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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 21 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 25 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 11 h 06, pour étudier l'infrastructure et la gouvernance du système de santé publique du Canada, ainsi que la capacité du Canada de réagir aux urgences sanitaires découlant d'épidémies infectieuses.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre comité s'intéresse à des questions de santé précises et non aux questions d'ordre général, qui seront étudiées plus tard. Nous voulons savoir quel rôle le gouvernement fédéral devrait jouer et quels nouveaux organismes devraient être créés ou fonds engagés pour que le gouvernement fédéral puisse lutter contre les épidémies infectieuses.

Merci, messieurs, d'avoir accepté de venir nous rencontrer ce matin. Nous avons besoin de votre aide. Les conseils des intervenants de première ligne vont nous être très utiles.

Docteur Massé, les Canadiens que j'ai rencontrés dans les différentes régions du pays que j'ai visitées cet été semblent s'entendre pour dire qu'à bien des égards c'est le Québec qui a le meilleur système de santé publique, pour ce qui est des interventions auprès de la population. Les gens faisaient votre éloge et celle du système. Je vous félicite parce que vous avez contribué à mettre en place le système que vous dirigez aujourd'hui.

J'aimerais comprendre ce qui, au sein de votre organisation, amène les gens à dire du bien de vous et du système. Évidemment, la direction joue un rôle, mais il y a un aspect particulier à votre organisation qui fait toute la différence.

Le Dr Colin D'Cunha, commissaire de la santé, médecin hygiéniste en chef et sous-ministre adjoint, ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario: Honorables sénateurs, j'ai des diapositives à vous présenter.

C'est la Loi sur la protection et la promotion de la santé qui régit le système de santé publique en Ontario. Il y a 37 bureaux de santé qui assurent les services de santé publique. Il y a à tout le moins 17 programmes obligatoires à offrir.

Nous avons déterminé que la santé publique au Canada comportait cinq grandes fonctions: l'évaluation de la santé de la population, la surveillance, la promotion de la santé, la prévention des blessures et des maladies et la protection de la santé.

Nous croyons comprendre que vous voulez vous concentrer pour commencer sur l'évaluation de la santé de la population, la surveillance et la prévention des maladies. Vous avez aussi évoqué la protection de la santé dans le cas des épidémies infectieuses.

Comme le précise la Loi sur la protection et la promotion de la santé, chacun de nos bureaux de santé publique est responsable d'un secteur géographique donné. En vertu de la loi, le médecin hygiéniste s'occupe de la promotion et de la protection de la santé. Tous les bureaux de santé tiennent compte à la fois de la santé de l'ensemble de la population et de celle des particuliers.

Chaque bureau de santé est dirigé par un conseil de santé. Les conseils municipaux régissent dix de nos bureaux qui servent des populations allant de 150 000 personnes à 2,5 millions, pour la ville de Toronto.

Des conseils regroupant plusieurs comtés ou plusieurs municipalités dirigent les autres bureaux de santé. Ces conseils se composent de représentants municipaux et provinciaux qui sont nommés pour des mandats pouvant aller jusqu'à deux ans. On demande l'avis du bureau de santé avant de nommer de nouveaux membres.

Chaque bureau de santé doit avoir un médecin hygiéniste, mais huit de nos bureaux n'en ont pas en raison de la pénurie de spécialistes en médecine communautaire que connaît le pays. Quand le poste de médecin hygiéniste est vacant ou que le médecin est en congé ou absent pour une autre raison, le poste doit être occupé par un médecin hygiéniste nommé à titre intérimaire, ce qui est le cas dans les huit bureaux en question.

Les plus grands bureaux de santé ont aussi des médecins hygiénistes associés. Ils sont épaulés par des services d'infirmières, de spécialistes de l'hygiène de l'environnement, de dentistes et d'autres professionnels de la santé. Il ne faut pas oublier qu'il est essentiel au bon fonctionnement d'avoir un soutien administratif solide.

Les responsables de la santé publique luttent contre les épidémies infectieuses, règlent les problèmes de santé publique et s'occupent de la prévention des maladies chroniques et de la promotion de la santé.

Pour ce qui est des programmes de santé et des lignes directrices sur les services, nous avons trois normes générales, et celle concernant l'enquête sur les risques pour la santé sera particulièrement utile pour votre étude.

Nous avons 14 normes précises qui s'appliquent aux programmes. C'est la dernière série, à la rubrique des maladies infectieuses, qui va vous intéresser pour l'instant. La lutte contre les maladies infectieuses, le programme de salubrité des aliments, la lutte contre les infections dans les établissements, la lutte contre la rage, la salubrité de l'eau, les maladies transmissibles sexuellement, notamment le VIH et le sida, la lutte contre la tuberculose et les maladies pouvant être prévenues par la vaccination entrent dans cette catégorie.

J'ai décidé de traiter de la conformité, du personnel et des dépenses de la santé publique depuis que j'occupe mon poste. Pour les gens du milieu, la santé publique n'a jamais été suffisamment financée.

Le programme obligatoire existe en Ontario depuis 1989 et le secteur de la santé publique a progressivement essayé d'atteindre les objectifs à ce sujet. En 1997, à la suite de nouvelles données scientifiques, les objectifs ont été redéfinis. En 2002, nous les avions atteints à 86,3 p. 100.

Même si nos budgets ont augmenté de 43,2 p. 100, tous les ordres de gouvernement doivent investir davantage dans la santé publique. C'est une question de partenariat. Au niveau local, il y a entre 5 500 et 6 000 ETP consacrés à la santé publique en Ontario.

Heureusement, au cours du dernier mois, le gouvernement m'a entendu et a accordé 180 ETP de plus à la santé publique. On en a octroyé 80 pour mon propre personnel. Cela ne comprend pas le travail de laboratoire.

Quand je suis entré en fonction en 1998, l'effectif du bureau central était de 65 employés. Quand j'aurai réussi à embaucher ces 80 employés de plus, nous serons 240. Je tiens à souligner qu'il n'y a pas de candidats à ces postes, et je ne veux pas aller recruter chez mes voisins parce que je vais leur refiler mon problème.

Je vais laisser la parole au Dr Massé.

Le Dr Richard Massé, président-directeur général, Institut national de santé publique du Québec: Mon exposé va traiter de la santé publique au Canada, mais je vais également décrire le système de santé publique du Québec. Je vais aussi expliquer les investissements qui sont nécessaires et les secteurs qui en ont le plus besoin. Enfin, en conclusion, je vais préciser les enjeux que l'avenir nous réserve.

[Français]

La situation de la santé publique au Canada a fait l'objet de plusieurs rapports très inspirants. Le rapport Krever a soulevé tous les problèmes que nous avions au niveau de l'organisation de la santé publique afin de pouvoir faire face à la situation du temps. Nous avons eu aussi le rapport du vérificateur général.

Parmi les derniers rapports qui ont été rédigés, nous retrouvons celui du comité pour le service des populations qui a fait une demande aux sous-ministres de la santé de produire une évaluation de la capacité en santé publique. La recommandation de ce comité est encore très actuelle. Les Instituts de recherche en santé du Canada ont aussi fait rapport, cet été, et remis leurs recommandations pour lesquelles nous devons aussi grandement nous inspirer.

Nous ne sommes pas le seul pays à considérer cette même question. Les États-Unis et plusieurs pays d'Europe se posent les mêmes questions parce qu'ils font face à la même transition épidémiologique et au même défi des pathogènes qui sont en émergence et qui se transmettent très rapidement d'un pays à l'autre.

Quand on regarde le système de santé canadien, il est, en fait, une série de systèmes reliés, mais qui sont différents les uns des autres. Le système du Québec est fondamentalement lié à l'organisation régionale des soins. À chaque fois que nous touchons l'organisation régionale des soins, cela affecte notre capacité de pouvoir agir.

Au cours des dix dernières années, il y a eu plusieurs changements, tel celui du développement de nouvelles technologies pour la surveillance de l'état de santé au niveau des laboratoires et des vaccins. Toutes ces technologies ont amené un potentiel important d'interventions qui sont nécessaires mais qui engendrent des coûts importants pour les implanter.

Actuellement, et c'est le cas au Québec: il y a des contraintes financières importantes pour rendre accessible les services de santé. Un des impacts est que les gouvernements, en général au Canada et spécifiquement au Québec, se sont concentrés à donner les services essentiels de récupération de la santé. Cela a été fait en laissant un peu de côté tous les investissements en amont, donc au niveau de la santé publique. On a même vu un glissement de financement interprogrammes, par exemple, vers les soins à domicile.

Cela pose d'importants problèmes sur le plan des maladies chroniques où le fardeau de la maladie est très important. Ce n'est pas le sujet de l'étude du comité aujourd'hui, mais pour nous c'est fondamental. En ce qui a trait aux pathogènes en émergence, nous devons avoir la capacité d'agir sur place avant qu'ils n'apparaissent.

Au début des années 1990, le Québec s'est donné une vision à long terme dans le secteur de la santé par le biais d'une politique de santé et de bien-être, ce qui fut un pas très important au niveau de la structure. Ceci nous a amené, par la suite, à élaborer des priorités nationales en matière de santé publique et, éventuellement, revoir la Loi sur la santé publique. Un programme intégré et complet fut mis sur pied pour l'ensemble de la province et des régions. Ce programme est à la base d'activités locales dont les preuves scientifiques appuient solidement leur pertinence et efficacité.

Le Québec, comme les autres provinces, doit faire face à des problèmes de recrutement et de formation de la main- d'œuvre. Voilà une des raisons pour laquelle l'Institut national de santé publique a été développé.

Je ne m'éterniserai pas sur le mandat du gouvernement fédéral, puisque vous avez déjà entendu les autorités pertinentes sur cette question. Je soulèverai toutefois l'importance de la définition claire des rôles, mandats et responsabilités de chaque gouvernement. Car s'il y a confusion entre les rôles et responsabilités du gouvernement fédéral et ceux des provinces, même à l'intérieur d'un cadre légal, il existera des problèmes. À notre avis, cette question doit être adressée de façon prioritaire.

Enfin, le système de santé, tant canadien que québécois, possède des forces importantes qui constituent tout notre réseau de santé primaire. Ceci nous distingue fondamentalement du système américain dans lequel on retrouve deux réseaux: un réseau de santé publique et un réseau de soins et de services. Cette intégration est chez nous une très grande force de laquelle nous devons tirer profits.

Dans le cas du SRAS, par exemple, sans un lien étroit entre le réseau de santé publique et l'organisation du système de soins, il n'est pas possible de répondre aux exigences du problème auquel on doit faire face.

Nous devons donc continuer d'avoir un système à l'intérieur duquel l'intégration est renforcée et présente.

Nous avons illustré, à la droite de la diapositive, un schéma classique avec lequel tout le monde est familier, soit l'organisation du système de soins, un des déterminants du secteur de la santé. Nous savons, toutefois, que ce n'est pas là où se joue le rôle principal en matière de santé de la population. Il est important de souligner ce niveau tout en sachant que le fardeau de la maladie ne repose pas sur cet aspect du système.

Les autres déterminants de la santé agissent de façon interactive. Si on veut être en mesure de faire face à l'ensemble des maladies et aux maladies infectieuse comme le VIH, il faut considérer la possibilité d'investir dans les autres déterminants de la santé.

Lorsqu'on a réexaminé la législation québécoise, on a estimé qu'une loi sur la protection de la santé publique, telle qu'on avait antérieurement et que la plupart des provinces ont actuellement, ne suffit pas. Nous devons avoir une loi selon laquelle les fonctions en matière de santé publique, telles la surveillance, l'évaluation de l'état de santé, la promotion et la prévention sont présentes et intégrées afin de nous permettre d'agir au niveau de l'ensemble des fonctions de la santé. Cette initiative fut un point important. Nous pouvons à présent en constater le résultat. Les organisations de la santé, les CLSC et les hôpitaux reconnaissent maintenant ces fonctions en matière de santé publique.

Le fait d'attribuer à ces fonctions un caractère légal est essentiel et a permis de clarifier les rôles et responsabilités, problème qui existe même à l'intérieur de la province.

Vous avez certes entendu des propos sur les dispositions épidémiologiques face à l'introduction du VIH, de l'hépatite C et du virus du Nil. Je ne m'éterniserai pas sur ce point. Nous devons aujourd'hui faire face à des problèmes qui arrivent de façon extrêmement rapide. Voilà pourquoi il doit exister une bonne communication entre l'ensemble des réseaux de santé publique, non seulement au Canada mais avec l'étranger. Nous devons également considérer le problème des populations vulnérables, elles sont souvent les cibles de ravages importants. In ne faut donc pas les oublier, comme on le fait généralement en matière de santé publique.

Il est important de souligner quelques accomplissements. Nous avons développé des systèmes de surveillance. Ces systèmes doivent toutefois être reliés en temps réel les uns avec les autres — ce qui n'est pas toujours le cas — pour permettre la transmission de l'information de façon efficace.

On a développé des laboratoires de référence — c'était un problème. Le Québec s'est doté d'un laboratoire de référence de niveau 3 en biosécurité. L'accès à ce type de laboratoire est, à notre avis, fondamental.

Par contre, au niveau des vaccins, il se pose un problème. Il existe des opportunités importantes. Une stratégie nationale fut développée. Cette stratégie fait le consensus. Elle fut développée et approuvée par les ministres de la santé. Le problème existe toutefois au niveau des ressources, ce qui nous empêche d'utiliser et de bénéficier pleinement de ces nouveaux vaccins.

J'aimerais profiter de cette occasion pour vous expliquer brièvement l'organisation de la santé publique au Québec. Le bas de la diapositive illustre les différentes étapes, la première étant celle qui a mené à l'élaboration de la politique en santé et bien-être au début des années 1990.

En 1998, différents problèmes se sont produits. Des épidémies de méningite à méningocoque ont permis de sensibiliser les gens à la vulnérabilité de notre système. La consultation auprès d'experts canadiens et américains a beaucoup aidé.

En 2001, la Loi sur la santé publique a fait l'objet d'une révision. Toutefois, en 1998, on avait déjà créé l'Institut national de santé publique du Québec. On a créé également un poste de directeur national de santé publique, poste qui n'existait pas au Québec, afin qu'il y ait une imputabilité, qu'il existe une personne responsable à l'échelle de la province, et qu'il puisse y avoir un lien avec les autres provinces et le gouvernement fédéral.

L'organisation est centrée sur le ministre et l'Institut national de santé publique. Les directions de santé publique sont au niveau régional. Ils comprennent 18 régions. Certaines régions, comme celle de Montréal, sont plus importantes que d'autres. Je souligne le lien avec les centres locaux de services communautaires, ou CLSC. Près des trois quarts de la capacité d'intervention en promotion de la santé, et non en protection, se retrouve au niveau des CLSC.

Nous avons donc, encore une fois, les niveaux central, régional et local. On pourra également faire le lien avec les hôpitaux, car nous y sommes très présents.

Il va sans dire que l'investissement dans le traitement des maladies transmissibles est essentiel. Toutefois, il est également important de considérer l'investissement dans le traitement des maladies non transmissibles ou chroniques.

Les autres déterminants de la santé sont liés les uns aux autres. Ce lien est un élément fondamental. Nous devons être prêts, en cas de problèmes systémiques, qu'il s'agisse d'éclosion ou de bioterrorisme. Ces provisions nécessitent également des investissements. Les investissements doivent se faire non seulement au niveau central, mais au niveau des provinces, des régions et au niveau local. La création d'un seul centre national possédant capacité et expertise, à notre avis, ne suffirait pas à répondre au besoin actuel du réseau.

Si on reprend l'exemple du SRAS, au printemps dernier, un centre d'expertise national aurait certes été utile. Toutefois, il n'aurait pas résolu le problème de la capacité à travailler avec les établissements dans une ou plusieurs régions afin de prévenir ce type de situation.

Il est donc important de considérer un investissement qui s'applique à l'ensemble du système.

Nous devons être capable de travailler avec les données scientifiques les plus probantes. D'ailleurs, le Québec s'est doté d'un programme de santé publique qui a identifié 25 cibles d'action basées sur des preuves scientifiques. Voilà le genre d'activité utile et nécessaire. En matière de santé publique, l'investissement qui ne s'effectue pas au présent occasionne souvent des coûts importants au futur.

Les secteurs dans lesquels il est nécessaire d'investir, et où il y a eu de l'amélioration, comprennent la création de centres et de réseaux d'expertise canadiens. D'autres initiatives sont en cours d'élaboration, mais ces centres représentent une nette amélioration.

Le problème de formation de la main-d'œuvre et du recrutement existe toujours. Également, il ne faut pas oublier les problèmes de la recherche et de l'innovation.

J'aimerais à nouveau soulever la question d'éclosion. À ce jour, nous connaissons très peu de moyens d'intervention en ce qui a trait aux problèmes psychosociaux en termes d'éclosion. Le problème de la recherche peut augmenter l'impact de ces situations souvent catastrophiques.

L'investissement dans le traitement des problèmes psychosociaux est donc important. Il ne s'agit pas ici de recherche fondamentale mais de recherche appliquée.

En résumé, voici les défis auxquels nous devons faire face. Nous devons nous entendre de façon légale sur les fonctions essentielles en matière de santé publique. Il existe une entente entre les intervenants en santé publique. Cette entente doit toutefois être consignée et reconnue légalement.

Il doit exister une cohésion entre les programmes afin de favoriser la collaboration, par exemple, pour la préparation en situation d'urgence. Le système ne doit pas nécessairement être intransigeant. Il doit être flexible, mettant en valeur les structures établies, et à l'intérieur duquel on élabore des liens afin de permettre un travail efficace, en précisant les rôles et les responsabilités de chacun des intervenants.

Enfin, il est certain qu'on doit avoir un investissement. Comme certains le rappellent, il ne s'agit pas d'investir dans les mêmes domaines qui existent maintenant pour répéter les mêmes problème, mais bien de dire comment on doit faire, non seulement au niveau de l'infrastructure, mais aussi des programmes et des activités. Au Québec, on s'est doté d'une infrastructure majeure, qui a été une grosse amélioration, mais il y a encore des problèmes de financement pour des programmes, ce qui limite encore beaucoup la capacité d'agir. Il faut penser non seulement infrastructure, mais aussi programme. Il faut penser développement de l'expertise, de la formation, de la recherche et des systèmes de surveillance — vous avez déjà eu des présentations sur ce sujet — qui nous apparaissent fondamentals.

Pour ce qui est de la question d'imputabilité, les gens ont beaucoup posé la question de savoir s'il devrait y avoir au Canada une personne responsable, imputable. Il est évident que c'est tout un réseau qui est imputable, mais je crois que, en bout de ligne, des personnes doivent être responsables pour répondre au public sur les sujets en question, au nom des et avec les ministres, qui sont toujours responsables pour l'ensemble des activités. Cela n'existe pas actuellement.

Enfin, il y a la question des communications, je n'insisterai jamais trop là-dessus. Des efforts très importants ont été faits sur le SRAS, mais on a encore beaucoup de travail à faire, non seulement au sein du réseau de santé, mais également auprès de la population.

En conclusion, le réseau de santé publique au Canada est un système encore fragmenté, vulnérable face aux contraintes actuelles. Dans ce système, on a des forces significatives qui ont permis de faire face à une crise majeure comme celle qu'on a connue, mais les crises ont montré les limites du système. À court terme, le statu quo du système est potentiellement dangereux, particulièrement si on rencontre deux situations critiques en même temps dans une même région. Il a été bien démontré qu'on n'était pas capable de faire face à de telle situation. Si on cumule le SRAS avec le virus du Nil occidental, la capacité d'agir se trouve complètement paralysée. À moyen terme, le statu quo est coûteux en termes de soins et de services.

Un meilleur équilibre, selon moi, est essentiel entre la prévention, prise au sens large — incluant la protection de la santé — et le recouvrement de la santé. Ce n'est pas le cas actuellement, il y a un déséquilibre.

Le Québec s'est doté, au cours des dernières années, d'une base légale et d'une infrastructure, tant locale, régionale que provinciale, qui est potentiellement capable de répondre aux nouveaux défis de santé publique. Je pense que cela est très important pour nous, mais les enjeux de financement sont toujours présents et au cœur de nos préoccupations, puisque la capacité d'agir y est aussi directement reliée.

Enfin, les outils pour améliorer les systèmes sont à notre portée, à l'instar de ce qu'ont fait plusieurs autres pays à cet effet, confrontés à des situations similaires. On doit faire des efforts concrets, concertés, non seulement au niveau fédéral, mais aussi provincial et territorial pour répondre aux besoins actuels.

[Traduction]

Le président: Merci, docteur Massé. Nous connaissons maintenant le problème, mais il faut se demander comment le résoudre. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Vous avez dit qu'il fallait définir légalement nos pouvoirs pour respecter les rôles et responsabilités de chacun.

Vous travaillez dans le réseau depuis assez longtemps pour savoir qu'on s'enlise inévitablement dans un bourbier dès qu'on demande aux administrations fédérale et provinciales, et dans une moindre mesure aux administrations provinciales et municipales, de définir les problèmes, les rôles et les responsabilités parce que la discussion n'en finit plus et n'aboutit à rien.

Comment couper court à ce processus et mettre en place une structure qui fonctionne, même si elle ne respecte pas nécessairement la loi à la lettre?

Je ne cherche pas nécessairement à confier un nouveau rôle au gouvernement fédéral. Ce n'est pas mon objectif. Ce que je veux, c'est trouver comment régler le problème. Pouvez-vous nous indiquer ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour commencer à régler les problèmes dont vous nous avez parlé?

Le Dr Massé: Je crois qu'il faudrait avoir un fondement légal permettant de définir les rôles et les responsabilités. Si on essaie de changer la loi sans savoir exactement ce qu'on veut et sans connaître précisément la situation de chacun, ce sera difficile à accepter. Nous essayons de changer la loi en consultation avec le gouvernement fédéral, et la démarche s'avère difficile.

Ailleurs dans le monde, c'est le gouvernement fédéral qui investit normalement le plus dans la santé publique; ce n'est pas le cas au Canada. Au Canada, ce sont les provinces qui financent le plus ce secteur. Je ne dis pas que le gouvernement fédéral n'investit pas, mais il ne le fait pas autant que d'autres administrations fédérales dans le monde.

Si la responsabilité était partagée, comme elle l'était avant pour les assurances maladie et hospitalisation, le gouvernement fédéral manifesterait une volonté réelle de s'entendre sur les changements à apporter.

Les provinces devraient payer une partie des coûts, mais pas la plus grande partie. Elles versent déjà entre 800 millions et un milliard de dollars dans la santé publique. Le gouvernement fédéral investit, mais beaucoup moins que les provinces.

Si on sentait cette volonté réelle, les provinces accepteraient qu'avec un nouveau financement les rôles et les responsabilités soient redéfinis. Il faut proposer autre chose que de l'argent. On doit s'entendre pour réviser les rôles et les responsabilités de chacun, et on pourra ensuite discuter d'une mesure législative.

Le président: Comme vous dites, si le gouvernement fédéral verse de l'argent, il a le droit de savoir comment il est dépensé.

Disons que le gouvernement fédéral décide plutôt que la fonction publique va recruter un bon nombre d'épidémiologistes dans toutes les régions du pays. Au lieu de verser de l'argent, le gouvernement fédéral investit en faisant travailler des spécialistes. Si cette décision n'est peut-être pas idéale sur le plan organisationnel, elle comporte des avantages. Surtout, elle permet de contourner tous les problèmes d'attribution de pouvoirs et d'accroître la capacité d'intervention en période de crise, partout au Canada. Cette décision permet d'éviter l'argument classique selon lequel on veut recevoir de l'argent sans condition, ce qui est tout à fait inadmissible, à mon avis.

Je cherche de nouveaux moyens de surmonter cet obstacle historique. Est-ce que ce serait acceptable si, au lieu d'envoyer de l'argent, le gouvernement fédéral fournissait du personnel?

Le Dr Massé: Si des provinces acceptent d'accueillir ces spécialistes et de les intégrer à leurs activités, la responsabilité serait partagée et ils participeraient de façon pleine et entière au travail des provinces.

Le président: C'est exactement le genre d'intégration dont je parle. Est-ce que cela peut fonctionner?

Le Dr Massé: Je ne suis pas sûr que les provinces vont l'accepter. Les provinces qui n'ont pas les ressources voulues vont être d'accord, mais d'autres vont avoir le sentiment que le gouvernement fédéral outrepasse ses responsabilités, qui peuvent être examinées et accrues.

Je pense que la plupart des provinces ne l'accepteront pas. Si vous avez deux équipes de santé publique, celle de la province a des services à assurer. J'ai souligné qu'il est essentiel d'établir un lien solide entre les soins et les services de santé publique. Si une équipe est financée par la province et une autre par le gouvernement fédéral, sans qu'il n'y ait de lien étroit entre les deux, les choses ne vont pas fonctionner. Les deux risquent fort de travailler isolément, chacune de leur côté. Je pense que bien des provinces vont hésiter à accepter cette solution.

Il vaudrait mieux d'abord négocier avec les provinces pour déterminer si la formule peut fonctionner. La solution que vous proposer peut être mise en oeuvre rapidement. Il y a un risque de méfiance et de manque de coordination à l'égard de ce modèle que j'hésiterais à recommander.

Évidemment, si les provinces et le gouvernement fédéral s'entendent pour intégrer ces employés à la structure de santé publique des provinces et que des fonds sont consacrés à des objectifs précis, c'est une formule possible qui peut être utile.

Pour que ce modèle fonctionne, il est nécessaire que le gouvernement fédéral négocie au préalable avec les provinces avant de décider d'adopter une nouvelle structure, et je pense qu'il a fait sa part.

Le président: Il est vrai que s'il n'y a pas intégration complète, c'est ridicule, et vous avez indiqué que certaines provinces auraient du mal à intégrer ces employés à ce point. Comme vous dites, il serait difficile qu'ils deviennent partie intégrante du système existant.

M. Ron Zapp, directeur exécutif provincial, British Columbia Centre for Disease Control: En Colombie-Britannique, nous collaborons depuis longtemps avec un service régional du PEV doté de deux ou trois spécialistes qui viennent y travailler par roulement chaque année.

Comme vous l'avez souligné, ils viennent nous prêter main-forte quand des incidents surviennent dans une localité. C'est normalement le service régional du PEV de Santé Canada qui vient aider les médecins sur place pour nous permettre de faire davantage dans les régions qui ont un besoin accru.

Le président: Dans cette mesure, la formule fonctionne à certains endroits?

M. Zapp: Oui, elle fonctionne très bien.

[Français]

Le sénateur Morin: J'ai suivi votre carrière de loin: vous avez été responsable de la santé publique pendant plusieurs années, et vous êtes maintenant directeur de l'institut.

Dans votre conclusion, vous dites que le système de santé publique au Canada était fragmenté, vulnérable et sous- financé. Vous avez parlé des transferts de ressources, des transferts ciblés, et que le fédéral devait fortifier ses propres programmes et ajouter des ressources.

Vous avez sûrement entendu parler de la création possible d'une agence fédérale spécifiquement orientée vers la question de santé publique et qui pourrait répondre aux problèmes urgents qui peuvent survenir.

Je suis très intéressé par le modèle que représente l'Institut national de santé publique que vous dirigez. C'est un modèle unique au pays, qui n'a pas de responsabilité directe d'intervention face à une situation particulière. C'est la responsabilité du directeur général de la santé publique et des directeurs régionaux. L'institut est hors du champ d'intervention directe. J'établis un certain parallèle avec la situation du fédéral, qui n'a pas, évidemment, de responsabilité directe.

Le modèle représenté par l'institut pourrait-il, jusqu'à un certain point, être transposé, en modifiant évidemment les choses qui doivent l'être, à une agence fédérale avec la responsabilité d'enseignement et de recherche, mais surtout de mobilisation des ressources?

Si je comprends bien, votre institut est en situation de crise. Vous avez la connaissance des ressources, qui sont en dehors d'une certaine région, qui peuvent être mobilisées. Vous avez aussi une expertise dont le service de consultation et les laboratoires. Je pense aux laboratoires de Winnipeg, de Guelph et aux autres qui pourraient avoir les fonctions.

Voyez-vous le sens de ma question? Vous avez un modèle qui est différent de celui de la Colombie-Britannique qui, lui, est orienté directement sur les maladies infectieuses, les intoxications et les radiations. Votre institut couvre l'ensemble de la santé publique, les facteurs de risque, les maladies chroniques et cetera. D'autres modèles sont plus orientés vers les crises aiguës, infectieuses, d'intoxications, de problèmes de radiation.

Avec l'expérience que vous avez et suite à la situation vécue à Toronto et en Colombie-Britannique, et compte tenu du modèle québécois qui fonctionne très bien, pensez-vous que celui-ci pourrait servir de modèle de base sur lequel nous pourrions construire une agence fédérale?

Dr Massé: C'est un modèle sur lequel on pourrait capitaliser. En Colombie-Britannique, comme l'avez bien souligné, il existait un tel modèle avant l'Institut national de santé publique, toutefois les mandats sont un peu plus restreints. Il y a quand même assez de similarités entre le BCCBC et l'Institut national de santé publique, mais, comme vous l'avez mentionné, nos mandats sont plus larges.

Il serait positif d'avoir une agence canadienne qui aurait un rôle d'expertise de support en cas de besoin, support au niveau de la formation et pour définir les besoins de recherche et travailler avec les Instituts de recherches en santé du Canada pour voir si cela convient aux besoins. J'ai eu la chance de pouvoir discuter avec le docteur David Miller et nous étions d'accord sur ce point. Mais si ce n'était que d'avoir une agence centrale, ce serait un problème.

Le docteur Miller était d'accord pour la création d'un réseau canadien qui pourrait très bien se développer sans que cela nécessite qu'il y ait des Instituts de santé publique dans chacune des provinces. Il pourrait y avoir une agence centrale avec un réseautage comme au laboratoire de Winnipeg, où il y a un réseautage pan-canadien qui rend le réseau efficace et qui permet d'avoir des services de troisième ligne et même plus spécialisés, dans certains cas, à Winnipeg quand c'est nécessaire.

Je vois que c'est un modèle qui pourrait être suivi. Au niveau canadien, peut-on partir avec une agence qui aurait un mandat très large? Peut-être éventuellement, mais au début, elle pourrait se concentrer sur les besoins immédiats et élargir progressivement ses mandats. Il y a plusieurs scénarios. Nous serions très intéressés à collaborer, comme on le fait de plus en plus avec les Instituts de recherches en santé du Canada. Nous voulons aussi le faire de plus en plus avec les autres organisations pan-canadiennes. Je pense que cela pourrait être un modèle inspirant.

J'insiste pour dire que cela doit être un réseautage. Il ne peut y avoir qu'un investissement central. Ce serait, à mes yeux, se donner bonne conscience. Un investissement central ne règlerait pas le problème où l'on doit aussi avoir le même genre de capacité pour les régions. Quand il arrive un problème à Montréal, il faut que Montréal soit capable d'avoir immédiatement un réseau fonctionnel avec des experts pour y répondre. L'institut peut les supporter et s'il y avait une agence canadienne l'on pourrait avoir un outil complémentaire qui nous aiderait.

Certains mandats de cette agence nationale pourraient être faits par les régions ou les provinces, et ce pour l'ensemble du Canada. Une collaboration assez étroit pourrait s'installer.

Le sénateur Morin: Je vous remercie beaucoup et je vous félicite, encore une fois, pour votre travail.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. J'aimerais revenir à la coordination qui pourrait être établie entre les instituts du réseau. Le fait que les provinces soient de taille différente pose un problème. Le groupe de M. Zapp est important en Colombie-Britannique, tandis qu'en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse, les groupes sont beaucoup plus restreints.

En période de crise, est-ce que ce serait le gouvernement fédéral et certaines provinces plus importantes qui offriraient une plus grande capacité d'intervention et iraient fournir de l'aide aux petites provinces? Cette proposition est-elle irréaliste?

Le Dr Massé: Je pense que c'est réaliste et cela fait partie de la formule que je recherche. Certaines provinces sont déjà prêtes à offrir une capacité plus grande parce qu'elles ont l'infrastructure nécessaire; d'autres provinces peuvent profiter de la structure déjà en place ou de la nouvelle capacité qui serait offerte.

Certaines provinces pourraient accepter que des ressources du gouvernement fédéral soient intégrées à leurs activités. D'autres pourraient intervenir avec la structure qu'elles ont. Si elles doivent implanter une nouvelle activité, il leur faudrait investir en conséquence. Les changements vont entraîner des coûts. Elles pourraient cependant investir et profiter du réseautage et des divers mandats qui leur seraient transférés. C'est la raison pour laquelle j'insiste pour dire qu'il faut discuter de l'investissement au préalable, pour connaître les besoins de chaque province.

Le président: Ce que vous venez de dire est crucial dans cette étude; en effet, trop souvent, les programmes nationaux ont l'inconvénient de ne pas pouvoir beaucoup s'adapter aux besoins de chaque province.

Vous dites que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer mais que, concrètement, il varierait d'une province à l'autre. Ce rôle dépendrait moins des questions d'ordre constitutionnel et davantage de la capacité dont chaque province dispose. Pensez-vous à une formule plus souple que celle qu'on applique habituellement de façon uniforme dans l'ensemble du pays?

Le Dr Massé: Oui.

Le président: On ne semble plus avoir de questions à poser au Dr Massé. Le sénateur Morin voudra peut-être poursuivre la discussion avec vous dans quelques semaines.

Monsieur Zapp, je suis surpris de constater que votre établissement est provincial. Nous avons entendu parler des activités de votre centre avec éloge, et nous sommes impatients de vous entendre.

M. Zapp: Je remercie les sénateurs de nous avoir invités. Les responsables de la santé publique ne sortent pas beaucoup. Ce sont les soins de courte durée et les besoins des salles d'urgence dans l'ensemble du pays qui semblent retenir l'attention, et c'est ce qui explique en partie notre problème de santé publique.

Il y a 20 ans que je me passionne pour ce que nous avons bâti en Colombie-Britannique. J'ai d'abord commencé à recueillir des informations sur la santé publique et à m'intéresser plus spécialement à la maladie à Vancouver. En 1985- 1986, nous avons créé le «British Columbia Centre for Disease Control» qui continue d'évoluer depuis.

Notre centre sert environ quatre millions de personnes. D'abord, des gens viennent se faire traiter chez nous. S'il s'agit d'une maladie transmissible, le médecin doit la signaler à la province. Les rapports sont contrôlés par des systèmes de surveillance et des équipes de recherche collaborent à ce travail.

Notre modèle repose sur ce que j'appelle un filet de sécurité. Les médecins soignent les patients et leur donnent des informations sur notre centre provincial et les centres régionaux. Les médecins hygiénistes, avec l'aide des chercheurs du centre de lutte contre les maladies, déterminent s'il s'agit effectivement d'une épidémie ou d'un incident, ou s'il y a des renseignements qui pourraient aider à lutter contre la maladie dans le milieu.

Nous travaillons dans un immeuble provincial de 60 millions de dollars conçu expressément pour nous et doté d'un laboratoire à la fine pointe de la technologie et de salles de traitement dont nous sommes très fiers. Il y a environ 330 ETP permanents dans cet immeuble. Nous avons des bureaux satellites, mais je vais surtout parler de nos relations avec les autorités régionales et du personnel affecté dans les régions. Nous avons une clinique de la tuberculose dans la vallée du Fraser.

L'hépatite préoccupe beaucoup l'ensemble de la Colombie-Britannique. Généralement, la moitié des rapports produits traitent des hépatites A, B et C.

Au départ, le centre s'intéressait aux maladies transmissibles, pour obtenir des précisions à leur sujet et prévoir de meilleures interventions. Vous avez constaté que nous avons depuis élargi notre champ d'activité aux questions d'ordre environnemental. Le ministère continue de nous confier de nouvelles responsabilités. Les aliments, l'eau, les substances toxiques et les radiations sont maintenant des centres d'intérêt pour nous. Le Dr John Miller, qui était le médecin hygiéniste de la province, voulait, dès nos débuts, établir d'autres centres en Colombie-Britannique. Nous prenons donc de l'expansion.

Notre administration est différente de d'autres. Avant de travailler au centre, j'ai occupé différentes fonctions au ministère de la Santé. Au milieu des années 80, nous sommes devenus une société autonome. J'étais le président directeur général de la société, et j'occupe toujours les mêmes fonctions, mais le titre de mon poste a changé. Nous relevons maintenant de l'administration provinciale des services de santé. À un moment donné de notre histoire, nous avons été une société autonome constituée en corporation.

Je suis principalement en relation directe avec le Dr Robert Brunham, qui est un de mes associés. C'est un clinicien qui m'explique en détail ce qui est ou non important et contrôle les activités du centre. En fait, il travaille pour l'Université de la Colombie-Britannique. Nous entretenons des relations très étroites avec l'université, et c'est une formule que vous voudrez peut-être examiner.

Il y a un centre de lutte contre les maladies à l'Université de la Colombie-Britannique et, pour nous, nos employés vont aussi faire partie du personnel de cette université et y remplir toutes les exigences nécessaires, tout en contribuant à nos activités.

Ils rédigent des textes, font des recherches et enseignent et, idéalement, 60 p. 100 de leur temps serait consacré à servir la population de la Colombie-Britannique et 40 p. 100 au travail universitaire. Le milieu universitaire qui est à l'avant-garde nous offre un bassin d'employés parmi les plus compétents. Comme vous avez dû le voir dans les médias, nos experts qui s'occupent de santé publique sont très solides.

Le travail et les laboratoires des épidémiologistes est intégré à notre organisation. Les spécialistes se rencontrent dans les couloirs et l'atmosphère est très chaleureuse. Un esprit d'équipe s'est développé. Cependant, il a fallu du temps pour y arriver, mais nous avons réussi à créer des ponts et à amener les spécialistes des différentes disciplines à chercher ensemble comment régler des problèmes communs.

Nous nous occupons surtout de surveillance et d'intervention en cas de maladie, de prévention et de lutte contre les maladies ainsi que de surveillance de routine, et nous offrons des programmes de prévention. Il y a aussi une infrastructure et, comme on l'a dit, nous faisons de la formation et de l'enseignement.

Le centre est très bien situé, sur les terrains de l'Hôpital général de Vancouver qui s'étend sur au moins trois coins de rue. La faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique fait partie intégrante de l'Hôpital général de Vancouver et le centre de cancérologie, qui fait partie de l'administration provinciale des services de santé, est un chef de file mondial dans le domaine. On est d'ailleurs en train de construire en face un nouveau centre de recherche sur le cancer.

Le centre s'est enrichi grâce aux méthodes et aux techniques apportées par des gens aux vues similaires. C'est un travail d'équipe. Notre réseau est composé d'infirmières, de médecins hygiénistes et d'inspecteurs de la santé publique. Ce sont eux avant tout qui travaillent auprès des gens. Ils savent très bien comment répondre aux besoins de la population et qui consulter afin de tout mettre en oeuvre pour bien la servir.

Depuis un an, nous avons réuni des spécialistes des maladies non transmissibles et planifier le nouveau projet. En octobre, ils vont rencontrer les médecins hygiénistes et les experts de l'environnement pour déterminer l'orientation à prendre.

L'information est l'aspect le plus important de l'infrastructure. D'ailleurs, un ancien directeur de laboratoire avec qui j'ai travaillé, le Dr Smith, m'a déjà dit que nous oeuvrons dans le domaine de l'information. Il dirigeait un laboratoire où 150 personnes manipulaient toutes sortes de platines et d'éprouvettes. Quand on y pense, c'est vrai.

Depuis la fin des années 80, nous élaborons un système d'information sur la santé publique, le i-PHIS. Le «I» devant le sigle signifie que c'est sur Internet. Santé Canada reconnaît que cet outil a été utile pour le Système canadien intégré de santé publique et qu'on pourrait l'étendre au reste du pays. Nous voulons collaborer activement avec des chefs de file dans le domaine de l'information au Canada, ainsi que les médecins hygiénistes. Le Dr D'Cunha travaille justement avec nous à ce sujet.

Il est clair que nous avons besoin de meilleurs outils. C'est une entreprise de longue haleine qui coûte très cher. La population pense que les informations et les interventions au sujet de la maladie sont en temps réel. La technologie permet qu'il en soit ainsi et c'est l'objectif que nous visons, mais il faudra y consacrer à la fois temps, énergie et argent.

Notre infrastructure bénéficie d'un soutien et de la technologie dans la région de Vancouver. J'ai appris que, depuis cinq ans, on avait injecté trois milliards de dollars de plus dans le développement de la technologie. C'est important si nous voulons implanter des systèmes d'information dans notre pays.

Comment le système fonctionne? Nous avons de bons éléments et nous faisons ce qu'il faut. Notre centre de lutte contre les maladies est un établissement accrédité de l'administration provinciale des services de santé. Il y a un mécanisme établi pour assurer que nous examinons de près comment les rouages doivent s'imbriquer afin de maximiser l'utilisation des ressources en vue d'obtenir les meilleurs résultats possibles.

Je sais que vous connaissez bien l'existence du Conseil canadien d'agrémentation des services de santé. C'est un organisme important qui veille à ce que notre centre travaille de façon responsable et fournisse le rendement attendu.

Je crois en notre cadre de rendement. Dans les années 80, c'était difficile pour les directeurs médicaux du centre de fixer les objectifs que je leur demandais. Pourtant, maintenant, nous évaluons nos intérêts de rendement en fonction des six objectifs que nous nous sommes fixés, et nous nous demandons si nous pouvons faire mieux cette année pour montrer que nous offrons un meilleur service.

Nous avons fait une analyse a posteriori du SRAS. Si on veut réagir efficacement à une nouvelle maladie, que faut-il faire? Nos systèmes de surveillance sont-ils efficaces? Comment vérifier les systèmes? Comment les implanter pour qu'ils soient efficaces dans les provinces?

Ce sont nos objectifs. Des mots clés comme «informatique», «innovation», et «leadership» nous encouragent à bien travailler.

Vous pouvez consulter notre plan de rendement sur notre site Web pour avoir une idée de ce qu'il propose actuellement. Il repose sur un énoncé: nous devons faire mieux. Nous devons planifier, étudier et agir. Le directeur médical du centre me parle de recherches; nos conversations sont plus fructueuses et ses intérêts scientifiques créent une synergie solide entre nous.

La Colombie-Britannique s'intéresse deux fois plus à l'hépatite que toute autre province. Nous avons formé un groupe de travail intégré et pris des initiatives pour mettre sur pied des programmes liés à l'hépatite dans les localités de la province.

Pour ce qui est de la gestion des interventions en cas de risques biologiques, nous entretenons de bonnes relations avec les médecins hygiénistes qui, à la suite des événements du 11 septembre, ont prévu une meilleure organisation et un meilleur protocole à suivre en cas de bioterrorisme. D'autres provinces reconnaissent sûrement qu'il est essentiel d'avoir le soutien des médecins hygiénistes dans le milieu. Nous ne prétendons pas pouvoir mieux faire que les autres. Nous voulons seulement nous assurer d'apporter le meilleur secours possible quoi qu'il arrive.

La situation a été très complexe dans le cas du SRAS. Au moment où la maladie faisait rage, le médecin hygiéniste de la province, le Dr Perry Kendall, a beaucoup aidé la province à faire ce qu'il fallait. Nous lui avons servi de point de référence pour ses activités dans les régions de Vancouver et de la vallée du Fraser. Cette crise vous donne une idée de la complexité du problème et montre jusqu'à quel point il est impérieux de nous demander si un réseau national peut nous aider à mieux régler ce problème de santé.

Qu'allons-nous faire? Il est question du Centre national de lutte contre les maladies. De plus, le premier ministre de notre province a offert 2,6 millions de dollars pour qu'on entame des recherches en vue du développement d'un vaccin avec des scientifiques de l'université.

Nous sommes en excellente relation avec l'Université de la Colombie-Britannique ainsi que le Génome Sequence Centre, qui nous a vraiment aidés à faire ce qu'il fallait pour obtenir le soutien nécessaire du gouvernement en vue du développement d'un vaccin.

De plus, nous devons arriver à poser un diagnostic de façon plus précise et plus rapide, compte tenu de la controverse survenue récemment à propos du Kinsmen Place Lodge. Diversification de l'économie de l'Ouest Canada investira peut-être pour nous aider à mettre au point des outils de diagnostic plus rapides. Nous travaillons avec nos partenaires et d'autres laboratoires à la conception de produits, pour que la province puisse mieux répondre aux besoins de ses citoyens.

Les Jeux olympiques vont avoir lieu chez nous et nous voulons être en mesure d'offrir les bons services à tous les intéressés.

Il me semble que la population a l'impression que l'hôpital le plus près va être en mesure de répondre à n'importe quel problème médical. Nous avons besoin de vous pour obtenir un meilleur soutien dans l'intérêt de nos interventions en santé publique.

Le président: Merci. Nous allons maintenant entendre un dernier exposé, celui du Dr David Butler-Jones.

Le Dr David Butler-Jones, ancien médecin hygiéniste en chef de la Saskatchewan, témoignage à titre personnel: Nous avons entendu les déclarations de représentants de deux grandes provinces ainsi que M. Zapp, du British Columbia Centre for Disease Control. Nous avons parlé du travail de laboratoire et des autres moyens de favoriser la santé publique. Mon objectif est d'essayer de faire la synthèse de ces informations.

Jusqu'ici, nous avons réussi à lutter contre les maladies transmissibles, à assurer la salubrité de l'eau et des aliments, à contenir les eaux usées, etc. Cependant, notre succès a donné lieu à une certaine complaisance qui nous crée certaines difficultés. De plus, de nouvelles maladies surgissent et d'autres resurgissent dans un monde complexe alors que nous avons des moyens réduits.

On sait que les répercussions de l'épidémie de SRAS ont été lourdes de conséquences sur le plan économique. Même si la maladie s'est manifestée davantage à Vancouver et surtout à Toronto, l'industrie touristique de Banff a été fortement touchée. L'autre foyer de la maladie en Asie du Sud-Est a fait réduire de 70 p. 100 le tourisme en Thaïlande. Les répercussions sont énormes pour une maladie qui, en fin de compte, n'a pas fait trop de victimes.

L'absence d'un fondement solide en matière de santé publique nuit au reste du système de santé et à sa capacité de régler les problèmes. Selon ce que faisait état un communiqué du centre de lutte contre les maladies il y a une dizaine d'années, les technologies et les connaissances que nous avions à l'époque pouvaient prévenir deux tiers des cas de mortalité prématurée. C'est dans ce contexte que certains problèmes liés aux maladies transmissibles se présentent.

L'urbanisation et le changement climatique ont eu un impact sur la propagation des maladies transmissibles. Le comité est aussi au courant de l'effet de la mondialisation sur ces maladies. D'autres intervenants ont signalé qu'une maladie peut faire le tour du monde en l'espace de 24 heures. Les disparités économiques et technologiques qui sont de plus en plus prononcées à certains endroits compliquent les problèmes socio-économiques liés aux maladies infectieuses.

La récente épidémie de SRAS nous a montré que les principes de base ont encore de l'importance. Ce sont ces principes qu'on a appliqués dans la lutte contre le SRAS à l'échelle internationale puisqu'on a limité les activités des personnes chez qui on avait diagnostiqué la maladie pour éviter la propagation du syndrome. De plus, ceux qui ont soigné les malades ont aussi pris des mesures de précaution et de protection de base.

Il y a quelques années, j'ai examiné un enfant au Kosovo qui avait un méningocoque, qui est normalement la cause la plus courante de la méningite. Je tiens simplement à dire que, quand le système de santé publique est ébranlé à la base, il se passe ce qui arrive au Kosovo, où on détecte autant de cas de méningite en une semaine que nous en diagnostiquons en cinq ans.

Le graphique montre que 100 000 fumeurs âgés aujourd'hui de 15 ans vont mourir avant l'âge de 70 ans, autrement dit prématurément. Il y en a environ 18 000 qui vont mourir des conséquences du tabagisme, 1 200 dans un accident de voiture et un peu moins d'un millier, de maladies liées à l'alcool; un plus petit nombre vont se suicider, environ 140 vont être victimes de meurtre et vous pouvez ensuite voir les chiffres concernant l'hantavirus, la maladie de la vache folle, le SRAS et le virus du Nil. Ce ne sont pas des causes importantes de décès. Ce sont des problèmes de santé qui posent des défis importants, mais ils ne font pas beaucoup de victimes. Si on s'intéresse seulement aux maladies infectieuses, d'autres problèmes peuvent nous échapper. Je comprends les questions dont le comité est saisi et l'objet de son étude, mais il faut replacer les choses dans leur contexte.

Il y a eu beaucoup d'études et de discussions sur notre capacité en santé publique. Il est clair qu'il existe au Canada des compétences de calibre international et que certains de nos spécialistes comptent parmi les plus éminents dans le domaine de la santé publique, mais la capacité varie d'une région à l'autre du pays. Le personnel expérimenté du centre de la Colombie-Britannique accomplit un travail de pointe. Nous avons demandé l'aide des experts du centre de la Colombie-Britannique et de celui de Guelph quand nous avons eu des problèmes à North Battleford. Le centre de Guelph est fédéral. Il n'y a pas d'établissement de ce genre dans toutes les provinces, et il faut trouver des moyens de mieux collaborer pour régler les problèmes de capacité.

Le système dispose de moins de ressources, tant humaines que financières, à tous les niveaux. Santé Canada ou les ministres provinciaux ne sont pas en mesure de coordonner les stratégies, développer le savoir-faire et obtenir l'information qui va aider les médecins qui travaillent en région — ce que je fais maintenant — à régler les problèmes. Il y a un manque de leadership dans le domaine de la santé publique et une mauvaise compréhension du secteur. S'il y a une épidémie, on sait quoi faire. S'il y a un inspecteur dans votre restaurant, vous le savez aussi. Ces cinq grandes fonctions dont le Dr Massé a parlé font partie de la santé publique et il y a une infrastructure au Canada à ce sujet.

Ensuite, c'est la santé personnelle qui a pris le dessus, au détriment d'autres questions de santé, malgré les faits et les solutions connues.

La gestion des programmes d'assurance détourne notre attention. Les gouvernements consacrent beaucoup d'énergie à gérer les coûts et les problèmes de financement des soins de santé au Canada. C'est donc dire qu'on élabore beaucoup de politiques pour les hôpitaux, les services cliniques et les listes d'attente et moins pour expliquer pourquoi les gens sont en santé et déterminer ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses.

Nous pensions avoir remporté la lutte contre les maladies transmissibles. Or, même si, à bien des égards, nous avons réussi à le faire, nous demeurons confrontés à des problèmes énormes et sans cesse croissants, puisqu'il y a de plus en plus de maladies infectieuses qui se manifestent. Nous voyons aussi apparaître des liens avec des maladies qui étaient jugées plutôt rares.

Il est intéressant de voir l'impact qu'ont les maladies infectieuses. Les quatre maladies que nous avons mentionnées sont d'origine animale. Ce sont des maladies qui peuvent se transmettre, et qui se transmettent effectivement, à l'homme. La plupart des grandes épidémies qui ont frappé le monde étaient d'ailleurs d'origine animale.

Songeons à ce qui s'est passé dans les Amériques, où 90 à 95 p. 100 de la population a été décimée par des maladies infectieuses moins de 200 ans après l'arrivée de Colomb. Les grands animaux domestiques vivant à proximité des humains, en Europe et en Asie, y étaient pour quelque chose. La rougeole, la tuberculose, la variole et la grippe sont toutes des maladies d'origine animale auxquelles les populations se sont adaptées dans une certaine mesure. Toutefois, lorsque les habitants des Amériques y ont été exposés, 90 à 95 p. 100 de ceux-ci en sont morts. Il en ira de même pour les nouvelles maladies, ou la prochaine pandémie. Le SRAS sera considéré comme une maladie bénigne dans ce contexte. De manière générale, c'est parce que nous avons négligé le système de santé publique que nous sommes confrontés à des problèmes et que la santé des Canadiens est de plus en plus compromise.

Troisièmement, les incidents de North Battleford et de Walkerton montrent que nous sommes capables de venir à bout d'une épidémie, mais de façon ponctuelle. Le système de santé publique ne peut composer avec plusieurs épidémies à la fois. De plus, il faut intervenir rapidement et non laisser traîner les choses, et éviter aussi que l'épidémie prenne de l'ampleur, comme ce fût le cas avec le SRAS à Toronto. Le système est incapable de lutter sur plusieurs fronts en même temps. Quand il est appelé à le faire, tout le reste s'écroule.

C'est moi qui étais le médecin hygiéniste en chef quand l'incident de North Battleford s'est produit. Le médecin hygiéniste en chef adjoint s'est occupé du dossier pendant un an. En fait, de nombreuses personnes n'ont fait que cela. J'y ai consacré entre 20 et 30 p. 100 de mon temps, en plus de participer à des enquêtes, ainsi de suite. Cela nous empêche de nous concentrer sur une foule d'autres questions. Nous n'avons pas la capacité voulue pour faire les deux.

Passons maintenant à la prochaine diapositive, où il est question des principes. Essentiellement, les maladies infectieuses ne tiennent compte ni des frontières, ni des susceptibilités. La plupart des personnes considèrent la santé publique comme un bien public. Elles estiment que les gouvernements à tous les paliers ont un rôle à jouer dans ce domaine. Les mesures d'action, pour être efficaces, doivent être coordonnées. Or, nous devons laisser de côté nos divergences d'opinion si nous voulons être en mesure d'intervenir efficacement.

Souvent, les travailleurs de première ligne doivent s'occuper des évaluations de suivi, du dépistage des contacts, ainsi de suite. Le lendemain, ils doivent, par exemple, soigner des bébés, prendre part à des programmes de développement communautaire ou encore de lutte contre le tabagisme.

Quand nous parlons de la capacité du système, nous faisons allusion à la capacité d'offrir des programmes. Quand nous parlons de la capacité de recherche, nous faisons allusion aux personnes qui ont la formation et les compétences voulues pour effectuer des recherches de cas, composer avec une épidémie et, entre-temps, s'occuper des programmes de prévention des maladies du coeur, du cancer, activités que nous jugeons importantes.

Il se dégage de tout cela un consensus autour de l'idée de créer une agence nationale et de consolider nos acquis. La liste que vous voyez ici illustre les secteurs où nous devons renforcer nos capacités, de même que les secteurs où les efforts laissent à désirer.

Nous devons mettre l'accent sur la facilitation et le leadership en vue d'élaborer des approches et des stratégies coordonnées qui nous permettront de régler les problèmes de santé publique. Il existe des stratégies pour les maladies transmissibles et non transmissibles, sauf que celles-ci ne font pas l'objet d'un suivi rigoureux et soutenu.

Par exemple, on s'affaire à mettre au point une stratégie d'immunisation. Manifestement, les provinces ne sont pas toutes en mesure de fournir des vaccins aux enfants. Certains vaccins, ou même un des vaccins qui vient d'être mis au point coûte plus cher que tous les autres vaccins que nous avons l'habitude d'utiliser. Les vaccins utilisés contre l'hépatite B, les oreillons, la rougeole, la rubéole, la diphtérie, le tétanos, la polio, l'hémophilus et la méningite coûtent, ensemble, environ 180 dollars par personne, si celle-ci veut être protégée sa vie durant. Dans le cas des nouveaux vaccins, une dose coûte autant, ce qui nous pose certains problèmes sur le plan économique.

De nombreuses personnes ont évoqué l'idée de créer une agence nationale de santé publique, peu importe le nom que vous voulez lui donner. Il faut mettre au point un mécanisme qui nous permettrait, ensemble, de coordonner nos activités, de créer des centres d'excellence, de fournir des ressources, autrement dit un système qui nous permettrait de nous attaquer aux problèmes de santé publique de façon plus cohérente que nous ne l'avons fait jusqu'à maintenant.

Pour y arriver, il nous faut évidemment des ressources, et ce, à tous les niveaux. Il n'y a pas suffisamment de médecins agréés au Canada pour remplir tous les postes vacants, sans compter qu'il y en a beaucoup plus en Grande- Bretagne, en Australie et ailleurs. Il n'y a pas suffisamment de spécialistes, de programmes de formation ou encore de médecins pour combler ces lacunes. C'est là une partie du problème. Il en va de même pour les inspecteurs en santé publique et autres professionnels de la santé.

Passons maintenant à la question du leadership aux niveaux interministériel et intersectoriel. Le SRAS a mis en évidence le fait que les ministères sont incapables de prendre rapidement des décisions. Nous devons sans tarder trouver un moyen de régler ce problème. Les salles d'urgence sont dans un état lamentable. Les honorables sénateurs en ont sûrement déjà entendu parler. Nous devons être en mesure de réagir en quelques jours, et non en quelques semaines. Nous avons besoin de plans d'action et d'expertise technique, ressources auxquelles nous n'aurions pas accès en temps normal. Autrement dit, il nous est impossible de mettre la main sur un toxicologue clinique qui serait capable de nous mettre en contact direct avec la Saskatchewan. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour le faire. Toutefois, il nous faut quelqu'un qui sera en mesure de nous fournir des conseils, comme cela se fait en Ontario, en Colombie-Britannique ou au Québec.

Nous devons mettre sur pied un système coordonné de santé publique aux paliers fédéral, provincial, territorial et régional.

Par ailleurs, nous devons être en mesure d'effectuer rapidement des recherches sur les questions urgentes qui touchent la gestion des soins thérapeutiques. Nous ne pouvons attendre de recevoir une demande de propositions au milieu d'une crise de SRAS, ou encore attendre que le CHR nous fournisse des fonds et discute pendant un an et demi ou même six mois de la façon dont ceux-ci seront répartis. Nous devons pouvoir cerner rapidement les mesures de prévention des infections qui sont efficaces, les systèmes qui fonctionnent ailleurs et qui pourraient être utilisés ici, les médicaments et les programmes de santé publique qui donnent de bons résultats. Nous devons pouvoir le faire au moment où des décisions doivent être prises, pas après le fait. Il nous faut un mécanisme qui nous permet de mobiliser rapidement ces ressources. Voilà pourquoi, entre autres, certaines personnes réclament la mise sur pied d'une agence nationale de santé publique. Nous devons également maintenir les contacts internationaux que peuvent établir Santé Canada et le gouvernement du Canada.

La dernière diapositive reprend une citation de Disraeli, que j'aime beaucoup. Elle date d'environ 150 ans.

Le président: Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que nous avons utilisé cette même citation au début du dernier volume de notre rapport.

Le sénateur LeBreton: Docteur D'Cunha, pendant les mois de mars, d'avril et de mai, vous avez essayé de composer avec cette épidémie complexe qu'est le SRAS et avec l'hystérie publique qui l'entourait. Vous avez essayé de calmer le public, tout en restant honnête. J'estime que vous avez fait de l'excellent travail, sauf qu'il y avait beaucoup de confusion entre les cas réels et probables. Un jour, on nous disait que le problème était réglé, et le lendemain, on apprenait que le nombre de cas réels et probables avait augmenté.

À la lumière de ce que nous savons aujourd'hui et maintenant que la crise est passée, pouvez-vous nous dire s'il existe une façon plus précise de signaler les cas réels et les cas probables? Ce problème a également été relevé dans les communiqués de l'Organisation mondiale de la santé.

Le Dr D'Cunha: Comme nous l'avons indiqué, nous avons, jusqu'au 29 mai, utilisé la définition canadienne. Le problème vient du fait que les pays utilisent des définitions différentes. La principale leçon que nous avons tirée de cette expérience, c'est que nous devons nous en tenir à une définition internationale. Nous devons bien préciser les cas que nous comptabilisons. Nous l'avons fait souvent. Le 29 mai, nous avons adopté la définition de l'OMS, et les choses sont tout de suite rentrées dans l'ordre.

En fait, pour moi, il n'y a pas de problème. Toutefois, quand vous essayez d'expliquer quelque chose de complexe et que les gens ne comprennent pas la méthode de calcul que vous utilisez, ils n'arriveront pas à saisir les nuances que comporte la définition.

La définition canadienne était, à juste titre, légèrement différente de celle utilisée par l'OMS. Toutefois, quand des non-initiés, et je ne critique pas les médias, parlent indifféremment de cas probables et de cas soupçonnés, les données risquent d'être mal interprétées. Le problème venait du fait que la définition de l'OMS ne cadrait pas avec la définition canadienne.

Le sénateur LeBreton: J'étais aux États-Unis, en mars, avec mes petits-enfants, quand la nouvelle a commencé à circuler. Chaque fois que je regardais CNN, je comprenais pourquoi les gens cherchaient à éviter Toronto. Ils additionnaient tous les chiffres.

Nous devons être très clairs, et ce, dès le début.

Le Dr D'Cunha: Quand Wolf Blitzer de CNN m'a interviewé et qu'il a commis la même erreur, j'ai contesté ses chiffres, et j'ai reçu des félicitations de la part de certains de vos collègues. Toutefois, ce n'est pas pour cette raison que je soulève ce point.

Le fait est que les médias étaient d'avis que le secteur public cachait des choses, alors qu'il était très ouvert. Les États-Unis ont changé la définition en avril, sans que cela ne cause de remous. Je continue encore de me poser des questions là-dessus, et je ne suis pas un spécialiste des médias.

Le sénateur LeBreton: Le sujet n'était pas assez sensationnaliste. Vous avez fait de l'excellent travail.

Les gens se concentrent sur une question de santé publique, et laissent de côté d'autres enjeux importants. Le problème de la qualité de l'eau à North Battleford et à Walkerton est à la fois une question de santé et une question environnementale. Je me demande si c'est parce qu'on a négligé de prendre des mesures sur le plan environnemental que ce problème en est devenu un de santé publique. Je me demande si les spécialistes de l'environnement et ceux de la santé publique collaborent ensemble.

N'y a-t-il rien qui puisse être fait sur le plan environnemental pour éviter que vous ne vous retrouviez avec un problème majeur de santé publique sur les bras?

Le Dr Butler-Jones: Cela dépend, en partie, du lien que vous établissez entre les deux. À un moment donné, le dossier de l'eau relevait du ministère de la Santé. Il a ensuite été confié au ministère de l'Environnement, comme il se doit.

Les domaines d'expertise et d'intérêt peuvent être différents. Par exemple, quand j'étais médecin et que je pratiquais à Sault Ste. Marie, la SRC a déclaré, dans un reportage, que les poissons trouvés morts dans la rivière avaient été tués par un déversement provenant d'une des usines de papier. J'ai cherché à savoir si quelqu'un avait pris la peine de vérifier si les gens s'approvisionnaient à même cette rivière. On m'a dit que le ministère de l'Environnement ne s'occupait pas des questions de santé. J'ai répondu que moi, je m'en occupais, et que si quelqu'un avait communiqué avec moi, j'aurais fait quelque chose à ce sujet. La communication entre les deux ministères s'est améliorée à partir de ce moment-là. Il doit y avoir un dialogue constant.

Avant l'incident de Walkerton, quand les analyses de laboratoire étaient négatives, le directeur du laboratoire communiquait avec moi. Je rencontrais les représentants du ministère de l'Environnement, le directeur des services d'inspection et les autorités municipales pour discuter du problème. On essayait de voir s'il s'agissait d'un mauvais échantillon, s'il y avait lieu de demander à la population de faire bouillir l'eau ou s'il fallait prendre des mesures plus concrètes.

Lorsqu'on a commencé à envoyer les rapports au ministère de l'Environnement et à la municipalité, et non plus aux services de santé publique, les responsables de la santé se sont retrouvés incapables de dire si quelque chose devait être fait immédiatement.

L'incident de Walkerton a contribué à renforcer la collaboration entre les responsables de la santé et ceux de l'environnement. La plupart des provinces ont maintenant des protocoles: si les analyses de la qualité de l'eau sont positives, on communique avec moi et nous décidons ensemble des mesures à prendre pour régler le problème.

À un moment donné, on tenait pour acquis que les laboratoires s'occuperaient du problème. Cela n'a pas été le cas à Walkerton.

Le Dr D'Cunha: Pour ajouter aux propos de M. Butler-Jones, le gros du travail dans le secteur de la santé publique se fait discrètement, chose que nous avons tendance à l'oublier. Lorsqu'un incident se produit, nous devenons déconcentrés, tout comme la gestion du système d'assurance-santé empêche les gouvernements de se concentrer sur la santé publique.

Il ne faut pas oublier le rôle clé que joue la santé publique sur le plan intersectoriel. Si le gouvernement de l'Ontario a décidé de confier au médecin hygiéniste en chef le poste de commissaire à la santé publique, c'est parce qu'il voulait, entre autres, favoriser de nouveau la collaboration intersectorielle aux plus hauts niveaux décisionnels du gouvernement. À l'heure actuelle, je rencontre régulièrement quatre ministres et leurs sous-ministres.

L'épidémie du SRAS a éclaté cinq semaines après la nomination du commissaire, et cet incident a monopolisé une bonne partie de son temps.

Le sénateur LeBreton: Était-ce à cause de Walkerton?

Le Dr D'Cunha: Non, en fait, c'était à cause d'une étude qui avait été réalisée dans le but d'amener le gouvernement à reconfirmer son engagement à l'égard de la santé publique. Même si cet engagement, à première vue, n'était pas tellement évident, j'ai préparé une série de rapports pour qu'il puisse se rendre compte de l'importance que revêt la question de la santé publique. Comme l'a mentionné M. Butler-Jones, des contacts avaient déjà été établis au niveau local.

La société ne doit pas oublier que les joueurs changent à cause des départs à la retraite, les changements d'emplois, ainsi de suite. Nous devons concrétiser les liens qui existent afin de préserver la mémoire institutionnelle aux niveaux local, provincial, régional et national.

En tant que fonctionnaire, avant d'apporter un changement au système, je dois m'assurer que les contacts établis existent toujours. À défaut de quoi je risque d'être confronté à un problème.

M. Zapp: En Colombie-Britannique, la qualité de l'eau est une question qui relève de la santé publique. La province a adopté, récemment, un règlement pour mieux surveiller la qualité de l'eau potable. Il s'agit d'un programme de santé.

Le sénateur LeBreton: Vous dites que, bien que les contacts aient été rompus, on s'efforce maintenant de les rétablir.

Le sénateur Morin: Monsieur Zapp, je ne citerai pas Disraeli, mais le premier ministre Campbell de la Colombie- Britannique qui a dit, grosso modo:

La façon dont nous avons réagi à la récente épidémie de SRAS montre que les stratégies de lutte contre les maladies que nous avons adoptées en Colombie-Britannique fonctionnent.

Pouvez-vous nous donner des précisions? Quelles sont les stratégies qui ont permis de bien circonscrire l'épidémie?

La Colombie-Britannique a assumé certaines des responsabilités fédérales au cours de l'épidémie du SRAS. Je fais allusion, bien entendu, à la surveillance dans les aéroports. Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de le faire?

M. Zapp: Si nos systèmes de lutte contre les maladies sont efficaces, c'est parce que nous sommes vigilants. On retrouve à Vancouver certains des meilleurs épidémiologistes canadiens. Ils surveillent l'évolution de la situation à l'échelle mondiale. Comme la plupart de ces renseignements sont disponibles, nous les avons analysés.

Lors des réunions parallèles que nous avons tenues, en janvier, j'ai entendu des délégués chinois dire que quelque chose se passait en Chine. À l'époque, personne ne savait quel était le problème, mais la situation commençait à s'aggraver. Nos épidémiologistes ont essayé d'interpréter la conversation, de tirer les choses au clair. Nous avons communiqué rapidement avec les médecins hygiénistes et autres spécialistes de la province.

Notre système de surveillance et d'intervention était déjà en place. De plus, nous avons, depuis longtemps, un système de communication efficace qui permet au bureau de la santé publique d'entrer en contact avec les services de santé provinciaux. Quand nous parlons, ils écoutent.

Le sénateur Morin: Le sigle BCDC veut dire British Columbia Centre for Disease Control. Est-ce exact?

M. Zapp: Oui.

Le sénateur LeBreton: Les témoins nous ont dit, hier, qu'ils avaient entendu parler dès novembre 2002 des problèmes que connaissait la Chine. Vous venez de dire que vous en avez entendu parler en janvier 2003. Comment ces renseignements sont-ils captés par le système? Êtes-vous en mesure d'intervenir quand vous entendez parler d'un problème, même si vous n'avez pas tous les détails? À quel moment informez-vous le centre? Attendez-vous que le problème soit présent sur nos côtes? Existe-t-il une façon de s'attaquer au problème avant qu'il ne nous touche?

M. Zapp: Dès que l'information commence à circuler et devient plus précise, les responsables en font une analyse.

Le sénateur Morin: Je ne veux pas me lancer dans une discussion là-dessus. Passons au rôle du fédéral dans les aéroports.

Le sénateur Morin: Je crois comprendre que vous avez mis sur pied un système pour procéder au contrôle des passagers qui arrivaient à l'aéroport de Vancouver.

M. Zapp: C'est exact.

Le sénateur Morin: L'avez-vous fait en utilisant les ressources de la province?

M. Zapp: Non, nous avons travaillé en équipe.

Le sénateur Morin: Les autres aéroports n'ont pas fait la même chose. Pourquoi avez-vous jugé nécessaire d'assumer cette responsabilité fédérale, c'est-à-dire de contrôler les passagers qui arrivaient à l'aéroport de Vancouver?

M. Zapp: Je ne suis pas contre l'idée, mais je pense que, dans le cas de Vancouver, il s'agissait bel et bien d'une initiative fédérale. Un médecin a été chargé de diriger les activités à l'aéroport pendant quelques mois. Il y avait des personnes de la Colombie-Britannique et sans doute des responsables du centre qui s'occupaient aussi du contrôle des passagers.

Nous avons noté que nous aurions intérêt à mieux nous organiser au cas où d'autres incidents se produiraient. Le gouvernement fédéral a pris les choses en main dès le départ, mais il a eu besoin de l'aide des responsables locaux.

Le sénateur Morin: Docteur D'Cunha, je ne veux pas m'éterniser là-dessus, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez du rôle qu'a joué le gouvernement fédéral lors de la crise du SRAS à Toronto, à la lumière surtout des récentes déclarations du ministère de la Santé de l'Ontario, qui a laissé entendre qu'il aimerait s'occuper du contrôle des passagers qui arrivent à l'aéroport de Toronto, une responsabilité qui relève du gouvernement fédéral.

Ces déclarations, qui ont été publiés dans le Toronto Star de la fin de semaine, mettent l'accent sur l'absence de visibilité et de leadership du gouvernement fédéral lors de l'épidémie qui a frappé Toronto. Pouvez-vous nous dire de façon précise quel rôle le gouvernement fédéral devrait jouer?

Je sais que vous travaillez au niveau provincial, mais qu'a fait le gouvernement fédéral et qu'aurait-il dû faire? À votre avis, qu'aurait dû faire le gouvernement fédéral pour vous aider à venir à bout de l'épidémie du SRAS?

Le Dr D'Cunha: C'est une question de portée très vaste, et je ne veux pas me lancer dans un débat là-dessus. Je tiens toutefois à dire, aux fins du compte rendu, que je dois comparaître devant la commission Campbell, lundi. Plusieurs études sont en cours, et j'attendrai qu'elles soient terminées avant de rédiger mon propre rapport — ou peut-être pas.

Dans l'ensemble, le gouvernement fédéral s'est montré coopératif, et je vais vous donner quelques exemples bien précis, en plus de faire quelques mises en garde. Il s'est montré coopératif quand nous avons fait appel aux épidémiologistes fédéraux qui étaient sur place. Il les a envoyés sans délai. Par ailleurs, quand nous avons demandé à avoir accès à ses installations au cours de ce week-end précis, soit la troisième semaine de mars, le gouvernement a accédé à notre demande immédiatement. Je ne cherche pas du tout à critiquer le gouvernement fédéral, et je ne veux pas vous donner l'impression que c'est ce que je fais. Nous avons noté, pendant l'épidémie, que nous manquions de ressources importantes au niveau local, provincial et national. En deux mots, quand nous avons lancé un appel à l'aide à l'échelle nationale, nous avons constaté que de nombreuses personnes étaient prêtes à nous aider, sauf qu'elles ne pouvaient libérer le personnel qui s'occupe de la mise en oeuvre de ces autres programmes. Nous essayons, en général, de nous entraider.

Quand l'incident de Kinsman s'est produit, en août, Sean Peck a dit qu'il était prêt à nous venir en aide, au besoin. Comme il s'agissait d'une fausse alarme, aucune aide n'a été requise. Nous essayons de nous entraider. Nos capacités sont toutefois limitées. Il y a une chose qui m'a frappé au cours du week-end de Pâques: nous n'avions pas de capacité d'appoint. Je me suis adressé aux autorités provinciales, et j'ai insisté sur la nécessité d'investir dans ce domaine dès le début. Nous n'avons pas, à mon avis, reçu suffisamment de fonds, mais je compte poursuivre mes efforts pour en obtenir plus.

Je me fie également à ce qui se passe sur le terrain. Si nous n'avons pas suffisamment de personnel, nous devons établir un plan à court, à moyen et à long terme, pour réunir les ressources spécialisées qui composeront cette capacité d'appoint.

Le sénateur Morin: Pourquoi le ministre veut-il s'occuper des opérations dans les aéroports, une responsabilité qui relève du gouvernement fédéral?

Le Dr D'Cunha: Je pense qu'en tant que politicien, vous auriez intérêt à lui poser la question.

Le Dr Butler-Jones: Le hasard a voulu que les choses se passent différemment à Vancouver et à Toronto. La personne qui est descendue de l'avion, à Vancouver, était déjà malade. Elle venait de l'Asie du Sud-Est.

À Toronto, la personne est rentrée chez elle. Elle est tombée malade et ensuite, elle est morte. Ce sont ces enfants qui ont fait le voyage de retour. Il n'y avait rien à signaler de leur côté.

Quelques mois plus tôt, une personne en provenance de l'Afrique centrale est arrivée au Canada. Comme elle avait la fièvre, des mesures de confinement ont immédiatement été prises à l'aéroport de Toronto, par crainte du virus d'Ebola.

Donc, le hasard y est pour quelque chose. Il y a aussi le fait qu'à Singapour, par exemple, les suivis visant à identifier les contacts possibles ont été faits en deux jours. À Toronto, il nous a fallu au moins une semaine pour le faire.

Donc, comme je l'ai mentionné, le hasard, entre autres, y est pour quelque chose.

Le sénateur Morin: Je vais dire au premier ministre Campbell d'en faire mention dans sa déclaration.

J'ai discuté avec le Dr Massé de la possibilité de mettre sur pied une agence fédérale pour réagir aux épidémies comme le SRAS. Comme vous le savez, il existe deux modèles. Le modèle québécois a un mandat très vaste. Si j'ai bien compris, le système mis sur pied en Colombie-Britannique s'attaquait d'abord aux maladies infectieuses, aux empoisonnements et aux produits radioactifs. D'autres maladies sont venues s'ajouter à la liste.

Quel rôle jouerait la province si son système était intégré à celui de l'agence? Les enjeux et les ressources se situent au niveau provincial. Il y a également la question de la compétence. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral accepterait que les provinces prennent des décisions et utilisent leurs propres ressources. C'est là peut-être le problème principal qui se pose. À quoi ressemblerait la nouvelle agence, si elle était créée?

M. Zapp: On parle souvent d'un «réseau d'agences».

Il nous faut des spécialistes, qui sont difficiles à trouver, pour ce travail. De plus, nous ne pouvons nous permettre de mettre sur pied un système dans chaque province. Cela coûterait trop cher. Toutefois, comme nous l'avons mentionné, nous aimerions partager nos connaissances avec nos collègues à l'échelle nationale, et la technologie moderne nous permet de le faire sans problème.

Il y a un autre point que j'aimerais signaler et qui n'est pas très évident. Le plus grand changement qui s'est produit, c'est lorsque notre agence est devenue autonome, sauf qu'elle était tenue de rendre des comptes au gouvernement, de remplir les attentes d'un conseil mis sur pied par le gouvernement, même si elle n'était pas considérée comme une agence gouvernementale. C'est à ce moment-là que nous avons pris conscience de notre responsabilité et de notre capacité à livrer, de façon autonome, des services de manière tout à fait efficace.

Le sénateur Morin: Fonctionnez-vous toujours selon ce même système?

M. Zapp: Oui.

Le sénateur Morin: Est-il très efficace?

M. Zapp: J'ai travaillé pendant 10 ans pour le ministère de la Santé, et 10 ans pour une agence indépendante, et la différence est énorme.

Le président: Dans quel sens?

M. Zapp: Nous avons la possibilité d'intervenir rapidement. Le ministère, lui, doit agir avec une plus grande prudence quand il prend des mesures. Par exemple, le travail que nous avons effectué à Vancouver dans le domaine de la prévention du VIH a été reconnu de par le monde. Cela nous a permis de travailler au Vietnam. Le Vietnam est un pays aux besoins énormes. J'ai été en mesure de dire au directeur qui voulait fournir ce genre de services et apprendre à mieux connaître ce groupe à risque: «Allez-y». Je n'aurais pas été en mesure de dire une telle chose quand je travaillais pour le ministère provincial, en raison de toutes les démarches intergouvernementales, ainsi de suite, qui doivent être entreprises avant d'intervenir dans un domaine.

Le Dr D'Cunha: Je conçois le centre national de santé publique un peu comme l'organisme qu'a créé le Québec à ce niveau-là. Son concept est analogue à ce que vient de décrire M. Zapp. Il faut que l'organisme soit capable de réagir rapidement.

Pour ce qui est de l'interaction avec les provinces et les territoires, comme l'a dit le Dr Massé, des pourparlers préalables ont déjà eu lieu pour bien définir les rôles. Même si l'on prend souvent l'aspect juridique à la légère, dans le cas du SRAS par exemple, nous en avons tout de même fait une maladie transmissible à déclaration obligatoire en mars. Par conséquent, la loi en matière de santé publique s'appliquait jusqu'au niveau du médecin conseil en santé publique local. Même si nous n'avions pas défini le SRAS comme une maladie transmissible et virulente à déclaration obligatoire, le ministre ontarien de la Santé, de par la loi, et le médecin hygiéniste en chef étaient autorisés à le faire. J'en avais le pouvoir dès mon entrée en fonction. La loi comporte une disposition qui me permet de traiter de toute maladie infectieuse. Ce n'est pas parce que la maladie n'est pas nommée dans la loi ou qu'elle est nouvelle que je n'ai pas le pouvoir législatif de le faire.

Pour faciliter les choses, plutôt que de concentrer le pouvoir exclusivement à Toronto ou ailleurs, une fois que l'entité morbide a été connue, nous avons rempli la paperasse nécessaire pour l'intégrer au cadre législatif. De cette façon, nous ne sommes pas vulnérables.

Jusqu'à ce que Santé Canada modifie le règlement sur la quarantaine, l'Ontario était la seule province où la loi s'appliquait à la variole. La loi ontarienne ne lie pas l'État fédéral, ce qui pose un défi en quelque sorte, car dans le monde complexe que représente le fédéralisme canadien, certaines entités relèvent de la compétence fédérale, par exemple les chemins de fer, les compagnies d'assurance et les banques. Je ne suis pas de ceux qui croient qu'il faut laisser la loi entraver ce qui est essentiellement du bon travail. Il faut en être conscient, planifier en conséquence et mettre ce qu'il faut en place. Je conçois les rapports comme étant des rapports de collaboration et d'accroissement de la capacité. S'il y a une chose que nous savons maintenant, c'est qu'il faut avoir la capacité voulue en santé publique.

Le Dr Butler-Jones: En ce qui a trait au SRAS, nous étions au courant en novembre. L'Organisation mondiale de la santé avait été mise au courant de son existence, mais de façon officieuse, de sorte qu'elle ne pouvait pas agir. C'est pourquoi elle a modifié son règlement, de manière à pouvoir enquêter sur les éclosions plutôt que de laisser la situation durer pendant des mois.

De nombreuses autres petites éclosions comme celles-là surviennent constamment dans le monde. La plupart sont sans conséquence. Par exemple, pendant la crise du SRAS, la Hollande était touchée par la peste aviaire.

Pour ce qui est du centre national, il faut qu'il mise sur la collaboration. Il faut qu'il y ait en place un organisme consultatif général lié au gouvernement fédéral. Il doit lui prodiguer des conseils généraux. Son rôle consiste à assurer un leadership stratégique, à offrir du soutien et à faire de la facilitation. Il fournit les ressources, qu'il s'agisse de fonctionnaires d'organismes provinciaux ou régionaux ou d'une combinaison des deux, les subventions et autres moyens pour tenter essentiellement de mettre sur pied un système de collaboration. Certains seront d'accord, d'autres pas. Cependant, au beau milieu d'une crise par exemple, aux États-Unis où il existe un centre de contrôle des maladies, les États individuels ne prétendent pas vouloir régler les problèmes eux-mêmes. Cela est attribuable en partie à la crédibilité, à l'expertise, aux ressources et à l'expérience du centre qui peuvent être appliqués au problème et qui ne sont pas disponibles au niveau de l'État.

L'opportunité est un enjeu. Par exemple, si Newsworld de CBC appelait le Dr Paul Gully et lui demandait de discuter d'une question pressante dont on a eu vent, je ne crois pas qu'il pourrait accorder une entrevue. Or, quand un problème se pose, la Dre Julie Geberding, directrice du centre de contrôle des maladies, passe sur toutes les chaînes. Elle offre constamment de l'information aux médias. Au besoin, elle peut s'entretenir avec les gouverneurs des États.

Je répète qu'il faut tenir compte du processus politique et le respecter.

Le sénateur Callbeck: Vous avez entendu les échanges de ce matin avec le Dr Massé au sujet de l'injection par le gouvernement fédéral de plus de ressources en santé publique. Un moyen mentionné était que le gouvernement fédéral paie un certain pourcentage. Un autre serait que le gouvernement fédéral défraie l'intégration de personnes compétentes dans les systèmes existants. Quelle forme devrait prendre cette contribution fédérale?

Le Dr D'Cunha: Tout d'abord, les contributions de tous les niveaux de gouvernement sont les bienvenues parce que tous y ont un enjeu.

Mes vues ne sont pas forcément celles du gouvernement de l'Ontario. Je vais tout de même vous donner mon opinion en tant que médecin hygiéniste en chef et professionnel de la santé publique. À mon avis, les deux modèles sont valables. Comme l'a affirmé le Dr Massé, il s'agit d'en discuter.

Aussi longtemps que ces renforts viennent et qu'ils sont efficaces. On ne verse pas d'argent si l'on ignore ce que l'on obtient en retour. Réfléchissez-y pendant quelques instants. Quand vous vous présentez au magasin pour faire un achat, vous souhaitez savoir ce que vous achetez au juste. Il faut donc que vous en discutiez avec le représentant du magasin.

Supposons que je suis en Saskatchewan et que le gouvernement fédéral décide d'y placer des fonctionnaires fédéraux. Je n'aurai qu'une question à poser, une question très concrète: qui en assume la direction et le contrôle? À vrai dire, peu m'importe qui paie leur salaire. Si la province n'assume pas la direction et le contrôle, je demanderai alors à ce qu'on négocie un protocole. Comme exemple, je vous renvoie à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Ce n'est pas forcément un bon modèle parce qu'il y a parfois des conflits d'intérêts, étant donné qu'elle fait retirer des aliments du marché tout en faisant la promotion de l'agriculture. Toutefois, l'Agence d'inspection des aliments a négocié une entente, à priori, avec les diverses juridictions. Actuellement en Ontario, il existe des protocoles de rappel des aliments auxquels sont parties l'Agence canadienne d'inspection des aliments et nous-mêmes. Il existe une disposition standard qui prévoit une aide et une assistance réciproques et qui décrit clairement la structure de commandement. Ainsi, fait-on appel aux règlements de l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour faire retirer un produit ou invoque-t-on plutôt le règlement sur la santé publique, auquel cas les responsabilités sont bien définies?

Le Dr Butler-Jones: Il faut faire un peu des deux. Actuellement, nous avons des épidémiologistes fédéraux sur le terrain qui travaillent de concert avec les gouvernements provinciaux, voire au sein d'organismes régionaux. Ils font partie de l'organisme, mais le gouvernement fédéral se réserve le droit de les retirer si une situation d'urgence survenait et ils continuent également de s'acquitter de certaines responsabilités nationales. C'est là une ressource ajoutée pour laquelle on fournit, habituellement, le local et ainsi de suite.

Nous avons déjà en place dans cette région quelques éléments de ce modèle qui se rapproche de celui des États-Unis, mais ils ne sont pas très nombreux et n'ont pas beaucoup d'envergure. La plupart d'entre nous n'en ont pas. La dernière fois que la Saskatchewan en a eus, c'était il y a cinq ans. Il existe des postes qui pourraient servir à cette fin, de manière à donner une certaine latitude.

La question du coût partagé vient aussi s'y greffer, parce que la différence entre les infrastructures pose problème. Le Dr Massé a parlé du besoin d'adapter le système aux besoins de la région, aux autres capacités et ainsi de suite. Si je prends pour exemple le système actuel dans les Prairies, il existe certains postes, mais nous n'aurons jamais un centre régional des Prairies. Toutefois, nous aimerions pouvoir avoir accès à l'expert de la Colombie-Britannique, de l'Ontario ou du Québec. Cela exige beaucoup de négociations, de pourparlers et une certaine idée de ce qu'on veut en obtenir, de ce qu'on tente d'accomplir et des avantages qu'en retirera la population.

M. Zapp: Voilà une question difficile. Ce n'est pas simplement une question d'argent. Le système de santé publique a effectivement été négligé pendant longtemps. Il n'obtient que 2 ou 3 p. 100 des dépenses totales consacrées aux soins de santé au Canada. Nous pouvons faire mieux. La Colombie-Britannique peut faire mieux. Nous pouvons faire mieux en tant que collectivité. Quelle serait la meilleure pratique? Quelles ressources faut-il prévoir à cette fin? Comment se dote- t-on d'une capacité de crise fournissant une performance égale à ce qu'on obtiendrait s'il n'y avait pas de crise? Tout est à faire. Il n'existe pas de modèle idéal. Celui de la Colombie-Britannique ne l'est pas, pas plus que celui du Québec. Pouvons-nous apprendre les uns des autres et rendre compte de l'atteinte de certains objectifs nationaux? Bien sûr que nous le pouvons.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Zapp, dans votre mémoire, là où il est question de budget, vous avez parlé de l'exécution de 40 000 ordonnances. Comment sont-elles exécutées?

M. Zapp: Ce nombre renvoie au nombre d'ordonnances exécutées pour le traitement de la tuberculose. Nous fournissons essentiellement ces services, par exemple pour les maladies transmissibles sexuellement. Je crois que cette donnée est un peu désuète. Nous nous occupons aussi des soins de dialyse pour les provinces.

Le sénateur Morin: J'aimerais revenir sur la question des ressources humaines au niveau provincial. Docteur D'Cunha, vous avez affirmé qu'il s'agissait d'un grave problème. Quelle est votre opinion à ce sujet? Comment pouvons-nous y pallier? Que peut faire le gouvernement fédéral pour aider à redresser la grave pénurie de ressources humaines et l'état général de la santé publique au niveau provincial?

Le Dr D'Cunha: Je dirais au nom de tous les médecins hygiénistes en chef qu'il faut se doter d'une stratégie à court, à moyen et à long terme. Nous avons eu des échanges et des pourparlers, non pas uniquement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec les provinces et les territoires, les universités, les instituts polytechniques et les collèges communautaires. Nos ressources de santé publique sont formées dans plusieurs contextes différents. Il faut prendre garde de ne pas faire une sélection minutieuse et de voler aux autres juridictions les ressources qui nous permettront de régler nos problèmes mais qui en créeront d'autres ailleurs. C'est toute la notion des ressources humaines consacrées à la santé publique qu'il faut examiner dans un contexte plus général.

À court terme, il faut privilégier les moyens rapides de formation continue. Santé Canada a fait oeuvre de pionnier dans ce domaine et travaille au transfert des compétences dans le cadre des projets de perfectionnement. C'est là la solution rapide à court terme.

En faisant appel aux universités, aux collèges communautaires et aux instituts polytechniques, il faut mettre en place une plus grande capacité d'enseignement, prévoir plus d'espace pour enseigner et envoyer certains d'entre nous qui travaillons sur le terrain en tant qu'ambassadeurs dans les établissements de niveau secondaire pour que les étudiants sachent qu'une carrière en santé publique est aussi dynamique et concurrentielle que celle d'un directeur de banque. C'est ainsi que nous pourrons commencer à attirer des jeunes dans le domaine. Par contre, les avantages de cette stratégie ne se feront sentir que dans cinq ou dix ans.

Enfin, il faut se tenir à l'affût de personnes qui envisagent un changement de carrière et qui ont les compétences de base, fort probablement dans le secteur de la santé. Je vais prendre la profession d'infirmier comme exemple, non pas parce que je veux en faire un cas, mais pour faire valoir un point.

Le sénateur Morin: Qui travaille dans ce domaine?

Le Dr D'Cunha: Ceux qui travaillent en santé publique sont des médecins de santé publique. Ils sont peu en termes de pourcentage par rapport à toute la population active. La moitié environ sont des infirmières spécialisées en santé publique; entre 30 et 40 p. 100 sont des inspecteurs de santé publique. Il ne faudrait pas oublier non plus, dans les provinces qui offrent ce genre de services, les dentistes et hygiénistes spécialisés en santé publique.

Ce ne sont pas toutes les provinces qui souhaitent le faire. La santé publique est le parent pauvre du système de santé. Quand l'économie va mal, la volonté de payer certaines choses décroît en règle générale, et les gouvernements, quel que soit le parti au pouvoir, commencent à accorder moins d'importance à certaines dépenses, de sorte que ce domaine est immédiatement privé de fonds. C'est ce qui s'est produit en ce qui concerne l'art dentaire en santé publique. Les nouvelles compétences en matière de santé publique sont en rapport avec les maladies chroniques et l'épidémiologie. Voilà. Il y a la promotion de la santé, l'information en matière de santé, la saine alimentation et l'épidémiologie. Sans des compétences névralgiques en épidémiologie, vous n'avez pas les compétences voulues pour analyser les données.

Je me suis servi de la profession d'infirmier comme exemple pour souligner que la subtile différence qui distingue l'infirmière ordinaire de l'infirmière en santé publique a sa raison d'être. Du personnel infirmier de première ligne souhaite faire avancer sa carrière ou en changer et aimerait faire le saut du traitement à la prévention. Il faut concevoir des modules de formation à son intention. Nul d'entre nous ne peut le faire seul. Il faut y travailler collectivement.

Le sénateur Cook: Le fait qu'il n'y ait pas d'établissement consacré à l'enseignement en santé publique au Canada a- t-il beaucoup d'influence sur la mise en place de la capacité dont vous parlez?

Le Dr D'Cunha: Nous pouvons commencer à nous doter d'une capacité tout en cherchant à établir une école de santé publique. Certaines universités canadiennes réunissent certains éléments requis pour la mise en place d'une telle école. Ainsi, l'Université de la Colombie-Britannique et l'Université de l'Alberta ont des compétences en santé publique. Le Dr Butler-Jones me corrigera si je fais erreur, mais je crois que l'Université de la Saskatchewan en a aussi. En fait, en plus de la Saskatchewan et du Manitoba, l'Ontario, le Québec et les Maritimes en ont. Je ne voudrais pas vous induire en erreur en vous donnant l'impression que tout est là, mais on peut tout de même commencer à se doter d'une capacité tout en essayant de mettre en place un système complet.

Le sénateur Cook: À quel point cela est-il essentiel à la masse critique dont nous parlions?

Le Dr D'Cunha: Jusqu'à un certain point, c'est essentiel, mais il ne faudrait pas que cela nous empêche de lancer le processus.

Le Dr Butler-Jones: L'ancienne école d'hygiène de Toronto est passée au service de médecine communautaire et au service de santé communautaire et d'épidémiologie. Nous comptons certains éléments des écoles de santé publique que vous trouveriez aux États-Unis dans les facultés de soins infirmiers et de médecine et dans des facultés mixtes. Les médecins de santé publique sont par exemple formés dans la plupart des écoles de médecine. Elles offrent des programmes de résidence et ainsi de suite.

Harvey Skinner, de l'Université de Toronto, et d'autres cherchent à mettre sur pied une école virtuelle de la santé publique au Canada. Ainsi, l'Université de l'Alberta joue actuellement avec l'idée du télé-enseignement. Je négocie avec l'Université de l'Alberta et l'Université de la Saskatchewan en vue de former, du moins au niveau de la maîtrise, des médecins qui souhaitent travailler en santé publique mais qui ne sont pas en mesure de faire la résidence de quatre ans dans leur spécialité. Il existe plusieurs moyens de régler le problème, mais il faut sortir des ornières de la faculté et de l'université pour le faire.

M. Zapp: Quand nous réfléchissions au concept qu'a adopté la Colombie-Britannique, nous sommes allés aux États- Unis pour nous entretenir avec des représentants du centre de contrôle des maladies d'Atlanta et pour nous renseigner sur les rapports entre le centre et Emory University. Nous nous sommes également rendus dans un établissement plus local de Caroline du Nord où nous avons constaté l'existence d'étroits rapports avec l'Université de la Caroline du Nord. Il est essentiel d'insister là-dessus pendant que nous mettons en place un réseau, de manière à ce que les universités et les collèges soutiennent son développement.

Le président: Je vous remercie tous d'être venus. Quand je pense à la diapositive illustrant le processus décisionnel auquel étaient soumises la coordination et la gestion du SRAS en Colombie-Britannique, je m'étonne qu'on ait réussi à faire quoi que ce soit.

M. Zapp: C'est un tableau tridimensionnel.

Le président: Non seulement il n'y avait personne en charge, mais il n'y avait personne non plus qui savait vraiment ce qui se passait.

M. Zapp: C'est l'espace qui a été laissé en blanc.

Le président: Ce que vous êtes parvenu à faire en dépit de cet organigramme m'indique que bien des choses se produisent à l'extérieur de la structure organisationnelle habituelle.

J'ai été très intrigué par ce qu'a dit M. Zapp, soit qu'il y a bien des choses qu'il fait et qu'il ne pourrait pas faire s'il était à l'emploi du gouvernement. En tant qu'ex-sous-ministre fédéral et provincial, je sais exactement de quoi il parle. En réalité, la seule chose que le gouvernement est structurellement incapable de faire est d'élaborer une structure de prise de décision qui ne correspond pas à la routine habituelle. Or, en pleine crise, c'est exactement ce qu'il faut.

J'examine ce tableau, et il ne fait que renforcer ce que je pense. Il m'indique aussi que, quelles que soient les recommandations finales du comité, il est clair qu'en temps de crise, il vaut mieux que l'organisme ne soit pas dirigé par des bureaucrates. En d'autres mots, il vaut mieux que la personne en charge se trouve à l'extérieur du système.

J'aimerais que vous fassiez une chose pour moi, mais je n'ai pas besoin d'une réponse officielle tout de suite. J'aimerais savoir qui fait partie de votre conseil et comment les administrateurs sont nommés. J'aimerais connaître les rapports qui existent entre vous et le gouvernement qui vous a nommé parce qu'il me semble que, quelle que soit la formule, elle est efficace. Vous êtes capable de fonctionner en dehors de la structure bureaucratique de base. Pouvez- vous prendre quelques instants pour nous en parler?

M. Zapp: La formule est en pleine évolution. Nous avions un conseil indépendant dont les membres étaient nommés par le ministre de la Santé conjointement avec Perry Kendall, l'agent de santé provincial. Nous sommes bien branchés sur les intérêts provinciaux et sur les nominations au conseil. Nous sommes actuellement en période de transition et devons bientôt passer au Provincial Health Authority Board, un des six organes créés en Colombie-Britannique et pour lesquels les nominations sont faites, encore une fois, par le gouvernement de l'heure. Il n'existe en réalité que depuis un an. Je suis employé de la société sans but lucratif qui rend des comptes aux administrateurs.

Le président: Quelqu'un a parlé, je crois, d'un «centre national de santé publique». Si ce conseil, sous une forme ou une autre, incluait tous les médecins en chef des provinces, j'ai l'impression que vous pourriez accomplir beaucoup tout en demeurant à l'extérieur de la structure, même si le conseil était structuré de telle façon que certains membres auraient le droit de vote et d'autres, pas. L'un d'entre vous est médecin hygiéniste en chef et l'autre l'a déjà été. Est-ce que cela permettrait de contourner la bureaucratie tout en assurant la coordination dont il a été question?

Le Dr D'Cunha: J'ai toujours été entièrement libre de m'acquitter de mes obligations professionnelles comme je l'entends. Jusqu'à la fin de cette année-ci, j'étais directeur et je suis maintenant commissaire et sous-ministre adjoint. Pour cet aspect de mon travail, quand je veux dépenser des ressources, il faut que je me conforme aux façons de faire et aux politiques de la fonction publique. Je peux autoriser l'affectation de certains fonds d'urgence, mais il faudrait que j'en justifie chaque cent selon les règles s'appliquant à la fonction publique et, parfois, cela pose un problème. Je ne veux pas vous sembler naïf et vous laisser croire qu'on peut dépenser l'argent comme on veut et sans tirer. De toute évidence, les sociétés d'État, les organismes sans lien de dépendance, appelez-les comme vous le voulez, ont leurs avantages. Il existe des organismes comme l'Agence canadienne d'inspection des aliments, au niveau fédéral, qui permettent de le faire.

Le président: Que pensez-vous de l'idée de faire l'intégration en passant par le conseil, c'est-à-dire d'avoir au sein de cet organe les personnes qui ne travaillent pas pour la province?

Le Dr D'Cunha: Je dirais qu'il faudrait qu'il y ait, en plus des médecins hygiénistes en chef des provinces, d'autres personnes de l'extérieur du gouvernement qui travaillent en santé publique, car c'est essentiel. Je parle notamment de chercheurs universitaires, de certains spécialistes du domaine.

Le Dr Butler-Jones: Une petite anecdote en passant. Le nombre de cas d'hépatite A augmentait, et une nouvelle éclosion s'annonçait tous les dix ans. Presque chaque enfant de moins de 15 ans dans le Nord, dans les collectivités autochtones, contracte l'hépatite A. Quelques-uns en meurent. Nous avions un nouveau vaccin. J'en discutais avec les instances de santé des Premières nations et avec nos instances régionales et il a été décidé qu'une campagne de vaccination coûterait 125 000 $. Nous avons pris la décision au bout de deux réunions. Nous avons acheté le vaccin et nous avons essentiellement éradiqué l'hépatite A au sein des Premières nations. Je me suis fait taper sur les doigts pour cela. S'il avait fallu passer par la bureaucratie, nous serions encore en train de décider s'il faut que le gouvernement fédéral en paie une partie, parce qu'il s'agit de peuples autochtones et ainsi de suite. Toutefois, c'est un cas isolé, et tous ne peuvent agir ainsi. Nous ne voyons pas tous notre travail ainsi.

Pour ce qui est de la structure consultative, je ne vois pas tant un conseil des médecins hygiénistes en chef pour administrer le centre, bien qu'il s'agisse d'un des groupes liés au fonctionnement de l'organisme, qu'une espèce de conseil consultatif qui inclurait des représentants fédéraux et provinciaux ainsi que certains experts de l'extérieur chargés de voir à la mise en place du centre. En fin de compte, nous ferions rapport au ministre de la Santé, et il existerait des liens avec les processus fédéraux-provinciaux-territoriaux normaux. Toutefois, le conseil serait composé de personnes choisies à cause de leurs points de vue, de leurs compétences et de leur connaissance des grands enjeux auxquels fait face le Canada dans cette tâche immense.

Le sénateur Morin: Voilà qui est fort bien dit.

Le président: Docteur D'Cunha, c'est bien ce que vous tentiez de faire comprendre?

M. Zapp: Wynne Powell, président de notre organisme provincial de santé publique, est à la tête de London Drugs. Il conçoit tout à fait différemment la façon dont nous devrions fonctionner. Par exemple, il a au bout des doigts, quand il commence sa journée le matin, le volume exact des ventes de la veille et des tableaux, toutes les données dont il se sert pour prendre des décisions dans le meilleur intérêt de London Drugs.

Ce que j'essaie de dire, c'est que nous avons selon moi beaucoup à apprendre des autres industries. Leur présence à la table où on leur décrirait nos problèmes et où ils pourraient appliquer des technologies et des idées qui ont eu du succès dans leur propre marché pourrait être utile.

Le président: Je sais que nous avons absorbé beaucoup plus de votre temps qu'il n'avait été prévu. Je vous remercie énormément.

La séance est levée.


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