Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 16 - Témoignages du 29 octobre 2003
OTTAWA, le mercredi 29 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 15 h 38 pour examiner, en vue d'en faire rapport, le règlement pris conformément à la Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, Lois du Canada, 1995, chapitre 39, comme prévu au paragraphe 118(3) de cette loi.
Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je constate que nous avons le quorum. Lors d'une séance précédente consacrée à la discussion des travaux futurs du comité, un certain nombre de sénateurs se sont dits intéressés à étudier le règlement pris conformément à la Loi sur les armes à feu. Par conséquent, en ma qualité de président, j'ai soumis une motion à la Chambre à cet effet. Je suis heureux de vous annoncer qu'hier soir, nous avons reçu un nouvel ordre de renvoi autorisant le comité à étudier le règlement sur les armes à feu.
Avant de présenter nos témoins, je tiens à les remercier tous d'avoir accepté de rester en disponibilité pendant que nous attendions de voir si l'ordre de renvoi serait accordé. Lorsque le greffier a communiqué avec eux, ils ont tous aimablement accepté de garder des ouvertures dans leurs horaires très chargés pour aider le comité à brève échéance. Je peux vous dire, au nom de tous les membres du comité, que vos efforts pour vous montrer accommodants à notre endroit sont très appréciés.
Je souhaite maintenant la bienvenue à notre premier panel. Nous entendrons le solliciteur général du Canada, l'honorable Wayne Easter. Ce dernier est accompagné de collaborateurs. Du Centre canadien des armes à feu, M. William Baker, commissaire, et Mme Kathleen Roussel, avocate-conseil et chef des Services juridiques. Je crois savoir que le ministre a environ une heure à nous consacrer.
L'honorable Wayne Easter, c.p., député, solliciteur général du Canada: Merci, monsieur le président. Je dois partir dans une heure, mais mes collaborateurs sont disposés à rester plus longtemps au besoin.
Le président: Merci beaucoup. Je crois savoir également que vous avez une brève déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions.
M. Easter: Je remercie les membres du comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter des changements proposés au règlement pris conformément à la Loi sur les armes à feu, que j'ai déposé plus tôt cette année le 13 juin.
Monsieur le président, vous avez déjà présenté les personnes qui m'accompagnent: M. William Baker, commissaire du Centre canadien des armes à feu et Mme Kathleen Roussel, avocate-conseil au Centre canadien des armes à feu.
Les membres du comité savent que la Loi sur les armes à feu exige le dépôt d'un projet de règlement. La mesure précise également que le gouverneur en conseil est habilité à prendre un règlement dans les 30 jours de séance suivant le dépôt. Même si nous avons atteint la limite des 30 jours de séance lundi de cette semaine, je tiens à donner au comité l'assurance que les règlements proposés ne seront pas finalisés avant le mois prochain, après que nous ayons pris en compte votre apport. Je veux également être en mesure de prendre pleinement en considération la contribution des Canadiens, notamment des utilisateurs d'armes à feu, des entreprises et des groupes voués à la sécurité et à la santé publiques.
Le Centre canadien des armes à feu consulte des particuliers et des groupes d'un peu partout au pays depuis plusieurs mois déjà pour obtenir leur avis sur les règlements proposés et sur la prestation du programme des armes à feu.
Je tiens à souligner que nous prenons très au sérieux les divers points soulevés au cours des consultations. Je sais pertinemment que ce programme a suscité énormément de controverse. Il a été caractérisé par de nombreuses expériences malheureuses à ses débuts, et que l'on soit pour ou contre, il y a des deux côtés des opinions très tranchées. Nous voulons entendre tous ces arguments. Je veux sincèrement faire en sorte que le programme fonctionne pour tous, les partisans du contrôle des armes à feu, les opposants au contrôle des armes à feu, les propriétaires légitimes d'armes à feu intéressés, les chasseurs, les armureries, et cetera.
Si j'ai bien compris, deux des groupes qui participent aux consultations doivent comparaître en tant que témoins ici aujourd'hui. Il y en a évidemment bien d'autres qui ont été consultés — un vaste éventail de personnes ayant des intérêts variés et diverses expériences du programme des armes à feu. Nous prenons en compte très soigneusement leurs commentaires et leurs recommandations.
Compte tenu de ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, certains messages fondamentaux ressortent du processus de consultation. Les gens veulent des processus simples et des services faciles d'accès. Essentiellement, tout le monde appuie les principes suivants: l'octroi d'un permis, la formation de sécurité et l'entreposage sûr des armes à feu, indépendamment de leurs intérêts spécifiques.
Certaines personnes ont soulevé des préoccupations et des questions au sujet de l'enregistrement des armes à feu. Parallèlement, d'autres ont souligné l'importance de l'enregistrement dans le cadre des efforts pour assurer la sécurité de la population.
De façon générale, on souhaite que les droits soient abordables pour les particuliers et les entreprises tout en reconnaissant que le programme des armes à feu présente un avantage collectif sur le plan de la sécurité publique et un avantage personnel pour les particuliers qui se voient offrir des services. L'information fournie au système doit être aussi fidèle et exhaustive que possible à la fois pour assurer la sécurité de la population et pour permettre une bonne prestation de services.
Le document dont le comité est saisi renferme 15 propositions de règlement. Quatorze sont des amendements à des règlements existants; un seul règlement est nouveau. Le but principal des amendements est de rationaliser les processus et l'administration en vue de réduire les coûts et d'améliorer les services. Ils aideront aussi le Canada à respecter ses engagements internationaux. Il convient de mettre ces propositions en contexte. Elles sont attendues depuis longtemps.
Bon nombre des amendements aux règlements concrétisent des changements contenus dans le projet de loi C-10A. Comme vous le savez fort bien, il a fallu attendre plus de deux ans pour que la mesure soit enfin adoptée.
Maintenant qu'elle est en place, nous pouvons adopter des règlements pour nous aider à réaliser les améliorations et les efficiences nécessaires. Je tiens à souligner à quel point cela est important: à défaut d'apporter au règlement des changements qui nous permettront d'adapter nos systèmes d'information, les coûts du programme augmenteront d'un million de dollars ou plus chaque mois au cours du prochain exercice financier. Cela s'ajoute au fait que nous n'aurons pas gagné la rationalisation et les efficiences qu'apporteront les nouveaux règlements.
Je n'ai pas besoin de vous dire que nous ne voulons pas que ce programme coûte plus cher. En fait, nous avons fait des efforts ardus pour réaliser des économies et j'estime que nous avons fait du bon travail.
Il faut également comprendre que les règlements proposés s'inscrivent dans le contexte du plan d'action du gouvernement visant le programme de contrôle des armes à feu que le ministre de la Justice et moi-même avons annoncé en février dernier. Ces règlements ne sont qu'un élément, mais un élément important de cette initiative globale en vue d'améliorer le fonctionnement et les services du programme de contrôle des armes à feu. Je signale que depuis l'annonce de ce plan d'action, le Centre canadien des armes à feu a été intégré à mon portefeuille en tant qu'entité indépendante. Il est chapeauté par un nouveau commissaire, M. Baker.
Le siège social du Centre canadien des armes à feu a été consolidé à Ottawa. Auparavant, il était partagé entre Ottawa et Edmonton. Pour ce faire, il a fallu déménager le registre canadien des armes à feu de la GRC. Des améliorations marquées aux services offerts aux Canadiens ont déjà été réalisées grâce à cette restructuration organisationnelle.
Il y a notamment eu des progrès considérables pour ce qui est du centre d'appel, des services téléphoniques 1-800. Les normes de services en ce qui a trait à l'octroi de permis et à l'enregistrement sont en place et respectées. De nouveaux services Internet à l'intention des particuliers et des entreprises ont été introduits. Qui plus est, le Centre canadien des armes à feu continue d'aider les gens à se conformer à la loi en obtenant un permis pour leurs armes à feu et en les enregistrant.
Plus d'un million d'armes à feu ont été enregistrées depuis janvier 2003. Je crois savoir que nous recevons plus de 1 000 demandes de permis par semaine. Tout le monde sait que même après l'expiration de la date limite, nous avons continué d'accepter des demandes d'enregistrement. En fait, les deux premiers jours suivant la date limite du 30 juin ont été parmi les plus occupés que nous ayons eus.
Les Canadiens respectent leurs obligations et, ce faisant, ils contribuent à assurer la sécurité de leurs collectivités. C'est très encourageant.
Les succès du programme sont réels. Par exemple, j'ai récemment parcouru un courriel envoyé au Centre canadien des armes à feu par une personne qui s'était fait voler deux armes à feu chez elle il y a 20 ans. Récemment, quelqu'un a essayé d'enregistrer les armes en question. La GRC a été avisée qu'il s'agissait là d'armes volées. Elles ont été confisquées et remises à leur propriétaire légitime par un membre du détachement local de la GRC. Le propriétaire s'est ensuite prévalu du service en ligne du Centre canadien des armes à feu pour enregistrer ses armes et il en a profité pour remercier le centre du service rapide et efficace qui lui avait été fourni.
Des succès aussi simples que celui-là montrent à mon avis que le programme des armes à feu est sur la bonne voie.
Monsieur le président, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les règlements proposés revêtent énormément d'importance car ils nous permettront de progresser et de réaliser les économies dont nous avons besoin. Nous sommes fort intéressés à entendre votre opinion sur ces règlements et nous répondrons volontiers aux questions que vous pourriez avoir.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Beaudoin: J'ai deux questions. La première concerne le transfert entre les ministères concernés, c'est-à- dire le ministère de la Justice et le solliciteur général. La deuxième porte sur la question des droits.
Je crois comprendre que vous assumerez la responsabilité de l'application de la mesure une fois qu'elle sera adoptée. Est-ce exact?
M. Easter: Oui. Il a été décidé, en février, si je ne m'abuse, que l'on transférerait le Centre canadien des armes à feu du ministère de la Justice au ministère du Solliciteur général. Le centre fonctionne en tant qu'entité indépendante sous l'égide du solliciteur général avec, à sa tête, comme je l'ai indiqué, M. Bill Baker.
De bonnes raisons justifient ce transfert. Le ministère de la Justice a moins un caractère opérationnel que celui du solliciteur général. Notre portefeuille comprend évidemment aussi les services de police. Au moment du changement, je pense qu'on s'était rendu compte qu'il était nécessaire d'améliorer la gestion du programme. Le ministre de la Justice et moi-même avons annoncé un plan d'action dont les étapes sont scrupuleusement respectées. Nous enregistrons d'immenses progrès à cet égard également.
Le ministre de la Justice a également entrepris un examen qui a débouché sur le rapport Hession. Dans une grande mesure, ces recommandations ont été suivies. Je pense que nous sommes bien positionnés pour réaliser ce que nous voulions accomplir grâce au plan d'action, au transfert et à la mise en oeuvre du rapport Hession.
Le sénateur Beaudoin: Ma deuxième question — et j'en ai la version française ici — porte sur le dernier point, les droits.
[Français]
Règlement modifiant le règlement sur les droits applicables aux armes à feu.
[Traduction]
En anglais, je pense qu'on utilise l'expression «firearms fees regulation». Sur le plan juridique, cela me pose toujours un certain problème. Les règlements doivent être conformes à la loi qui a été adoptée au Parlement du Canada. Évidemment, la question financière est fondamentale.
Je sais que nous devons déléguer des pouvoirs au gouverneur en conseil. Je comprends tout à fait que la fixation des droits est l'un de ces pouvoirs, mais nous devons être très stricts à cet égard. Le pouvoir conféré par délégation est-il suffisamment précis dans la loi pour que l'on dispose d'une certaine marge de manoeuvre, lorsqu'il s'agit d'imposer des droits de 50 $ ou 70 $? Cela est important dans le domaine des armes à feu car l'an dernier, la question des droits a donné lieu à de virulentes critiques. Je veux être sûr que les règlements que l'on nous soumet découlent véritablement de la mesure législative et que l'on n'autorise pas une trop grande latitude.
Autrement dit, avez-vous un bon système d'établissement des droits pour ce qui est des armes à feu? Je pose la question en raison des critiques exprimées à ce sujet.
M. Easter: Je demanderai à Mme Kathleen Roussel d'aborder l'aspect technique de la question. Il est vrai que l'on a soulevé des questions au sujet des droits imposés et des dépenses, et ce, à juste titre. Lors du dépôt du budget cette année, nous avons fait des efforts pour être certains de respecter les coûts prévus du programme pour cette année. Nous sommes en bonne voie de respecter les coûts généraux du programme. Nous nous attendons également à respecter le budget prévu. Je vais maintenant céder la parole à Mme Roussel au sujet des paramètres des droits.
Mme Kathleen Roussel, avocate-conseil, chef, Services juridiques, Centre canadien des armes à feu: L'article 117 de la Loi sur les armes à feu confère au gouverneur général le pouvoir de prendre divers règlements. Cela englobe le pouvoir de prescrire les droits à payer pour les permis, les certificats d'enregistrement, les autorisations, les approbations de transferts, l'importation des armes à feu et les confirmations par les douaniers. Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements dans tous les domaines exigeant des droits.
Vous aurez remarqué qu'il nous faut être très prudent afin de ne pas outrepasser ce pouvoir. Il n'est pas habilité à imposer des droits pour n'importe quoi; uniquement pour les cas figurant sur la liste. Par exemple, pour ce qui est des expositions d'armes à feu, il n'est pas habilité à prescrire des droits et par conséquent, dans le barème, aucun droit n'est prévu pour cela. Nous ne recommanderions certainement pas que des droits soient prescrits dans un domaine où le gouverneur en conseil ne dispose pas du pouvoir afférent. La portée des droits est limitée par le pouvoir en matière de prise de règlements.
Le sénateur Beaudoin: Cela touche-t-il chaque arme? On a énormément critiqué les droits. Les gens disaient qu'ils étaient trop dispendieux.
Mme Roussel: Deux éléments sont en cause. Vous vouliez savoir s'il y avait des droits pour chaque arme à feu. Nous avons le pouvoir de prescrire des droits pour les certificats d'enregistrement. Il y a un certificat par arme à feu, de sorte que les droits s'appliqueraient normalement pour chaque arme à feu.
Deuxièmement, vous voulez savoir si les droits sont raisonnables. Il appartient au gouverneur en conseil de déterminer cela en se fondant sur les avis qu'il reçoit. M. Baker voudra peut-être intervenir dans la discussion étant donné que nous avons eu des consultations sur cette question.
M. William V. Baker, commissaire, Centre canadien des armes à feu: Il y a ici deux dimensions. Il y a des questions au sujet de ce que nous dépensons pour le programme, ce qui fait l'objet d'un débat intense depuis plus d'un an maintenant.
Le sénateur Beaudoin: C'est juste.
M. Baker: Après la parution du rapport du vérificateur général, il y a eu lors de la séance du Comité des comptes publics de l'an dernier une longue discussion au sujet des coûts antérieurs et des coûts futurs. Comme le ministre l'a dit, un budget a été établi pour cette année. Nous faisons tous les efforts possibles pour respecter ce budget, et je suis confiant que nous arriverons. Cela n'a pas toujours été le cas.
De façon générale, nous tentons d'abaisser nos coûts. Grâce à ces règlements, nous serons en mesure de mettre en oeuvre une nouvelle solution technologique. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les coûts ont été aussi élevés. Une fois cette solution en place, nous pourrons commencer à enregistrer des économies à long terme dans le cadre du programme et en ramener le coût à un niveau plus raisonnable.
Le sénateur Beaudoin: Nous sommes en présence d'une délégation de pouvoirs, et vous pouvez intervenir par le biais de la réglementation. Fort bien; cela ne me pose pas de problème. Ce qui me préoccupe, c'est la latitude accordée au gouverneur en conseil.
Par exemple, je ne suis pas certain que la décision d'exiger 100 $ ou 150 $ relève du pouvoir qui est délégué. Ce que je veux savoir, c'est si cette latitude est raisonnable ou si vous avez carte blanche?
M. Baker: Si nous consultons les citoyens au sujet des règlements — et cette consultation est en cours au moment où nous nous parlons — c'est pour sonder l'opinion au sujet des droits. Dans le cadre de la réglementation, un barème de droits est soumis à l'examen. D'ailleurs, le sujet revient sur le tapis pratiquement à chaque réunion que nous avons avec des Canadiens. Nous leur demandons s'ils considèrent que les droits exigés sont justes. Je vous signale que de façon générale les droits n'augmentent pas comparativement à ce qu'ils étaient.
Le sénateur Beaudoin: Ils augmentent dans une certaine mesure. Passer de 50 $ à 70 $, ce n'est peut-être pas un grand bond, mais c'est tout de même une augmentation.
M. Baker: Je vous prie de noter que dans le barème des droits, bon nombre d'entre eux — particulièrement pour les entreprises — couvrent maintenant une période de trois ans, par opposition à un an. Généralement, les interventions concernant les droits portent davantage sur le principe, à savoir s'il y a lieu d'imposer un droit, plutôt que sur leur échelle.
Le sénateur Beaudoin: Oui, mais je m'inquiète au sujet des deux. Premièrement, vous devriez être responsables devant la loi et ce principe peut uniquement être énoncé dans la loi, et non dans les règlements. Deuxièmement, il y a le problème de la somme exigée, de la latitude dont vous disposez. Bien entendu, nous ne pouvons inscrire toutes ces précisions dans une mesure législative. Cela relève du pouvoir délégué, mais il y a des limites.
Vous me dites que la loi vous confère le pouvoir d'agir ainsi. Pour ce qui est de la somme, il y a évidemment une certaine discrétion.
Le sénateur Baker: J'ai quelques questions précises à poser à Mme Roussel. Cependant, je voudrais d'abord féliciter le ministre du travail exceptionnel qu'il a fait depuis qu'il a pris en main le portefeuille. Je félicite également le gouvernement d'avoir nommé M. William Baker au poste de commissaire. Je le connais puisqu'il a déjà occupé antérieurement d'autres fonctions au sein de la fonction publique fédérale; il s'est d'ailleurs distingué dans ces postes.
La plupart des sénateurs ont des préoccupations à l'égard de cette mesure et de ses règlements connexes. Ils souhaitent qu'on soit juste envers les particuliers. Monsieur le ministre, vous dites recevoir 1 000 nouvelles demandes d'enregistrement d'armes à feu chaque semaine. Cela montre que les gens commencent à s'enregistrer au rythme de 1 000 par semaine. S'il en est ainsi, il vous faudrait 1 000 semaines de plus pour enregistrer toutes les carabines, dont le nombre dépasse le million, qui manquent à l'appel. Si l'on en croit le rapport soumis à notre comité l'an dernier, rapport émanant d'une entité indépendante, il y avait 7,7 millions de carabines au Canada. Si j'ai bien compris, quelque 6,7 millions sont maintenant enregistrées. Je pense que c'est le chiffre exact. Par conséquent, il vous faudrait encore 1 000 semaines pour enregistrer les carabines manquantes.
Le comité s'intéresse particulièrement à l'incidence de cette mesure dans la communauté. Ma question pour Mme Roussel est la suivante: lorsque vous avez modifié les règlements, avez-vous envisagé les problèmes qui surviennent lorsqu'un policier découvre chez un particulier une arme qui n'est pas entreposée selon les règles? Si l'on consulte la jurisprudence, on se rend compte que depuis deux ans, les tribunaux ont surtout été saisis de cas qui avaient trait à l'entreposage — et je constate que le témoin opine du chef — et à l'enregistrement des armes, qui sont deux questions distinctes.
Le pouvoir de porter des accusations et de déterminer la peine relève du Code criminel. Comme vous le savez, ce pouvoir est énoncé aux paragraphes 86(1) et 85(2). Quant aux conditions qui font qu'il s'agit d'un acte criminel ou d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, elles sont précisées au paragraphe 86(3). Êtes-vous au courant de problèmes qui seraient survenus du fait qu'en ce qui a trait à l'entreposage, deux accusations distinctes peuvent être portées en vertu du Code criminel? L'une aux termes de vos règlements, que vous changez maintenant; l'autre a été définie par la Cour suprême du Canada qui s'est penchée sur la question de savoir ce qu'une personne raisonnable considérerait être un entreposage sûr en toutes circonstances. C'était l'affaire R. c. Finlay.
M. Easter: Sénateur Baker, je veux préciser aux fins du compte rendu que nous parlons d'environ 1 000 demandes de permis par semaine. Je pense avoir parlé de 1 000 permis par semaine, pas d'enregistrement. Je veux que ce soit bien clair. Les enregistrements varient énormément, de cinq à 10 000 par semaine. Je veux que cela soit clair.
Le sénateur Baker: Il vous faudrait 500 semaines de plus, plutôt que 1 000.
J'aimerais que vous répondiez à ma question. Pour ce qui est de l'entretien, qu'est-ce qui fait foi, la décision de la Cour suprême du Canada ou vos règlements? Lequel est-ce?
Mme Roussel: Il s'agit essentiellement de deux infractions distinctes. Ma réponse ne vous satisfera peut-être pas, mais je peux vous expliquer pourquoi il y a deux infractions distinctes. D'abord, c'est une infraction que de ne pas respecter le règlement, puisqu'il est précisé noir sur blanc dans la loi qu'il faut que l'arme soit entreposée dans un endroit sûr.
L'autre infraction est une infraction qui relève strictement du code. Dans certaines circonstances, il est possible de commettre cette infraction tout en respectant les règlements, en ce sens qu'une arme à feu peut avoir été entreposée selon les paramètres établis par les règlements sans qu'il ait pour autant été jugé qu'une personne raisonnable aurait considéré cela sûr en toutes circonstances.
Le sénateur Baker: Oui.
Mme Roussel: Voilà pourquoi il y a deux infractions distinctes.
Le sénateur Baker: Vous n'avez toujours pas répondu à ma question. Selon votre définition, il serait possible de respecter les règlements tout en étant coupable en vertu d'un autre article ou encore on pourrait ne pas respecter les règlements mais être coupable aux termes d'un autre article, ou vice versa.
Voici ce que je veux savoir: d'après ce que vous avez vu un peu partout au pays, comment les tribunaux ont-ils interprété vos règlements? Se sont-ils fondés sur le paragraphe 86(1), à l'instar de la Cour suprême du Canada, ou sur le paragraphe 86(2), c'est-à-dire vos règlements, ce qui reviendrait à les annuler?
Mme Roussel: En général, les accusations sont portées aux termes du paragraphe 86(1) plutôt que 86(2). Cela semble être la tendance.
Le sénateur Baker: Autrement dit, ils ignorent vos règlements en matière d'entreposage.
Mme Roussel: Je ne sais pas s'ils ignorent les règlements concernant l'entreposage, mais à l'occasion d'un procès, la question ne semble pas être: «Avez-vous entreposé vos armes selon les règlements?» mais plutôt «Avez-vous entreposé vos armes d'une façon raisonnable?»
Le sénateur Baker: Permettez-moi de vous lire un extrait d'un jugement de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. c. Gorr, 2003. Le juge a dit ceci:
Étant donné que le paragraphe 86(1) du Code fait d'un entreposage négligent une infraction alors que le paragraphe 86(2) considère toute contravention au règlement ci-dessus une infraction distincte (quoique sanctionnée par la même peine), je suis porté à croire qu'un entreposage négligent comporte sa propre définition et n'est pas déterminé simplement par le non-respect de la liste des exigences énoncées dans le règlement. Par conséquent, j'estime que l'infraction que constitue un entreposage négligent peut ne pas être commise bien que le règlement n'ait pas été respecté et, de la même manière, je peux envisager une situation ou quelqu'un qui aurait respecté un règlement pourrait être coupable d'entreposage négligent. Par conséquent, l'entreposage négligent demeure défini dans la jurisprudence antérieure. Dans l'affaire R. c. Finlay, la Cour suprême du Canada [...]
Il conclut ensuite:
M. Gorr a entreposé un certain nombre d'armes à feu de manière négligente. Je ne peux pas dire que j'ai constaté un écart marqué par rapport à la norme. Par conséquent, M. Gorr doit être acquitté de ce chef d'accusation également.
Sa référence à «un écart marqué par rapport à la norme» se trouve dans le jugement de la Cour suprême.
J'ai passé en revue une poignée d'autres cas et j'ai conclu que si l'accusation est portée en vertu de vos règlements, un avocat astucieux trouvera un moyen de s'y soustraire commodément. Avez-vous envisagé d'abandonner tout simplement votre règlement étant donné que les tribunaux l'ignorent?
Mme Roussel: Je ne suis pas sûre d'être prête à concéder que les tribunaux l'ignorent. Tout dépend du paragraphe en vertu duquel l'accusation est portée. Je ne pense pas qu'un tribunal puisse ignorer les règlements si l'accusation est portée aux termes du paragraphe 86(2).
Le président: Puis-je poser une question supplémentaire, sénateur Baker?
Le sénateur Baker: Bien sûr.
Le président: Pour revenir sur les arguments du sénateur Baker, si les règlements sont plus rigoureux que le Code criminel, cela ne serait-il pas considéré inconstitutionnel? Une personne inculpée ne serait-elle pas en mesure de faire exactement ce que vient de dire le sénateur Baker?
Mme Roussel: Je suppose qu'on pourrait toujours avancer cet argument. Je ne suis pas au courant. Je sais qu'il y a eu certains acquittements. Je n'ai pas examiné la question et par conséquent, je ne suis pas certaine.
Le sénateur Baker: Permettez-moi de vous poser la question suivante: Que cherche-t-on à protéger? Que se passe-t-il sur le terrain lorsque les officiers de la GRC et des forces policières pénètrent dans le domicile de quelqu'un, probablement sans mandat, pour régler un autre problème? Évidemment, lorsque ces règlements ont été adoptés, on a prévu la possibilité que les forces policières pénètrent chez les gens sans mandat dans certaines situations.
Que se passe-t-il? Un million de citoyens environ n'ont pas enregistré leurs armes à feu. À l'heure actuelle, sont-ils harcelés par la GRC et inculpés de violation du règlement, à votre connaissance?
M. Easter: Sénateur Baker, bien sûr que non. Ils ne sont pas harcelés du tout. Certaines personnes se déplacent au pays munies d'affidavits précisant que leurs armes ne sont pas enregistrées, et même là, ils ne sont pas arrêtés puisque la mesure n'a pas pour objectif de traiter des propriétaires légitimes d'armes à feu en criminels. Nous avons dit cela très clairement. L'objectif de la loi et du programme est essentiellement d'assurer la sécurité publique. Voilà notre orientation.
Chose certaine, des accusations ont été portées contre des gens qui ont utilisé des armes non enregistrées pour perpétrer des cambriolages ou commettre des agressions ou autres crimes de ce genre, mais de façon générale, les choses se passent comme je l'ai dit. Compte tenu de ce que vient d'expliquer le ministre, je présume que les agents de la GRC usent de leur jugement dans certaines circonstances aux termes de l'article 117.08 du Code criminel. Est-ce exact, madame Roussel?
Aux termes du Code criminel, un agent sait pertinemment que le fait de ne pas avoir enregistré son arme est une infraction, mais il peut, à sa discrétion, décider de porter ou non des accusations étant donné qu'il est précisé clairement dans la loi qu'il n'est pas nécessaire d'en porter si d'autres conditions existent. Ainsi, s'il existe dans le code une raison justifiant que l'arme ne soit pas enregistrée. Assurément, un agent n'a aucun pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de porter une accusation aux termes de l'article 117 du code. Ai-je raison, madame Roussel?
Mme Roussel: Sénateur Baker, je ne suis pas certaine d'être en mesure de répondre pour la GRC, et je pense que c'est ce que vous me demandez de faire.
Le sénateur Baker: Vous l'avez déjà fait à une autre occasion, lorsque vous êtes comparue devant le Comité de la justice de la Chambre des communes. Voulez-vous que je lise la déclaration que vous avez faite au sujet de l'exercice de la discrétion?
Mme Roussel: Il se peut fort bien que j'aie dit qu'ils font usage de discrétion, mais ce que vous voulez que je vous dise maintenant, c'est si cela est bon ou non. Comme, en fait, je ne prodigue même pas de conseils à la GRC, c'est un peu injuste.
Le sénateur Baker: Voici les propos que vous avez tenus:
Un agent de la paix peut interroger quelqu'un à ce sujet. La seule question qui se pose relève de l'article 117.03 du Code criminel. Un agent de la paix peut demander à quelqu'un de produire son permis ou son certificat, selon le cas. Si la personne en question ne peut obtempérer, l'agent, à sa discrétion [...]
Je peux continuer.
Mme Roussel: Je peux vous expliquer le contexte. Si ma mémoire est bonne — et je n'ai pas la transcription —, la question était de savoir ce qui se passerait advenant que quelqu'un ne puisse présenter son permis. Cette question émanait de M. Breitkreuz et elle portait sur l'obligation de présenter un permis ou un certificat sur demande...
Le sénateur Baker: C'est ce dont nous parlons maintenant.
Mme Roussel: ... par opposition au fait de ne pas avoir une arme à feu enregistrée. Ce sont là des choses différentes.
Le sénateur Baker: Mais si l'arme est enregistrée, on peut produire le permis.
Mme Roussel: En posant cette question, M. Breitkreuz voulait savoir ce qui se passe lorsque quelqu'un n'a pas ses documents sur soi ou qu'il n'est pas en mesure de présenter une photocopie d'un document. Il ne s'agit pas de savoir si des accusations doivent être portées lorsque quelqu'un n'a pas de permis et est trouvé en possession d'armes à feu ou que ces armes à feu n'ont pas été enregistrées.
Le sénateur Baker: Autrement dit, les agents de police ont eu le loisir d'exercer leur jugement dans ce genre d'affaire?
Mme Roussel: J'expliquais la teneur de l'article 117.03. Supposons, par exemple, que le ministre Easter aille chasser et qu'il ne puisse présenter son certificat. Aux termes de l'article 117.03, les agents de police peuvent saisir et confisquer son arme et lui donner jusqu'à 14 jours pour produire la documentation requise.
Le sénateur Baker: Ils doivent saisir l'arme.
Mme Roussel: Non, ils ne sont pas tenus de le faire.
Le sénateur Baker: Est-ce parce qu'on utilise le verbe «may» et non «shall» dans la version anglaise?
Mme Roussel: Il faut tenir compte du contexte intégral de l'article. Si les agents sont en mesure de déterminer autrement que la personne détient effectivement un permis ou un certificat, ils ne saisiront certainement pas l'arme. Par exemple, en consultant le Registre canadien des armes à feu en ligne, ils pourront constater que le ministre Easter détient effectivement un certificat. Voilà le contexte intégral de la discussion qui a eu lieu au comité de la Chambre.
Le sénateur Sparrow: Le ministre a-t-il conseillé à la GRC de faire preuve de discrétion et par là j'entends le ministre actuel, M. Easter, ou le ministre précédent? Ce n'est pas la première fois que le sujet est abordé. Qu'est-ce qui autorise la GRC à faire preuve de discrétion?
M. Easter: Non, il n'en est rien. C'est une question qui a été soulevée à de nombreuses reprises. Toutefois, j'ai déclaré publiquement bien des fois que nous n'avons pas l'intention, par l'entremise de cette mesure, de faire des propriétaires légitimes d'armes à feu des criminels. Notre seule intention est d'inciter les gens à obtenir un permis, à enregistrer leurs armes et à adopter des pratiques d'entreposage sûres, contribuant ainsi à éliminer les armes illégales en circulation et à accroître la sécurité dans la société. Voilà notre intention.
Assurément, la GRC et les autres forces policières jouissent d'une certaine latitude dans un grand nombre de leurs activités policières. C'est tout à fait naturel.
Le sénateur Sparrow: Les autorités policières ne sont-elles pas censées appliquer la loi à la lettre? Permettons-nous aux agents de police de prendre des décisions discrétionnaires concernant d'autres aspects de leur travail, comme les meurtres, les cambriolages ou quoi que ce soit?
M. Easter: Je suis convaincu qu'il arrive parfois que des agents de la GRC ou des services de police saisissent un fusil et disent à son propriétaire: «Faites en sorte d'enregistrer votre arme, et elle vous sera rendue.» Je pense que c'est là une utilisation raisonnable de la discrétion de la part de la police.
J'espère que vous n'allez pas laisser entendre qu'étant donné la controverse qui entoure cette mesure législative et nos efforts pour la mettre en oeuvre sur le plan législatif, nous allons commencer à pénétrer chez les gens pour tenter d'y trouver des armes non enregistrées en vue de les arrêter et de leur imposer un casier judiciaire. Ce n'était pas là notre intention. Notre intention était de nous servir de cette mesure pour assurer la sécurité de tous.
Le sénateur Sparrow: Avez-vous l'intention de mettre un terme à la confusion qui règne parmi les chasseurs et les agriculteurs qui ne savent pas trop s'ils enfreignent la loi ou non et s'ils seront pénalisés pour ne pas avoir enregistré leurs armes? C'est la question que l'on entend continuellement: que suis-je censé faire?
M. Easter: J'ai fait des déclarations immédiatement après la date limite. J'ai précisé que nous n'allions pas repousser la date limite du 30 juin pour l'enregistrement des armes à feu. Parallèlement, j'ai aussi énoncé publiquement l'objet du programme et précisé que les gens pourraient continuer à se présenter et à s'enregistrer sans pénalité car l'objectif visé ici est l'enregistrement des propriétaires d'armes. C'est la voie qu'il faut prendre. Concentrons-nous sur notre objectif ultime, soit obtenir des gens qu'ils enregistrent leurs armes, qu'ils obtiennent un permis et qu'ils prennent des mesures d'entreposage sûres.
Le sénateur Sparrow: N'est-il pas nécessaire dans ce cas, que les autorités policières appliquent le règlement intégralement, toutes ses dispositions?
M. Easter: Comme je l'ai indiqué, sénateur Sparrow, la police peut faire preuve de discrétion. Ce sont eux qui interviennent sur le terrain chaque fois que quelque chose se produit. Voilà pourquoi ils disposent d'une certaine latitude. Dans une grande mesure, le bilan des forces policières dans notre pays montre qu'ils ont fait usage de cette discrétion avec beaucoup de sagesse et je pense qu'il en est encore ainsi dans le cas qui nous occupe.
Le sénateur Andreychuk: Ma question supplémentaire ressemble à celle du sénateur Sparrow. Je peux vous assurer que nous n'avons pas assisté aux mêmes réunions ni discuté de cela ensemble. Toutefois, nous venons de la même province.
Si le but de la loi et des règlements est d'assurer la sécurité au moyen d'un usage approprié des armes à feu et de ne pas faire des propriétaires légitimes d'armes des criminels, je pense que nous faisons fausse route en nous fiant à la discrétion dont peuvent faire preuve la GRC ou les tribunaux, comme l'a dit le sénateur Baker. Chose certaine, une bonne loi est une loi que les gens comprennent et aux termes de laquelle ils savent à quoi s'attendre. Le problème en l'occurrence, c'est que j'ai du mal à l'expliquer à mes concitoyens et que les avocats ont du mal à expliquer comment suivre les règlements. Nous ne pouvons pas leur donner d'assurance. Au bout du compte, nous les renvoyons à des cas dérivés du Code criminel.
Par souci de sécurité, puisque c'est l'objectif visé, ne serait-il pas préférable d'avoir un ensemble de règles que les gens comprennent et respectent, et la jurisprudence suivra? Nous plaçons la police dans une position impossible, les tribunaux dans une position difficile et chose plus importante, les citoyens entre l'arbre et l'écorce. Si vous dites aux gens que s'ils respectent les règlements en matière d'entreposage ils n'ont rien à craindre, ils comprendront. Ils suivront les étapes prévues par la réglementation. Quant à savoir s'ils pensent qu'ils devraient ou non la respecter, c'est une autre paire de manches.
Cependant, si vous dites aux gens que même s'ils respectent toutes les consignes, ils ne seront peut-être pas tirés d'affaire, ils se demandent bien ce qu'ils devraient faire. La réponse semble être: «Je ne sais pas, si vous faites ce qu'une personne raisonnable ferait dans les circonstances, vous ne devriez pas avoir de problèmes.» Je ne pense pas que le reste du droit criminel fonctionne de cette façon.
Par conséquent, quel avantage y a-t-il pour la société, le gouvernement et le centre d'appliquer des règlements alors qu'il semble que la sécurité dépend de ce qui est établi dans le Code criminel?
M. Easter: L'ensemble des règles qui s'appliquent est clair. Il y a eu énormément de publicité entourant cette proposition législative, notamment le fait que les propriétaires d'armes à feu sont tenus d'obtenir un permis. Ils doivent enregistrer toutes leurs armes. Il existe également des règlements pour assurer leur entreposage en toute sécurité. Voilà l'intention. Voilà les règles établies.
Le sénateur Andreychuk: Mon observation ne portait pas sur le projet de loi dans son entier. Vous avez énoncé l'objectif du projet de loi intégral. Mais si c'est ce que vous souhaitez réaliser grâce à cette mesure, il est bon de discuter des règlements précis concernant l'entreposage et des dispositions spécifiques du Code criminel, qui sèment la confusion. Laissons le reste de la mesure; nous parlons de ce problème en particulier qui est signalé ici.
Une solution consisterait à abandonner les règlements et à s'en tenir au Code criminel. Une autre pourrait être à tout le moins de donner des directives à la police, ce qu'ont fait des solliciteurs généraux dans le passé pour les cas d'agression. La police dispose d'une grande latitude à bien des égards. Si je ne m'abuse, le procureur général du Manitoba a publié une directive sur les modalités d'inculpation. Il voulait ainsi définir clairement le champ de la politique gouvernementale et les attentes.
Ce n'est pas là quelque chose que la population en général doit savoir; c'est quelque chose que les propriétaires d'armes à feu doivent savoir. Ils sont au courant des incohérences. Vous devez leur transmettre un signal clair.
M. Easter: La question que vous abordez, sénateur, est en partie du ressort du ministre de la Justice. Je demanderai donc à Mme Roussel d'intervenir sur ce point.
Mme Roussel: Le sénateur Baker a essayé de me faire dire cela tout à l'heure, mais je le dirai maintenant que vous me le demandez. Ce n'est pas que je favorise qui que ce soit, c'est simplement comme ça.
La clarté des règlements ne fait pas nécessairement problème, à mon avis. Lors des consultations, nous avons constaté que les règlements sont bien acceptés. Certes, on s'élève contre le fait qu'il y a une double infraction. Le même comportement peut être sanctionné dans une localité et non dans une autre. Je sais que c'est ce que le sénateur Baker essayait de me faire dire tout à l'heure.
Assez curieusement, je n'ai connaissance d'aucun cas où la constitutionnalité de cette infraction a été remise en cause ou à tout le moins sérieusement menacée. Je conçois que cela complique les choses lorsqu'on ne sait pas trop ce qu'il faut faire pour respecter la loi. Je soulèverai volontiers la question auprès du ministère de la Justice pour voir s'il n'y aurait pas lieu de réexaminer les dispositions concernant cette infraction lorsqu'un mécanisme adéquat le permettra.
Pour ce qui est de la clarté, il serait plus facile d'avoir une infraction qui se borne à criminaliser toute violation du règlement étant donné que le règlement est clair. J'imagine qu'il nous faudrait analyser quel comportement est laissé de côté et déterminer si cela est suffisant. Je vais faire rapport de cela à mon ministre.
Le sénateur Andreychuk: Prenons le cas d'un Autochtone du Nord, d'un résident de la Saskatchewan qui s'adonne à la chasse ou à la trappe, et de quelqu'un qui fait de la chasse récréative. Je ne pense pas que les règlements puissent englober toutes ces situations. Cependant, si le Code criminel précise que c'est une infraction de ne pas entreposer ses armes en toute sécurité, je pense que les gens feront pour le moment ce qu'ils pensent approprié. Un tribunal pourra juger ultérieurement qu'ils auraient pu faire davantage, mais c'est facile à expliquer. Cela m'est déjà arrivé de dire: «Ce que vous avez fait ne concorde pas avec ce qui se fait à Rosetown, en Saskatchewan.» Cependant, il y a problème lorsqu'on a un règlement fourre-tout où l'on dit d'une part que si l'on suit les prescriptions on n'aura pas d'ennui et que du même souffle, on affirme que ce n'est pas tout à fait ça. L'aspect clarté du règlement n'est pas en cause. Le dilemme consiste à savoir quelle est la zone de confort pour quelqu'un qui fait de son mieux? Est-ce ici ou là? C'est un problème de justice crucial. Nous ne devrions pas avoir une loi qui laisse aux citoyens la responsabilité de faire ces choix.
M. Baker: Au cours des consultations nationales que nous avons effectuées auprès de différents groupes, toute la question des sanctions a été soulevée dans bien des contextes. Comme l'a mentionné Mme Roussel, cela est du ressort du ministre de la Justice. C'est certainement quelque chose que nous porterons à l'attention des responsables au moment voulu.
Cependant, pour ce qui est de l'administration du programme de contrôle des armes à feu au Canada, compte tenu du caractère nouveau de certains éléments, nous cherchons surtout à faire en sorte que les gens se présentent pour faire ce qu'il faut d'entrée de jeu au lieu de le faire sous la menace de sanctions ultérieures. Nous sommes sensibles au fait qu'il règne une certaine incertitude. Nous savons qu'un grand nombre de propriétaires d'armes attendent l'issue de poursuites, de décisions du gouvernement, et ainsi de suite.
Nous voulons nous assurer qu'ils comprennent clairement ce que l'on attend d'eux en ce qui concerne l'obtention du permis, la réglementation ou l'entreposage en toute sécurité et pour ce faire, nous travaillons de concert avec diverses organisations pour faire passer notre message. Nous avons amélioré la communication avec les propriétaires d'armes à feu partout au pays; nous faisons des efforts à ce niveau. Cela dit, votre argument concernant les sanctions est noté.
Le sénateur Stratton: Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté de comparaître ce soir. Je sais que nous vous avons invité pratiquement sans préavis, et je vous suis reconnaissant de nous permettre de vous interroger au sujet des règlements.
J'imagine que de nombreux mémoires ont été présentés au sujet des règlements et que vous en avez tenu compte. Ma question est la suivante: Que faites-vous des recommandations soumises par de nombreux groupes qui n'ont pas été intégrés? Existe-t-il un processus pour vous permettre d'y répondre et dans l'affirmative, quel est-il?
M. Easter: M. Baker a participé à de multiples consultations. Je lui demanderai donc de vous expliquer le processus que nous suivons et comment nous arrivons éventuellement à prendre des décisions suite à ces consultations.
M. Baker: Il y a trois filières. Il y a eu des consultations au Parlement lorsque les règlements ont été déposés. Nous avons comparu devant le comité de la Chambre la semaine dernière. Nous avons aussi publié les règlements sur le site Web du Centre canadien des armes à feu et les Canadiens intéressés par la question ont été invités à nous faire part de leurs commentaires. Nous avons reçu quelque 300 réponses, dont moins de la moitié portaient spécifiquement sur les règlements. C'est la nature de l'exercice.
Nous avons ensuite tenu des consultations ciblées auprès de groupes clés un peu partout au pays: les usagers d'armes à feu, les représentants d'organismes, les champions de la sécurité publique, et cetera, pour obtenir leur avis.
Ce processus tire à sa fin. Nous sommes ici aujourd'hui. Demain, nous devons rencontrer des porte-parole de services de police ici, à Ottawa. Tout le mois de novembre sera consacré à digérer les réactions qu'on nous a communiquées au sujet de l'ébauche des règlements. J'ajouterai, sénateur, que nous avons reçu d'excellents commentaires d'un bout à l'autre du pays. Nous allons analyser les nombreuses suggestions valables et les soumettre au ministre.
Le sénateur Stratton: Que ferez-vous à propos de celles que vous n'aurez pas acceptées?
M. Baker: Lors des sessions de consultation, j'ai dit aux participants qu'une fois le règlement rédigé sous sa forme finale, ce qui se fera selon les règles, s'ils constatent que leur point de vue n'y est pas reflété, nous serions disposés à leur expliquer le cheminement qui a été le nôtre pour en arriver à cette version. Évidemment, il faut comprendre qu'au bout du compte, la décision appartient au gouverneur en conseil.
Le sénateur Stratton: Je veux prendre comme exemple les règlements concernant les expositions d'armes à feu. Les armes qui sont présentées peuvent être en montre seulement ou en vente. Je peux comprendre que si l'on veut acheter une arme à l'occasion d'une exposition, il faille présenter un permis d'acquisition. Pouvez-vous nous expliquer le processus qui s'applique dans une exposition d'armes à feu? Je veux comprendre à quel point c'est complexe. Il est important que nous comprenions les conditions auxquelles un groupe donné devrait se plier pour organiser une exposition d'armes à feu ainsi que les modalités autorisant quelqu'un à faire l'achat d'une arme dans le cadre d'un tel événement.
M. Baker: Je peux vous fournir une réponse générale et, avec votre permission, je demanderai l'aide de notre avocate pour certains éléments techniques.
D'après les nouveaux règlements qui s'appliqueront aux expositions d'armes à feu, l'organisateur ou le commanditaire de l'événement doit aviser le contrôleur des armes à feu de la province. Il faut également fournir certains renseignements pour obtenir l'autorisation de tenir une exposition d'armes à feu. Naturellement, le contrôleur des armes à feu tient compte de divers facteurs, notamment de l'emplacement; il n'est pas question par exemple qu'une exposition d'armes à feu ait lieu dans une cour d'école.
Pour ce qui est de la transaction proprement dite, quiconque vend ou achète une arme à feu doit bien sûr posséder un permis valide pour ce type d'arme à feu, et un transfert a lieu entre le vendeur et l'acheteur, ce qui nécessite l'intervention de notre centre à Miramichi. Normalement, un transfert sans complication peut se faire en temps réel. Ces transactions peuvent avoir lieu le jour même. On vérifie le registre des armes à feu pour s'assurer que la documentation est complète.
Il arrive parfois qu'il y ait des complications relativement à l'arme à feu ou à la personne qui l'achète et la transaction peut alors être renvoyée au registraire des armes à feu ou bien au contrôleur des armes à feu pour un deuxième examen, et ce processus peut être un peu plus long. La plupart du temps, les gens peuvent toutefois emporter immédiatement leur arme à feu.
Le sénateur Stratton: À vous entendre, l'organisation d'une exposition d'armes à feu est très simple. Un groupe de gens se présentent. Ils veulent organiser une exposition d'armes à feu et vendre ou acheter des armes à cette occasion. Comment procède-t-on? Vous avez dit qu'il faut accomplir certaines formalités. Est-ce très compliqué ou relativement simple? Le but est de réduire au minimum la paperasse. Dans quelle mesure est-ce difficile d'organiser une telle exposition?
Il y a évidemment eu des plaintes à cause de l'existence même de ces formalités, si c'est une organisation légitime qui organise l'exposition. Le fait est que l'on vend ou achète des armes dans ces occasions. Vous avez choisi également d'obliger les responsables des expositions d'armes à feu à s'occuper eux-mêmes des formalités. Pouvez-vous nous décrire cela de façon plus détaillée?
M. Baker: Pour m'assurer que vous ayez une réponse complète à votre question, je vais demander à l'avocate d'y répondre.
Mme Roussel: Je ne vous parlerai pas du règlement sur les expositions d'armes à feu tel qu'il était rédigé à l'origine; je vais vous parler de ce que vous avez sous les yeux. Je dirai en guise de préambule qu'au cours des consultations, nous avons reçu bon nombre de mémoires sur le règlement relatif aux expositions d'armes à feu. Je soupçonne que nous allons les étudier à la loupe avec le ministre Easter.
Le projet de règlement stipule que quiconque veut parrainer une exposition d'armes à feu doit présenter une demande au contrôleur des armes à feu de la province. Dans cette demande, il faut évidemment donner les coordonnées de l'organisation et des personnes-ressources. Sept jours avant la date de l'exposition, il faut donner une liste des exposants et préciser leur emplacement sur un plan. Il faut aussi, une fois que l'exposition est approuvée, aviser la police de la date et de l'adresse de l'exposition.
Les exposants changent souvent, comme vous le savez probablement si vous êtes déjà allé à de telles expositions. Parfois, des gens se présentent le jour même et prennent une place vacante. Le parrain de l'exposition doit être en mesure de fournir tout renseignement à ce sujet au contrôleur des armes à feu dès qu'un changement a lieu ou dans les plus brefs délais, parfois le lendemain de l'exposition. Le processus d'approbation comme tel comporte deux étapes. La première étape consiste à remplir un formulaire de demande, et la deuxième est de fournir sept jours avant l'exposition tous les renseignements concernant les exposants et le plan du site.
Le sénateur Stratton: Ce n'est pas un processus très compliqué. Combien de temps cela prendrait-il? En avez-vous une idée?
Mme Roussel: Je ne suis pas certaine de pouvoir vous le dire. Évidemment, la plupart des gens vont le faire par écrit ou bien sur Internet, mais comme ces mesures n'ont jamais été mises en vigueur, il me faudrait faire des conjectures. La première étape consiste en un formulaire d'une seule page, et ensuite il faut fournir la liste des exposants.
Le sénateur Stratton: J'ai une dernière question très simple. J'ai déménagé. C'était un scénario intéressant. Je possède des armes à feu et je les emportais avec moi. J'ai communiqué avec Miramichi pour leur faire savoir que je déménageais. Ils m'ont demandé mon ancienne adresse et ma nouvelle adresse. Je leur ai donné ce renseignement et je me suis rendu compte que c'était tout ce qu'ils voulaient savoir. Ç'aurait pu être n'importe qui au téléphone, qui se serait fait passer pour moi et qui aurait dit: «Terry Stratton déménage de telle adresse à telle autre», alors que je n'aurais pas déménagé du tout.
Comment vérifiez-vous que j'ai bel et bien déménagé? Quand je leur ai parlé au téléphone, j'ai demandé s'il leur fallait d'autres renseignements ou si je devais remplir d'autres formalités. Ils m'ont dit que c'était tout. Ç'aurait pu être Jean Untel au lieu de Terry Stratton.
M. Baker: C'est un cas inhabituel. Normalement, il faut donner un numéro de permis, et cetera.
Le sénateur Stratton: Ils ne me l'ont pas demandé. Je vous raconte cette histoire parce que j'ai été renversé. J'ai répété la question deux fois. J'ai dit: «Vous faut-il autre chose?» Non, c'était tout.
Le sénateur Comeau: L'une des questions que j'ai soulevées à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, porte justement sur le formulaire de demande lui-même. Je l'ai trouvé très indiscret et rempli de questions que les Canadiens trouvent importunes. On y posait des questions du genre: «Avez-vous déjà subi un échec dans votre carrière? Avez- vous déjà reçu des soins psychiatriques? Est-il vrai que vous avez cessé de battre votre femme?» Je ne pense pas que vous ayez le droit de poser des questions pareilles. Je ne suis pas sûr que dans la société canadienne d'aujourd'hui, un gouvernement ait le droit de poser de telles questions, peu importe la raison.
Enfin, si vous pensez que vous en avez le droit, tant pis. J'ai demandé à plusieurs reprises qu'on modifie ce formulaire pour le rendre moins agressant, ou tout au moins qu'on le révise. Qui sait ce qu'il advient de tous ces formulaires de demande qui sont empilés quelque part, pleins de questions indiscrètes, et l'on se demande si les gens qui s'occupent de ces dossiers offrent toutes les garanties que ces formulaires ne tomberont pas entre de mauvaises mains.
Avez-vous envisagé de réviser ce formulaire et de le rendre moins indiscret?
M. Baker: La question n'est pas revenue aussi souvent ces derniers temps, mais je connais bien le dossier.
Le sénateur Comeau: Les gens ont renoncé.
M. Baker: C'est une question que l'ancien commissaire à la protection de la vie privée a soulevée à un moment donné. Je sais que le ministre de la Justice avait fait savoir à l'époque que les renseignements demandés étaient, à son avis, à titre de ministre, essentiels pour que le contrôleur des armes à feu puisse rendre une décision éclairée.
Il faut mettre dans la balance le désir du public de protéger sa vie privée et l'intérêt général qui est de permettre à nos contrôleurs des armes à feu de disposer de tous les renseignements pertinents pour leur permettre de rendre une bonne décision.
Le sénateur Comeau: Je vais vous donner un exemple de ce qui pourrait arriver à cause des questions qu'on pose dans ce formulaire. Si quelqu'un a des problèmes psychiatriques, nous voulons qu'il soit en mesure de demander de l'aide. C'est un problème médical; nous le reconnaissons tous. Cependant, si tout le monde apprend que la personne en question cherche à se faire soigner par un psychiatre, cela peut évidemment nuire à sa réputation au sein de sa collectivité, à sa carrière, et cetera. Si l'on est obligé de dire au gouvernement que l'on a besoin d'aide psychiatrique, une foule de gens qui auraient besoin d'aide refuseront d'en demander, tant et aussi longtemps que la société ne considérera plus une telle démarche comme stigmatisante. En obligeant les gens à mettre cela par écrit et à apposer leur signature, nous les décourageons de chercher à obtenir l'aide dont ils ont besoin. Nous ne devrions pas faire cela.
Il semble que vous ayez renoncé à régler le problème du formulaire. Si, après avoir pesé le pour et le contre, vous avez décidé de ne plus vous en occuper parce que vous avez reçu seulement dix demandes de révision, alors que vous l'auriez fait si vous aviez reçu 1 000 demandes, je suis déçu. C'est un problème grave et vous ne devriez pas en mesurer l'importance d'après le nombre de demandes que vous recevez. Vous devriez vous servir de votre bon sens. Si quelque chose échoue au test de l'odorat, il faut y voir. Je me fiche de savoir ce que le ministre de la Justice croit nécessaire dans l'élaboration des formulaires. Faites ce qu'il faut faire; est-ce que l'affaire sent mauvais, oui ou non?
M. Baker: Nous prenons bonne note de vos observations, sénateur. Il y a en effet une question sur les relations conjugales; on demande si le signataire a vécu une rupture conjugale au cours des deux années précédentes.
J'ai entendu des instances à ce sujet. Les experts dans ce domaine nous disent que cette période de deux ans est une période critique relativement à la stabilité affective des gens qui ont vécu une telle situation difficile. C'était l'opinion de l'ancien ministre de la Justice, après avoir consulté les contrôleurs des armes à feu qui, d'après la loi, doivent prendre ces décisions-là et en être comptables après avoir remis à quelqu'un un permis de possession d'armes à feu, qu'il s'agit là d'un renseignement utile permettant d'évaluer le risque.
Je vous signale, monsieur, que le fait de cocher une case n'entraîne pas automatiquement le refus du permis d'armes à feu. C'est simplement un signal indiquant au contrôleur des armes à feu qu'il y a lieu d'examiner la demande de plus près et peut-être de mener une enquête plus poussée.
Le sénateur Comeau: Est-il possible que les enquêteurs aillent interroger des voisins dans le quartier? Pourraient-ils dire qu'ils ont reçu une demande de permis d'armes à feu et demander si la personne en question a déjà dit avoir eu des démêlés avec son conjoint ou s'il y a eu rupture dans ses relations au cours des deux années précédentes?
Est-ce là le genre de questions que vous poseriez aux voisins, peut-être à l'employeur, au cours de cette enquête plus poussée?
M. Baker: Je sais qu'il arrive à l'occasion que l'on aille interroger l'ex-conjoint. Peut-être Mme Roussel sait-elle s'il y a un autre suivi.
Mme Roussel: À la suite d'une demande, les autorités compétentes ont le pouvoir de faire un suivi, de manière générale. Un registraire des armes à feu qui examine une demande est habilité à s'entretenir avec quiconque est susceptible de donner des renseignements pertinents à l'enquête. Cela dit, quand un fonctionnaire, que ce soit un registraire des armes à feu ou n'importe qui d'autre, recueille des renseignements personnels, il n'a pas le pouvoir de les divulguer. Il ne serait pas admissible, à mon avis, qu'un préposé aux armes à feu demande à quelqu'un si son voisin a déjà eu des problèmes psychiatriques. Cela serait inadmissible. Il serait par contre admissible de demander à quelqu'un ce qu'il pense de son voisin qui a présenté une demande.
Le sénateur Comeau: Vous dites que c'est ainsi que les questions sont formulées. J'en reviens à la question que j'ai évoquée tout à l'heure: «Est-il vrai que vous avez cessé de battre votre conjoint? Oui ou non?». Je suis convaincu qu'il s'agit là d'une question extrêmement indiscrète, sinon même illégale.
Le sénateur Sparrow: Le pouvoir discrétionnaire de la police est inquiétant. De plus, les procureurs généraux de cinq provinces ont fait savoir qu'ils n'intenteront pas de poursuites.
Quel message transmettons-nous là aux gens, par exemple, de Saskatchewan, quand on leur dit qu'on n'intentera aucune poursuite et que la police a le pouvoir discrétionnaire et qu'il n'y a aucun problème? Il y a un problème parce que personne ne sait de quoi on parle. On ne cesse d'entendre dire que le procureur général de Saskatchewan ne va pas appliquer la loi à la discrétion de la GRC. Il ne nous reste pas grand-chose.
Le président: Avant de laisser le témoin répondre, le sénateur Gustafson veut intervenir.
Le sénateur Gustafson: Je voulais féliciter le ministre avant qu'il ne parte. J'ai été content de constater que nous avons un ministre qui a un certain bon sens. J'ai siégé à la Chambre à ses côtés. Je ne pense pas que ce serait arrivé s'il avait été ministre; je vous le dis bien franchement et je vous félicite.
Ce qui me préoccupe, c'est le casier judiciaire. Nous sommes sénateurs et nous examinons cette affaire avec mûre réflexion. Je prédis qu'à l'avenir, dans huit ou dix ans, il y aura une foule de problèmes à cause des gens qui auront des casiers judiciaires.
Nous savons tous à quel point il est difficile de faire effacer un dossier à la suite d'une infraction relative à la marijuana qui date de 20 ans, quand la personne en cause était encore un enfant. Un casier judiciaire mettant en cause une arme à feu, c'est une affaire assez sérieuse. Cela ne va pas manquer d'arriver. Il doit déjà y avoir des gens qui ont des casiers judiciaires à cause de cette loi.
Le président: Nous pouvons peut-être entendre une brève réponse aux deux questions.
M. Easter: Je vous remercie pour le compliment.
Au sujet du pouvoir discrétionnaire, sénateur Sparrow, c'est un principe établi de longue date. Nous avons dit et le ministre de la Justice a dit que dans ces cas-là, si la province n'est pas disposée à intenter des poursuites, nous pouvons le faire à sa place.
Je crois toutefois que vous constaterez que dans presque chaque cas où d'autres facteurs sont en cause, par exemple un vol avec effraction, les provinces sont tout à fait disposées à intenter des poursuites. C'est effectivement ce qui se passe.
Nous avons essayé de dire assez clairement que l'objet même de la mesure législative est de faire inscrire les armes à feu dans un registre et d'obtenir que le système fonctionne tel que prévu. Nous avons constamment essayé d'obtenir cela.
La question du casier judiciaire est très sérieuse. Je sais que les députés et les sénateurs sont aux prises avec de telles questions. Nous devons constamment nous en occuper à mon ministère, essayant d'effacer le casier de gens qui ont par exemple été arrêtés il y a 20 ans pour conduite en état d'ébriété et qui n'ont pas obtenu de pardon. Le dossier n'a pas été effacé et la personne en question a maintenant des problèmes quand elle tente de franchir la frontière américaine.
Pour éviter d'avoir un casier judiciaire en application de cette loi, il faut enregistrer son arme à feu. C'est aussi simple que cela. Nous avons fait de notre mieux pour essayer de travailler avec la collectivité parce que nous savions qu'il y avait de l'opposition. Le but des consultations est de prendre connaissance des problèmes et d'essayer de faire en sorte que le système fonctionne pour tout le monde. Voilà ce que nous voulons faire. Nous voulons tourner la page, tirer un trait sur le passé et avancer résolument vers l'avenir. Voilà ce que nous voulons vraiment faire.
Merci, monsieur le président. J'ignore si quelqu'un veut ajouter quelque chose à cela. Les fonctionnaires sont disposés à rester, monsieur le président.
Le président: Je tiens à vous remercier, vos fonctionnaires et vous-même, d'avoir accepté de venir témoigner avec un préavis aussi court. Merci beaucoup.
Si Mme Roussel et M. Baker pouvaient rester un instant, je pense que le sénateur Baker a une brève question.
Le sénateur Baker: Je crois savoir, et vous pouvez vérifier si ce chiffre est exact — je l'ai déjà vérifié — que vous recevez 1 500 appels par jour. Ce sont des gens qui veulent se renseigner sur l'identité des propriétaires d'armes à feu. Il y a 1 500 appels par jour dans l'ensemble du Canada. Cela fait un appel toutes les 40 secondes.
Envisagez-vous d'examiner pourquoi il y a 1 500 personnes par jour qui veulent avoir accès à ces données? Avez- vous analysé, madame Roussel, la jurisprudence récente dans différentes affaires?
On ne sait pas exactement de quoi il retourne, mais il semble que la police fasse une vérification dans votre système à chaque fois qu'elle doit se rendre chez quelqu'un, ce qui explique probablement ces 1 500 appels par jour. Bien souvent, quand la police doit effectuer une démarche quelconque, que ce soit pour aller porter une assignation à comparaître, ou pour intervenir dans une querelle conjugale, en fait pour n'importe quelle raison, elle applique une procédure rigoureuse, à savoir qu'un propriétaire d'armes à feu enregistrées est traité différemment des autres personnes. C'est la raison pour laquelle on fait 1 500 démarches par jour pour avoir accès à votre système.
Avez-vous analysé cela? Avez-vous quelque chose à dire au comité à ce sujet?
M. Baker: À ma connaissance, ces appels sont essentiellement le fait de la police, pour les raisons que vous avez exposées. Quant à savoir si un propriétaire d'armes à feu enregistrées est traité différemment de quelqu'un d'autre, je crois savoir que la police, dès qu'elle doit intervenir, que ce soit à cause d'une querelle familiale ou pour n'importe quelle raison, fait preuve de prudence, parce qu'il faut toujours, en tout temps, prendre les précautions nécessaires.
Le registre donne aux policiers une information complémentaire quand ils doivent intervenir dans une situation quelconque. Nous connaissons des cas où l'information fournie par le registre a incité la police à effectuer d'autres démarches, ce qui a permis d'identifier sur les lieux des armes à feu supplémentaires qui n'avaient pas été décelées la première fois qu'ils avaient fouillé l'endroit.
Quant à votre autre question, à savoir dans quelle mesure nous analysons ces 1 500 appels par jour — je signale en passant que c'est une moyenne et que le nombre fluctue — nous ne le faisons peut-être pas autant que nous le devrions. Nous comptons nous en occuper dès que nous aurons réglé certains dossiers opérationnels plus importants.
Le sénateur Baker: Dans le cas que vous avez évoqué, monsieur Baker, la question qui se pose est de savoir si l'on avait un mandat pour perquisitionner la maison à la recherche d'armes à feu? Madame Roussel, avez-vous remarqué cela dans la jurisprudence? Il faut un mandat si vous voulez porter une accusation de possession d'armes à feu non enregistrées, c'est-à-dire si la police pénètre dans une maison et s'empare d'une arme à feu, n'est-ce pas, madame Roussel?
Mme Roussel: Cela dépend des circonstances. Si la police se rend quelque part à la recherche d'une personne qui a commis une infraction de possession d'une arme à feu non enregistrée, je conviens qu'il lui faut un mandat, absolument, en supposant qu'il n'y ait aucun danger immédiat.
Le sénateur Baker: M. Baker a évoqué un cas où la police intervenait pour une autre raison quelconque et découvrait par la suite qu'il y avait une arme à feu non enregistrée.
Mme Roussel: La réalité est que la police peut entrer dans une maison pour n'importe quelle raison. Par exemple, dans certaines circonstances qui l'exigent, elle peut entrer quelque part légitimement pour une raison autre que la recherche d'armes à feu, pour découvrir une fois sur place qu'il y a des armes à feu. Vous devez comprendre que je ne suis pas chargée de donner des conseils à la police et je ne suis donc pas en mesure d'analyser ce qui se passe sur le terrain.
Le sénateur Baker: Vous devriez pourtant examiner pourquoi il y a chaque jour 1 500 demandes d'accès à vos dossiers informatiques. Chose certaine, à toutes les 40 secondes, il me semble que vous devriez peut-être vous interroger à ce sujet et probablement demander aux services de police quel est leur protocole pour l'utilisation de cette information.
Dans la même veine, un sénateur qui vient de partir m'a demandé de poser une question. Est-il vrai que vous avez des règlements sur les Autochtones? Ils ne se trouvent pas dans cette trousse de 15 que vous nous présentez maintenant, mais envisagez-vous d'adopter des règlements concernant les Autochtones?
Mme Roussel: Il y a des règlements intitulés Règlements sur l'adaptation des peuples autochtones du Canada. Ils ne se trouvent pas dans le groupe de 15. Pour l'instant, on ne propose pas d'y apporter des modifications.
Je dois dire — et je sais que bon nombre d'honorables sénateurs le savent — qu'il y a des litiges en instance avec un certain nombre de groupes autochtones. Chose certaine, pour ce qui est de ces règlements, il est beaucoup plus prudent d'attendre de voir quelle sera l'issue des litiges et ensuite, au besoin, on pourra apporter les modifications requises à la suite du litige. Le moment n'est pas bien choisi pour faire des modifications, sans savoir comment les tribunaux se prononceront sur la question fondamentale des droits issus des traités et sur les répercussions de la Loi sur les armes à feu pour les Autochtones.
Le sénateur Stratton: Il y a un rapport interne de la Justice sur le programme des armes à feu, dans lequel on dit que le registre comporte d'importantes faiblesses pour ce qui est de donner des renseignements cruciaux aux agents de police et aux responsables des armes à feu. Par exemple, la base de données qui est censée servir d'outil à la police renferme des renseignements qui ne sont pas fiables; et les réserves de la GRC au sujet du droit à la vie privée retardent ou empêchent les responsables des armes à feu d'avoir accès aux renseignements dont ils ont besoin pour juger s'il y a lieu de remettre un permis d'armes à feu à une personne. Voulez-vous commenter ce rapport?
M. Baker: Au sujet des faiblesses des données qui figurent dans le système d'enregistrement, je crois que cela fait allusion au fait que près de 6,7 millions d'armes à feu ont été inscrites en très peu de temps. L'effort déployé pour inscrire toutes ces armes et remettre des certificats d'enregistrement a limité la portée de l'examen qu'il était possible de faire pour vérifier l'information remise. Nous reconnaissons que certains renseignements donnés au moment de l'enregistrement sont incomplets ou inexacts.
Nous avons assurément l'intention, à la première occasion, d'améliorer la qualité de cette information. Au bout du compte, l'inscription d'une arme à feu n'est valable que dans la mesure où les renseignements fournis permettent de faire le lien entre ces renseignements et l'arme à feu comme telle.
Vous avez aussi parlé de l'accès, par les contrôleurs des armes à feu, aux renseignements qui figurent dans la base de données du CIPC. Ils y ont accès et nous travaillons de concert avec la GRC pour nous assurer que nos agents disposent de toute l'information nécessaire pour faire leur travail.
Le sénateur Stratton: Qu'est-ce que le CIPC?
M. Baker: Le Centre d'information policière du Canada. C'est la base de données.
Le sénateur Watt: J'ai deux brèves questions. Premièrement, j'ai participé aux efforts visant à élaborer des programmes d'adaptation au cours des premières années. Nous avions mis au point ce qui nous semblait une solution raisonnable pour nous dépêtrer de la situation, je veux dire en ce qui a trait au Grand Nord et au Sud, relativement aux programmes d'application que vous venez d'évoquer.
Cela fait longtemps, mais si ma mémoire est fidèle, trois ou quatre points restaient en suspens. Nous n'arrivions pas à nous entendre; nous étions encore en train de chercher une solution, mais cela n'est jamais arrivé. Est-il encore possible — à part en s'adressant aux tribunaux — d'en arriver à une solution politique, au moyen de négociations? Est- ce encore possible?
M. Baker: Je répète que le litige est en instance et nous prendrons nos instructions des tribunaux le moment venu, le cas échéant.
Le sénateur Watt: Je ne pense pas que les Innus soient visés par le litige. Je pense que le litige que vous avez évoqué concerne les Premières nations.
Mme Roussel: Oui.
Le sénateur Watt: Je ne pense pas que nous nous soyons adressés aux tribunaux. Oh, oui, nous l'avons fait — nous avons un litige.
M. Baker: Nous avons quelques initiatives en cours avec différents groupes autochtones pour essayer de rendre l'administration du programme mieux adaptée à leurs besoins particuliers. Par exemple nous avons embauché un préposé aux armes à feu des Premières nations pour nous aider à cet égard dans l'Ouest et dans les Territoires. Nous sommes certainement ouverts, et nous travaillons avec l'APN et d'autres groupes afin d'en arriver à des solutions administratives qui respecteraient les exigences de la loi, tout en étant plus sensibles aux besoins particuliers des Premières nations et des communautés autochtones.
Le sénateur Watt: Monsieur le président, je ne pense pas qu'il soit possible d'entreprendre des négociations parce que le litige est en instance. Je viens de me rappeler que le Nunavut a remporté la première ronde, si je me rappelle bien.
L'autre question est celle-ci: Qu'en est-il des gens qui n'ont pas encore reçu leur permis?
M. Baker: Vous voulez dire des gens des Premières nations?
Le sénateur Watt: Oui. Dans l'Arctique, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas reçu leur permis. Ils ont présenté leur demande dès le premier jour et n'ont toujours rien reçu. Le permis s'est perdu. Que faisons-nous de ces gens-là? Sont-ils maintenant des criminels?
M. Baker: La situation que vous venez de décrire pourrait comporter de nombreuses variantes. S'ils ont pris les mesures voulues pour se conformer à la loi mais que, pour une raison quelconque, ils n'ont pas encore reçu leur permis ou s'il y a eu une complication quelconque, je les encouragerais à communiquer avec le Centre des armes à feu en composant le numéro 1-800. Il n'est plus nécessaire d'attendre une heure.
Le sénateur Watt: Ça ne répond pas.
M. Baker: Si c'est un problème administratif il faudra les examiner au cas par cas. Si quelqu'un n'a pas eu de permis parce qu'il a choisi de ne pas obtenir de permis ni enregistrer son arme à feu, comme le ministre l'a dit, n'importe qui peut se présenter et nous ferons tout notre possible pour l'aider.
Le sénateur Watt: Certains s'inquiètent maintenant et se demandent pourquoi ils n'ont pas eu leur permis. Peut-être que le permis s'est perdu. Certains ont même payé trois fois, dans un effort pour se conformer à la loi, et ils attendent toujours.
M. Baker: Nous examinerons chaque cas séparément. Si quelqu'un a payé plus d'une fois, nous rembourserons sans condition.
Le président: Je veux vous remercier, madame Roussel et monsieur Baker, pour le temps que vous avez bien voulu consacrer à nos délibérations. Vous nous avez été utiles. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je vous présente maintenant Mme Wendy Cukier, de la Coalition pour le contrôle des armes à feu.
Mme Wendy Cukier, présidente, Coalition pour le contrôle des armes à feu: Je vous remercie de prendre le temps d'entendre des témoins. J'apprécierais que l'on distribue rapidement des exemplaires de mon mémoire, parce qu'il renferme des tableaux auxquels je vais me reporter.
Je vous remercie beaucoup de me donner de nouveau l'occasion de témoigner devant vous. Je sais que votre ordre du jour législatif est très chargé. Je voulais aborder seulement certains règlements en particulier, mais à la lumière de la discussion avec les témoins précédents, je vais prendre la liberté de vous signaler quelques autres questions.
Depuis la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, des progrès considérables ont été accomplis pour régler bon nombre des problèmes de coût et de gestion qui ont été soulevés dans le rapport du vérificateur général; par ailleurs, le projet de loi C-10A a bien sûr été adopté, et les mesures conçues pour simplifier la procédure et réduire les coûts ont été retardées très longtemps. Nous avons très hâte que l'on mette en oeuvre le règlement afin de réduire le fardeau financier du programme. En même temps, nous voulons évidemment nous assurer de bien faire les choses.
Pour ceux d'entre vous que je n'ai pas déjà rencontrés, je précise que la Coalition pour le contrôle des armes à feu est une alliance de 300 organisations. Mes observations d'aujourd'hui reflètent les préoccupations de groupes, notamment l'Association canadienne des chefs de police, la Fédération canadienne des femmes universitaires, l'Association canadienne de santé publique, l'Association canadienne de justice pénale, le Conseil des églises pour la justice et la criminologie, l'Association canadienne des médecins d'urgence, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crime, le Alberta Centre for Injury Prevention, le Centre de prévention du suicide du Québec, et les Médecins pour la survie mondiale. Tous ces groupes et beaucoup d'autres appuient la coalition et ont participé aux consultations et ont donné leur avis sur le règlement proposé, de même que bon nombre d'experts en prévention des blessures, en violence familiale et en prévention du suicide, et aussi des experts en prévention du crime.
Il est important de faire ressortir — surtout à la lumière de certains commentaires formulés tout à l'heure — que des représentants de localités éloignées, des médecins, des policiers, des experts en prévention du suicide ont tous insisté sur l'importance de cette loi pour assurer la sécurité dans leur collectivité. C'est bien sûr un terrible paradoxe que les endroits où l'on compte la plus forte proportion de propriétaires d'armes à feu s'opposent plus fortement à la loi, mais c'est également là, chose regrettable, que l'on trouve les taux les plus élevés de décès causés par les armes à feu.
Les questions que je veux aborder plus précisément sont la vérification, les formulaires et le processus d'examen. Il est important de revenir sur certains principes qui sous-tendent le processus d'examen. Je trouve qu'il est également important de signaler les contrôles à l'import-export et à la vente. Ensuite, je ferai des observations en conclusion.
Au sujet de la vérification, il y a une proposition d'amendement du règlement qui laisse croire que les armes à feu ne feront plus nécessairement l'objet d'une vérification au moment du transfert entre personnes si le certificat d'enregistrement existant indique que l'information a déjà été vérifiée, ce qui est logique, ou bien, dans le cas de transferts entre personnes, si l'information consignée au registre des armes à feu est complète et exacte. Nous osons faire remarquer qu'il n'y a vraiment aucune manière de confirmer que l'information consignée dans le registre des armes à feu est exacte, en l'absence de vérification.
Dans le passé, quand la GRC dirigeait le système d'enregistrement des armes à utilisation restreinte, chaque arme à feu qui avait été enregistrée récemment était inspectée physiquement et l'information consignée sur le certificat d'enregistrement était vérifiée et comparée à l'arme à feu elle-même. Comme il faut enregistrer un très grand nombre d'armes — six millions —, il a été convenu que les gens pourraient fournir eux-mêmes l'information. Chaque propriétaire d'armes à feu pouvait examiner ses armes et, au meilleur de ses connaissances, remplir le formulaire d'enregistrement. Cependant, il était entendu que lorsque ces armes à feu étaient vendues ou transférées, cette information serait vérifiée, pas nécessairement par la police, mais par un vérificateur accrédité. Pour répondre à l'une des questions qui a été posée au sujet de l'exactitude de la base de données, cette mesure avait été mise en place pour s'assurer que l'information de l'enregistrement demeurerait exacte avec le temps.
L'une des questions clés, quand on examine des systèmes d'information, c'est l'intégrité des données. Tel était l'arrangement. Nous craignons que le règlement proposé ne rende essentiellement optionnelle cette vérification au moment du transfert entre personnes.
Je pense pouvoir dire sans trop de risque de me tromper que la police est extrêmement inquiète et qu'elle craint que cela va saper l'intégrité de l'information consignée au registre. C'est un changement important qu'il faudrait apporter avant de mettre en oeuvre ce règlement.
Une autre question que je veux aborder concerne les formulaires et le processus d'examen. Les formulaires comme tels ne sont pas décrits dans le règlement; on y dit simplement que des examens seront effectués au moment des demandes initiales et des renouvellements. J'ai été très étonnée d'entendre certains commentaires au sujet de l'examen des formulaires. Chose certaine, certains d'entre vous autour de la table se rappelleront qu'en 1991, quand le projet de loi C-17 a été adopté, il a notamment renforcé la sécurité publique en resserrant considérablement l'examen nécessaire pour l'obtention d'un certificat d'acquisition d'armes à feu.
Ceux d'entre vous qui s'intéressent à cette affaire de l'examen feraient bien de jeter un coup d'oeil à ce formulaire. Il avait huit pages de long et l'on y posait de très nombreuses questions plus détaillées que celles qui figurent sur l'actuel formulaire de demande de permis.
Ce formulaire a été établi après une consultation poussée auprès d'experts en prévention du suicide et en violence familiale et de gens qui savent identifier les facteurs de risque. On avait accordé beaucoup d'attention à la formulation de la question et aussi au processus par lequel les personnes désignées comme référence passeraient en revue les questions et apposeraient leur signature. D'aucuns ont dit que certaines de ces questions peuvent sembler indiscrètes, mais les risques de violence causés par les armes à feu sont également importuns. Les changements à la loi introduits en 1991 étaient le début de l'effort visant à renforcer le processus d'examen.
Si vous comparez le formulaire pour l'obtention du certificat d'acquisition d'armes à feu, qui date de 1993, et le formulaire qui est actuellement en place, que ce soit pour la demande de permis ou le renouvellement, vous verrez que le formulaire actuel est beaucoup plus simple par rapport à celui qui avait été mis en place par Kim Campbell.
Je n'avais pas l'intention d'aborder la question des exigences relatives à l'enteposage, mais je trouve important de signaler que le règlement sur l'entreposage sécuritaire a été introduit à la suite du projet de loi C-17 qui a été adopté en 1991. Le règlement sur l'entreposage sécuritaire a été introduit en 1993. Il visait à répondre spécifiquement aux préoccupations en matière de sécurité publique et à celles qui avaient été soulevées, en particulier par la police, qui avait déclaré que les dispositions existantes n'étaient pas suffisamment précises pour leur permettre d'en assurer l'application. C'est à la demande de la police que l'on a renforcé les exigences en matière d'entreposage.
La preuve recueillie ces dernières années indique que le processus d'obtention du permis pourrait être renforcé à certains égards. L'une des préoccupations qui ont été soulevées au moment de la rédaction de la loi était qu'un propriétaire d'armes à feu enregistrées pouvait habiter dans la même résidence qu'une personne frappée par l'interdiction de posséder des armes à feu ou considérée comme une personne à risque pour diverses raisons. Au Québec, l'affaire Boucher a fait ressortir ce problème parce qu'il lui était interdit de posséder des armes à feu, mais son partenaire y avait accès.
Il est important de se rappeler que le pouvoir conféré au contrôleur des armes à feu inverse le fardeau de la preuve. En effet, il a le pouvoir de refuser d'émettre un permis d'armes à feu s'il existe à son avis un risque pour la personne ou une autre personne. C'est d'une importance cruciale. Cela a été fait après mûre réflexion en 1991. À nos yeux, c'est là un recul épouvantable.
Tout indique que l'approche qui avait été adoptée fonctionne bien.
Le contrôle des importations et des exportations, tel que formulé dans le règlement, nous l'appuyons énergiquement. Nous serions très préoccupés si l'on apportait le moindre changement à ce règlement sans y avoir mûrement réfléchi, parce qu'il nous aligne sur nos obligations internationales aux termes de la Convention inter-américaine contre la fabrication illicite et le trafic des armes à feu, des munitions, des explosifs et des autres matières connexes, promulguée sous l'égide de l'Organisation des États américains, et aussi de la Convention des Nations Unies contre le crime organisé transnational.
Du point de vue international, il vaut également la peine de faire remarquer, surtout que certains d'entre vous s'intéressent aux droits de la personne, que récemment, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de la personne a dit que les pays qui ne protègent pas leurs citoyens contre la violence perpétrée à l'aide d'armes à feu sont peut-être en violation de leurs obligations aux termes du droit international relativement aux droits humains.
En conclusion, je veux faire quelques observations qui, je l'espère, répondront aux questions soulevées autour de la table avant mon intervention.
Il n'y a aucun doute que la conduite des affaires publiques ne doit pas être dictée par les sondages, mais je pense que l'on a pourtant fait beaucoup de cas du fait que 50 p. 100 des propriétaires d'armes à feu disent qu'ils sont contre la loi. Nous devons nous rappeler qu'en dépit de cela, 90 p. 100 d'entre eux ont obtenu un permis et que 80 p. 100 de leurs armes sont enregistrées. Il vaut également la peine de signaler, surtout devant cette audience, que si seulement 50 p. 100 des propriétaires d'armes à feu appuient la loi, 77 p. 100 des gens qui vivent avec les propriétaires d'armes à feu appuient la loi. Il est important de ne pas oublier leurs intérêts quand on examine ces questions.
Je veux aussi dire en terminant qu'il est prématuré d'évaluer l'impact de la loi de Kim Campbell ou de la loi qui a été adoptée en 1995. Cependant, si vous examinez les données qui ont été présentées par les experts en prévention du crime et en prévention du suicide, on constate que tout indique que nous sommes en fait sur la bonne voie.
Je voudrais attirer votre attention sur certains graphiques qui figurent à l'annexe 1 de mon mémoire. Vous verrez que si le nombre de meurtres perpétrés à l'aide d'armes de poing au Canada est demeuré relativement constant, en grande partie parce que le nombre de ces meurtres est grossi par l'importation illégale d'armes de poing en provenance des États-Unis, ce qui explique d'ailleurs notre vive préoccupation relativement au commerce international illicite, le nombre de meurtres perpétrés au moyen de carabines et de fusils à canon long a chuté brutalement. Bien que de nombreux facteurs influent sur le nombre d'homicides, la différence entre les meurtres commis au moyen d'armes à canon long et ceux perpétrés à coups de couteau, d'armes de poing, par étranglement de la victime, et cetera, indique bel et bien que la loi permet d'obtenir des résultats.
Même dans une ville comme Toronto, où l'on entend beaucoup parler d'une épidémie de violence impliquant des armes à feu, les données indiquent que le nombre de meurtres commis avec des armes de poing à Toronto demeure stable.
J'attire maintenant votre attention sur les graphiques qui illustrent le taux de décès causés par des armes à feu au Canada. La première fois que j'ai comparu devant le Sénat, c'était en 1991. Cette année-là, 1 444 Canadiens ont été tués avec des armes à feu. La dernière année pour laquelle nous avons des données, ce nombre était tombé à moins de 1 000. C'est important. Ce n'est pas attribuable seulement à la législation sur les armes à feu, mais il est certainement vrai que la législation sur les armes à feu a été un facteur.
Le nombre de vols à main armée commis avec des armes à feu au Canada a baissé considérablement. Les plus récentes données de Statistique Canada indiquent que, alors que le nombre de vols à main armée commis avec des armes à feu a baissé considérablement, le nombre des autres vols à main armée n'a pas diminué.
Il y a autour de la table des gens qui discutent de cette question depuis aussi longtemps que moi — cela va faire bientôt 13 ans. Il est important de rappeler que les gens vont et viennent et que l'on a tendance à oublier ce qui a été dit et les arguments invoqués dans le passé, mais la preuve est assez claire que nous sommes sur la bonne voie. Je crains que l'on insiste trop sur la réduction des coûts ou sur des mesures permettant d'atténuer les craintes des adversaires de la loi, lesquelles ne sont pas justifiées, et je ne parle pas de craintes qu'il est possible d'atténuer sans mettre en péril la sécurité publique. En fin de compte, la priorité doit être accordée à la sécurité publique. Je pense qu'il est très clair que nous progressons.
Le président: Merci beaucoup, madame Cukier. Avant de passer aux questions, je vais demander à M. Butts de se joindre à nous à la table. Il voudrait faire un bref exposé, à la suite duquel nous passerons aux questions adressées à la fois à Mme Cukier et à M. Butts.
M. Wally Butts, vice-président national, Communications, National Firearms Association: Monsieur le président, la National Firearms Association a le plaisir de témoigner devant vous. Nous l'avons déjà fait. Essentiellement, j'ai deux documents à vous présenter: mon allocution et, aux fins de comparaison, j'ai ici copie du règlement associé au projet de loi C-10A et le texte présenté par le groupe d'utilisateurs d'armes à feu.
Nous étions pleins d'espoir, mais nous avons été forcés, à regret et avec tristesse, de prendre conscience que les députés au Parlement et les sénateurs sont encore presque impuissants devant le pouvoir du premier ministre. Nous nous présentons donc une fois de plus devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Néanmoins, nous vous remercions de nous donner une fois de plus l'occasion de témoigner devant vous pour vous donner de bons conseils et vous faire des suggestions. Vous vous rappellerez peut-être que nous sommes venus ici en novembre dernier, lorsque le comité étudiait le projet de loi C-10A.
À maintes reprises, la National Firearms Association a essayé de faire valoir des suggestions et des recommandations mûrement réfléchies qui, si on y avait donné suite, auraient pu rendre notre collectivité plus sûre en la protégeant contre les criminels violents armés d'armes à feu et d'autres armes.
À chaque fois, le ministre de la Justice et ses bureaucrates ont refusé d'écouter nos conseils et ont foncé obstinément pour appliquer leur programme en dépit de tout. D'après ce que nous disent des députés au Parlement et d'autres, cette attitude résulte de pressions exercées par le cabinet du premier ministre.
À l'heure actuelle, le comité étudie le règlement proposé pour le projet de loi C-10A. Les changements proposés sont censés simplifier l'administration de la Loi fédérale sur les armes à feu. Comme d'habitude, les fonctionnaires ont complètement raté la cible. Le problème, c'est qu'on fait des dépenses démesurées pour un programme relativement simple. La cause en est que les systèmes ont été extrêmement mal conçus.
Le gouvernement a dit qu'il simplifierait le processus d'obtention d'un permis, mais quand on examine ce qui a été fait, absolument rien ne permet d'accomplir le moindrement cet objectif. Ils ont dit explicitement que pour faire renouveler un permis, il faudrait procéder exactement de la même manière que pour obtenir le permis original — voilà qui est mal conçu au départ.
À l'heure actuelle, un nombre croissant de Canadiens, à commencer par ceux qui font l'opinion dans les médias, sont de plus en plus critiques envers le gouvernement. Voici quelques exemples auxquels je vous invite à réfléchir. Voici un passage tiré d'un article de Barbara Yaffe publié dans la page d'opinion de la Gazette de Montréal le 23 octobre 2003:
Le gouvernement Chrétien était déterminé à établir un registre des armes à feu, dont le coût était estimé à deux millions de dollars au milieu des années 90. Avec les dépassements de coûts, la facture totale en 2005 atteindra un milliard de dollars.
Le même jour, Diane Francis a écrit dans le National Post:
Ottawa est la ville où le premier ministre peut détourner des montants d'argent scandaleusement disproportionnés vers sa circonscription d'arrière-pays, la ville où il peut dépenser 100 millions de dollars pour acheter des avions de la société Bombardier Inc., sa préférée entre toutes les entités corporatives assistées sociales, sans suivre la procédure d'appel d'offres et à l'encontre des conseils des fonctionnaires.
C'est également dans cette ville que d'infortunés ministres comme Allan Rock peuvent conserver leur emploi même après avoir accepté des cadeaux de grandes entreprises qui s'engraissent sur le dos des contribuables et où des ministres ou sous-ministres responsables d'embaucher ou de superviser des gens comme George Radwanski et d'innombrables autres de la même farine ne perdent jamais leur emploi.
Clairement, la loi doit exiger des gouvernements qu'ils se comportement comme les grandes entreprises sont maintenant tenues de le faire. Voici quelques suggestions:
1. Le public doit avoir le droit de poursuivre les politiciens et les hauts fonctionnaires. On pourrait faire quelques exemples frappants en poursuivant les ministres et les sous-ministres responsables de la gabegie du registre des armes à feu.
Dans un éditorial publié le 23 octobre 2003 dans le journal The Province de Vancouver, on pouvait lire ceci:
Les dernières années ont été marquées par les consternantes extravagances et les folles dépenses du gouvernement libéral du premier ministre Jean Chrétien.
Pour commencer, les millions manquants à Développement des ressources humaines Canada, les milliards de dollars de deniers publics gaspillés pour un inutile registre fédéral des armes à feu, le gaspillage de 40 millions de dollars du programme des commandites, dont 1,6 million de dollars à une entreprise de marketing pour des rapports inexistants ou incomplets, et les millions de dollars en contrats, factures gonflées ou carrément fausses qui font actuellement l'objet d'une enquête de la GRC.
Le sénateur Willie Adams a déclaré au Sénat le 17 septembre 2003 que: «Les parlementaires adoptent parfois des lois qui n'ont aucun sens pour les gens qui habitent dans le Nord».
Enfin, s'adressant devant le Comité de la justice de la Chambre des communes au sujet du projet de règlement du projet de loi C-10A, M. Garry Breitkreuz, député au Parlement, a dit:
L'expérience des dernières années nous a montré que les bureaucrates qui administrent le système n'ont pas vraiment fait un boulot trop remarquable. En 1995, nous leur avions fait confiance, mais maintenant, nous sommes dans un énorme pétrin et ces règlements-ci ne sont pas vraiment une amélioration.
Que peut-on faire dans ce dossier? La solution repose entre vos mains. Je m'adresse aux sénateurs membres du Parti libéral: nous sommes très conscients que beaucoup d'entre vous s'inquiètent au sujet de l'avenir du Parti libéral et de son orientation future. Dans des lettres que nous avons reçues de parlementaires libéraux, vous nous dites que vous êtes préoccupés par l'état actuel de la démocratie au sein de votre parti.
Aujourd'hui, nous vous disons respectueusement qu'il incombe à chacun d'entre vous, surtout les ministériels, de déterminer votre destin en tant que sénateurs. La raison d'être de votre présence ici est-elle de vous plier à la volonté du premier ministre, ou bien de représenter le Canada?
En tant que sénateurs, je suis certain que vous avez souvent eu le sentiment que votre voix n'était pas entendue, même autour de la table du caucus. Nous comprenons cela. À l'autre endroit, on a fait pleurer une députée au Parlement simplement parce qu'elle avait posé une question à la table du caucus. Franchement, nous croyons que personne ne trouve cela acceptable en démocratie parlementaire. Cela ne ressemble pas aux gestes que poserait un véritable leader, n'est-ce pas?
Le temps est venu pour vous, en tant que sénateurs, de commencer à assumer pleinement votre rôle de représentant de la nation en constituant vraiment une chambre de seconde réflexion sur ce qui se fait à l'autre endroit. Le cabinet du premier ministre essaie de faire adopter à la vapeur le règlement sur le projet de loi C-10 pour respecter ses échéances personnelles. Vous pouvez commencer tout de suite en exigeant que le projet de règlement proposé soit examiné de façon approfondie par votre comité.
Premièrement, vous devriez exiger que ce règlement soit expliqué de long en large et justifié par les bureaucrates qui l'ont rédigé. Deuxièmement, vous devez comparer le bon sens qui transparaît dans notre présentation aux réponses évasives des bureaucrates. Nous avons besoin de vous pour protéger et préserver les besoins de tous les Canadiens.
Je comprends tout à fait que vous avez un ordre du jour très chargé et que votre temps est précieux. Le mien aussi. Et le temps de chaque Canadien aussi. Nous avons la responsabilité de mettre en place une législation adéquate et applicable.
Ces dernières années, nous avons vu de très mauvaises lois que l'on a fait adopter de force et qui ont été mises en vigueur. Le Canada en a souffert. Aujourd'hui, avançons résolument dans l'avenir et corrigeons les erreurs du passé. Nous avons beaucoup de travail à faire et le puits sans fond que constitue le Centre des armes à feu du Canada n'est que l'un des dossiers. Mettons-nous tous ensemble au travail.
Je voudrais féliciter le ministre d'avoir dit qu'il veut réparer ce gâchis. Nous vous offrons, dans les documents que nous vous avons remis, des comparaisons entre le règlement associé au projet de loi C-10 et les recommandations formulées par le groupe des utilisateurs d'armes à feu. Je ne prendrai pas le temps de passer tout cela en revue, compte tenu des contraintes de temps, mais nous avons examiné les divers changements recommandés dans le règlement et formulé des commentaires en nous inspirant des observations de votre groupe d'utilisateurs, les deux opinions étant présentées côte à côte. Je vous le dis très franchement, sur bien des points, il n'y a absolument aucune amélioration, à notre opinion.
Le sénateur Beaudoin: Ma question s'adresse à Mme Cukier. Elle porte sur les conventions internationales que nous avons signées en tant que pays. Vous en avez nommé quelques-unes.
Êtes-vous satisfaits des résultats de ce processus? Dans notre système, quand nous signons une convention internationale ou un traité, nous sommes tenus de mettre en oeuvre le traité. Si nous ne le faisons pas, il n'a pas force de loi dans notre pays. Nous devons le faire.
En l'occurrence, nous sommes bien sûr dans le domaine de l'autorité fédérale, puisqu'il s'agit de l'article 91 du Code criminel. Êtes-vous satisfaits de ce que nous avons fait, ou avons-nous fait quoi que ce soit dans ce domaine particulier?
Mme Cukier: Comme vous le savez, je ne suis pas avocate. J'ai toutefois participé activement au processus de l'ONU. Je crois comprendre que les changements proposés aux règlements, dans leur libellé actuel, nous amènerons en conformité avec les deux accords internationaux que j'ai nommés. Nous pouvons ensuite les ratifier. C'était un peu gênant de participer à des rencontres internationales où le Canada est considéré comme un chef de file dans la lutte contre le commerce illicite des petites armes à feu, alors que nous n'avons pas ratifié ces deux conventions. Le règlement tel que proposé permet de remédier à ce problème.
Ma seule réserve est que, parfois, en réagissant à une préoccupation légitime, vous faites un changement qui a une autre conséquence. Je veux seulement signaler à l'attention du comité qu'à mon avis, ce règlement, tel que libellé, est bon; je ne voudrais pas y apporter le moindre changement sans y avoir mûrement réfléchi.
Le sénateur Beaudoin: La ratification est une chose, la mise en oeuvre en est une autre. La ratification est le fait de l'exécutif, tandis que la mise en oeuvre est le fait du Parlement, la branche législative de l'État.
Avons-nous fait quoi que ce soit depuis la signature? Dites-vous que la loi et le règlement que nous avons déjà adoptés suffisent pour mettre en oeuvre le traité?
Mme Cukier: Les changements proposés ici relativement au contrôle de l'import-export et aux marques d'identification sont les changements exigés à cet égard. Il fallait aussi apporter des changements relativement à la Loi sur les explosifs; je ne sais trop où l'on en est à ce sujet.
J'ai reçu confirmation à 7 heures ce matin que je comparaissais ici. J'ai bien indiqué sur ce document qu'il s'agit d'une «ébauche». Si vous voulez en obtenir la version définitive, j'y serai beaucoup plus précise. Vous aurez tous les détails. Je n'ai pas apporté mes documents sur l'évaluation de la conformité du Canada, mais ce sont les points qui, à ce que je me rappelle, sont encore en suspens et doivent être abordés.
Le sénateur Beaudoin: Nous devons nous conformer à deux égards, dans la loi elle-même et dans le règlement pris aux termes de la loi.
Mme Cukier: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Vous dites que quelque chose a été fait?
Mme Cukier: Certaines choses ont été faites, mais ce n'est pas complet et cela nous a empêchés de ratifier parce que nous n'avions pas mis tout en place.
Le sénateur Baker: Je veux féliciter les deux intervenants et je voudrais donner le titre de professeur à la présidente de la Coalition pour le contrôle des armes à feu. Elle a dit qu'elle n'était pas avocate, mais elle est professeure en études juridiques, et ses titres et qualités se lisent comme suit: M.A., M.B.A., Ph.D., DU, LL.D., M.Sc. Premièrement, je tiens à la féliciter pour son excellence universitaire au fil des années. C'est à elle que je pose ma première question.
Cinq provinces du Canada ont adhéré à ce programme particulier de contrôle des armes à feu. C'est vrai que, d'après le commissaire, elles représentent 75 p. 100 de la population du Canada. Pourquoi, à votre avis, les autres provinces ont-elles décidé de ne pas adhérer au programme? Cela fait cinq provinces.
Mme Cukier: Je serais heureuse d'avoir une discussion avec vous sur les aspects politiques, mais dans un cadre officieux. Je ne pense pas que je serais à ma place si je faisais l'évaluation, par exemple, des déclarations faites par le ministre de la Justice de la Saskatchewan qui a dit durant une émission de radio qu'il n'appuyait pas vraiment la loi. Il avait un fusil. Il disait posséder un fusil de chasse, mais il ne savait pas trop où il se trouvait. Je crois que c'était en 1974, et c'est à partir de cela qu'a été forgée la position de la province de la Saskatchewan sur cette loi, même si les grandes organisations de cette province qui se consacrent à la sécurité publique appuient au contraire la loi.
On pourrait faire le même exercice en Alberta. En 1995, le ministre de la Justice a témoigné devant votre comité et a dit que les Albertains n'appuyaient pas la loi, même si un sondage qu'il avait commandé montrait que près de 70 p. 100 des Albertains appuyaient le système de permis et d'enregistrement. Dans cette province, les grandes organisations vouées aux affaires publiques, à la sécurité publiques et autres domaines l'appuyaient également.
Quand la province de l'Alberta a contesté la loi devant la Cour d'appel de l'Alberta, le Conseil albertain des abris pour femmes battues est intervenu, de même que l'Association canadienne des chefs de police, l'Association québécoise pour la santé publique et d'autres groupes voués à la sécurité publique qui se sont prononcés en faveur de la loi.
Je peux seulement dire qu'à mon avis, les gouvernements qui n'appuient pas cette loi sont dans l'erreur et ne mettent pas au premier plan les préoccupations en matière de sécurité publique. En Alberta, par exemple, le taux d'enfants tués avec des armes à feu est aussi élevé que le taux obtenu en additionnant ceux que l'on observe en Israël et en Irlande du Nord. Des provinces comme l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan — je n'ai pas apporté de statistiques — ont des taux beaucoup plus élevés de décès et de blessures causés par balle que des provinces comme l'Ontario et le Québec.
Je ne peux pas dire pourquoi. Je peux seulement dire que je pense que ces gouvernements se trompent. Je suis très reconnaissante que les provinces les plus populeuses et que le gouvernement fédéral aient décidé de tenir le cap.
Le sénateur Baker: Votre première réponse à ma question était que vous ne vouliez pas vous lancer dans une discussion sur les aspects politiques ou l'historique de cette politique. Cependant, diriez-vous, dans ce cas, que ces cinq premiers ministres provinciaux ou que cinq gouvernements du Canada sont allés à l'encontre des souhaits de la majorité de la population de leur province.
Mme Cukier: Voyez les résultats du sondage Environics effectué en décembre-janvier dernier. On constate que dans chaque province sauf la Saskatchewan — je vous concède la Saskatchewan —, la majorité des gens l'appuient. Ils oublient bien souvent que les femmes ont le droit de vote, et il y a une division marquée entre les sexes quant à l'attitude envers la législation sur les armes à feu.
J'ai dit tout à l'heure que je suis d'avis qu'une bonne politique publique n'est pas nécessairement fondée sur l'opinion publique ou le souci de s'aligner sur le vent dominant. Une bonne politique publique est fondée sur les faits; or les faits et les experts — la police, les spécialistes de la prévention des blessures, de la prévention du suicide, et cetera — dans ces provinces, dans leur grande majorité, appuient la loi.
Le sénateur Baker: Diriez-vous, dans ce cas, que les cinq provinces qui n'ont pas adhéré au programme sont dirigées par des gouvernements qui ne respectent pas les souhaits de leurs commettants et qui seraient probablement défaits si cette question devenait l'enjeu d'une campagne électorale?
Mme Cukier: Je ne dirais pas cela parce que je crois que rien n'indique que les Canadiens, sauf peut-être un très faible pourcentage d'entre eux, votent en fonction du contrôle des armes à feu d'abord et avant tout.
Le sénateur Baker: Je voulais poser une question à l'autre témoin. Le groupe d'utilisateurs d'armes à feu consulté par le ministre a fait une suggestion, à savoir que des recommandations ont été formulées en vue de décriminaliser ou de limiter la nécessité d'enregistrer les armes à canon long. Savez-vous avec certitude que cette suggestion a effectivement été faite par le groupe d'utilisateurs d'armes à feu consulté par le ministre?
M. Butts: Ce renseignement a été obtenu par une demande d'accès à l'information parce que le groupe d'utilisateurs d'armes à feu n'était pas censé dire à quiconque ce qu'il avait recommandé. Je crois qu'ils ont dit que si quelqu'un a un permis et possède des armes à feu non enregistrées, parce qu'ils ont un permis leur permettant d'être propriétaires d'armes à feu, ils devraient être autorisés à inscrire dans le système les autres armes à feu qu'ils possèdent, autrement dit, qu'ils ne devraient pas être poursuivis.
Nous avons fait des observations là-dessus dans notre mémoire écrit. Je ne m'en rappelle pas par coeur, mais le groupe d'utilisateurs a fait plusieurs recommandations, dont aucune, sauf erreur, n'a été suivie par l'ancien ministre et les fonctionnaires.
Le sénateur Baker: Est-ce un oui ou un non? Ont-ils fait cette recommandation?
M. Butts: Ils ont effectivement formulé certaines recommandations à l'effet que le règlement ne devrait pas s'en prendre à ceux qui possèdent des armes non enregistrées s'ils sont autrement en conformité avec la loi.
Le sénateur Stratton: Monsieur Butts, je voulais aborder la présentation du ministre et des hauts fonctionnaires dans l'optique des questions soulevées par un groupe comme le vôtre au sujet du règlement. Leur réponse à vos recommandations relativement à l'absence de changements dans le règlement a été de dire qu'on vous donnerait du temps si vous demandiez à connaître les raisons pour lesquelles vos recommandations n'avaient pas été acceptées. Est- ce bien ce qui s'est passé et êtes-vous satisfait de cette réponse?
M. Butts: Nous aimerions bien qu'ils nous répondent. L'un de nos problèmes est que le règlement a été rédigé par des bureaucrates dont la plupart ne possèdent pas d'armes à feu et n'ont aucune idée pratique de la manière de s'en servir, et ils écrivent des choses qui semblent bonnes sur papier.
Par exemple, concernant les changements apportés au règlement sur les expositions d'armes à feu, les changements qui introduisent un niveau supplémentaire de bureaucratie pour monter une exposition d'armes à feu. Ces expositions n'ont jamais posé le moindre problème au Canada. Quiconque vend ou achète une arme à feu à une exposition doit le faire en application de son propre permis d'acquisition et de possession. Nous estimons que cela devrait suffire pour une exposition d'armes. Ajouter une couche supplémentaire de bureaucratie n'ajoute rien.
Nous voyons tout cela dans l'optique de l'expérience pratique et quotidienne des propriétaires et utilisateurs d'armes à feu, tandis que les fonctionnaires voient parfois tout cela sous l'angle de la création d'une paperasse supplémentaire. En quoi cela sert-il la sécurité publique de savoir qui est présent à une exposition d'armes, surtout si la présence est signalée seulement après coup dans le cas d'une personne qui s'inscrit à la dernière minute et obtient une table? En quoi cela sert-il le bien public de signaler que cette personne a fait cela, si la personne en question possède un permis et vend des armes à feu à une autre personne également titulaire d'un permis?
Le ministre a dit qu'il était possible de faire un transfert rapidement, mais que se passe-t-il en réalité aux expositions d'armes à feu. Si une personne arrive à l'exposition à 8h le dimanche matin et essaie d'obtenir un transfert, elle doit rester toute la journée. Mais l'exposition ferme à midi. Pourtant, aux termes du règlement, pris aux termes de la Loi sur les armes à feu, le vendeur peut prêter une arme à feu, pourvu que l'on prête le certificat. En réalité, les gens ne suivent pas vraiment le règlement. Aux fins de commodité, le vendeur prête l'arme à l'acheteur avec le certificat d'enregistrement et la transaction est habituellement complétée le lundi ou le jour ouvrable suivant.
Le sénateur Stratton: Comment fonctionnaient les expositions d'armes à feu avant toute cette histoire d'enregistrement, et comment cela fonctionne-t-il maintenant? D'après la description que nous en ont faite les hauts fonctionnaires, il semble qu'ils s'efforçaient de s'assurer que ceux qui vendent des armes à feu le fassent légitimement et qu'ils aient une réputation crédible pour ce faire.
Je me fais l'avocat du diable ici, mais ne croyez-vous pas que ce serait là une étape nécessaire? Dans un régime d'enregistrement, ne tenez-vous pas à ce que les gens qui organisent une exposition d'armes aient une certaine crédibilité auprès du public également? Sinon, pourquoi pas? Comment organisait-on de telles expositions auparavant?
M. Butts: Dans le passé, un organisateur d'expositions d'armes publiait un avis annonçant la tenue de l'exposition. Les gens appelaient et s'inscrivaient en réservant un nombre quelconque de tables d'exposants. L'organisateur donnait son accord et les personnes se présentaient le jour dit. On ne vend pas seulement des armes à feu à de telles expositions. Il y a beaucoup d'articles militaires de collection, des couteaux, des épées, et cetera.
Depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-68, on est censé posséder un permis d'armes à feu pour pouvoir acheter ou posséder une arme. Comme la mise en oeuvre de cette mesure a été retardée, au cours de l'année précédente, les expositions d'armes à feu n'étaient peut-être pas très bien réglementées en ce sens qu'il y avait peut-être des gens à ces expositions qui vendaient des articles qui n'étaient pas à ce moment-là enregistrés.
Maintenant que l'enregistrement est en place, d'après mon expérience, pour avoir assisté à de nombreuses expositions du genre — et l'association est d'ailleurs souvent présente et dispose d'une table pour diffuser de l'information — les armes à feu à ces expositions sont enregistrées. Les gens qui les vendent ont des permis et d'ailleurs, dans le passé, le Centre des armes à feu était présent à beaucoup de ces expositions. Ils ont renoncé à le faire à cause du coût. Quand une personne achète une arme à feu, si cette personne est un commerçant, on essaie souvent de téléphoner au centre avec un téléphone cellulaire, mais les problèmes ont persisté pour ce qui est d'obtenir une transaction.
Si vous vous rappelez bien, au début, quand le processus d'enregistrement a été mis en vigueur, c'était censé être complété en 15 minutes ou moins. On entend dire aujourd'hui que cela peut se faire en une journée. Mais les gens ne passent pas toute la journée à l'exposition d'armes à feu. En fait, l'exposition ne dure même pas une journée entière; dans la plupart des cas, elle dure de 8h du matin à midi.
Je répète que la façon de contourner ce problème, qui nous a d'ailleurs été recommandé par les porte-parole du Centre des armes à feu, c'est de prêter l'arme à feu à la personne, avec un certificat, et de compléter la transaction le jour ouvrable suivant.
Tout nouveau règlement sur les expositions d'armes à feu est vraiment redondant parce que les gens qui sont présents à de telles expositions sont maintenant titulaires d'un permis et les armes sont enregistrées. Quiconque apporterait à une exposition des armes non enregistrées ou appartenant à des gens qui n'ont pas de permis serait stupide parce que la police est toujours au courant de la tenue de telles expositions. Elles sont annoncées bien à l'avance et la police a le droit de se pointer et de poser des questions. De plus, il y a habituellement des agents en civil qui se pointent à ces expositions.
Le sénateur Stratton: Les hauts fonctionnaires ont dit que ce règlement est nécessaire pour s'assurer, par exemple, que personne ne puisse tenir une exposition d'armes à feu dans une cour d'école. Je pense que c'est leur témoignage.
M. Butts: C'est ce qu'on a dit, oui.
Le sénateur Stratton: Je pense que c'était une observation faite à la légère et qu'on n'aurait peut-être pas dû dire cela. Je n'ai jamais entendu parler d'une exposition d'arme à feu tenue dans une cour d'école, même avant la réglementation.
Voici ma question: Y avait-il ou y a-t-il eu dans le passé des problèmes relativement aux expositions d'armes à feu qui ont fait croire aux fonctionnaires qu'il fallait imposer un certain contrôle des expositions d'armes et qu'il fallait par conséquent prendre un règlement? A-t-on signalé dans le passé des problèmes mettant en cause les expositions d'armes à feu?
M. Butts: Absolument aucun, à ma connaissance. Les gens qui organisent de telles expositions louent habituellement un immeuble sur un terrain de foire ou dans un centre communautaire ou quelque édifice neutre. Ils font cela régulièrement. Il y a un circuit d'expositions d'armes en Ontario, par exemple, qui fonctionne selon un cycle de trois mois environ. Dans l'Ouest, il y a des villes où l'on tient une exposition d'armes à feu annuelle, plus précisément au printemps, et c'est devenu en quelque sorte un événement social, tous les fermiers des environs venant en ville pour se rencontrer et bavarder. À ma connaissance, il n'y a jamais eu le moindre problème concernant l'emplacement ou le fonctionnement d'une exposition d'armes à feu.
Le sénateur Comeau: Je vais poser une question d'ordre général à Mme Cukier.
En tant que parlementaires, nous insistons constamment pour que les ministres tentent d'améliorer le sort des Canadiens. Nous n'avons pas un programme parfait auquel nous pourrions consacrer des sommes d'argent énormes. Disons que c'est un excellent programme pour enrayer le crime dans la rue. Cependant, nous sommes également confrontés constamment à d'autres demandes importantes, qu'il s'agisse d'assainir les eaux usées déversées dans les ports de Halifax ou de St. John's, ou encore d'investir davantage d'argent dans la santé. Je roule en Nouvelle-Écosse pendant les fins de semaine et je vois des panneaux devant les hôpitaux qui disent: «Aucun service d'urgence en fin de semaine; le service d'urgence le plus proche est à 60 kilomètres».
Il y a quelques semaines, l'un de nos comités a entendu des témoins dire qu'il y a à proprement parler des tonnes d'obus non explosés au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. Il y a du gaz moutarde au fond des océans où les chalutiers tirent leurs chaluts et où l'on fait de l'exploration pétrolière. Si jamais ce gaz moutarde est déversé dans l'environnement, Dieu sait quand nous réussirons à nous en débarrasser. Nous vivons dans un monde imparfait et le gouvernement affirme ne pas avoir l'argent voulu pour nettoyer tout cela.
Voici un autre exemple. Le sénateur Watt vient d'une région où des polluants qui ne proviennent pas des industries locales, mais plutôt d'Europe, d'Amérique du Sud et de nos voisins du Sud parviennent jusque dans la chaîne alimentaire dans le Nord jusqu'à atteindre les mères qui transmettent à leur tour des problèmes de santé à leurs enfants.
Il y a des problèmes en Afrique et le Canada dit que nous ne pouvons pas donner plus d'argent. Je parle donc d'un monde imparfait dans lequel nous avons ici un milliard de dollars à dépenser, alors que nous disons non à tout cela.
Sur la liste des priorités, est-ce que l'enregistrement des armes à feu, à un coût d'un milliard, mais ce chiffre pourrait augmenter encore et devenir une dépense annuelle, est de l'argent bien placé relativement à toutes ces autres préoccupations? Oubliez les eaux usées déversées dans les ports et tout le reste.
Mme Cukier: C'est toujours difficile d'évaluer les coûts et les avantages des programmes gouvernementaux. J'ai débuté ma carrière au ministère des Transports de l'Ontario. L'une des raisons qui m'ont fait prendre conscience qu'il fallait agir dans le dossier des armes, c'est parce que je savais en 1989, par exemple, qu'entre 3 000 et 3 200 personnes se tuaient chaque année dans des accidents d'automobile. J'ai ensuite découvert que 1 400 personnes étaient tuées avec des armes à feu au Canada. Voyez les ressources relatives que nous consacrons à assurer la sûreté de nos routes et à tenter d'obtenir que les gens respectent la loi sur la ceinture de sécurité. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement fédéral a dépensé 400 millions de dollars pour élargir un tronçon de route surnommé l'allée du suicide parce que 47 personnes s'y sont tuées en cinq ans. En cinq ans, plus de 5 000 Canadiens ont été tués avec des armes à feu.
Si vous vous adressez à la police ou à l'Association canadienne pour la santé publique, qui s'efforce toujours d'évaluer le coût de la prévention par rapport aux avantages des programmes de prévention, vous les entendrez dire que c'est de l'argent bien placé.
Le sénateur Comeau: C'est votre priorité et c'est à cela que nous devrions consacrer l'argent; c'est bien ce que vous dites?
Mme Cukier: Relativement parlant, je ne pensais pas que nous reviendrions sur le rapport du vérificateur général, mais j'ai ajouté à la fin des observations qui répondent à certaines de ces questions.
On parle d'environ 100 millions de dollars par année. Rappelez-vous que l'ancien système préalable à celui-ci coûtait 30 millions de dollars par année. Six enquêtes judiciaires séparées sont arrivées à la conclusion que ce système était mauvais et ont recommandé un régime de permis et d'enregistrements.
C'est le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui, dans le rapport présenté en 1991 à Kim Campbell, a recommandé l'enregistrement des armes à feu. Je ne suis pas certaine que les gens s'en rappellent. C'est le sénateur Nathan Nurgitz qui a écrit à Kim Campbell pour lui dire que c'est une mesure qu'elle devrait envisager.
Un autre renseignement qui n'a pas été communiqué clairement, dans tout le débat sur le registre coûtant un milliard de dollars, c'est que le gros de cet argent n'a pas été consacré à l'enregistrement des armes à feu. La plus grande partie de l'argent a été dépensée pour le régime de permis. C'est la délivrance de permis aux propriétaires d'armes à feu qui coûte cher en main-d'oeuvre et qui exige un examen préalable, et cetera.
Votre question portait sur le milliard de dollars dépensé pour l'enregistrement. Rappelez-vous que c'est un milliard de dollars sur dix ans d'application du programme des armes à feu. C'est une distinction importante.
Le sénateur Comeau: Je tenais à faire valoir mon argument. Cela m'irrite quand les priorités sont décidées comme cela, alors que nous avons d'autres priorités. J'évoquais un monde parfait; nous ne vivons pas dans un monde parfait.
Le sénateur Buchanan: Votre dernière observation a été de dire que cette somme d'un milliard de dollars est une dépense étalée sur dix ans et qu'il devait en être ainsi.
Mme Cukier: Je n'ai pas dit qu'il devait en être ainsi.
Le sénateur Buchanan: Si c'est étalé sur dix ans, comment ce fait-il qu'on nous a dit à nous tous que cela coûterait deux millions de dollars sur dix ans? Nous en sommes maintenant à un milliard de dollars. Ce sera beaucoup plus que cela sur dix ans, vraiment beaucoup plus. Cela fait 35 ans que je travaille dans ce domaine. Je n'ai jamais rien vu qui devait coûter deux millions et qui a fini par en coûter un milliard, à supposer que le chiffre demeure un milliard de dollars. En fait, ce ne sera pas un milliard de dollars. Ce sera beaucoup plus qu'un milliard de dollars.
Mme Cukier: Je fais confiance à la nouvelle équipe. Le fait que nous ayons maintenant des gens qui ont de l'expérience dans le domaine des systèmes, du traitement des transactions, et cetera, laisse entrevoir que ce projet sera remis sur les rails. Je répète que je ne veux pas refaire l'histoire. Je suis une spécialiste des systèmes d'information, du moins en théorie, dans une partie de ma vie. Je peux seulement vous dire que si l'on remonte à 1995 et si l'on examine les hypothèses de base sur lesquelles étaient fondées ces projections financières, le ministère de la Justice venait de mettre en oeuvre le nouveau système de certificats d'acquisition d'armes à feu et des systèmes informatisés dans toutes les provinces. Les fonctionnaires savaient combien ils avaient dépensé pour cela. Quand ils ont abordé cette mesure législative en 1995, le projet original prévoyait que l'on allait ajouter au système existant de CAAF. Tous leurs calculs étaient fondés là-dessus.
Quand certaines provinces ont dit qu'elles ne le feraient pas et que le gouvernement fédéral s'est vu tout à coup dans l'obligation de construire un système centralisé, ces hypothèses sur le coût ont changé, de même que les hypothèses relativement au volume. Nous étions censés émettre des permis à quelque deux millions de propriétaires d'armes à feu entre 1996 et 2001. Voyez combien cela fait par année. Au lieu de cela, on a émis des permis à près de deux millions de propriétaires d'armes à feu en un an.
Vous pouvez documenter tout cela. Ce n'est pas une excuse; c'est une explication. Vous devez vous rappeler que l'ancien système coûtait 30 millions de dollars par année. Quand j'ai commencé, 1 440 Canadiens se faisaient tuer chaque année; aujourd'hui, ce chiffre se situe environ à 1 000. Ce n'est pas entièrement attribuable au contrôle des armes à feu, mais cela a eu un impact et c'est un bon investissement.
Le sénateur Buchanan: Je comprends ce que vous dites.
Cependant, dites-vous qu'une partie considérable de ce milliard de dollars a été dépensée parce que les provinces ont dit qu'elles n'administreraient pas le programme dans le cadre de leur propre système judiciaire? Si c'est bien ce que vous dites, ce n'est pas vrai. Les provinces qui ont dit cela, dont la Nouvelle-Écosse, l'ont fait après que l'on ait déjà projeté de dépenser un milliard de dollars.
Mme Cukier: J'ai ici l'exposé présenté en juillet par Michel Plouffe, qui était responsable en chef des systèmes. On prévoyait un lancement sans faille en septembre 1996, en se fondant sur l'hypothèse que les provinces mettraient le programme en oeuvre. C'est vers septembre 1996 qu'il est apparu clairement que le gouvernement fédéral devrait élaborer une nouvelle stratégie et tout mettre en place de façon centralisée.
Le sénateur Buchanan: En Nouvelle-Écosse, le ministre de la Justice, Michael Baker, a annoncé seulement le printemps dernier que la Nouvelle-Écosse n'administrerait pas le programme et n'intenterait pas de poursuite aux termes de la loi.
Mme Cukier: C'est une question différente. Il y a d'une part les poursuites; et d'autre part l'administration concrète du régime de permis. Ce sont deux choses complètement différentes. Un certain nombre de provinces ont annoncé en 1996 qu'elles ne participeraient plus à l'administration de la loi, et il a donc fallu centraliser.
Le sénateur Buchanan: Je vais vérifier ces chiffres. Je ne pense pas que ce soit exact.
Mme Cukier: Je vais vous envoyer cette information.
Le sénateur Buchanan: Je suis allée à des assemblées publiques partout en Nouvelle-Écosse en 1996.
Le sénateur Baker: Vous étiez le premier ministre; vous devriez vous en rappeler.
Le sénateur Buchanan: Laissez-moi vous dire que si j'avais été premier ministre de la province à cette époque, j'aurais fait exactement la même chose que le premier ministre de Nouvelle-Écosse et les autres font en ce moment. Ma position est bien connue.
Des 1 400 décès causés par des armes à feu, combien sont attribués à l'utilisation de ce que l'on appelle des fusils à canon long, ou des fusils de chasse?
Mme Cukier: La majorité. La majorité de ces décès sont des suicides. Vous pouvez examiner les tableaux où l'on trouve une ventilation. En 1991, il y a eu un peu plus de 1 000 suicides, probablement 1 100. Il y a probablement eu environ 240 meurtres et une soixantaine d'accidents. Plus de 80 p. 100 des suicides perpétrés au moyen d'armes à feu le sont avec des fusils à canon long. C'est seulement dans certaines professions que l'on constate des suicides au moyen d'armes de poing, parce qu'on y a accès à de telles armes.
Le sénateur Buchanan: Êtes-vous en train de dire que si j'avais un fusil à canon long et que je l'enregistrais, je ne me tuerais pas avec?
Mme Cukier: Je ne dirais pas cela du tout. Je dirais par contre que les critères établis pour la délivrance des permis ont été conçus pour permettre d'identifier les gens à risque, c'est-à-dire ceux qui risquent de s'en prendre à eux-mêmes ou à d'autres. Je vous invite à relire les témoignages. Vous avez entendu des gens comme Isaac Sakinofsky, qui dirige les études sur le suicide à l'Université de Toronto, qui a traité spécifiquement des mesures qu'il faut intégrer à la procédure de délivrance des permis. Le centre de la prévention du suicide, au Québec, a un grand programme dans le Québec rural visant à tenter de réduire la fréquence des suicides par arme à feu parce que c'est un grave problème.
Le sénateur Buchanan: Que pensez-vous de tout cela, monsieur Butts?
M. Butts: Il y a des moyens de s'attaquer au problème des gens qui veulent s'enlever la vie. C'est souvent un problème social causé par le désespoir. Si cela peut vous intéresser, les plus récentes statistiques indiquent que le nombre de suicides effectués avec des armes à feu a diminué, mais que le nombre total de suicides a augmenté. Si une personne est déterminée à s'enlever la vie, le moyen utilisé importe peu. Si cette personne est admissible à l'obtention d'un permis d'armes à feu et si elle possède des armes à feu, les circonstances peuvent changer. Même les malades en phase terminale qui possèdent des armes à feu et qui s'en sont déjà servi pour aller à la chasse, s'ils choisissent de s'enlever la vie au moyen de leur arme à feu, est-ce que cela fait une différence quelconque, qu'ils s'empoisonnent, qu'ils aillent percuter un arbre au volant de leur voiture, ou quoi que ce soit? Le fait est que le taux de suicides est demeuré stable.
Le sénateur Comeau: Les gens utilisent simplement d'autres méthodes pour se tuer.
Le président: Honorables sénateurs, je veux maintenant remercier Mme Cukier et M. Butts pour leurs exposés et pour avoir pris le temps, avec un préavis aussi court, de venir nous rencontrer ce soir pour nous aider dans nos délibérations.
Merci beaucoup.
La séance se poursuit à huis clos.