Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 4 - Témoignages du 13 février 2003
OTTAWA, le jeudi 13 février 2003
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion, se réunit aujourd'hui à 10 h 47, dans la pièce 256-S de l'édifice du Centre, sous la présidence de l'honorable Joan Fraser (présidente).
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre notre examen du projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion.
[Français]
Il s'agit d'un projet de loi privé qui a été considéré au cours de la dernière session du Parlement et que nous reconsidérons en ce moment.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à M. Rosenzveig et à M. Lacombe. Je sais que des représentants du CRTC ont comparu devant le comité lors de l'examen du projet de loi S-7 au cours de la dernière session. Messieurs, nous vous sommes reconnaissants d'être venus témoigner encore une fois.
M. Allan Rosenzveig, avocat général, Télécommunications, Contentieux, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: Je vous remercie, honorables sénateurs, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. J'ai une vaste expérience des processus d'adjudication de frais en télécommunications. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Tony Lacombe, directeur exécutif intérimaire de la radiodiffusion, au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). M. David Colville, vice-président des télécommunications, avait comparu devant le Comité sénatorial des transports en mai 2001 pour présenter des observations sur le projet de loi S-7, version précédente de l'actuel projet de loi S-8. À ce moment, M. Colville était président intérimaire du CRTC.
Jean-Pierre Blais, alors directeur exécutif de la radiodiffusion, avait comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes au printemps 2002, lors de l'examen du projet de loi S-7. J'étais présent à ces deux occasions.
Aujourd'hui, je vous décrirai brièvement l'expérience que le CRTC a acquise en matière d'adjudication des frais lors des processus de télécommunications et M. Lacombe vous expliquera comment le CRTC obtient actuellement des informations dans le secteur de la radiodiffusion. Nous espérons qu'il restera ensuite assez de temps pour des questions, auxquelles nous répondrons de notre mieux.
Les honorables sénateurs ont demandé des renseignements généraux sur les organismes qui comparaissent devant le comité. Établi par le Parlement en 1968, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, est un organisme public indépendant, constitué en vertu de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Nous sommes responsables des télécommunications, dont la réglementation a été transférée au Conseil en 1976. Peu après, en 1977, nous avons commencé à attribuer des frais dans le domaine des télécommunications.
Le CRTC rend compte de ses activités au Parlement, par l'entremise de la ministre du Patrimoine canadien. Par rapport au reste de l'administration fédérale, le CRTC est un très petit organisme. Il compte environ 400 employés, répartis entre l'administration centrale située dans la région de la capitale nationale, à Gatineau, et sept bureaux régionaux.
Le CRTC est investi du pouvoir de réglementer et de surveiller tous les aspects du système canadien de radiodiffusion de même que du pouvoir de réglementer les entreprises et les fournisseurs de services de télécommunications qui sont du ressort fédéral.
Ces pouvoirs découlent, d'une part, de la Loi sur la radiodiffusion et, de l'autre, de la Loi sur les télécommunications.
[Français]
M. A. R. Lacombe, directeur général, Exploitation de la radiodiffusion, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: Madame la présidente, le Conseil estime que la participation du public à nos instances nombreuses et variées est un mécanisme important qui nous permet d'enrichir nos décisions et de mieux cerner, sur une base individuelle, ce qui est dans l'intérêt du public.
Les audiences du CRTC permettent largement au public de se prononcer. De plus, l'ère de l'électronique a permis au conseil d'améliorer son système Internet ainsi que les dépôts électroniques des documents afin de les rendre accessibles au public.
Le Conseil s'est employé à améliorer son site Internet et facilite ainsi la tâche pour la recherche, l'accès et la consultation de l'information contextuelle propre à chaque décision.
Le CRTC tient des audiences publiques dans différentes régions du pays dans le but de favoriser la participation locale. Ces dernières années, le conseil s'est efforcé de mettre davantage l'accent sur les audiences régionales.
À titre d'exemple, le CRTC tient actuellement à Montréal une importante audience de radiodiffusion qui a débutée lundi le 3 février dernier. L'audience doit se terminer la fin de semaine prochaine. Donc, trois semaines d'audience. Notre président, Charles Dalfen, préside le comité d'audition de Montréal et vous prie de l'excuser de ne pouvoir être ici aujourd'hui.
Les 29 demandes inscrites à ces délibérations ont fait l'objet de 1 538 interventions écrites et verbales.
L'an dernier le conseil a tenu des audiences publiques pour étudier environ 75 différentes demandes. Six d'entre elles ont été tenues sur les lieux, dans les régions concernées.
Le CRTC tient également de nombreuses instances administratives en radiodiffusion, soit environ 65 qui sont sans comparution, mais dans le cadre desquelles de nombreuses interventions sont soumises par courriel, par courrier porteur et par télécopieur. Il peut s'agir de lettres d'opinions générales soumises par des citoyens ou de documents d'analyses plus complexes provenant de compagnies ou d'associations.
[Traduction]
M. Rosenzveig: Je vais maintenant résumer brièvement notre expérience dans le domaine de l'adjudication de frais.
Cette expérience se limite aux cas relevant du secteur télécommunications de notre mandat. La Loi sur les télécommunications et les mesures législatives antérieures permettent au CRTC d'établir les critères en vertu desquels les frais et l'adjudication des frais sont établis dans le cadre de processus de télécommunications.
Le CRTC attribue des frais en vue d'encourager une participation éclairée à ses instances. Les frais ne sont attribués que dans un petit nombre de processus du Conseil en télécommunications.
Dans les observations qu'il a présentées au comité le 30 mai 2001, M. Colville avait précisé que, dans une période de cinq ans, entre 1996 et 2000, des frais ont été réclamés et attribués dans environ 1 p. 100 des instances de télécommunications du Conseil. Je peux présenter aux honorables sénateurs les derniers chiffres dont nous disposons. Au cours de la période de sept ans comprise entre 1996 et 2002, la proportion a été de 1,3 p. 100.
Ces données démontrent qu'un grand nombre de processus n'intéressent pas les groupes de défense de l'intérêt public ou ne requièrent par des efforts particuliers de la part des participants. Des frais ne sont pas accordés à quiconque souhaite intervenir ou participer. Ils sont prévus au besoin pour permettre une participation d'une certaine importance permettant de présenter un point de vue éclairé. Les critères utilisés pour déterminer si des frais doivent être attribués figurent dans les règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications. Ces critères se basent sur trois éléments.
D'abord, la partie qui réclame des frais doit être visée ou représenter des personnes visées par le résultat du processus.
Ensuite, la partie doit avoir à participer à l'instance de façon responsable.
Enfin, la partie doit avoir permis au Conseil de mieux comprendre les questions dont il est saisi.
En 2002, le Conseil a rendu 16 décisions d'adjudication de frais accordant au total, pour l'année, 542 000 $. Nous n'avons rejeté aucune demande de frais en 2002. Les montants accordés allaient d'un peu plus de 1 000 $ à un peu plus de 296 000 $.
Au cours de la période de sept ans allant de 1996 à 2002, 90 p. 100 des demandes d'attribution de frais ont été approuvées, ce qui signifie évidemment que 10 p. 100 ont été refusées. Les montants alloués variaient entre environ 150 $ et 305 000 $. En moyenne, le total des frais annuels s'élevait à un peu plus de 375 000 $.
Certains processus de télécommunications sont très importants pour les associations de consommateurs et les groupes de défense de l'intérêt public. Dans ces cas, une participation éclairée améliore le processus, ce qui justifie l'attribution de frais.
Dans plus de 90 p. 100 des cas, les frais ont été versés à des associations de consommateurs et des groupes de défenses de l'intérêt public et non à des particuliers. Il arrive bien sûr que des particuliers participent aux processus. Normalement, cependant, ils arrivent à le faire sans réclamer de frais.
M. Lacombe: Le projet de loi S-8 a pour objet de modifier la Loi sur la radiodiffusion pour permettre au Conseil d'attribuer des frais dans le cadre de processus de radiodiffusion, en utilisant la même formulation que dans la Loi sur les télécommunications.
Si le projet de loi S-8 est adopté, le CRTC tiendrait des audiences publiques pour permettre aux parties intéressées de suggérer des critères en vue de l'attribution de frais lors de processus de radiodiffusion.
Par exemple, les critères devraient-ils être les mêmes que ceux dont nous nous servons pour les télécommunications? Pour assurer et maintenir la crédibilité, je présume que nous adopterions des critères comparables à ceux qui s'appliquent en télécommunications, à savoir que la participation soit pertinente et contribue au processus.
Il serait important que le CRTC soit autorisé à déterminer lui-même les critères d'attribution de frais. La formulation actuelle du projet de loi semble le permettre.
[Français]
En conclusion, j'ajouterais que notre expérience en matière d'adjudication des frais dans le secteur des télécommunications est positive. Les adjudications de frais ont permis une participation informée dans un nombre relativement faible de processus qui nécessite un effort spécial de la part des groupes de consommateurs et des groupes d'intérêts publics et qui s'y intéressent.
Si le projet de loi S-8 était adopté nous présumons que, de la même façon, ces groupes réclameraient des frais lors de certains processus de radiodiffusion.
Nous vous remercions, madame la présidente, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui devant vous pour discuter de cette question. Nous répondrons maintenant à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup. Tout cela est extrêmement intéressant.
[Traduction]
Le sénateur Spivak: Monsieur Rosenzveig, savez-vous pourquoi il est possible d'attribuer des frais aux termes de la Loi sur les télécommunications, mais pas en vertu de la Loi sur la radiodiffusion? Pourquoi est-ce possible dans un cas, mais pas dans l'autre?
M. Rosenzveig: Je ne connais pas bien les circonstances de l'adoption de l'actuelle Loi sur la radiodiffusion, qui ne prévoyait pas l'attribution de frais, pas plus que la nouvelle loi. Du côté télécommunications, on a pensé qu'il serait souhaitable de prévoir de tels frais dans les rares cas où il est impossible à certains groupes de participer d'une façon éclairée. À ce moment, nos audiences de télécommunications avaient tendance à se dérouler sur le mode accusatoire, avec un contre-interrogatoire des témoins. Pour les processus de télécommunications, nous attribuons régulièrement des frais et tenons rarement des audiences où les participants doivent être présents en personne. Nous recevons ordinairement des mémoires écrits. Certaines des instances intéressent des groupes de consommateurs. Dans ce cas, ils participent et des frais leur sont accordés. Nous avons constaté que cette façon de procéder assurait une meilleure participation dans le secteur des télécommunications.
Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire que vos processus ne se déroulent plus du tout sur le mode accusatoire ces temps-ci? Parlez-vous des groupes de défense de l'intérêt public ou des entreprises de télécommunications?
M. Rosenzveig: Des personnes représentant des intérêts différents participent aussi bien du côté télécommunications que du côté radiodiffusion. L'un des rôles d'un organisme de réglementation est de réaliser l'équilibre, de considérer les points de vue divergents et de déterminer où réside l'intérêt public. Nous avons donc des gens ayant des intérêts différents quand nous tenons des audiences pour l'attribution de licences.
Le sénateur Spivak: Vous semblez avoir beaucoup d'interventions du côté de la radiodiffusion. Croyez-vous qu'il faille attribuer des frais dans ce secteur, ou bien êtes-vous satisfaits du système actuel?
M. Lacombe: Le Conseil est favorable à l'idée de donner aux intervenants les moyens voulus pour présenter leur point de vue d'une façon éclairée. L'attribution de frais le permet. Il y a également d'autres moyens, mais nous avons pris toutes sortes de mesures pour veiller à ce que les intervenants aient accès aux audiences publiques. Il y a une mesure que nous n'avons pas mentionnée et qui est assez évidente. Il s'agit de faire en sorte que les demandeurs diffusent sur leurs stations des renseignements sur les modifications ou les renouvellements de licence qu'ils demandent au Conseil, de façon à inciter les intéressés à présenter leur point de vue.
Le sénateur Spivak: Avez-vous constaté que les intervenants du secteur de la radiodiffusion disposent des moyens voulus pour faire connaître leur point de vue? Croyez-vous que les interventions comportent plus d'aspects techniques dans le secteur des télécommunications? Qu'en pensez-vous?
M. Lacombe: Il y a toutes sortes d'intervenants dans le secteur de la radiodiffusion. Dans beaucoup de cas, ce sont des entreprises qui fournissent d'importants renseignements. Il arrive cependant qu'un intervenant veuille exprimer son appui pour un nouveau service sans recourir nécessairement à des données techniques ou économiques. Dans ce cas, l'intervenant écrit pour nous dire: Nous appuyons le service. Cela ne lui occasionne pas de frais.
M. Rosenzveig: Du côté de la radiodiffusion, nous avons l'impression que, même si des frais pouvaient être attribués, ils le seraient rarement. Dans la grande majorité des instances, il n'y a pas d'intérêts importants en jeu, ou alors les participants n'ont pas besoin de ressources supplémentaires pour intervenir. Il est parfois utile, pour mieux participer, de procéder à des enquêtes ou d'obtenir l'avis d'experts. Bien sûr, certains groupes de consommateurs ou de défense de l'intérêt public pensent qu'il serait avantageux de disposer de ressources supplémentaires à certaines occasions. Je ne crois pas que ceux qui ont comparu devant le Conseil aient affirmé que cela serait nécessaire chaque fois. Comme dans le secteur des télécommunications, il leur arrive de réclamer des frais, mais ce n'est pas systématique.
Le sénateur Ringuette-Maltais: Nous avons entendu, dans un exposé antérieur, qu'il pourrait être utile à certains groupes de recourir à des experts régionaux pour mieux présenter leur point de vue. De quelles compétences spécialisées le CRTC dispose-t-il, et comment ces compétences se comparent-elles aux compétences extérieures auxquelles les différents groupes peuvent recourir?
M. Rosenzveig: À titre de tribunal de réglementation, le CRTC dispose d'un bassin de compétences, aussi bien parmi ses commissaires qu'au niveau de son personnel. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes un petit organisme par rapport au reste de l'administration fédérale. Nous sommes minuscules à comparer aux entreprises que nous devons réglementer. Nous avons affaire à deux séries d'entreprises et nous avons bien sûr des experts. Toutefois, un bon organisme de réglementation doit être équitable et transparent et tenir ses audiences en public. Dans ce contexte, il est important que les gens aient la possibilité de participer utilement. Je suis sûr que les intervenants s'empresseraient de dire que nous devons nous décider. Nos décisions ne plaisent pas toujours à tout le monde. Les gens demandent différentes choses, mais nous trouvons toujours utile toute forme de participations éclairée. Il arrive à l'occasion, assez rarement d'ailleurs, que certains participants aient besoin d'aide parce qu'ils n'ont pas les moyens de participer au niveau qu'ils croient approprié.
Le sénateur Ringuette-Maltais: Pour revenir à ma question initiale, pouvez-vous me dire de combien d'experts le CRTC dispose actuellement?
M. Rosenzveig: Nous avons un effectif approximatif de 400 employés. Cela comprend tout le monde, de la salle du courrier jusqu'à la bibliothèque. Combien avons-nous d'analystes du côté de la radiodiffusion?
M. Lacombe: Je crois que l'effectif, du côté radiodiffusion, est de 132. Cela comprend le personnel de soutien administratif, et cetera. Je ne les ai pas comptés, mais nous devons en avoir entre 40 et 50. La plupart du temps, quand des gens nous demandent de l'aide, nous ne mettons pas nos experts à leur disposition. Toutefois, nous leur fournissons autant d'information que possible, et notamment les données économiques, financières et d'écoute de la télévision.
M. Rosenzveig: Des membres du personnel des secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications peuvent répondre aux questions que les gens peuvent avoir au sujet de nos processus ou de nos précédents. Des deux côtés, nous plaçons les avis publics, les mémoires et les décisions sur notre site Internet, à fin de les diffuser aussi largement que possible.
Le sénateur Ringuette-Maltais: Nous dites-vous que si un groupe ou un consommateur veut présenter un mémoire, il a accès à toutes les données dont dispose actuellement le CRTC?
M. Rosenzveig: Non, je m'excuse, j'aurais dû être plus clair. Nous ne mettons pas sur Internet le fruit de nos réflexions et de nos analyses. Nous sommes là pour conseiller le CRTC. Je voulais dire plutôt que nous sommes tout à fait disposés à parler aux gens de nos précédents, de nos décisions et de notre mode de fonctionnement. Les analyses effectuées par le personnel ne sont pas communiquées aux parties. Celles-ci présentent leur point de vue, après quoi les membres du personnel aident les commissaires en formulant des avis et des recommandations. Nous ne pouvons pas rendre public le résultat de nos réflexions sur les décisions à prendre.
Le sénateur Eyton: Je voudrais passer en revue certains chiffres. Ceux que vous nous avez donnés portent sur l'année dernière et sur la moyenne des sept dernières années. D'après votre expérience en télécommunications — et nous parlons actuellement de la radiodiffusion, qui est un secteur différent —, la moyenne des sept dernières années a été de 375 000 $. Toutefois, le chiffre de l'année dernière été de 542 000 $.
Ce chiffre est sensiblement plus élevé que la moyenne.
Ce qui est plus troublant, sur le plan du contrôle, c'est que vous avez dit que vous n'avez rejeté aucune demande l'année dernière. Dans le secteur des télécommunications, la tendance est à la hausse. Vous avez dit qu'en moyenne, vous acceptez 90 p. 100 des demandes, mais que la proportion a été de 100 p. 100 l'année dernière.
Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression que la plupart des demandes dans le secteur de la radiodiffusion — j'ai une certaine expérience à cet égard — sont bien connues et débattues en public parce que la plupart des demandeurs ont des stations de radio et de télévision et d'autres moyens de faire savoir ce qui se passe tous les jours à Ottawa.
Compte tenu du fait que vous acceptez toutes les demandes de financement en télécommunications et que les intervenants du secteur de la radiodiffusion sont plus connus et plus exigeants, croyez-vous que vos chiffres et votre expérience en télécommunications soient d'une utilité quelconque en radiodiffusion? Comment est-il possible de faire preuve de plus de jugement et de discernement, plutôt que d'accepter 100 p. 100 des demandes? Ce pourcentage m'a vraiment frappé.
M. Rosenzveig: Je ne crois pas à l'existence d'une telle tendance. Je vous ai simplement donné le chiffre de l'année dernière et la moyenne. La moyenne est de 375 000 $, tandis que le chiffre de l'année dernière était d'un peu plus de 540 000 $. Ce n'est pas vraiment une tendance à la hausse.
Tout dépend de la nature de nos audiences. L'année dernière, nous avons accordé des frais à l'égard du récent processus concernant le plafonnement des prix. C'est un processus important qui a lieu tous les quatre ans. Les frais ont été accordés l'année dernière. En 1998 et 1999, ils s'élevaient respectivement à 418 000 $ et 458 000 $. En 2000, c'était moins. Quand on fait la moyenne de ces chiffres, on arrive à environ 375 000 $, mais on ne peut pas en dégager une tendance.
Je ne crois pas non plus qu'il y ait une tendance pour ce qui est des rejets. Nous avons en moyenne 18 cas d'adjudication de frais par an. Certaines années, il y en a moins. D'une façon générale, nous en rejetons environ 10 p. 100.
Les intervenants ont une certaine expérience. Comme nous avons rejeté certaines demandes dans le passé, ils ne reviennent plus à la charge. Les intervenants semblent se concerter entre eux pour éviter les chevauchements. Ils font habituellement du bon travail.
L'approche est fondée sur le mérite. D'une façon générale, les demandes sont approuvées, mais l'année dernière ne marque pas une tendance. Les demandes ne sont pas toutes approuvées.
Vous voulez savoir si, à cause de la nature des questions qui se posent en radiodiffusion, nous nous attendons à une augmentation exponentielle en cas d'adoption du projet de loi. Les gens vont probablement être nombreux à présenter des demandes, mais les choses finiront par se tasser. À long terme, nous ne croyons pas qu'il y aura de grandes différences.
Les frais ne seront pas nécessaires en radiodiffusion s'il s'agit d'une petite affaire. Pour une question importante, lorsqu'il est nécessaire de procéder à des études, on peut supposer que des frais seront réclamés.
Nous ne croyons pas que des frais seront attribués dans la majorité des cas. Nous ne prévoyons pas non plus l'attribution de montants énormes dans le secteur des télécommunications. Nous ne le savons pas. Ce sera une nouvelle expérience, mais nous ne voyons pas de raisons pour lesquelles les deux secteurs seraient très différents l'un de l'autre.
La présidente: Quand vous envisagez d'attribuer des frais, tenez-vous compte de la capacité de payer? Certains radiodiffuseurs disent que cela pourrait leur imposer un lourd fardeau financier, compte tenu du grand intérêt que le public manifeste dans beaucoup des audiences de radiodiffusion. Les craintes exprimées vont des incidences sur les très petites entreprises, comme les petites stations de radio country, jusqu'aux effets sur Radio-Canada, qui a effectivement un grand budget, mais qui doit le répartir sur une très vaste gamme d'activités. Radio-Canada a déjà exprimé une grande préoccupation — et je m'attends à ce qu'elle le fasse de nouveau ce matin — au sujet des incidences financières possibles de cette disposition.
Quand vous prenez une décision sur le montant des frais ou sur l'opportunité d'en verser, prenez-vous en considération la capacité de payer?
M. Rosenzveig: Dans le secteur des télécommunications, si nous avons un processus faisant intervenir beaucoup de compagnies de téléphone réglementées, nous considérons la capacité de payer. Si nous accordons des frais à plusieurs compagnies de téléphone, allant de la taille de Bell, qui est très grande, à celle de SaskTel, qui est beaucoup plus petite, nous faisons un calcul proportionnel. Par exemple, si nous accordons 80 000 $, la part de Bell se fondera sur ses recettes de télécommunications.
Les recettes de télécommunications de Bell représentent environ la moitié de l'ensemble des recettes du secteur. Par conséquent, SaskTel n'aurait à payer qu'une petite fraction.
[Français]
Je vous remercie, messieurs. Je vous remercie d'autant plus que c'est la troisième fois que vous comparaissez devant le Parlement, soit ici soit à l'autre endroit, pour parler d'un même projet de loi. Vos commentaires nous aide beaucoup.
Nos prochains témoins nous connaissent déjà. Vous vous souviendez, honorables sénateurs, qu'ils sont venus devant nous le 30 octobre de l'année dernière. Il y avait des sénateurs qui voulaient poursuivre leurs réflexions au sujet de Radio-Canada.
[Traduction]
Nous vous souhaitons la bienvenue encore une fois. Je crois que vous connaissez notre façon de procéder.
M. Michel Tremblay, vice-président, Stratégie et développement commercial, Société Radio-Canada: Nous avons déjà comparu devant le comité au sujet de ce dossier. Je voudrais aujourd'hui vous présenter encore une fois quatre points importants et vous faire part de nouveaux éléments à l'appui de notre position concernant le projet de loi S-8.
Premièrement, nous croyons fermement à la nécessité pour les Canadiens de pouvoir se faire entendre devant le CRTC.
Deuxièmement, nous croyons qu'ils disposent à l'heure actuelle de nombreuses occasions de se faire entendre au sujet des questions de radiodiffusion.
Troisièmement, la Société Radio-Canada ne compte pas sur les audiences du CRTC pour rester en contact avec son auditoire. En qualité de radiodiffuseur public, nous nous employons tous les jours à assurer la participation du public et à obtenir son point de vue sur nos émissions et nos services.
Quatrièmement, même si nous appuyons une participation accrue du public, nous ne croyons pas que les crédits parlementaires accordés à la Société Radio-Canada devraient être utilisés pour payer les frais attribués. Ce n'est pas ainsi que le Parlement envisageait l'utilisation de ces fonds.
Cinquièmement, nous nous inquiétons beaucoup des répercussions économiques que le projet de loi S-8 pourrait avoir sur nos émissions.
Comme vous le savez, Radio-Canada reçoit chaque année des crédits parlementaires pour financer les services qu'elle est tenue d'assurer aux Canadiens en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Ces crédits lui permettent d'exploiter quatre réseaux nationaux de radio, comptant 72 stations régionales, deux réseaux de télévision, comprenant 25 stations, Newsworld, RDI, le Service du Nord et des sites Internet. Nous ne croyons pas qu'il conviendrait d'utiliser ces fonds publics, destiné à financer nos émissions, pour acquitter les frais de participation à des délibérations publiques.
[Français]
Nous nous inquiétons, en outre, du montant des frais qui seraient attribués.
Le projet de loi S-8 propose d'instaurer un nouveau régime en vertu duquel les radiodiffuseurs se verront imposer des frais supplémentaires pour financer la participation aux délibérations publiques, sans toutefois donner d'indication précise sur le montant de ces frais.
Nous savons cependant que les différences notables qui existent entre les processus de consultation du CRTC, en matière de radiodiffusion et en matière de télécommunications, font en sorte qu'il est difficile de prévoir le montant des frais attribués.
En outre, comme il a été mentionné plus tôt, les délibérations dans le domaine des télécommunications sont beaucoup plus complexes et nécessitent souvent un contre-interrogatoire où des témoins experts sont appelés à comparaître.
Nous savons que depuis 1996 les frais attribués à des intervenants particuliers ont excédé 500 000 dollars. Soulignons toutefois qu'aucun plafond n'est prévu à cet égard. Nous savons également que les Canadiens interviennent en plus grand nombre lorsqu'il est question de radiodiffusion que de télécommunication.
Quatre mille interventions ont été déposées lors du dernier renouvellement de licence de Radio-Canada. Cela rend imprévisible le montant des frais qui pourrait être versé.
[Traduction]
Lorsqu'ils ont comparu devant vous en décembre, les porte-parole du Centre pour la défense de l'intérêt public ont affirmé qu'ils ne pensaient pas que le projet de loi S-8 puisse avoir des conséquences défavorables pour Radio-Canada et qu'ils estimaient que la Société en avait les moyens. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Les budgets de Radio- Canada sont actuellement soumis à de fortes contraintes. Au cours des deux dernières années, nous avons réexaminé nos façons de faire dans tous les domaines, de la gestion de l'immobilier à l'exploitation des émetteurs, pour dégager des fonds supplémentaires pouvant être réinvestis dans la programmation canadienne destinée aux Canadiens qui écoutent et regardent nos émissions. Il ne saurait être question de prendre en charge les frais qui nous seraient attribués sans avoir à couper dans la programmation que nous sommes tenus d'offrir aux Canadiens en vertu de la loi.
Les partisans du projet de loi allèguent qu'il permettra d'accroître la participation du public aux délibérations qui se déroulent devant le CRTC et que cela servira la programmation. Tout d'abord, Radio-Canada suscite un plus grand nombre d'interventions devant le CRTC que tout autre radiodiffuseur. À part les 4000 interventions qui ont marqué le dernier renouvellement de ses licences, 600 Canadiens sont intervenus lors des consultations publiques qui se sont tenues dans onze villes et 65 ont comparu devant le CRTC à Hull, au Québec.
[Français]
Les représentants du CRTC viennent d'ailleurs de souligner que les audiences publiques présentement en cours à Montréal, ont attiré plus de 1 500 interventions du public.
[Traduction]
Personne n'a pu démontrer de façon probante que l'absence d'attribution des frais ait nui de quelque façon que ce soit à l'efficacité du processus d'audiences publiques.
[Français]
À mon avis, un point important à retenir pour les membres du comité est que Radio-Canada ne s'en tient pas aux audiences publiques du CRTC pour solliciter l'avis du public, elle le fait chaque jour.
À la fin de chacune de nos émissions, nous invitons les auditeurs et les téléspectateurs à nous faire part de leurs commentaires. Nos émissions-débats fournissent aux citoyens ordinaires une tribune où ils peuvent échanger sur divers sujets. Nos vice-présidents immédiats participent régulièrement à des consultations publiques relativement à notre programmation, forum que nous diffusons d'ailleurs.
Nous sommes présents dans toutes les régions du pays par le truchement de nos bureaux et stations qui sont bien implantés dans les collectivités qu'elles desservent.
Les Canadiens peuvent nous transmettre leurs commentaires par l'entremise de nos services Internet et nos services à l'auditoire, ainsi que par courrier électronique et par télécopieur. S'ils n'apprécient pas les émissions que nous leur présentons, ils peuvent adresser une plainte à l'ombudsman de la société.
Comme certains d'entre vous l'ont peut-être déjà remarqué CBC News World réserve un segment quotidien aux commentaires des téléspectateurs auxquels nous répondons en ondes.
[Traduction]
Nous agissons en fonction des commentaires que les Canadiens nous font parvenir. Ce sont en effet leurs réactions qui ont poussé la Télévision anglaise à revoir la façon dont elle dispensait ses services et à rendre sa programmation différente de celle des autres radiodiffuseurs. C'est ce qui a été à l'origine de la transformation de la Télévision anglaise. Aujourd'hui, les Canadiens nous confirment que nous avons visé juste. Nous n'avons pas attendu pour ce faire que le CRTC déclenche des audiences en vue du renouvellement de nos licences. Nous sommes le radiodiffuseur public national du Canada. La radiodiffusion publique est ce qui nous définit. Nous nous efforçons de consacrer autant de ressources que possible à la production d'émissions canadiennes de grande qualité. Le projet de loi S-8 aurait cependant pour effet de réduire les ressources que nous pourrions mobiliser à cette fin. Nous croyons fermement que les fonds publics confiés à Radio-Canada ne devraient pas être détournés à cette fin.
Selon les partisans du projet de loi, l'attribution de frais est nécessaire pour financer la recherche. Radio-Canada effectue déjà beaucoup de recherche dans le domaine de la radiodiffusion et publie une bonne partie de ses conclusions sur son site Web. Cette information objective et fiable est utilisée par des tiers, dont des radiodiffuseurs privés, la Commission du droit d'auteur du Canada et même le Comité permanent du patrimoine canadien lors de son examen sur la radiodiffusion. Nous effectuons cette recherche dans le but de mieux servir les Canadiens.
[Français]
Lors de notre comparution devant le comité l'an dernier, à l'époque où le projet de loi S-8 était encore le projet de loi S-7, vous avez dit partager nos préoccupations sur les conséquences de l'attribution des frais sur CBC Radio-Canada et avez recommandé au gouvernement, dans votre rapport, de chercher d'autres solutions. Malheureusement, il n'y est pas parvenu.
Par conséquent, si le comité entend recommander l'adoption du projet de loi S-8 nous le pressons, à tout le moins, de revenir sur sa précédente recommandation et d'amender le projet pour exempter CBC et Radio-Canada du processus d'attribution.
Nous vous avions proposé un projet d'amendement lors de notre comparution en octobre. Nous avons d'ailleurs déposé une copie de cet amendement auprès du greffier ce matin.
[Traduction]
Le Parlement n'a jamais souhaité que Radio-Canada utilise les crédits qu'il lui accorde pour financer l'attribution de frais lors des audiences publiques du CRTC. L'amendement que nous proposons réglerait au moins le problème des répercussions du projet de loi sur les émissions que la Société offre aux Canadiens.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion d'exposer à nouveau notre point de vue. Nous sommes maintenant disposés à répondre à toutes vos questions.
Le sénateur Spivak: Vous nous dites, en d'autres termes, que vous ne vous opposez pas au principe du projet de loi S- 8. Je crois que je vous appuie. Je ne voudrais pas non plus que les fonds de Radio-Canada servent à d'autres fins, car la Société a besoin de tout l'argent qu'elle peut obtenir. Iriez-vous jusqu'à dire que vous êtes en faveur du projet de loi avec l'amendement que vous proposez?
M. Tremblay: C'est exact.
Le sénateur Gustafson: Quand on parle de temps d'écoute et des émissions que les Canadiens regardent, avez-vous des renseignements quelconques sur le nombre de Canadiens qui écoutent CNN à différentes heures? Perdez-vous une partie de votre auditoire? Je vais à mon hôtel, et c'est CNN qu'on voit à la télé. Je vais prendre le petit-déjeuner ce matin, et c'est encore CNN à la télé. Je vais au bureau et, encore une fois, c'est CNN. Quels sont les chiffres?
M. Tremblay: Compte tenu de la situation mondiale, il est vrai que les spectateurs s'intéressent beaucoup à CNN. C'est le cas depuis le 11 septembre 2001. L'année dernière, CNN a connu une importante hausse de ses heures d'écoute, hausse qui se maintient cette année. Il n'y a donc pas de doute que CNN constitue un concurrent sérieux pour des services tels que Newsworld. En réalité, cela n'a pas toujours été le cas.
Je serais heureux de vous fournir les détails, mais il est clair que CNN est un concurrent sérieux de Newsworld.
La présidente: Je voudrais poursuivre dans la même veine parce que cette question m'irrite. Je ne sais pas ce qui se passe en dehors du Québec, mais si je vais dans une ville relativement petite de cette province et que j'allume la télé dans une chambre d'hôtel, je peux toujours capter CNN, mais pas Newsworld. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, mais je trouve cette situation extrêmement irritante. Je voulais juste vous en faire part. Je sais que cela n'a rien à voir avec le projet de loi S-8.
Le sénateur Eyton: Je ne tiens pas beaucoup à CNN et je suis un ardent partisan de CBC. J'écoute en particulier Radio I et Radio II de CBC.
On nous a donné l'assurance que les montants en cause sont relativement petits sur la base des précédents. Si c'est le cas, je suis tenté de dire: ma foi, ce n'est qu'une petite somme dans le grand budget de Radio-Canada. Toutefois, si ce n'est pas une petite somme, pourquoi le gouvernement n'envisagerait-il pas de fournir les fonds nécessaires pour éviter de créer des difficultés? Si le montant est important et qu'il n'y a pas de financement extérieur, cela peut faire du tort. Sur ces trois possibilités, je crois que les deux premières sont les plus probables, compte tenu des affirmations selon lesquelles les montants sont petits et le CRTC n'use pas fréquemment de ses pouvoirs pour attribuer des frais.
Je trouve étrange que Radio-Canada demande à être exemptée des dispositions du projet de loi. Je viens d'entendre qu'il y a eu près de 4000 interventions au cours d'une audience et que 800 personnes se sont effectivement présentées devant le Conseil. Ce sont des chiffres très importants. En nous en servant comme guide, à combien pourrions-nous estimer la proportion des audiences du CRTC qui concernent Radio-Canada? S'agit-il de 30 ou 40 p. 100? Le pourcentage est sûrement élevé si 800 personnes ont comparu. Je suis tenté de croire que cela occupe une bonne partie du programme du CRTC.
Comment Radio-Canada se compare-t-elle au reste de l'industrie en fonction du pourcentage des comparutions devant le Conseil? Si la proportion est petite, c'est une chose, mais si elle est grande, c'en est une autre. Quelle proportion de l'activité du Conseil accaparez-vous?
M. Tremblay: Permettez-moi de répondre d'abord à votre seconde question, sénateur. Nous nous présentons assez souvent devant le CRTC, et cela occupe beaucoup de temps. J'ai dirigé le processus de renouvellement des licences en 1999. Il a duré plusieurs mois parce qu'il s'agissait de nos principales licences, celles de notre réseau de radio et de télévision, de Newsworld, du RDI, et cetera. Beaucoup d'efforts y ont été consacrés. Il y a eu une audience marathon qui a duré plus de trois semaines. Nous avons occupé une grande partie du temps du CRTC cette année-là. Ensuite, le Conseil a dû rédiger sa décision, qu'il a rendu publique plus tard. Je suppose que cela lui a pris beaucoup de temps.
Si on fait abstraction du processus de renouvellement, je ne crois pas que nous utilisons beaucoup plus du temps du CRTC que n'importe quel autre radiodiffuseur. Il est difficile pour nous de faire ce genre d'évaluation parce que cela dépend de la question de savoir si la demande porte sur une nouvelle licence ou vise la modification d'une licence existante. Je dirais donc que le volume ne dépasse pas celui de CTV. Toutefois, pour ce qui est de votre question concernant les petites sommes, il ne faut pas perdre de vue que les chiffres dont nous disposons ne se rapportent qu'au secteur des télécommunications. Les audiences de télécommunications sont moins nombreuses que celles de la radiodiffusion et font intervenir plus de spécialistes. Il n'y aurait pas 4000 interventions devant le CRTC s'il est question de télécommunications. Nous ne pouvons pas prédire ce qui peut se passer dans des audiences de radiodiffusion.
Nous devons également garder à l'esprit le fait qu'au-delà de la complexité relative des deux processus, les audiences de télécommunications portent surtout, en définitive, sur des augmentations de tarifs qui ont des incidences directes sur le portefeuille des Canadiens. Il est donc tout à fait indiqué, dans ce cas, de donner aux groupes de défense de l'intérêt public les moyens nécessaires de se présenter devant le CRTC pour exprimer leur point de vue. Par ailleurs, quand Radio-Canada se présente devant le CRTC, les questions débattues concernent la prestation d'un service gratuit aux Canadiens et les moyens d'améliorer les émissions. Il y a d'importantes différences entre ce que le Conseil essaie de réaliser au cours des audiences de télécommunications et sa façon de gérer et de superviser le secteur de la radiodiffusion. Les conséquences sont différentes, de même que les aspects techniques qui entourent le processus.
Mme Edith Cody-Rice, conseillère juridique principale, Société Radio-Canada: Il convient d'ajouter à cela le fait qu'une fois inscrite dans la loi, une disposition restera en vigueur pendant très longtemps. Même si on estime aujourd'hui que le CRTC n'accordera que des frais minimes, la situation peut changer avec le temps d'une façon totalement indépendante de notre volonté. Compte tenu des coupures budgétaires que nous avons connues, rien ne garantit que le gouvernement nous donnera plus d'argent. Au fil des ans, nos crédits ont diminué, mais nous devons continuer à assurer le même service.
Le sénateur Eyton: Pour revenir à ma seconde question, ce serait une chose d'exempter Radio-Canada si elle n'occupe que 10 p. 100 du temps du Conseil, mais c'en est une autre si elle en occupe 50 p. 100. Par exemple, si la Société occupait 80 p. 100 du temps du Conseil — ce qui est bien sûr faux —, le projet de loi n'aurait plus sa raison d'être. Toutefois, pouvons-nous dire que les intervenants qui s'intéressent à Radio-Canada occupent 10 p. 100 du temps du CRTC? Pouvez-vous me donner un chiffre très approximatif pour que je me fasse une idée de la situation?
M. Tremblay: Ce serait vraiment difficile à évaluer. Le Conseil serait mieux à même de déterminer ce que nous représentons par rapport à sa charge totale de travail. Je peux seulement dire que lorsque viendra le temps du prochain renouvellement, ce sera un grand projet aussi bien pour nous que pour le CRTC. Il y aura donc une pointe cette année- là. Nous avons toujours des demandes relatives à de nouvelles stations de radio. Je serais heureux de vous fournir ce chiffre. Toutefois, nous avons constamment de petites affaires à régler avec le Conseil, comme l'établissement de nouveaux radiodiffuseurs et de nouvelles stations de télévision un peu partout dans le pays. Nous avons des demandes qui ne sont pas d'une très grande portée, mais qui sont néanmoins assez nombreuses.
Le sénateur Eyton: J'essayais d'établir un lien avec le nombre d'intervenants qui comparaissent effectivement devant le CRTC pour des questions intéressant Radio-Canada.
Mme Cody-Rice: Quand on évoque le nombre d'intervenants, il est intéressant de se poser plutôt la question suivante: comment le nombre d'intervenants qui comparaissent aux audiences intéressant Radio-Canada se compare-t- il au nombre des intervenants qui se présentent aux audiences concernant un radiodiffuseur privé? Je crois que nous avons sensiblement plus d'intervenants. Les incidences de l'attribution de frais seraient plus importantes pour Radio- Canada.
Le sénateur Eyton: J'essayais plutôt de quantifier la portée de l'exception que vous proposez.
M. Shaun Poulter, chef de projet, Relations gouvernementales, Société Radio-Canada: En ce qui concerne les montants en cause, les gens de Radio-Canada qui produisent des dramatiques canadiennes vous diront qu'il n'y a pas de petites sommes quand il s'agit d'obtenir de l'argent pour produire une émission. En considérant les montants attribués dans le secteur des télécommunications, nous pensons automatiquement à nos émissions. Par exemple, un épisode de Da Vinci's Inquest, émission canadienne assez populaire, coûte un million de dollars à produire. Nous devons trouver cet argent quelque part. Récemment, nous avons dû travailler très fort pour trouver des moyens de gratter un dollar par-ci et un dollar par-là dans notre propre système. Par conséquent, il est un peu fallacieux de parler de petites sommes.
[Français]
Le sénateur Ringuette-Maltais: Mes questions vont peut-être se transformer plutôt en commentaire général.
Je vais commencer par vous envoyer des fleurs puis après, peut-être vous envoyer des pots.
Je dois vous avouer que même avec ce que vous avez qualifié — ou plutôt madame Cody-Rice — de coupures budgétaires extraordinaires, vous avez quand-même, au niveau de Radio-Canada et de CBC, réussi à faire une transition majeure, à inclure un réseau d'information informatisé sur Internet ce qui est extraordinaire.
Il y a un certain dicton, «it's time to reality», je dois vous avouer que je vous lève mon chapeau. Vous avez fait un pas important même si on dit que vous avez eu des restrictions budgétaires. Je ne crois pas qui soit nécessairement le cas et cela veut dire que peut-être qu'il y avait du «fluff» en trop.
Mon intervention est plutôt destinée vers les communautés de minorités linguistiques qui, de mémoire, dans les dernières années ont été sujettes à des réductions dans les bureaux régionaux, dans le reportage régional, la programmation dans les régions et la diffusion. Ce qui rejoint un peu les commentaires de madame la présidente de tout à l'heure.
Anticipant encore une vague de coupures dans les régions, pour les communautés de langue minoritaire, tout en sachant que la plupart du temps on fait affaire à des petites communautés où il y a quand même des restrictions au niveau économique pour mettre en place une présentation au CRTC qui se tient, qui requiert de l'expertise, j'ai des doutes et des réserves concernant votre demande d'amendement.
Mes commentaires se dirigent vers l'avenir. Faisant partie d'une communauté minoritaire linguistique où l'accès à de l'information et de la programmation dans la langue de notre choix, est importante, j'ai des réserves et des inquiétudes.
Je voudrais aujourd'hui si possible, monsieur Tremblay, que vous pouviez rassurer les gens des régions éloignées et les minorités de certaines régions, que votre programmation future va faire en sorte que nous n'aurons pas besoin d'avoir recours à un projet de loi tel S-8 pour pouvoir faire une présentation à Radio-Canada.
M. Tremblay: Si vous me permettez une réaction immédiate, ces membres de régions peuvent déjà nous contacter sans être obligés d'attendre la suite. Nous avons une ligne 1-800 et un site Internet sur lequel ils peuvent communiquer avec nous.
Je vous remercie pour les fleurs sur nos sites. On en est très fiers parce qu'on pense que effectivement la qualité de nos services d'informations, nos programmations doivent s'étendre à l'Internet pour trouver des moyens additionnels afin de rejoindre les Canadiens où qu'ils soient.
La question de nos services aux minorités est une question très importante et je suis content que vous la souleviez.
Premièrement, avant de vous parler d'avenir, j'aimerais faire un petit recul. Je n'aime pas en parler, mais il ne faudrait pas minimiser toute la question des réductions budgétaires. Il y a eu 400 millions de dollars de réduction dans nos budgets au milieu des années 80, et 3 000 pertes de postes. Cela ne se fait pas sans casser les pots.
Il y a eu effectivement les pertes de services à travers le pays en conséquence de ces coupures. C'est une coupure énorme! Il ne faut pas minimiser l'incidence de ces réductions. Tout le monde dans les régions, au réseau, tout le monde y a passé.
Deuxièmement, sur la question de nos services en région, le réseau de télévision française de Radio-Canada, comme vous le savez, exploite des stations en région, à travers le pays et fournit aux Canadiens francophones des services d'informations qui sont uniques. Aucun autre diffuseur n'étend ses services à travers le pays au niveau de l'information.
Troisièmement, il y a plus de 400 heures d'émissions qui sont produites en région à chaque année. Certaines d'entre elles sont diffusées en région seulement. D'autres sont véhiculées par le réseau.
Hier, comme vous le savez peut-être, le nouveau vice-président de la télévision française, M. Daniel Goure a annoncé un repositionnement à la télévision française pour la ramener plus près de ses racines à titre de diffuseur public.
Le repositionnement inclut aussi une revue de notre rôle dans les régions. Monsieur Goure a déjà signalé à plusieurs reprises qu'il était pour donner une voie accrue aux régions, à nos gens qui exploitent les stations en région, non seulement pour ce qu'ils font dans les régions mais aussi pour leurs contributions au réseau.
Je pense qu'il est important de refléter les régions au réseau et pas seulement que de créer des créneaux dans la grille qui s'appelle: émissions régionales. Ce n'est pas efficace. Il faut savoir refléter les régions à large échelle. C'est une direction que l'on prend. D'ailleurs, on a déjà commencé à former et à aider à développer des producteurs indépendants en région pour qu'ils puissent alimenter le réseau.
Il y aura une première dramatique produite par un producteur indépendant au Nouveau-Brunswick qui va alimenter le réseau au cours de la prochaine année. On tente de développer ces foyers de productions à travers le pays.
On en fait déjà beaucoup, plus que les autres, c'est notre mandat. Évidemment, on peut en faire plus. Je pense qu'on va s'y atteler à la mesure de nos moyens.
Pour mettre les choses en perspective, si vous le permettez, je ne veux pas faire une intervention trop longue, mais quand on dit que les sommes ne sont pas si importantes que cela si on parle de 400 000 dollars ou de 500 000 dollars par année, c'est l'équivalent de l'ouverture d'un ou deux bureaux régionaux journalistiques en région.
C'est cela la conséquence de retirer de 400 000 dollars à 500 000 dollars de notre budget. C'est peut-être la moitié du budget de l'émission d'une grande dramatique, comme Da Vinci's Inquest ou autre grande série au réseau français. Mais ce sont les sommes qui vont aussi affecter les régions.
À l'heure actuelle on déploie tous les efforts possibles pour retirer des fonds de l'exploitation en revoyant tout ce que l'on fait en vue de réinvestir davantage au réseau et en région.
Dès qu'on enlève un dollar à Radio-Canada c'est la programmation qui souffre parce qu'il y a beaucoup de coûts fixes dans notre exploitation tel le réseau d'émetteurs, et caetera. C'est là vraiment que le bât blesse dès qu'on retire un dollar.
Le sénateur Ringuette-Maltais: Merci beaucoup monsieur Tremblay. Venant non pas du centre du pays, du «golden triangle» de Montréal, d'Ottawa ou de Toronto, j'accepte difficilement vos commentaires à l'effet que lorsqu'il y a un dollar de coupé dans le budget de Radio-Canada que ce sont les régions qui sont coupées. Je crois que ce commentaire est très difficile à accepter. Peut-être qu'il y a besoin d'un changement de philosophie.
M. Tremblay: Ce n'est pas ce que j'ai voulu sous entendre. S'il y a un dollar de coupé évidemment le bât blesse pour tout le monde. Il peut y avoir des coupures soit au réseau ou en région. Il n'y a pas que les régions qui vont écoper. Je donnais simplement l'exemple effectivement qu'avec 300 000 dollars ou 400 000 dollars par année on peut ouvrir deux bureaux journalistiques en région. C'est à titre d'exemple. On ne vise nullement d'affecter les régions. Au contraire, on a fait un effort particulier pour développer des nouvelles façons de faire en utilisant conjointement nos ressources; la radio et la télévision dans les régions, pour aider à pénétrer davantage les régions et pouvoir en ramener de l'information diffusée sur nos réseaux. Je pense que c'est tout le contraire, on ne veut surtout pas pénaliser les régions.
[Traduction]
La présidente: De toute évidence, les gens s'intéressent beaucoup au travail que vous faites.
Le sénateur Gustafson: Quel est le budget total de Radio-Canada?
M. Tremblay: En ce moment, il est de l'ordre de 1,4 milliard de dollars.
Le sénateur Gustafson: Quelle proportion de ce montant vient du gouvernement?
M. Tremblay: Je ne suis pas très bon en calcul mental. Je dirais que les crédits d'exploitation pour cette année s'élèvent à 950 millions de dollars. Nous devons nous rappeler que c'est une année spéciale. Nous avons eu le bonheur de bénéficier de crédits supplémentaires de 60 millions de dollars, qui sont entièrement réservés à la programmation.
Nous n'avons nullement l'assurance que nous aurons cet argent l'année prochaine. Nous espérons simplement que les choses se passeront bien. Bien sûr, si ce n'est pas le cas, nous aurons moins de 950 millions l'année prochaine.
Le sénateur Gustafson: Le reste de l'argent vient donc de la publicité ou...
M. Tremblay: La publicité et l'autofinancement nous rapportent environ 300 millions de dollars.
La présidente: Merci beaucoup à tous. Il est évident que Radio-Canada fait un travail important. C'est pour cette raison que nous voulions vous entendre de nouveau aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissons d'être venus.
Sénateurs, nous remercions nos témoins, mais nous ne sommes pas encore libres. Il nous reste encore quelque chose à faire. Comme vous pouvez le voir sur l'ordre du jour, nous devons examiner un projet de budget législatif pour l'année prochaine. Ensuite, nous nous réunirons à huis clos pour discuter de nos travaux futurs.
Est-ce que chaque sénateur dispose un exemplaire du projet de budget législatif de l'année prochaine? Comme vous pouvez le voir, c'est assez simple.
Le comité directeur a approuvé ce budget qui doit nous permettre d'examiner des projets de loi pendant l'exercice qui se terminera le 31 mars 2004.
C'est, je crois, un budget prudent et modeste totalisant 21 200 $. Vous trouverez la ventilation de ce montant à la troisième page du document.
À la deuxième page, vous constaterez que nous n'avons pas dépensé l'argent prévu à notre budget. Toutefois, il est prudent d'établir un budget adéquat. Par exemple, nous devons prévoir un certain nombre de déjeuners de travail car si le comité examine un projet de loi particulièrement complexe — ce qui pourrait bien arriver l'année prochaine —, il pourrait devoir continuer à travailler à l'heure du déjeuner.
Le poste intitulé Services professionnels et autres nous permet de recourir au besoin à un consultant, comme nous l'avons fait dans le passé. Ce serait probablement dans le domaine des transports. Comme vous le savez, on parle à l'autre endroit d'un ou plusieurs projets de loi assez complexes relatifs aux transports. Dans le passé, notamment à l'occasion de l'étude sur le transport par autocar, nous avons trouvé utile d'ajouter les services d'un consultant extérieur à nos ressources parlementaires.
Autrement, le budget est très simple. Y a-t-il des questions?
Le sénateur Gustafson: Je propose l'adoption du budget. Je crois qu'il est très modeste.
La présidente: La motion est proposée par le sénateur Gustafson et appuyée par le sénateur Phalen. Tous ceux qui sont en faveur? Tous ceux qui s'y opposent? La motion est adoptée. Merci beaucoup.
La séance se poursuit à huis clos.