Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 15 - Témoignages du 23 octobre 2003
OTTAWA, le 23 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 48 pour examiner l'état actuel des industries de médias canadiennes; les nouvelles tendances et les faits nouveaux au sein de ces industries; le rôle, les droits et les responsabilités des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Bienvenue à nos témoins, aux citoyens et aux téléspectateurs. Cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications est convoquée en vue de poursuivre notre examen du rôle approprié des politiques gouvernementales dans le maintien d'une industrie médiatique canadienne saine, indépendante et diversifiée, vu les changements très importants qui se sont produits ces dernières années, changements amenés par la mondialisation, les progrès techniques, la convergence et la concentration accrue de la propriété du capital-actions dans ce secteur.
[Français]
Nous accueillons des représentants de la Société Radio-Canada. Ces témoins vont susciter beaucoup d'intérêt de la part des sénateurs. Aujourd'hui, nous allons procéder de façon un peu différente. Nous allons entendre les témoins en deux tables rondes.
[Traduction]
Du réseau anglais de la Société Radio-Canada, soit la CBC, nous recevons Carole Taylor, présidente du Conseil d'administration, ainsi que Robert Rabinovitch, président-directeur général de la Société. Ils auront des remarques liminaires à faire avant que nous leur posions des questions. À cette étape de notre examen, nous commencerons à examiner des questions plus générales, telles que le financement, la responsabilisation, et le rôle du radiodiffuseur public du Canada.
[Français]
Vers 11 h 15 nous aurons une deuxième table ronde. Nous traiterons des questions liées aux nouvelles et aux informations dans les divers champs d'action de la Société Radio-Canada. Nous entendrons les cadres responsables de ces domaines à Radio-Canada.
[Traduction]
Nous allons donc entendre en premier lieu Mme Taylor et M. Rabinovitch.
Mme Carole Taylor, présidente, conseil d'administration, Société Radio-Canada: Honorables sénateurs, je tiens à vous dire à quel point la Société Radio-Canada est heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité.
[Français]
C'est un grand plaisir pour nous d'aborder un sujet si important, qui nous touche autant sur le plan professionnel que sur le plan personnel.
[Traduction]
Vous avez pu entendre dans le cadre de ces audiences, et vous avez constaté vous-même, que le secteur médiatique au Canada est en train de vivre une transformation rapide du point de vue de la technologie, de la propriété et de la convergence. Les radiodiffuseurs privés affirment qu'ils ont besoin de la convergence pour être forts, mais l'industrie canadienne de la radiodiffusion n'est pas uniquement composée d'entreprises privées. Si nous voulons un secteur solide, c'est toute l'industrie qui doit être solide, du privé au public.
Pourquoi est-ce important? Parce que la vitalité de l'industrie médiatique repose sur la multiplicité des voix et la variété des opinions. C'est l'un des aspects des médias dont les gens de ce pays ont toujours tiré une grande fierté. Lorsque les Canadiens ont accès à la gamme la plus diversifiée de thèmes et de sujets d'intérêt, abordés selon différents points de vue, ils peuvent juger par eux-mêmes ce qui est important pour eux et se faire une opinion sur les enjeux qui touchent leur vie. Sans une représentation équilibrée des divers points de vue — présentés par des institutions tant publiques que privées — les Canadiens n'ont plus confiance en ce qu'on leur dit; ils ne se fient plus à leurs institutions.
En tant qu'ancienne journaliste, je suis très fière du journalisme de grande qualité que les réseaux à la fois anglais et français de Radio-Canada offrent aux Canadiens. Chaque jour ou presque, l'actualité me rappelle à quel point ce type de journalisme est important.
J'en veux pour preuve les événements qui se sont déroulés depuis un an: les guerres en Afghanistan et en Iraq, le SRAS, la panne d'électricité qui a paralysé une partie de l'Amérique du Nord cet été, la maladie de la vache folle, les incendies de forêt en Colombie-Britannique, et le virus du Nil occidental. Plus que jamais, les Canadiens ont besoin des meilleures sources d'information qui soient... des sources fiables et diversifiées, émanant des radiodiffuseurs publics et privés.
Nous ne parlons pas toujours des mêmes sujets et nous ne les traitons pas de la même manière, et il faut qu'il en soit ainsi. C'est cet équilibre entre secteurs public et privé, et les choix que nous offrons, qui ont fait de l'industrie médiatique au Canada, en particulier le secteur de l'information, l'une des références dans le monde. Je crois, toutefois, que nous tenons cet équilibre un peu pour acquis.
Près de 15 ans de compressions dans le milieu de la radiodiffusion publique ont laissé des traces, en particulier dans les régions. Et ce n'est pas terminé. Au printemps, le financement du Fonds canadien de télévision a été amputé de 15 millions de dollars sur deux ans, une semaine avant que CBC/Radio-Canada ne mette la dernière main à son budget pour l'exercice. Cela s'est produit à peine quelques jours avant la réunion du Conseil d'administration. Le mois dernier, des compressions supplémentaires de 10 millions de dollars ont été annoncées pour CBC/Radio-Canada. Cette situation dramatique ne peut pas durer, surtout si nous voulons répondre aux attentes des Canadiens.
Les enjeux sont les suivants. Les réseaux anglais et français de la Société Radio-Canada représentent pour les citoyens canadiens une source d'information qui leur rend des comptes par l'entremise du Parlement, du Conseil d'administration, de deux ombudsmans indépendants, et au moyen de l'application d'un ensemble strict de normes et de pratiques journalistiques. Le public a donc accès à une source d'information exempte de toutes pressions commerciales ou liées à la propriété, sans lien de dépendance avec le gouvernement. Ceci signifie que les Canadiens savent qu'ils peuvent se fier à CBC/Radio-Canada pour couvrir les événements qui sont importants pour eux, et d'une manière qui satisfait aux normes les plus élevées d'excellence et d'intégrité.
[Français]
CBC/Radio-Canada n'est pas seulement l'organisme d'information le plus important du pays. C'est aussi le seul à avoir une présence nationale dans les deux langues officielles ainsi que dans huit langues autochtones. La carte que vous avez entre les mains vous donnera une idée de notre présence. La radio anglaise a des journalistes dans 48 communautés, dont six bureaux dans le Nord. La Radio française a des journalistes dans 33 communautés. Les réseaux français et anglais de télévision ont chacun des journalistes dans 33 et 40 communautés du pays.
[Traduction]
Aucun autre radiodiffuseur canadien n'a autant de bureaux journalistiques et de journalistes à l'extérieur des grandes villes. Nous sommes présents dans des villes comme Kelowna, en Colombie-Britannique, qui a récemment été dévastée par des incendies de forêt; Saguenay, au Québec, où l'un des grands employeurs du Canada, Alcan, est en train de réaliser un investissement sans précédent; Brandon, au Manitoba où la sécheresse persistante menace le gagne- pain des gens; et, Goose Bay où CBC/Radio-Canada a attiré l'attention du public sur la misère des collectivités autochtones.
Leur collectivité et leur région, voilà ce qui compte au dire des Canadiens. Je suis fière d'affirmer que la moitié de notre programmation canadienne, dans tous les services de la Société, comporte un volet régional. En effet, près de 40 p. 100 de notre budget d'exploitation total est dépensé dans les régions ou pour financer des activités régionales. Dans le cas de la radio, nous dépensons plus 60 p. 100 dans les régions, dans les deux langues officielles, ce qui représente environ 2 000 heures de programmation par semaine.
De plus, il importe que nous ouvrions une fenêtre canadienne sur le monde. Pour moi, cette activité revêt une importance capitale. Les correspondants étrangers de la Société qui sont en poste à New York, à Washington et à Rio de Janeiro couvrent le continent américain, du nord au sud; ceux qui sont en poste à Londres, à Paris et à Moscou couvrent l'Europe. Le correspondant de Dakar couvre l'Afrique, tandis que d'autres correspondants sont en poste à Jérusalem, au Caire, à Amman, à Bangkok, et à Péking pour témoigner de l'actualité du Proche-Orient et de l'Extrême- Orient
Nous possédons 12 bureaux à l'étranger. Aucun autre radiodiffuseur canadien ne consacre autant de ressources et n'envoie autant de journalistes sur le terrain que CBC/Radio-Canada. Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de cette présence internationale. Nous ne pouvons tout simplement pas compter sur les reportages des autres pays pour assurer la couverture que les Canadiens exigent, que ce soit en Iraq ou à New York. Lorsque les journalistes de CBC/ Radio-Canada couvrent des événements internationaux importants, les Canadiens sont assurés d'avoir une perspective canadienne et une qualité journalistique à toute épreuve.
La Société Radio-Canada engage ces ressources journalistiques essentielles parce que c'est là son mandat: être une source indépendante d'information; et offrir une tribune pour les débats à l'analyse, ainsi qu'un forum permettant l'échange des idées — même si tout cela ne se traduit pas par une forte cote d'écoute. Tel est tout simplement notre mandat.
Selon moi, cette entité doit être indépendante, et n'obéir à aucune considération politique, financière ou personnelle. Cette entité doit être le radiodiffuseur public.
Nous pouvons donner aux nouvelles et à l'actualité une place de choix dans nos grilles de programmation. Nos services nationaux de télévision diffusent des émissions de nouvelles et d'informations aux heures de grande écoute, notamment Le Téléjournal et The National, présentés à 22 heures chaque soir. Nous devons cela en grande partie aux contribuables canadiens. L'accès aux crédits parlementaires signifie que nos grilles de télévision ne sont pas tributaires de la programmation venue des États-Unis. La Première chaîne et Radio One sont exclusivement financées par les contribuables et peuvent donc privilégier les émissions d'informations. Le financement public nous permet donc d'échapper à certaines pressions qui pèsent sur les autres entreprises médiatiques.
Ainsi lorsque des événements importants font la manchette au Canada, les réseaux anglais et français de la SRC peuvent interrompre leur programmation régulière pour offrir des reportages en direct et en continu à tous les Canadiens. C'est ce que nous avons fait pour la visite du Pape Jean-Paul II en juillet 2002, à l'occasion de la Journée mondiale de la jeunesse. Nous avons fait de même pour la visite de la Reine, et lorsque de nombreuses autres crises ont surgi dans le monde. La priorité que nous donnons à l'information fait que les Canadiens se tournent vers CBC/Radio- Canada pour la couverture et l'analyse des grands événements nationaux.
Aujourd'hui, plus de quatre Canadiens sur cinq pensent que les informations télévisées de Radio-Canada et de CBC sont fiables et exhaustives. Lorsqu'on a demandé aux Canadiens de dire quelle chaîne de télévision de langue anglaise avait réussi le mieux à présenter l'optique canadienne sur la guerre en Iraq, deux fois plus d'entre eux ont cité CBC/ Radio-Canada comme étant le radio diffuseur de choix, par rapport à tous les autres.
Quoi qu'il arrive dans l'industrie médiatique canadienne, les Canadiens savent qu'ils peuvent se fier à CBC/Radio- Canada pour avoir accès à des opinions canadiennes indépendantes et à des thèmes canadiens uniques qui ne sont présentés nulle part ailleurs. Le fait est que vous ne verrez jamais une émission comme Le Canada: une histoire populaire sur une chaîne privée. Dans l'univers multichaînes d'aujourd'hui, c'est ce qui fait que la radiodiffusion publique est plus importante que jamais.
[Français]
M. Robert Rabinovitch, président-directeur général, Société Radio-Canada: Madame la présidente, les membres du comité ont signalé leurs inquiétudes face à la concentration croissante des médias au Canada. Les changements récents, qui ont modifié le paysage médiatique canadien justifient encore davantage le maintien d'un radiodiffuseur public national solide et dynamique. Le journalisme de grande qualité coûte cher. Bien souvent, il ne génère pas un auditoire assez vaste ni des revenus publicitaires assez élevés pour les entreprises axées sur le profit. C'est la réalité de l'industrie de l'information aujourd'hui.
Pendant que les diverses sociétés de Québécor Média concentraient tous leurs efforts sur l'émission de télé-réalité, Star Académie au réseau TVA, CBC Radio-Canada couvrait la guerre en Irak. TVA avait un seul correspondant sur place. Nous avions près de 40 personnes dans toute la région, à Amman, au Koweït, au Qatar, à Jérusalem, à Tel-Aviv, dans le nord de l'Irak, en Turquie, au Caire et à Londres, Paris, Washington et Bagdad.
Notre objectif était simple. Nous voulions fournir une interprétation canadienne des événements au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. En tant que pays, nous ne pouvions pas et nous ne devions pas compter sur les réseaux américains ou même la BBC pour recréer l'information. En tant que nation, le Canada ne participait pas à cette guerre. Les Canadiens méritaient qu'on leur présente les événements selon une perspective canadienne.
Soyons clairs. Je ne blâme pas les radiodiffuseurs privés pour leurs choix. Star Académie pourrait bien être la première véritable réussite de la convergence au Canada. On devrait d'ailleurs féliciter les auteurs de ce succès pour avoir réussi là où tant d'autres ont échoué.
Cette conjoncture unique d'événements nous a montré deux choses. Le secteur privé fait face à des intérêts divergents. Les grands conglomérats jouissent d'un pouvoir promotionnel extraordinaire. À preuve, presque tous les francophones du Québec ont entendu parler de Star Académie. Une émission qui a été regardée par la moitié de la population de la province.
[Traduction]
Chose certaine, les bouleversements sans précédent qui agitent le paysage médiatique nous obligent à réexaminer le rôle de la Société Radio-Canada dans le système canadien de radiodiffusion, afin de chercher les moyens de consolider les services que nous offrons.
Ainsi plusieurs de nos correspondants à l'étranger font des reportages en français et en anglais; d'autres font leurs reportages pour la radio et la télévision. Cela signifie que nous pouvons étendre notre couverture en envoyant des correspondants dans un plus grand nombre de régions du monde. Comme je vous l'ai déjà indiqué, nous avons déployé 40 correspondants au Proche-Orient pendant la guerre en Iraq. Nous avons ainsi pu présenter aux Canadiens une plus vaste gamme de reportages et de points de vue pendant le conflit. Cela aussi, c'est l'histoire d'une convergence réussie.
Le gouvernement a reconnu le travail que nous réalisons en attribuant à CBC/Radio-Canada un financement additionnel pour chacun des trois derniers exercices. Ces ressources complémentaires ont été directement investies dans la programmation et, combinées aux économies réalisées à l'interne, nous ont permis d'améliorer le journalisme que nous offrons, tant sur le plan de la qualité que de la quantité, et d'éliminer ou de réduire les pauses publicitaires d'importantes sections de notre grille. Étant donné le succès de ces initiatives, nous espérions que l'enveloppe de 60 millions de dollars ferait partie de notre budget permanent cette année, mais cela n'a été le cas.
Certains ont proposé de changer le modèle de financement de CBC/Radio-Canada et d'adopter celui de PBS, qui est fondé sur les dons. En fait, PBS bénéficie d'un financement considérable de la part du gouvernement fédéral, des États et des gouvernements locaux aux États-Unis, et moins d'un tiers de son budget est constitué de dons du public. Le Canada, dont la population représente environ 10 p. 100 de celle des États-Unis, ne peut prétendre un modèle de financement fondé sur les dons publics, comme PBS. Quand bien même ce modèle serait adopté, il faut savoir que PBS ne présente qu'une seule émission d'informations et dans une seule langue. Au Canada, cela est inconcevable.
Ce dont CBC/Radio-Canada a besoin maintenant, c'est un financement accru, stable et pluriannuel. Sans cela, il est difficile de planifier et de concevoir une programmation distincte et fiable de nouvelles et d'actualités. Nous estimons qu'un cycle de financement quinquennal nous permettrait de financer notre programmation pendant tout le cycle de production, de la conception à la diffusion, ce qui peut prendre plusieurs années.
[Français]
Comme l'a indiqué Mme Taylor, nous avons des journalistes aux quatre coins du Canada. Malgré la réduction constante de nos ressources, nous avons ouvert, au cours des deux dernières années, une vingtaine de nouveaux bureaux journalistiques au pays. Cette année, nous compléterons le développement de La Chaîne culturelle pour en faire un véritable réseau national avec 18 nouvelles fréquences dans toutes les régions du pays.
Cependant, nous aimerions faire plus pour les Canadiens. Un financement adéquat permettrait à CBC/Radio- Canada de demeurer la référence en matière de journalisme et de contribuer au maintien d'une industrie journalistique forte et dynamique. Nous aimerions mettre davantage l'accent sur la programmation locale et régionale. Le fait de refléter la grande diversité de nos communautés est l'un des rôles essentiels d'un radiodiffuseur public. C'est aussi ce que les Canadiens attendent de nous. Cela exigera un réinvestissement dans la rediffusion publique.
[Traduction]
Dans son rapport sur la radiodiffusion au Canada, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a reconnu que CBC/Radio-Canada avait besoin d'un financement accru pour remplir son mandat, et il a proposé que la Société présente au Parlement un plan stratégique, ainsi que les coûts associés à cette stratégie, afin que nous puissions assumer ces responsabilités. Nous appuyons sans réserve la recommandation selon laquelle la Société devrait élaborer un plan stratégique assorti d'un budget complet, lui permettant ainsi d'expliquer comment elle compte augmenter la part de la programmation locale et régionale. Nous pourrions ainsi établir un nouveau «contrat» avec les Canadiens, qui énoncerait clairement ce à quoi ils peuvent s'attendre de leur radiodiffuseur public en ce qui a trait à la programmation locale et régionale, et ce que cela leur en coûtera.
Le secteur privé des médias est en train d'évoluer; il en va de même pour CBC/Radio-Canada. De concert avec un secteur privé sain et concurrentiel, nous croyons que la Société Radio-Canada peut garantir aux Canadiens un véritable choix en matière de nouvelles et d'information, mais qu'il ne faut jamais tenir ce choix pour acquis.
[Français]
Nous vous remercions, encore une fois, de nous avoir permis de faire cette présentation. Nous attendons vos questions et vos réactions.
[Traduction]
Le sénateur Graham: J'ai eu le privilège d'être l'invité de la Société Radio-Canada hier au déjeuner organisé par le Canadian Club. Je voulais féliciter Carole Taylor de son excellent discours. Elle a parlé de la Société et de ce qu'elle voyait dans sa boule de cristal.
Peut-être que vous ou quelqu'un d'autre pourrait nous éclairer au sujet des chiffres. Environ 72 ou 75 p. 100 de votre budget est financé par les deniers publics, alors que le reste provient des recettes publicitaires. Pourriez-vous nous fournir des statistiques plus précises, s'il a effectivement été question de la réduction budgétaire de 10 millions de dollars annoncée peu de temps avant que vous ne mettiez la dernière main à votre budget. J'aimerais que vous soyez un peu plus précise. Quel est le montant total de vos dépenses d'exploitation, et des revenus que vous obtenez à la fois du gouvernement et d'autres sources? Y a-t-il un manque à gagner? Vous est-il déjà arrivé d'enregistrer un excédent?
Je suis tout à fait d'accord avec ce que propose le comité de la Chambre des communes en ce qui concerne un plan quinquennal assorti d'un budget précis. Mais avant de parler de chiffres, je constate qu'il a été question de la couverture en Irak. L'un des témoins que nous avons reçus nous a dit qu'à son avis, la couverture de la guerre en Iraq faite par la Société Radio-Canada manquait totalement d'objectivité. Il avait regardé à la fois les émissions de CBC et de la BBC. Je lui ai demandé s'il avait regardé CNN, AB, NBC ou CBS, et il m'a dit qu'il n'avait pas le temps de le faire.
Moi j'étais d'avis au contraire que la couverture la plus équilibrée de toutes les chaînes dont j'avais regardé les émissions était celle de la CBC, malgré vos ressources limitées. Peut-être pourriez-vous donc nous donner quelques chiffres bien précis. Monsieur Rabinovitch, est-ce à vous de faire cela?
M. Rabinovitch: Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres détaillés en ce moment, mais je suis tout à fait disposé à vous les fournir. De façon générale, pour le réseau de télévision anglaise, je peux vous dire qu'environ 58 p. 100 de notre financement provient de notre crédit, et donc du gouvernement; environ 42 p. 100 découlent de ce que nous appelons les «activités de l'entreprise», c'est-à-dire la publicité, les ventes d'émissions, et les locations. Newsworld et le RDI sont tous les deux des services d'abonnement, si bien qu'ils nous permettent de générer certaines recettes.
Sur un budget total d'environ 1,3 milliard de dollars — et je m'empresse de comparer ce dernier au budget de la BBC d'environ 7 milliards de dollars canadiens, alors que cette dernière ne diffuse que dans une langue — environ 300 millions de dollars proviennent de la publicité, 200 millions de dollars, d'autres sources de revenu, et 850 millions de dollars, de notre crédit parlementaire. Je peux vous donner les chiffres précis, mais je peux vous garantir que ceux que je viens de vous citer sont très proches de la réalité, à quelques points près.
Le sénateur Graham: Il serait bien utile d'avoir ces chiffres. Avec qui êtes-vous appels à négocier quand vous devez parler de budgets avec le gouvernement?
M. Rabinovitch: La Société Radio-Canada relève du Parlement en passant par la ministre du Patrimoine canadien. Cette dernière a nécessairement un rôle très important à jouer dans ce contexte, et il ne fait aucun doute que son rôle était tout à fait déterminant pour ce qui est de nous obtenir les 6 millions de dollars de plus que nous avons reçus. Autrement dit, la ministre est notre porte-parole au Cabinet.
À mon niveau, je discute de ces questions avec le ministre des Finances, le greffier du Conseil privé, et avec d'autres qui participent à la préparation du budget. La présidente passe beaucoup plus de temps à faire du lobbying auprès des ministres. C'est vraiment du lobbying; il s'agit de convaincre les gens de l'importance du rôle du radiodiffuseur public et du fait que la programmation exige certains investissements.
Mme Taylor: Je ne sais pas au juste comment d'autres présidents du Conseil d'administration ont conçu leur rôle, mais j'estime, personnellement, que le gouvernement constitue un partenaire très important pour la Société Radio- Canada. En même temps, c'est un peu délicat parce que l'indépendance journalistique est une condition sine qua non.
Pour ma part, j'ai voulu passer beaucoup de temps avec la ministre dont nous relevons directement, soit la ministre du Patrimoine canadien. Nous traitons aussi avec le ministre des Affaires étrangères, étant donné l'ampleur de nos activités internationales. D'ailleurs, le ministère des Affaires étrangères s'intéresse directement à notre Service international. Nous dialoguons également avec le ministre des Finances — et là nous avons eu affaire à deux personnes différentes — qui a l'ultime responsabilité d'établir le budget.
De plus, j'ai passé beaucoup de temps avec d'autres ministres et différents membres du caucus, quand j'ai eu l'occasion de le faire, pour leur parler de questions précises. Donc, je dirais que ce sont les trois principaux ministres avec lesquels j'ai entretenu des rapports plus suivis.
Le sénateur Graham: Le Sénat et les sénateurs sont responsables devant tous les Canadiens, c'est-à-dire le Canada dans son ensemble; de plus, nous émanons des régions et nous représentons nos régions respectives. Comme vous pouvez vous en douter, la couverture régionale nous importe au plus haut point et nous en entendons parler dans nos régions. Nous entendons parler des aspects à la fois positifs et négatifs.
Hier, madame Taylor, dans le discours que vous avez prononcé devant le Canadian Club, vous disiez que vous aimeriez accroître la couverture régionale et mettre davantage l'accent sur les informations et activités régionales parce que, pour paraphraser Tip O'Neil, «au fond il y a toujours un éclairage local.»
Envisagez-vous donc de transformer la SRC de façon plus fondamentale, pour que nous bénéficiions d'une meilleure représentation régionale?
Mme Taylor: Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre à cette question concernant les régions. C'est une question qui me tient vraiment à coeur. À mon sens, la SRC ne survivra jamais à moins d'un retour à nos sources, c'est-à-dire les Canadiens dans chacune des régions du pays. Ce sont eux qui nous soutiennent financièrement et qui sont nos actionnaires. Nous avons comme mandat de les servir.
Je travaillais encore au studio de CBC Vancouver lorsque les compressions budgétaires ont commencé à nous toucher il y a une quinzaine d'années. J'en ai ressenti les effets très directement. La direction et le conseil d'administration de l'époque avaient décidé, vu la gravité des coupures, qu'il s'agissait simplement de faire le nécessaire pour survivre. Pour eux, cela voulait dire qu'il fallait ramener les crédits disponibles vers Ottawa, Toronto et Montréal. Ils nous disaient essentiellement qu'il fallait maintenir la qualité de la programmation et que la consolidation était le seul moyen d'y parvenir.
Les effets de cette consolidation sur le Canada ont été dévastateurs. Elle a eu pour résultat de rompre nos relations avec les collectivités canadiennes. En tant que présidente, j'ai donc décidé de visiter les petites localités qui, à mon avis, ont été négligées par le passé, et c'est mon expérience personnelle qui me l'a appris. Partout où je vais — que ce soit dans les collectivités francophones ou anglophones — j'entends toujours les mêmes propos. Quand les budgets de toutes ces régions ont été réduits de façon aussi draconienne, les gens dans les collectivités nous ont dit: «Qu'est-ce que vous êtes devenus? Nous avons perdu CBC/Radio Canada. Vous avez disparus, vous n'influencez plus notre vie de tous les jours, et nous avons cessé d'avoir ce rapport avec vous.»
Il s'agit là d'une stratégie adoptée par le Conseil d'administration dans son ensemble. M. Rabinovitch pourra vous expliquer quelles mesures précises nous avons prises pour l'exécuter. Au niveau du Conseil d'administration, nous avons déterminé qu'il fallait absolument rétablir nos rapports privilégiés avec les collectivités canadiennes d'un bout à l'autre du pays. Je suis de nature plutôt activiste; je voudrais que tout se fasse immédiatement. Malheureusement, ce travail suppose un processus évolutif et prend nécessairement du temps.
À Vancouver, nous avons maintenant une émission d'informations nationales produite à Vancouver pour la télévision. Nous venons d'annoncer que Sheila Rogers s'établira à Vancouver — il s'agira de la première fois qu'une émission de radio nationale sera diffusée depuis Vancouver. Donc, la situation évolue petit à petit. Halifax devient également un de nos grands centres de production.
Donc, c'est cette orientation-là que nous avons prise. Je vais permettre à M. Rabinovitch de vous donner d'autres détails à ce sujet. Je tiens cependant à assurer les honorables sénateurs que la SRC estime qu'il est tout à fait essentiel que nous trouvions les crédits nécessaires pour respecter notre engagement envers les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, et surtout envers les régions.
M. Rabinovitch: Sénateur, c'est justement pour cette raison et d'autres que nous cautionnons la recommandation du Comité du patrimoine de la Chambre des communes, selon laquelle nous devrions présenter un plan stratégique pour l'expansion de nos services dans les régions et l'élargissement de la programmation locale.
Heureusement, ce dernier nous a également demandé de faire une évaluation des coûts, car ce genre d'entreprise coûtera très cher. Je rappelle aux honorables sénateurs que notre budget a été réduit de 400 millions de dollars en 1995, avant que, ni l'une ni l'autre, nous n'occupions nos postes actuels. Cette somme correspondait à l'époque à environ 40 p. 100 de notre crédit parlementaire. En chiffres absolus, notre budget a diminué de 319 millions de dollars entre 1990 et 2003. Étant donné que 85 p. 100 de nos dépenses sont liées à nos ressources humaines, nous avons été obligés de freiner notre croissance et notre programmation. Nous avons trouvé cela extrêmement douloureux.
En tant que radiodiffuseurs publics résolus à remplir notre rôle, nous estimons que notre mandat consiste à raconter les histoires des habitants des régions et à leur présenter des reportages qui concernent leurs régions. Là où nous avons eu accès à des fonds discrétionnaires ces dernières années, nous avons fait notre possible pour élargir notre couverture régionale. Comme je vous le disais tout à l'heure, nous avons ouvert 20 nouveaux bureaux dans différentes petites localités d'un bout à l'autre du Canada. Nous les appelons des «bureaux de poche» parce qu'ils sont vraiment assez petits, et la plupart des gens qui y travaillent ont été formés pour travailler à la fois à la radio et à la télévision. De cette façon, nous avons au moins du personnel dans 20 régions différentes qui peuvent assurer la couverture d'événements qui n'étaient pas couverts autrefois.
L'achèvement du travail d'élaboration de la Chaîne culturelle, notre deuxième réseau de radio en français, s'est soldé par l'inauguration de 18 nouvelles stations de radio.
Comme vous l'expliquait Mme Taylor, si Canada Now est diffusée depuis Vancouver plutôt que Toronto, c'est en raison d'un choix délibéré de notre part, et je précise que cette émission passe non pas une fois, mais cinq fois, et qu'elle et rediffusée cinq fois durant la nuit. Avec chaque émission, nous cherchons à nous montrer sensibles aux intérêts régionaux, puisque la moitié de l'émission émane de la région.
Nous avons appris qu'il est possible de faire de la programmation depuis les régions qui intéresse l'ensemble des Canadiens, et il est plus logique en réalité de produire une émission comme Sounds Like Canada à partir de Vancouver, que de Toronto. Nous espérons que cette stratégie portera ses fruits.
Il s'agit d'un début, et non d'une fin. Nous sommes à même d'élaborer un plan qui sera non seulement excellent, mais très complet. Nous assurions autrefois une très forte présence dans les régions; ce n'est plus le cas. Nous sommes à peine visibles.
Le sénateur Gustafson: Je constate une tendance au Canada qui m'inquiète. Nombreux sont ceux qui estiment que la SRC est anti-américaine et anti-Israël et que cela crée des ennuis économiques pour les Canadiens. Je ne vous raconte que ce que j'entends dire.
Un groupe de députés et de sénateurs a visité Israël. À notre première rencontre — et cela m'a beaucoup surpris — McDonald a défendu l'optique qu'il avait présentée sur des situations concernant le Canada. Je suis sûr que vous savez tous très bien de quoi je parle, puisqu'il y a eu des changements par la suite.
Bien sûr, les médias israéliens se sont défendus, et le débat entre les représentants de la SRC et ceux des médias israéliens a duré trois heures. En tout cas, je sais que bon nombre de gens dans l'Ouest sont d'avis que la SRC est tout à fait anti-américaine et gauchisante.
Voilà ce que disent les gens. Puisque la SRC bénéficie d'un financement public considérable, ils estiment qu'il serait tout à fait normal de présenter le point de vue du gouvernement, et voilà ce qu'on nous donne. Je voulais donc soulever cette question.
J'ai tout de même un compliment à vous faire. CBC Radio en Saskatchewan assure une assez bonne couverture, mais certains sont d'avis qu'elle est très gauchiste.
Mme Taylor: Je suis déçue d'apprendre que vous entendez de telles réactions. Je tiens à vous faire savoir qu'en ce qui concerne la politique officielle du Conseil d'administration, nous sommes tout à fait sincères quand nous vous disons que le principe d'un juste équilibre nous tient à coeur et que nous tenons à ce que nos pratiques journalistiques reflètent ce principe.
Quant aux mesures prises par le Conseil d'administration en ce sens, non seulement avons-nous établi un manuel qui présente en détail les politiques de la Société à cet égard, mais nous avons deux protecteurs du public. Je suis très fière de ce système. Nous nous demandions dernièrement si d'autres radiodiffuseurs publics du monde ont un tel système de protecteur du public. Je sais que nous avons été les premiers à nommer un tel protecteur, et vu les difficultés que la BBC a récemment connues, elle s'adresse maintenant à nous pour se renseigner sur notre système.
Selon notre système d'ombudsman, si quelqu'un nous appelle pour déposer une plainte précise, nous l'encourageons à se mettre directement en contact avec notre protecteur du public. Ces deux personnes — une pour les Anglophones et l'autre pour les Francophones — ont la responsabilité de prendre au sérieux chaque plainte qui est déposée et d'y répondre.
Non seulement leur rapport annuel est public, pour que tout le monde puisse en prendre connaissance, mais il est déposé directement devant le Conseil d'administration, pour éviter que nos protecteurs du public relèvent de la direction. Le rapport est présenté directement au Conseil, et directement au public. Son analyse de toutes les plaintes déposées jusqu'ici concernant la possibilité que la Société ait des préjugés dans un sens ou dans un autre a toujours été extrêmement favorable envers CBC/Radio-Canada. Cela ne veut pas dire qu'il n'arrive jamais qu'on nous reproche d'avoir fait telle chose dans telle circonstance, et qu'on nous dise qu'il faut faire mieux, présenter nos excuses, ou prendre d'autres mesures correctives.
En tant que membre du Conseil d'administration, la seule véritable protection que je puisse offrir consiste à créer une procédure dont je sais qu'elle est indépendante, et ensuite encourager les Canadiens, s'ils ne sont pas satisfaits, à y avoir recours.
Le sénateur Gustafson: J'accepte votre réponse.
Le sénateur LaPierre: J'aimerais vous souhaiter la bienvenue.
[Français]
J'entends exactement le contraire de ce que dit le sénateur Gustafson.
[Traduction]
Ils disent que la SRC est trop comme ci ou trop comme çà; qu'elle est trop de droite, et cetera. J'ai décidé de ne pas m'y intéresser.
Madame Taylor, de combien d'argent avez-vous vraiment besoin? Avec Mme Copps et d'autres, j'ai essayé d'empêcher que cette réduction budgétaire catastrophique de 60 millions de dollars ne se produise. Nous n'y avons pas réussi. La ministre non plus, pour des raisons qui se passent d'explication — d'ailleurs, nous n'en savons rien au fond.
De combien d'argent avez-vous besoin? J'ai besoin d'un chiffre.
M. Rabinovitch: Je vais vous donner quelques chiffres et exprimer un souhait. Comme nous avons réussi à accroître l'efficacité de nos opérations internes, j'estime que nous sommes à présent une société beaucoup plus efficace et efficiente que nous ne l'étions autrefois. Nous avons réussi à générer beaucoup de fonds à l'interne.
Nous sommes à même d'exécuter notre mandat, la seule exception étant — et c'est une exception importante — la possibilité d'élargissement additionnel de notre couverture régionale et locale au-delà de ce que nous avons déjà fait grâce aux 100 millions de dollars et du maintien de l'accès à un Fonds de la télévision canadienne pleinement financé.
Si nous disposions des 60 millions de dollars en permanence, plus 40 millions de dollars encore, nous pensons qu'il nous serait possible de présenter ces reportages et dramatiques qui intéressent les Canadiens et de fournir le contenu requis. Comme vous le voyez, il ne s'agit pas d'une somme faramineuse. Nous essayons d'être raisonnables et de ne pas demander la lune.
Par contre, nous sommes convaincus qu'il faudra un investissement considérable — et c'est au gouvernement de voir s'il veut le faire — pour élargir de façon significative notre base régionale — autrement dit, pour permettre l'élaboration d'une programmation locale. C'est à cet égard que nous nous sommes engagés — à condition que le gouvernement le souhaite — d'élaborer une stratégie complète ainsi qu'une évaluation des coûts y afférents.
Ce chiffre de 100 millions de dollars suppose que la Société continuera de bénéficier d'environ 200 millions de dollars grâce au Fonds de la télévision canadienne et que nous aurons une garantie d'accès à ce fonds, étant donné qu'il revêt une si grande importance pour notre programmation.
La présidente: Combien d'argent avez-vous reçu en tout?
M. Rabinovitch: Nous recevons environ 35 p. 100 du budget total. Voilà grosso modo de quoi il s'agit année après année. Parfois c'est 40 p. 100, et parfois c'est un peu moins, mais jamais moins de 35 p. 100. Autrement dit, nous touchons entre 70 millions et 75 millions de dollars grâce au Fonds. Cet investissement est triplé, en ce sens que cette somme nous permet d'élaborer une programmation d'une valeur de 200 millions de dollars. Nous nous servons de ces crédits et nous en investissons aussi; nous arrivons également à faire participer le secteur privé parce que depuis toujours, le Fonds de la télévision canadienne est censé donner lieu à des collaborations entre nous et le secteur privé. Par conséquent, cet investissement de 70 millions de dollars est triplé du point de vue de son impact, puisqu'il permet de générer une programmation que nous pouvons ensuite mettre en ondes.
[Français]
Le sénateur LaPierre: Pourquoi ne le faites-vous pas? Si le comité de la Chambre des communes a proposé cette solution de préparer un plan magistral que vous appelez «Contrat with Canadians» aux niveaux local et régional, pourquoi attendez-vous que les politiciens vous le demandent? Vous avez une responsabilité directe envers le peuple canadien.
Vous pourriez préparer un plan d'action, afin de pouvoir rejoindre et parachever le but et l'idéal du réseau, qui est alimenté de sources locales et régionales. C'est dans les régions que les gens vivent. À mon point de vue, cela serait très important pour votre contrat que vous voulez développer avec le peuple canadien. Faites-le! N'attendez pas que les politiciens vous le demandent! Je vais être mort et vous, vous allez être vieux.
M. Rabinovitch: Je suis complètement d'accord. Nous sommes en train de développer cette idée au siège social avec les différents services. Nous attendons la réponse du gouvernement d'ici la fin du mois de novembre. J'espère que le gouvernement demandera à Radio-Canada de créer ce plan stratégique. Je suis prêt à le faire avec mon équipe. Mais d'abord, j'aimerais mieux avoir une audience pour soumettre ma demande.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Je n'ai pas besoin de vous dire que nous vivons une période politique intéressante mais incertaine au Canada. J'ai une dernière question à vous poser.
[Français]
Vous parlez beaucoup de valeurs. Je connais très bien les valeurs de Radio-Canada, ayant travaillé pendant des années pour cette société. Mais nous parlons aussi du fait que les gens reconnaissent la validité d'un programme ou d'une institution selon ses cotes d'écoute.
[Traduction]
Les cotes d'écoute deviennent alors très importantes pour les bailleurs de fonds, les annonceurs — pour que tout puisse se réaliser. Quel est le lien entre la sainteté des valeurs que défend la SRC et la nécessité pour les gens d'écouter vos émissions, et pour vous, de savoir par quoi cela se traduit au niveau des cotes d'écoute?
J'ai l'impression que le nombre d'auditeurs et la cote d'écoute d'une émission comptent plus que la valeur intrinsèque d'une émission, qui peut avoir seulement un petit public.
[Français]
Comment réconciliez-vous toutes ces demandes constantes faites au bureau de direction de Radio-Canada?
[Traduction]
Mme Taylor: Je dois dire que je me méfie beaucoup des cotes d'écoute. Je ne veux pas vous donner l'impression qu'elles ne comptent pas, parce que je sais très bien que les gens pourraient remettre en question la valeur de nos émissions s'ils se rendaient compte que ces émissions n'intéressent personne. Par contre, je pourrais difficilement accepter le principe selon lequel une émission a de la valeur simplement parce qu'elle a un certain nombre d'auditeurs ou de téléspectateurs.
Permettez-moi de citer l'exemple de l'émission sur le Ballet de Winnipeg, que nous avons produite l'année dernière. Je n'ai pas le chiffre exact, mais je peux vous affirmer qu'entre 200 000 et 300 000 personnes ont regardé cette émission. Çà, c'est plus que le nombre de personnes qui verront ce spectacle en personne au cours de toute une année. On ne peut pas dire qu'une telle émission n'est pas valable parce qu'elle n'attire pas un million de téléspectateurs, comme c'est le cas pour les matchs de hockey ou des séries comme Star Académie.
Les Canadiens sont attachés à ces émissions parce que personne d'autre ne leur offre ce genre de programmation. Notre programmation soutient la culture canadienne et permet aux gens qui adorent les activités culturelles — que ce soit un ballet, un opéra ou autre chose — d'en profiter, peut-être parce qu'ils n'auraient pas les moyens de le faire autrement ou parce qu'ils vivent en milieu rural où il n'existe pas de troupe de ballet. Donc, ces émissions ont une valeur qu'on ne peut assimiler à leur cote d'écoute.
Pour moi, les radiodiffuseurs publics doivent constamment affirmer que leur mandat consiste d'abord et avant tout à faire ce que les autres ne peuvent et ne veulent pas faire ou que nous sommes tout simplement à même de faire mieux que d'autres. Nous devons nous assurer de toujours faire de notre mieux.
C'est toujours gratifiant de voir qu'un épisode d'une dramatique comme Random Passage puisse attirer autant de téléspectateurs qu'un match de hockey certains soirs. Très bien, mais ce n'est pas ainsi que nous en déterminons la valeur. La valeur d'une telle émission, c'est qu'elle permet de raconter une partie de notre histoire canadienne; nous avons eu recours à des producteurs et à des acteurs canadiens pour faire cette émission; elle a été présentée d'un bout à l'autre du Canada; et de plus, nous avons fait çà en partenariat avec l'Irlande, car çà c'est un autre moyen que nous avons trouvé de profiter au maximum des sommes que nous avons à investir.
Je ne veux pas jouer à ce jeu qui consiste à suivre constamment les cotes d'écoute, et je refuse de jouer ce jeu pour les émissions d'informations de 18 heures. Nous avons décidé sciemment d'essayer de faire quelque chose de différent. Nous n'avons pas l'intention d'être sur place chaque fois que quelqu'un appelle une ambulance; il y a déjà suffisamment de gens qui font çà. Nous devons nous efforcer plutôt d'inscrire les événements de la journée dans un contexte approprié et de faire en sorte que ces derniers suscitent un débat. Je vous garantis que ce genre d'approche ne nous vaudra pas de fortes cotes d'écoute, mais telle est notre responsabilité.
Le sénateur Merchant: J'écoute les émissions de CBC, mais je voudrais revenir sur ce que disait le sénateur La Pierre. À mon avis, votre message est formidable, mais le problème, c'est qu'il vous manque des clients, et même si la valeur de vos émissions ne vous semble pas bien importante, elle l'est certainement pour le Canadien ordinaire.
J'ai devant moi les résultats des sondages BBM pour le printemps dernier. J'ai d'ailleurs des copies, si d'autres s'intéressent aux résultats pour Saskatoon, qui est le plus grand centre de la Saskatchewan, selon le nombre d'habitants. J'ai les chiffres pour les hommes et les femmes — c'est-à-dire ceux et celles qui écoutent la radio et la télévision pour obtenir leurs informations. Les chiffres pour les femmes sont plus élevés que ceux pour les hommes. Disons que 3,5 p. 100 de vos auditeurs et téléspectateurs sont des femmes, par rapport à 1,4 p. 100 qui sont des hommes.
M. Rabinovitch: Vous parlez de la radio ou de la télévision?
Le sénateur Merchant: Ce document indique que c'est pour tous les types de services. Peut-être que vous pourriez m'aider. Je ne sais pas si ces résultats sont différents de ceux que vous avez obtenus dans de plus grands centres, comme Montréal, Toronto, Vancouver ou Halifax. À mon avis, il est très important que les Canadiens écoutent les émissions de la SRC, et j'estime par conséquent que vous devez vous intéresser à ce problème.
M. Rabinovitch: Je ne voudrais pas que vous restiez sur l'impression que nous désirons exploiter une série de réseaux élitistes et qu'il nous importe peu de savoir que les gens écoutent ou regardent nos émissions. Au contraire, c'est très important; c'est important pour notre orgueil. Nous sommes des professionnels et nous voulons offrir des produits de qualité exceptionnelle qui sauront intéresser les Canadiens.
À mon avis, nous avons comme mandat de produire des émissions que personne d'autre n'acceptera de produire et qui feront donc que le nombre moyen d'auditeurs ou de téléspectateurs sera moindre. Si nous acceptons de «sacrifier» le jeudi soir pour présenter une émission qui s'appelle Opening Night, qui est une émission de grande culture mettant en vedette le Royal Winnipeg Ballet ou des spectacles d'opéra, c'est parce que nous voulons répondre aux besoins d'un groupe qui ne regarderait jamais la télévision autrement. En d'autres termes, nous tenons tout autant à rejoindre autant de Canadiens que possible que d'avoir une forte cote d'écoute pour un soir en particulier ou une émission spéciale. Nous nous efforçons vraiment d'offrir un bon service à tous les Canadiens et surtout de leur offrir une programmation différente, voire unique. Nous nous en sortons assez bien pour nos séries, comme Random Passage, et cetera, qui sont bien financées. Nous sommes très fiers des cotes d'écoute que nous obtenons pour de telles émissions.
En ce qui concerne notre programmation du matin, nous consacrons toute la matinée à la programmation enfantine, pour créer un endroit où les enfants se sentent en sécurité. Il n'y a pas de publicité, et par conséquent, nous ne faisons pas l'objet de pressions pour vendre des messages publicitaires. Le fait est, cependant, que le nombre de téléspectateurs est bien moindre à cette période de la journée que si nous achetions les émissions d'Oprah Winfrey. Pour être en mesure d'offrir un service à un groupe de Canadiens qui n'en auraient pas autrement, comme nos enfants, il faut être prêt à lui consacrer toute une portion de votre temps d'antenne et à reconnaître que vous n'aurez peut-être pas la cote d'écoute que vous souhaiteriez.
Les chiffres que vous avez cités tout à l'heure ne concernent que la radio. Nous nous débrouillons très bien pour ce qui est de la radio dans toutes les régions du pays. Chaque année depuis quatre ans, nous avons les plus fortes cotes d'écoute pour les services radiophoniques que nous ayons jamais eues, et elles ne cessent d'augmenter. Ça, c'est le résultat de notre programmation locale — notamment les émissions du matin et de l'après-midi, qui sont extrêmement populaires, à la fois en français et en anglais. Dans bien des marchés, nous sommes classés premier et deuxième du point de vue du nombre d'auditeurs.
Pour produisons beaucoup d'émissions pour la radio qui ne sont pas conçues pour joindre un grand nombre d'auditeurs. Par exemple, l'émission d'Eleanor Wachtel sur les livres et les écrivains, Writers & Company, n'est pas conçue pour joindre un grand public, mais plutôt pour répondre aux besoins d'un groupe particulier qui serait négligé autrement.
En ce qui concerne Saskatoon, j'aimerais examiner les chiffres et essayer de comprendre pourquoi il en est ainsi. Il y a peut-être un problème, en ce sens que l'émission locale laisse peut-être à désirer. Merci d'avoir attiré notre attention sur cette situation et de nous avons parlé de toute la question des cotes d'écoute.
Le sénateur Merchant: Le sénateur Gustafson vient également de la Saskatchewan et c'est ce que nous entendons dire — à savoir que CBC n'interpelle pas les Canadiens ordinaires.
Je sais que vous faites vos propres sondages et que vous nous donnez des chiffres, mais j'ai lu quelque chose dans le Globe and Mail où on disait que neuf personnes sur 10 appuient CBC/Radio-Canada. Je suppose que tout dépend du genre de questions qu'on leur pose. Moi, je leur poserais la question que voici — non pas pour être difficile, mais parce que ça m'intéresse: savez-vous combien cela coûte pour chaque unité, chaque auditeur, et chaque heure? Combien cela coûte-t-il aux Canadiens d'avoir la SRC?
Mme Taylor: Pour tous les services que nous offrons — en français, en anglais, dans huit langues autochtones, la radio, la télévision, Internet, le Service international, de même que notre service audio, le coût est de 29 $ pour chaque Canadien, chaque année. Il faut absolument que les Canadiens s'en rendent compte, d'ailleurs, parce qu'à force de parler du budget global, on oublie ce que cela représente pour une personne.
Il y a d'autres façons de concevoir cette capacité de joindre les Canadiens — le concept dont vous a parlé M. Rabinovitch est bien important. Pour nous, cela veut dire que nous devons essayer de joindre autant de Canadiens que possible. Cela ne veut pas dire — pas du tout — qu'ils vont aimer la totalité de notre programmation. Mais j'espère qu'ils pourront se dire que grâce à CBC/Radio-Canada, ils ont accès à des émissions qu'ils ne pourraient obtenir nulle part ailleurs — ni sur les chaînes américaines, ni sur les chaînes canadiennes privées, et par conséquent, nous leur rendons un service valable qui leur coûte 29 $.
Nous sommes sensibles à la situation, surtout dans les régions, et nous savons que nous avons du travail à faire à cet égard. Je suis entièrement d'accord avec vous. Et pour être en mesure de faire ce travail, nous devons rétablir notre présence dans les localités. En Saskatchewan, nous avons beaucoup élargi notre couverture. Quand j'ai eu le plaisir de visiter Regina, les gens me remerciaient sans arrêt d'avoir fait en sorte que nous ayons des journalistes dans différentes parties de la province; ils ne se contentent pas d'informer la population de tout ce qui se passe en Saskatchewan à partir de Regina. Nous avons maintenant des micro-bureaux dans différentes parties de la province qui sont en mesure de nous faire des reportages tous les jours sur ce qui se passe dans les différentes localités.
En tant que journaliste, moi, aussi, j'avais l'habitude de passer du temps dans les salles des nouvelles. Si on était à Regina et qu'on savait qu'il y aurait peut-être un reportage intéressant à faire dans une autre partie de la province, le directeur de la rédaction aurait eu à déterminer combien de temps il faudrait pour s'y rendre en voiture, en combien de temps on pourrait obtenir des images, quand on pourrait être de retour, et dans quelle mesure il serait possible d'avoir un reportage pour les informations de 18 heures. Compte tenu de tous ces facteurs, le directeur de la rédaction se demandait forcément dans quelle mesure ce reportage était vraiment important. Fréquemment on décidait qu'il n'était sans doute pas si important que ça et on acceptait de diffuser les reportages qu'on avait.
Maintenant tout cela a changé. Nous avons des journalistes dans des bureaux d'un bout à l'autre du pays, et notamment en Saskatchewan où il se passe bien des choses et que nos journalistes peuvent nous transmettre immédiatement leurs reportages.
Le sénateur Merchant: Vous avez dit que vos services coûtent 29 $ par an à chaque Canadien. Mais la question que je vous ai posée était différente. Par rapport à l'ensemble de vos auditeurs, savez-vous combien cela vous coûte de m'offrir vos services? Autrement dit, combien coûte-t-il aux Canadiens qui n'écoutent pas les émissions de la SRC de m'offrir vos services?
M. Rabinovitch: Je ne peux pas vous donner un chiffre aussi précis. La somme de 29 $ pour chaque Canadien qu'on vous a citée concerne l'ensemble des services de la SRC, et donc de CBC/Radio-Canada. Je ne sais pas quel est le coût pour un Canadien qui écoute la radio, par opposition à un téléspectateur qui regarde les informations ou les matchs de hockey. Nous n'avons pas ventilé les coûts en fonction du genre de programmation dont il s'agit. Certains types d'émissions, comme les dramatiques, coûtent très cher. Mais la cote d'écoute est bonne. Si je devais répartir le coût des émissions en fonction du nombre d'auditeurs ou de téléspectateurs, il me semble que cela ne correspondrait pas à une très juste mesure de la pertinence et de l'importance de ces émissions pour les personnes qui en bénéficient.
Je me permets d'ajouter que la BBC fait payer une redevance pour chaque poste de télévision. Si vous n'avez qu'un seul poste de télévision chez vous, vous aurez à payer 116 livres par an, par opposition à ce que nous vous faisons payer. Si vous avez trois ou quatre postes de télévision, vous pouvez multiplier cette somme d'autant. Cela vous donne donc une idée de la différence entre le Canada et d'autres pays pour ce qui est du financement des services du radiodiffuseur public.
[Français]
Le sénateur Corbin: Mon abonnement au câble me coûte plus de 475 $ par année. Je n'ai pas tous les canaux disponibles. Je suis prêt à payer beaucoup plus que 29 $ par année pour la programmation de Radio-Canada. Elle dépasse en qualité l'ensemble de toutes les autres programmations.
Je suis du Nouveau-Brunswick, de la région de l'Atlantique. Je voudrais en savoir davantage sur vos opérations dans cette région. À l'époque où je travaillais pour Radio-Canada, CBC à Fredericton, j'étais en contact fréquent avec Radio-Canada à Moncton. Une plainte courante était que c'était la CBC de Halifax, qui déterminait le budget de Radio-Canada Moncton. La situation a-t-elle évolué depuis ce temps?
M. Rabinovitch: Je vais chercher l'information et vous le préciser plus tard. Moncton est notre poste central de l'Est du Canada du côté francophone. Halifax est le poste central et le centre régional des services anglophones. Les services français sont contrôlés plus ou moins par Moncton. Les services anglais sont contrôlés, plus ou moins, par Halifax. Ils ont des budgets régionaux. Ce n'est pas seulement Halifax qui décide du budget des services en anglais, disons au Nouveau-Brunswick. Ils le font conjointement avec le siège social.
Le sénateur Corbin: J'apprécierais que vous me fassiez parvenir l'information par correspondance adressée au greffier du comité. Madame Taylor a abordé ma question principale. L'ombudsman à Radio-Canada autant qu'à la CBC est là pour répondre aux griefs du public.
En termes relatifs, quel degré de succès avez-vous eu à rencontrer les attentes ou à répondre aux griefs du public en général? Votre performance est-elle exceptionnelle? Les gens expriment-ils ou maintiennent-ils, même après enquête, leur insatisfaction? De quelle façon fonctionne votre société?
Mme Taylor: Le succès est très élevé.
[Traduction]
Je sais que nos principaux journalistes du côté des réseaux à la fois français et anglais, soit Tony Burman, Alain Saulnier, et Claude Saint-Laurent, pourront vous donner des informations précises à ce sujet, lorsque la présidente décidera que c'est leur tour.
[Français]
Le sénateur Corbin: L'ombudsman est-il ici?
Mme Taylor: Non.
Le sénateur Corbin: Certains témoins ont prôné l'établissement d'un ombudsman pour l'ensemble des médias au Canada. Un service où le public pourrait s'adresser pour exprimer ses griefs quant aux informations contenues dans les journaux, celles de la radio, de la télévision et même de l'Internet. Si cela se faisait, voudriez-vous abandonner vos ombudsmans à Radio-Canada?
M. Rabinovitch: Je n'ai pas compris ce que vous avez dit au sujet de notre ombudsman. Ils sont là seulement pour répondre aux plaintes sur les services de CBC/Radio-Canada.
Le sénateur Corbin: Reçoivent-ils les plaintes du public ou celles des syndicalistes de Radio-Canada?
M. Rabinovitch: Ils répondent aux plaintes du public. Parfois ce sont des plaintes de syndicalistes en tant que citoyen.
Leur rôle est d'analyser les plaintes si des personnes pensent que les informations sont biaisées. Ils analysent le programme et donnent un rapport très détaillé à chaque personne ainsi qu'à notre conseil d'administration.
Le sénateur Corbin: Arrivez-vous à régler ces plaintes de façon satisfaisante pour tout le monde?
M. Rabinovitch: Assez souvent après la réponse aux plaintes, je reçois ou l'ombudsman reçoit une lettre.
[Traduction]
On nous dit souvent: «Au moins vous avez voulu entendre mon son de cloche, et je vous remercie beaucoup.» Très souvent les gens sont satisfaits. Il arrive évidemment que l'ombudsman fasse une erreur et que nous soyons obligés de prendre des mesures correctives. Parfois cela suppose un changement de politique, auquel cas les journalistes principaux devront travailler avec la direction et proposer un changement de politique au Conseil d'administration. Des fois le Conseil d'administration décidera, suivant la réponse donnée par l'ombudsman, qu'il convient que la direction envisage de modifier sa politique.
[Français]
Le sénateur Corbin: En moyenne, combien de plaintes recevez-vous par année?
M. Rabinovitch: Les chiffres sont dans le rapport. Il y a une différence entre le service en anglais et le service en français. Je vais vous envoyer une copie de ce rapport.
[Traduction]
Le sénateur Eyton: Je suis un fervent partisan de la Société Radio-Canada, et notamment des services de radio du réseau anglais. Je suis un peu d'accord avec certaines des observations qui ont été faites tout à l'heure, en ce sens que j'ai souvent l'impression que les gens que j'écoute ont une prévention en faveur de la gauche. J'écoute régulièrement l'émission d'Andy Barry le matin, et j'ai souvent cette impression, ce qui ne manque jamais de me mettre en colère... mais après je me dis, c'est bien pour ça qu'il est là. Il me réveille en quelque sorte et je sors de chez moi ravigoté. Au fond, j'ai accepté tout cela dans un sens. Je continue de soutenir la SRC. À mon sens, quelqu'un comme Stuart McLean est un véritable trésor que nous devrions tous chérir.
Je sais comment fonctionne une société et quels sont les rôles du président, du conseil d'administration et de la direction. Dans le secteur de la radiodiffusion, vous avez les producteurs et les auditeurs — les consommateurs que vous essayez de satisfaire. À cet égard, vous êtes semblables à vos homologues du secteur privé.
La différence entre vous et eux, c'est que vos homologues du secteur privé ont des valeurs qui viennent en deuxième lieu, après la nécessité d'obtenir un rendement de leur investissement. Ils sont comptables envers le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, soit le CRTC. C'est un système qui est relativement efficace, mais je suppose que, comme pour toute chose, il n'est pas parfait.
Mais la SRC est très différente parce que son rendement est d'une toute autre nature. Il ne s'agit pas d'un rendement de l'investissement, bien que vous arriviez à mesurer cela de diverses façons, que vous fassiez participer le secteur privé, et que vous ayez certains revenus. Mais je trouve curieux que vous continuiez d'être responsables devant le CRTC: vous expliquez en quoi consiste votre programmation et vos licences sont renouvelées de temps à autre. Après tout, le CRTC est une émanation du gouvernement. En même temps, vous dépendez de ce même gouvernement fédéral pour obtenir votre financement. Par conséquent, les ministres vous donnent des crédits ou vous disent que vous aurez droit à tant d'argent pour votre budget, et ensuite une autre créature gouvernementale, en la personne du CRTC, vous dit dans quelles conditions votre licence sera renouvelée.
Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de tout cela? Il me semble qu'il doit y avoir une certaine tension qui n'est pas tout à fait rationnelle — autrement dit, si le gouvernement vous donne des directives, il devrait vous dire: voici votre mandat, et voici l'argent dont vous avez besoin pour le remplir. Dans un cas, quelqu'un vous dit: voici votre mandat, alors qu'un autre membre de la même organisation vous dit: voici votre argent.
Pourriez-vous commenter cette tension créative dont je vous parle?
Mme Taylor: Je vais certainement demander à M. Rabinovitch de participer à la réponse. Il vous a cité un exemple bien concret de ce dont vous parlez. Il ne fait aucun doute qu'il existe une tension. Il y a environ deux ans, nous nous sommes trouvés dans la situation de nous faire imposer par le CRTC une liste très détaillée de conditions de licence qui correspondaient à des questions qui relèveraient normalement de la direction de la SRC ou qui étaient de nature opérationnelle, disons. Dans ce cas-là, le gouvernement nous réduisait notre financement en nous imposant des conditions qu'il nous aurait été impossible de remplir.
M. Rabinovitch: C'est un modèle très intéressant. À mon avis, il n'en existe pas de semblable dans le monde. Notre système de radiodiffusion est tout à fait unique. Il s'agit en réalité d'un partenariat entre les secteurs public et privé, et au milieu de tout cela, nous avons un organisme de réglementation dont le mandat consiste à interpréter la loi. Mais nous sommes tous les deux visés par la loi, et cette dernière renferme des instructions bien explicites en ce qui concerne ce qu'on attend de nous.
Par conséquent, les possibilités de conflits sont nombreuses. Dans son rapport, le Comité du patrimoine a justement mis le doigt sur ces difficultés. À différentes époques, le Conseil et la SRC n'ont vraiment pas été sur la même longueur d'onde — c'est-à-dire que le Conseil était convaincu que la SRC devrait avoir des licences différentes, et cetera. Il y a donc eu des périodes assez difficiles.
Il reste que la Loi prévoit un mécanisme pour le règlement de ce genre de désaccords. Ce mécanisme prévoit que la question soit renvoyée au ministre pour que ce dernier ou cette dernière entende les deux sons de cloche et il en va de même pour des situations où la SRC serait considérée comme n'ayant pas rempli les conditions de licence établies par le Conseil.
Je me souviens d'une seule occasion où on a eu recours à ce mécanisme. Il y a eu un tel renvoi en 1976. Mais de façon générale, on n'y a pas eu recours. Le Conseil remplit une mission bien importante puisqu'il tient des audiences publiques où la SRC doit rendre compte de ses activités devant le public. Le Conseil s'efforce de faire la part des choses entre ce que lui disent les intervenants et les souhaits ou desiderata de la SRC. Donc, il y a une certaine logique dans tout ce processus.
Il y a environ quatre ans, peu de temps après ma nomination, j'ai exprimé le sentiment personnel que le Conseil avait dépassé les limites et cherché à faire de la microgestion. Ce dernier nous disait entre autres quels types de films et de programmation nous devrions présenter dans chaque catégorie. Nous lui avons clairement indiqué qu'il nous serait impossible de respecter de telles conditions. Son véritable objectif était de faire en sorte que nous devenions un radiodiffuseur public qui mette davantage l'accent sur la radiodiffusion publique. Nous avons accepté volontiers une telle mission en lui expliquant qu'il nous faudrait un certain temps pour la remplir. Voilà donc ce qui s'est produit; nous avons justement pris une telle orientation. Nous avons recomparu devant le Conseil il y a six mois en lui demandant de nous dispenser d'une certaine condition de licence. La réaction du Conseil était de nous dire: oui, vous faites vraiment ce qu'on vous a demandé de faire, si bien que nous n'allons plus nous mêler de vos affaires — et c'est ce qu'il a fait.
On peut espérer que nous avons tous le même objectif, c'est-à-dire de créer un système de radiodiffusion de qualité exceptionnelle. Nous voulons tous créer un système de radiodiffusion public sans pair dans le cadre duquel les crédits sont utilisés à bon escient. Le Conseil essaie de réglementer l'ensemble du secteur de la radiodiffusion. Nous espérons toujours en arriver à une solution, et normalement, nous y arrivons.
Le sénateur Eyton: Je trouve tout de même curieux que le chef d'orchestre vous dise: «Voici votre mandat,» et qu'ensuite le premier violon vous fasse part de son opinion à lui. Or le rôle du premier violon est critique dans ce que vous faites. Si je devais choisir entre quelqu'un qui vous dise: «Voici votre mandat,» en vous remettant une description de tâches, et le premier violon, je choisirais toujours le premier violon. C'est tout de même assez clair. Il n'y a pas beaucoup de gens qui trouveraient à redire sur cette façon de faire. Je ne suis pas sûr de savoir comment ça marche encore, mais je ne vais pas insister là-dessus parce que j'ai une autre question à vous poser.
Vous avez parlé du fait que les Canadiens doivent pouvoir parler entre eux, et vous avez fait allusion à vos activités de radiodiffusion internationale qui permettent justement aux Canadiens d'entendre les récits de personnes vivant à l'étranger. C'est très bien. Le monde est sujet à des mutations très profondes en ce moment et nos rapports avec les États-Unis, en particulier, sont tout à fait critiques. À certains égards, à cause de nos rapports privilégiés, de nos échanges, des investissements réciproques, et de la proximité entre nos deux pays, les États-Unis représentent notre préoccupation la plus importante, et c'est tout à fait normal. De plus en plus, le Mexique est logé à la même enseigne à cause de l'ALENA, de l'accroissement de nos échanges et de toutes les relations différentes qui se créent par suite d'une intensification des investissements, du commerce et des déplacements.
Que fait donc la SRC pour raconter ce qui se passe au Canada au reste du monde, à une époque où le monde se rapetisse? Il importe que le reste du monde sache ce qui se passe chez nous, tout comme nous apprenons beaucoup de choses sur les autres pays.
Mme Taylor: M. Rabinovitch pourra vous parler des mesures concrètes que nous avons prises à cet égard. Mais cela me semble tout à fait critique. À mon avis, le Canada a l'occasion de jouer un rôle sur la scène internationale. Nous sommes un pays de compassion qui chérit certaines valeurs. Nous sommes un pays bilingue et multiculturel; le Canada est un pays très intéressant. Nous devrions donc participer au débat international. Il importe que nous nous fassions entendre.
Et pour nous faire entendre, nous devons justement avoir des journalistes canadiens dans les différentes régions du monde pour analyser ce qui s'y passe et nous en parler. Il faut aussi que nous nous racontions sur la scène internationale. J'ai fait la promotion, auprès de différents ministres et peut-être à des premiers ministres futurs, de l'idée selon laquelle les priorités canadiennes — qui commencent à se préciser — soient présentes et soient communiquées de la manière que nous connaissons tous par la SRC, en sa qualité de radiodiffuseur public. Par exemple, la BBC joue ce genre de rôle pour l'Angleterre.
En même temps, nous n'avons pas beaucoup d'argent à consacrer à ce genre d'initiative, et par conséquent, nous essayons de faire preuve d'imagination et d'établir des partenariats naturels. À mon avis, nos partenariats avec d'autres radiodiffuseurs publics du monde se multiplieront dans les prochaines années, si bien que nous pourrons partager avec autrui notre programmation pour que d'autres en profitent.
Par contre, la situation de Newsworld International aux États-Unis m'inquiète un peu. Comme nous le savons tous, la compagnie concernée change de propriétaire. Je ne sais pas dans quelle mesure notre contrat est sûr.
M. Rabinovitch et moi avons parlé d'autres moyens de faire entendre notre voix aux États-Unis. Par exemple, notre couverture de la guerre en Iraq a été reprise, aussi étonnant que cela puisse paraître, par certaines compagnies de câblodistribution américaines, et par le Home Shopping Network, qui cherchait à présenter une autre perspective. Je sais que cela vous semblera peut-être étrange, mais c'est la vérité. Nous en avons eu des échos qui nous ont permis de comprendre que les gens trouvaient rafraîchissant d'entendre un autre point de vue. Voilà donc l'argument qu'on vous fait valoir aujourd'hui: nous ne sommes qu'un choix parmi d'autres, mais nous estimons que notre optique, par rapport à toutes celles qui composent le secteur de la radiodiffusion, en est une qu'il est important d'entendre.
Le comité parlementaire a proposé que nous définissions une programmation régionale en en évaluant les coûts. De la même façon, nous pourrons peut-être, de concert avec le ministère des Affaires étrangères, d'élaborer un projet d'activité internationale. Peut-être pourrons-nous collaborer de façon à trouver des crédits permettant de financer de telles activités.
M. Rabinovitch: Cette question est tout à fait critique. Nous parlons de communication réciproque: comment faisons-nous pour comprendre ce qui se passe dans le monde et comment expliquons-nous ces événements aux Canadiens? Nous avons expliqué que nous assurons des services et que nous avons des journalistes dans différents pays du monde, mais nous avons aussi comme responsabilité de présenter les récits des Canadiens à ce sujet. À bien des égards, nos récits canadiens correspondent à notre façon d'interpréter les événements internationaux. Nous avons trouvé tellement intéressant de constater que différents segments du public américain ont voulu suivre les informations sur Newsworld International ou sur CBC, au moment où les émissions de CBC sont retransmises sur C-SPAN. Lors de crises majeures, les émissions de CBC sont souvent rediffusées par ces chaînes-là.
Nous pouvons aussi juger de la réaction des gens selon les courriels que nous recevons. Les Américains ont de cette façon l'occasion de comprendre que les Canadiens ont certaines particularités et que nous sommes différents d'eux. Les Canadiens n'ont pas la même réaction face à différents reportages et notre analyse est tout simplement différente. Il en va de même pour nos amis de BBC World, qui ont fait un excellent travail pendant la guerre de l'Iraq — c'est-à-dire, pendant la période d'activité intensive, puisque la guerre se poursuit encore. Beaucoup d'Américains ont voulu écouter ses reportages, de même que ceux de Newsworld International. En ce qui nous concerne, c'est une analyse complètement différente — différente de l'optique présentée par la chaîne Fox ou la chaîne CNN. Voilà qui est bien important. Au fond nous communiquons nos valeurs à autrui par notre façon de raconter une histoire.
De même, nous avons Radio-Canada International, ou RCI, qui diffuse dans sept langues différentes. RCI est gravement sous-financé. Il a failli mourir plusieurs fois. Le gouvernement nous a enfin donné l'argent nécessaire dans notre budget de cette année. Une fois par an, on nous dit si nous pourrons ou non continuer d'offrir ce service. Il est gravement sous-financé par rapport au rôle que vous décrivait Mme Taylor — le rôle qu'il devrait justement jouer à notre avis pour communiquer le message canadien.
Nous avons eu un certain nombre de discussions avec le ministère des Affaires étrangères — surtout maintenant qu'il est question d'étendre l'ALENA à d'autres pays latino-américains — concernant la possibilité de diffuser au Brésil en portugais, encore une fois en raison de la nécessité de communiquer le message canadien.
Je m'en voudrais aussi d'oublier de vous parler de TV5. TV5 représente un partenariat de radiodiffuseurs de langue française du monde entier ayant potentiellement plus de 250 millions de téléspectateurs. Nous jouons un rôle très important dans le cadre des activités de TV5. Le gouvernement de France vient d'annoncer la création d'un CNN français. Nous sommes actuellement en pourparlers avec ce dernier concernant la possibilité d'établir un partenariat ou de lui fournir des reportages canadiens.
Donc, vous avez parfaitement raison. Ce sont des activités que nous jugeons critiques, mais elles sont en même temps sous-financées.
La présidente: Sénateurs, M. Rabinovitch et Mme Taylor doivent nous quitter dans 10 minutes, et trois journalistes qui se classent parmi les plus réputés du Canada attendent de témoigner devant le comité. J'ai donc décidé arbitrairement de vous empêcher de poser des questions complémentaires pendant ce tour de questions.
Le sénateur Spivak: Personne n'a encore parlé du rôle que joue la télévision dans l'éducation. J'ai lu quelque part que les enfants passent moins de temps à l'école que devant la télévision. Mais ne parlons pas de chiffres. De toute façon, les chiffres ne m'ont jamais beaucoup intéressée parce que dans notre univers fragmenté de la télévision, les chiffres ne sont plus ce qu'ils étaient autrefois. À mon avis, la SRC s'en tire assez bien. Pour moi, l'optique canadienne a une valeur intrinsèque bien supérieure à ce que peuvent nous offrir la plupart des chaînes américaines, dont la couverture est répétitive et repose sur un nivellement vers le bas.
Voilà donc quelques observations gratuites. PBS est fantastique.
Je comprends votre plan stratégique, et s'il est possible d'obtenir le financement requis de la part du gouvernement, ce serait fantastique.
Que pensez-vous de l'expérience de TVO en ce qui concerne la collecte de fonds? PBS fait de même. Combien d'argent ce réseau parvient-il à réunir de cette façon? Est-ce une façon crédible de réunir des fonds? Je crois savoir que la SRC n'a jamais fait ça.
M. Rabinovitch: D'abord, vous avez tout à fait raison de dire que la télévision représente un outil éducatif extrêmement important. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé, en tant que radiodiffuseur public, d'accroître considérablement notre programmation pour enfants.
Le sénateur Spivak: La cote d'écoute de votre série intitulée Le Canada: une histoire populaire était très élevée.
M. Rabinovitch: Non seulement cette série nous a valu une excellente cote d'écoute, mais elle est utilisée dans environ 90 p. 100 des écoles canadiennes. Vous avez tout à fait raison; elle a présenté l'histoire canadienne de manière intéressante, et le fait est que notre histoire est très intéressante.
En ce qui concerne d'autres méthodes de collecte de fonds, TVOntario arrive à peine à rentrer dans ses frais avec ses activités de collecte de fonds. Je me suis renseigné à ce sujet auprès de responsables de PBS. Je vous assure que j'ai examiné d'autres façons de réunir des fonds, parce que nous en avons besoin. Chez PBS, d'après ce qu'on me dit, 48 cents de chaque dollar qu'ils arrivent à réunir servent à acheter des droits et des émissions spéciales qui permettent d'attirer des téléspectateurs. De plus, ils donnent des cadeaux et tout ça. C'est une façon très coûteuse de réunir des fonds.
À mon avis, si TVOntario a eu recours à cette technique, c'est surtout pour créer un groupe de pression qui puisse défendre les intérêts de TVOntario, et non pas pour avoir une véritable source de financement.
Mais il y a un problème en ce qui concerne les émissions scolaires. Les crédits auxquels peut accéder TVOntario se montent à environ 48 millions de dollars par an, ce qui n'est pas grand-chose. Il en va de même pour Télé-Québec: la somme consacrée à la télévision éducative représente une misère.
Le sénateur Day: Merci de votre présence et des éclaircissements que vous nous avez fournis. J'ai deux questions à vous poser. La première concerne l'impact du journalisme et de la radiodiffusion, et la seconde porte sur la convergence — notamment dans le contexte de la radio et de la télévision — et où elle pourrait nous amener. Peut-être pourriez-vous commenter ces deux éléments.
Vous avez parlé de notre participation à l'univers numérique multichaînes — l'univers de la câblodistribution. Nous avons tous observé également que les reportages — notamment ceux diffusés aux informations — des journalistes étrangers se font maintenant au moyen de téléphone cellulaire ou passent par satellite. Quel est l'impact de cette évolution? Le journalisme s'en trouve-t-il amélioré ou non? Cette réalité fait-elle que les radiodiffuseurs ressentent de plus en plus de pression pour faire le genre de reportage superficiel qu'on voit sur CNN, au lieu d'approfondir chaque situation et de raconter ce qui s'est vraiment passé? Êtes-vous toujours en mesure de faire ce que vous voulez faire vu les pressions qu'exercent sur vous des téléspectateurs qui veulent plus d'information, et ce de plus en plus rapidement?
Pour ce qui est de la convergence, vous avez mentionné que vos journalistes font des reportages à la fois pour la radio et la télévision. Nous avons donc perdu une option. Par le passé, nous aurions pu écouter les gens à la radio et ensuite passer à la télévision pour entendre le reportage d'un autre journaliste qui avait un autre point de vue, en français et en anglais. Par exemple, j'aurais pu écouter une chaîne de langue française, CBC, ou Radio-Canada, pour obtenir une autre interprétation d'un événement important. Mais je n'ai plus cette possibilité. Je présume que ce même journaliste présente aussi des reportages sur Internet. Bientôt vous allez vendre ces reportages à la presse écrite, si vous ne le faites pas déjà. Quelle est la conséquence de cette convergence qui prend la forme d'un seul journaliste couvrant plusieurs médias de communication?
M. Rabinovitch: Vous soulevez une question très importante. L'environnement évoluera avec le temps. Des changements technologiques très importants s'opèrent dans l'ensemble du monde de la télévision. L'avènement des enregistreurs vidéo personnels est en train de changer la façon dont les gens regardent la télévision et les choix qu'ils font. Les gens découvrent leur pouvoir de déterminer ce qu'ils veulent ou non regarder, et ce beaucoup plus que jamais auparavant.
Nous devons donc considérer les changements technologiques à la fois comme un défi à relever et une menace potentielle. La menace relève de l'exigence des téléspectateurs de suivre l'actualité au même rythme — c'est-à-dire, de communiquer les informations aussi rapidement que possible. Ainsi on court parfois le risque de ne pas toujours bien vérifier les sources, parce qu'on veut être le premier à communiquer l'information au public. Il n'y a aucun doute dans mon esprit quant aux pressions qui s'exercent sur CNN et Fox dans leur lutte perpétuelle pour communiquer les nouvelles en primeur. Ils se disent qu'ils ont le reste de la journée pour rectifier l'information, si elle se révèle inexacte. Ils vous diront que telle est leur approche.
Mais ce n'est pas notre philosophie. En même temps, nos collègues dans les salles de nouvelles voient les images et l'actualité se dérouler sans nécessairement avoir toute l'information. C'est toujours une question de jugement. Mais nous voulons que ce jugement soit influencé par le désir de présenter des informations exactes, et non pas nécessairement celui d'être le premier à les communiquer. Les téléphones cellulaires et les satellites vous donnent beaucoup plus de souplesse pour ce qui est de communiquer les informations rapidement et de savoir ce qui se passe.
En même temps, la convergence présente une occasion vraiment intéressante, soit celle de s'organiser pour que plus de gens — ou le même nombre — travaillent pour différents services au sein de l'organisation, de manière à pouvoir présenter plus de reportages. Ils peuvent ainsi être les premiers sur le terrain. Ce sont des gens qui comprennent bien la situation locale. Il ne s'agit pas de ce qu'on appelle «le journalisme de parachute,» soit le genre de journalisme auquel ont recours les Américains — autrement dit, on ferme des bureaux mais on s'arrange pour amener les journalistes sur place rapidement lorsqu'on en a besoin. Cette façon de faire n'est pas appropriée à notre avis. Nous préférons avoir des gens sur place — peut-être une seule personne à Moscou, mais s'il y a un gros reportage à faire à un moment donné, vous pouvez toujours y envoyer d'autres journalistes. Il faut éviter une situation où l'on surcharge les journalistes en leur demandant de faire trop de choses.
Mais pour une journée normale quand vous avez quelqu'un à Bagdad — et c'est notre cas — comme Don Murray, qui présente des reportages sur la vie à Bagdad, il est tout à fait normal de s'assurer qu'il ait le temps de préparer son reportage et qu'il le fasse en anglais et en français. De cette façon, deux de nos services peuvent profiter de la présence de Don Murray. Il s'agit toujours d'établir le bon équilibre. Ce serait une bonne question à poser à nos journalistes en chef — à savoir, comment arrivent-ils à atteindre cet équilibre et que font-ils pour empêcher que nos journalistes souffrent d'épuisement professionnel? On ne peut pas être trop exigeant vis-à-vis d'eux. Nous cherchons toujours à établir le bon équilibre. Les nouvelles technologies nous donnent plus de flexibilité, mais en même temps, elles présentent un certain danger. Elles peuvent fausser les valeurs, et il faut donc faire attention pour éviter que cela se produise.
La présidente: Merci beaucoup. C'est un peu frustrant d'avoir à dire que nous avons été très heureux de vous recevoir, parce que nous pourrions en réalité vous garder ici pendant encore bien des heures. Je sais que vous devez partir, mais nous avons le privilège d'avoir parmi nous les gens qui, comme vous l'avez dit vous-même, assurent l'efficacité du système.
Pourriez-vous nous faire parvenir par la suite quelques statistiques budgétaires, et notamment le montant dépensé par chaque service depuis plusieurs années pour les informations et affaires publiques? Je pense que nous comprenons tous très bien qu'il ne faut pas devenir l'esclave des cotes d'écoute. Par contre, pour nous permettre de comprendre les éléments soulevés par le sénateur Merchant dans sa question, auriez-vous l'obligeance de nous envoyer des données sur vos diverses émissions, les cotes d'écoute, le nombre d'auditeurs ou de téléspectateurs que vous rejoignez, votre part de marché, et cetera? Nous vous saurions gré de nous communiquer cette information.
[Français]
Le sénateur Corbin: Nous aimerions aussi recevoir des informations quant à l'allocation régionale des budgets de Radio-Canada.
Le sénateur LaPierre: Les chiffres sont importants sans doute mais malheureusement, ils doivent être pris dans un contexte global.
[Traduction]
Nous avons ici les cotes d'écoute de Radio-Canada, mais nous ne les comparons jamais aux cotes d'écoute et aux émissions auxquelles elles peuvent correspondre ailleurs. Les gens disent que seulement 8 p. 100 des Canadiens écoutent Radio-Canada, alors que 75 p. 100 écoutent autre chose, mais nous ne savons jamais de quelles émissions il s'agit. Ne voir que ces chiffres et constater que 1,5 p. 100 des résidents de Saskatoon font ceci ou cela n'est pas bien utile, à moins que je sache ce que font vos concurrents. Avez-vous cette information-là?
La présidente: Dans la mesure où nos témoins peuvent nous la fournir, nous serons très heureux de l'examiner. Merci infiniment à vous deux.
Mme Taylor: Merci de nous avoir accordé autant de temps aujourd'hui. Me permettez-vous de rester là pour écouter les propos de mes collègues?
La présidente: Bien sûr. Sénateurs, nous recevons maintenant trois des plus grands journalistes du Canada, qui sont responsables du bon fonctionnement des services de nouvelles et d'informations aux réseaux anglais et français de la SRC.
Nous sommes ravis de souhaiter la bienvenue à M. Tony Burman, rédacteur en chef, de CBC News, Current Affairs et Newsworld, CBC Radio, CBC TV, et cbc.ca.
[Français]
Nous accueillons M. Claude Saint-Laurent, conseiller spécial auprès du président-directeur général et président du Comité des normes et pratiques journalistiques ainsi que M. Alain Saulnier, directeur général de l'information radio à Radio-Canada.
Nous écouterons vos présentations et par la suite nous passerons à une deuxième ronde de questions de la part des sénateurs.
[Traduction]
M. Tony Burman, rédacteur en chef, CBC News, Current Affairs et Newsworld, CBC Radio, TV et cbc.ca, Société Radio-Canada: Honorables sénateurs, c'est pour moi un grand honneur d'avoir l'occasion de discuter avec vous de ces questions importantes.
Comme la présidente vous l'a déjà dit, je suis le rédacteur en chef des services de langue anglaise de la SRC et je suis donc chargé de superviser la programmation des nouvelles et des actualités à la télévision et à la radio de CBC, à Newsworld, et à CBC News Online.
Jour après jour depuis plus de 50 ans, les services de CBC News informent les Canadiens de ce qui se passe dans leurs collectivités, leur pays et de par le vaste monde. Au fil des ans, CBC/Radio Canada, dont le rayonnement était à l'origine limité aux ondes radiophoniques, a évolué pour devenir un service à plates-formes multiples desservant l'ensemble des Canadiens aux quatre coins du globe.
La couverture de la guerre en Iraq par CBC/Radio-Canada, par exemple, a été regardée et écoutée partout au Canada: à la radio, à la télévision, en français comme en anglais, ainsi que sur cbc.ca. Mais elle a également été diffusée avec grand succès dans le monde entier. À la radio sur ondes courtes, notre couverture a été écoutée dans des douzaines de pays, en français, en anglais, et dans d'autres langues, sur les ondes de Radio-Canada International. Le Téléjournal et d'autres émissions télévisées de Radio-Canada ont été regardés dans toute la francophonie par l'entremise de TV5. De plus, l'ensemble des émissions télévisées importantes et spéciales de CBC, dont The National, ont été regardées quotidiennement sur notre service international par câble, Newsworld International. Ce service est distribué dans plus de 15 millions de foyers aux États-Unis, au Mexique et dans les Antilles.
Notre couverture de la guerre en Iraq a été un modèle de coopération entre les différents services d'information de CBC/Radio-Canada, en français et en anglais. Les téléspectateurs ont pu voir dans les deux langues les reportages primés de Céline Galipeau, de Michel Cormier, de Don Murray, et de Patrick Brown.
Les auditeurs francophones et anglophones au Canada et à l'étranger ont eu l'occasion d'écouter les reportages d'Akli Abdallah, de Manon Globensky, de Mike Hornbrook, et de Steve Puddicombe.
[Français]
L'information internationale occupe une place de plus en plus grande dans toutes les composantes de CBC/Radio- Canada. Nous croyons plus que jamais que les Canadiens doivent s'ouvrir au monde afin de bien comprendre les nouvelles réalités. Le 11 septembre a montré l'urgence de saisir ces nouvelles réalités. Mes collègues de la Radio et de la Télévision française et nous, avons répondu à cette situation en proposant une programmation pertinente pour expliquer le monde à notre auditoire.
[Traduction]
Et il y a une raison à cela. L'ensemble du secteur des médias est en profonde transformation. Tout bouge autour de nous, pas seulement au Canada, mais dans le monde entier.
Au début du printemps de cette année, CBC News et le Service de recherche sur les auditoires de CBC/Radio Canada ont consulté des Canadiens d'un bout à l'autre du pays. La question qu'on leur a posée était d'une importance fondamentale: «À titre de Canadien, qu'attendez-vous des médias d'information aujourd'hui et de CBC/Radio Canada en particulier?»
Les recherches ont été menées par deux entreprises externes respectées, sous la supervision de la Société. Il s'agit de l'étude la plus importante de cette nature jamais menée au Canada, et elle a porté sur des milliers de citoyens d'un océan à l'autre qui ont été consultés dans une multitude de situations.
Comme les membres du comité le savent pertinemment, les changements qui se produiront au cours des cinq prochaines années dans la manière dont les informations sont «consommées» et «produites» pourraient bien dépasser ceux que nous avons observés depuis cinq ans.
Permettez-moi de vous donner un aperçu des constats — de cette étude menée auprès de consommateurs de services d'information de toutes les régions du pays. Nous venons tout juste de recevoir les résultats préliminaires et, dans les semaines qui viennent, nous soumettrons une ébauche du rapport au comité.
Le rapport d'enquête, bien qu'il soit dans l'ensemble très favorable concernant les activités de la Société, a révélé plusieurs questions sur lesquelles nous devrons nous pencher. Il s'agit là du défi que CBC News devra relever au cours des trois prochaines années. Les Canadiens semblent manifester un plus grand intérêt pour les informations internationales qu'on ne leur prête habituellement. Selon le rapport, l'intérêt et l'importance attachés aux nouvelles internationales sont à toutes fins utiles universels et l'étude révèle, entre autres, que ce créneau pourrait être celui qui recèle le plus fort potentiel de croissance des auditoires. Les données recueillies révèlent que de nombreux Canadiens souhaitent que nous fassions preuve d'une plus grande diversité dans le choix et le traitement des nouvelles et des actualités, ainsi que d'une plus grande transparence dans nos façons de faire. Les Canadiens semblent être plus conscients de la nouvelle place qu'occupe le Canada sur l'échiquier mondial: le Canada est perçu «comme le meilleur pays où vivre» et comme un acteur beaucoup plus important à l'étranger qu'on ne le reconnaît actuellement. Cette perception est couplée à la notion que les «Canadiens doivent devenir plus habiles à faire la promotion de leur pays,» et à cet égard, CBC/Radio-Canada doit ouvrir la voie. Finalement, il semble y avoir un intérêt véritable pour la politique canadienne conjugué à un scepticisme profond quant au traitement de ces questions par les médias d'information, y compris par CBC/Radio-Canada.
Il y a aussi les bons côtés que le rapport soulève et qu'il ne faut pas perdre de vue: dans ce nouveau monde trépidant,CBC/Radio-Canada occupe une position éminemment avantageuse et jouit d'une renommée très enviable. Nous sommes les gardiens d'une riche tradition, sans égale au pays, et nous pouvons compter sur du personnel talentueux et dévoué. Par ailleurs, ce que nous avons appris confirme les orientations que nous avons prises concernant l'avenir de nos services en ondes et sur Internet.
Plus que jamais, cbc.ca permet aux Canadiens, où qu'ils se trouvent et quelle que soit l'heure, d'avoir accès aux toutes dernières informations concernant leur pays et le monde entier. La radio anglaise a entrepris un vaste projet de création d'émissions pour refléter davantage la diversité de ses auditeurs, tout en poursuivant ses efforts pour renforcer les liens avec les collectivités locales. Quand à la télévision anglaise, des efforts sont actuellement déployés pour offrir de meilleurs services aux téléspectateurs locaux, grâce à une programmation régionale quotidienne et percutante. De plus, les services de nouvelles se sont engagés dans un processus vital de renouvellement portant sur leurs pratiques de collecte de l'information et de programmation, afin de rationaliser et de décentraliser leurs activités pour devenir une organisation mieux intégrée.
Notre intention, en réalisant cette étude, n'était pas d'opérer des changements subits ou radicaux, mais plutôt de préparer le terrain à une évolution beaucoup plus en profondeur. Nous nous sommes inspirés de ces résultats pour dresser un plan directeur pour CBC News qui, au cours des années à venir, guidera notre réflexion sur la question fondamentale qui se pose à nous, soit: quelles sont les meilleures occasions pour accroître la valeur des services de langue anglaise de CBC/Radio-Canada auprès des Canadiens et conquérir des auditoires inexploités?
La preuve est faite: les services de nouvelles et d'information de CBC ont toutes les qualités requises pour devenir encore plus attirants, plus essentiels et plus influents dans la société canadienne contemporaine. Bien sûr, il faudra faire preuve de pondération et être prêts à prendre de nombreux risques, mais c'est un défi que nous sommes prêts à relever avec enthousiasme.
Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir accordé votre attention. Permettez-moi maintenant de vous présenter mon collègue de Radio-Canada, M. Claude Saint-Laurent.
[Français]
M. Claude Saint-Laurent, conseiller spécial auprès du président-directeur général et président du Comité des normes et pratiques journalistiques, Société Radio-Canada: Honorables sénateurs, je viens vous présenter le Service de l'information de la Télévision française, où j'ai occupé le poste de directeur général pendant 12 ans. Je suis maintenant conseiller spécial auprès du président-directeur général et président du Comité des normes et pratiques journalistiques.
Ce comité est un forum privilégié où les directeurs d'information anglais, français, radio, télévision et nouveaux médias discutent du métier, des politiques qui nous gouvernent, des cas pratiques et des ajustements qui doivent se faire au fur et à mesure. C'est un outil très précieux pour CBC/Radio-Canada.
Madame la présidente, lors de l'inauguration de vos travaux en mai dernier, vous posiez entre autres deux questions: Les Canadiens reçoivent-ils encore la qualité et la diversité des nouvelles et d'information dont ils ont besoin? Et comment s'assurer qu'ils aient accès aux nouvelles et à l'information perçues selon une perspective canadienne, vues par les Canadiens?
Vous posez ces questions pour le Canada tout entier, mais elles sont d'autant plus pertinentes pour les francophones du pays. C'est pour cela que chez nous, il n'y a pas une journée où nous ne nous posions pas ces questions.
La diversité en nouvelles et en information est notre pain quotidien. Avec l'équilibre et la crédibilité, la diversité est un des principes de base de nos normes et pratiques journalistiques.
La Télévision française de Radio-Canada propose près de 43 heures par semaine de nouvelles et d'émissions d'affaires publiques. Nous diffusons quatre bulletins d'information quotidiens qui présentent aux Canadiens les événements d'ici, grâce à nos salles de nouvelles de Montréal et des 40 stations ou bureaux régionaux dont nous disposons au pays. Nous leur présentons aussi le monde grâce à notre réseau de correspondants à l'étranger.
[Traduction]
Nous produisons à l'interne 11 émissions d'affaires publiques, couvrant une vaste gamme de sujets, y compris Justice, qui concerne l'appareil judiciaire; L'Épicerie, sur l'alimentation; La Facture, sur les droits des consommateurs; Enjeux, sur les phénomènes sociaux; Découverte, sur les sciences et la technologie; La Semaine verte, sur l'agriculture; et Second Regard, sur la spiritualité. Zone Libre présente des documentaires et reportages venant du monde entier, et Culture-choc présente les réalités canadiennes vues par de jeunes vidéographes qui sillonnent le pays. Enfin, deux émissions — 5 sur 5 et Place publique — sont spécifiquement conçues pour répondre aux questions de nos téléspectateurs et entretenir un dialogue quotidien avec eux.
[Français]
Nous produisons aussi avec nos collègues de CBC, de grands documentaires historiques. C'est ainsi qu'est né Le Canada: Une histoire populaire, l'un des plus beaux projets auquel il m'a été donné de participer. Nous travaillons ensemble à douze heures de production; six en anglais et six en français, sur le référendum de 1995.
Les équipes mixtes CBC/Radio-Canada vont parcourir le pays à la recherche des informations les plus pertinentes. Le titre de cette production est: Le jour où le Canada a tremblé. Les recherches réalisées jusqu'à maintenant nous font prévoir une série enlevante et passionnante qui donne la parole aux Canadiens de toutes les origines et de tous les milieux. Ce sera le référendum par les gens qui l'ont vécu. La diffusion se fera en septembre 2005.
Seule la force journalistique de CBC/Radio-Canada avec sa rigueur, son professionnalisme et la passion de ses artisans peuvent créer des produits de si haut calibre. Depuis la création en 1995, le réseau RDI est la chaîne spécialisée en informations continuent la plus écoutée des Francophones au Canada. Plus de 63 heures de sa programmation provient des régions hors Montréal.
Sans compter ses émissions spéciales qui nous ont permis, jeudi dernier, lors du 25e anniversaire du pontificat de Jean-Paul II, de diffuser de Montréal une émission avec des interventions en direct de Toronto, de Moncton, d'Ottawa et de Vancouver. J'ai appris à cette occasion qu'une communauté polonaise de 200 000 personnes vivait à Toronto.
[Traduction]
Il y a deux ans, la télévision française a mis sur pied le Centre de l'information, soit le CDI. Nous avons voulu faire d'une pierre deux coups: regrouper tout le personnel des nouvelles de la chaîne principale et du réseau de l'information sous un même toit, de façon à favoriser la polyvalence et éliminer le double emploi; et deuxièmement, migrer vers le numérique pour l'ensemble de nos activités de collecte de l'information. Ce fut un changement majeur de culture pour nous chez Radio-Canada.
Cet environnement numérique a permis à Luc Chartrand, enchâssé en Iraq avec les troupes américaines, de nous transmettre quotidiennement par téléphone satellite des reportages montés sur son ordinateur portatif, à une vitesse et avec une qualité d'image imaginable il y a cinq ans. Par contraste, en 1991, lors de la première guerre du Golfe, nos journalistes devaient avoir accès à des salles de montage et des postes de transmission par satellite pour nous envoyer leurs reportages. Disons qu'on ne voit pas beaucoup cela en plein désert.
[Français]
Malgré ses innovations technologiques, il reste qu'en 2003, plusieurs régions sont privées de leur réseau de nouvelles locales. J'aimerais appuyer les revendications des organisations francophones du pays qui souhaitent ardemment que tous les signaux de stations régionales de Radio-Canada deviennent accessibles sur satellite. Monsieur Georges Arès, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne affirmait la semaine dernière, telle que cité par le Courrier de la Nouvelle-Écosse:
Pour la majorité des francophones vivant en milieu minoritaire, la station locale de la Société Radio-Canada est la seule à produire un bulletin de nouvelles régionales en français, à faire la promotion des événements de la communauté et à participer à la vie de celle-ci.
Au Québec, il y a aussi Trois-Rivières, Saguenay et Rouyn-Noranda où jusqu'à 30 p. 100 des citoyens sont abonnés au satellite et ne reçoivent pas le signal local des salles de nouvelles de Radio-Canada.
M. Alain Saulnier, directeur général de l'information radio, Société Radio-Canada: En ce qui concerne la radio française, permettez-moi d'insister sur quelques points majeurs.
D'abord, nous pouvons compter sur 20 centres de production auxquels s'ajoutent 13 bureaux journalistiques. Ces ressources combinées à tout le réseau de Radio-Canada/CBC permettent d'offrir aux Francophones la plus grande force journalistique à la radio en français dans tout le pays.
Une des caractéristiques fondamentales est que nous considérons de notre devoir d'ouvrir nos ondes aux débats afin de permettre à la plus large diversité d'opinions de pouvoir s'exprimer. La richesse de Radio-Canada est de miser sur la diversité. Il est sain d'offrir une place publique comme l'émission Maisonneuve en direct à tous les courants de pensée. C'est ce qui enrichit la qualité de notre vie démocratique.
Le meilleur rempart contre la concentration, l'uniformisation des idées et des opinions est un service public qui accueille cette diversité. Avec de telles forces, les émissions d'information de la radio française ont reçu un accueil exceptionnel au cours des dernières années.
Lors des derniers sondages, la première chaîne radio de Radio-Canada a établi des records d'écoute. Ces résultats s'expliquent par la décision de la direction, il y a plus de trois ans, d'offrir une place majeure à l'information internationale à notre antenne.
Nous avions alors ajouté deux bureaux de correspondants à l'étranger et enrichi nos émissions en contenus d'informations internationales. L'information internationale, on y croit fermement. L'information canadienne s'est également enrichie à notre antenne grâce à notre stratégie favorisant le rapprochement entre les productions de toutes les régions et celles produites par le Centre de production nationale.
De plus, nous offrons une information régionale de qualité. Il y a 36 p. 100 de notre programmation à l'antenne qui est produite par les stations régionales et ce, particulièrement en période de grande écoute. Vous le savez sans doute, à la radio, le matin est la période la plus importante au niveau de l'auditoire.
Cet automne, nous avons ajouté une émission régionale du matin à Trois-Rivières. La première chaîne de radio de Radio-Canada a atteint ainsi le total de 19 émissions régionales du matin à travers le pays. L'information régionale, on y croit donc plus que jamais. L'objectif est aussi d'établir dans la programmation un équilibre entre les besoins du citoyen régional et ceux du citoyen du monde. Car, en fait, ces deux citoyens ne font qu'un.
C'est pour cette raison, qu'en plus d'offrir des contenus régionaux, nous proposons des contenus nationaux et internationaux de qualité afin d'offrir une ouverture sur le monde à notre auditoire dans toutes les régions du pays. Ce travail découle de l'orientation de la radio française favorisant l'ouverture sur le monde. Nous considérons que pour survivre et s'épanouir, les francophones doivent plus que jamais s'ouvrir au monde.
Avec nos collègues de la radio anglaise, nous avons produit plusieurs documentaires de grande qualité, bien sûr au pays mais aussi en Afrique et cette semaine, notamment, en Afghanistan. La télévision et la radio françaises travaillent en étroite collaboration afin d'offrir une programmation de qualité.
Grâce à la radio, notre auditoire a accès à toutes les réalités au pays: celle des francophones et des anglophones, celle des Autochtones, des minorités et de toutes les communautés culturelles. La diversité culturelle constitue une facette importante de notre programmation. Notre mandat est d'offrir une programmation dans une langue française de qualité. C'est un des engagements fondamentaux de la direction.
Quelques mots sur Radio Canada international/RCI qui, depuis 1998, produit et diffuse à travers le monde des émissions en sept langues dont les deux langues officielles du pays, ainsi que le russe, l'ukrainien, le chinois, l'arabe et l'espagnol. Au niveau de la programmation, RCI produit des émissions quotidiennes et hebdomadaires dans les sept langues, en plus de bulletins de nouvelles internationales et nationales, d'événements de partout au pays, d'analyses en profondeur, de reportages et d'entrevues dans les domaines politique, économique, social, culturel et scientifique. Elle offre des émissions qu'elle distribue à ses stations partenaires à travers le monde.
En ce qui concerne le Web, de nos jours les gens sont de plus en plus branchés sur Internet car ils veulent avoir accès à la planète. Les sites CBC/Radio-Canada.ca permettent à nos médias traditionnels d'avoir une deuxième vie sur le Web en plus d'être enrichis de contenus spécifiques destinés aux internautes canadiens.
Radio-Canada.ca est un des sites médias les plus consultés au Canada francophone. Le quart des quatre millions d'internautes francophones le visite au moins une fois par mois. CBC/Radio-Canada.ca couvre toutes les grandes régions du pays offrant des fenêtres régionales d'information sur le Web. Environ 96 p. 100 des usagers de Radio- Canada.ca, selon le sondage SGI-2003, se considèrent satisfaits des contenus de ce site. Cette qualité est reconnue aussi internationalement et le site d'archives numérisées a gagné, en septembre 2003, le prestigieux prix Italia dans la catégorie Web Cross Media, tandis que notre dossier sur la guerre en Irak a été finaliste dans la catégorie Digital Communication.
Le site de Radio-Canada international offre un accès encore plus large à l'information canadienne à travers le monde prolongeant ainsi la notoriété très grande de RCI.
[Traduction]
La présidente: Nous attendons avec impatience le rapport auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, monsieur Burman.
Le sénateur Forrestall: Comme le sénateur Eyton, je réagis des fois à certaines décisions de la SRC. Mais une fois que je les ai acceptées, je suis tout à fait heureux. Je suis content de pouvoir vous dire que je suis un défenseur de CBC depuis de très nombreuses années. J'ai partagé un appartement avec Don Messer à l'École Old College Street à Halifax à l'époque où il faisait fureur.
Mais vous faites quelque chose maintenant au réseau national qui m'énerve. Le week-end et le soir, le présentateur des informations dit toujours: «Et maintenant, depuis le Centre national de radiodiffusion à Toronto, voici les informations...» Peut-être si vous cessiez de dire aux gens que le Canada se définit en fonction de ce qui se décide à Toronto, vous auriez plus de téléspectateurs.
En ce qui concerne vos auditoires, je dois vous dire que plus je me vois obligé de supporter CNN, plus j'ai tendance à vouloir regarder CBC. C'est parmi les téléspectateurs de CNN que vous avez le plus de chance d'accroître votre auditoire. C'était ça ma seule préoccupation, parce qu'à part ça, je dirais que vous vous en tirez assez bien; mais ayez pitié de nous et faites ce changement dont je vous parle, pour que je puisse mieux dormir la nuit.
La présidente: Je tiens à préciser que si le sénateur Forrestall dit «vous vous en tirez assez bien» vous devriez y voir un grand compliment.
M. Burman: Sérieusement, l'introduction de nos émissions continue d'être problématique en ce qui nous concerne. Au début de l'émission The National, avant que l'on présente Peter Mansbridge, nous indiquons à partir de quel centre l'émission est diffusée. Mais je comprends ce que vous dites à propos de l'importance métaphysique et métaphorique que cela semble rattacher à ce centre, et nous allons considérer cette question avec soin.
Le sénateur Gustafson: Ma question s'adresse à M. Burman, et je tiens à lui dire que c'est tout à son honneur d'avoir parlé de l'impact international des médias sur le Canada et dans le monde entier, et notamment aux États-Unis.
Pour ce qui est de filtrer les informations, je sais qu'entre la liberté de la presse et le choix de diffuser ou non certains reportages, il y a certainement une marge étroite. Je voudrais vous parler de situations précises. D'abord, à la une des journaux d'aujourd'hui, on annonce que le dollar est à 77 cents. D'après le Globe and Mail, ceci influe sur le Canada étant donné que les échanges quotidiens entre nos deux pays sont de l'ordre d'un milliard de dollars par jour. Vous avez parlé aujourd'hui de l'Iraq à maintes reprises — dans tous les exposés, d'ailleurs. Dans le contexte actuel des craintes concernant la maladie de la vache folle, nombreux sont ceux qui diraient que s'il y avait eu moins de couverture médiatique de l'incident où le président des États-Unis a été traité de «shrub» ou d'autres noms, ou du fait que nous n'avons pas coopéré avec les États-Unis en Iraq, la frontière entre nos deux pays serait ouverte depuis longtemps.
Ces échanges entre nos deux pays sont extrêmement importants. Quelle est votre procédure de filtrage? En avez- vous une? Je ne prétends pas que tous vos journalistes d'un bout à l'autre du Canada disaient que des remarques désobligeantes avaient été faites au sujet du président des États-Unis, mais quand ce genre de chose se produit, on a tendance à rediffuser les mêmes segments tout le temps. Ce ne serait pas le cas pour un élément d'information positive.
Que faites-vous dans ces cas-là? Là mes commentaires ne visent pas uniquement la SRC; je parle des médias dans leur ensemble.
M. Burman: Oui, je comprends, et je respecte votre opinion, sénateur. Notre façon de régler ce genre de problème est tout à fait prévisible. Nous en discutons, et nous en débattons beaucoup à l'interne. Il y a un dialogue constant dans nos différentes salles de nouvelles dans tout le Canada, tant aux réseaux anglais et français de la SRC — sur l'attention qu'il convient de consacrer à tel incident ou élément d'actualité, et dans quelle mesure il faut rediffuser l'information.
Par rapport à des questions comme celles que vous avez mentionnées, nous sommes toujours conscients du fait que certains événements ou actualités prennent des proportions à cause des médias qu'elles ne prendraient pas normalement. Je tiens à préciser, cependant, à la décharge de CBC/Radio-Canada, que même après avoir tenu de tels débats, nous décidons très souvent de réexaminer ce que nous avons fait. Et généralement, y compris dans les cas que vous avez soulevés, nous arrivons à la conclusion que notre couverture était à la fois équilibrée et modérée.
Dans l'exemple que vous avez cité, ce n'est pas à cause des reportages de CBC que cet événement a pris autant d'importance. Le fait est qu'il a donné lieu à beaucoup de remarques de la part de différents responsables gouvernementaux, remarques que nous avons l'obligation de communiquer au public. Tout cela s'est produit dans un contexte où les feux de l'actualité étaient braqués sur les relations canado-américaines en raison de la situation en Iraq. Il peut être très difficile d'établir l'équilibre approprié. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous ressentons très profondément ces mêmes préoccupations chez CBC/Radio-Canada, et c'est pour cela que nous prenons ces questions très au sérieux, que nous en débattons sérieusement, et que nous espérons qu'en fin de compte, nous aurons toujours pris la bonne décision.
Le sénateur Day: Monsieur Burman, dans la documentation que nous avons reçue, on indique ici qu'en février 2000, vous avez commencé à réorganiser les services d'information télévisés de CBC pour créer une seule division intégrée de nouvelles qui comprend à présent CBC Radio et votre service en ligne, soit cbc.ca, et que vous avez mené à bien ce projet.
Cette convergence entre la radio, la télévision et Internet s'est opérée également au niveau de la direction. Vous étiez présent tout à l'heure quand nous discutions de la convergence sur le plan journalistique. J'aimerais que vous nous parliez un peu de cette convergence du point de vue de l'éventail des choix qui s'offrent maintenant aux téléspectateurs et auditeurs canadiens, par rapport à ce qu'il y avait précédemment.
M. Burman: C'est avec grand plaisir que j'interviens sur cette question, puisque j'avais suivi la discussion de tout à l'heure avec beaucoup d'intérêt. Depuis un moment nous intégrons effectivement nos efforts de collecte de l'information — à la fois à la radio et dans notre service Internet — de telle manière que même si les émissions individuelles continueront d'être distinctes et complètement séparées, comme c'est le cas actuellement, elles pourront bénéficier du vaste réseau de bureaux maintenu par la SRC d'un bout à l'autre du Canada et à l'étranger afin de suppléer à leurs propres ressources. Il s'agit d'émissions telles que The World at Six, World Report à la radio, The National, Canada Now, and d'autres encore.
Cette nouvelle réalité n'influera pas sur les décisions prises à l'égard d'émissions individuelles. Autrement dit, le traitement particulier des actualités auxquelles on peut s'attendre le matin quand on écoute CBC Radio, ou le soir à l'émission The National lorsqu'on regarde Peter Mansbridge, ne disparaîtra pas en faveur d'un produit homogénéisé. Il ne s'agit absolument pas de ce genre de choses.
En réalisant cette convergence, nous cherchons à éviter une situation où un journaliste de la radio ferait un reportage à l'émission de nouvelles du matin sans savoir que son collègue de la télévision à l'autre étage avait certaines informations à ce sujet qui auraient pu permettre à l'auditeur de mieux comprendre la situation. Nous voulons créer une opération où nous pourrons facilement partager ce genre d'information.
Sauf votre respect, une de vos questions tout à l'heure m'a fait penser que vous avez peut-être une idée trompeuse de ce dont je parle. Il ne s'agit pas de demander à chaque journaliste de faire le même reportage pour la télévision et pour la radio. Cela devra se faire — et c'est déjà le cas — à l'occasion. Cela se fera certainement au fur et à mesure que nous établirons de nouveaux bureaux dans de plus petites localités comme Kelowna ou d'autres collectivités du Canada mal desservies par le SRC où la charge de travail n'est pas suffisante pour justifier que ces bureaux ne desservent pas à la fois la radio et la télévision.
Dans la plupart des grands bureaux — à Jérusalem, par exemple, nous avons deux journalistes — un qui travaille pour la radio, et l'autre, pour la télévision. À Londres, nous avons des réseaux distincts de journalistes en raison de leur forte charge de travail. Nous voudrons certainement nous assurer, au moment de demander à des journalistes de desservir les réseaux de radio et de télévision, qu'une telle demande est vraiment justifiée. Cela continuera d'être l'exception, et non la règle.
De la même façon, mes collègues et moi avons travaillé très fort pour renforcer la collaboration entre nos correspondants anglophones et francophones travaillant à l'étranger. En cherchant à faire en sorte que nos opérations — qui sont intégrées — soient davantage axées sur la collaboration, nous garderons à l'esprit la nécessité d'éviter l'homogénéité en ce qui concerne les reportages que nous diffusons à la radio et à la télévision.
La présidente: Votre effectif compte maintenant combien de journalistes, comparativement à ce que vous aviez il y a cinq ou 10 ans? Autrement dit, dans quelle mesure cette volonté de polyvalence est-elle le résultat de compressions budgétaires?
M. Burman: Je vais répondre à chacune de ces questions séparément. Je vais vous expliquer la situation au réseau de langue anglaise, et M. Saulnier et M. Saint-Laurent pourront vous parler ensuite de Radio-Canada.
Le service dont je suis responsable, qui comprend non seulement les journalistes, mais les producteurs et tout le personnel de production, compte actuellement 1 900 employés d'un bout à l'autre du Canada et à l'étranger. Il y a 10 ans, nous avions un effectif de 2 500 personnes. Les postes qui ont été éliminés l'ont surtout été au service de nouvelles et d'actualité à la télévision — pas à la radio. Nous avons tous vécu la situation des années 90 et nous nous souvenons — comme la présidente l'a mentionné dans ses remarques — que bon nombre de ces compressions budgétaires ont influé directement sur notre réseau régional. Depuis quelques années, nous essayons de reconstituer ce réseau, et par conséquent, nous avons plus de personnel, mais il y a tout de même une différence considérable.
Pour répondre à votre deuxième question, je peux vous assurer que cette intégration — qu'on parle de ce qui s'est fait au service de la télévision il y a deux ans ou l'intégration actuelle des opérations du service de nouvelles de CBC- Radio et de cbc.ca — n'a rien à voir avec la réduction des effectifs. Nous avons découvert, au fur et à mesure que nous créions de nouvelles plates-formes pour diffuser des informations, que nous n'étions pas organisés de manière à faire tout cela efficacement. Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait effectivement du double emploi dans certains domaines. Par exemple, au niveau de la préparation des reportages, il nous arrivait des fois de faire les mêmes recherches deux fois pour certains reportages. Par contre, nous n'étions presque jamais d'avis qu'il y avait du double emploi au niveau des reportages de nos journalistes.
À mon avis, quand nous réexaminerons ce qui a été fait dans quelques années, nous constaterons que cette intégration nous aura permis d'éliminer beaucoup de double emploi qui ne nous apportait absolument rien et nous faisons dépenser inutilement des crédits qui auraient pu servir à renforcer notre travail journalistique. Si nous avions décidé de conserver deux infrastructures complètement distinctes, nous serions en train de réorienter inutilement des crédits qui seraient utilisés à meilleur escient dans un autre contexte.
L'engagement que nous avons pris, à tous les paliers de l'organisation de la SRC, c'est qu'au fur et à mesure que nous renforcerons la collaboration et que nous éliminerons le double-emploi en libérant un membre du personnel ou en réalisant des économies, ces ressources seront réaffectées vers nos émissions. Il y a une véritable séparation entre les avantages que nous savons être en mesure de récolter grâce à une plus étroite collaboration entre nos services, et l'expérience des 10 ou 15 dernières années.
[Français]
M. Saulnier: En ce qui concerne la radio, il faut savoir que les changements dans le personnel journalistique tiennent compte de ce je qualifierais d'évolution de l'orientation de la radio française. On a décidé de faire davantage en matière d'information et des choix sont liés à l'orientation définie ces dernières années. À la radio française vous avez 216 journalistes...
Le président: Vous n'incluez pas dans ce chiffre les techniciens ou les réalisateurs, seulement les journalistes?
M. Saulnier: On parle vraiment de journalistes. Quatre-vingt-quinze d'entre eux travaillent pour le réseau et pas uniquement à Montréal, car des émissions proviennent d'ailleurs que Montréal et sont diffusées sur le réseau; et 121 personnes travaillent en région. Depuis dix ans on a ajouté des postes journalistiques, une vingtaine selon moi, liés à la nouvelle orientation définie par la radio française. Il y a parmi eux deux correspondants à l'étranger, des journalistes à l'étranger, également à Fredericton, à Bathurst; ils sont en lien avec cette nouvelle orientation que nous avons voulu donner à la radio française.
M. Saint-Laurent: Pour ma part je tiens une espèce de ``tableau de bord'' depuis 12 ans. En termes de nombre d'employés, sans le personnel technique, en 1990-91 on avait 384 personnes, on en a maintenant 434, autrement dit un ajout de 13 p. 100. Pour ce qui est des cadres, on avait 39 personnes et on en a aujourd'hui 27, ce qui veut dire une baisse de 31 p. 100.
Au niveau des heures diffusées, autrement dit ce que nous produisons et mettons en ondes, on produisait 1 095 heures annuellement. Aujourd'hui on produit 1 943 heures, ce qui veut dire une augmentation de 77 p. 100. C'est l'ensemble de la productivité de la télévision française en information.
Le président: Monsieur Saint-Laurent, si vous pouvez nous laisser ces chiffres, et également aux deux autres témoins s'ils peuvent fournir des chiffres équivalents, cela nous aiderait.
[Traduction]
Je suis désolée, sénateur Day. Je n'ai pas pu résister à la tentation de participer à ce débat.
Le sénateur Day: Et je suis bien content que vous ayez posé cette question, parce que vous m'avez épargné ce travail. Mais j'ai une autre question à poser, si vous me le permettez.
La présidente: Je vous ai quand même interrompu.
[Français]
Le sénateur Day: Si j'ai bien compris votre présentation, M. Saint-Laurent, vous avez dit que, pendant la guerre en Irak, vous aviez un journaliste ``attaché'' à l'armée là-bas?
M. Saint-Laurent: Le terme exact est ``enchâssé''.
Le sénateur Day: Est-ce que c'est vrai?
M. Saint-Laurent: Absolument.
Le sénateur Day: En ce qui a trait à votre comité des normes et pratiques journalistiques, vous avez bien expliqué les avantages, mais avez-vous aussi étudié et vérifié les désavantages et le manque d'indépendance?
M. Saint-Laurent: Oui. Évidemment, vous n'êtes pas familiers avec notre fonctionnement. Nous travaillons ensemble continuellement; au jour le jour, nous sommes constamment en contact. On a discuté de la question et ce qui a été établi dépend de la façon dont on veut faire la couverture. Avec les effectifs qu'on avait — il y avait des effectifs bilingues, radio, télé, et cetera — on a convenu qu'il y avait place pour une personne, ce qui n'est pas beaucoup. On avait une offre, mais cela dépendait des offres des Américains. N'embarque pas dans un bataillon qui veut. Des noms avaient été pigés et c'est comme cela que nous avons été sélectionnés.
On avait une sélection intéressante et on s'est dit que, avec l'ensemble des forces, une quarantaine de personnes, pouvait se permettre d'avoir deux personnes, un journaliste et une caméra, avec les forces au front. Je n'ai pas vu tellement d'éléments négatifs. Évidemment, il y a certaines précautions à prendre. Notre journaliste a, dès son premier reportage, expliqué ce qu'il faisait là, les conditions dans lesquelles il travaillait et qu'il y avait certaines restrictions; celles-ci, cependant, se sont avérées presque nulles. Il n'y en avait quasiment pas, sinon celle de ne pas mentionner la position géographique où il se situait.
Ce n'était pas facile non plus, parce qu'il ne nous ont pas affectés — les Canadiens ou les autres groupes étrangers — en première ligne.
Notre journaliste a d'abord été stationné au Koweit avec une unité de construction de ponts. On ne peut pas dire que cela nous permettait d'entrevoir beaucoup d'action sur le front. On est donc obligé de faire en sorte que le journaliste passe dans une autre unité. Ils ont accepté qu'on le fasse et on a finalement traversé les frontières et on s'est rendus en Irak. C'est une expérience très intéressante.
Il ne faut pas oublier que lorsqu'on fait de la cueillette d'information, c'est ce qu'on fait. Il y a un autre bout du tuyau qui s'appelle la «diffusion». J'ai toujours été en faveur du plus de cueillette d'information possible en respectant les processus prévus dans nos normes et nos politiques journalistiques, mais aussi le plus d'édition possible à l'autre bout du tuyau, qui consiste à dire pourquoi on choisit de diffuser ou de ne pas diffuser. Nous décidons de ce qu'on devrait donner au public afin qu'il sache ce qu'on fait.
C'est ce qu'on a fait. On a été chanceux de le faire parce que Tony et Alain avaient des troupes ailleurs ainsi que les nôtres. Je pense que cela apporte des angles intéressants. Je ne vais pas distribuer tous mes effectifs avec les troupes américaines. Qu'on le veuille ou non, ces gens sont assimilés au groupe. Ils ont les mêmes craintes et les mêmes contraintes. C'est donc difficile de se détacher, sauf que cela dépend de ce qu'on demande aux journalistes. De plus, on n'envoie pas n'importe qui là-dedans. Ces journalistes sont très indépendants, extrêmement expérimentés et ils connaissent ce type de conditions.
Le sénateur Day: Allez-vous répéter l'expérience lors d'une prochaine guerre?
M. Saint-Laurent: Oui.
Le sénateur Corbin: Quelle guerre?
Le sénateur Day: La prochaine.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Je suis catastrophé d'apprendre cela. C'est tout à fait scandaleux. J'étais très fier du fait qu'aucun de nos journalistes n'était «enchâssé» dans les Forces armées américaines. Maintenant j'apprends qu'il y en avait un. Cette personne a-t-elle fait des reportages en anglais également?
M. Saint-Laurent: Non, je ne crois pas. Il y en a peut-être eu un. Vous vous en souvenez?
M. Burman: Je ne sais pas. Je ne me rappelle plus.
La présidente: Vous devriez pouvoir vous renseigner assez facilement. Pourriez-vous nous le faire savoir, s'il vous plaît?
M. Burman: Oui, je m'en charge.
Le sénateur Merchant: Je crois être quelqu'un de pratique. Je voudrais revenir sur ce que je disais à propos du fait que vous avez un excellent message, mais que personne ne l'écoute et qu'au fond vous ne réussissez pas à susciter l'intérêt des Canadiens pour ce que vous faites. Quand je vous citais les chiffres du BBM tout à l'heure, j'ai oublié de dire que ces derniers concernaient les hommes et les femmes âgés de 18 à 34 ans. On m'a dit depuis que vous avez un public très limité au Canada parmi les jeunes.
En même temps, j'aurais dû vous donner d'autres statistiques comparatives, statistiques qui indiquent, par exemple, qu'une station de Saskatoon n'attire que 1,2 p. 100 des auditrices de stations de radio FM, alors qu'une autre station attire 22,9 p. 100 des auditeurs. Il y a une autre station encore qui détient 20,4 p. 100 de ce marché. Parmi les hommes, la proportion pour la première station dont je vous ai parlé passe à 42,3 p. 100 des auditeurs.
Vous dites que vous n'avez pas beaucoup d'auditeurs et de téléspectateurs parmi les jeunes. Dans ce cas, je voudrais vous parler du segment de la population âgé de plus de 34 ans. Pour ma part, j'écoute la radio et je regarde les informations sur CBC. Je dois vous dire que les gens à qui je parle me disent qu'ils ont l'impression d'une attitude quelque peu arrogante parmi les gens qui travaillent pour CBC. Peut-être avez-vous toutes les raisons du monde d'être fiers de vos produits.
J'aime bien regarder les informations à la télévision le soir. Des fois j'ai l'impression que vous me mettez au défi de regarder vos émissions de nouvelles. Je sais que les informations sont diffusées à 22 heures sur votre chaîne. Mais je n'ai pas l'intention de chercher à droite et à gauche pour savoir quand vous diffusez les informations. Je sais que vous le faites cinq fois par jour, et c'est fantastique. Mais les gens de mon âge ont l'habitude de regarder les informations à une certaine heure le soir. Je m'assois à côté de ma télévision et j'aime bien regarder les informations à la même heure tous les soirs.
J'ai l'impression que si vous avez moins de téléspectateurs, par rapport à d'autres radiodiffuseurs, c'est parce que ces derniers diffusent leurs informations à 23 heures. Je constate que je ne peux pas toujours regarder les informations sur CBC à 22 heures. S'il y a un match de hockey, l'heure change. Le hockey ne m'intéresse pas, personnellement. Je suis donc obligé d'attendre et de voir quand vous allez présenter les informations. Le week-end, il n'y a pas d'informations à 22 heures.
Ce genre de choses suscite beaucoup de passion chez les gens. Le fait est que la question des coûts est importante. Je suis désolé d'avoir à vous dire ça, mais il semble clair qu'il vous importe peu de savoir si vous avez un public ou non. Vous donnez aussi l'impression de ne pas beaucoup vous intéresser au coût des choses — vous avez dit que les services de CBC/Radio-Canada coûtent 29 $ par personne. Mais combien cela me coûte-t-il pour regarder les informations? Si je suis dans l'impossibilité de les voir, cela me frustre beaucoup.
M. Burman: Comme nous vous l'avons dit tout à l'heure, nous vous ferons parvenir des chiffres précis qui présentent la ventilation.
Sans vouloir vous contredire, votre prémisse me semble erronée. Il n'est pas vrai que personne n'écoute ou ne regarde nos émissions. Comme on vous l'expliquait tout à l'heure — et nous avons des rapports qui le prouvent — dans bien des centres du Canada, les émissions de radio sur CBC, notamment le matin, sont au premier rang ou pas loin. La cote d'écoute de l'émission The Current animée par Anna Maria Tremonti est aussi forte qu'elle a jamais été pour aucune autre émission diffusée dans cette tranche horaire. À la radio de CBC, les cotes d'écoute sont très bonnes et ne cessent de s'améliorer.
Pour ce qui est de la télévision, je trouve injuste que vous laissiez entendre que cela ne nous intéresse pas de savoir combien de personnes regardent nos émissions. Nous diffusons The National à 22 heures pour faire plaisir à des gens comme vous, qui souhaitaient regarder les informations à 22 heures. Nous rediffusons les informations à 23 heures pour ceux qui préfèrent les regarder à cette heure-là. Elles sont également diffusées sur Newsworld à 21 heures.
Si vous mettez ensemble toutes les statistiques — et c'est une méthode tout à fait valable — bien des soirs, plus de Canadiens regardent The National que n'importe quel autre bulletin d'informations nationales. Nous n'avons absolument pas peur de parler du nombre de téléspectateurs qui regardent nos émissions, et nous ne voyons pas de raison d'être sur la défensive à ce sujet. Newsworld a deux fois plus de téléspectateurs que son homologue canadien, CTV Newsnet. Donc, non seulement nous n'avons pas peur de le dire mais nous ne sommes pas du tout sur la défensive en ce qui concerne le nombre de personnes qui dépendent de Newsworld pour avoir des informations.
En dehors de la question des cotes d'écoute, nous sommes également fiers du fait que bon nombre de nos téléspectateurs attachent beaucoup de valeur et d'importance à nos émissions, car voilà ce que nous indiquent les sondages d'opinion publique.
Par contre, je pense qu'il faut absolument qu'on vous fasse parvenir de l'information pour clarifier la situation voir même dissiper certains malentendus concernant votre perception de notre capacité d'attirer des auditeurs ou des téléspectateurs. Nous allons également vous faire parvenir des statistiques sur l'utilisation du budget.
Le sénateur LaPierre: Mes questions s'adressent à la fois à M. Saulnier et à M. Saint-Laurent. M. Burman et son équipe sont accusés de Toronto-centrisme, d'arrogance, d'anti-américanisme, d'antisémitisme ou de sentiments anti- Israël — ce qui revient au même — et d'attitudes gauchisantes.
[Français]
Messieurs Saint-Laurent et Saulnier, de quoi vous accuse-t-on?
M. Saint-Laurent: On nous accuse d'un nombre assez important de choses. J'ai lu des milliers de lettres au cours des années. On nous a accusés pendant un certain temps d'être des séparatistes.
Le sénateur LaPierre: Je le croyais aussi.
M. Saint-Laurent: La situation a quelque peu changé puisqu'au cours des dernières années on nous a accusés d'être des fédéralistes. Nous ne sommes pas au point où on nous accuse d'être de gauche. On a aussi eu droit à un certain nombre de plaintes concernant la question israélo-palestinienne. Le nombre de plaintes est moins important, mais il existe quand même. Nous avons dû répondre, avec les ombudsmans, à beaucoup de questions.
M. Saulnier: Une des indications qui peut permettre de refléter quel genre de plaintes sont reçues par les réseaux français radio et télévision, est le rapport annuel de l'ombudsman de Radio-Canada français. Nous y faisons, bien sûr, état du conflit israélo-palestinien comme étant l'un des sujets pour lesquels il y a un certain nombre de plaintes. De façon générale, on nous accuse parfois d'être dans un camp et parfois dans l'autre. Tout récemment, j'ai reçu des accusations de favoriser le courant néo-libéral en matière économique dans mes émissions et, à d'autres moments, ce sera d'autres plaintes. Il y a des périodes où l'actualité va, tout à coup, exacerber les points de vue d'un camp et de l'autre et les plaintes rebondissent. La meilleure façon d'avoir le reflet le plus proche de la réalité, est le rapport de l'ombudsman. Nous allons vous le faire parvenir.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Madame la présidente, il serait bon de préparer un rapport sur le multiculturalisme, le recours aux membres des minorités visibles et les services assurés aux minorités visibles dans tout le Canada pour faire suite au forum de Mme Copps sur les minorités visibles et la diversité culturelle canadienne.
Je crois que vous êtes censée présenter un rapport chaque année sur de telles questions, et il serait bon qu'il y en ait un sur cette question-là, si je peux me permettre de vous faire cette suggestion, madame la présidente.
La présidente: Vous avez tout à fait raison.
[Français]
Le sénateur Corbin: Pouvez-vous me donner un portrait de vos pratiques de recrutement, me dire combien de journalistes quittent dans une année, combien de nouveaux journalistes vous embauchez, quelles sont les normes que vous recherchez chez ces personnes, tant au réseau français qu'au réseau anglais?
M. Saint-Laurent: Cela dépend des périodes. Il y a des périodes où nous n'embauchons pas beaucoup. Nous avons mis sur pied un système qui aurait dû être là avant, où nous avons fait un lien entre l'évaluation des personnes, l'accueil des personnes, leur formation et l'embauche après leur formation. Ce plan est copié du système anglais qui prévoit des stages. Ce sont des stages dans les nouveaux médias, des stages à la radio et à la télévision. Ils forment les gens afin de savoir comment ils peuvent intervenir professionnellement. Après ces stages, il y a des mentors pour surveiller les nouvelles recrues et si un poste devient disponible, ces stagiaires peuvent les obtenir.
Nous avons fait beaucoup de recrutement auprès des universités de façon assez systématique. Nous avons nommé une personne qui surveille le recrutement dans les universités. Cette personne est continuellement en contact avec ces universités. Nous avons établi un programme de stagiaires où nous pouvons faire travailler les recrues, les surveiller et les évaluer. Dans beaucoup de cas, nous les faisons venir comme journalistes surnuméraires et ils ont des chances d'occuper des emplois. C'est une méthode améliorée par rapport à celle qu'on avait auparavant.
M. Saulnier: Au cours des cinq prochaines années, 20 p. 100 de notre personnel journalistique radiophonique atteindra l'âge de la retraite. Nous sommes en train de planifier l'arrivée de nouveaux journalistes provenant de toutes les régions du pays et de toutes les universités pour avoir des ressources qui nous permettrons d'offrir la même qualité d'information pour les prochaines années.
[Traduction]
M. Burman: C'est une période des plus intéressantes pour nous tous à CBC/Radio-Canada. J'ai commencé à travailler pour la SRC dans les années 70, à l'époque où la Société engageait beaucoup de personnel. Bon nombre de ceux et celles qui ont été recrutés à l'époque dirigent à présent différents services de la Société. Par rapport à ce que disait M. Saulnier, je pense que nous sommes actuellement dans une situation où un certain nombre de personnes de mon âge voudront quitter la population active au cours des cinq à 10 prochaines années, si bien que nous aurons l'occasion rêvée de recruter du nouveau personnel.
Il y a trois ou quatre ans, au moment où le fardeau des compressions budgétaires a commencé à s'alléger un peu, j'étais responsable de Newsworld, et nous avons donc mis des annonces dans les journaux dans tout le Canada concernant six postes à combler. Nous avons reçu 5 000 demandes venant de gens de tous les coins du pays. Depuis, nous avons créé une sorte de base de données informatique, si bien que pour les réseaux anglais et français et pour la radio et la télévision, nous avons un système de sélection très intense qui nous permet de recruter les meilleurs journalistes possible pour CBC et Radio-Canada. Je suis convaincu que dans cinq, 10 ou 20 ans, les nouveaux dirigeants de la SRC sont ceux et celles que nous sommes en train de recruter. Nous avons eu l'occasion d'engager environ 100 journalistes au cours des dernières années, et à mon avis, le nombre de nouvelle recrues dans les prochaines années sera tout aussi important.
Le sénateur Corbin: Ai-je raison de croire que vous cherchez des gens qui ont une spécialisation dans certaines domaines?
M. Burman: Oui, nous cherchons des gens ayant toutes sortes de compétences et spécialisations différentes. Il est clair que la qualité est la caractéristique qui définit la SRC pour les Canadiens. Cette qualité peut se manifester de diverses façons, y compris par les études qu'on a faites. Mais ce qui est tout à fait remarquable — et je sais que vous en êtes tout à fait conscient — c'est la richesse des candidats et candidates qui sont disponibles et ont envie de travailler pour un réseau de radiodiffusion public. Que ce soit à cause de la convergence ou pour d'autres raisons, dans le secteur privé le marché en ce qui concerne les journalistes travaillant pour des services d'informations et d'actualité, est extrêmement démoralisé et assez déprimant. Dans ce sens, CBC/Radio-Canada sont perçus comme offrant l'occasion de vraiment donner la priorité à la qualité dans le domaine journalistique. Dans ce sens-là, nous avons beaucoup de chance de pouvoir choisir parmi un grand nombre de personnes.
Par rapport aux remarques du sénateur Lapierre, il ne fait aucun doute que la diversité est extrêmement importante. Encore une fois, dans 10 ou 20 ans, les Canadiens pourront porter un jugement sur la performance de gens comme moi selon que nous su profiter de cette occasion unique comme celle qui s'est présentée dans les années 70, je recrutais du nouveau personnel et donc de renouveler et de rebâtir l'organisation.
[Français]
M. Saint-Laurent: Il y a une étude exhaustive et des travaux très importants qui se font à Radio-Canada et à CBC pour le renouvellement de la main-d'œuvre. Ce travail est considérable et est présentement à sa phase 3. Il s'agit d'un historique des prévisions de la main-d'œuvre, de la démographie, de l'endroit où sont les postes importants. Cela est en train de se faire et c'est pour l'ensemble de l'entreprise.
Le sénateur Corbin: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Gustafson: J'ai une courte question complémentaire sur l'interprétation des informations. Un journaliste a dit un jour que la question de l'union canadienne était à peu près morte de sa belle mort. Eh, moi qui souhaitais ardemment une fusion entre l'Alliance et la Parti conservateur — et j'aime bien Mike Duffy, c'est un des présentateurs journalistes que j'aime le plus — je me disais: Mon Dieu, mais il vient de nous donner le coût de grâce. Ma question est celle-ci: comment font les médias d'information — et là je parle de tout les monde — pou interpréter les actualités?
M. Burman: J'espère que vous savez que Mike Duffy travaille pour CTV. C'est une distinction importante qu'il convient de faire.
Le sénateur Gustafson: Je l'ai cité à titre d'exemple seulement.
M. Burman: Il y a une distinction importante à faire, et nous en sommes tout à fait conscients.
Notre politique journalistique comprendre de nombreuses mises en garde sur les distinctions à faire entre les faits et l'interprétation ou l'analyse des faits. Voilà justement l'une des questions dont nous débattons souvent à l'interne. Nous essayons — et je crois que nous avons réussi — de faire preuve d'une très grande autodiscipline et de rigueur pour ce qui est de ne pas confondre les deux.
Le sénateur Gustafson: C'est une défi de taille.
Le sénateur Eyton: Je voudrais parler encore une fois d'argent. Dans certains milieux, la SRC est considérée, que cette réputation soit justifiée ou non, comme étant une organisation qui dépense librement et même de façon exagérée dans le cadre de certaines de ses activités.
Ma question a donc deux volets; je voudrais parler à la fois de revenus et de dépenses. En ce qui concerne vos dépenses, votre méthode d'attribution des coûts est-elle efficace par rapport à vos émissions à la fois existantes et nouvelles? Comment faites-vous pour en assurer le suivi? S'agit-il d'une méthode de contrôle rigoureuse? En général, pour cette catégorie de dépenses, établissez-vous des comparaisons entre vos dépenses et celles de vos homologues du privé, et êtes-vous concurrentiels?
M. Burman: Je pense que peut-être le seul avantage d'être passé par une dizaine d'années de compressions budgétaires est que cela nous apprend à nous concentrer sur l'essentiel et à vraiment nous discipliner. Là je ne fais pas allusion à vos remarques, mais je dois dire qu'il y a peu de choses qui nous font monter la moutarde au nez plus rapidement que de nous faire dire que nous dépensons sans compter ou que nous utilisons les crédits ou appliquons les programmes qui visent notre personnel avec nonchalance. Voilà justement un luxe que nous n'avons pas pu nous permettre depuis bien longtemps. Le fait est que nous avons un système d'attribution et de contrôle des coûts extrêmement rigoureux et discipliné. En raison des pressions budgétaires qui pèsent sur nous, nous exigeons de la part non seulement des producteurs, mais de cadres comme moi-même, que les dépenses proposées sont vraiment justifiées pour mener à bien l'activité en question.
Pour ce qui est de recruter de nouveaux employés, nous avons eu l'avantage ces dernières années de pouvoir recruter parmi les meilleurs experts financiers qui travaillaient pour d'autres entreprises, y compris pour des entreprises médiatiques concurrentielles, et ces derniers ont été assez stupéfaits de voir à quel point nous sommes disciplinés tout en nous permettant d'apprendre bien des choses utiles.
Quant aux autres points de comparaison avec le secteur privé, il peut être difficile d'établir des comparaisons de ce genre parce que certains aspects de nos programmes ne sont pas directement liés à un plan d'activités, mais plutôt à la valeur de nos émissions, à la perception des Canadiens de notre façon de remplir notre mission, et du fait qu'ils ont certaines attentes vis-à-vis de nous. Ce sont des éléments que nous nous efforçons de quantifier. Nous voulons que tout soit mesurable dans la mesure du possible, mais il n'est pas nécessairement possible de quantifier ces éléments en termes d'avantages pour les actionnaires, comme le ferait une chaîne privée.
Le dernier point que je voulais soulever concernant les difficultés de comparaison est que l'engagement de CBC/ Radio-Canada à l'égard des informations et des actualités est vraiment au coeur de la mission de la SRC, telle qu'elle la conçoit. Par exemple, notre volonté d'assurer la couverture appropriée de la guerre en Iraq pour que cette dernière corresponde aux attentes des Canadiens, et notre conviction que nous aurions les ressources requises pour le faire sont des caractéristiques qu'on ne pourrait jamais retrouver chez un organisme privé pour qui la guerre en Iraq est tout simplement un sujet d'actualité qui l'empêche de remplir sa principale mission.
Soyons honnêtes; dans bien des cas, la mission principale de nos concurrents du secteur privé n'est pas de diffuser des émissions nouvelles et d'actualités.
Le sénateur Eyton: Vous avez parlé de ce qui s'est fait par le passé et de vos activités actuelles. Quelles activités vous sont maintenant interdites en raison de vos contraintes budgétaires? Quelle est la grande priorité à laquelle vous ne pouvez donner suite pour le moment?
M. Burman: Les deux éléments mentionnés tout à l'heure concernaient le fait que les compressions budgétaires des 10 dernières années ont gravement compromis notre capacité d'assurer une couverture de l'actualité régionale au Canada qui correspond aux désirs et aux attentes de la population canadienne. De même — et le sondage que nous avons mené auprès de nos auditeurs et téléspectateurs fait ressortir ce fait — les Canadiens s'attendent à ce que le Canada assure un bien plus grande présence à l'étranger et y joue un rôle plus important que ce n'est le cas actuellement. J'ai toujours pensé, et je suis encore de cet avis, que c'est encore plus nécessaire de nos jours. Je suis d'ailleurs d'avis que cela supposerait l'élargissement de nos activités internationales pour qu'elles prennent une ampleur qu'elles n'ont pas connue jusqu'à présent.
Par rapport à ce que disait le sénateur Graham sur notre couverture par opposition à celle des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, je sais ce que ça coûte. Les quatre grandes chaînes américaines — je ne peux pas vous parler de Fox — avaient des budgets qui étaient plus de 10 fois plus important que le nôtre, comme c'est le cas aussi de la BBC. Et les personnes qui regardent ces chaînes-là dans leur salon sont les mêmes qui regardent CBC, Radio-Canada, Newsworld et RDI. Nous les concurrençons directement. Si je peux me permettre de défendre nos intérêts en tant qu'organisme assurant un service d'informations et d'actualités, nous estimons qu'aussi forte qu'ait été notre présence à l'étranger jusqu'ici, nous pourrions faire beaucoup plus.
S'agissant de partenariats et de réseaux internationaux, les Canadiens s'attendent à ce que la SRC et le Canada occupent une place plus importante sur la scène internationale que nous l'avons fait jusqu'ici. Or, comme l'indiquait la présidente, cela coûte cher.
La présidente: Pourriez-vous nous faire parvenir les statistiques concernant les chaînes américaines, par rapport aux vôtres?
M. Burman: Je vais voir ce que je peux obtenir. Il s'agira pour moi de me mettre en rapport avec des gens que je connais pour qu'ils me donnent des statistiques qui ne sont pas publiques.
Le sénateur Gustafson: Je vous parle du nombre de Canadiens qui écoutent vos émissions.
La présidente: Nous avons déjà demandé ces chiffres-là.
Le sénateur Eyton: Avez-vous un système de financement pluriannuel pour l'ensemble de vos émissions ou organisez-vous votre financement une année à la fois? Si vous n'avez pas de tel système, pensez-vous que ce serait utile de l'avoir?
M. Burman: Je voudrais insister sur les propos précédents de M. Rabinovitch et Mme Taylor à ce sujet. En ce qui nous concerne, un financement pluriannuel stable est tout à fait essentiel. Si la SRC ne bénéficie pas d'une financement, les différentes divisions qui ont la responsabilité de certains émissions — que ce soit des nouvelles, des actualités ou des dramatiques — ne l'auront pas non plus. Au début de chaque exercice financier, les différentes divisions au sein de CBC/Radio-Canada sont tributaires des décisions prises à Ottawa en ce qui concerne notre budget.
Ce qui devient de plus en plus important pour nous, du point de vue de notre compétitivité, c'est que cela nous met dans une situation défavorable. Si nous avions une idée — et là je ne parle pas uniquement de la Société dans son ensemble, mais des différentes divisions qui la composent — de ce que nous aurions comme budget pendant plusieurs années, nous pourrions profiter beaucoup plus de la fluidité de la situation concurrentielle actuelle. Pour le moment, nous sommes obligés de faire comme on ferait pour un ménage, c'est-à-dire que tant qu'on n'a pas la certitude que l'argent sera crédité à son compte en banque, on évite d'engager des dépenses. Donc, nous devons être extrêmement prudents, alors que d'autres n'ont pas cette contrainte.
La présidente: Je voulais vous demander dans quelle mesure il sera peut-être nécessaire de modifier certaines de ce qu'on pourrait appeler les hypothèses de base du journalisme. Ma question s'adresse surtout à M. Burman. Les quelques résultats de votre sondage que vous avez communiqués laissent supposer, à mon avis — et vous n'êtes certainement pas les seuls à être concernés par ce problème — que vous sous-estimez votre public de façon importante. Là je ne parle pas de chiffres; je parlais plutôt de votre perception de la curiosité intellectuelle de votre clientèle et de l'intérêt qu'elle porte au reste du monde.
Je trouve extrêmement frustrant, par exemple, que lorsque je regarde The National, je dois souvent attendre 10 minutes pour savoir ce qui se passe au-delà des frontières canadiennes, alors que je me doute bien qu'il se passe des choses ailleurs.
L'autre jour, j'écoutais sur CBC les observations de Paul Wells, un journaliste qui est très respecté mais ne travaille pas pour la SRC, et il disait que les journalistes canadiens — et je dirais qu'il en allait de même pour moi quand je pratiquais ce métier précédemment — font un excellent travail pour ce qui est de couvrir la politique canadienne. Nous nous débrouillons très bien quand il s'agit de parler de politique, un peu comme pour le hockey — qui gagne, qui est mal vu ou bien vu, qui est fini ou redevient populaire, et qui est derrière.
Ce que nous ne couvrons pas, c'est ce qui se passe au gouvernement. Nous ne parlons pas vraiment de ce qui est fait par les gens qu'on élit, une fois qu'ils ont été élus. Voilà peut-être l'une des conclusions qu'on peut tirer de votre sondage, puisque vous dites que les Canadiens voudraient que la politique, entre autres, soit traitée différemment par les médias. Cela a toujours été un article de foi. D'ailleurs il y en a eu beaucoup en journalisme mais vu la transformation de vos auditoires et l'effet de la mondialisation, êtes-vous convaincus de réfléchir suffisamment au contenu que vous offrez à votre public, de même que la façon de traiter ce contenu?
M. Burman: En un mot, oui. Je suis bien content que vous souleviez cette question. Quand vous recevrez notre rapport, vous verrez qu'il porte surtout sur ces deux éléments. Les attentes des Canadiens évoluent par rapport à leurs besoins. Les gens pensent en général à leurs propres intérêts; ils veulent recevoir de l'information qui les interpellent dans leur vie de tous les jours et même s'ils comprennent instinctivement que les actualités mondiales influent sur eux, ils ne sont pas très contents de la façon dont les médias communiquent cette information parce qu'à leur avis, ces derniers présentent souvent ces actualités comme étant quelque chose d'assez éloigné de leur expérience.
Mais, à la décharge de CBC/Radio-Canada, je dois dire, sans vouloir vous contredire, que nous sommes conscients de cette réalité depuis longtemps et que nous essayons d'agir là-dessus par l'entremise d'une multitude de programmes. Nous nous sommes heurtés au problème de ressources que nous connaissons tous. Dans la mesure où ce sondage nous encourage à réfléchir à l'avenir, ce sera une très bonne chose. J'ai passé la majeure partie des années 80 et 90 à l'étranger — en Afrique, au Moyen-Orient, et en Amérique latine, et la plupart des gens qui dirigent les services de nouvelles et d'actualités actuels chez CBC ont une vaste expérience de la pratique du journalisme à l'étranger.
En ce qui concerne la politique, j'ai vu cette interview avec Paul Wells à l'émission sur les médias, et je pense qu'il a fait une observation intéressante. À la décharge de CBC/Radio-Canada, grâce à des émissions comme Politics animé par Don Newman et de nombreuses autres émissions que nous produisons, nous consacrons effectivement beaucoup de temps d'antenne aux questions entourant la politique.
Les résultats du sondage indiquent que l'intérêt que portent beaucoup de gens au processus politique est loin d'être satisfait par l'information qui leur est communiquée par l'ensemble des médias. Donc, dans la mesure où nous pourrons réorienter, améliorer ou élargir nos émissions — surtout que nous sommes à la veille d'une nouvelle ère politique extrêmement importante — nous le ferons.
Je vais donc vous faire une réponse un peu nuancée: oui, cette étude agira comme catalyseur pour nous faire progresser, mais nous continuerons de suivre la même orientation que depuis plusieurs années, le seul obstacle étant les limites de nos budgets et de nos ressources.
[Français]
La présidente: Je n'ai pas posé la question aux deux représentants francophones parce que le problème est moins aigu à l'antenne de Radio-Canada. Je n'ai pas eu le même sentiment de frustration ou d'inquiétude.
[Traduction]
Le sénateur Merchant: Je comprends que vous faites l'objet de contraintes. Je ne cherche pas à être contrariante. Mais je sais que ce que fait CBC/Radio-Canada suscite de vives émotions chez certains Canadiens.
Vous parlez de compressions budgétaires, mais les gens nous disent que tout le monde a fait l'objet de compressions les 10 dernières années. C'était bien ça l'idée. Nous avions un déficit. Les Canadiens voulaient qu'on élimine ce déficit.
Pour moi, les perceptions sont importantes. Je ne vous dis pas que vous avez tort de faire ce que vous faites. Parfois quand on assiste à une conférence de presse, on voit beaucoup de journalistes de CBC, parce que vous avez toutes ces différentes divisions. La station de télévision locale peut avoir envoyé une seule personne, souvent juste un cameraman et il y aura d'autres journalistes sur place. Il peut y avoir trois ou quatre journalistes de la télévision de CBC; et peut- être aussi des journalistes qui travaillent à la radio ou pour Radio-Canada. Voilà qui donne lieu à certaines perceptions. Les gens n'analysent pas la situation; ils constatent simplement qu'il y a beaucoup de journalistes de CBC sur place, et seulement une personne de l'autre station. Donc vous êtes les victimes des fausses perceptions qui peuvent exister.
La présidente: Merci.
[Français]
Cette séance était vraiment très intéressante. Nous remercions sincèrement nos témoins.
[Traduction]
La séance est levée.