Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 12 - Témoignages - Séance de l'avant-midi
EDMONTON, le jeudi 23 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 9 h 02 pour étudier l'éducation au sein des communautés minoritaires de langues officielles.
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: À la fin de la journée, nous aurons la chance de visiter la faculté. Nos audiences publiques à l'extérieur d'Ottawa sont une première pour le Comité sénatorial permanent des langues officielles. Il était temps que nous le fassions.
Nous avons décidé de nous pencher sur l'éducation en français dans les communautés francophones minoritaires car cette question est fondamentale à leur survie. Le Comité est fier de démontrer son intérêt face aux besoins des communautés francophones de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, dont nous entendrons les représentants aujourd'hui et demain.
Aujourd'hui, nos témoins viennent de l'Alberta. Nous aurons des enseignants, des représentants communautaires, des délégués du secteur de l'éducation et des membres de la faculté Saint-Jean. Nous commençons avec Mme Nicole Bugeaud, directrice de l'école Maurice-Lavallée.
Mme Nicole Bugeaud, directrice de l'école Maurice-Lavallée, à titre personnel: Madame la présidente, j'aimerais vous remercier de nous avoir permis de vous présenter plusieurs des défis et des réussites en ce qui a trait à l'éducation francophone. Mon collègue vous expliquera comment nous procéderons pour nous partager la tâche.
M. Pierre Eddie, enseignant à l'école Maurice-Lavallée, à titre personnel: Je vous remercie de votre intérêt à l'éducation et à la pédagogie, des sujets qui nous tiennent à coeur. Nicole prendra la parole au début et parlera de la petite enfance, plus particulièrement de l'accès aux professionnels et aux services pour la petite enfance.
Je parlerai des défis des enseignants en situation minoritaire, des défis qui sont uniques aux enseignants en situation minoritaire en Alberta. Nous ferons le tour de la question du recrutement et de la rétention des élèves.
Mme Bugeaud: Depuis plusieurs années, le conseil scolaire de la province se penche sur la question du préscolaire, sur l'importance de tisser des liens avec les communautés et sur les associations reliées au préscolaire. Nous reconnaissons que notre relève en éducation francophone est là.
À l'origine, les conseils scolaires avaient appuyé le préscolaire dans le financement de leur loyer. Nous avons en premier lieu accueilli dans nos écoles francophones les sociétés, les associations préscolaires, donc les pré-maternelles. Nous avons certainement plusieurs liens à tisser avec eux. Il est nécessaire de mieux harmoniser le préscolaire et les conseils scolaires parce que nous avons un rôle important à jouer dans la formation des intervenants au préscolaire.
Il n'y a pas d'exigences très précises quant à leur formation et elle n'est pas disponible en français ici. Il est très important de s'assurer que nous avançons sur la même longueur d'ondes quand nous parlons des critères et de l'importance de la francisation à ces niveaux.
Nous jouons un rôle important dans la francisation et parfois la «refrancisation» de nos élèves. Nous désirons sensibiliser ces familles et les intégrer à une communauté francophone dans leur région. C'est l'endroit où nous oeuvrons.
Depuis 1999, nous avons créé dans cette province un Réseau provincial d'adaptation scolaire parce que nous savions à quel point nous avions besoin de spécialistes et de professionnels pour desservir notre population.
Nous avons pu le faire grâce à un financement des gouvernements fédéral et provincial. Ce fut une stratégie très profitable pour nos jeunes francophones dans le système d'éducation, particulièrement pour la petite enfance. Nous pouvons ainsi commencer dès un très jeune âge à redresser la situation.
Cependant, il y a des défis avec ce genre de réseau. Le réseau provincial couvre le territoire de l'Alberta. Ce mandat provincial exige de ses professionnels de fréquents voyages dans la province pour y desservir les 24 écoles francophones.
Nous avons des difficultés à recruter des spécialistes bilingues ou francophones dans ces domaines. Plusieurs d'entre eux sont près de la retraite. Mais il est important d'assurer une relève professionnelle.
Un autre obstacle dans ce domaine est l'absence d'instruments d'évaluation adaptés à une population francophone. Plusieurs instruments sont en version anglaise et doivent être traduits par des spécialistes et des professionnels. Dans l'évaluation, il y a certainement un manque.
Ce sont quelques défis à relever dans le domaine de la petite enfance. C'est en 1999 qu'on a mis sur pied ce réseau. D'une année à l'autre, on a constaté un gain dans l'élargissement du mandat de services aux communautés. Nous avons noté les besoins dans toutes les écoles de la province.
M. Eddie: Vous nous avez dit que vous vouliez toucher les défis entourant l'accès à un personnel enseignant qualifié. En tant qu'enseignant, je ne veux pas parler de la qualification de mes collègues ou de la mienne, mais j'aimerais parler des défis et des situations particulières des enseignants en Alberta francophone en situation minoritaire.
Nicole a parlé des 24 écoles francophones en Alberta qui accueillent environ 3 500 élèves. L'École Maurice-Lavallée est la plus grosse école. En 10e, 11e, 12e année, nous avons près de 200 élèves. Je parle donc de ce qui se passe dans une petite école. À Lethbridge, à Saint-Paul ou à Rivière-La-Paix, les écoles sont encore plus petites que la mienne.
Dans une petite école, pour commencer positivement, il y a beaucoup d'avantages. J'arrive à connaître et à enseigner à la presque totalité de mes élèves. En 12e année, j'ai vu 95 p. 100 de mes élèves. J'ai pu leur enseigner, faire des voyages, du sport ou des activités avec eux. C'est tout un avantage.
Dans une école francophone, il existe cette idée de communauté francophone, de développement et d'un sens d'appartenance. Je peux parler de la situation particulière d'un enseignant, entre autres, du nombre de cours qu'un enseignant francophone doit donner. Par exemple, nous sommes, au secondaire, des spécialistes. On nous demande à l'université de faire une concentration majeure et une mineure. Lorsqu'on arrive dans une petite école, on nous demande d'enseigner trois, quatre, cinq ou six cours différents. Mes collègues anglophones peuvent être dans une grosse école et n'avoir qu'à enseigner un cours qui est leur spécialité. On nous demande souvent d'être des généralistes.
Nous avons souvent le sentiment d'être isolés puisque nous ne sommes pas nombreux. À mon école, je suis le seul enseignant d'un cours d'études sociales 30. Je n'ai pas souvent la chance de partager avec des collègues qui enseignent le même cours. Je suis souvent seul dans mon coin, comme beaucoup d'enseignants qui enseignent les mathématiques, la biologie ou d'autres cours.
Dans les ateliers ou les congrès, il est possible, pour les profs à l'élémentaire, que quelque chose les touche parce qu'ils sont un peu plus nombreux. Pour un enseignant d'études sociales ou d'éducation physique, en 10e, 11e et 12e année, il est difficile d'offrir un congrès ou un atelier en français à une si petite population d'enseignants. Par contre, j'ai accès à des ateliers en anglais.
Régulièrement, le ministère, et parfois même la communauté, nous demande de faire partie de comités. Il est possible qu'un enseignant soit sur deux ou trois comités au ministère. Je ne sais pas si on exige de mes collègues anglophones d'en faire autant.
Lorsque les examens du ministère ont lieu, en 12e année, les résultats du cours d'études sociales 30 sont publiés. Je suis le seul enseignant d'études sociales 30 à mon école. Il est évident que mes collègues anglophones — ils sont huit dans une école qui enseignent ce cours — ne subissent pas les mêmes pressions que moi. La note que je donne va refléter directement les deux classes où j'enseigne et la totalité de mes élèves.
La faculté Saint-Jean offre le programme en pédagogie et en immersion aux francophones. Elle nous demande très souvent de s'occuper des stagiaires qui viennent à notre école.
Le sport inter-scolaire me tient beaucoup à coeur. Je suis, entre autres, un enseignant d'éducation physique. Nous avons beaucoup d'équipes inter-scolaires. Nous faisons partie d'une ligue en 10e, 11e et 12e avec 22 écoles d'Edmonton et de la région. Nous sommes souvent en compétition avec des écoles qui sont cinq, six, sept, huit, dix fois plus grandes que la nôtre. Il n'est pas nécessaire de gagner tout le temps, mais nous voulons tout de même être fiers et compétitifs. Cela représente tout un défi.
J'aimerais parler des ressources et du matériel disponible aux enseignants francophones. Nous avons en Alberta, au Ministère de l'apprentissage, la direction de l'éducation française, qui prépare des documents d'appui, des versions françaises, des outils d'évaluation et d'autres documents.
Par contre, il n'est pas très logique qu'une maison d'édition publie un livre ou une ressource de base pour un programme. C'est peut-être plus facile pour les mathématiques si le programme ressemble beaucoup à celui du Québec. Mais pour un programme comme les études sociales, la petite population francophone n'a pas de matériel; nous avons plutôt des ressources du Québec, de l'Ontario ou d'ailleurs, qui répondent à la moitié de nos objectifs d'apprentissage fixés par le ministère.
Parfois, on nous demande d'implanter un nouveau programme. Il se peut que nous recevions la traduction, si nous sommes chanceux, d'un livre en anglais, deux ou trois ans après l'implantation du programme, ce qui représente tout un défi.
Je ne sais pas si vous êtes au courant de certaines initiatives — je devine que oui — comme le Protocole de l'Ouest et du Nord, pour essayer d'établir des bases communes aux programmes. Les Protocoles de l'Ouest et du Nord du Manitoba, de la Colombie-Britannique et peut-être celui des Territoires, en mathématiques, avancent et ils ont réussi à établir des bases. En études sociales, l'Alberta s'est retirée de ce protocole.
Si nous avions des bases communes pour nos programmes du secondaire en sciences, du Manitoba jusqu'à à la Colombie-Britannique — je sais qu'il existe également un protocole pan-canadien —, les maisons d'édition publieraient du matériel auxquel nous pourrions avoir accès.
Mme Bugeaud: J'aimerais parler de la question du visage changeant de notre francophonie en Alberta. Il y a 20 ans, quand je me suis engagée comme parent à oeuvrer pour l'éducation francophone, jamais nous n'aurions pensé ou imaginé voir le visage changeant de la francophonie comme nous le vivons aujourd'hui.
Dans nos écoles, au-delà de 70 p. 100 de nos élèves proviennent de foyers exogames avec un parent anglophone. Nous remarquons de plus en plus une population qui arrive du monde entier, particulièrement dans notre cas, de l'Afrique.
Ces francophones de partout dans le monde sont certainement les bienvenus dans nos écoles. Mais cela nous oblige à faire face à des situations auxquelles nous n'étions pas préparés. Nous avons à gérer plusieurs valeurs, entre autres, celles qui ont été établies lors de la fondation des écoles francophones en Alberta.
Nnous avons un rôle très exigeant de convaincre, de sensibiliser, de défaire des mythes par rapport à certains de nos parents en ce qui a trait à l'éducation francophone. Nous déployons d'énormes efforts et des stratégies de recrutement afin d'être l'école privilégiée pour les francophones de notre province. Ce n'est pas toujours facile.
Souvent quand on parle de familles exogames, l'éducation francophone consiste en un compromis chez un couple. Malheureusement, le compromis est que l'enfant ira à l'école francophone au primaire mais à l'école anglophone au secondaire. Peu importe notre investissement, nous avons ce dilemme au secondaire parce que nous vivons dans une société où nous sommes en compétition en éducation. Il est malheureux de dire que le financement en éducation est plus important que l'apprentissage. Ce sujet nous touche particulièrement en éducation francophone parce que nous avons une pénurie d'enseignants.
Nous avons aussi une pénurie d'administrateurs dans les écoles francophones. Les gens ne sont pas nécessairement intéressés à ces postes. Ce sont des tâches de bâtisseurs de communautés, non de gérance ni d'administration. Dans ce domaine, on doit oeuvrer davantage à assurer le financement adéquat et équitable de la francophonie.
Dans nos écoles, nous accueillons de nombreux élèves de souche québécoise, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Souvent, à leur arrivée en Alberta, ces gens veulent se prévaloir d'une compétence en anglais. Nous avons à gérer ce phénomène dans nos écoles pour donner une place à l'anglais dans un pays bilingue, mais aussi pour assurer que cela ne se fait au détriment du français. Il n'est pas évident de convaincre les gens que leur enfant sera bilingue dans une école francophone en situation de langue majoritaire anglaise.
M. Eddie: Je voudrais donner quelques statistiques. En ce qui a trait au recrutement, nous avons 24 écoles en Alberta et 3 500 élèves. Selon une étude de notre conseil, il a été découvert que dans nos écoles, nous avions probablement 15 p. 100 de la population francophone de la clientèle disponible, ce qui veut dire que beaucoup de francophones ne sont pas dans nos écoles, comme l'a souligné Nicole.
Une étude d'une dame, Angéline Martel, qui s'intitule: «Droits, écoles et communautés, de 1986 à 2002», donne des chiffres encore plus élevés. C'est tout un défi d'aller chercher des élèves.
Une chose positive: depuis dix ans, le Conseil scolaire du Centre-Nord et notre école connaissent une croissance à chaque année. Ce n'est pas une chose facile. Nicole a mentionné que la population francophone et anglophone de l'Alberta vient beaucoup de l'extérieur. Certains viennent avec l'idée préconçue qu'ils vont quitter.
À notre école, par exemple, l'année dernière, parmi les élèves qui ont quitté, plus de la moitié d'entre eux provenaient de familles qui avaient déménagé ailleurs.
Nicole a parlé du concept de parents et de foyers exogames. Le fait que nous ayons plus de 70 p. 100 de nos enfants qui proviennent de foyers exogames crée une situation très difficile. Le parent anglophone discute avec le conjoint francophone avant de décider que l'école francophone est peut-être le meilleur choix. Si on ajoute à ce facteur un taux d'assimilation très élevé chez les francophones, dont le travail et les loisirs se font en anglais, cela devient une tâche encore plus difficile.
On entend souvent le commentaire que les parents veulent absolument que leurs enfants terminent leur 12e année en anglais. Ils pensent que si leur enfant va à l'école en français, ses connaissances de l'anglais ne seront pas autant approfondies.
Par contre, lorsqu'on regarde les résultats de nos élèves à l'examen d'anglais 30 de 12e année, le même examen qui est donné aux anglophones, depuis 1996-1997, il y a eu une année où nos résultats étaient inférieurs par rapport au nombre d'élèves qui ont atteint le seuil acceptable. Ces résultats signifient qu'à toutes les années, nos élèves ont eu des résultats supérieurs à la moyenne provinciale des anglophones. Il faut défaire le mythe relié à la qualité de l'apprentissage de l'anglais dans les écoles francophones?
Présentement à notre école, nous avons de la 7e à la 12e année seulement. Cela présente un avantage pour nous.
Mme Bugeaud: Malgré tous les défis et les obstacles qu'il y a en éducation francophone, j'ai mentionné le fait que vouloir oeuvrer en éducation francophone représente une double vocation. Contrairement à ce que nous voyons dans le domaine de l'éducation, de plus en plus, particulièrement dans les écoles secondaires du pays, nous entrons en compétition pour devenir des spécialistes dans un domaine. Comme école francophone, nous avons le mandat de desservir une population variée. Nous avons le mandat d'offrir non seulement une programmation de qualité mais aussi de faire ressortir l'aspect culturel de notre francophonie.
Nous devons former des partenariats avec d'autres associations. Nous le faisons souvent. Mais la perception du public est que nous sommes une école généraliste, donc de moindre qualité. Notre mandat est de desservir et de bâtir une communauté.
Comme francophones, nous avons choisi d'oeuvrer en éducation francophone même si ce n'est pas toujours facile. Après avoir évalué tous les défis quotidiens, Pierre et moi avons choisi de revenir à notre école parce qu'elle francophone. Ce choix dit beaucoup qui nous sommes. Comme francophones oeuvrant à l'extérieur du Québec, nous avons un mandat de bâtir une communauté, de tisser des liens avec la communauté et d'assurer la relève pour la prochaine génération.
M. Eddie: Il y a beaucoup d'écoles à Edmonton. Les enseignants ont l'option d'aller dans une grosse école anglaise. C'est vraiment un choix. Malgré tous ces défis et malgré toutes ces choses, nous sommes très heureux d'être dans le domaine de l'éducation francophone en situation minoritaire et nous faisons ce choix à chaque année. C'est un plaisir de revenir. C'est quelque chose que nous tenons à coeur.
La présidente: Je vous remercie beaucoup de cet échange. J'ai visité votre école et je crois que ce choix ou ce sentiment d'appartenance au français se reflète bien dans tout ce que vous avez fait au cours des années à l'école Maurice-Lavallée. En entrant dans l'école, on se rend compte de la francisation et du désir d'y participer.
Tout d'abord, je voudrais m'excuser auprès de mes collègues. J'aurais dû les présenter dès le début. Le vice-président du Comité est le Dr Wilbert Keon, de l'Ontario. Parfois il dit qu'il est du Québec. Au comité, il est un membre de grande valeur.
Je vous présente le sénateur Comeau, de la Nouvelle-Écosse, et le sénateur Chaput, du Manitoba. Malheureusement, les autres membres du Comité n'ont pu se rendre. Le sénateur Léger, du Nouveau-Brunswick, est retenue à Ottawa ainsi que le sénateur Jean-Robert Gauthier, que vous avez certainement vu et entendu au cours de ses 30 dernières années de vie politique et de défense des francophones.
Il y a aussi une représentante au Comité des anglophones minoritaires du Québec. Nous avons aussi le sénateur Maheu et le sénateur Jean Lapointe. Il aurait été agréable d'avoir le sénateur Jean Lapointe avec nous parce qu'il aime beaucoup mettre l'accent sur la petite enfance, mais il n'aime pas non plus prendre l'avion. Alors, il n'est pas venu à Edmonton.
Je pense à vos nombreux défis, aux questions de recrutement et de rétention. Je sais que l'éducation est de compétence provinciale. Vous avez dit dans vos notes que vous aviez un très bon rapport avec le gouvernement provincial et avec le ministère de l'éducation.
Est-ce que vous ressentez une présence fédérale dans les choses que vous faites? Pierre, tu as mentionné les activités sportives. Madame Bugeaud, vous avez mentionné la dynamique de l'école, l'immigration et les familles africaines. Est- ce que vous recevez des fonds, des subventions ou de l'encouragement de la part des organismes fédéraux dans les communautés?
Mme Bugeaud: Par rapport aux familles qui nous arrivent de l'extérieur, nous sommes subventionnés pour ces familles de la même façon que dans le cadre provincial, de la même façon qu'avec n'importe quel élève.
Cependant, nous recevons quelques subventions additionnelles pour des élèves qui ont besoin de francisation. Mais nettement, pour plusieurs de ces familles, la scolarité est faible. Elles ont un tout autre vécu et elles vivent une réintégration à une nouvelle culture, à un nouveau système éducatif. Dans ce domaine, il faut reconnaître les particularités de cette population à l'intérieur de nos écoles. On ne peut pas dire tout simplement que tout le monde reçoit X dollars et que l'on ajoute une petite prime pour répondre aux besoins des élèves.
Quand on ajoute une prime de 300 dollars par élève pour franciser davantage, je ne peux pas, comme administratrice, aller très loin dans une tâche d'enseignement qui vise la ré-éducation ou la re-francisation.
La présidente: Vous avez mentionné un prêt. Cela m'amène aux fonds. Pierre, si tu allais enseigner dans une école anglophone avec le même genre de travail à Edmonton, est-ce que l'échelle de salaire serait différente?
M. Eddie: Les échelles salariales à Edmonton sont assez semblables. Il y a plus de 60 conseils scolaires en Alberta. Dans les négociations de l'année dernière, les enseignants et les administrateurs se sont retrouvés au 20e ou 21e rang de l'échelle salariale dans la province. C'est très semblable à celle de mes collègues d'Edmonton.
Le sénateur Comeau: Je vous félicite et je vous remercie d'avoir fait le choix d'oeuvrer dans votre communauté. Avec ce choix, vous êtes en train de transmettre des valeurs à nos jeunes. Vous privilégiez des valeurs dans la vie qui sont plus importantes que de solliciter du travail ou les salaires.
Vous avez mentionné qu'à peu près 15 p. 100 des étudiants francophones sont inscrits dans des écoles francophones, ce qui laisse un nombre d'élèves assez considérable qui vont dans des écoles anglophones plutôt que des écoles francophones. Si ces jeunes vont dans des écoles anglophones, seront-ils perdus pour les francophones? Est-ce qu'on va perdre la francophonie dans ces familles?
M. Eddie: J'ai une statistique vraiment intéressante: jusqu'à 73 p. 100 de notre clientèle de notre conseil venait de foyers exogames. C'est tout un défi. Mon épouse n'est pas francophone. C'est tout un défi que de décider si nos enfants doivent à l'école francophone ou anglophone.
Le taux d'assimilation en Alberta est très élevé. Il y a quand même une croissance dans notre conseil et à notre école. Nous avons beaucoup d'étudiants africains qui arrivent et d'autres qui arrivent d'ailleurs. Mais il y a une croissance qui existe même si 15 p. 100, ce n'est pas très élevé.
Mme Bugeaud: J'aimerais ajouter que dès de début la mise sur pied des écoles francophones, le français commençait à perdre de la vitesse. Alors, on a certainement respecté la clause de réparation, la clause réparatrice d'aller re-franciser.
De façon générale, quand les parents décident de la langue d'éducation de leur enfant, une fois cette décision prise, il est très difficile pour nous d'aller les chercher dans un système existant. Nous ne déployons pas beaucoup de nos énergies chez ces gens parce que les statistiques ne nous appuient vraiment pas. C'est la raison pour laquelle il faut se concentrer sur les très jeunes, avant que les décisions ne soient prises. Plusieurs programmes ont été mis en marche pour aller chercher ces jeunes.
Un programme existe depuis bien des années dans le nord de la province qui s'appelle: «Francophones aux couches». La minute qu'un enfant naît dans la communauté, on oeuvre auprès de cette famille pour la convaincre d'inscrire cet enfant. Alors il faut y aller de loin.
Le sénateur Comeau: Je me suis aperçu en Nouvelle-Écosse de l'anglicisation et de l'assimilation de villages entiers. Je voudrais savoir si ce phénomène se passe ici. Je ne sais pas si ce phénomène est dû à la manière dont ces villages sont disposés, sur de petites péninsules. Ces villages formaient un tout et subitement, d'une génération à l'autre, ils sont anglicisés, assimilés, très vite, en l'espace de 25 ans.
Les jeunes naissent et les parents décident qu'ils iront à l'école anglaise. Et s'ils vont à l'école anglaise, même s'ils entendent un petit peu de français à la maison, ils ne peuvent aucunement le comprendre ni le parler.
Est-ce que le même phénomène se passe dans des villages entiers qui se font angliciser?
Mme Bugeaud: Absolument. On a connu ce phénomène dans tous les coins de l'Alberta. Je suis native, Franco- albertaine, de Bonnyville, un petit village très francophone. Il a presque au complet été anglicisé. Les services sont de moins en moins accessibles aux gens et on a beaucoup vu cette assimilation dans la province.
On constate beaucoup le phénomène d'urbanisation. Les francophones de toutes ces petites communautés s'en viennent dans les villes. Dans les écoles francophones de la province, on voit que plusieurs élèves quittent pour aller à la grande ville. Les jeunes ne veulent pas rester dans leur communauté d'origine. C'est tout un autre défi pour eux d'assurer une relève.
Le sénateur Comeau: Vous avez mentionné l'isolement. Vous enseignez certains cours et vous vous sentez seul car peu de gens enseignent des cours semblables. Est-ce que vous pouvez entrer en contact régulièrement ou facilement avec vos collègues du Canada qui sont dans des situations semblables? Est-ce qu'il y a un encouragement financier, par exemple, pour aller visiter vos collègues?
M. Eddie: Il y a eu des tentatives visant à développer des réseaux entre enseignants francophones avec l'ACREF ou des associations.
Le sénateur Comeau: Je ne parle pas du téléphone ou d'Internet. Je parle de gens avec qui vous pouvez devenir amis. Il faut que vous puissiez les rencontrer d'une façon assez régulière.
M. Eddie: Autrement qu'à des congrès ou si je me déplace, je dois dire que non. J'ai accès à certains fonds pour assister à des congrès. Mais le plus souvent, d'un jour à l'autre, nous sommes seuls dans notre petit coin et puis nous faisons nos choses.
Mme Bugeaud: Au moyen de la bourse des langues officielles à laquelle nous pouvons accéder, une somme maximale de 850 dollars par année est allouée pour participer à des congrès francophones à l'extérieur de la province. Ce n'est qu'une partie des coûts et vous comprenez à quel point il est difficile d'envoyer plusieurs personnes.
En tant qu'administrateurs francophones de la province, nous nous sommes donnés le mandat de nous présenter comme équipe à chaque année à un congrès qui s'appelle «Le Congrès des cadres», à Québec, et c'est là où nous allons nous ressourcer en éducation francophone.
Le sénateur Chaput: Je vous félicite pour l'énorme travail que vous faites dans nos écoles françaises, et je dis bien «nos» parce que je suis du Manitoba, mais je suis aussi de l'Ouest. Et la francophonie de l'Ouest vit de façon générale les mêmes réalités et les mêmes défis que vous.
Je reconnais le travail incroyable que nous demandons à nos enseignants dans nos écoles françaises en situation minoritaire. Vous êtes des bâtisseurs, vous l'avez dit vous-mêmes. Vous avez une formation spécialisée mais vous devenez des généralistes. Vous devez enseigner plusieurs sujets parce que nos écoles sont petites. Vous avez à composer avec des élèves qui regardent les écoles de la majorité qui sont plus belles, plus grandes, qui offrent beaucoup plus, par exemple, au niveau des sports, et cetera.
Vous avez donc à leur dire qu'ils sont bien où ils sont et, en plus, vous faites la promotion du français et vous essayez de récupérer encore plus d'élèves. C'est une tâche énorme. Je me demande comment il ce fait que nous avons encore des enseignants dans nos écoles et je vous félicite. C'est parce qu'on y croit finalement que ça devient un genre de mission.
Ceci dit, ma première question concerne le protocole. Je pense que c'est Pierre qui a parlé du Protocole de l'Ouest et du Nord pour établir des bases communes. De quoi s'agit-il? Qui est responsable et que font-ils?
M. Eddie: Il y a eu deux initiatives. La première était une initiative pancanadienne en sciences surtout, en biologie, en chimie, en physique, à l'exception du Québec. Les provinces s'étaient rencontrées. Le but n'était pas d'établir un curriculum commun mais plutôt d'établir des bases sur lesquelles chaque province pourrait ensuite tenter d'arriver aux mêmes résultats d'apprentissage au bout du même nombre d'années.
Ensuite, il y a eu une initiative qu'on a appelée le «Protocole de l'Ouest et du Nord», qui concernait le Manitoba jusqu'à la Colombie-Britannique, y compris les Territoires. Et je sais qu'en mathématiques, on est encore en discussion. Mais en études sociales, cela créé d'autres problèmes.
Le sénateur Chaput: Est-ce que ce sont des représentants de la province qui s'étaient rencontré?
M. Eddie: C'était des comités. Nous avons tous les deux fait partie de comités. C'était pour représenter les francophones de l'Alberta au comité de l'Alberta. Ensuite, des représentants de l'Alberta allaient siéger à des rencontres avec des représentants de chacune de ces provinces.
Le sénateur Chaput: Dans ce genre de rencontre et de protocole, était-il question d'études en français, puisqu'on parle de l'Ouest du Canada?
M. Eddie: Il s'est produit un phénomène très intéressant. Notre programme d'études sociales — ce qui pour nous veut dire l'histoire et la géographie mis ensemble —, diffère beaucoup des programmes des autres provinces. L'Alberta avait demandé d'inclure dans le programme le fait francophone, le fait amérindien et le fait anglophone et multiculturel, ce qui était vraiment un pas de l'avant et vraiment très intéressant. Mais cela n'a pas fonctionné.
L'Alberta s'est retirée du Protocole de l'Ouest canadien et du Nord sur le programme d'études sociales.
Le sénateur Chaput: Est-ce que je peux vous demander pourquoi cela n'a pas fonctionné? Est-ce que c'est parce que les autres provinces n'adoptaient pas à ce genre d'approche?
Mme Bugeaud: Quand nous parlons d'histoire dans ce pays, nous ne sommes pas complètement d'accord quant à l'interprétation de notre histoire comme francophones, comme anglophones, comme autochtones. À ce niveau, les négociations ont été difficiles dans le sens que beaucoup de gens, même au niveau des comités provinciaux, avaient de la difficulté à nous comprendre comme francophones, à comprendre la place que nous, francophones, avions à assurer dans l'histoire. Tous les élèves de la province, peu importe qu'ils soient francophones ou anglophones, connaissent notre histoire et l'apport des francophones dans l'histoire albertaine et canadienne.
Nous avons eu de très longues discussions.
M. Eddie: Il est certain que les discussions pour arriver à un programme de mathématiques commun sont plus faciles.
Mme Bugeaud: Oui.
M. Eddie: Mais lorsqu'on est arrivé aux discussions concernant le sens d'identité ou le sens d'appartenance, tout d'un coup, cela a créé des problèmes.
Le sénateur Chaput: Je voudrais savoir qui a mis sur pied cette initiative et qui a assuré de financement de cette initiative de caractère provincial? Est-ce que le gouvernement fédéral a eu un rôle à jouer dans tout cela?
Mme Bugeaud: Ce sont les ministères de chaque province qui se sont regroupés pour en arriver à cette entente.
Le sénateur Chaput: Les Fransaskois nous ont parlé de recrutement. Lorsque le parent d'un enfant fransaskois veut que son enfant aille dorénavant dans une école francophone — si j'ai bien compris, et mes collègues me corrigeront si je fais erreur — ils doivent avoir la permission de la division ou de l'école anglophone pour enlever l'enfant et le placer dans une école française. Est-ce que c'est bien ce qu'on nous a dit?
La présidente: C'est une permission de la majorité pour une minorité. J'ai compris que c'était seulement en Saskatchewan.
Le sénateur Chaput: Je voulais savoir si ce genre de chose se passait ici.
La présidente: Je pense que c'est dans l'article 29.
Le sénateur Chaput: Avez-vous entendu parler de cela? Est-ce que ça se passe en Alberta?
Mme Bugeaud: Je n'ai pas très bien compris la situation.
Le sénateur Chaput: Disons que votre enfant va à une école anglophone et que vous décidez, comme parent, d'envoyer votre enfant dans une école francophone. Avez-vous une permission à demander à quelqu'un en quelque part?
Mme Bugeaud: Non, pas du tout.
Le sénateur Chaput: Vous n'avez pas de permission à demander?
M. Eddie: Non.
Mme Bugeaud: Les parents qui répondent aux critères de l'article 23 de la Charte, donc qui ont eu comme langue première le français, ou qui sont francophones, ont accès automatiquement à l'éducation francophone.
Quand ils nous arrivent, ils doivent indiquer dans leur formulaire d'inscription s'ils font partie du groupe des ayants droit.
Le sénateur Chaput: Donc, c'est comme au Manitoba.
La présidente: Oui, on nous avait bien dit que c'était une situation unique à la Saskatchewan et c'est maintenant devant les tribunaux.
M. Eddie: J'allais juste faire un commentaire par rapport aux étudiants d'Edmonton qui choisissent l'école où ils vont. On est en compétition farouche, si je peux le dire ainsi, avec des écoles qui se spécialisent aussi bien en soccer, en hockey ou en ballet. Donc, il y a beaucoup de compétition quand les élèves font leur choix.
Le sénateur Chaput: Vous avez parlé du Réseau provincial d'adaptation scolaire, financé par le fédéral-provincial. Je présume qu'il s'agit de l'entente en éducation?
Mme Bugeaud: Oui.
Le sénateur Chaput: Et vous avez parlé de la participation de la petite enfance. Je pense que la petite enfance est impliquée d'une façon ou d'une autre. Pouvez-vous m'expliquer un peu plus comment ce réseau fonctionne et combien d'enfants sont impliqués? Quand vous parlez de la petite enfance, est-ce que vous avez un nombre?
Mme Bugeaud: Et bien, je n'ai pas le nombre exact d'élèves de la petite enfance qui ont accédé à ces services, mais le service du réseau, il est offert à tous les enfants en bas âge. En Alberta, dès l'âge de trois ou quatre ans, les enfants peuvent aller à la prématernelle et dès ce temps-là, les enfants qui ont besoin des services peuvent accéder au réseau. Mais le Réseau d'adaptation scolaire est un réseau pour les élèves qui ont des difficultés d'apprentissage, des difficultés physiques ou autres. C'est un réseau d'accès à des professionnels pour les élèves dans tout le domaine de la santé.
Le sénateur Chaput: Donc ce réseau ne touche pas les enfants qui doivent réapprendre le français.
Mme Bugeaud: La francisation ne fait pas partie du réseau d'adaptation. Dans nos écoles primaires, nous avons des programmes de francisation où des gens ont la tâche de travailler avec des élèves en petits groupes ou individuellement pour les franciser davantage.
Le sénateur Chaput: Les programmes de francisation sont-il financés en partie par votre entente en éducation?
Mme Bugeaud: Et bien, nous n'avons pas un programme de francisation. C'est une collaboration de gens qui travaillent dans le domaine avec les services pédagogiques de notre conseil et des autres conseils scolaires francophones pour créer des outils et trouver les matériaux nécessaires. Ce n'est pas le même genre de francisation que pour un anglophone qui fait l'apprentissage d'une deuxième langue. Et trouver les ressources, c'est tout un défi pour nous.
La présidente: On nous a dit qu'en Saskatchewan, au Manitoba et ailleurs — on l'a vécu aussi dans l'Est du Canada —, le matériel pédagogique est souvent traduit de l'anglais au français. Y a-t-il des livres ou des outils pédagogiques qui sont vraiment typiques de l'Ouest ou utilisez-vous le matériel pédagogique québécois?
Mme Bugeaud: La plupart de nos ressources nous parviennent du Québec. Cependant, nous voyons en Alberta, dans les dernières années, de plus en plus d'écrivains qui font paraître des choses qui se rapportent à notre histoire, à notre vécu. Ces textes deviennent des ressources d'appui dans notre programmation. Mais notre liste de ressources n'est pas longue.
Certains enseignants ont produit, en collaboration avec le ministère, des ressources dans divers domaines. Nous en somme au point où, après tant d'années d'éducation francophone, nous reconnaissons que nous devons commencer à produire de nos propres ressources, parce que nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les autres les produisent pour nous.
La présidente: C'est vous qui connaissez les besoins.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Lorsque je suis entré à l'université, il y a longtemps de cela, à l'Université d'Ottawa, j'avais pour camarade de classe un étudiant d'Edmonton qui est resté un ami pour la vie. Il avait reçu son éducation des communautés religieuses d'ici. J'ai reçu la mienne des communautés religieuses de langue anglaise à St. Patrick.
Cependant, il me semblait que les programmes que nous avions suivis étaient virtuellement identiques étant donné que nous avions fait nos études en sciences et dans d'autres domaines, par la suite, en médecine. Il est aujourd'hui psychiatre et sa pratique à Ottawa est essentiellement francophone.
Il me semblait à l'époque que le programme d'ici était très semblable au programme d'Ottawa, sauf que le mien était en anglais et le sien en français, et heureusement, il avait la possibilité à l'Université d'Ottawa de poursuivre un grand nombre de ses cours en français, et moi j'ai poursuivi en anglais.
Cette possibilité existe-t-elle toujours? Je sais que la communauté religieuse qui dirigeait le Collège St. Patrick a virtuellement disparu depuis. J'imagine que la même chose s'est produite ici
Mme Bugeaud: Eh bien, si je peux parler en mon nom personnel, je suis diplômée de la Faculté Saint-jean et je peux témoigner du fait qu'au cours des 20 dernières années, il y a toujours eu une base commune dans l'éducation postsecondaire, mais nous voyons aujourd'hui émerger des cours qui correspondent davantage aux besoins de la population de notre province. Si l'on prend tout le domaine de l'éducation, lorsque j'ai fait mon baccalauréat en éducation, il y avait un grand nombre de cours auxquels nous n'avions pas accès. Ils étaient expressément conçus pour l'enseignement aux enfants dans un milieu francophone, dans une province dont la population est majoritairement de langue anglaise.
On voit de plus en plus des établissements comme la Faculté Saint-Jean mettre au point des cours qui sont adaptés aux étudiants en éducation oeuvrant présentement dans les écoles de l'Alberta, en ce qui concerne l'éducation francophone.
Cependant, je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire que le programme des universités de notre pays ne change jamais radicalement du jour au lendemain.
M. Eddie: Si je peux parler du programme des petites classes, nos étudiants commencent à apprendre l'anglais en troisième année, et lorsqu'ils arrivent en douzième année, ils ont le même programme en ce qui concerne les langues. De toute évidence, nos étudiants ont des cours de langue équivalents en français qui, étant donné qu'ils s'adressent aux francophones, ne sont pas offerts du côté anglophone. Il y a des différences par rapport aux autres provinces qui font problème, par exemple, pour des cours comme les sciences sociales, qui sont inclusives. On parlait de ressources il y a quelques instants, peut-être au Québec, où, une année on enseigne l'histoire, et l'autre année, la géographie; cela ne nous avantage pas pour ce qui est d'avoir accès aux ressources ou aux livres. Il y a des différences considérables qui nous posent certains problèmes.
Le sénateur Keon: Dans quel domaine essayez-vous d'adapter votre programme maintenant? Je posais la question au Manitoba, et je demandais aux responsables pourquoi ils n'essayaient pas de reproduire le système du Québec ou de le suivre, parce que c'est un excellent système. Est-ce que vous faites quelque chose pour que vos étudiants puissent aisément se brancher sur le système du Québec ou non?
Mme Bugeaud: Il nous est difficile d'apporter des changements dans ce domaine parce que nous ne contrôlons pas cet aspect des choses, et nos programmes sont très différents. Nous n'avons pas les mêmes programmes ici, les mêmes programmes d'études, particulièrement en sciences sociales. À divers niveaux, nous étudions des aspects différents de l'histoire canadienne, alors que dans le programme du Québec, on étudie davantage l'histoire et la géographie de la province. Les programmes sont très différents, et c'est une bataille que nous n'avons pas menée étant donné que nous ne contrôlons pas cet aspect des choses.
M. Eddie: Je ne sais pas si vous avez rencontré des représentants du ministère de l'Apprentissage ici en Alberta. Il y a là une section qu'on appelle la Direction de l'éducation française, qui serait mieux placée que nous pour répondre à cette question.
La présidente: Monsieur Eddie, je suis heureuse que vous ayez ajouté cela.
[Français]
Le sénateur Keon a parlé du programme scolaire et le sénateur Chaput a parlé du rôle exigeant que vous avez comme enseignants dans des situations minoritaires.
Dans les facultés d'éducation, est-ce qu'on offre des cours d'animation aux enseignants qui désirent enseigner dans des situations minoritaires? Est-ce que ces cours seraient utiles?
Mme Bugeaud: C'est absolument nécessaire pour tout enseignant qui vient enseigner en Alberta ou dans toute situation minoritaire de connaître le vécu des gens.
Quand on parle des besoins des francophones vivant en situation minoritaire, on doit s'assurer que les enseignants comprennent la psychologie de l'élève qui vit en situation minoritaire, et ce n'est pas toujours évident.
La Faculté Saint-Jean offre des cours dans le domaine de l'éducation en situation minoritaire. J'ai déjà, par pur intérêt, suivi certains de ces cours parce qu'ils ajoutent beaucoup aux connaissances de l'enseignant. Mais ce n'est pas toutes les universités qui les offrent. Dans nos conseils scolaires, on comprend l'importance de savoir ce qu'est l'éducation francophone en Alberta, de connaître les valeurs qui étaient à la base de la fondation de ces écoles, et d'être conscient du rôle important de l'éducateur dans la formation des jeunes.
Quand un enseignant nous arrive du Québec, il n'a pas la mentalité du francophone qui a dû vivre continuellement les échecs et les obstacles face à la francophonie. Ce sont donc des liens qu'il est important de tisser dans nos communautés.
M. Eddie: Moi aussi, j'ai suivi des cours à la Faculté Saint-Jean il y a une vingtaine d'années. Certains cours touchaient la question de la francophonie en situation minoritaire. Je sais qu'aujourd'hui, les étudiants en pédagogie sont bien mieux préparés que nous l'étions, il y a 20 ans.
La présidente: Je vous remercie très sincèrement. Je crois que vous l'avez, le feu sacré. Vous avez bien commencé notre journée. Et les défis que vous avez relevés, ainsi ce que les choses que vous avez accomplies, nous allons les approfondir en rencontrant des gens de la petite enfance, des gens de la formation et de la communauté.
Nous aurons maintenant une table ronde avec des gens de la Fédération des conseils scolaires de l'Alberta, M. Bissonnette, M. Desrochers; de la Fédération des francophones de l'Alberta, Mme Andrée Verhogg; et de l'Institut Guy-Lacombe de la famille, Mme Patricia Rijavec.
Monsieur Desrochers, la parole est à vous.
M. Pierre Desrochers, président, Fédération des conseils scolaires de l'Alberta: Je suis ici aujourd'hui à titre de président de la Fédération des conseils scolaires de l'Alberta. La Fédération regroupe cinq conseils scolaires francophones de l'Alberta: le Conseil Centre-Nord, qui est celui d'Edmonton en région; le Conseil Nord-Ouest, dans la région de Falher; le Conseil Centre-Est dans la région de Saint-Paul, Bonnyville et Cold Lake; et dans le sud de la province, il y a deux conseils scolaires, un conseil catholique et un conseil public.
À la page 10 du document que nous avons circulé, vous trouverez une carte qui indique où les écoles se trouvent dans la province.
En rose, c'est le Conseil Centre-Nord; jaune, c'est le Nord-Ouest; le bleu, c'est Centre-Est; et le vert dans le sud, c'est soit catholique ou public.
Les écoles francophones en sont encore à faire leurs premiers pas comparativement aux écoles de la majorité anglophone et aussi comparativement aux écoles francophones dans plusieurs autres provinces. Elles existent ici depuis 1984. À ce moment-à, il n'y avait pas de gestion francophone comme telle. C'était des écoles francophones qui avaient été ouvertes par des conseils anglophones. Les deux premières, à Calgary et Edmonton, regroupaient à ce moment-là 239 élèves et 125 élèves respectivement.
Aujourd'hui, comme vous pouvez le voir, nous avons 25 écoles regroupant au-delà de 3 500 élèves et, de ces 25 écoles, 15 écoles ont été ouvertes avant que la province mette en vigueur le modèle de gestion par les francophones, en 1994, et les dix autres écoles ont été ouvertes depuis 1994.
Vous pouvez voir d'après la carte que nous sommes très éparpillés et que nous avons des petites écoles un peu partout en province dans des régions rurales, et des petites écoles aussi dans des régions urbaines.
Nous tentons de regrouper tous nos élèves au moins une fois par année à une activité qui s'appelle «le Rage». Cette activité est très populaire chez les jeunes enfants. Je pense que cette activité fait beaucoup pour remplir notre mandat, qui est d'attacher à l'éducation une composante culturelle et un élément de fierté. Mais ce genre d'activité culturelle entraîne beaucoup de dépenses. C'est tout un défi.
Plusieurs de ces écoles ont moins de 200 élèves, et sept de ces écoles desservent des élèves de la maternelle au secondaire deuxième cycle; six écoles desservent des élèves de la maternelle au secondaire premier cycle; et dans plusieurs de ces écoles, on regroupe des niveaux multiples dans les classes. Et je crois que ce matin, on a parlé un peu des défis que vivent les enseignants dans ce genre de situation.
Étant donné l'éparpillement de nos élèves, plus de 90 p. 100 de nos élèves sont transportés à l'école par autobus. Il y a donc des défis concernant les trajets des autobus, les dépenses et le temps que les élèves doivent passer sur l'autobus.
La plupart de nos élèves proviennent de familles exogames: un parent est francophone et l'autre est anglophone. C'est notre réalité.
Le gouvernement provincial a apporté plusieurs modifications au niveau du financement pour tenter de surmonter certains de ces défis. Dans le dernier «Funding Framework», comme on l'appelle, on retrouve des mécanismes pour traiter toutes les écoles francophones, qu'elles soient rurales ou urbaines, comme étant des écoles rurales et donc bénéficiant d'un financement d'éparpillement. Il y a des façons de bonifier la part qui revient aux conseils francophones.
Par exemple, en fait de transport, nous recevons une allocation de transport par enfant qui est trois fois et demi plus importante que celle qui est attribuée à chaque enfant dans un conseil anglophone urbain, ce qui nous permet d'offrir le transport sans coût pour les parents.
Nous avons pris des démarches concernant la maternelle à temps plein. Dans la province, en ce moment, les conseils anglophones n'offrent pas la maternelle à temps plein. La maternelle est à demi-temps, financée par le gouvernement. Nous recevons du gouvernement provincial le financement pour la maternelle à demi-temps mais nous offrons maintenant à nos élèves, partout dans la province, la maternelle à temps plein. Nous avons un déficit important dans ce dossier mais nous pensons que c'est très important pour attirer la clientèle et aussi pour faire la francisation des les jeunes qui nous arrivent.
Plusieurs des ayants droit nous viennent de familles où on parle surtout l'anglais et nous profitons de la maternelle à temps plein pour les franciser. De fait, nous voudrions le faire encore plus tôt que cela.
La plupart des écoles maternelles ont sur place une prématernelle qui est en partie subventionnée par le conseil. Les enfants de la prématernelle ont trois ans et ceux de la maternelle en ont quatre. Mais à part l'aide pour la location des locaux et pour une partie des salaires dans certaines très petites écoles, nous ne pouvons pas les aider plus que cela à cause de nos budgets.
Nous mis en place un Réseau provincial d'adaptation scolaire en 1981 pour nous permettre d'engager des professionnels francophones pour les élèves qui ont des besoins spéciaux. Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais nous avons un modèle très différent de ce qui se passe du côté anglophone pour tenter de combler ces besoins.
Je vous ai dit au début que nous avons cinq conseils scolaires francophones en Alberta et c'est en partie à cause de l'éparpillement de nos élèves et parents, et du besoin qu'ont les parents de se sentir impliqués dans l'éducation de leurs enfants. Et pour rejoindre les parents qui ont un droit constitutionnel, il est important qu'ils se sentent rattachés à la gestion de leurs écoles.
Les formules de financement en Alberta permettent une enveloppe de financement pour l'administration de 6 p. 100. Pour certains conseils, ce 6 p.100 n'est pas suffisant pour payer les dépenses d'un surintendant et tout le reste. Donc, le gouvernement contribue plus d'argent.
Je crois qu'il y a un manque de transparence dans les programmes de financement à savoir où vont ces argents, parce qu'ils sont gérés par des ententes ministérielles entre le conseil des ministres et le Patrimoine.
Ce qu'on dit en Alberta, c'est que la province s'acquitte bien de ses responsabilités, et même mieux que d'autres provinces, quant au financement des écoles francophones. La province a mis de l'argent dans l'infrastructure, contrairement à d'autres provinces, et elle a trouvé des formules de financement, sans trop le faire paraître, qui permettent de donner plus d'argent pour les écoles francophones.
Mais on se rend compte qu'une bonne partie de ces fonds viennent du gouvernement fédéral, qui aide la province à s'acquitter de ses devoirs et de ses responsabilités au niveau du financement de l'éducation. On avait des formules de financement qui fonctionnaient bien mais, comme je l'ai dit au début, ces formules sont toujours en train de changer.
À la page quatre de notre mémoire, nous indiquons que l'année dernière, nous recevions de l'argent pour l'entretien et l'opération des édifices. Pour vous mettre un peu dans le contexte, nous avons hérité de plusieurs édifices qui n'étaient plus utilisés par les conseils anglophones et ces édifices étaient trop gros par rapport aux besoins que nous avions. La province a donc trouvé une formule pour nous aider en disant qu'elle allait considérer que nos édifices étaient remplis à 80 p. 100 et qu'elle allait nous financer en conséquence.
L'année dernière, la province a transféré cette responsabilité du ministère d'Apprentissage à l'Infrastructure et cet argent est disparu. Donc, pour notre Conseil Centre-Nord, il s'agit d'une différence de près de 400 000 $, qui aidait en partie à subventionner nos maternelles à temps plein et tout cela.
Le gouvernement provincial a modifié les formules de financement. Plutôt que de parler de formules d'éparpillement qui aident les écoles rurales, on parle maintenant de petites écoles par nécessité. Et il y a tout un projet pour trouver des formules de financement pour des petites écoles par nécessité qui aident les écoles francophones, qui sont petites par nécessité, et qui aident les petites écoles rurales.
Le coût de tout cela se chiffre entre 50 millions et 55 millions de dollars, et jusqu'à date, le ministère de l'Apprentissage n'a pas pu aller chercher cet argent au Conseil du trésor provincial. On dit que c'est peut-être pour l'année prochaine, mais on ne le sait pas. Et on ne sait pas quelles sont les règles non plus.
En ce qui a trait aux besoins existants et futurs des conseils francophones, il reste beaucoup de travail à faire dans le domaine de la sensibilisation des communautés quant aux bienfaits et à l'importance de l'éducation en français.
Les conseils ont encore un énorme travail à faire pour aller chercher un autre 70 p. 100 d'ayants droit qui ne sont pas dans nos écoles, soit parce qu'il n'y en a pas dans leur région, soit parce qu'ils trouvent que l'école anglophone et l'école d'immersion offrent d'autres choix. C'est un défi énorme.
La francisation devient de plus en plus un service obligatoire, étant donné que plusieurs de nos élèves nous proviennent de familles où l'anglais prédomine. Il y a donc un travail énorme à faire lorsqu'ils nous arrivent. Plus on peut le faire tôt, mieux ça ira. Et pour ça, je pense que des maternelles à plein temps, des maternelles financées, vont aider à faire cette francisation plut tôt et faire en sorte que ces services soient un peu plus efficaces.
Il y a beaucoup de chemin à faire au niveau du développement culturel et identitaire chez nos élèves. C'est une question de ressources. L'arrivée d'immigrants francophones en nombres importants en provenance des milieux urbains exige des efforts supplémentaires de recrutement et des stratégies pour assurer l'établissement de ces nouveaux arrivés dans nos communautés. La figure de la francophonie albertaine a changé. Plusieurs personnes nous viennent de l'Afrique et d'un peu partout. La question d'identité de francophone de souche n'existe donc plus en Alberta. C'est une réalité très multiculturelle.
En plus d'avoir à combler toutes sortes de besoins spéciaux dans nos écoles, nous devons composer avec la complexité culturelle et la complexité langagière.
Au sujet des ententes fédérales, provinciales et territoriales, nos connaissances relatives à ces ententes et aussi la transparence laissent beaucoup à désirer. Il semble y avoir un manque d'harmonisation entre ces ententes et les besoins de la communauté, particulièrement là où il n'y a pas de financement provincial, par exemple, en petite enfance, dans les de garderies, et tout le reste. À mon avis, l'orientation et les objectifs de ces ententes devraient davantage appuyer les services relatifs à la petite enfance.
En ce qui a trait aux des négociations, nous sommes complètement dans le noir, à savoir où nous en sommes avec cela. On fait des annonces de financement. Les parents pensent que l'argent est là mais non, ce sera peut-être pour l'an 2004, 2005 ou 2006. On ne le sait pas. Les annonces précèdent de très loin le financement. J'imagine que c'est à cause des négociations entre les différents paliers gouvernementaux.
Nous poursuivons maintenant des discussions avec le ministère, ici, pour assumer un rôle plus important dans ces négociations. Récemment, à la dernière rencontre de la Fédération, les représentants du ministère de l'Alberta nous ont parlé d'un budget de 20 millions dollars pour les projets spéciaux pour l'ensemble du Canada. De ces 20 millions de dollars, on nous a dit que 100 000 dollars étaient alloués à l'Alberta. Donc, où ira le reste de l'argent? Quel genre de projet va-ton financer? Il n'y a aucune transparence, et il ne semble pas, d'après nous, y avoir d'équité non plus.
Pour ce qui est des ententes fédérales-provinciales concernant l'enseignement de la langue seconde, la Fédération supporte sans réserves ces programmes et tout ce qui peut être fait pour augmenter le financement de ces programmes. Même si ça ne nous bénéficie pas directement, nous voyons les bénéfices de ces fonds supplémentaires pour l'ensemble de la francophonie au Canada.
Pour ce qui est de la petite enfance, on voudrait avoir accès aux services et aux professionnels. Il nous semble qu'à ce niveau, l'accès aux services est encore très limité. Il n'existe que deux garderies francophones dans la province, une à Calgary et l'autre à Edmonton. Le développement de certaines choses comme l'annuaire des professionnels dans le domaine de la santé a aidé à mettre au point l'identification de professionnels, mais cette identification reste minime partout en Alberta.
Il y a beaucoup à faire dans le domaine du recrutement et de la rétention des élèves, et aussi beaucoup à faire dans le recrutement et la rétention d'un personnel enseignant qualifié. Le recrutement d'un personnel enseignant qualifié, surtout en milieu rural, demeure toujours un très gros défi, tout aussi longtemps que la demande dépasse l'offre.
Je veux parler un peu de l'éducation post-secondaire. L'accès équitable à l'éducation post-secondaire en français est un facteur important au niveau de la rétention des élèves au sein de nos écoles et du recrutement pour nos écoles francophones. Il devrait y avoir des ententes fédérales-provinciales pour assurer la continuité du financement pour ces institutions. Le domaine collégial, qui n'existe pas encore vraiment dans la province, est un autre dossier qu'il faut développer.
C'est donc un bref survol de notre mémoire. Je suis prêt à répondre à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Desrochers, pour une très bonne présentation. Il y aura une période de questions et nous reviendrons à vos conclusions.
Permettez-moi de présenter M. Ernest Chauvet, président de l'Association canadienne-française, et M. Raymond Lamoureux, directeur général de l'ACFA.
M. Ernest Chauvet, président de l'Association canadienne-française de l'Alberta (ACFA): Je vais laisser la parole à M. Lamoureux. Je connais les dossiers et j'ai préparé le mémoire. Ce sera donc plus efficace.
M. Raymond Lamoureux, directeur général de l'Association canadienne-française de l'Alberta (ACFA): L'ACFA est l'organisme reconnu dans les Statuts de la province de l'Alberta pour représenter la communauté francophone. L'ACFA existe depuis 1926. Elle exerce son mandat sur l'ensemble du territoire albertain par les moyens de dix régionales et d'un cercle local. Un cercle local, c'est une régionale en développement et dans ce cas-ci, il s'agit de la région de Red Deer.
L'ACFA se donne les rôles suivants: d'être le porte-parole de ses membres et de l'ensemble de la communauté francophone. Elle est responsable de coordonner les actions de revendication et de développement de la communauté en collaboration avec les organismes francophones de l'Alberta et d'en assurer le suivi.
Elle est responsable d'assurer le développement de la communauté en dirigeant certains secteurs où l'initiative n'a pas été prise au niveau provincial par des groupes organisés. Souvent, l'ACFA va s'engager dans un secteur et puis éventuellement, quand un organisme se forme et prend une bonne envolée, on donne à l'organisme la responsabilité de s'occuper du secteur.
Un des secteurs présentement en développement est le secteur patrimoine et histoire. Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, d'organisme provincial qui est prêt à s'occuper de ce dossier.
L'ACFA assure le développement de la communauté en appuyant les groupes sectoriels qui oeuvrent dans certains domaines d'intervention, en fournissant de l'aide et de l'appui aux initiatives régionales.
Elle voit à l'unité et à la cohésion de ses membres.
Elle est responsable de la concertation des organismes francophones de toute la province, et de l'ensemble de la planification et du développement communautaire, en assurant le fonctionnement du mécanisme d'établissement des priorités, de concertation, de coordination et d'évaluation de la communautaire franco-albertaine.
Elle est responsable de promouvoir la fierté et la culture d'expression française sur l'ensemble du territoire de l'Alberta, en collaboration avec les organismes francophones de la province, et de projeter une image positive de la francophonie albertaine sur l'ensemble des collectivités de l'Alberta.
Il y a environ deux ans, une centaine de personnes d'un peu partout dans la province se sont réunies pour se pencher sur la question d'une vision pour la communauté et sur la question des valeurs. La vision que nous avons adoptée est que le Franco-albertain est un citoyen à part entière qui vit dans une société francophone pleinement épanouie.
Depuis deux ans en effet, nous nous penchons sur la question du futur, sur la question de l'élaboration d'un plan de développement. Nous avons ciblé neuf secteurs de développement. Tout d'abord, l'ACFA a adopté une approche globale pour le développement de la communauté.
Nous sommes présentement à un stade assez avancé par rapport à l'élaboration d'un plan de cinq ans. Les neuf secteurs de développement qui figurent dans notre planification sont les arts et la culture, la communication et les médias, l'économie, l'éducation et la formation, l'immigration, le patrimoine et l'histoire, la politique et les services gouvernementaux, la santé et le bien-être, les sports et les loisirs.
Le but de cette présentation est de vous communiquer les éléments importants concernant les interventions que la communauté a ciblées pour les cinq prochaines années.
Tout à l'heure, je demanderai à Mme Patricia Rijavec de nous parler de la petite enfance et de l'éducation à ce niveau. Et je crois que M. Bissonnette traitera du dossier collégial en éducation cet après-midi. Je n'aborderai donc pas ces deux éléments ce matin.
Les arts et la culture, c'est un secteur qui a toujours été très important dans toutes nos communautés en Alberta. Malheureusement, nous avons beaucoup de contraintes qui nous empêchent vraiment de réaliser tout ce que nous voudrions dans le secteur arts et culture.
Il y a énormément de travail à faire au niveau régional pour offrir une programmation plus étendue. En région présentement, nous avons un bureau régional avec un agent de développement et une personne au secrétariat, et c'est tout. Les fonds dont nous disposons pour le développement de la programmation en région sont plutôt limités.
Je dois dire que l'approche de développement global que nous préconisons changera de beaucoup le fonctionnement en région. Dans le passé, nos agents de développement consacraient beaucoup de temps au domaine des activités culturelles. Ils faisaient beaucoup du travail eux-mêmes mais ils avaient moins de temps pour s'occuper des autres dossiers de développement importants. Donc, dans nos plans de développement communautaire, avec neuf secteurs de développement, nous cherchons à faire avancer ces différents secteurs.
Les agents de développement deviendront les coordonnateurs du développement communautaire. Il faudra qu'ils travaillent davantage avec des membres de la communauté pour faire avancer les dossiers.
Il y a plus de 62 000 francophones en Alberta et à peu près 10 p. 100 de cette population appartient à notre association. Cela veut dire qu'il y a un bon nombre de francophones qui ne sont pas directement engagés dans notre association. Nous avons dans notre histoire, comme dans l'histoire de n'importe quelle autre province, des problèmes de division de communautés. Certaines divisions ont été suscitées par l'établissement des écoles francophones. Ce fut la cause de déchirements dans certaines de nos communautés et ces déchirements ont affecté d'autres secteurs aussi.
Nous espérons qu'en ayant neuf secteurs de développement, nous pourrons dépasser la question qui a divisé nos gens dans le passé. Je pense que maintenant, les écoles francophones sont bien établies dans plusieurs communautés et les gens commencent à voir le bien-fondé de ces écoles. On ne parlera pas seulement d'éducation et de culture mais parlera d'économie, de sports et loisirs, de santé, de plusieurs secteurs qui touchent directement plusieurs personnes dans la communauté.
J'espère que nous saurons intéresser d'autres individus qui jadis ne se préoccupaient des questions communautaires.
Dans le secteur des arts et de la culture, il y a un besoin de financement supplémentaire. C'est sûr qu'il nous faudra un plus grand nombre de bénévoles. Il existe des organismes provinciaux qui offrent des services à la grandeur de l'Alberta.
Entre Edmonton et Fort McMurray, entre Edmonton et Lethbridge ou entre Edmonton et Grande Prairie, les distances sont grandes. Et quand les budgets sont restreints, il est presque impossible d'offrir un service équitable à la grandeur de la province. Plus on est proche du centre, moins ça coûte. Et souvent, les petites régions ne peuvent pas se permettre de faire venir une troupe de théâtre ou un groupe qui va donner des leçons dans le domaine du théâtre, par exemple.
Pour offrir un service équitable à la grandeur de la province, où chacun a la chance d'y participer à prix égal, il faut que l'organisme provincial responsable de ce dossier change sa façon de subventionner les régions. Et cela veut dire qu'il faut davantage de ressources.
Dans le passé, nous avions l'entente Canada-communautés, qui fournissait une bonne partie des fonds d'opération pour nos organismes. Au tout début, on comptait environ cinq organismes provinciaux. Maintenant, il y en a au-delà de 30. Quand on partage un budget qui n'augmente pas et qu'on passe de cinq à 30 organismes, cela veut dire que les morceaux de la tarte deviennent plus petits à chaque fois qu'un nouvel organisme est créé.
Un nouvel organisme est un signe de la vitalité dans la communauté mais on réalise aussi que le montant affecté aux autres organismes diminue proportionnellement. La question de l'appui nécessaire pour assurer un bon fonctionnement des organismes provinciaux devient donc très problématique.
Au niveau de la première intervention, la communication et la coordination, plusieurs secteurs ne sont pas développés ni abordés en région à cause des coûts, bien sûr, mais aussi à cause du manque de personnes-ressources. Ceci rejoint toute la question de coordonner à la grandeur de la province des activités culturelles, et de vraiment animer une vie culturelle intense.
La deuxième intervention concerne l'aide au financement et au développement. On a besoin de beaucoup de ressources pour faire un bon travail. Il ne s'agit pas seulement du financement de la part du gouvernement fédéral, mais aussi d'identifier des différentes sources de financement.
De plus en plus, à l'ACFA, dans nos régions et nos organismes, nous reconnaissons les limitations de l'entente Canada-communautés et aussi, nous cherchons à connaître ce que les secteurs du gouvernement fédéral, et même les secteurs du gouvernement provincial, peuvent nous accorder en tant qu'appui, soit en personnel ou en ressources financières.
Nous cherchons des fondations qui pourraient nous appuyer. Vous allez voir que par rapport aux interventions, partout dans notre mémoire, il y a des demandes de financement supplémentaire.
La troisième intervention est la représentativité et le réseautage. Là aussi, on voit qu'il y a beaucoup de points qui se rapportent au financement. La question de lobbying auprès des gouvernements ainsi que la question de travailler ensemble pour réduire les coûts sont des stratégies qui sont abordées.
Le deuxième secteur, le secteur des communications et des médias — un des plus grands besoins exprimés par la communauté —, il est question de la visibilité des communautés dans les médias. Les gens ne se voient pas suffisamment à la télévision, dans les médias, soit à la radio ou dans les médias écrits. Même ceux qui s'occupent de notre journal, Franco, sont à repenser comment utiliser ce journal pour mieux servir notre communauté.
Un projet qui attire beaucoup d'attention en Alberta est celui de mettre sur pied des radios communautaires. Elles existent dans certaines régions avec beaucoup de peine et misère à cause des coûts. Les communautés qui ont joui d'une radio communautaire ont beaucoup aimé l'expérience et, dans différentes communautés en Alberta, on aimerait établir des radios communautaires. Il pourrait y avoir un système de partage de ressources. De toute façon, c'est une orientation qui permet à la communauté de s'exprimer, de se voir et de s'écouter.
Passons au secteur de l'économie. En Alberta, nous avons un organisme provincial qui se charge du secteur économique. La Chambre économique de l'Alberta est présente à la grandeur de la province et elle fait ses preuves. On a identifié des interventions concernant la diversification de l'économie rurale et du tourisme. Un des problèmes en région en Alberta, c'est qu'il y a un exode de la campagne vers les villes. On a beaucoup de jeunes qui quittent la campagne pour aller travailler en ville. Ça devient problématique. Au moyen de la diversification de l'économie, nous cherchons à retenir davantage les jeunes chez nous. Nous travaillons au développement de l'entrepreneuriat.
Nous cherchons à valoriser la langue française dans les commerces dont les propriétaires sont francophones.
Nous cherchons aussi à intégrer les jeunes et les sensibiliser davantage à l'économie du savoir, pour assurer qu'il y aura une relève dans le futur.
Je donne maintenant la parole à Mme Rijavec, qui vous parlera de la petite enfance.
Mme Patricia Rijavec, Institut Guy Lacombe de la famile: Je vais d'abord vous donner un peu l'historique de notre organisme et vous dire comment il s'insère dans un partenariat avec d'autres organismes.
Comme vous voyez, nos organismes et notre communauté sont en plein essor. Nous sommes parmi les tout nouveaux venus dans la communauté. Notre organisme, l'Institut Guy Lacombe de la Famille, a été fondé en 1998. Nous sommes le bébé dans la Fédération des parents francophones de l'Alberta. Les familles francophones ont trouvé qu'en dépit de tous les services qui leur étaient offerts à travers les conseils scolaires, il y avait des besoins criants au niveau de la petite enfance. Et comme vous savez, la petite enfance ne s'arrête pas à quatre ans et demi. L'enfance continue jusqu'à ce que les enfants quittent la maison, et aujourd'hui, on a du mal à les faire sortir. Donc, l'appui de la famille est donc devenu la nouvelle porte de la francophonie.
L'Institut Guy Lacombe de la Famille est un organisme apolitique, qui est ouvert à toutes les cultures, à toutes les religions, à tous les niveaux de langue de notre communauté et pour tout âge. On parle de zéro à 99 ans parce qu'on voit que pour appuyer la famille, il faut qu'on soit ouvert à toutes les familles francophones, et la définition de francophonie est en évolution constante.
Tous ceux qui veulent appuyer notre mission, qui est finalement de développer et d'offrir des programmes de service et des ressources pour la famille, sont appelés à devenir membres.
Après cinq ans d'existence, nous sommes devenus un organisme qui est à la table, avec tous les grands, et c'est vraiment parce que nous nous sommes préoccupés de répondre à des besoins de base. Nous faisons des concertations. Nous avons un contact régulier très personnel avec des familles à travers la province, par le biais de nos 14 centres de ressource. Et c'est à partir de ces besoins que nous allons chercher des programmes, que nous développons des services et que nous commandons les ressources qui répondent à des besoins ponctuels. C'est un peu la raison de notre succès aujourd'hui.
Nos 14 centres, il faut le dire, sont des centres qui, à l'époque, ont été fondés comme des centres ressources préscolaires, mais très rapidement, nous nous sommes adaptés aux besoins. Maintenant, nous sommes ouverts à toute la famille.
Ces 14 centres ont été lancés par la communauté. Ce sont des centres gérés indépendamment par des organismes locaux. Et nous trouvons que c'est très important qu'ils maintiennent ce contrôle local parce que, comme M. Desrochers l'a dit, les gens s'associent à leur monde, à leur organisme. Et pour pouvoir répondre de façon ponctuelle, je crois qu'il faut avoir une relation très rapprochée avec nos communautés et nos familles.
Ces centres ont été lancés par des bénévoles: c'est une de nos forces mais c'est aussi une de nos plus grandes faiblesses. Lorsque nous avons commencé à œuvrer tout bonnement avec nos enfants, nous ne comprenions pas le geste politique que nous posions en nous engageant à élever nos enfants dans une langue et une culture, et avec une identité francophone dans le contexte albertain. Nous le comprenons maintenant.
Comme je l'ai dit, les bénévoles sont notre force mais ils sont aussi notre plus grand défi parce que, comme vous pouvez constater, si ce sont des centres ressources qui dépendent largement de bénévoles, nous ne pouvons pas nécessairement assurer à nos familles un développement réfléchi, continu et stable.
Les réussites de nos projets et de nos organismes dépendent largement de nos bénévoles. Mais nous arrivons maintenant à un point où ce n'est plus raisonnable de demander à ces gens de passer autant de temps en dehors de leur propre famille. L'ironie, c'est que nous sommes un institut d'appui à la famille, et si nous brûlons nos gens, c'est un peu un contresens.
Parmi les projets de l'Institut Guy Lacombe de la famille, j'aimerais parler du projet La famille de l'an 2000, qui avait pour but d'initier les familles aux nouvelles technologies pour ainsi leur donner un meilleur accès à des programmes et des services, ainsi qu'à des professionnels de la santé, par le biais de l'Internet. Nous leur offrons des conférences interactives qui sont maintenant logées en archive sur notre site Internet. C'est un service très apprécié.
Notre approche en est une de collaboration. Nous travaillons main dans la main avec beaucoup d'organismes parce que, quand on parle de famille, on parle d'une clientèle très large. Nous avons déjà eu des collaborations avec des régies de santé pour offrir des programmes et des services tels que des cliniques pour les jeunes enfants. Aussi, nous avons mis sur pied un projet pour les femmes enceintes, le projet PANE. C'est un de nos plus grands projets. Il remplit bien le mandat que nous nous étions donnés comme organisme, c'est-à-dire d'accroître la visibilité et l'accessibilité des projets, des programmes et des ressources aux familles, de poursuivre avec des actions politiques et de continuer à développer des programmes et des projets pour appuyer les familles.
La présidente: Merci beaucoup. Je demanderais maintenant à Mme Verhoog de prendre la parole.
Mme Andrée Verhoog, présidente, Fédération des parents fancophones de l'Alberta: La Fédération des parents francophones de l'Alberta fut fondée en 1986. C'est un organisme à but non lucratif qui a pour mission de favoriser la participation dynamique des parents à l'éducation de leurs enfants au foyer, dans les institutions éducatives et dans la communauté francophone de l'Alberta.
Les membres de la FPFA sont les conseils d'école, les comités de parents des secteurs scolaires et préscolaires et les comités régionaux oeuvrant en éducation française langue première. Au plan national, la FPFA fait partie de la Commission nationale des parents francophones.
Les buts de la FPFA sont, entre autres, de promouvoir le rôle premier du parent dans l'éducation de l'enfant en français, langue première; d'assurer le développement d'un système d'éducation en français, langue première de qualité et d'une équité pour tous les enfants francophones vivant en Alberta; de favoriser des rencontres et des échanges entre les parents francophones de la province dans le but de partager leur vécu et leur expérience; d'offrir des services de programmes, de soutien, de développement, d'information et de formation aux parents et aux membres; de créer des alliances avec les principaux intervenants oeuvrant en éducation française, langue première, comme on l'a fait avec le PANE; de représenter et défendre les intérêts de nos membres en matière d'éducation.
En 2003, en Alberta, nous comptons 25 écoles francophones, 20 prématernelles, deux garderies et sept groupes de jeu. Au cours des années, la FPFA a créé plusieurs ressources et programmes. Elle a créé le guide I'm With You, un guide rédigé en anglais pour accompagner les familles exogames en ce qui a trait à l'éducation francophone. Ce guide parle au partenaire anglophone et l'aide à mieux comprendre ce qu'est l'éducation française, et pourquoi il devrait inscrire ses enfants dans une école française même s'il ne parle pas français. C'est un très bon guide.
La FPFA a aussi créé le cahier, L'élève francophone au coeur de la communauté, un cahier de stratégies et d'outils pour réaliser des projets d'intégration communautaire avec des élèves.
Aussi, le guide, Tu peux compter sur moi, est un guide à l'intention de l'enfant en éducation française, langue première. On a aussi créé un programme de formation pour les comités de parents et les conseils d'école, un programme de formation qui s'adresse aux membres des comités de parents dans l'exercice de leurs rôles et leurs responsabilités.
Le Chaînon est une revue provinciale d'information en éducation française langue première, destinée aux parents.
Au niveau préscolaire, nous avons mis sur pied le projet «Francophones aux couches», un outil par excellence de promotion, de sensibilisation et d'accompagnement en éducation.
Les guides du préscolaire sont quatre guides pratiques pour faciliter le travail des comités de parents dans la mise sur pied de la gestion des services préscolaires.
En Alberta, tous les services préscolaires doivent avoir un permis du ministère de la Santé, Social Services, et on doit en faire la demande.
Les guides qui ont été développés sont très élaborés et faciles à suivre pour les parents qui ne savent pas par où commencer, surtout pour former des prématernelles.
Le lien du préscolaire§ est un feuillet d'information pour assurer la communication avec le secteur du préscolaire.
On a aussi mis sur pied La boîte à outils du préscolaire et son forum d'échanges, un site Internet qui contient une foule de renseignements permettant aux éducatrices et aux parents de s'informer sur différents sujets et d'échanger entre eux.
Les Caramboles§ sont des feuillets d'activités destinés aux parents et aux enfants du préscolaire.
En Alberta, au préscolaire, nos éducatrices n'ont pas besoin de formation et la majorité n'en ont pas. Souvent, ce sont des mamans qui ont à coeur une prématernelle qui s'y dévouent. Un jour, nous aimerions voir une situation homogène où toutes les éducatrices de la prématernelle auraient une formation.
De plus, nous avons deux rencontres annuelles: le forum d'échange est une rencontre annuelle des élus de toutes nos associations membres; et le colloque annuel est le rassemblement provincial pour tous les parents et les intervenants de la communauté éducative. On y retrouve une conférence et des ateliers, l'assemblée générale annuelle de la FPFA, un service de garde et des ateliers pour les jeunes.
La FPFA prépare présentement une série de fiches d'information sous le titre de «Jeunes familles et éducation francophone». Ces fiches présentent un grand nombre de questions qui sont posées par les parents au sujet de l'éducation française ainsi que les réponses qui démontrant le bénéfice et le bien-fondé de choisir l'éducation française, langue première.
On aimerait aussi poursuivre un deuxième volet à la formation en exogamie. La FPFA veut s'assurer d'une continuité de cette formation.
La petite enfance et l'exogamie sont deux dossiers importants pour la FPFA. En Alberta ici, je crois qu'environ 70 p.100 des familles qui inscrivent leurs enfants dans nos écoles sont exogames. Nous recherchons la réussite identitaire pour que nos enfants ne soient pas seulement bilingues mais qu'ils soient francophones. Deux autres dossiers importants sont l'intégration de l'élève à la communauté et l'appui à nos associations membres.
La présidente: Je vous remercie beaucoup. Vous avez dit qu'il n'y a pas de formation pour les éducatrices dans les prématernelles. Aussi, il doit y avoir des critères. On ne peux pas ouvrir une petite garderie ou une prématernelle dans votre région avec cinq ou six enfants.
Mme Verhoog: Les critères sont élaborés dans la Alberta Daycare Nurseries Act, mais pour les prématernelles, parce que les enfants sont là seulement trois heures par jour, l'éducatrice n'a pas besoin d'avoir de formation.
Donc moi, comme maman, je peux être éducatrice, je n'ai pas besoin de formation. Mais il y a des critères à suivre. Par exemple, il faut que les locaux soit assez grands. Les éducatrices de la prématernelle sont évaluées, mais elles n'ont pas besoin de formation. Le seul certificat dont les éducatrices ont besoin est un certificat de premiers soins.
La présidente: Les enfants de la prématernelle, ils ont quatre ans?
Mme Verhoog: La majorité ont entre trois à cinq ans. Et il faut que les enfants soient propres. S'il n'est pas propre, l'enfant de trois ans ne peut pas venir à l'école.
La présidente: Je vous remercie, tous les quatre, pour ces présentations très complètes. Il y a certainement beaucoup de questions.
Le sénateur Comeau: Dans la présentation de la Fédération des conseils scolaires, vous indiquez que vous ne savez pas tout ce qui se passe au sujet du Programme des langues officielles en éducation. Il semble y avoir un manque d'information au sujet des négociations qui ont lieu entre le fédéral et le provincial, et vous dites que vous recevez 100 000 dollars, qui font partie d'un programme de 20 millions de dollars.
Je trouve ça curieux que l'Alberta ne reçoit que 100 000 dollars d'un montant aussi élevé. Est-ce que c'est le montant exact?
M. Gérard Bissonnette, Fédération des conseils scolaires de l'Alberta: Oui. On peut vous communiquer l'expérience qu'on vit par rapport à cela. Comme vous le savez sans doute, le Programme des langues officielles en enseignement regroupe trois enveloppes de financement. La première est basée sur le nombre d'élèves. La province verse un certain montant pour chaque élève. Une deuxième enveloppe est garantie à la province pour mettre sur pied des projets d'élaboration ou d'expansion.
La troisième enveloppe est l'enveloppe supplémentaire qui contient environ 20 millions de dollars annuellement, à partir de laquelle chaque province propose des projets pour l'expansion de ses programmes et de ses services.
Cette année, la province a fait une proposition — on ne connaît pas tous les détails — qui comprend des activités qu'on leur avait proposées dans l'éducation à distance, le recrutement et la maternelle à temps plein. Et la réponse qu'on a reçue par rapport à l'ensemble de cette demande, qui s'élevait à environ un million ou un million et demi de dollars, c'est qu'on pouvait s'attendre à recevoir 100 000 dollars pour l'année en cours.
Nous ne savons pas qui prend ces décisions et comment elles sont prises.
Le sénateur Comeau: Je ne vois pas pourquoi vous n'êtes pas à la table de discussion, pas nécessairement comme négociateurs, quand les discussions ont lieu entre le fédéral et le provincial, puisque les négociations sont pour votre bénéfice.
M. Bissonnette: Je pense qu'on peut deviner un peu la réponse. Ça dépend peut-être autant du niveau provincial que du niveau fédéral. Le gouvernement provincial préfère sans doute nous consulter par rapport à nos besoins mais, quand les gens du gouvernement provincial vont présenter une proposition au fédéral, ils ne veulent pas nécessairement partager avec quiconque avant que les négociations soient complétées.
Le sénateur Comeau: Mais il y a toujours une dynamique quand arrive le temps de la négociation, une dynamique tout à fait spéciale...
M. Bissonnette: Oui.
Le sénateur Comeau: ...lorsque les deux groupes de négociateurs s'assoient à la table. Et il serait important que la réalité des communautés francophones de l'Alberta soit représentée.
J'ai une deuxième question. Très souvent, on donne l'impression, à Ottawa, qu'en l'Alberta, il n'y a pas de francophones, seulement des anglophones. Et s'il y a des minorités, ce sont des Chinois et d'autres groupes. C'est très rare, au niveau fédéral, d'entendre vos représentants parler de la réalité franco-albertaine.
Le sénateur Comeau: N'y a-t-il pas une manière de rejoindre vos députés et vos sénateurs pour leur expliquer votre réalité afin que, de temps à autre, quand nous, les francophones des autres provinces, sommes en train de discuter des programmes et des besoins, tels que vous les énoncez aujourd'hui, vos députés et vos sénateurs soient plus actifs et plus agressifs pour voir à vos réalités et répondre à vos besoins. Ce n'est pas que nous ne voulons pas le faire. Nous voulons certainement le faire.
Je pense qu'ils ont un rôle à jouer dans toute cette affaire-là parce que si vous êtes là avec l'engagement et l'enthousiasme que vous nous démontrez aujourd'hui — et hier, nous avons reçu des gens de la Saskatchewan et du Manitoba —, je pense qu'il y a là une puissance qui devrait pouvoir se traduire en une plus grande attention à Ottawa.
M. Chauvet: C'est un point très valable. J'aimerais faire deux commentaires.
D'une part, au courant de l'année, j'ai rencontré M. Dion à trois ou quatre reprises pour le sensibiliser à nos communautés. Et je crois que M. Dion, M. Bélanger et d'autres sont très conscients de notre situation.
C'est sûr qu'on ne connaît pas tous les paliers de gouvernement parce que c'est énorme. On a donc visé des gens qu'on considère comme étant des personnes- clé.
Deuxièmement, on a, à maintes reprises depuis deux ans, demandé d'avoir un sénateur francophone en Alberta. Il serait bon d'avoir quelqu'un qui connaît toutes les personnes politiques au niveau fédéral pour défendre nos droits. On a soumis trois noms comme possibilité de sénateur francophone et on attend toujours une réponse.
Je vous assure qu'avoir un sénateur francophone en l'Alberta avancerait énormément le dossier. Je dirais même que ne pas en avoir un deviendra un sérieux handicap parce qu'avec le plan Dion, une sensibilisation va se faire dans différents paliers de gouvernement et cela va fournir un grand appui.
Je veux vous transmettre le message que si cela se faisait en fonction des langues officielles, ce serait extrêmement apprécié.
D'autre part, il est certain que nous ne pouvons pas parler à tous les gens du gouvernement. On parle à des personnes-clé et on espère que le message va se répandre.
La présidente: Vous avez mentionné le plan Dion, mais il y a d'autres organismes. Il y a le Patrimoine canadien. Il y a un bureau régional des langues officielles ici, à Edmonton. Est-ce que ces gens-là vous aident à faire de la promotion? Peuvent-ils vous aider?
M. Chauvet: Mme Copps, on la connaît très bien, ainsi que M. Coderre et d'autres aussi, dépendant du dossier.
La promotion, c'est un travail énorme. On doit prendre soin des nôtres et c'est pour cela qu'on a des organismes provinciaux. Souvent, la communauté anglophone n'est pas sensibilisée à la francophonie.
En général, les personnes à la tête des départements sont sensibilisés à la francophonie. C'est sûr qu'il existe présentement un défi au niveau de la mise sur pied des langues officielles dans différents départements, par exemple, au département de l'immigration. Je ne sais pas combien d'argent a été alloué mais l'Alberta s'est retrouvée avec 50 000 ou 60 000 dollars. On veut mettre sur pied deux centres d'accueils, un à Calgary et l'autre à Edmonton. Avec ce montant, on n'ira pas loin.
Nous avons une très bonne relation avec Mme Sheila Copps. Je la connais assez bien, personnellement. Donc, ces contacts existent, mais il y en a toujours d'autres à faire.
Notre approche consiste à élargir toujours plus nos horizons. Il faudra aussi élargir nos horizons avec les changements de gouvernement. Une nouvelle négociation devra se faire sous peu.
Je veux tout de même réaffirmer le point qu'avoir un sénateur francophone pour la province nous permettrait d'avancer beaucoup plus rapidement.
La présidente: Monsieur Desrochers, au numéro trois de votre conclusion, vous dites que vous voulez que les règles du jeu soient les mêmes. Qui influence les règles du jeu maintenant? Est-ce une influence politique?
M. Desrochers: Je pense que c'est surtout une influence politique. C'est ce que nous pourrions savoir si nous étions assis à la table de négociations. Nous ne savons pas quelles sont les règles du jeu.
J'ai travaillé au Conseil scolaire du Centre-Nord pendant cinq ans et c'est seulement la cinquième année, après avoir été très impliqué, que j'ai appris le contenu de l'entente bilatérale. C'est quelque chose qui, d'après moi, simple conseiller scolaire, semble être réservé au palier administratif entre les instances provinciales et fédérales. Et il semblerait que ce qui se passe ici, à la surface, ne fait pas vraiment partie des négociations ou de la réalité. On nous dit: voici le montant et voici comment on va procéder.
Si on a vraiment comme but la promotion des langues officielles, il faut voir comment ce but peut être atteint au moyen de projets spéciaux.
Je vous donne un exemple. La Commission sur l'éducation, Alberta's Commission on Learning, vient de publier un gros document au sujet de l'éducation langue seconde. Dans ce document, la province de l'Alberta dit qu'elle sera la dernière province à dire que c'est nécessaire d'avoir une deuxième langue pour compléter son secondaire.
Mais le discours politique en Alberta indique que la deuxième langue peut être le mandarin ou n'importe quelle autre langue, on laisse le choix aux parents.
Je crois que l'argent de PLOE pourrait être utilisé pour donner une primauté au français, pour que le français devienne la principale langue seconde dans les écoles anglophones.
Tout ceci pour vous dire qu'en n'étant pas à la table et sans transparence, on ne peut pas voir comment les objets politiques se transposent en actions concrètes.
La présidente: Mais la Loi des langues officielles ne donne pas le choix, si on peut dire, aux politiciens. Ce n'est pas une question de nombres. C'est une question de loi. C'est une question d'égalité et ce n'est pas parce que 99 p. 100 de la population en Alberta est anglophone que les francophones ne doivent pas avoir accès au financement.
C'est ce que nous sommes venus chercher ici, dans nos audiences dans l'Ouest. Nous voulons savoir jusqu'à quel point les ressources financières ou humaines qui proviennent du gouvernement fédéral reflètent l'égalité en ce qui a trait à la majorité et aux minorités.
Mme Rijavec: Un cas exemplaire, c'est le projet PANE. C'est un projet qui a été lancé par nous, les organismes représentés à la table, dans le cadre du Plan d'action national des enfants. Nous avons entendu parler d'une entente ministérielle qui donnait priorité à la petite enfance et que des argents au niveau du budget seraient alloués à la petite enfance. Nous voulions absolument participer à cette initiative. Nous avons fait des tables de concertations, nous avons fait l'historique, et nous avons présenté un document, un plan d'action et des budgets.
La carte que vous avez devant vous fait état pas seulement des écoles mais des prématernelles, des garderies et des groupes de jeu des centres ressources à travers la province. C'est assez impressionnant, tout ce qu'on a mis sur pied. Mais vous savez comme moi combien nos programmes sont fragiles, parce qu'ils existent seulement grâce à la bonne volonté des conseils scolaires qui veulent bien reconnaître la petite enfance comme étant priorité. Et notre organisme dépend largement des bénévoles pour offrir ces programmes et ces services à la petite enfance et à la famille.
On a eu une très belle rencontre avec l'honorable Denis Ducharme, un député francophone, qui est président du Secrétariat francophone de l'Alberta. Il a organisé pour nous une rencontre avec la ministre de Child and Family Services, l'honorable Iris Evans. Elle aussi a été très accueillante. Elle comprend très bien notre situation. Elle a identifié pour nous certains programmes auxquels nous pouvons participer. Maintenant, c'est à nous, les petits organismes, de frapper à chaque porte pour plaider notre cause. Et les gens disent que nous sommes tellement petits par rapport à la majorité et nos services sont tellement larges. Vous comprenez qu'on est redevable à la majorité. Alors, elle m'a très gentiment souri et elle m'a invitée à faire demande avec nos petits...
Justement, j'ai eu un appel hier d'une de nos bénévoles. Elle est mère de deux jeunes enfants et elle travaille à temps plein. En tant que bénévole, elle se dévoue entièrement pour assurer la survie de la seule garderie francophone de la région d'Edmonton. Nous avons deux garderies francophones en Alberta. Vous comprenez que nous n'avons pas encore rejoint tous les besoins. Et elle m'a dit: s'il vous plaît, parlez de moi à la table. Cela explique un peu où nous en sommes.
On veut bien essayer de s'insérer dans les programmes de la majorité, mais on sait très bien que ça ne marche pas. On l'a essayé pendant sept ou huit ans au niveau de la santé dans les écoles, pour le programme SHIP, Student Health Initiative et ça ne marche pas.
On nous a dit: «Allez du côté du fédéral, parce qu'avec le plan d'action Dion pour les langues officielles, vous avez bien raison, vous allez avoir des fonds. Et le fédéral est bien prêt à vous donner de l'argent. Alors, allez cogner aux portes.»
Nous devons d'abord assurer notre survie de façon quotidienne et ensuite aller frapper aux portes des huit autorités de Child Services pour savoir s'ils nous allouent des fonds; troisièmement, nous devons aller plaider notre cause au gouvernement fédéral.
Oui, on veut bien, mais je pense qu'on est pris dans une dynamique provinciale-fédérale. Je ne suis la première à le dire et je ne serai pas la dernière.
Mais nous connaissons nos besoins. Nous avons une infrastructure en place. Nous savons ce qui répond aux besoins de nos communautés. Nous disons donc: « 'il vous plaît, faites-nous confiance. Donnez-nous directement l'argent et nous pourrons travailler de façon censée, réfléchie et continue pour le bienfait de nos communautés.»
La présidente: On a dit tout à l'heure que les annonces précèdent de beaucoup l'allocation de fonds. On fait des annonces. Ça paraît bien du côté politique, mais après, il faut attendre longtemps avant de toucher à l'argent.
Mme Rijavec: C'est ça. On trinque volontiers l'annonce, mais après on passe à la bouteille parce qu'on est découragé.
Le sénateur Chaput: Madame Rijavec, vous avez très bien expliqué la situation. Dans mon autre vie avant d'être nommée au Sénat, lorsque je travaillais dans le domaine du développement communautaire au Manitoba, c'était la même réalité. Je dois vous avouer que ça ne change pas vite.
Vous avez abordé brièvement le Plan national des enfants. À votre connaissance, vous n'avez jamais obtenu d'appui financier. Vous avez eu des paroles, des discussions, mais ça ne s'est pas traduit en action concrète dans le cas des francophones en Alberta.
Mme Rijavec: Des gestes concrets se sont produits suite à la rencontre au mois de mai avec l'honorable Iris Evans, ministre de Child and Family Services. Elle a fait deux choses. Elle a écrit à ses supérieurs, et aussi au niveau municipal, the Family and Child Community Services Organisations, et elle leur a dit: «il y a des francophones dans vos communautés et lorsqu'ils font des demandes, j'aimerais bien que vous répondiez à ces demandes. Vous devez démontrer que vous avez fait quelque chose.»
Le sénateur Chaput: Donc, elle vous a envoyée aux ministères de l'Alberta. Et if faut recommencer les négociations avec les ministères et essayer de s'insérer à l'intérieur des critères de la majorité?
Mme Rijavec: Oui. Et pour vous dire franchement, on était un peu essoufflé.
Le sénateur Chaput: Oui, je comprends.
Mme Rijavec: Nous sommes en train d'explorer la possibilité d'un projet de formation pour les éducateurs et éducatrices au niveau préscolaire, ainsi que pour les éducateurs de gardes. C'est un projet en partenariat, parce que moi, j'ai un autre chapeau dans une autre vie. Je dirige en ce moment le Réseau d'adaptation provincial. Nous offrons des services au niveau des besoins spéciaux dans nos écoles et dans nos prématernelles à travers la province.
Vu la grande lacune de formation adéquate pour les gens qui travaillent en petite enfance, on va offrir, avec la FPFA, une session intensive. C'est une première en Alberta.
Il y a donc une possibilité d'avoir accès à ces fonds. L'autre chose que la ministre nous a promis de faire, et c'est encore un suivi à faire au mois de juin, c'est de mettre à l'ordre du jour de la prochaine rencontre interministérielle provinciale, les besoins des francophones.
Le sénateur Chaput: Mais honnêtement vous n'avez pas reçu...
Mme Rijavec: Pas un sous.
Le sénateur Chaput: Mon autre question se rapporte au développement culturel et identitaire chez les élèves. Vous en avez parlé dans votre mémoire, monsieur Desrochers.
Est-ce que vous avez remarqué chez les élèves francophones en Alberta une différence de comportement lorsqu'ils passent de l'école élémentaire à l'école secondaire?
Je pose la question parce qu'une analyse faite dans nos écoles françaises au Manitoba a démontré que lorsque nos élèves francophones terminent l'élémentaire et passent au secondaire, il se produit un changement draconien dans leur comportement, au niveau de la langue parlée. Du jour au lendemain, ils semblent mettre le français de côté, ils parlent anglais et puis on a de la difficulté à les ramener vers le français.
Avez-vous remarqué quelque chose de semblable chez vous?
M. Desrochers: J'ai l'expérience de ma famille. J'ai quatre enfants. L'aîné est à l'école Maurice-Lavallée, l'école secondaire premier cycle, deuxième cycle.
À cause des programmes offerts à cette école, financés essentiellement pour développer un poste d'agent culturel, c'est formidable de voir ce qui se fait. Il y a quelque chose qui se passe. Les jeunes s'échangent des chansons, des disques en français.
Est-ce que les élèves parlent moins en français dans les corridors des écoles secondaires qu'à l'école maternelle ou à l'école primaire? Je pense que oui, à un certain niveau. Mais on entend beaucoup plus de français que dans mon temps, quand c'était des écoles bilingues. Beaucoup plus. Ils se parlent en français.
En Alberta, le phénomène varie d'école en école. Ici, à Edmonton, un grand centre, on sait que les enfants de la petite école iront à l'école secondaire. Ceci est perçu comme étant quelque chose de nouveau et ils manifestent de l'enthousiasme.
Le sénateur Chaput: Merci.
La présidente: Madame Verhoog, voulez vous ajouter à cette réponse?
Mme Verhoog: Un peu, oui. Dans certaines régions comme la nôtre, à Red Deer, il n'y a même pas d'école secondaire francophone. Le Conseil scolaire Centre-Nord a embauché un enseignant d'une des écoles d'immersion et c'est lui qui enseigne le programme de français à nos élèves. Mais ils n'ont même pas une école parce que les nombres sont trop petits et parfois, les parents ne sont pas intéressés à mettre leurs enfants dans des petites écoles. Et souvent, les distances sont grandes.
Chez nous, nous sommes une famille exogame. Les enfants vont à l'école mais nous demeurons à 40 minutes de l'école. Alors, quand on retourne à la maison dans une communauté anglaise, papa est anglais, l'église est anglaise. C'est difficile de promouvoir le français parce qu'on n'est pas dans la région de Red Deer. C'est pas comme à Falher, une communauté française, ou à Legal, une autre communauté française, où les grands-parents sont français, où tout le monde était français. Ici, les gens sont venus de partout. C'est donc différent dans chaque école. Chaque endroit à ses propres difficultés et ses propres défis.
Et j'ai remarqué qu'aussitôt que les enfants commencent à prendre des cours d'anglais — dans notre école, ils commencent en troisième année —, tout à coup ils se mettent à parler en anglais à l'école parce qu'ils font de l'anglais. Ils ont plus tendance à oublier de toujours parler en français. En première et deuxième année, ils ne le font pas parce que tout est en français. L'enseignante ne parle jamais en anglais.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Vos exposés étaient excellents et très bien organisés.
Les fonds que vous demandez pour faire ce que vous voulez faire ne représentent pas une grande somme à l'échelle canadienne des choses. Quand on fait le total de toutes les ressources fédérales-provinciales qu'on dépense, la somme que vous demandez n'est pas énorme.
Qu'est-ce qui n'a pas marché? Qui vous défend? Est-ce que vous passez par les instances politiques fédérales et leur demander de faire entendre votre voix en haut lieu? Traitez-vous directement avec le ministre Dion? Comment travaillez-vous avec les systèmes politiques ici en Alberta et à Ottawa pour obtenir ce que vous voulez?
[Français]
M. Chauvet: Je sais qu'il y a différents niveaux, mais un grand défi — le sénateur Comeau l'a présenté tout à l'heure — c'est d'être présent comme communauté lorsque les ententes se font entre le fédéral et les provinces. À la table, ils ne sont pas toujours au courant. Ils peuvent avoir l'information d'une façon plus directe.
Comme Mme Rijavec l'a dit, nous devons aller frapper aux portes, mais un parent, une personne dans la communauté, ne peut pas nécessairement connaître tous les enjeux et savoir comment les choses ont été faites. Donc, ça nous met à un désavantage quand vient le temps de négocier pour des fonds qui proviennent des ententes Canada- communautés. C'est une des grosses lacunes du processus actuel. On voit des belles choses sur papier mais dans le concret, c'est un défi énorme.
L'autre défi, c'est de sensibiliser les fonctionnaires du gouvernement fédéral et provincial. Je crois qu'il y a une faiblesse de ce côté-là présentement. Il y a encore de l'ouvrage à faire pour sensibiliser les politiciens au fédéral et au provincial.
Au Secrétariat francophone, ici, je crois qu'il y a un gros effort qui se fait. Mais encore, il faut sensibiliser les politiciens de l'Alberta qui, en général, sont assez ouverts. Mais les politiciens de l'Alberta ne sont peut-être pas conscients de toutes les ententes Canada-communautés et ils ne savent pas toujours comment leur département peut nous assister. Je ne suis pas convaincu qu'ils le savent. Il semble qu'il y a chez eux un manque d'information pour faire avancer les choses.
Pour moi, la grosse question, c'est de participer directement aux ententes Canada-communautés. À ce moment-là, cela nous permettrait de négocier directement.
Mme Rijavec: Je pense qu'un de nos défis, surtout au niveau de la petite enfance, c'est de démontrer que nos communautés, nos familles et nos enfants sont vraiment à risque. Ils sont à risque de perdre à jamais une langue, une culture, une identité.
On a vu les effets d'une éducation anglophone ou bilingue. Il y a eu une perte incroyable de francophones sur trois générations. Même dans ma classe de finissants, seulement 10 p. 100 d'entre nous parlons encore français à nos enfants.
Notre défi, c'est de faire valoir notre cause, tout comme les Autochtones et les Métis. On reconnaît que ce sont des communautés avec des besoins particuliers. On reconnaît qu'ils ont besoin de structures particulières qui répondent directement à leurs communautés. Donc, le travail à long terme, c'est de nous créer des structures et des infrastructures qui répondent directement à nos besoins.
[Traduction]
Quand on sort des sentiers battus...
[Français]
...c'est difficile à rentrer dans les cadres présents de financement. Alors, je pense que c'est le défi du jour pour nous aujourd'hui.
Mme Verhoog: Souvent, les parents placent leurs enfants dans les systèmes d'immersion parce que ces systèmes ont plus de programmes à offrir. Nos petites écoles n'ont pas toujours les cours de commerce ou les cours d'ordinateur parce qu'elles n'ont pas le personnel voulu. On n'a pas assez d'argent.
À l'école d'immersion d'à côté, on enseigne le français. Les étudiants ont des cours en français et en plus, ils peuvent prendre les cours qui ne sont pas offerts dans les petites écoles. Il y a donc 750 élèves dans l'école d'immersion comparativement à 80 élèves dans une école qui va de la maternelle à 9e année.
On reçoit de l'argent pour chaque élève mais on a les mêmes besoins, que l'école soit petite ou grande.
La présidente: Les services connexes ne sont pas toujours là, c'est certain.
Mme Verhoog: Non.
M. Chauvet: J'aimerais résumer les choses un peu. On vient de signaler que les communautés devraient être présentes lors de la négociation d'ententes. Deuxièmement, on a parlé d'un sénateur francophone pour l'Alberta. En troisième lieu, on pourrait parler du dynamisme de la communauté. Il y a plusieurs bonnes choses qui se font mais il y a toujours des défis. Pour ce qui est des fonds, il y a un besoin de financement supplémentaire à différents niveaux et dans plusieurs secteurs.
Une autre question qui n'a peut-être pas été abordée — et c'est quelque chose qu'un comité tel que le vôtre peut faire avancer —, c'est la question de sensibiliser la population canadienne en ce qui a trait à la richesse de la dualité linguistique.
Dans le domaine du commerce, on se sert de la publicité pour augmenter les ventes. La série télévisée sur l'histoire du Canada a été très bien reçue. Il faut trouver un moyen de se servir des médias afin que la communauté canadienne se rende compte de la richesse de notre pays et de notre dualité linguistique. Du côté anglophone et au Québec, c'est quelque chose qui pourrait aller très loin. Et il me semble qu'il y aurait moyen d'y arriver avec le CRTC et des groupes subventionnés par le gouvernement fédéral.
C'est seulement au temps des élections qu'on se rappelle l'utilité de la publicité. Mais quand il s'agit de faire ressortir la richesse de notre pays comme pays de dualité linguistique, il est souvent difficile de trouver des fonds provenant d'organismes provinciaux.
Ce qui est clair, c'est qu'il y a un grand besoin de financement. Le statu quo va maintenant nous faire du tort. Il faut plus d'argent. Ce sont donc les quatre points que je voulais aborder.
Le sénateur Chaput: Je n'ai pas à vous demander des recommandations. Vous venez de les exprimer. Je vous en remercie.
Ma question touche le Commissariat aux langues officielles. Est-ce que vous vous sentez inclus dans les travaux de la Commissaire aux langues officielles? Quand vous lisez le rapport et les recommandations, est-ce que vous ressentez que cela rejoint les besoins que vous avez exprimés?
J'essaie de voir s'il y a un lien, parce que c'est au niveau fédéral qu'on appuie la promotion de la dualité linguistique et qu'on reçoit les plaintes. Voyez-vous que vous êtes inclus dans ce qu'ils font.
M. Lamoureux: Oui. Ayant lu le rapport de la Commissaire aux langues officielles, je trouve qu'elle a bien exprimé la réalité de la minorité, une minorité qui change beaucoup. Pour moi, il n'y avait pas de surprise dans le rapport.
Je n'ai pas personnellement été impliqué dans des revendications auprès de la Commissaire aux langues officielles ou du Commissariat aux langues officielles par rapport au service en français dans les avions, même si on a mentionné qu'il y avait eu des démarches prises pour assurer des services en français.
Le Commissariat aux langues officielles nous dit que dans certaines provinces, à cause du nombre de francophones ou de l'incidence de francophones, il y a des exigences plus élevées par rapport aux services, dépendant de la proportion de francophones ou du nombre de francophones.
En Alberta, le service n'est pas obligatoire, si je comprends bien. Il y a seulement un certain niveau de services qui est obligatoire. Alors, je ne crois pas qu'il y ait un standard commun à travers le pays. C'est l'impression que j'ai. Je crois qu'on fait un effort dans la province de fait pour offrir les services dans les deux langues.
Le sénateur Comeau: Où est situé l'agent du Commissaire aux langues officielles?
M. Chauvet: À Edmonton.
Le sénateur Comeau: À Edmonton? Est-ce que cette personne est impliquée dans vos organisations? Est-ce qu'elle est proactive? Vous semblez être assez content. Cette personne vous visite d'une façon régulière.
M. Chauvet: Dans l'ensemble, on est satisfait du Bureau des langues officielles. Il est certain qu'ils reçoivent de l'information pour la diffuser au besoin et c'est sûr qu'il y a, à certains moments, un chien de garde, si je peux me permettre l'expression, lorsque les choses ne fonctionnent pas. Avons-nous toujours recours à eux? Non. Nous savons qu'ils sont là pour nous appuyer et nous ressentons l'appui de M. Lorieau et son équipe.
Les rapports de Mme Adam nous aident beaucoup parce qu'ils donnent le ton et ils nous appuient. Du côté communautaire, ces rapports nous aident.
Dans l'ensemble, nous n'avons pas à nous plaindre de notre bureau des langues officielles à Edmonton. Nous sommes très satisfaits. Je dirais seulement que, parfois, le gouvernement fédéral ne porte pas assez d'attention aux organisations qui travaillent dans le domaine des langues officielles.
Le sénateur Comeau: Merci.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, chers témoins. Je pense qu'on a la preuve que le travail n'est jamais terminé, n'est-ce pas? C'est ce qui nous garde motivés. Merci encore pour vos présentations. Vous êtes invités de vous joindre à nous pour le lunch. Nous pourrons certainement échanger d'une façon moins formelle.
La séance est levée.