipule que ce je-ne-sais-quoi, même si ce n'est pas un être humain, est protégé en vertu de cette disposition. Cet article protège ce je-ne-sais-quoi. Nous ne savons pas ce que c'est, mais nous savons que c'est un animal. Et nous savons aussi que les êtres humains sont tous des animaux. Nous savons que ce projet de loi protège le foetus, même si ce n'est pas un foetus d'être humain. C'est un problème. Nous savons qu'il ne s'agit pas d'un être humain en vertu du Code criminel ou du Code civil ou de la common law.

Le sénateur Beaudoin: C'est certain.

Mme Landolt: Le projet de loi concerne quelque chose qui, par définition, n'est pas un être humain. Si le foetus n'est pas un être humain, il doit bien être quelque chose. C'est pour cela que l'enfant dans l'utérus s'inscrit parfaitement dans les quatre dispositions. Il y a donc un conflit. D'un côté, on dit que ce n'est pas un être humain mais de l'autre on dit que ce n'est pas un être humain mais que c'est protégé quand même. Voilà ce qui s'est passé.

J'imagine que le ministre de la Justice savait ce qu'il faisait quand il a rédigé ce projet de loi, mais il englobe l'enfant non encore né. Même si ce n'est pas un être humain, ce foetus est protégé par ce projet de loi.

Le sénateur Beaudoin: Le droit pénal est un droit de la défense. Nous devons être précis dans le Code criminel. Les tribunaux ont tranché sur la question de l'avortement. Le Parlement peut néanmoins légiférer, c'est certain. Il n'a pas légiféré depuis de nombreuses années, pas depuis les célèbres affaires d'avortement.

Nous examinons maintenant la question de la cruauté envers les animaux. Il va peut-être falloir apporter un amendement à l'article 181.2. Nous avons entendu beaucoup d'interventions sur la définition. Ce n'est pas parfaitement clair. Mais je ne pense pas qu'on puisse déduire des articles proposés dans le projet de loi C-10B que le foetus sera couvert par cet article. Cela va trop loin. Je ne vois pas comment un tribunal pourrait parvenir à une telle conclusion.

Peut-être que le foetus n'est pas protégé du tout; peut-être qu'indirectement un tribunal pourrait en arriver à la conclusion qu'il faut protéger le foetus. C'est possible. Toutefois, dans un domaine comme le droit pénal, on doit être très précis et on ne peut pas extrapoler cette conclusion de l'article 181.2 sous sa forme actuelle. Voilà mon argument.

J'ai un problème juridique. Vous dites que l'enfant en gestation doit être un animal et qu'il correspond par conséquent à la définition. Comment est-ce possible? Un être humain, c'est un être humain. Un animal, c'est un autre être.

Le projet de loi porte sur la cruauté envers les animaux. Il n'a rien à voir avec les êtres humains, pour autant que je puisse en juger, ou avec le foetus avant qu'il devienne un être humain.

Mme Landolt: C'est justement notre argument, sénateur Beaudoin. La définition est tellement vaste qu'elle englobe l'enfant à naître. C'est à un tribunal d'en décider. En vertu de la Charte, tout est possible dans les tribunaux. En vertu de l'article 15 et de l'article 1 de la Charte, les tribunaux ont une vaste latitude pour interpréter des choses qui n'ont jamais été tranchées. Dans toutes les affaires de droit criminel, les tribunaux ont dû interpréter tout ce qui touchait de plus ou moins près à l'avortement. Le tribunal n'acceptera peut-être pas notre argumentation, mais cette définition ouvre la porte, et nous nous en réjouissons. Nous nous soucions des animaux. Nous nous soucions de toute vie humaine. Nous sommes heureux d'avoir une définition assez large pour englober tout cela.

Le sénateur Beaudoin: Je ne vois pas comment la Cour suprême du Canada, qui a rendu des décisions sur l'avortement, pourrait parvenir à une telle conclusion. Elle s'est prononcée sur l'avortement. S'il faut changer la loi, le Parlement peut le faire. Quant à savoir s'il faut le faire ou non, c'est une autre question. En tout cas, la Cour s'est prononcée sur ce sujet. Je ne vois pas comment elle pourrait déduire de cette loi qu'il faut admettre que le foetus bénéficie de cette protection. Ce n'est pas l'objet de ce projet de loi.

Mme Landolt: Il faut tout de même croire que quand il a autorisé cette vaste définition, le ministre savait ce qu'il faisait. Pour quelle autre raison aurait-il accepté cette définition? C'est aux tribunaux d'en décider.

Mme Murawsky: Honorable sénateur, nous essayons de protéger l'enfant qui est en quelque sorte exclu de la race humaine avant sa naissance. Nous essayons de trouver cette protection là où c'est possible. Nous connaissons tous bien les affaires que Mme Landolt a citées, mais j'ai aussi un exemple qui me vient de ma propre expérience. Par suite d'une négligence médicale, ma belle-fille a perdu un enfant à la naissance. Il n'y a pas d'indemnisation pour cet enfant, parce qu'il n'existe pas. Il n'y a pas de victime. En l'occurrence, on a évoqué l'affaire de l'enfant de Winnipeg. Cet enfant est totalement exclu de la race humaine. Le Code criminel parle d'un «enfant non encore né». Où cet enfant trouve-t-il sa place? C'est la première fois que nous voyons une place dans un projet de loi pour cet enfant, alors nous sautons sur l'occasion.

Le sénateur Beaudoin: Pour résumer, je pense que la Cour estimera que c'est au Parlement de dire exactement ce qu'il veut. Un animal est un animal; un être humain est un être humain; un foetus est un foetus. C'est quelque chose qui relève du pouvoir législatif de l'État. Tirer une autre conclusion d'un projet de loi comme celui-ci, c'est un peu tirer les choses par les cheveux, à mon avis. Je voulais simplement soulever le problème.

Le sénateur Joyal: Merci d'avoir attiré notre attention sur ce problème car cela montre l'importance des définitions dans ce projet de loi. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit initialement. On nous a dit que ce projet de loi servait simplement à accroître les sanctions dans les cas de cruauté envers les animaux, mais plus nous l'étudions, plus nous prenons conscience de ses applications.

Vous devriez peut-être lire le témoignage des deux experts que nous avons entendus hier soir, les professeurs Livingston et Adamo, qui nous ont parlé de la douleur chez les animaux. Je vous suggère d'ajouter cela à vos références car c'était très utile.

Je pense personnellement qu'il faudrait supprimer «et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur» de cette définition. Les deux professeurs nous ont clairement démontré qu'il y avait cinq classes de vertébrés. Je ne vais pas répéter tout cela, c'est au compte rendu. Le seul autre groupe d'êtres qui pourraient être rattachés à la définition d'«animal» selon les scientifiques, ce sont les céphalopodes, comme vous l'avez dit vous-même. D'après les experts scientifiques, tous les autres ne peuvent pas éprouver de souffrance. Si nous voulons protéger les insectes, c'est à nous d'en décider, mais ils ne sont pas inclus dans cette définition et c'est à mon avis une redondance de mentionner la «douleur».

Cela dit, il y a un point sur lequel j'ai du mal à suivre le raisonnement présenté dans votre mémoire. Vous dites à la page 5 de votre mémoire que la Cour suprême du Canada a décrété que l'enfant non encore né faisait partie du corps de sa mère. Cette notion est reprise dans le Code criminel, la common law et le Code civil du Québec. Je crois que la Cour a fait preuve de cohérence — peut-être qu'elle a tort, mais elle a été cohérente — quand elle a maintenu que l'enfant non encore né faisait partie du corps de la mère.

Par conséquent, s'il fait partie du corps de la mère, il n'est pas inclus dans la première partie de la définition qui dit qu'un animal est «un vertébré, à l'exception de l'être humain». Le foetus étant assimilé au corps de la femme, il est exclu de la première partie de la définition.

S'il est exclu de la première partie de la définition, nous passons à la deuxième partie. Dans cette deuxième partie de la définition, on parle de la capacité de ressentir la douleur. Dans votre mémoire, vous dites — et je suis d'accord avec vous — qu'à la 17e ou 18e semaine, les connexions nerveuses sont totalement établies dans le cerveau entre le cortex et le thalamus. Hier soir, on nous a clairement montré que le cortex cérébral était indispensable pour ressentir de la douleur. D'après cette définition scientifique, l'embryon n'éprouve pas la douleur avant la 17e ou la 18e semaine.

Par conséquent, même dans votre optique, il y aurait une période pendant laquelle l'embryon ne serait pas un «animal» au sens de l'article 182.1 puisqu'il ne peut pas éprouver la douleur. Comme vous le dites vous-mêmes, au cours des 17 ou 18 premières semaines, l'embryon ne peut pas ressentir de douleur puisqu'il n'y a pas de connexion entre le cortex cérébral et le cerveau. Les experts nous ont clairement démontré que le cortex cérébral était indispensable.

J'ai l'impression qu'il y a une contradiction dans votre position que je n'arrive pas à surmonter. Tout d'abord, l'embryon fait partie du corps humain, d'après la Cour suprême, et d'après toute notre tradition, la common law et le droit civil, et il est exclu de la première partie de la définition puisqu'il fait partie du corps humain de la femme. L'embryon fait partie du corps de la femme, dans la première partie de la définition.

Mme Landolt: Il y a plusieurs réponses à cela. Tout d'abord, en ce qui concerne cette idée que le thalamus et le cortex doivent être reliés pour qu'il y ait une sensation de douleur, il s'agit là d'une opinion qui a été formulée en 1997 par le Royal College of Obstetrics and Gynaecology de Grande-Bretagne, mais qui a évolué par la suite.

D'après des recherches plus récentes, il n'est pas nécessaire qu'ils soient reliés pour qu'il y ait sensation de douleur. En fait, les recherches montrent que les enfants en gestation souffrent plus que les adultes et que les nouveaux-nés éprouvent de la douleur avant même que le cortex et le thalamus commencent à se former à la huitième semaine. C'est suffisant. C'est ce que dit la dernière étude qui date de 1998. Ce dont on vous a parlé hier soir, c'était l'étude de 1997, mais les choses ont changé.

Le sénateur Joyal: On peut toujours discuter pour savoir si c'est la huitième ou la quatrième semaine. Le principe, c'est qu'au moment où l'oeuf est fécondé, les cellules souches ne ressentent pas de douleur. Pour des raisons morales, vous dites qu'on ne doit pas tuer un être humain, et je suis d'accord, mais c'est une autre question. Par contre, il n'existe pas de preuve scientifique qu'une cellule souche ressente la douleur. Je ne conteste pas votre position, j'essaie simplement de comprendre. Il y a une période, quelle que soit sa durée, pendant laquelle l'embryon ne ressent pas la douleur. Si c'est le cas, il y a une contradiction dans la deuxième partie de la définition puisque d'un côté on parle de ne pas ressentir la douleur et de l'autre, on parle de la ressentir. Il faut que la définition soit cohérente. Il faut qu'elle soit constante pour toute la démarche que nous adopterons.

Mme Landolt: Je sais bien sûr que personne ne peut savoir exactement quand un autre être éprouve de la douleur, que ce soit un animal ou pas.

Si quelqu'un me fait mal, je peux crier ou m'exprimer. Mais lorsqu'il s'agit d'un enfant ou d'un canard ou d'un chien ou d'un cheval, personne ne peut dire à partir de quel moment ils ressentent une douleur. Cependant, les recherches commencent maintenant à montrer que l'enfant à naître peut éprouver de la douleur dès huit semaines, selon l'étude de 1998 que j'ai indiquée en note de bas de page. Quoi qu'il en soit, même si ce n'est pas vrai, il reste que si l'enfant peut ressentir une douleur à 16 ou 17 semaines, la femme n'est enceinte que de quatre mois à ce moment-là. Juste quatre mois. Ça correspondrait à la définition, si l'on utilise la douleur comme définition.

Je reconnais avec vous que c'est assez risqué d'utiliser la douleur dans la définition, parce qu'on ne sait pas en fait. Si on la supprime totalement, le problème est réglé. C'est difficile. Les chercheurs savent qu'il faut se servir de la psychologie et de la physiologie et de la biologie, mais malgré tout ils ne connaissent toujours pas la douleur. Je crois qu'il est préférable de supprimer cette notion parce qu'en fait personne ne sait vraiment.

Même si je me trompe au sujet des huit semaines, on sait qu'au moins à 16 ou 17 semaines, lorsque le thalamus et le cervelet sont reliés, on arriverait à cette catégorie. C'est-à-dire, si on garde la notion de douleur dans la définition. Mais je suis d'accord avec vous; la douleur est une notion si vague et si difficile à prouver, qu'elle n'est pas nécessaire dans cette définition pour protéger les animaux.

Quant à savoir si l'enfant est une partie de sa mère, la cause Martin v. Mineral Springs a vraiment changé la common law. Cette cause montre que l'on a refusé un dédommagement à la mère simplement parce qu'il s'agissait d'un enfant non encore né et qu'elle ne pouvait pas être dédommagée pour un enfant né. Cela a tout changé parce que la technologie médicale avec l'ADN a maintenant tout changé. L'ADN montre qu'il s'agit d'un être humain distinct. La cour ne le savait pas en 1989 et 1991. La cour doit évoluer avec son temps. Elle ne peut revenir à l'ancien système où l'on ignorait tout de l'ADN. L'ADN est quelque chose d'extraordinaire. Sa découverte a été extrêmement utile pour les tribunaux dans de nombreux domaines.

Si l'on garde la définition telle quelle — et je suis d'accord, on peut retirer la notion de douleur parce que c'est une conjecture plutôt qu'une véritable preuve — on aura toujours des enfants à naître. Il y a un argument valable et convaincant montrant qu'ils entrent dans la définition. Nous sommes des animaux. Les biologistes et les scientifiques nous définissent comme des animaux.

Le sénateur Joyal: Nous sommes des mammifères.

Le sénateur Smith: Je suis le raisonnement du sénateur Beaudoin. À l'heure actuelle, le Parlement veut préserver le droit des femmes à choisir. C'est ce qui a déjà été fait par voie législative.

Le sénateur Cools: Ce n'a pas été fait par le Parlement.

Le sénateur Smith: Excusez-moi, sénateur Cools.

Le sénateur Cools: Ce n'a pas été fait par le Parlement.

Le sénateur Smith: C'est moi qui ai la parole.

Le président: Vous aurez votre tour, sénateur Cools, je vous l'assure.

Le sénateur Smith: Je pense que l'intention du Parlement sur ce sujet est très claire. Je partage le point de vue du sénateur Beaudoin. Même si vous invitez les tribunaux à donner une interprétation de ce qui est applicable ici, je ne pense pas qu'ils le feront parce que l'intention est sans équivoque.

Je ne comprends pas cela. Je ne conteste pas votre action pour défendre cette cause, pas du tout. Mais s'il y a une chance pour que les tribunaux acceptent cet argument, pourquoi ne pas laisser faire? Pourquoi ne pas nous laisser adopter le document? Parce qu'en comparaissant ici, vous nous invitez presque à supprimer toute possibilité en ce sens pour les tribunaux parce que nous savons très bien quelle est la volonté du Parlement sur ce sujet?

Je suis sidéré de voir que vous essayez d'obtenir par la porte d'en arrière un résultat que vous savez impossible à obtenir par la porte d'en avant. Je ne vous blâme pas d'essayer. Cependant, dans la mesure où vous pouviez avoir une chance de réussir, vous auriez probablement beaucoup mieux fait de laisser la loi être adoptée avec le libellé actuel plutôt que de plaider la cause. Si le yin et le yang et le soleil, la lune et les étoiles sont bien alignés et si vous obtenez l'interprétation que vous désirez, vous y parviendrez. J'ai l'impression qu'en venant ici, vous nous invitez à dire très clairement aux tribunaux susceptibles d'interpréter le texte qu'il ne s'applique dans le cas dont vous parlez.

Vous pouvez peut-être répondre à mes commentaires.

Mme Landolt: Sénateur Smith, vous parlez comme un vrai politicien. Vous comprenez le pour et le contre de la question.

Le sénateur Smith: J'essaie de parler comme un avocat.

Mme Landolt: Ce que vous venez de dire est très juste. Ne croyez-vous pas que j'ai beaucoup réfléchi et hésité quant à savoir si je devais comparaître sur ce point? Ce que vous venez de dire m'a préoccupée jusqu'à la toute fin, jusqu'à hier, en fait.

Si j'ai décidé d'en parler maintenant, c'est parce que la question a déjà été soulevée auparavant. Elle l'a été dans le témoignage précédent. Ce concept n'est pas nouveau pour le comité.

Deuxièmement, le débat doit commencer quelque part. Si vous vous souvenez bien, la Loi sur l'avortement a été cassée en 1988 par la Cour suprême du Canada. Le gouvernement Mulroney a présenté un nouveau projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes. Il a été rejeté par une seule voix au Sénat. C'est à une voix près que la loi présentée par M. Mulroney n'a pas été adoptée. La décision aurait pu être prise par la Cour suprême le 31 janvier 1988 mais elle n'était pas définitive lorsque la loi a été adoptée à la Chambre des communes et celle-ci n'a été rejetée que par une seule voix au Sénat. Il faut que le débat commence.

Nous voulons poser la question: c'est une occasion à saisir. Comme je viens de le dire, vous avez tout à fait raison d'un point de vue politique. Cependant, nous avons pensé qu'il serait bon de commencer le débat maintenant. Il faut commencer quelque part. Beaucoup de Canadiens s'inquiètent de cette question. Je ne pense pas que nous soyons les seuls. Notre organisation se préoccupe de la vie humaine, depuis les enfants non encore nés jusqu'aux défavorisés et aux personnes âgées. Il faut la protéger. C'est la seule raison pour laquelle nous posons le problème.

Le sénateur Smith: C'est bien. J'apprécie la franchise de votre réponse.

Cependant, le Parlement a généralement tendance à refléter les sentiments du public sur les différents sujets. D'après tous les sondages que j'ai pu voir, et dans la mesure où l'on peut évaluer l'opinion publique sur ce sujet, l'idée du droit de la mère, de la femme enceinte à faire un choix, gagne plutôt en popularité. Il y a une forte majorité dans la mesure où l'on peut mesurer l'opinion publique. N'est-ce pas juste?

Mme Landolt: Non. Aux États-Unis, la tendance a été inverse. Nous semblons toujours les suivre. Il y a eu des amendements et une réduction des avortements aux États-Unis. Les tribunaux les ont limités et les choses ont changé.

Un sondage a été effectué par Compass Poll, mais la question n'a pas été posée. On demandait ceci: «Pensez-vous qu'une femme devrait avoir le choix?» Mais l'on ne demandait pas à quel moment ou pour quelle raison. La question ne concernait pas l'avortement. Si l'on demande aux femmes si elles doivent pouvoir choisir, lorsqu'il faut prendre une décision au sujet d'un avortement, qui d'autre pourrait prendre la décision? Ce ne sera pas vous ou vous. Là n'était pas la question.

Toutefois, d'après tous les sondages réalisés au Canada et dans lesquels on demandait s'il fallait protéger la vie humaine, ou si l'avortement devait être effectué à un certain moment, il n'est pas évident qu'une majorité de personnes aient été opposées à ce que nous avons, l'avortement à la demande.

Peut-être que Mme Murawsky pourrait vous en parler mieux que moi.

Le sénateur Smith: Je n'ai pas vu ces sondages. J'aimerais bien les voir.

Mme Murawsky: Nous en avons toute une collection. Nous vous les donnerons.

Le sénateur Smith: Je suis qu'il y aura d'autres groupes de femmes qui auront une collection d'autres sondages. Nous sommes heureux de tous les regarder.

Mme Murawsky: J'aimerais faire une observation. Nous continuons à discuter de cela dans le contexte de l'avortement. La plupart des interruptions de grossesse au Canada se font à environ 12 semaines. D'après certains renseignements, l'enfant à naître pourrait être sensible et ressentir la douleur à 11 ou 12 semaines.

Il y a aussi l'autre extrême. Nous parlons de la protection des enfants avant la naissance. Les cas que j'ai cités concernent les enfants à naître ou en train de naître. Nous négligeons tout le groupe d'enfants de 12 semaines jusqu'à la fin de la grossesse. Il n'y a aucune protection pour eux. Ils meurent juste avant la naissance à cause d'une infection. Ils meurent pendant l'accouchement à cause de la négligence de certains médecins. Ces enfants, à moins d'être complètement sortis du ventre de la mère, ne sont pas des êtres humains en droit et n'ont donc aucune protection.

Un enfant né à sept mois est protégé. Le même enfant non encore né et blessé par un attaquant n'a pas de protection. Cela entrerait aussi dans cette catégorie.

Le sénateur Smith: Vous ne changeriez pas d'avis si la loi stipulait huit semaines, n'est-ce pas?

Mme Landolt: Ce serait une amélioration. Ça ne me plairait pas mais je préférerais nettement. Je serais favorable à tout ce qui pourrait protéger la vie humaine à n'importe quel moment.

Le sénateur Smith: Je comprends.

Le sénateur St. Germain: Madame Landolt et madame Murawsky, merci d'être venues. Certains d'entre nous sont convaincus que la vie commence à la conception. J'ai toujours du mal à l'accepter. Vous avez peut-être essayé de l'expliquer mais j'aimerais des précisions.

Si l'on définit un foetus comme un «animal», est-ce que cela ne nuirait pas à la cause de ceux qui désirent changer le statut du foetus parce qu'ils croient que la vie commence à la conception? Il n'y aurait plus grand espoir d'obtenir un jour les changements nécessaires pour refléter notre conviction que la vie commence à la conception?

Mme Landolt: Pas du tout. La loi dit déjà qu'un foetus n'est pas un être humain. Je ne peux pas changer la décision de la Cour suprême qui a ajouté cela à la common law. Si la loi est rédigée d'une certaine façon, elle a préséance sur la common law, sur la jurisprudence.

Il y a maintenant simplement une loi établie par les juges selon laquelle l'enfant n'est pas un être humain. Pourtant, nous avons l'article 223 du Code criminel selon lequel un foetus n'est pas un être humain tant qu'il n'est pas né. Vous aurez aussi un conflit avec cet article.

Cela n'affaiblit pas notre position, au contraire, sénateur. Absolument. Nous estimons que l'enfant à naître correspond tout à fait à cette définition. Nous savons que la Cour suprême a déclaré qu'un foetus n'est pas un être humain mais cela fait partie de la common law. Cette loi a préséance sur la common law.

Le sénateur St. Germain: Je ne veux pas sous-estimer le fait que nous perdons potentiellement 110 000 êtres humains par an. Si nous faisons cela à court terme, pensez-vous toujours que ce serait bénéfique? Est-ce que ça compromettrait la suite?

Vous pouvez extrapoler en disant que chaque vie est importante. Cependant, si l'on se place dans un contexte large et si l'on pouvait demander au Parlement de revenir sur sa position, est-ce que cette démarche ou cette approche ne risquerait pas de compromettre les examens futurs?

Mme Landolt: En tant qu'avocate, je vous dirais que non. Cela ne nuirait pas à notre position pour ce qui est de la protection de la vie humaine. Pas du point de vue juridique. Cela renforcerait notre position. La Cour a déjà dit en common law qu'un foetus n'était pas un être humain. Nous ne changeons pas cela. Le projet de loi pourrait en fait renforcer notre position et nous ouvrir des possibilités.

Le sénateur St. Germain: Je ne suis pas avocat et je me demande si la Cour ne pourrait pas changer d'avis sur ce point?

Mme Landolt: Nous espérons certainement que la Cour changera d'avis.

Le sénateur St. Germain: Cela devient assez hermétique. Si la Cour changeait d'avis, pensez-vous que cette proposition nuirait au pouvoir de décision des tribunaux à l'avenir?

Mme Landolt: Non, je ne crois pas, sénateur St. Germain.

Le sénateur Jaffer: Mes idées concordent tout à fait bien avec les commentaires du sénateur Joyal. Je crois que vous avez répondu en partie mais pas complètement à la question. Ici, «animal» s'entend de «tout vertébré — à l'exception de l'être humain». Si je comprends bien la loi actuelle, tant que l'enfant n'est pas né et n'est pas séparé de sa mère, il fait partie de la mère et c'est donc un être humain. Je n'ai pas très bien compris comment vous arrivez à dire que c'est un animal.

Je dois vous dire que je n'apprécie pas du tout que vous puissiez considérer un enfant non encore né comme un animal. Il faudra que j'étudie les définitions générales, comme vous l'avez sans doute fait. C'est une question pour un autre jour.

Je ne vois toujours pas comment vous pouvez le qualifier d'animal. L'enfant fait partie de la mère. Je voudrais des précisions.

Mme Landolt: Je suis aussi un animal, selon la classification biologique. Nous sommes tous des animaux.

Le sénateur Jaffer: Laissons cela. Dans ce projet de loi, le Parlement dit très précisément «à l'exception de l'être humain». Il ne dit pas «à l'exception d'un animal». Je suppose que nous tous ici sommes des êtres humains. Nous sommes peut-être des animaux mais nous sommes aussi des êtres humains. Comme le disait mon collègue, le sénateur Joyal, d'après la loi actuelle, l'enfant fait partie de la mère et la mère est un être humain. Tant que l'enfant n'est pas né et séparé de la mère, il fait partie de la mère. C'est un être humain. Je ne comprends pas votre argumentation.

Mme Landolt: Sénateur Jaffer, cette conclusion était basée sur des décisions antérieures selon lesquelles le foetus faisait partie du corps de la femme. Cette opinion a été changée par la cause Mineral Springs Hospital et par la découverte de l'ADN moderne. Nous savons maintenant, aussi bien en common law qu'avec l'ADN, qu'un foetus n'est pas une partie du corps de la mère.

La situation a changé. Les tribunaux doivent évoluer avec leur temps. Un point, c'est tout. On ne peut pas continuer à suivre l'idéologie des années 80. Nous sommes maintenant en 2003.

Madame la juge Sandra O'Connor l'a très bien dit aux États-Unis lorsqu'elle a déclaré que la loi sur l'avortement, sur la protection de la vie humaine, allait entrer en collision avec la médecine moderne et la biologie. C'est exactement ce qui se produit. Il y aura à un moment donné, quelque part, j'espère que ce sera pendant ma vie, un tribunal qui devra répondre à cette question. Il va y avoir une collision avec la biologie et la médecine. Le droit doit reconnaître la science. On ne peut continuer à suivre les idées surannées des années 70 et 80.

Aux États-Unis, en tout cas, les changements apparaissent déjà. Une mère peut être indemnisée pour la perte d'un embryon liée à l'emploi des nouvelles technologies médicales. Une femme dont l'enfant à naître est blessé ou tué peut obtenir un dédommagement; c'est ce qu'a statué la Cour d'appel du Minnesota. Une autre femme en Caroline du Nord portait des jumeaux. Lorsque son mari l'a attaquée, elle a pris un couteau et l'a tué. Le tribunal a considéré que son acte était justifié parce qu'elle protégeait la vie en son sein. Elle a été jugée innocente du meurtre.

La tendance est là. La loi devra composer avec la réalité. Un foetus n'est plus une partie du corps — ni scientifiquement, ni médicalement. Depuis Mineral Springs, les choses ont changé.

Le sénateur Jaffer: La façon dont vous présentez les choses me rend vraiment malade. Je ne pense pas avoir porté des animaux. Je portais un enfant à naître lorsque j'ai eu mes enfants.

Je pense aussi que vous avez tort au sujet des termes «volontairement» et «sans se soucier des conséquences de son acte». C'est dans des parties séparées dans la loi actuelle. Je sais que vous avez été très occupée, mais cette déclaration n'est pas exacte. C'est dans la loi actuelle. De plus, pour ce qui est des agents de protection, ils peuvent actuellement effectuer des poursuites. Ces deux choses que vous avez dites ne sont donc pas tout à fait exactes. Mais je ne peux pas être d'accord avec vous pour dire qu'un enfant non encore né est un animal.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas ce qu'elle dit. Rappel au Règlement, ce n'est pas ce qu'elle avance.

Le président: Sénateur Cools, Mme Landolt est experte en la matière, elle peut certainement se défendre.

Le sénateur Cools: C'est juste un rappel au Règlement. Nous ne devons pas déformer ses propos.

Le président: Mme Landolt est tout à fait capable de répondre. Je suis impressionné par ses connaissances dans ce domaine. Si vous voulez faire un commentaire sur ce point, madame Landolt, je vous en prie, n'hésitez pas.

Mme Landolt: Le fait est que nous sommes toutes des mères qui ont porté des enfants. J'ai porté des filles et des garçons. Les garçons sont totalement différents. Leur ADN est différent; leur système sanguin est différent. Ils n'ont pas le même sang que moi. C'est une réalité médicale. Ils sont de l'autre sexe. Leur ADN et leur système sanguin sont différents. Tout est différent. Nous pensions avant que ces enfants étaient une partie de notre corps, mais tout comme les astronautes sont maintenus en vie dans les navettes par des moyens artificiels, nous sommes un moyen pour maintenir l'enfant en vie pendant neuf mois. Je crois qu'il est normal de dire que nous faisons vivre l'enfant dans l'utérus.

Le sénateur St. Germain: Le mot «animal» n'est pas défini dans le Code criminel. Est-ce que cela à des conséquences?

Le sénateur Jaffer: Oui. On parle de «bétail» et d' «oiseau». C'est défini dans de nombreux articles différents.

Le sénateur Joyal: Ce n'est pas défini en disant que ceci est défini ainsi.

Le sénateur Nolin: Cela va surprendre certains de nos auditeurs, mais je tiens à vous remercier. Ceux qui ont suivi nos rencontres récemment vont sans doute être surpris par cette déclaration.

Tout d'abord, vous nous obligez à nous concentrer sur l'esprit de la loi. Cependant je ne suis pas d'accord avec ce que vous avancez dans votre mémoire. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites dans votre conclusion que: «Le libellé de ce projet de loi dénote une intention de donner aux animaux ce que les groupes de défense des droits des animaux appellent ``le statut de personne'', afin de donner ultérieurement aux animaux une capacité juridique devant les tribunaux. Je pense que c'est sur ce point que vous construisez votre argumentation, mais c'est fondamental. Vous nous obligez à réfléchir à ce que nous voulons accomplir avec ce projet de loi.

Personnellement — et c'est sans doute l'intention de mes collègues — je crois que nous voulons protéger les humains. On a dit au comité de la Chambre des communes que les personnes qui se conduisaient mal et avaient une attitude cruelle envers les animaux avaient vraisemblablement tendance à agir de même envers les êtres humains. Nous voulons une protection contre ce genre d'attitude parce que, finalement, ce sont les humains que nous voulons protéger.

Dans votre mémoire et en réponse aux questions de mes collègues, vous avez soulevé la question de l'enfant non encore né. Nous n'avons pas l'intention de rouvrir le débat sur l'avortement. Cette question a été tranchée par la Cour suprême du Canada. En 1991, la décision a été confirmée par le Sénat, pas par la Chambre des communes. Nos collègues n'ont pas l'intention de s'opposer à cela.

Merci de nous avoir présenté vos arguments. Nous devrons en faire quelque chose. C'est pour cela que je veux vous remercier. En fait, vous voulez nous dire que si nous nous servons de la définition — et je prends ici les deux arguments — pour établir de nouveaux droits fondamentaux ou conclure à leur existence, nous nous trompons. Nous devons faire quelque chose. Pour nous, une définition est un outil pour interpréter une loi, pour aider les Canadiens à atteindre l'objectif du projet de loi. Il est clair que vous nous forcez à faire quelque chose.

Cela dit, est-ce que les droits des animaux sont bien, comme vous le dites dans votre mémoire, la principale raison de votre intervention? Personnellement, je ne crois pas que les animaux aient des droits fondamentaux. Qu'en pensez- vous?

Mme Landolt: Lorsque j'ai parlé de «qualité de personne» et de «statut différent», je reprenais quelque chose que j'ai lu dans le témoignage de témoins ayant comparu devant vous, je ne sais plus lesquels. C'était une femme, mais je ne me souviens pas de son nom. Dans son témoignage, elle a déclaré que ceci devait être enlevé de la partie du Code criminel traitant des biens de propriété et placé dans un article séparé afin que le statut soit différent et qu'on reconnaisse la qualité de personne. Je peux vous retrouver la référence, mais ce témoin a dit que c'était l'un des motifs de ce projet de loi et elle faisait partie des groupes qui le défendent. C'est pour cela que j'ai pris cet extrait du témoignage présenté au comité.

Je ne suis pas de cet avis. Je pense que les animaux sont là pour servir les gens et non pour être leur maître. Je ne pense pas que l'on puisse reconnaître un caractère de personne aux animaux. En même temps, je trouve répugnant qu'on puisse les traiter cruellement ou déraisonnablement ou sauvagement. La première fois que j'ai vu le projet de loi, je me suis dit: «Dieu merci. On va s'occuper de la vie et protéger les animaux.» Je ne crois pas qu'ils soient au même niveau que les êtres humains, comme vous l'avez dit. Je ne le pense pas du tout. D'après moi, les êtres humains sont des animaux supérieurs en priorité, quelle que soit la façon dont on présente les choses. J'en ai parlé uniquement parce que c'est l'objectif et l'esprit du projet de loi. Ils voulaient enlever les animaux de l'article sur les biens de façon à ce qu'ils aient un statut séparé et soient davantage considérés comme des personnes. Lors de son témoignage devant le comité, ce témoin a dit que les animaux seraient alors reconnus par les tribunaux. C'est le plan à long terme.

C'est pour cela que j'ai relevé cette idée. Je me suis dit que si c'était possible — si l'on voulait faire cela pour les animaux — il y avait peu de chance qu'on ne veuille pas le faire aussi pour l'enfant à naître. Ça n'a pas de sens. Je présume que le ministre de la Justice savait ce qu'il faisait en choisissant cette définition. Il doit s'être rendu compte qu'il l'élargissait. Qu'en fera la Cour suprême du Canada, personne ne le sait, mais la porte est ouverte à cause de la largeur de la définition.

Le sénateur Nolin: Dans la construction de votre argumentation, l'emplacement dans le Code a-t-il une importance pour vous? Autrement dit, est-ce que c'est un signal?

Mme Landolt: Oui, c'est un signal. C'est ainsi que l'entendent les défenseurs des droits des animaux. Si vous voulez, je pourrais reprendre mes notes pour voir qui a dit cela.

Le sénateur Nolin: Non. Nous le savons.

Mme Landolt: Ils essaient de montrer qu'on a commencé le voyage vers la reconnaissance des animaux. Il semble peu probable qu'on ne le fasse pas aussi pour les êtres humains.

Le sénateur Cools: J'aimerais dire encore une fois, pour que ce soit officiel, que d'après moi, aucun des témoins ne considère que les enfants à naître sont des animaux ou devraient être traités comme des animaux. Je pense que les témoins essayaient de nous faire comprendre comment ils envisageaient l'interprétation du texte du projet de loi.

Je voudrais faire une ou deux observations sur les questions qui nous occupent. Le sénateur Beaudoin a dit qu'il ne comprenait pas comment un tribunal pouvait arriver à certaines conclusions. J'appartiens à ce groupe de personnes. Je n'ai toujours pas vu les arguments de droit ou les motifs sur lesquels se fondait la décision Morgentaler en 1989. Tous ceux qui ont lu cette affaire attentivement et l'ont suivie savent très bien qu'il a fallu pousser le raisonnement et la logique très loin. En fait, les juges Estey et MacIntyre ont dit essentiellement qu'indépendamment des arguments présentés, le droit pénal tendait depuis des siècles à protéger les enfants à naître. C'était la tendance de la jurisprudence.

Je n'ai pas revu cela depuis longtemps mais je crois que c'est le juge Estey qui avait demandé à la Cour si les juges ne devaient pas fonder leur décision sur d'autres éléments que l'orientation pro-vie ou pro-choix des différents juges. C'est un peu le problème auquel nous sommes confrontés.

Je tiens à remercier Mme Landolt de nous avoir présenté toutes ces données avec une telle intégrité intellectuelle. Tout cela représente un travail considérable à titre bénévole. Certains des témoins qui comparaissent devant nous et, nous le savons, sont souvent payés des sommes très élevées pour préparer leur mémoire. Il s'agit ici d'un travail bénévole et c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles vous avez un peu tardé à le présenter.

Honorables sénateurs, lorsque le Sénat a voté sur le projet de loi C-114 en 1991, il ne s'agissait pas de confirmer une décision de la Cour suprême du Canada. J'ai voté lors du débat sur ce projet de loi, et les sénateurs pensaient à l'époque qu'il était insuffisant et comportait de graves lacunes. Ce n'est pas, comme on nous l'a dit ici, parce que le Sénat voulait confirmer la décision de la Cour suprême du Canada. En fait, nombre de ceux qui ont voté contre le projet de loi à l'époque avaient de sérieuses objections à la décision de la Cour suprême du Canada, comme le montre le débat. Il y a des avantages à avoir été là à ce moment-là.

Le fait est, honorables sénateurs, que l'arrêt de la Cour suprême du Canada en 1989 a été dépassé par tous les jugements ultérieurs. Le principe actuel — la notion que l'enfant non encore né est une simple partie du corps de la femme — a également été dépassé et infirmé. La jurisprudence revient maintenant dans l'autre sens, pour dire que ce n'est pas une simple partie du corps de la femme mais bien une entité séparée.

Ces positions ont souvent été défendues au nom des femmes. J'estime personnellement que ces prises de position et les mesures prises par certains de ces tribunaux ont eu des retombées négatives surtout sur les femmes. Je suis une femme et je me plais à croire que je parle pour les femmes. En fait, actuellement, sur le terrain, et c'est clair pour ceux d'entre nous qui sont près des services sociaux ou qui ont travaillé dans ce domaine, la loi est en train de se retourner complètement. Si nous avions plus de temps, je suis sûr que Mme Landolt pourrait nous donner plus de détails sur ce qui est en train de se passer.

La common law est en train de se retourner parce qu'il y a des millions de femmes enceintes qui n'obtiennent pas l'aide ou la protection dont elles ont besoin à cause ce qui s'est passé avec le droit de l'avortement. Par exemple, les femmes qui accouchent sont victimes de grave négligence. On ne les aide pas. Certaines femmes ont estimé qu'elles parlaient au nom de toutes les femmes, et les autres se retrouvent complètement exclues. Je suis personnellement profondément convaincue que, durant ces mois, ces femmes ont besoin de toute l'aide possible et souvent de toute la protection possible.

Il s'agit là de questions immenses et extrêmement complexes. Je pense que la discussion est importante. Toutefois, en définitive, il faut que le Parlement accepte de confronter cette réalité et admette qu'il n'est plus acceptable ni de bon goût qu'une petite minorité de femmes prétende représenter les droits des femmes à l'exclusion de toutes les autres.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de participer à ce débat, mais l'époque où les enfants non encore nés n'avaient pas de droits est révolue. Une des témoins a signalé que la plupart des avortements n'avaient plus lieu dans le délai stipulé de 12 semaines, comme on l'avait fait croire à votre comité il y a des années. En fait, beaucoup de ces avortements se pratiquent de plus en plus tard. Quand il y a d'énormes problèmes, des complications et des difficultés, il n'y a aucun recours juridique.

Il faut revoir et réorienter notre façon de penser. L'idée que les femmes ont un droit absolu à l'avortement quelles que soient les circonstances est à mon avis rétrograde et dépassée. Les Américains sont très en avance sur nous à cet égard.

Pour ceux qui veulent se servir de leur pouvoir autour de cette table pour faire évoluer leur position idéologique, l'avantage du monde d'aujourd'hui, c'est que les choses évoluent à la base et que les jugements font leur chemin. On a beau dire ici que l'enfant non encore né fait partie du corps de la femme, il reste que la jurisprudence est en train de renverser tout cela. En réalité, la common law reflétera toujours les besoins de l'être humain ordinaire. C'est cela, la common law, la loi qui émane de la base.

Je remercie encore les témoins. La volonté du Parlement ne s'est pas encore exprimée sur toutes ces questions. La volonté d'un ministre, peut-être; mais nous subissons la volonté de nombreux ministres dont certains ne valent pas grand-chose. En réalité, on a évité d'entendre la volonté du Parlement sur cette question. Aucun ministre n'est prêt à l'affronter de bon gré et à engager sérieusement le débat au Parlement.

Comme l'a dit le sénateur Smith, peu importe la volonté du Parlement. On a évité de chercher à la connaître et la Cour suprême du Canada l'a contournée. Si l'on relisait Morgentaler, on verrait ce que disait le jugement à propos du rôle que devrait jouer le Parlement.

En réalité, le jugement de l'affaire Morgentaler n'a pas été respecté du tout; on a même agi au mépris total de ce jugement. Il était profondément erroné, mais son but n'avait jamais été de priver complètement notre pays d'une législation protégeant les enfants non encore nés. Ce n'était pas l'intention de la décision Morgentaler.

Le sénateur Joyal: L'intention de la décision Morgentaler, c'était de reconnaître les droits des femmes, point.

Le sénateur Cools: La décision Morgentaler dit explicitement que le Parlement a des droits supérieurs pour se prononcer sur les autres éléments. C'est très explicite. Je peux vous apporter le tout. Je l'ai dans mon bureau.

Le président: Nous ne sommes pas là pour débattre de Morgentaler.

Le sénateur Cools: Non, mais je veux répondre à cela.

Le président: Et je remercie de vos commentaires. Je ne sais pas si l'une des témoins veut y répondre ou si nous allons passer au sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: J'ai deux questions. La première concerne ce changement où l'on veut enlever les animaux des articles du Code sur les biens pour les placer dans une partie différente. Ce n'est pas bien sûr dans la partie sur la personne. La plupart de ceux d'entre nous qui ont un bagage juridique se demandent ce que cela signifie légalement du point de vue du Code. Nous avons déjà soulevé la question ici à maintes reprises. Nous avons posé la question à divers témoins, et nous n'avons pas reçu de réponse claire des avocats bien informés du ministère de la Justice.

Puisque vous avez vous-même un bagage juridique, vous risqueriez-vous à formuler une opinion là-dessus?

Mme Landolt: Me risquer, c'est bien le mot. Quand j'ai vu qu'on plaçait les animaux dans une autre section, je me suis dit que cela leur donnait un statut différent. Ils n'ont plus simplement un statut de propriété, puisqu'on les sort de la section consacrée aux biens de propriété. Cela a certaines implications. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on leur confère le statut de personne, comme le font certains défenseurs des droits des animaux, mais il est clair qu'ils deviennent quelque chose de plus important et de plus précieux. Ce ne sont plus simplement des biens, mais des entités distinctes. On précise que ce sont des entités de plein droit. C'est la grande conséquence de ce changement de place dans la loi.

Le sénateur Joyal: Quand vous dites une «entité de plein droit», vous exprimez les choses en termes aussi juridiques que possible. Tous mes collègues vous écoutent attentivement. Vous utilisez des termes lourds de sens, au plan juridique. S'ils ont des droits, ils ont un statut devant les tribunaux.

Mme Landolt: Je crois que c'est à cela que législateur veut en arriver. Les choses avancent petit à petit. L'animal n'est plus quelque chose qui appartient à quelqu'un comme un bien ou une maison. On essaie clairement d'en faire une entité distincte avec des droits intégraux. On a dit qu'ils auraient un statut devant les tribunaux, et par conséquent ils seront une entité légale. C'est l'objectif des législateurs. Il ne va pas se matérialiser avec cet amendement, mais cela pourrait bien arriver un peu plus tard.

Le sénateur Joyal: J'aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit précédemment: Vous dites qu'on a laissé de côté la définition selon laquelle l'enfant non encore né fait partie du corps de la mère dans la décision Martin c. Mineral Springs Hospital. Pour autant que je sache, la décision Daigle c. Tremblay est une décision de la Cour suprême du Canada. Il en va de même de la décision Winnipeg Child and Family Services de 1997. La décision Daigle date de 1989. La décision Martin c. Mineral Springs Hospital est une décision de l'Alberta. En tant qu'avocat, j'ai appris que tant que la Cour suprême du Canada ne renversait pas sa propre position, elle demeurait la norme. Avec tout le respect que j'ai pour un tribunal de l'Alberta, je considère qu'un tribunal de rang inférieur peut exprimer un point de vue différent, mais que tant que la Cour suprême du Canada n'a pas changé sa décision, celle-ci demeure la norme juridique.

Mme Landolt: Pour ce qui est de ces affaires, c'est exact. Toutefois, les choses progressent. Vous avez raison de dire que c'est un tribunal de niveau inférieur. La Cour suprême du Canada s'est prononcée en 1989, mais les choses progressent devant les tribunaux. La Cour suprême du Canada ne s'est jamais penchée sur la question des dommages et intérêts exemplaires et des préjudices personnels. C'est autre chose que l'affaire Tremblay ou l'affaire de Winnipeg. Ça bouge.

Si l'on regarde ce qui se passe aux États-Unis, la tendance est claire. On a octroyé des dommages et intérêts exemplaires liés aux préjudices corporels entraînés par la perte d'un enfant dans le ventre de sa mère. Nous ne savons pas ce que la Cour suprême du Canada fera, mais nous progressons dans cette direction.

Le sénateur Joyal: Je respecte votre réponse car ce que vous dites, c'est que la Cour pourrait changer d'avis à l'avenir, et tout le monde peut en convenir. Toutefois, dans l'état actuel des choses, nous devons interpréter le projet de loi à la lumière de ce que la Cour suprême du Canada a décidé.

Mme Landolt: Elle a décidé que ce n'était pas un être humain.

Le sénateur Joyal: Pour être plus précis, elle a décidé qu'il faisait partie du corps de la mère.

Mme Landolt: Les juges ont dit que ce n'était pas un être humain et qu'il faisait partie d'un corps humain, quel que soit le nom qu'on lui donne.

Le sénateur Joyal: Quand ont dit que ce n'est pas un être humain, cela veut dire que ce n'est pas une entité légale avec des droits. Quand les tribunaux affirment que l'enfant qui n'est pas encore né fait partie du corps de sa mère, cela veut dire qu'il n'a pas un statut différent de celui du corps de sa mère.

N'importe quel juriste peut s'inscrire en faux contre cette interprétation. Toutefois, je considère que le droit de notre pays est celui qui est énoncé par la Cour suprême du Canada, tant qu'elle ne revient pas sur ce qu'elle a dit. Je ne dis pas qu'elle ne peut pas revenir sur ses décisions, mais je dis qu'il faut interpréter ce projet de loi dans le contexte du droit de notre pays. À l'heure actuelle, ce droit stipule que l'enfant non encore né fait partie du corps de sa mère.

Mme Landolt: Sauf que s'il y a un appel une fois que le projet de loi sera adopté, la Cour reviendra sur cette question. Il faudra qu'elle se prononce sur ce fait bien précis. Sa décision en 1989 se fondait sur l'état de la science et de la médecine à l'époque, et ce ne sera plus la même chose en 2010 ou en 2005, quand le cas se présentera. La situation peut évoluer, et ce que je dis, c'est que cette évolution est en cours.

Le sénateur Joyal: Je suis bien d'accord pour dire que cette potentialité existe toujours. Nous savons très bien que la Cour peut nuancer par la suite ce qu'elle a déclaré. Toutefois, tant que nous devrons nous prononcer sur ce projet de loi dans l'avenir proche, nous devrons le faire en fonction du droit national tel qu'il existe actuellement. Nous ne pouvons pas préjuger de la décision que rendra la Cour en fonction des développements scientifiques. De bons avocats comme vous peuvent présenter toutes sortes de bons arguments aux tribunaux, mais en tant que législateurs, nous devons nous prononcer en fonction du droit de notre pays. Évidemment, la Cour suprême du Canada dit parfois non, ce n'est pas cela, c'est autre chose. À ce moment-là, le Parlement du Canada doit remanier la loi une rendre conforme à la Charte.

Mme Landolt: Et nous en sommes plus près que vous ne le pensez. Un tribunal du Manitoba s'est déjà prononcé. Je vous l'ai dit, c'est arrivé la semaine dernière. Un tribunal du Manitoba a déjà déclaré qu'il fallait verser des dommages et intérêts au titre du préjudice subi par l'enfant dans le ventre de la mère parce que c'est une entité distincte. C'était il y a trois ou quatre jours. Ce n'est pas mentionné dans notre mémoire, mais nous en sommes plus près que vous ne le pensez. C'est ce qui est en train de se passer. Comme vous l'avez dit, en février 2002, la décision de la Cour suprême du Canada est toujours valable, mais les tribunaux inférieurs sont en train de changer tout cela aux États-Unis et au Canada.

Le sénateur Joyal: Je ne dis pas que les tribunaux ne peuvent pas avoir un avis différent de celui de la Cour suprême du Canada. Comprenez cependant qu'en tant que législateurs, nous devons nous en tenir à la loi telle qu'elle a été interprétée.

Je respecte totalement votre position. Vous défendez votre point de vue, ce qui est parfaitement légitime dans notre système démocratique. Les lois évoluent parce que les citoyens se font entendre devant les tribunaux. Cela fait partie du domaine public et du débat public.

Toutefois, en tant que législateurs, nous avons sous les yeux un texte dont nous devons comprendre les implications. Vous comprenez que nous essayons de le comprendre du mieux possible. Nous devons nous prononcer en fonction de la loi telle qu'elle existe à moins de vouloir tout remettre en question. C'est ma position. Encore une fois, je suis favorable à l'idée de supprimer cette deuxième partie de la définition, car je pense qu'elle suscite trop de problèmes. Les chercheurs scientifiques et les zoologistes nous ont dit hier soir que nous allions donner plus de possibilités de contestation aux gens qui estiment que les animaux ont des droits. Nous risquons d'affaiblir le projet de loi. Il est difficile de déterminer la douleur chez certaines catégories d'êtres et, comme l'a dit mon collègue le sénateur Bryden, la deuxième partie de la définition continent le mot «animal». Nous définissons le mot par le mot, ce qui est délicat sur le plan du droit.

Pour ce qui est de la nouvelle catégorie, la «catégorie émergente», en tant que législateur, quand je vote pour quelque chose, je tiens à en connaître les implications. C'est pour cela que nous avons ce comité. Nous pouvons peut-être être favorables à ce que vous nous avez proposé ce matin, mais pour d'autres raisons que celles que vous nous avez données.

Mme Landolt: Sénateur Joyal, je serai très contente si vous ne modifiez pas le texte. Je suis heureuse que vous preniez cette position car j'espère qu'elle sera reprise par une autre génération de juristes. J'espère que vous n'allez pas modifier ce texte.

Le sénateur St. Germain: Le sénateur Nolin a laissé entendre que le Sénat ne souhaitait pas rouvrir le débat sur l'avortement. Je tiens à ce qu'il soit bien précisé au compte rendu que ce n'est pas nécessairement le point de vue de tous les sénateurs. Ce n'est peut-être pas la volonté de la majorité, mais plusieurs parmi nous estiment qu'on n'a pas réglé cette question ou qu'on ne l'a pas réglée correctement, et que des gens comme nos témoins d'aujourd'hui sont confrontés à un défi énorme, même si la cause qu'ils soutiennent est très crédible.

Le sénateur Cools: Nous n'avons pas eu de débat, même pas sur les modalités d'invalidation de la loi. Les partisans d'un aspect de la situation ne veulent absolument pas en discuter; mais on n'a jamais cherché à connaître la volonté des deux Chambres sur cette question.

Le sénateur Pearson: J'aimerais répéter ce qu'a dit le sénateur Nolin: votre présence ici nous a permis de nous recentrer sur l'objectif fondamental de ce projet de loi. Personnellement, je pense qu'il va accroître le respect des êtres humains pour le monde animal. C'est une question de respect. Il s'agit de réglementer notre comportement. Cela n'a rien à voir avec les droits des animaux. Il s'agit de réglementer notre comportement à l'égard des membres du règne animal qui ressentent la douleur.

Il y a de bonnes raisons de les placer dans une autre catégorie puisque tous les animaux ne sont pas des biens de propriété. Il y a de très nombreux animaux sauvages qui n'appartiennent à personne. Il était incorrect de les considérer comme des biens. Ce projet de loi vise à sensibiliser les gens à la douleur infligée de façon cruelle et sans nécessité. Il ne s'agit pas uniquement de la douleur que l'on inflige, car il y aura toujours de la douleur dans notre interaction avec les animaux, notamment lorsqu'on les abat, qu'on les chasse ou qu'on les pêche. Ce projet de loi vise à réglementer le comportement; nous considérons qu'on ne peut pas faire ce que l'on veut avec un animal. Je salue l'intention de ce projet de loi.

À mon avis, ce projet de loi ne crée pas de nouvel acte criminel. On élargit les infractions, mais il n'y en a pas de nouvelles. On change la catégorie, et la question ne relève plus de la partie consacrée aux biens de propriété. Cela me semble logique puisque les animaux ne peuvent pas tous être considérés comme des biens. Le projet de loi renforce le respect pour le monde naturel. C'est comme cela que je le comprends. J'espère qu'à la suite de votre intervention nous pourrons voir s'il faut retirer quelque chose à la définition d'«animal» pour préciser ce que nous voulons dire.

C'est en cela que consiste le projet de loi.

Mme Landolt: L'infraction change, parce qu'on a ajouté «sans se soucier des conséquences» à «volontairement». Cela élargit l'infraction. Auparavant, il fallait qu'il y ait mens rea, ou intention criminelle, mais maintenant on ajoute «sans se soucier des conséquences», ce qui a un tout autre sens. Cela veut dire qu'on s'en fiche.

Le sénateur Pearson: Je croyais qu'il y avait déjà «sans se soucier des conséquences» dans le règlement précédent.

Mme Landolt: Pas dans le Code précédent.

Le sénateur Pearson: C'est dans une autre partie?

Mme Landolt: C'est une nouvelle expression.

Le président: Je précise que c'est déjà dans le Code criminel, au paragraphe 429(1), comme l'a dit le sénateur Jaffer tout à l'heure.

Mme Landolt: Il y a «sans se soucier des conséquences»? Je pensais que c'était une nouvelle expression dans le projet de loi. Il y a le mot «volontairement» dans le Code actuel, mais l'expression «sans se soucier des conséquences» est nouvelle. Je ne l'ai vue nulle part dans la précédente loi.

Le sénateur Jaffer parlait d'un autre changement. Je crois que vous parliez de l'expression «par négligence».

Le sénateur Cools: Ce projet de loi C-10B est une disposition complètement nouvelle qui n'existait pas auparavant dans le Code criminel. Cela vient juste après l'article consacré aux cadavres. La disposition modifiée ne s'applique même pas aux animaux. Regardez l'article 182 actuel. Tout ce projet de loi C-10B n'est qu'un ajout à l'article 182. Il ne change rien à l'article 182. Si vous vérifiez, vous verrez.

Mme Landolt: Ce que je veux dire, c'est qu'on a ajouté l'expression «sans se soucier des conséquences» qui n'existe pas dans la loi actuelle.

Le sénateur Jaffer: Cette notion existe dans la loi actuelle.

Le sénateur Cools: C'est peut-être à l'article 446, mais pas dans la partie consacrée aux infractions.

Le sénateur Beaudoin: Si vous ajoutez quelque chose au Code criminel, c'est un amendement. Il n'y a pas de discussion là-dessus.

Le sénateur Cools: Personne ne le nie. Je dis simplement que ces articles sont entièrement nouveaux.

Le sénateur Nolin: Pour que les choses soient claires, la clause d'interprétation 429 précise qu'il doit y avoir mens rea et explique comment cette notion doit être comprise. C'est dans le Code, mais cela ne fait pas partie de l'acte criminel lui-même. Cela ne fait pas partie de l'infraction. C'est dans la clause d'interprétation.

Mme Landolt: Ce n'est pas dans cette disposition. Si on l'ajoute, on modifie le contenu puisqu'on change le sens.

Deuxièmement, le projet de loi C-10B définit aussi la notion de négligence, qui ne figure pas dans la loi actuelle. On élargit l'infraction puisqu'elle est maintenant définie à l'article 182.3. Nous avons maintenant un projet de loi beaucoup plus musclé. Comme je l'ai dit depuis le début, ce qui nous importe, c'est de voir quelles seront les répercussions sur l'industrie. On ne change pas simplement les sanctions, mais aussi le fond. Il y a des changements de fond dans la loi qui renforce la position des animaux mais pas celle de l'industrie qui va être plus vulnérable.

Le président: Au nom du comité, je remercie les témoins de leurs exposés pénétrants et utiles. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion. Vous avez beaucoup apporté à nos délibérations sur ce projet de loi et je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous faire part de vos réflexions.

La séance est levée.


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