Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 1 - Témoignages du 23 février 2004 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le lundi 23 février 2004
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 14 heures pour examiner, afin d'en faire rapport, la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je suis heureux de vous accueillir à notre réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui, le comité va entendre des témoignages en préparation de sa troisième visite annuelle à Washington. Je m'appelle Colin Kenny. Je représente l'Ontario et je préside le comité.
J'aimerais vous présenter le distingué sénateur Michael Forrestall de la Nouvelle-Écosse, qui est assis à ma droite et a mal au tibia. Après avoir travaillé comme journaliste au Chronicle-Herald de Halifax et occupé un poste de direction dans une ligne aérienne, il s'est lancé en politique et a été élu une première fois à la Chambre des communes en 1965. Le sénateur Forrestall représente les électeurs de Dartmouth depuis 37 ans. Il s'est intéressé aux questions de défense pendant toute sa carrière parlementaire et a fait partie de différents comités parlementaires.
Également à ma droite se trouve madame le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse, assise à côté du sénateur Forrestall. Éducatrice chevronnée, elle a également beaucoup travaillé dans les organismes communautaires. Elle a été vice-présidente de la Commission de développement du port de Halifax-Dartmouth et a présidé le conseil arbitral de Développement des ressources humaines Canada dans la région de Halifax. Mme Cordy siège également au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et elle est vice-présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN ainsi que de l'Association parlementaire du Commonwealth.
Le sénateur Joseph Day du Nouveau-Brunswick se trouve à ma gauche. Il est diplômé en génie électrique du Collège militaire royal de Kingston et est également titulaire d'un diplôme de droit de l'Université Queens et d'une maîtrise en droit de Osgoode Hall. Avant d'être nommé au Sénat en 2001, il a exercé avec beaucoup de succès la profession d'avocat en pratique privée. Juriste, il s'intéresse particulièrement au droit des brevets, des marques de commerce et de la propriété intellectuelle. Il est également vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et de notre Sous-comité des anciens combattants. Il est également un membre actif de l'Association des parlementaires de l'OTAN.
Le sénateur Jim Munson de l'Ontario est assis à sa gauche. Il est bien connu des Canadiens par son travail de journaliste réputé et de spécialiste des affaires publiques. Il a été mis en nomination deux fois pour un prix Gémeau d'excellence en journalisme. Il a travaillé comme journaliste pendant près de 30 ans, et au cours des dernières années, il était correspondant à la télévision pour le réseau CTV. Après avoir été brièvement le conseiller du ministre des Affaires indiennes, il s'est joint au Bureau du premier ministre, tout d'abord à titre de conseiller spécial en communication, puis de directeur des communications. Le sénateur Munson est également membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
À mon extrême droite, au bout de la table, se trouve le sénateur Tommy Banks de l'Alberta, bien connu au Canada comme l'un de nos artistes et musiciens les plus accomplis et les plus polyvalents. Il joue également à l'échelle internationale le rôle de porte-étendard de la culture canadienne. Musicien lauréat d'un prix Juno, le sénateur Banks s'est fait connaître sur la scène nationale et internationale comme chef d'orchestre ou directeur musical de divers événements marquants comme les cérémonies inaugurales des Jeux olympiques d'hiver de 1988. En 2003, il a été nommé coprésident du Groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines. En plus de siéger à notre comité, le sénateur Banks est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et également président du caucus libéral de l'Alberta.
Notre comité est le premier comité sénatorial permanent ayant pour mandat d'examiner les questions de sécurité et de défense. Depuis sa création au milieu de 2001, il a fait paraître plusieurs rapports, dont le premier s'intitulait «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense». Cette étude, parue en février 2002, portait sur les grandes questions qui se posent au Canada en matière de défense et de sécurité. Ensuite, le Sénat a chargé notre comité d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Jusqu'à maintenant, nous avons présenté trois rapports sur différents aspects de la sécurité nationale: le premier, «La défense de l'Amérique du Nord, une responsabilité canadienne», paru en septembre 2002; le deuxième, «Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes, une vue de bas en haut», a été publié en novembre 2002; le troisième, «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens» a été rendu public en janvier 2003 et le dernier, «Les côtes du Canada: les plus longues frontières mal défendues au monde» est paru en octobre 2003. Le comité poursuit son examen approfondi de la politique de sécurité de la défense du Canada. Il a cependant interrompu momentanément ses travaux à cet égard pour entendre des témoins afin de se préparer à une visite prochaine à Washington.
Nous recevons aujourd'hui M. James R. Wright, sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. M. Wright a étudié à l'Université McGill avant d'entrer aux Affaires étrangères en 1976. Il a travaillé à Moscou, à Washington et à Londres. À Ottawa, il a travaillé au Bureau du premier ministre comme directeur du personnel et directeur général du Bureau, pour le centre, l'est et le sud de l'Europe. Il a également exercé d'autres fonctions au Bureau du premier ministre.
M. Wright a accédé à son poste actuel en septembre 2000. Il est accompagné de M. Paul Chapin, directeur général, Direction générale de la sécurité internationale. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.
M. James Wright, sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à témoigner devant le comité pour parler du programme canado-américain de défense et de sécurité en prévision de votre visite à Washington en mars. Ce que vous faites en examinant les questions de défense, en suscitant les idées nouvelles et, finalement en protégeant et en faisant avancer les intérêts vitaux du Canada, est capital pour ceux qui oeuvrent chaque jour dans ces domaines.
J'espère que mes commentaires vous seront utiles lorsque vous serez prochainement à Washington.
Depuis quelques mois, la population porte une grande attention à une éventuelle participation du Canada à la défense antimissiles balistiques. Je sais que vous êtes nombreux à vous intéresser à la question. Le 15 janvier dernier, le ministre de la Défense nationale et le secrétaire d'État américain à la défense ont échangé des lettres d'intention à ce sujet.
À la suite de cet échange, nous sommes maintenant en pourparlers avec les États-Unis et réunissons les renseignements dont nous avons besoin pour prendre une décision sur la participation du Canada.
Avant d'entrer dans les détails du système DAMB, permettez-moi de placer notre éventuelle participation dans ce qui, je crois, est le contexte approprié. Certes, cette question continuera de susciter beaucoup d'attention, mais elle n'est qu'un élément de l'ensemble des relations bilatérales de défense et de sécurité, relations qui sont les plus étendues et les plus interdépendantes qui existent entre deux pays.
[Français]
Il n'est pas exagéré de dire que les États-Unis sont nos plus importants alliés et partenaires. Outre l'interdépendance qui caractérise notre relation sur le plan économique, nous avons en commun d'importantes valeurs politiques: la démocratie, la règle de droit et la bonne gouvernance. Nous partageons aussi depuis longtemps la responsabilité de protéger le continent nord-américain.
Pour assumer cette responsabilité, nous avons signé, le 18 août 1940, la Déclaration de Ogdensburg qui a donné naissance à la Commission permanente mixte de la défense.
Depuis plus de 60 ans, cette commission constitue un élément essentiel des relations canado-américaines en matière de défense et de sécurité. Celle-ci se réunit deux fois par an. Sa prochaine rencontre aura lieu à Washington, en mars 2004.
[Traduction]
Depuis la création de la Commission, le Canada et les États-Unis ont signé une foule d'accords sur la défense conjointe. À l'heure actuelle, il existe entre les deux pays quelque 80 accords ayant valeur de traités et plus de 250 protocoles d'entente entre les deux pays. Le plus important de ces accords est indubitablement celui qui établit le NORAD, le commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Le NORAD est le fondement de la coopération Canada-États-Unis en matière de défense depuis 1958.
Non seulement sert-il de cadre à la coopération pour la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, mais il est aussi le symbole le plus manifeste de la coopération canado-américaine dans le domaine de la défense. Canadiens et Américains travaillent côte à côte dans ce commandement binational intégré.
Le mode de fonctionnement du NORAD se caractérise par une interopérabilité incomparable des moyens de défense canadiens et américains, dont le personnel, les radars et l'aviation. Non seulement est-ce là que nous manifestons notre vision stratégique commune pour la défense du continent, c'est aussi là que nous la réalisons ensemble. Jusqu'aux niveaux les plus élevés du NORAD, toutes les décisions sont prises conjointement par des Canadiens et des Américains.
[Français]
Les terribles événements du 11 septembre 2001 ont profondément modifié l'approche de la sécurité continentale par les États-Unis. Ainsi, le gouvernement américain a mis sur pied un ministère de la Sécurité intérieure, et le Département de la défense a créé, en 2002, le Northern Command ou Northcom. Situé près de NORAD, à Colorado Springs, le Northcom a reçu une vaste mission qui comprend à la fois la défense du territoire et l'appui au civil. Il a donc pour mandat de décourager, prévenir et repousser les menaces ayant pour cible les États-Unis, leur territoire et leurs intérêts. Northcom peut également offrir une aide militaire aux autorités civiles en assumant entre autres la gestion des conséquences, soit l'appui apporté à la suite d'une attaque.
La zone d'opérations de Northcom comprend l'espace aérien, terrestre et maritime. Elle couvre les États-Unis, l'Alaska, le Canada, le Mexique et leurs eaux avoisinantes sur une superficie d'environ cinq milles nautiques.
Comme le Canada se situe dans cette zone, il est essentiel que nous maintenions des communications efficaces avec ce commandement. La coopération est déjà solide entre le Canada et Northcom. Les deux organisations étant vouées à des buts semblables, notamment la protection de nos citoyens, de nouveaux rapports sont noués pour assurer une fructueuse collaboration binationale. Non seulement les deux organisations ont-elles un seul commandement, mais le Canada a aussi détaché auprès de Northcom un officier de liaison au rang de contre-amiral.
[Traduction]
Depuis le 11 septembre, notre alliance de défense avec les États-Unis s'est aussi renforcée dans d'autres domaines. Vous connaissez notre réaction conjointe au terrorisme, aussi bien chez nous, par le renforcement de la sécurité à la frontière, qu'à l'étranger, par exemple en Afghanistan. Moins connue cependant est l'action de défense maritime et terrestre de l'Amérique du Nord.
Il y a un peu plus d'un an, le ministre des Affaires étrangères et le secrétaire d'État américain à la défense, Colin Powell, ont signé un Accord de coopération renforcée en matière de sécurité. Un élément clé de cet accord a été la création d'un Groupe binational de planification, lui aussi installé près du NORAD, à Colorado Springs. Ce groupe cherche des moyens de faciliter les ripostes canadiennes et américaines à des attaques maritimes et terroristes en Amérique du Nord et à des menaces transfrontières, comme les catastrophes naturelles.
Outremer, les troupes américaines et canadiennes travaillent côte à côte, combattent le terrorisme et contribuent à édifier des sociétés stables, capables d'empêcher les terroristes d'y trouver refuge. Aujourd'hui, un contingent militaire canadien de près de 1 900 membres sert au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité, qui est dirigée par l'OTAN et actuellement commandée par le lieutenant-général canadien Hillier. En outre, une frégate canadienne, le NCSM Toronto, se dirige vers le Golf persique en compagnie d'un groupe opérationnel aéronaval de la marine américaine, dans le cadre de notre contribution à la campagne de lutte contre le terrorisme.
Tous ces exemples conduisent à la même conclusion. Nos deux pays ont un niveau d'interopérabilité incomparable et souhaitent favoriser à la fois la sécurité continentale et la paix et la stabilité dans le monde.
[Français]
Cela me ramène à la question de la défense antimissile balistique.
Tout d'abord, une chose est claire: Les lettres d'intention signées le 15 janvier 2004 ne constituent pas un accord sur la participation du Canada. Il s'agissait de faciliter les entretiens et de permettre au Canada d'obtenir toutes les données nécessaires pour prendre une décision informée. En effet, aucune décision ne sera prise avant la fin des négociations. C'est seulement alors que nous verrons si notre participation sert ou non les intérêts du Canada et nous prendrons une décision en conséquence.
Alors que nous poursuivons notre dialogue avec les Américains à ce sujet, il importe de ne pas oublier un certain nombre de faits. Premièrement, la prolifération des missiles balistiques représente une menace croissante à la paix et à la sécurité internationale. Ce fait fut reconnu par des chefs d'États et de gouvernements des pays membres de l'OTAN à leur sommet de 2002.
[Traduction]
Deuxièmement, la défense antimissiles balistiques sera très prochainement une réalité aux États-Unis. Le président a été sans équivoque à ce sujet. Son pays déploiera un premier système opérationnel d'ici l'automne 2004 et, si possible, plus tôt. Les États-Unis iront donc de l'avant, avec ou sans notre participation.
Plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Australie et le Japon, ont déclaré qu'ils coopéreraient avec les États-Unis à la défense antimissile balistique. Les États-Unis ont entamé des pourparlers avec d'autres pays, y compris la Russie et la Chine. Le Danemark, le Groenland, Israël, l'Inde et différents pays de l'Europe Centrale et de l'Est figurent aussi sur la liste. L'OTAN joue également un rôle en évaluant les dangers liés à la prolifération des missiles.
Troisièmement, la décision prise par le gouvernement le 29 mai 2003 d'entamer des discussions avec les États-Unis sur une éventuelle participation du Canada a été mûrie pendant des années. Notre premier objectif est d'établir si une telle participation va ou non renforcer notre sécurité et de quelle façon.
Certes, il y va de l'intérêt national et stratégique du Canada d'être associé aux décisions concernant la défense de l'Amérique du Nord et, par conséquent, la sécurité des citoyens canadiens. De concert avec les États-Unis, nous prenons depuis plus de 60 ans des décisions au sujet de la défense continentale. Lorsqu'il s'agit de la sécurité des Canadiens, il nous incombe d'examiner toutes les options, sans exception.
[Français]
Quatrièmement, si nous décidons de participer à la BMD, notre contribution à cet effort commun pourrait prendre plusieurs formes. Nous pourrions nous servir de l'infrastructure et du personnel dont nous disposons déjà à NORAD.
Chaque année, le Canada consacre quelques 300 millions de dollars à la défense de l'Amérique du Nord et plus de 700 canadiens travaillent à l'appui de NORAD à Colorado Springs et dans d'autres endroits.
Comme vous le savez, NORAD suit déjà les missiles balistiques grâce à son système intégré d'alerte tactique et d'évaluation. Les États-Unis ont reconnu que cette fonction à laquelle le personnel canadien participe pleinement pourrait être utile pour appuyer le système du BMD.
En fait, nous devons nous demander quelles seront les conséquences pour NORAD si nous ne participons pas à la BMD. Nous forcerions sans doute les États-Unis à mettre sur pied un système de détection de missiles purement américain.
[Traduction]
Cinquièmement, il importe de se rappeler que le système DAMB qui sera mis en place cette année sera basé uniquement sur terre et sur mer, avec pour commencer un maximum de dix intercepteurs en 2004, dont le nombre augmentera jusqu'à quarante d'ici 2005. On est donc loin de l'Initiative de défense stratégique des années 80 qui prévoyait un grand nombre d'intercepteurs basés dans l'espace et capables de neutraliser tout l'arsenal soviétique. Le programme DAMB envisagé a une portée beaucoup plus restreinte.
Il est vrai que les stratèges militaires américains ont rédigé des documents «futuristes» sur l'arsenalisation de l'espace. Mais ils ne font pas l'objet d'une politique. De plus, il y a de solides arguments, aux plans scientifique, politique et financier, avancés contre cette option. Toutes ces questions sont l'objet d'un débat suivi aux États-Unis.
Comme le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères l'ont clairement indiqué, le Canada reste opposé à l'arsenalisation de l'espace.
Il y a longtemps que nous avons cette politique en la matière et elle n'a pas changé. Et c'est là une position que nous avons communiquée aux Américains dès le premier jour des discussions.
[Français]
Finalement, le gouvernement perçoit ces discussions avec les États-Unis dans le contexte d'une approche globale sur la question. Nous préférons mettre l'accent sur l'action diplomatique auprès des pays responsables de la prolifération et mettre l'accent sur des contrôles nationaux stricts contre l'exportation de la technologie liée aux missiles. Nous favorisons l'adhésion au régime de contrôle de la technologie relative aux missiles et au code de conduite de La Haie contre la prolifération des missiles balistiques et l'étude des capacités de défense éventuelle.
La BMD ne rivaliserait pas avec les efforts déployés par le Canada contre la prolifération, le contrôle des armements et nos efforts en matière de désarmement; la BMD compléterait ces efforts.
Notre approche est globale et a pour but de remplir nos obligations internationales en matière de non-prolifération.
[Traduction]
Monsieur le président, ce n'est pas se payer de mots que de parler du nouvel environnement de sécurité dans lequel nous vivons. Nous devons nous assurer que les arrangements que nous avons pris pour la sécurité et la défense du continent sont constamment à jour.
La relation de défense et de sécurité que nous avons avec les États-Unis est dynamique et adaptée aux nouveaux défis. Nous l'avons vu évoluer grâce à la Commission permanente mixte de défense, à la création du NORAD, à la mise sur pied du Groupe binational de planification et à la campagne conjointe que nous menons contre le terrorisme.
Je vous demanderais donc de considérer les discussions bilatérales que nous avons sur la défense antimissiles balistiques de l'Amérique du Nord dans le contexte d'une relation de défense et de sécurité beaucoup plus large et beaucoup plus globale.
Quand il s'agit de défendre l'Amérique du Nord et de protéger la vie des citoyens canadiens et américains, les deux pays ne devraient avoir de cesse de trouver des moyens de travailler ensemble pour le bien commun, comme nous l'avons fait si souvent par le passé.
Les menaces d'aujourd'hui sont peut-être différentes de celles de 1940, au moment où le premier ministre Mackenzie King et le président Roosevelt annonçaient l'accord historique d'Ogdensburg. Il est clair toutefois que l'engagement pris par le Canada de travailler de concert avec les États-Unis pour assurer notre défense et notre sécurité mutuelles reste inébranlable.
La coopération binationale, par laquelle deux partenaires souverains oeuvrent ensemble vers un même but, reste le meilleur moyen de vraiment servir les intérêts nationaux et stratégiques du Canada.
Le sénateur Day: Monsieur Wright et monsieur Chapin, les missiles balistiques dont il s'agit sont-ils dotés d'ogives nucléaires?
M. Wright: Ils pourraient l'être. Le terme «missile balistique» renvoie à la portée du missile. Il y a des missiles à courte portée, à portée moyenne et à longue portée. Les missiles balistiques sont des missiles à longue portée qui peuvent atteindre l'Amérique du Nord, à partir de l'Asie par exemple.
Le sénateur Day: Ils pourraient donc éventuellement être dotés d'ogives nucléaires.
M. Wright: Oui, ils pourraient transporter une charge nucléaire ou une arme biologique.
Le sénateur Day: Le système de défense antimissiles balistiques comporte-t-il nécessairement des dispositifs dotés d'ogives nucléaires?
M. Wright: Non. Le plan actuel des États-Unis, c'est-à-dire un système défensif limité à des bases sur terre et en mer, repose sur ce que les Américains appellent la destruction par énergie cinétique. Il n'y a pas de vecteurs nucléaires dans leur système de défense antimissiles balistiques. Le plan américain vise à intercepter ou à arrêter dans l'espace le missile balistique lancé vers le continent américain — de le détruire dans l'espace — de manière à ce qu'il implose et à ce que ses débris se consument au moment de pénétrer l'atmosphère.
Le sénateur Day: Pouvons-nous dire à la population canadienne que, dans les pourparlers qui ont actuellement cours sur les intercepteurs basés sur terre et en mer, il n'est pas prévu de doter les vecteurs d'interception d'une charge nucléaire?
M. Wright: Absolument, sénateur. Le programme envisagé par les Américains est axé sur l'interception et la destruction de ces missiles dans l'espace sans utiliser de charge nucléaire.
Le sénateur Day: Dans votre exposé, vous avez évoqué le rôle joué par NORAD qui localise les missiles balistiques. Vous semblez laisser entendre que, si nous n'adhérons pas à ce plan, ce volet-là du programme prendra fin. Le NORAD ne pourrait-il conserver son rôle actuel, qui est de localiser les missiles, puis transmettre cette information au groupe ou au pays qui serait chargé de l'interception?
M. Wright: Monsieur le président, il serait peut-être utile pour votre comité que je lise un extrait de l'entente de prolongation du NORAD signée en 1996. Ce document décrit en termes clairs les responsabilités actuelles du NORAD à cet égard.
Le président: Je vous en prie.
M. Wright: Je vais citer un extrait qui figure à la page 6 de l'entente de prolongation du NORAD. Je pourrais vous en laisser le texte si votre comité ne l'a pas déjà.
Pour tous ces motifs, les missions primordiales du NORAD seront les suivantes à l'avenir:
a. alerte aérospatiale pour l'Amérique du Nord; et
b. contrôle aérospatial pour l'Amérique du Nord.
On entend par «alerte aérospatiale» la surveillance des objets de fabrication humaine dans l'espace ainsi que la détection, la validation et le signalement de toute attaque dirigée contre l'Amérique du Nord, que ce soit à partir d'aéronefs, de missiles ou de véhicules spéciaux, par l'entremise d'arrangements de soutien mutuels avec d'autres commandements. L'alerte aérospatiale continuera à supposer la surveillance des activités dans tout l'espace aérospatial et des développements connexes.
Le terme «contrôle aérospatial» désigne la surveillance et le contrôle de la zone aérospatiale du Canada et des États-Unis. La possibilité d'étendre la coopération binationale à d'autres aspects des missions susmentionnées doit être examinée et pourrait être envisagée si les deux nations en conviennent. Les deux gouvernements s'engagent à tenir des consultations approfondies et exhaustives sur la coopération en matière de défense aérospatiale si l'un d'eux en fait la demande.
Je lis cela, sénateur, pour essayer de montrer au comité que le rôle en matière d'évaluation des menaces, d'alerte rapide antimissiles, fait déjà partie des fonctions du NORAD binational à Colorado Springs. Ce qui a changé, c'est que le gouvernement américain a pris la décision d'aller plus loin et de mettre en place un programme de défense antimissiles balistiques. C'est cela qui a changé.
Selon nous, le rôle que le NORAD joue actuellement en ce qui concerne l'alerte rapide et l'évaluation des menaces pourrait être utile dans le contexte de la mission américaine que le président Bush voudrait lancer au printemps 2004.
C'est dans cette perspective que l'on évalue la possibilité de faire intervenir le NORAD dans ce système américain de défense antimissiles. Le NORAD ne jouerait toutefois pas un rôle exclusif dans la gestion de cette mission de défense antimissile.
Les États-Unis ont signalé clairement que ce rôle sera joué à la fois par NORTHCOM et par STRATCOM. Cependant, comme vous l'avez vu d'après l'échange de lettres d'intention entre le ministre Pratt et le secrétaire Rumsfeld, les États-Unis reconnaissent que le NORAD peut jouer un rôle significatif dans l'établissement du système de défense antimissile.
La question que le gouvernement examine actuellement est de déterminer l'utilité du NORAD pour l'alerte rapide antimissiles dans le contexte de cette mission de défense. Est-ce important pour nous? Nous le pensons parce que si le NORAD ne remplit pas cette fonction-là, une fonction qu'il remplit déjà, le risque, sénateur, c'est que le NORAD perde son importance. Les États-Unis pourraient bien l'abandonner pour mettre en place une structure de commandement uniquement américaine pour cet aspect-là, de sorte que ce qui est aujourd'hui un pilier fondamental des relations canado-américaines en matière de sécurité et de défense, le NORAD, risquerait de devenir une institution de moindre envergure.
Le sénateur Day: Il est donc acquis que le NORAD fait déjà de la localisation ou qu'il pourrait en faire.
M. Wright: Oui.
Le sénateur Day: Il le fait. Très bien. Est-ce que le Canada participe à ces activités?
M. Wright: C'est exact.
Le sénateur Day: Si le Canada décidait de ne pas passer à l'étape suivante et de ne pas participer au système de défense antimissiles, pourquoi la participation du Canada dans le domaine de la localisation ne se poursuivrait-elle pas au NORAD?
M. Wright: Le problème, sénateur, serait que les États-Unis veulent mettre en place d'ici au printemps 2004, une structure de commandement fiable à 100 p. 100 pour ce système de défense antimissiles. Si le Canada refuse et dit qu'il n'est pas intéressé à participer à ce système, étant donné que nous sommes des partenaires égaux au NORAD, qui remplit cette fonction d'alerte rapide et d'évaluation des menaces, il est fort possible que le gouvernement américain décide de se désengager de cette fonction et de la placer sous la responsabilité d'un autre centre de commandement de l'armée américaine, NORTHCOM ou STRATCOM. Comme je l'ai déjà dit, on risque donc de réduire le rôle du NORAD, et comme il s'agit de l'institution phare des relations canado-américaines en matière de sécurité et de défense, nous voulons que le NORAD puisse jouer un rôle important dans cette mission tant et aussi longtemps que le gouvernement canadien reste convaincu qu'au bout du compte, les intérêts du Canada sont protégés et renforcés par cette participation. Ce sera au gouvernement du Canada de rendre sa décision finale après les négociations avec les États-Unis, et il nous reste plusieurs mois avant que celles-ci ne se terminent.
Le sénateur Day: Ce qui m'amène à ma prochaine question. Y a-t-il une date prévue pour la fin de ces discussions?
M. Wright: Il n'y a pas d'échéance formelle pour la fin de ces négociations, mais il serait utile, étant donné que les États-Unis vont mettre sur pied leur système de défense antimissiles avant l'automne, que les négociations soient terminées au début du mois d'octobre 2004. Les Américains vont mettre sur pied leur système. Nous voudrions pouvoir avancer et arriver à une entente avec les États-Unis sur le plan de défense antimissiles bien avant cela, et c'est certainement ce que souhaite également le gouvernement américain. Cependant, ce sera au gouvernement canadien de prendre une décision finale à ce sujet une fois que les négociations seront terminées, et nous avons monté un dossier pour lui prouver que l'on protégerait ainsi les intérêts du Canada. Ces considérations comprennent plusieurs éléments différents comme la protection du Canada et des Canadiens, le rôle du NORAD, les possibilités de coopération industrielle entre nos deux pays et, bien sûr, la question des coûts et du partage des obligations. Ces discussions avec nos homologues américains sont en cours. Enfin, le gouvernement canadien voudra sans doute s'assurer que notre positionnement sur la non-militarisation de l'espace continue à faire partie de la politique canadienne. Ce sont certains des domaines que le gouvernement canadien examinera sans doute avant de décider en dernier ressort de signer ou non une entente-cadre entre le Canada et les États-Unis sur la défense antimissiles. Il n'y a pas d'échéance formelle, mais bien évidemment, il serait préférable de prendre une décision avant la mise sur pied du système de défense antimissiles.
Le sénateur Day: La technologie est-elle assez avancée pour qu'on puisse penser de façon réaliste que George Bush et son gouvernement pourront mettre sur pied ce système de défense antimissiles pour l'automne prochain?
M. Wright: Absolument, et tout indique que ce sera un système de défense antimissiles limité qui sera opérationnel d'ici octobre 2004. Tout porte à le croire, et c'est sur cette hypothèse que nous fondons notre réflexion. Les Américains ont déjà mis à l'essai quelques fois le système de défense antimissiles actuel, mais celui-ci continuera d'évoluer. Les activités de R et D se poursuivront pendant des années. Quand vous vous rendrez à Washington au mois de mars, les Américains souligneront aussi que ce système pourrait changer avec le temps. Cependant, les pourparlers actuels entre le gouvernement canadien et le gouvernement américain portent sur le programme actuel de défense antimissiles des États-Unis, qui prévoit des bases sur terre et en mer. Il s'agit d'un système limité de nature défensive qui comportera déjà dix intercepteurs cette année, nombre qui pourrait être porté à 40 au maximum l'an prochain. Le programme ne vise pas à dissuader une attaque nucléaire de la part de la Russie ou de la Chine, a pour objectif de neutraliser des missiles en provenance d'États «hors-la-loi», de pays qui suscitent des inquiétudes, ou encore des missiles qui auraient été lancés par accident. Il ne vise pas à dissuader une éventuelle attaque nucléaire de la part des Russes ou des Chinois. Je sais que le gouvernement américain n'a ménagé aucun effort pour bien faire comprendre à nos collègues de la Russie et de la Chine le but exact du système qu'envisage les États-Unis.
Le sénateur Day: J'aimerais clarifier un élément. Vous avez dit que le plan actuel prévoit des missiles d'interception à vocation défensive qui seraient placés sur terre et en mer. Les pourparlers actuels ne portent-ils pas également sur des missiles d'interception orbitaux?
M. Wright: Absolument pas. Nous avons été dès le départ très clairs sur ce point dès le départ dans nos échanges avec nos vis-à-vis américains; j'en sais quelque chose, car c'est moi qui ai piloté les pourparlers du côté canadien. Nous avons indiqué sans équivoque à nos collègues du Pentagone, du Département d'État et du Conseil national de sécurité que le gouvernement canadien ne renoncerait pas à sa politique de non-militarisation de l'espace à laquelle il souscrit depuis longtemps. Cette politique ne changera pas et la coopération dont nous discutons en ce moment porte uniquement sur la mise en place d'un système limité de nature défensive, comportant des bases sur terre et en mer, et voué à la protection de l'Amérique du Nord. Voilà l'objet de nos discussions avec nos homologues américains. Certains membres du gouvernement américain continuent à évoquer la possibilité de placer un jour des intercepteurs dans l'espace, mais ce n'est pas la politique du gouvernement américain qui reste divisé sur cette question. En fait, il y a même des divergences de vue sur cette question au Pentagone, comme vous le verrez quand vous serez à Washington. Certains membres du Congrès et du Sénat ont adopté des positions très fermes sur ce sujet; il est donc très important de bien faire la différence ici entre politique comme vision, mais aussi entre les programmes et la recherche.
Et même au chapitre de la recherche, il vous faudra bien faire la part des choses entres les budgets demandés par l'administration et les crédits accordés par le Congrès, parce que ce n'est pas du tout la même chose.
Le président: Dans la même veine, monsieur Wright, pourquoi l'idée de placer des armes dans l'espace serait-elle sacrilège? Pourquoi faites-vous tout pour l'éviter? Pourquoi cette possibilité inquiète-t-elle aussi vivement le gouvernement? Tout le monde sait qu'il y a déjà des satellites militaires dans l'espace. On sait que les bases terrestres et maritimes seront sans doute incapables de détecter les missiles en phase de propulsion — qui n'est que de 60 à 90 secondes — et que pour que le système soit efficace, il faut qu'il y ait des intercepteurs orbitaux. Pourquoi agissez-vous comme si l'idée même de placer des armes dans l'espace était sacrilège?
M. Wright: Ce n'est pas que j'essayais d'éluder la question.
Le président: Je me suis peut-être mal exprimé, mais vous semblez souligner à grands traits qu'on ne placera pas d'armes dans l'espace. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi il est impensable de placer les armes dans l'espace pour protéger le continent nord-américain contre un missile en provenance d'un pays sans scrupules. Cela pourrait pourtant sauver la vie à des Canadiens.
M. Wright: Sénateur, j'imagine que c'est parce que le Canada et d'autres pays font une différence très nette entre la militarisation de l'espace et ce que l'on pourrait appeler l'arsenalisation de l'espace. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a déjà des engins militaires dans l'espace. Les satellites, et d'autres dispositifs encore, jouent un rôle très important pour tous les gouvernements. Mais la différence, c'est qu'en ce moment même, il n'y a pas encore d'armes dans l'espace. C'est un environnement vierge, et le gouvernement canadien tient vivement, et cela depuis longtemps, à ce qu'il le demeure. Dès qu'un pays placera des armes dans l'espace, les autres seront tentés de faire de même. Or, l'espace est déjà relativement encombré par les satellites. Si un système doté de missiles d'interception venait à être installé dans l'espace, les débris qui en résulteraient pourraient endommager des satellites commerciaux ou militaires. Le Canada et d'autres pays ont besoin de l'espace et comptent sur sa sécurité. Le Canada n'est pas le seul à se prononcer fermement contre l'installation d'armes dans l'espace.
Le gouvernement américain étudie ce qu'il appelle une formule en pelures d'oignon dans le domaine de la défense antimissiles. Actuellement, il met l'accent sur des systèmes dotés de bases terrestres et maritimes. Certains évoquent également l'utilisation possible de plates-formes aériennes et de rayons laser émis depuis des avions pour détruire les missiles pendant leur phase de propulsion. Vous en avez parlé dans votre exposé préliminaire. Mais, il faudra attendre des années avant que ces technologies deviennent opérationnelles, si bien qu'à l'heure actuelle, le gouvernement du Canada et ceux de la plupart des autres pays, dans leurs négociations avec les États-Unis, mettent essentiellement l'accent sur des programmes limités de nature défensive qui comporteraient l'installation de bases sur terre et en mer. Le gouvernement canadien, dans ses pourparlers avec celui des États-Unis, continuera à réitérer son opposition à l'installation d'armes dans l'espace. Nous continuerons à travailler avec la communauté internationale dans le cadre de la Conférence sur le désarmement et des échanges bilatéraux pour pouvoir signer un jour une nouvelle convention internationale interdisant l'arsenalisation de l'espace. En ce moment, l'espace est vierge et exempt de toute arme, et nous souhaitons vivement qu'il le demeure.
Le président: Si vous estimiez qu'il y avait un réel danger d'être attaqué par des missiles tirés depuis un pays hors-la- loi et qu'il s'avérait impossible de les contrer par des armes défensives sur terre ou sur mer, la politique interdirait-elle tout de même le placement d'armes dans l'espace?
M. Wright: C'est là une question importante, quoique hypothétique.
Le président: Nous savons tous que c'est ce vers quoi nous nous dirigeons.
M. Wright: Oui. Il faudra voir si le programme de bases terrestres et maritimes sera efficace dans les années à venir. Il faudra attendre des années pour que les outils technologiques que les chercheurs américains essaient actuellement de développer, avec l'aide financière du gouvernement des États-Unis, soient au point. Le gouvernement du Canada a pris une décision pragmatique dans ce dossier: conscients de la prolifération des missiles et des armes de destruction massive, nous avons décidé de travailler avec nos partenaires américains en vue d'en arriver à une entente de coopération qui permettrait d'élargir le rôle du NORAD et de faciliter sa mission de défense antimissiles, mais seulement sa mission actuelle, qui suppose un «système de nature défensive comportant des bases sur terre et en mer».
Le sénateur Atkins: Avons-nous l'assurance que les systèmes d'intercepteurs à terre et en mer conçus par les Américains sont au point? Je ne sais pas si vous avez regardé l'émission 60 Minutes hier soir.
M. Wright: Non.
Le sénateur Atkins: On y démolissait le système de défense anti-aérienne de Patriot en expliquant qu'il avait été mis au point en 1991 et qu'il ne fonctionnait toujours pas correctement. Tout cela au cours d'un reportage de vingt minutes fort intéressant qui nous a appris que ce système pourtant déficient avait au mieux réussi à abattre un avion ami. Sur 40 missiles lancés contre l'ennemi, un seul aurait réussi à atteindre sa cible.
M. Wright: Les missiles Patriot sont des missiles à courte portée que les États-Unis ont installés à bord de certains de leurs croiseurs équipés du système Aegis. Israël s'est doté d'un système semblable, les missiles Arrow si je ne m'abuse. Le système Patriot diffère du programme de défense antimissiles balistiques dont nous discutons avec les États-Unis.
Le sénateur Atkins: Nous parlons de la technologie.
M. Wright: Vous avez tout à fait raison, les États-Unis continuent à faire des recherches et des essais afin de mettre au point de nouveaux outils technologiques. Le système évolue constamment. Le système Patriot qui a été développé au début des années 90 et utilisé pendant la guerre du Golf a donné, comme vous le savez, des résultats mitigés. Il a cependant évolué considérablement depuis. Quant au programme de défense antimissiles balistiques, je crois qu'il a fait l'objet de huit essais, dont cinq ont été concluants. Chaque fois que les Américains testent leur système, ils y introduisent davantage de variables et utilisent des épreuves plus complexes; malgré cela, les missiles donnent chaque fois de meilleurs résultats qu'au cours des tests précédents.
Il reste que les outils technologiques ne sont que les créatures du cerveau humain. Ils se sont énormément perfectionnés et sont beaucoup plus efficaces qu'auparavant. Cette amélioration se poursuivra-t-elle? Sans aucun doute, et si cinq des huit tests effectués par les Américains jusqu'à maintenant ont été couronnés de succès, nous pouvons supposer que nos collègues américains s'efforceront de porter à 100 p. 100 le taux de réussite, si bien que chaque missile atteindra sa cible.
Cependant, c'est là une question de technologie. Quand vous serez à Washington, vos amis américains vous diront que le système initial, qui est limité à des plates-formes sur terre et en mer qu'ils entendent mettre en place au cours de l'automne prochain, améliorera grandement la protection des États-Unis.
Ce système garantira-t-il à 100 p. 100 la sécurité des États-Unis? Non. Les Américains offrent-ils au Canada et aux Canadiens une garantie de protection absolue? Non, parce qu'ils ne peuvent même pas se donner cette assurance à eux- mêmes. Mais est-il à prévoir que ce système de plates-formes sur terre et en mer continuera à évoluer, à se perfectionner et à s'améliorer? Absolument.
Le sénateur Atkins: Donc, vous prévoyez que les étapes cruciales auront lieu au plus tard cet automne.
M. Wright: Je prévois qu'un système de défense antimissiles sera opérationnel cet automne et qu'il continuera à évoluer avec le temps.
Le sénateur Forrestall: Sera-t-il fondé sur le système Patriot?
M. Wright: Il s'agit d'une technologie quelque peu différente. Les missiles Patriot ont une portée très courte. Ils sont utilisés pour la défense contre les missiles à l'intérieur d'un théâtre d'opérations. Plusieurs pays essaient en ce moment de faire l'acquisition d'une technologie analogue. Israël s'en sert pour se défendre contre les missiles en provenance de certains des pays voisins.
Le sénateur Banks: Au cours de nos visites antérieures à Washington, les Américains nous ont avoué qu'ils étaient perplexes face à notre hésitation à participer à un système de défense de l'Amérique du nord, puisque nous participons déjà à un tel système depuis 1958 et qu'il est tout à fait possible que nous soyons nous-mêmes la cible d'une attaque. Nous avons entendu de tels propos de la part de membres de l'administration à la Maison-Blanche, mais également de la part de gens qu'on ne pourrait vraiment qualifier de faucons d'extrême droite. Ils étaient perplexes, même ceux qui étaient contre la militarisation de l'espace. Sans être nécessairement contrariés, ils étaient sincèrement déconcertés, incapables de comprendre pourquoi nous ne voudrions pas participer à un programme de ce genre. Par ailleurs, il y a des Canadiens qui croient qu'il est immoral de tirer sur quoi que ce soit et que nous devrions nous abstenir de participer à de tel programme.
Le gouvernement pense-t-il vraiment qu'il y a des Canadiens qui croient que la participation du Canada à la défense de l'Amérique du Nord n'est pas décidée d'avance, malgré tous les arguments spécieux et les belles paroles dont on les berce?
M. Wright: Je vais vous répondre de la façon suivante: dans les années 80 le débat au Canada était très différent de celui de 2004. Vous avez tout à fait raison. À cause du 11 septembre et de la prolifération des missiles et des armes de destruction massive — il en est question chaque jour au sujet de l'Iran, de la Libye, de la Corée du Nord et du Pakistan — les Canadiens voient se profiler à l'horizon le développement de la technologie antimissiles. On imagine, à juste titre je crois, que la menace pour le Canada ne fera que s'accentuer. Le Canada n'est peut-être pas une cible de premier plan à l'heure actuelle, mais le caractère imprévisible du monde actuel en matière de sécurité commande la prudence au gouvernement du Canada d'être prudent et de faire le maximum pour protéger le territoire national et ses habitants.
Non, je ne pense pas que le gouvernement fasse de la valse-hésitation. Il fait de son mieux pour bien comprendre à quoi il souscrit pour s'assurer que nos intérêts sont protégés et garantis grâce à ce programme de coopération. On ne ménage aucun effort pour lancer les pourparlers et les conclure le plus tôt possible en tenant compte des facteurs que j'ai déjà mentionnés: protection du Canada et des Canadiens, recours à la structure de commandement binational du NORAD qui s'est révélée très efficace jusqu'à présent, prise en compte des possibilités de coopération industrielle entre les deux pays et question des coûts. Je le répète, les États-Unis nous ont bien dit à nous et à d'autres de leurs alliés que ce sont eux qui paieront pour ce programme, que nous y participions ou pas.
S'attendront-ils à une contribution en nature? À n'en pas douter. Le gouvernement américain fait régulièrement l'objet de pressions du Congrès, qui réclame que les alliés fassent leur part. Par contre, la contribution en nature dont nous discutons avec nos homologues américains, ce serait les moyens que nous mettons à la disposition des États-Unis dans le cadre du NORAD: 300 millions de dollars par an et un effectif de 700 personnes. Il faudra voir comment évoluera le NORAD si l'organisation se voit confiée cette mission. La dernière question épineuse est celle de l'arsenalisation de l'espace.
C'est une question de sécurité et de défense très importante pour le Canada et les Canadiens, et notre gouvernement prend ces discussions avec les États-Unis très au sérieux; mais vous avez tout à fait raison. Le sentiment au Canada a changé du tout au tout. Il suffit de lire les éditoriaux et les répliques des lecteurs dans les journaux du pays pour se convaincre que cela semble parfaitement sensé pour la plupart des Canadiens.
Le sénateur Banks: Dans la même veine de ce qu'a dit le président au sujet de l'arsenalisation de l'espace, vous nous avez dit la dernière fois que le Canada est contre et que sa position ne changera pas. Or, il est déjà arrivé que la politique du Canada change lorsqu'il s'agit de sécurité nationale. Ce fut le cas pour les missiles Bomarc par exemple. Nous avons changé dans un sens et nous pouvons encore changer dans l'autre; mais laissez-moi placer ma question en contexte.
Je suis un chaud partisan de la pax britannica. L'impérialisme britannique me plaisait parce que, si vous songez à cette période, la fin du XVIIIe siècle, elle a eu du bon. Elle en a profité, mais elle a aussi eu du bon. Cet impérialisme s'est imposé parce qu'il se trouvait que ce pays avait une capacité technologique et militaire qui, par un concours de circonstances comme l'époque, la géographie et l'histoire, et peut-être aussi un peu d'organisation, était supérieure à celle de tout autre pays. Un beau jour ils ont donc dit: «Voici les règles à respecter en mer. Gare à vous si vous ne les respectez pas. Nous allons ou bien couler vos navires, ou bien les arraisonner et en saisir équipages et cargaisons.»
Je ne crois pas que l'analogie soit fausse parce qu'il n'y avait alors aucune organisation multilatérale capable de donner son feu vert, ni ONU, ni Société des nations. Les Britanniques en étaient capables, ils étaient humains et ils l'ont fait.
Tout le monde a rouspété. Les Français, les Espagnols, les Américains ont dit: «Vous ne pouvez pas faire ça» et les Anglais ont répondu: «Il se trouve que si», et ils l'ont fait. C'est aujourd'hui le tour d'un autre. Quelqu'un pense-t-il vraiment que lorsque le moment viendra, dès que la capacité existera, que les États-Unis — ou nous, si nous sommes à la table — en raison de quelque scrupule moral, ne saisiront pas la chance de faire ce qu'ils estiment être la bonne chose et d'installer des armes sur les océans et dans l'espace?
Quelqu'un le croit-il vraiment?
M. Wright: Sénateur, c'est une excellente question. J'attends avec impatience d'entendre la réponse que vous donneront vos collègues américains lorsque vous leur en parlerez.
Moi, je discute de la politique passée et actuelle du gouvernement canadien. Je m'en occupe depuis longtemps déjà, et la position du Canada sur le non-arsenalisation de l'espace extra atmosphérique n'a pas changé.
Le sénateur Banks: Avant que vous n'alliez plus loin, j'aimerais intervenir. S'opposer à l'arsenalisation de l'espace, cela ne revient-il pas à refuser l'ordre des saisons?
M. Wright: Je ne crois pas.
Le sénateur Banks: Pensez-vous que nous pourrons convaincre les États-Unis de ne pas arsenaliser l'espace?
M. Wright: J'admets qu'il se tient actuellement un débat de fond dans certains milieux américains, qui le réclament d'ailleurs. Si vous discutez avec certaines de ces personnes, elles diront peut-être comme vous que c'est inévitable.
Je soutiens quant à moi que la question divise aussi bien le gouvernement que le Pentagone. Cette technologie coûte les yeux de la tête. Même avec de la chance, elle ne sera pas opérationnelle avant une quinzaine ou une vingtaine d'années, et essayer de la maîtriser se fera aux dépens d'autre chose.
Ne tenez pas la chose pour absolument inévitable. N'imaginez pas que tous les membres du gouvernement américain soient acquis à l'idée. Il y a des positions très fermes au Congrès. L'état-major du Pentagone dira: «Si vous donnez tous les crédits à l'aviation ou à la Missile Defence Agency, quelles conséquences cela aura-t-il sur la capacité des unités combattantes de faire face aux conflits dans les États en décomposition avec lesquels la communauté internationale a dû composer en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan et en Irak depuis 10 ans?» Cela va se faire aux dépens de toutes ces mesures conventionnelles qui, soyons honnêtes, sont beaucoup plus réelles que l'arsenalisation de l'espace.
Aucun autre pays n'essaie de contraindre les États-Unis à arsenaliser l'espace. Je soutiens que la technologie, la politique et l'argent nécessaires amèneront certains au gouvernement et au Congrès à y repenser deux fois avant d'aller plus loin.
Je n'accepte pas que ce soit inévitable. La politique actuelle du gouvernement canadien, que j'appuie fermement, est d'essayer d'en dissuader nos amis américains et de collaborer avec la communauté internationale pour dégager un consensus, une convention si possible, pour empêcher l'arsenalisation de l'espace.
J'attends impatiemment de voir les résultats de vos discussions à Washington sur ce point.
Le sénateur Banks: J'espère beaucoup que vous réussirez.
Le sénateur Forrestall: Pourquoi n'y a-t-il pas de militaires ici aujourd'hui?
Le président: Le prochain témoin est un militaire.
M. Wright: Sur ce point, sénateur, je peux vous assurer que l'équipe canadienne qui négocie avec ses homologues américains travaille en partenariat. Il y a le général Macdonald, le professeur Calder et moi-même. Nous sommes en contact constant avec nos homologues américains.
Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et le ministère de la Défense nationale élaborent les positions prises par le gouvernement du Canada. J'espère que les fonctionnaires canadiens donnent un message uniforme, même si nous n'étions pas devant votre comité en même temps aujourd'hui.
Le sénateur Forrestall: C'est le problème. Je comprends ce que vous dites, mais je ne peux pas m'en assurer. Ce que je veux savoir, c'est qui joue le rôle principal au Canada?
M. Wright: C'est le ministère des Affaires étrangères qui joue le rôle principal aux négociations, de concert avec nos collègues du ministère de la Défense nationale. À toutes fins pratiques, nous nous partageons le rôle principal.
Quelqu'un doit cependant s'occuper du dossier. C'est nous qui l'avons fait, sénateurs, parce que cette question relève avant tout de la politique étrangère. Si jamais les choses se concrétisent, cela deviendra une question de défense.
Je tiens à bien rassurer les membres du comité: il s'agit d'un partenariat complet et partagé entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense nationale.
Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous me dire qui est chargé du dossier au ministère de la Défense?
M. Wright: Le lieutenant-général George Macdonald et M. Ken Calder sont mes deux principaux homologues. Ken Calder est sous-ministre adjoint de la politique au ministère de la Défense nationale. L'autre personne responsable est le lieutenant-général Macdonald, vice-chef de l'état major de la défense et ancien commandant adjoint au NORAD.
Le président: Nous vous posons la question parce qu'on nous a signalé avant la réunion que le lieutenant-général Macdonald ne s'occupait pas activement de ce dossier.
Le sénateur Forrestall: C'est très important.
M. Wright: Vous pourriez en parler au ministère de la Défense nationale. Je sais que le général Pierre Daigle s'occupe beaucoup de ce dossier et M. Calder aussi. Daniel Bon, directeur général chargé de la politique au MDN, s'en occupe aussi.
Mais je ne devrais pas parler au nom du ministère de la Défense nationale.
Le sénateur Forrestall: Je les ai déjà oubliés.
Qui joue le rôle clé pour ce dossier aux États-Unis?
M. Wright: C'est le Pentagone, qui travaille de très près avec le National Security Council, le département d'État, la Missile Defence Agency, NORAD, NORTHCOM et, dans une certaine mesure, STRATCOM. Il y a un grand nombre de joueur du côté américain.
Le président: Avez-vous bien dit le département d'État?
M. Wright: Tout à fait. Le département d'État participe effectivement au processus. C'est vraiment un joueur clé, comme le Pentagone.
Le sénateur Forrestall: Qui est le principal porte-parole militaire?
M. Wright: C'est le Pentagone. Voulez-vous dire la personne elle-même? Les noms changent parfois, mais mes homologues sont au Pentagone.
Le sénateur Forrestall: Votre homologue travaille au Pentagone, mais ce n'est pas toujours la même personne?
M. Wright: Il y a eu quelques changements de personnel au Pentagone depuis six mois.
Le sénateur Forrestall: Y a-t-il beaucoup de changements au Pentagone?
M. Wright: Non, il y a plusieurs interlocuteurs principaux. Il m'arrive de parler à Mark Grossman, le sous-secrétaire aux Affaires politiques.
Le sénateur Forrestall: Le processus ne me semble pas très rigoureux.
M. Wright: C'est sans doute que je n'ai pas bien expliqué, parce que les autorités américaines ont fait un très bon travail interagences pour élaborer la position des États-Unis. Si j'hésite, sénateur, c'est parce que, depuis six mois, il y a quelqu'un qui a été remplacé au Pentagone, le prof. J.D. Crouch. J'essaie de me rappeler son titre.
Je vais sûrement me tromper. Sous-secrétaire d'État adjoint? Sous-secrétaire adjoint au Pentagone? Nous pourrions vous fournir son titre plus tard. Le prof. Crouch a terminé son travail au Pentagone et il a repris son poste de professeur; il a été remplacé par un certain John Rudd.
Le sénateur Forrestall: Nous avons déjà entendu son nom. Pour notre gouverne et celle du greffier, pourriez-vous nous dresser un petit tableau qui montre quelle est la situation maintenant aux États-Unis?
M. Wright: Les intervenants des deux côtés? Volontiers.
Le sénateur Forrestall: Veuillez indiquer aussi les liens à partir du Président et à partir du premier ministre.
Le président: Voulez-vous dire dans une note écrite qui nous sera transmise après la réunion, sénateur Forrestall?
Le sénateur Forrestall: Oui.
M. Wright: Volontiers.
Le sénateur Forrestall: Revenons au NORAD. J'ai toujours pensé à peu près comme vous, c'est-à-dire que nous participons déjà au NORAD et que les armes nucléaires ne sont certainement pas efficaces pour ce travail. Si une technologie quelconque à des chances de succès, ce sera probablement celle-ci. Plus nous pouvons nous rapprocher d'un missile lancé contre nous, plus nous avons de chances de l'intercepter. Cela m'amène à la question de la participation du Canada. Un atout que nous avons, c'est notre vaste territoire. Le territoire canadien revêt encore plus d'importance pour nos amis du Sud quand il s'agit de la défense contre des États hors-la-loi.
Pouvez-vous me dire quelle est la position du Canada pour ce qui est d'accueillir des stations de détection?
M. Wright: Oui.
Le sénateur Forrestall: Quand vous aurez terminé, vous pourriez peut-être aussi nous parler des bases de lancement.
M. Wright: Oui. Le système actuel de défense antimissiles des États-Unis, ce système terrestre et maritime qui doit être déployé en 2004, aura des installations uniquement en Alaska et en Californie. Les États-Unis n'ont pas demandé d'avoir des stations terrestres au Canada. Ils ont d'ailleurs bien précisé qu'ils n'en avaient pas besoin pour le plan actuel. Le système actuel et celui qui sera instauré sous peu suffiront, et il s'agit des bases de lancement qui seront installées en Californie et en Alaska. Les Américains sont en train de mettre à niveau un système de radar au Royaume- Uni, et ils ont entamé des pourparlers avec le gouvernement du Danemark et les pouvoirs publics du Groenland pour la station radar à Thule, mais ils ne prévoient pas utiliser d'installations au Canada pour le système de défense antimissiles actuellement prévu.
Le sénateur Forrestall: Serait-il préférable d'avoir des systèmes de détection au Canada?
M. Wright: Le NORAD fera le travail de détection depuis le mont Cheyenne, mais les Américains ne veulent pas installer d'autres systèmes de radar ou d'interception en territoire canadien.
Le sénateur Forrestall: Et nous n'offrons pas de leur en fournir?
M. Wright: Non. Les États-Unis ont bien dit dès le départ que le programme irait de l'avant avec ou sans la participation du Canada. Ils ont aussi bien dit que ce serait le gouvernement américain qui paierait. Ce que voulaient les États-Unis, et ce que nous avons accepté de continuer à fournir, c'est un appui non financier. Nous avons dit à nos homologues américains que nous jugions faire déjà notre part dans le cadre du NORAD, c'est-à-dire avec les 300 millions de dollars que nous fournissons chaque année et l'effectif de 700 personnes qui y est affecté, et que nous étudierions toute demande future du gouvernement américain, mais nous ne pensons pas qu'il y en ait pour le programme actuellement prévu. Quant à l'avenir, nous ne pouvons pas vraiment dire ce qui arrivera.
Il importe cependant que le comité comprenne bien que les États-Unis n'ont pas besoin du territoire canadien pour installer le système actuellement en projet.
Le sénateur Forrestall: C'est bien. Il ne nous reste pas beaucoup de temps. Envisagez-vous des périodes de négociation ou de discussion très actives avec vos homologues américains d'ici octobre, disons, ou pensez-vous pouvoir dès maintenant faire vos recommandations au secrétaire, au ministre Graham, au premier ministre, au ministre Pratt et à leurs adjoints?
M. Wright: Je pense qu'il y aura au cours des mois à venir une période de consultations et de négociations actives avec nos partenaires américains, et nous comptons bien pouvoir formuler des recommandations finales au gouvernement du Canada avant que le système de défense antimissiles soit officiellement installé en octobre.
Le sénateur Forrestall: De quel genre de choses discuterez-vous entre-temps? Quels seront les sujets?
M. Wright: J'ai déjà mentionné quelques-uns des sujets qui retiendront tout particulièrement l'attention des négociateurs et du gouvernement du Canada. Tout d'abord, pouvons-nous confirmer pour les ministres que le projet améliorera la sécurité du Canada et des Canadiens? C'est la plus importante question. Deuxièmement, pouvons-nous leur garantir que le NORAD continuera de jouer un rôle important? Cela compte pour le Canada et aussi pour les États-Unis. Troisièmement, il faut préciser quelles seront les retombées industrielles pour les entreprises canadiennes dans le cadre de la mission de défense antimissiles. Quatrièmement, nous devons continuer à discuter avec nos homologues américains du partage des coûts et du travail, et aussi rassurer les ministres et le gouvernement à propos de l'utilisation de l'espace.
Le sénateur Forrestall: Notre part des coûts restera surtout notre contribution au NORAD?
M. Wright: C'est ce qui a été convenu jusqu'ici avec nos homologues américains.
Le sénateur Forrestall: N'y a-t-il pas toute une série de questions importantes auxquelles nous devons obtenir une réponse satisfaisante avant de poursuivre?
M. Wright: Chacune de ces questions représente des défis particuliers et le gouvernement veut obtenir des garanties sur chacune d'elles, à commencer par la protection du Canada et des Canadiens.
Le sénateur Forrestall: Eh bien, bonne chance.
M. Wright: Vous aussi pour votre mission.
Le président: Si j'ai bien compris, les Américains vont aller de l'avant quoi qu'il arrive, il n'y a aucun coût supplémentaire pour le Canada, les Américains ne s'attendent pas à avoir de nouvelles installations en territoire canadien et, si nous refusons de faire notre part, notre participation au NORAD risque d'être marginalisée.
M. Wright: Il y a une possibilité que le NORAD soit marginalisé. Je tiens à dire que, pour la question du coût, les discussions doivent aller plus loin qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici avec nos partenaires américains. Nous leur avons bien fait comprendre que nous songeons surtout à un appui non financier dans le cadre de notre contribution actuelle au NORAD, mais il faudra voir comment ces discussions progressent au cours des semaines et des mois à venir.
Le président: Rien n'indique jusqu'ici qu'il y aura des coûts supplémentaires?
M. Wright: On ne nous a pas donné de facture. Les États-Unis ne nous ont pas non plus présenté de liste pour des installations possibles en territoire canadien.
Le président: Ne pensez-vous pas que ce qui inquiète surtout les gens, c'est que, pour ce qui est des risques et des menaces pour les États-Unis, la plupart ont l'impression que les États-Unis dépensent trop d'argent pour un système de défense antimissiles alors que la menace risque de venir plutôt d'une barge arrivant au port d'Oakland?
M. Wright: Je suis certain qu'on discute déjà de cela aux États-Unis et au Canada. Vous avez pu discuter ce matin avec Rob Wright des pourparlers actuels entre les gouvernements des deux pays qui concernent ces menaces communes plus conventionnelles ou asymétriques.
Les Américains comme les Canadiens espèrent que, si les gouvernements décident d'aller de l'avant avec le projet de défense antimissiles, ce ne sera pas au détriment d'autres mesures de sécurité.
Le sénateur Cordy: On a déjà parlé d'une bonne partie des questions que j'aurais voulu soulever, notamment à propos des négociations qui ont déjà cours. Combien de temps ces négociations peuvent-elles continuer avant que nous ne devions prendre une décision? Comme nous savons tous et comme vous l'avez dit vous-même aujourd'hui, les Américains vont aller de l'avant avec le système de défense antimissiles, avec ou sans le Canada. Peut-on s'attendre à ce que ce soit l'automne prochain, quand les Américains veulent avoir leur système, ou pouvons-nous poursuivre les négociations plus tard?
M. Wright: Ce serait plus difficile si nous n'avons pas conclu une entente au moment où le système de défense antimissiles sera officiellement prêt au début d'octobre. Je dis que ce serait plus difficile parce que cela pourrait encourager les Américains à se doter d'un système qui protège uniquement les États-Unis. Par la suite, si le gouvernement du Canada décidait de participer dans un an, le système de commandement et de contrôle aurait déjà été installé et ce serait un système purement américain auquel les Canadiens voudraient tout d'un coup participer.
Bref, nous préférerions nous entendre avec nos homologues américains avant que le système ne soit installé en octobre. Est-ce un délai absolu? Non.
Le sénateur Cordy: Si nous décidons avant l'automne de participer, nous contribuerions à l'élaboration de la structure. Est-ce bien cela?
M. Wright: Vous avez tout à fait raison, sénateur. D'ailleurs, c'est pour cela que le ministre Pratt et le secrétaire à la Défense Rumsfeld ont échangé des lettres d'intention. À mon avis, le fait que le gouvernement des États-Unis aient demandé au Canada de participer à cette mission constitue une expression importante d'appui politique pour le Canada. Le secrétaire à la Défense a ainsi fait savoir très clairement à tous les départements et organismes de défense américains qui participent à la mission de défense antimissiles que le Canada devait participer à la planification et à l'élaboration, à la formation et au partage d'informations, afin que le gouvernement du Canada puisse prendre sa décision à ce sujet en toute connaissance de cause. C'est ce que nous faisons maintenant.
Le sénateur Cordy: Vous avez parlé des sujets de discussion. Il me semble que ce sont des choses pour lesquelles on peut faire des concessions des deux côtés. Y a-t-il quelque chose d'essentiel pour une entente? Y a-t-il quelque chose qui inciterait le Canada à dire qu'il ne peut pas aller de l'avant?
M. Wright: Les ministres et le gouvernement devront en juger le moment venu. Je vous ai donné une liste, qui n'est pas nécessairement exhaustive, de certains des points les plus importants.
Les ministres devront examiner chacun de ces points pour s'assurer que les intérêts du Canada seront bien servis relativement à la protection, au NORAD, à la collaboration industrielle et aux coûts. Nous devons aussi pouvoir leur garantir que cette décision ne risque pas de compromettre notre politique relativement à l'arsenalisation de l'espace.
Le sénateur Cordy: On a dit ici que le rôle du NORAD risquait de changer si le Canada disait non. Au début de votre intervention, vous avez dit que, de tous les accords et protocoles d'entente relatifs à la défense que nous avons signés avec les États-Unis, le NORAD est un modèle qui donné d'excellents résultats. Je pense que la plupart des Canadiens en conviendraient.
Si le Canada décide de ne pas participer à la défense antimissiles auprès des États-Unis, le rôle du NORAD changerait probablement. Qu'est-ce que cela signifierait pour les Canadiens?
M. Wright: Comme je l'ai déjà dit, ce qui risque d'arriver, c'est que les États-Unis commencent à assumer seuls le commandement du NORAD pour l'évaluation des menaces de missiles et l'alerte rapide en cas d'attaques. Si on suppose que la prolifération des missiles et des armes de destruction massive ne fera qu'augmenter au cours des années à venir, il faut absolument que le NORAD, qui est un organisme binational très important, continue à jouer un rôle dans ce domaine.
Le rôle du NORAD risque aussi de diminuer. Le NORAD cesserait de remplir une fonction essentielle; celle-ci serait remplie par un autre organisme. Cela voudrait dire qu'une institution binationale importante serait affaiblie, et cela inquiéterait le gouvernement canadien.
Le sénateur Cordy: Cesserions-nous de jouer un rôle quelconque?
M. Wright: Nous n'aurions certainement pas un rôle aussi direct que n'est le cas actuellement au sein du NORAD.
Le sénateur Cordy: Quand vous nous avez parlé des sujets de discussion, vous avez mentionné le rôle de l'industrie canadienne. Si nous participons au programme de défense antimissiles avec les États-unis, quel rôle devrait jouer selon vous l'industrie canadienne? Devrait-elle participer? Dans l'affirmative, de quelle façon?
M. Wright: Il pourrait y avoir des potentialités en R et D, et aussi des contrats par l'industrie. Il ne faut toutefois pas trop insister sur cette possibilité vu que le programme sera financé presque exclusivement par le gouvernement des États-Unis. Il faut donc supposer que bon nombre, sinon la plupart des contrats iront à des entreprises américaines.
Par ailleurs, il y a beaucoup d'entreprises canadiennes qui jouent déjà un rôle actif dans l'industrie aérospatiale. Ces entreprises possèdent des technologies d'avant-garde. Elles peuvent contribuer beaucoup. Elles ont déjà de bons partenariats avec leurs homologues américaines, et elles pourraient jouer un rôle important dans la mission de défense antimissiles.
L'une des choses que nous essayons de déterminer de concert avec nos homologues américains, c'est la façon dont cette collaboration industrielle pourrait se faire parce qu'il s'agit de technologies et de connaissances très sensibles et que les Américains voudront certainement les protéger. C'est une chose dont nous discutons déjà.
Le sénateur Cordy: Merci de votre aide.
Le sénateur Munson: Vous avez parlé d'un partenariat partagé avec le ministère de la Défense nationale, et vous avez dit que les États-Unis n'ont pas demandé accès au territoire canadien. Hier cependant, le ministre de la Défense a dit qu'il ne fallait pas exclure cette possibilité. Pourquoi pas?
M. Wright: C'est sans doute une question à poser aux responsables politiques plutôt qu'aux fonctionnaires. Ce que j'ai dit, c'est que pour l'instant, les États-Unis ne projettent pas avoir besoin d'un accès au territoire canadien. Les installations actuellement en projet suffisent. Peut-être que, dans bien des années, un gouvernement futur voudra examiner cette possibilité, mais ce n'est pas nécessaire pour l'instant.
Le sénateur Munson: A-t-on écarté cette possibilité?
M. Wright: On ne l'a pas écartée de façon absolue, sénateur, mais les Américains eux-mêmes ont bien dit dès le départ qu'ils n'avaient pas besoin d'installations en territoire canadien pour le système terrestre et maritime qu'ils comptent installer à l'automne 2004. Ils ont bien précisé qu'ils ne voulaient pas d'installations au Canada.
Le sénateur Munson: À la page 5 de votre déclaration, vous dites que le système de défense antimissiles balistiques ne ferait que compléter les actions de non-prolifération, de contrôle des armements et du désarmement du Canada sans leur faire concurrence. Pouvez-vous être plus clair?
M. Wright: Le gouvernement du Canada s'efforce de contrer la prolifération sur plusieurs fronts. Nous sommes l'un des membres fondateurs du Régime de contrôle de la technologie relative aux missiles. Nous avons joué un rôle de pointe pour l'élaboration du code de conduite de La Haye relativement à la prolifération des missiles. Nous avons instauré un certain nombre de régimes importants de contrôle des exportations, et nous faisons partie de groupes de fournisseurs qui garantissent que les technologies dangereuses ne tombent pas entre de mauvaises mains. Nous travaillons aussi dans le cadre de la Conférence sur le désarmement à Genève qui, idéalement, devrait s'occuper de toutes ces questions de non-prolifération et de contrôle des armements. La conférence est relativement inactive depuis quelques années, surtout parce que certains pays sont parvenus à une impasse sur certaines questions comme le futur traité sur l'interdiction de la production de matières fissiles, que nous défendons pour notre part énergiquement, et aussi l'installation d'armes dans l'espace. Certains des grands pays, et notamment la Chine, la Russie et les États-Unis, ne s'entendent pas sur un régime de non-arsenalisation de l'espace. Nous collaborons avec nos collègues, américains, russes et chinois entre autres, à la Conférence sur le dans le but d'éventuellement ranimer les pourparlers et relancer le débat sur le contrôle des armements et le désarmement.
Il y a aussi la conférence d'examen du TNP qui aura lieu dans quelque temps, et nous essaierons d'en profiter pour faire en sorte que les principes sur lesquels repose le Traité de non-profilération soient respectés et appliqués sur la scène internationale.
Ce que nous faisons relativement à la défense antimissiles complète tout à fait nos efforts multilatéraux et l'excellent travail que nous faisons au G-8 relativement aux armes et aux matériels de destruction massive. Il s'agit d'un programme de 20 milliards de dollars auquel les pays du G-8 ont souscrit lors du Sommet de Kananaskis sous la présidence du Canada et auquel le Canada contribue à hauteur d'un milliard de dollars. Nous voulons détruire et sécuriser les armes chimiques et les matières fissiles et recycler à des fins plus pacifiques les scientifiques de la Russie qui travaillaient dans le cadre du complexe industriel militaire.
Mes commentaires portaient sur ces initiatives que le Canada continue de promouvoir bilatéralement et multilatéralement.
Le sénateur Munson: On a beaucoup parlé cet après-midi de retombées industrielles. Il y a assurément des retombées industrielles en temps de guerre. J'imagine qu'il y a beaucoup de démarchage aux États-Unis et au Canada quand il est question de retombées industrielles. Y a-t-il beaucoup de lobbying en faveur des retombées d'un programme de défense antimissiles au Canada?
M. Wright: C'est une question que vous pourriez aussi poser à mes collègues du ministère de la Défense cet après- midi. L'industrie aérospatiale du Canada a certainement hâte de connaître la décision finale du gouvernement canadien à propos de la mission de défense antimissiles. Cela intéresse beaucoup l'industrie canadienne vu qu'elle possède des technologies de pointe et des partenariats solides avec l'industrie américaine. Elle voudrait essayer de participer au programme, mais vu l'engagement de ses entreprises dans ce secteur, les possibilités sont limitées.
Le sénateur Banks: Ma question découle de celle du sénateur Munson. Vous nous avez dit que le système de défense serait prêt l'automne prochain, ce qui veut dire, j'imagine, qu'on sait déjà de façon moins sommaire, moins folklorique, où seront installés les systèmes de radar et de lancement, de ce que vous appelez l'architecture. On a bien dû examiner la possibilité d'utiliser le territoire canadien, c'est-à-dire les îles du Nord sans doute, pour y installer des radars ou des rampes de lancement si l'on possède déjà tous ces détails d'ordre pratique. Je veux bien que le secrétaire d'État n'en ait pas parlé au ministre des Affaires étrangères, et que le général Meyers n'en ait pas parlé au général Macdonald, mais ou bien la possibilité d'utiliser le territoire canadien pour ce système n'a vraiment pas la moindre importance, et ce serait donc très facile de refuser, ou alors on en a déjà discuté. Quelqu'un doit bien savoir s'il faudra installer un système de radar sur l'île Somerset vu que le projet sera prêt cet automne. Alors quoi?
M. Wright: Le fait est que les pouvoirs publics américains ont réfléchi sérieusement à l'architecture nécessaire pour un système de défense antimissiles. Cette architecture comprendra des intercepteurs basés en Californie et Alaska.
On envisagera aussi d'avoir recours si possible au NORAD et à ses systèmes d'alerte rapide et d'évaluation des menaces. Les Américains envisageront aussi d'utiliser certaines des installations radar qui existent déjà, et qui pourraient être mises à niveau plus tard, au Royaume-Uni, au Danemark, au Groenland et peut-être aussi en Australie.
Le fait est que les États-Unis ont déjà fait un travail énorme pour déterminer ce dont ils auront besoin pour être sûrs de pouvoir concrétiser le projet. À partir de ce travail d'analyse, ils ont pu nous dire dès le départ qu'ils n'avaient pas besoin d'installations sur le territoire canadien.
Le président: Merci, monsieur Wright et monsieur Chapin. Nous avons hâte de vous entendre depuis longtemps. C'est un privilège et un plaisir pour nous de vous recevoir. Je ne m'attendais pas à ce que les questions portent autant sur la défense antimissiles balistiques, mais le comité est maintenant beaucoup mieux renseigné après vous avoir entendus.
Je vous remercie de tout ce que vous faites pour nous aider à préparer la prochaine visite. Les notes d'information sont très précieuses et nous nous fions grandement à elles. Je vous remercie donc à nouveau publiquement.
M. Wright: Mesdames et messieurs du Sénat, je remercie le comité de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui. Nous avons hâte de savoir quels auront été les résultats de votre prochaine visite à Washington. Vos questions, réflexions et préoccupations alimentent tous les avis et conseils que nous donnons aux ministres.
Le président: Sénateurs, nous accueillons maintenant le lieutenant-général George Macdonald, vice-chef de l'état- major de la défense, au ministère de la Défense nationale.
Le lieutenant-général Macdonald a joint les rangs de l'Aviation royale du Canada en 1966 et a reçu la formation de pilote. Après diverses affectations, il a été nommé commandant de la première division aérienne au quartier général de la région canadienne du NORAD à Winnipeg, le 31 juillet 1997. En avril 1998, il a été promu à son rang actuel et est devenu commandant en chef adjoint du NORAD à Colorado Springs. En septembre 2001, il a été nommé vice-chef de l'état-major de la défense.
Le lieutenant-général Macdonald est accompagné du major-général Daigle, conseiller spécial du chef de l'état-major de la défense pour la sécurité intérieure; et du contre-amiral Robertson, directeur général, politique de sécurité internationale.
Lieutenant-général, bienvenue au comité; nous sommes ravis de vous accueillir à nouveau. Je crois savoir que vous avez une brève déclaration à faire.
Le lieutenant-général George Macdonald, vice-chef de l'état-major de la défense, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, le général Daigle, l'amiral Robertson et moi-même sommes ravis de comparaître cet après-midi.
Les questions de défense et les relations en matière de sécurité entre le Canada et les États-Unis remontent à longtemps, elles ont des assises solides et donnent d'excellents résultats. Depuis les attaques du 11 septembre, le Canada et les États-Unis collaborent de très près sur de nombreux enjeux liés à la défense.
Ces dossiers s'inscrivent dans un contexte beaucoup plus vaste, celui des efforts déployés par les États-Unis pour contrer les menaces des terroristes et les armes de destruction massive, de même que la réforme des structures actuelles de collaboration entre nos deux pays pour y parvenir.
Nous modernisons, en Amérique du Nord, les structures de défense de notre continent. Nous continuons à juger précieuse la contribution de la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis. Nous avons créé le Groupe de planification binational en vue de nous pencher sur les imprévus qui pourraient mettre en péril la sécurité intérieure de nos deux pays et en vue de former un lien bilatéral avec le Commandement du Nord (NORTHCOM).
On pourrait dire que les attaques du 11 septembre sonnent le début d'une nouvelle ère dans les relations en matière de sécurité et de défense entre le Canada et les États-Unis. Laissez-moi vous parler de ces deux grands enjeux en détail. J'aimerais consacrer quelques minutes d'abord au NORAD et au Groupe de planification binational.
Du point de vue de la défense, le NORAD demeure la pierre angulaire de nos relations avec les États-Unis. Le NORAD a démontré qu'il pouvait être un arrangement très souple, qu'il pouvait suivre le rythme de l'évolution des armes, des nouvelles technologies et suivre l'émergence de nouvelles menaces. Le NORAD a continué à évoluer depuis ses débuts en 1958 afin de réagir aux besoins communs du Canada et des États-Unis, et il a changé depuis le 11 septembre.
Plus de deux ans après les attaques terroristes, les pilotes canadiens, le personnel de surveillance et les centres de commandement continuent à oeuvrer en étroite collaboration avec les Américains dans le cadre de ce que l'on appelle l'opération NOBLE EAGLE, visant à protéger l'espace aérien nord-américain contre la piraterie aérienne et le terrorisme aérien.
Les CF-18 demeurent en alerte au Canada, 24 heures par jour et sept jours par semaine, pour répondre à ces besoins. Nous partageons la formation, nous nous consultons sur la réaction qui serait appropriée lors d'une menace éventuelle et afin de prendre les mesures nécessaires.
Je veux, pour preuve de cette coopération continue, l'activité qui s'est déroulée pendant la période des fêtes, à l'époque où les États-Unis ont déclaré un état accru d'alerte à cause de renseignements qu'ils avaient reçus eu égard à des menaces que pourraient constituer certains vols en provenance de l'Europe vers des villes américaines ciblées. Nous avons donc collaboré avec les États-Unis, par le truchement du NORAD, en ajustant notre vigilance et en nous préparant en conséquence.
Grâce au NORAD, le Canada a un accès privilégié aux renseignements et aux experts militaires américains, ce qui nous donne un cadre essentiel pour planifier nos opérations dans l'espace aérien. Cet arrangement nous permet également de maintenir notre interopérabilité avec les États-Unis, ce qui s'avère important non seulement sur notre propre territoire, mais aussi lors d'opérations outre-mer.
Je voudrais aborder maintenant la question du Groupe de planification binational. Nos deux pays ont reconnu la nécessité de collaborer encore plus étroitement à la protection de notre espace aérien. Toutefois, nous travaillons aussi en plus étroite collaboration pour protéger nos frontières et nos côtes.
Nous avons donc fait un grand pas dans cette direction en décembre 2002 en créant le Groupe de planification binational, qui est situé à Colorado Springs. Les 50 Canadiens et Américains qui en font partie ont cherché à enrichir les ententes actuelles entre le Canada et les États-Unis pour protéger notre continent contre les menaces maritimes et réagir aux menaces ou aux catastrophes naturelles sur notre territoire, le cas échéant.
Pour le Canada, la mise sur pied du Groupe de planification binational avec les États-Unis visait essentiellement trois grands objectifs: d'abord, accroître la sécurité des Canadiens; deuxièmement, accroître la coopération militaire entre nos deux pays et, partant, renforcer nos capacités respectives de prévenir les menaces et les catastrophes naturelles, puis d'y réagir; troisièmement, maintenir une relation dynamique et positive avec notre voisin et allié économique et militaire le plus important.
Le Groupe vise principalement à mieux coordonner la surveillance maritime, le partage d'informations et les évaluations des menaces pour empêcher les attaques terroristes. Il s'occupe aussi d'améliorer la planification des mesures d'urgence en cas d'attentat terroriste ou de grande catastrophe naturelle.
Les activités du Groupe de planification binational incluent plus précisément: préparer les plans d'urgence pour que la réponse soit bien coordonnée et concertée advenant qu'une demande nationale d'aide militaire nous parvienne lors d'une menace, d'un attentat ou d'une urgence civile au Canada ou aux États-Unis; coordonner la surveillance et le partage d'informations maritimes afin que nous soyons plus à l'affût de façon générale des menaces maritimes potentielles; évaluer les menaces, les incidents et les urgences maritimes et conseiller les deux gouvernements; établir des mécanismes appropriés de planification et de liaison avec les autorités civiles réagissant à une crise, notamment la police, les pompiers et les autres intervenants de première ligne; concevoir les exercices et y participer; mener des programmes de formation conjoints; et valider la faisabilité et l'efficacité des plans avant qu'ils soient approuvés.
Le Groupe a déjà fait d'énormes progrès dans plusieurs domaines importants. Ses réalisations et ses projets actuels, depuis le tout début, il y a 14 mois, incluent: la collaboration avec les officiers de la marine, la garde côtière et les agences de collecte de renseignements afin de brosser un tableau de la situation maritime qui soit commun à nos deux pays et qui mette l'accent sur les navires d'intérêt qui pourraient éventuellement constituer une menace; l'élaboration de scénarios de gestion des conséquences pouvant servir à évaluer notre capacité à coordonner une réaction bilatérale devant des attaques terroristes ou des catastrophes naturelles, de même que l'élaboration d'un plan d'aide civile pour chacun des scénarios et d'autres aussi; l'examen des accords binationaux actuels et l'élaboration de recommandations en vue de cibler et de résoudre les conflits ou cibler l'information désuète; la mise sur pied d'une banque de données exhaustive ou d'une bibliothèque électronique pour les accords et les documents binationaux; l'examen — en vue de recommander des révisions — des documents qui sont le fondement de notre coopération binationale en matière de sécurité, et qui sont à la base de notre plan combiné de défense; et enfin le plus important, soit la transformation du système d'échange de l'information entre nos deux pays pour que, d'un système fondé sur le besoin de connaître, il devienne un système fondé sur le besoin d'échanger.
Le Groupe de planification binational vise avant tout à permettre au Canada et aux États-Unis de collaborer pour sauver des vies, lorsque c'est une question d'heures et de minutes. Lorsque la crise survient, il est trop tard pour chercher dans l'annuaire téléphonique. Nous devons savoir à qui nous devons parler et comment rejoindre les gens importants. Cela fait déjà plus de 60 ans que le Canada et les États-Unis collaborent en matière de défense. Le Groupe de planification binational n'est qu'une nouvelle façon pour nous de nous adapter au nouvel environnement en matière de sécurité qui existe depuis le 11 septembre. C'est une façon de faire efficace qui sert bien nos deux pays, car elle mise sur l'infrastructure et les compétences existantes à Colorado Springs, là où se trouvent les quartiers généraux du NORAD et du NORTHCOM, ce qui permettra de sauver des vies advenant une crise.
Maintenant que nous vous avons expliqué brièvement notre action au NORAD et au Groupe de planification binational, nous répondrons avec plaisir aux questions que vous pourrez avoir.
Le président: Merci, lieutenant-général.
Le sénateur Cordy: Le Groupe de planification binational vise notamment à améliorer la planification d'urgence en cas d'attentat terroriste ou de grande catastrophe naturelle. Le Canada a-t-il envoyé quelqu'un du BPIEPC pour siéger au Groupe de planification?
Le lgén Macdonald: Le principal objectif du Groupe de planification étant la coopération militaire, il est surtout composé de militaires. Il y a un représentant du BPIEPC canadien à Colorado Springs, au sein du Groupe de planification binational, pour, disons, envisager certaines possibilités. La principale caractéristique de l'ensemble des compétences regroupées à Colorado Springs, c'est qu'aux compétences traditionnelles de NORAD s'ajoutent maintenant celles du quartier général du nouveau Commandement du Nord, ou NORTHCOM, responsable de la sécurité intérieure des «régions du Nord» selon la définition américaine, soit bon nombre d'agents ou de personnel de liaison des organismes américains homologues de nos employés de la citoyenneté, de l'immigration et de la protection civile. Le représentant du BPIEPC a ainsi non seulement l'occasion de créer des liens avec des Canadiens et avec des personnes qui s'occupent de questions binationales, mais aussi avec d'autres agents de liaison, des agences états- uniennes. C'est donc de plus en plus important comme activité.
Le sénateur Cordy: Faites-vous ensemble de la formation, en prévision d'événements comme des attentats terroristes ou des catastrophes naturelles? Les Canadiens et les Américains reçoivent ensemble de la formation pour savoir comment composer avec ces situations, n'est-ce pas?
Le lgén Macdonald: C'est l'intention que nous avions. Il y a eu des exercices, mais nous espérons que cela va s'accélérer, s'intensifier et avoir une plus vaste portée. Grâce à la coopération militaire, nous avons eu par le passé d'excellentes expériences de formation pour l'armée, la marine et l'aviation. Nous espérons pouvoir profiter de cette expérience dans le nouveau domaine de la lutte contre le terrorisme et les catastrophes naturelles. Même si les catastrophes naturelles sont bien différentes des attentats terroristes, la formation qui s'y rapporte est assez semblable, pour ce qui est de la coordination et des intervenants. C'est une formation semblable, pour deux types d'événements assez différents.
Le sénateur Cordy: Comme je suis de la Nouvelle-Écosse, où nous avons des ouragans et des chutes de neige de 90 centimètres, je veux m'assurer que nous serons bien préparés pour les catastrophes naturelles. Merci pour le travail qui a été fait pendant l'ouragan Juan. Vous avez beaucoup aidé la province.
Vous dites avoir effectué un changement de paradigme, être pressé du besoin de savoir au besoin d'échanger. Depuis le 11 septembre et depuis la mise sur pied du Groupe de planification, trouvez-vous qu'il y a davantage d'échange de renseignements?
Le lgén Macdonald: Oui, et surtout en raison des avantages tirés de la collaboration entre Canadiens et États-Uniens au Groupe de planification binational, dans l'objectif commun de mettre au point des plans d'urgence: non seulement nous échangeons des renseignements, mais nous les analysons et nous en tirons des résultats.
Nous avons toujours eu des liens très étroits avec les États-Unis et nos autres proches alliés, lorsqu'il s'agissait d'échanger des renseignements pour les mettre à la disponibilité de tous. Nous espérons susciter la synergie potentielle pour l'échange de renseignements et, dans les domaines où seul un pays a des renseignements particuliers, échanger ces données avec les autres. Il est également important d'analyser ces renseignements et de s'en servir. Le Groupe de planification binational s'efforce de le faire, en se concentrant ainsi sur presque tous les renseignements fournis par les deux pays. Les renseignements sont donc échangés plus librement, en quelque sorte, qu'ils ne l'auraient été autrement.
Le sénateur Cordy: Est-ce que ce changement de paradigme, du besoin de savoir au besoin d'échanger, a aussi touché les ministères du gouvernement canadien? Y a-t-il davantage d'échange de renseignements entre le SCRS, la GRC et les militaires? Avez-vous perçu un changement au Canada?
Le lgén Macdonald: Oui, c'est ce que je dirais. Je ne dirais pas qu'il y avait autrefois une réticence à échanger des renseignements, mais peut-être y avait-il moins d'occasions, ou moins de raisons de le faire parce que la coordination n'était pas aussi serrée qu'elle devait l'être ou pouvait l'être, pour ce genre de question. Au cours des dernières années, il faut reconnaître qu'il y a eu de plus en plus de coordination, de consultation et de collaboration interministérielles, afin de faciliter la planification et la réflexion pour nous préparer à toute éventualité.
Dans ce contexte, les échanges de renseignements sont devenus beaucoup plus constructifs, à mon avis. Il n'y avait pas nécessairement de résistance auparavant, mais maintenant, nous sommes motivés et bien lancés. Nous commençons à reconnaître que la sécurité nationale, ce n'est pas seulement défendre son propre pays, mais aussi assurer la sécurité de l'approvisionnement en eau, la sécurité physique des citoyens du Canada, la sécurité des sources d'énergie et la sécurité de nos frontières. La défense nationale fait partie de la sécurité nationale et on voit désormais les choses d'une manière plus holistique.
Le sénateur Cordy: La collecte et la connaissance des renseignements est certainement une partie essentielle de la sécurité de notre pays.
Comment la formation du Commandement du Nord a-t-elle touché les membres des Forces canadiennes qui travaillent actuellement au NORAD, à Colorado Springs? Leur tâche a-t-elle changé? Leur rôle est-il aussi bien intégré qu'avant la formation du Commandement du Nord?
Le lgén Macdonald: Il est difficile de vous répondre, parce que les arrangements antérieurs avec le Commandement spatial, aussi situé à Colorado Springs, avec le NORAD, se concentraient beaucoup sur le commandement de base et sur la mission du NORAD, qui se chevauchaient beaucoup. Il y a aussi un chevauchement entre le NORTHCOM et NORAD, mais comme le NORTHCOM est un nouveau commandement qui n'est pas encore bien établi, pour ainsi dire, la détermination des rôles précis, l'affectation de ces rôles et la dotation des postes de commandement au quartier général est toujours en cours.
Rien ne laisse croire à des réticences à inclure les Canadiens dans les activités de NORAD, comme par le passé. D'ailleurs, le Groupe de planification binational constitue une cellule de personnes, de nature vraiment binationale, travaillant à des problèmes communs.
Le NORTHCOM a une très longue liste de responsabilités et travaille sur des questions diverses. Je pense qu'il faudra un certain temps avant qu'il soit vraiment prêt, et même alors, tout en étant prêt, il ne cessera d'évoluer. Je ne voudrais toutefois pas laisser croire que la formation de NORTHCOM a un quelconque effet débilitant ou négatif sur les Canadiens qui travaillent à Colorado Springs. C'est au contraire un fait très positif pour l'objectif pour fins de la sécurité binationale ainsi que pour la planification, les plans d'urgence, l'échange d'information et de renseignements qui s'y rapportent.
Le sénateur Cordy: Voilà une bonne nouvelle. Est-ce que NORAD a changé ou, plutôt, comment NORAD a-t-il changé depuis le 11 septembre?
Le lgén Macdonald: Le changement le plus important au sein de NORAD dans les deux ou trois dernières années a découlé du changement de paradigme nécessaire pour réagir à une agression potentielle provenant de l'intérieur des États-Unis ou du Canada. Vous savez sans doute qu'avant le 11 septembre, la mission du NORAD était la défense contre les agressions aériennes ou les menaces aérospatiales, en provenance de l'extérieur du périmètre continental. NORAD avait toujours présumé que son mandat ne portait pas sur des agressions provenant de l'intérieur du périmètre, comme les attentats aériens du 11 septembre, à partir d'aéroports nationaux. Ce n'était pas un des rôles confiés au NORAD, et c'est un concept nouveau auquel le NORAD a dû s'adapter.
Depuis, le NORAD a créé des liens beaucoup plus approfondis qu'auparavant avec la FAA des États-Unis et avec NAV CANADA pour surveiller la circulation aérienne intérieure. C'est un grand problème. Chaque jour, au Canada comme aux États-Unis, il y a des milliers de vols. On a mis au point des protocoles dans lesquels les seuils de signalement et de réaction ont été beaucoup abaissés par rapport à ce qu'ils étaient avant le 11 septembre, pour toute déviation, d'un certain nombre de degrés, par rapport au plan de vol.
Bien entendu, la collecte de renseignements et la surveillance des voyageurs à destination d'Amérique du Nord — le service de sécurité des aéroports, par exemple — contribuent aussi aux renseignements traités par NORAD, tant du côté canadien que du côté américain. On peut réagir et signaler des vols d'un intérêt particulier, auxquels une attention supplémentaire est accordée.
Aux États-Unis surtout, mais aussi au Canada, nous avons augmenté le nombre d'aéronefs en était d'alerte. Des avions de chasse américains accompagnent souvent des vols, pour assurer leur protection ou leur couverture. Ainsi, des mesures de sécurité supplémentaires sont prises pendant le discours sur l'État de l'union à Washington, mettant aussi à contribution les ressources de NORAD.
On accorde une attention plus soutenue et plus rigoureuse à la circulation aérienne intérieure et internationale ainsi qu'au niveau de préparation qui s'y rapporte. Nous avons défini divers seuils de préparation et établi la façon de réagir dans chaque cas. Nous avons de nouvelles façons de traiter les renseignements se rapportant à ces vols, plutôt que de simplement présumer que la menace ne peut venir que de l'extérieur des États-Unis ou du Canada.
Le président: Lieutenant-général Macdonald, vous avez répondu à une question au sujet de NORTHCOM et de NORAD. Peut-on en dire autant du déménagement du Commandement spatial à l'extérieur de Colorado Springs? Cela a-t-il eu un effet négatif sur nos relations avec les militaires américains?
Le lgén Macdonald: L'effet n'est probablement pas très perceptible pour la plupart des gens. Dans la relation que NORAD entretenait avec le Commandement spatial à Colorado Springs — et il s'agit du Commandement spatial des États-Unis, le commandement suprême — bon nombre de Canadiens travaillaient très étroitement avec leurs collègues du Commandement spatial, s'acquittant de tâches du Commandement spatial qui avaient un lien avec NORAD. Avec le départ du quartier général du Commandement spatial de Colorado Springs, nous avons perdu ces personnes et ces fonctions, que nous avons réaffectées à d'autres postes de NORAD. Par conséquent, il y a certainement moins de contacts quotidiens avec les fonctions du Commandement spatial. En revanche, le Commandement spatial de l'aviation, ou Air Force Space Command, a toujours son quartier général à Colorado Springs et a gardé des liens étroits avec la mission NORAD: il y a donc encore une collaboration étroite entre les Canadiens du NORAD et leurs collègues américains.
Mais il reste que le départ des fonctions du Commandement spatial des États-Unis de Colorado Springs a certainement eu pour résultat une perte de contact dans ce domaine, et nous n'avons plus une relation aussi étroite avec le Commandement spatial qu'auparavant. Ces fonctions ont été déménagées au quartier général de STRATCOM, à Omaha, au Nebraska.
Le sénateur Banks: Pourquoi?
Le lgén Macdonald: C'est une décision des États-Unis. Ils estimaient que la fonction de Commandement spatial se rapprochait davantage du Commandement stratégique, dans l'éventualité de la création d'un Commandement du Nord. Je crois aussi que cette décision a été précipitée par le désir d'éviter d'augmenter le nombre de commandements aux États-Unis. On a donc essentiellement intégré le Commandement Spatial et le Commandement stratégique. Encore une fois, nous ne parlons que du Commandement spatial et non des fonctions de commandement de l'aviation, de l'armée ou de la marine, qui sont toujours indépendantes.
Le président: En résumé, si vous n'êtes pas installés au même endroit, vous perdez une partie des contacts et des renseignements que vous auriez autrement?
Le lgén Macdonald: Quel que soit le genre de contact, à mon avis, il est toujours avantageux d'avoir des gens qui travaillent directement pour ce commandement. On pourrait envisager à l'avenir d'installer des Canadiens au Commandement stratégique du Nebraska, afin de pouvoir garder une plus grande familiarité avec les activités des États-Unis, comme on le faisait dans nos relations avec l'ancien Commandement spatial.
Le président: Des pourparlers sont-ils en cours à ce sujet?
Le lgén Macdonald: Oui, mais seulement des discussions préliminaires.
Le sénateur Forrestall: Puis-je vous demander quel est le rôle de North Bay, maintenant que les choses se tassent?
Le lgén Macdonald: On ne s'attend pas à un changement de rôle pour North Bay. Le centre des opérations de défense aérienne du Canada est à North Bay depuis des années, maintenant. Dans les prochaines années, nous passerons des installations souterraines à un immeuble en surface, simplement à cause des coûts élevés de l'entretien des installations souterraines et de la nécessité de moderniser nos installations. En outre, la menace pour un immeuble en surface n'est plus ce qu'elle était pendant la guerre froide. Il reste que nous n'avons pas l'intention de beaucoup changer le rôle de North Bay.
Cela étant dit, comme je l'ai déjà expliqué au sénateur Cordy, l'intensité des opérations de NORAD a beaucoup augmenté depuis le 11 septembre, surtout pour ce qui est des vols intérieurs. Ce genre d'activité a une incidence aussi sur les opérations à North Bay: on y est plus occupé, sans que la nature du travail ait changé.
Le sénateur Forrestall: Je n'ai pas vraiment de raison de croire que l'un ou l'autre de vous trois dénoncera la défense antimissiles, ou trouvera quelque chose à redire au fait qu'on se penche là-dessus et qu'on fasse avancer la discussion pour aller de l'avant. Cependant, il y a bien des choses qui me dérangent beaucoup. Entre autres, le cas de l'Aurora qui a perdu une hélice. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est produit?
Le lgén Macdonald: Je suis pilote, mais je ne suis pas pilote de la patrouille maritime. Je n'ai que 20 heures de vol sur un appareil équipé d'une hélice. Si j'ai bien compris, l'hélice s'est emballée, ce qui est très grave, et on a déclaré une situation d'urgence. Par précaution, en situation d'urgence, quand on survole l'eau, il faut se préparer à atterrir dès que possible, se préparer au pire et à évacuer l'appareil, au besoin. Dans ce cas, toutefois, l'aéronef a été sauvé. Il reste encore à réparer le moteur, mais les conséquences de cette situation n'ont pas été aussi graves qu'elles auraient pu l'être, je crois.
Je crains toutefois de ne pas être suffisamment compétent, du point de vue technique, pour...
Le sénateur Forrestall: Ce n'est pas un problème endémique pour la flotte?
Le lgén Macdonald: Non, il n'y a eu que cet incident.
Le sénateur Forrestall: Je suis préoccupé à cause de la modernisation...
Le lgén Macdonald: Nous avons un programme de modernisation de l'Aurora.
Le sénateur Forrestall: Il me semble que nous avons bien du mal à garder un budget permanent. On a réparti ce budget sur une période beaucoup plus longue que ce qui était prévu au départ. Ces appareils ne sont plus de première jeunesse.
Le lgén Macdonald: Non, l'Aurora est arrivé vers 1980 et il est temps de lui faire une modernisation de mi-vie. La modernisation de mi-vie est composée d'une série de changements progressifs. L'une des complications, c'est le retrait du service quand il faut moderniser un Aurora, et le remettre en service quelques années plus tard; cela dure quelques années. Cet incident particulier n'avait rien à voir avec la modernisation.
Le sénateur Forrestall: Était-ce un incident isolé?
Le lgén Macdonald: Pour l'ensemble de nos aéronefs, Aurora, la sécurité a été essentiellement parfaite.
Le sénateur Forrestall: Comment va le bureau de planification du remplacement des Sea King? On ne lui a pas accordé beaucoup d'argent dans les budgets supplémentaires. Fonctionne-t-il bien?
Le lgén Macdonald: Oui.
Le sénateur Forrestall: Qu'y fait-on? Quand peut-on attendre une commande?
Le lgén Macdonald: Je crois qu'on attend les réponses à la demande de propositions vers la fin avril, en espérant qu'un contrat sera prêt dans les deux ou trois mois suivants. Ce serait le meilleur des cas. Il est possible que nous déjà ayons un contrat au milieu de l'été.
Que je sache, le bureau du Projet des hélicoptères maritimes n'a pas de difficulté à s'acquitter de son rôle, non plus qu'à évaluer les propositions qui arrivent, en vue de préparer le contrat.
Le sénateur Forrestall: J'ai été un peu inquiet en entendant des responsables gouvernementaux émettre l'idée que nos troupes en Afghanistan pourraient y rester longtemps. Elles ne rentreraient pas bientôt. Je n'y ai pas cru. Je me demande toutefois s'il ne s'agit pas d'une opération semblable à celle de Chypre qui, comme vous le savez, a duré près de 30 ans.
Quelles sont nos intentions au sujet des Forces canadiennes en Afghanistan? Y aura-t-il un roulement des troupes ou seront-elles là pendant 10 ou 15 ans?
Le lgén Macdonald: Il est difficile de prédire combien de temps mettra l'OTAN pour assurer la sécurité et la stabilité de l'Afghanistan. À court terme, nous savons pour sûr que nous y serons pendant un an, c'est-à-dire pour deux rotations de six mois se terminant en août. Nous garderons un effectif nettement réduit, pour maintenir une présence à Kaboul, afin de continuer à soutenir la Force internationale d'assistance à la sécurité. Ensuite, il faudra évaluer les besoins, du point de vue de l'OTAN, et déterminer quelles options permettront d'y répondre.
Il est difficile de savoir combien de temps cela durera, mais la plupart d'entre nous reconnaissent que l'Afghanistan n'est pas un endroit très sûr, ces jours-ci. La Force internationale d'assistance à la sécurité est confinée à la capitale. Il y a aussi des équipes de reconstruction provinciale, ailleurs au pays, dont le nombre augmente souvent.
Au bout du compte, je pense que ce sera une opération d'assez long terme. Je ne sais pas si les Forces canadiennes y seront à long terme, toutefois. Il nous faudra certainement y réfléchir.
L'amiral Robertson, notre directeur général pour la politique de sécurité internationale, connaît bien ce dossier et d'autres dossiers internationaux.
Le contre-amiral Drew W. Robertson, directeur général, Politique de sécurité internationale, ministère de la Défense nationale: Il est difficile de prévoir combien de temps cela durera. Je prendrai toutefois l'exemple de la Bosnie: Cela fait huit ans que la volonté collective de l'OTAN a été imposée en Bosnie. La Force de mise en oeuvre comptait 60 000 soldats. La force de stabilisation, qui compte 12 000 soldats, tombera à 6 000 soldats au printemps. Nous nous attendons à ce que l'OTAN mette fin à sa mission à l'automne, en confiant ce rôle à l'Union européenne. Voilà donc la chronologie pour un pays qui était, peut-être, dans une meilleure situation générale que l'Afghanistan à la fin du régime des Talibans.
Il reste que c'est une opération à long terme. Après huit ans d'efforts de la communauté internationale, dirigée par l'OTAN, nous arrivons à un point où nous pouvons entrevoir la fin de la mission de l'OTAN. Nous pouvons nous en remettre à l'Union européenne et ces troupes de l'OTAN pourront être libérées, et servir ailleurs.
Le sénateur Forrestall: Mais est-ce que cela ne va pas accaparer le Canada, et un ou deux autres pays, pendant une vingtaine d'années?
Le cam Robertson: Oui.
L'exemple, peut-être, serait d'arriver avec une force décisive, et travailler à la réussite, pas uniquement sur le plan militaire, mais aussi du point de vue de la communauté internationale. On pourrait alors être libéré plus tôt qu'on l'a été de Chypre et d'autres missions.
Le sénateur Banks: Est-ce que toutes les troupes de l'OTAN dans les Balkans sont des troupes de l'Union européenne?
Le cam Robertson: Beaucoup de pays du Partenariat pour la paix ont aussi actuellement des effectifs en Bosnie. Mais, tant pour la Bosnie que pour le Kosovo, le gros des troupes, après celles des États-Unis et du Canada, provient de l'Union européenne.
Le sénateur Banks: Alors elles pourraient ne pas être libérées.
Le cam Robertson: Il faut espérer que les effectifs continueront de baisser, et comme la plus grande menace à la stabilité de la Bosnie est désormais la criminalité, plutôt que les trois entités, on pourrait en venir à un point où la mission se résumera à du travail policier.
Le sénateur Banks: Au sujet de la dotation et des ressources, il est parfois pénible d'avoir raison. Je ne peux m'empêcher de rappeler que l'un de nos rapports avait recommandé que les Forces canadiennes reviennent au Canada, qu'elles se regroupent, qu'elles reçoivent la formation et qu'elles se réorganisent. À l'époque, on nous a beaucoup dénoncés, partout. Pourtant, c'est maintenant presque adopté. Il a fallu le faire. C'est une observation, et non une question.
Lors d'un voyage à Washington, nous avons rencontré le secrétaire Rumsfeld. Il a émis quelques critiques. Il avait aussi toutefois des félicitations à faire au sujet de notre travail en Bosnie. Il était très élogieux et content du degré d'interopérabilité entre les marines canadiennes, américaines et celles des autres pays de l'OTAN. Je constate qu'au sujet du Groupe de planification binationale, on s'intéresse de près à la sécurité maritime.
On a parlé récemment au comité de la possibilité d'une organisation maritime qui serait une sorte de reflet du NORAD, ce qui serait possible puisque nous faisons déjà partie de nombreux exercices et projets internationaux. Que pensez-vous de cette idée?
Le lgén Macdonald: Le contre-amiral Robertson a une expérience récente de la chose et peut certainement, monsieur le sénateur, parler des aspects de votre question qui portait sur l'interopérabilité, monsieur le sénateur.
Le mandat du groupe de planification binational est différent de celui du NORAD. Des soldats n'y sont pas affectés. Le NORAD a des effectifs à sa disposition...
Le sénateur Banks: Je le comprends. Je me demandais si dans la planification, on avait songé à la création d'une sorte de NORAD maritime?
Le lgén Macdonald: Je pense que c'est fort possible. C'est une idée qui devrait être soigneusement étudiée par le Canada et les États-Unis. Au départ, bien entendu, nous nous concentrerions sur l'échange de renseignements, la planification, les préparatifs d'urgence et les exercices, afin d'être en mesure d'utiliser nos effectifs.
Si un navire suspect est repéré à quelques centaines de milles de la côte, nous pouvons, par exemple, décider qui enverra un navire pour le poursuivre et comment l'opération sera coordonnée. et cetera. Il n'est pas nécessaire que des effectifs soient réservés au groupe de planification binational, pour que l'information soit fournie et nous permette de coordonner entre nos deux pays l'intervention nécessaire dans ce cas particulier. Il reste à voir comment les choses vont évoluer.
Il est évident que le fait de travailler ensemble, d'échanger des renseignements et de mettre au point ce que nous appelons une «image commune de la situation opérationnelle», au point de comprendre d'où peut venir la menace et de s'entendre sur les façons d'y réagir de manière coordonnée, est le résultat fondamental que nous visons et que nous commençons à obtenir.
Le cam Robertson: Nous reconnaissons que les indices et critères d'alerte, sont importants du côté maritime, mais qu'il y a de grandes différences quant à la rapidité d'intervention, au temps et à la distance dans les deux environnements. L'aviation doit intervenir rapidement. Dans le cas des marines, nous disposons habituellement de beaucoup plus de temps pour envoyer les forces d'intervention nécessaires. Cela étant dit, notre interopérabilité à l'étranger existe aussi chez nous. Dans les préparatifs de la guerre en Irak, les navires canadiens faisaient des exercices sur la côte Est avec des navires américains. Les navires américains devaient être en mesure de respecter un très court préavis de redéploiement sur leur côte au début de la guerre en Irak, s'il avait été jugé nécessaire d'élargir la couverture radar en mer. Les navires canadiens étaient aussi prêts à se joindre rapidement à l'Opération Noble Eagle et à appareiller de notre côte Est ou de la côte est des États-Unis, pour la destination qu'aurait choisie le commandement canadien.
Le sénateur Banks: Ne pensez-vous pas qu'il serait utile aussi que la marine puisse communiquer en toute interopérabilité avec la Garde côtière? On nous a dit que ce n'était pas le cas.
Le cam Robertson: Vous parlez de la Garde côtière canadienne?
Le sénateur Banks: Oui.
Le cam Robertson: Ce n'est pas une question qui relève de moi.
Le sénateur Banks: Nous pouvons communiquer avec la Garde côtière américaine, mais pas avec la Garde côtière canadienne. Cela ne vous semble-t-il pas étrange?
Le cam Robertson: Je crois que le capitaine Hickey vous en a parlé plus tôt. Nous pouvons certainement communiquer de manière instantanée, pour des fins de recherche et sauvetage. Nous pouvons communiquer par radio maritime. Je pense toutefois que le capitaine Hickey parlait de communications secrètes.
Le sénateur Banks: Oui, il parlait de transmission protégée. Ne serait-ce pas une bonne idée?
Le cam Robertson: Tout dépend de la mission. Je peux penser à des navires de la Garde côtière qui n'auraient aucun besoin de cette capacité.
Le sénateur Banks: La Garde côtière a une centaine de navires qui circulent et qui pourraient au moins être vos yeux et vos oreilles en cas de besoin.
Le cam Robertson: Il est certainement utile que nous puissions parler ensemble.
Le sénateur Banks: Enfin, général, vous avez parlé de manoeuvres. La semaine dernière, je crois que le NORTHCOM a effectué des manoeuvres de défense dans plusieurs États avec la participation du NORAD. Êtes-vous au courant de ces manoeuvres?
Le lgén Macdonald: Je n'en suis pas au courant personnellement. NORTHCOM est responsable de la coordination avec un certain nombre d'agences aux États-Unis, qui sont toutes des organisations de la garde nationale, de sorte qu'il n'est pas surprenant qu'ils interviennent dans de nombreux États. Je ne suis pas certain quel était le lien avec le NORAD, cependant.
Le sénateur Banks: Je pense qu'il jouait un rôle, mais c'était peut-être purement dans le cadre de manoeuvres internes aux États-Unis.
À la lumière du fait que le NORTHCOM, dans le cadre de son nouveau régime de sécurité intérieure, effectue des manoeuvres qui comportent des situations de défense et puisque nous avons ici un nouveau ministère qui se préoccupe de la sécurité nationale et de la défense — qui parfois pourra se heurter au MDN — est-ce que vous prévoyez que nous pourrions effectuer des manoeuvres importantes à ce niveau pour voir quelle serait notre capacité de réaction dans des situations de défense ou même de menaces d'accidents?
Le lgén Macdonald: Il est toujours extrêmement utile de faire ce genre de manoeuvres, particulièrement si elles se fondent sur des scénarios réalistes auxquels on peut faire participer les intervenants. Le NORTHCOM est une organisation militaire, de sorte qu'il mettrait plutôt l'accent sur des manoeuvres de type militaire. Je suis certain que le département de la Sécurité intérieure effectuera des manoeuvres auxquelles ne participeront pas uniquement les intervenants militaires. Au Canada, les services de protection civile et de sécurité publique feront sans doute la même chose et prévoiront une large gamme de scénarios, mais aussi, ce qui est encore plus important, amèneront tous les représentants et les intervenants du gouvernement à travailler ensemble et à partager l'information.
Le sénateur Banks: Je sais que nous faisons des simulations d'exercices sur maquette et des manoeuvres virtuelles. Voici ma question: prévoyons-nous faire des exercices en campagne, comme à l'époque où l'armée faisait des manoeuvres au niveau de la brigade, manoeuvres qu'elle ne fait plus maintenant parce que les fonds manquent? Est-ce là la raison pour laquelle nous ne faisons plus ce type de manoeuvres, qui mettraient à l'épreuve le bon fonctionnement des éléments respectifs nécessaires pour réagir à ce genre de situation?
Le lgén Macdonald: Je ne suis pas au courant de toutes les manoeuvres que nous faisons au Canada. Nous avons collaboré avec les États-Unis pour ce que nous appelons les «exercices de poste de commandement», ou simulations d'exercices sur maquette avec une série d'exercices supplémentaires, et ces derniers se sont avérés être assez utiles jusqu'à présent. Il y a tout un pas avant d'en arriver à un scénario également. Il est important de faire la planification d'urgence, de déterminer le protocole et les intervenants et de travailler ensemble avant de pouvoir en arriver à un scénario réel à grande échelle.
Dans les forces armées, nous parlons souvent des niveaux tactiques et opérationnels stratégiques des opérations. On peut effectuer des manoeuvres tactiques avec un petit groupe de gens dans une ville, pour répondre à une menace dans un métro, par exemple. Au niveau opérationnel, c'est toute la province ou une plus grande entité qui est touchée. Une opération de niveau stratégique serait une manoeuvre au niveau national.
Ces manoeuvres sont coûteuses, mais ce n'est pas uniquement un problème militaire. Il s'agit de réunir le Solliciteur général, Santé Canada, Citoyenneté et Immigration Canada et tous ceux qui devraient collaborer lors d'une intervention raisonnée combinée à la suite d'une attaque. Souvent, le vrai défi n'est pas au niveau des premiers intervenants pour traiter les blessés sur le site d'un accident, le défi consiste plutôt à savoir comment coordonner l'intervention générale afin de s'assurer que les ressources sont bien positionnées et disponibles au départ. Nous devons par ailleurs nous assurer que les gens communiquent l'information et la contribution qu'ils peuvent apporter, et qu'il y a une coordination raisonnable des secours nécessaires.
Le sénateur Banks: C'est exactement ce que je voulais dire. Il y a des membres de notre comité qui doutent justement de cette capacité de coordination. Il s'agit d'un nouveau régime puisque le vice-premier ministre a une nouvelle série de responsabilités qui comprend toutes ces choses. Nous avions des doutes auparavant quant à la capacité de qui que ce soit de vraiment coordonner ces opérations, et nous en avons eu la preuve par le passé à la suite du manque de coordination des opérations lors d'événements nationaux qui se sont produits.
J'espère tout au moins, et je crois que nous l'espérons tous, qu'on nous démontrera bientôt que la situation a été corrigée et qu'il est possible de coordonner vos efforts et ceux des autres intervenants lors de diverses situations. Savez- vous si cela se fera dans un avenir rapproché?
Le lgén Macdonald: J'ai mentionné la série d'exercices supplémentaires, et je ne sais pas exactement quand sera la prochaine série d'exercices, mais ces exercices ont été utiles. Pour assurer une telle coordination, il faut tout d'abord comprendre clairement quel est le rôle de chacun et ce que chacun fera selon certains scénarios, et le prévoir.
Nous avons eu certains succès dans des cas réels. Les incendies de forêt en Colombie-Britannique l'été dernier — bien que ce n'était pas à l'échelle nationale — ont certainement réuni un nombre important d'intervenants. Naturellement, les forces armées ont joué un rôle important lors de ce désastre relativement inattendu qui s'est produit au cours d'une période assez longue et qui a eu des conséquences importantes.
Le sénateur Banks: Les conséquences étaient d'importance nationale et les personnes touchées ont beaucoup apprécié l'intervention des forces armées.
Le sénateur Atkins: J'ai été intéressé par votre réponse à la question du sénateur Cordy qui a demandé comment la mission du NORAD avait changé depuis le 11 septembre. Vous avez parlé de choses qui ne me seraient jamais venues à l'esprit, notamment du fait que vous surveillez maintenant les itinéraires des lignes aériennes commerciales et certains événements. Pour moi, cela veut dire que peu importe les autres débats qui se déroulent au sujet du NORAD, ce dernier aura toujours un rôle à jouer. Le NORAD s'occupe-t-il d'autres activités semblables à la poursuite et à ce genre de choses?
Le lgén Macdonald: Je ne sais pas si j'ai dit poursuite, mais je voulais sans doute dire surveillance. C'est ce que nous faisons.
Le sénateur Atkins: Très bien.
Le lgén Macdonald: Nous n'avons pas la couverture radar de tout l'intérieur du Canada et des États-Unis pour faire en fait la surveillance avec ce que nous appelons un radar primaire ou les données radar brutes pour toutes ces routes intérieures. Cependant, nous nous alimentons à partir de l'information provenant de la Federal Aviation Authority ou de NAVCAN au Canada de sorte que nous pouvons établir un tableau composite en temps réel de l'endroit où tous les aéronefs se trouvent.
NORAD a pour rôle le contrôle aérospatial, c'est-à-dire qu'il est en mesure de déceler une menace aérienne et d'y répliquer avec un avion de chasse. L'autre responsabilité importante du NORAD est la surveillance aérospatiale, pour sonner l'alarme en cas d'attaque aérienne ou d'une attaque provenant de l'espace. Il pourrait s'agir d'une attaque au moyen de missiles balistiques ou d'une attaque à partir d'un objet en orbite dans l'espace, notamment d'un satellite qui réintègre l'atmosphère.
La surveillance aérospatiale continue d'être une mission du NORAD. Cela n'a pas changé énormément depuis le 11 septembre. Nous avons d'autres responsabilités au NORAD, notamment nous devons coopérer avec les agences binationales dans le cadre de l'interdiction aérienne des trafiquants de drogues et c'est là une mission continue qui date déjà d'un certain temps.
Le NORAD a d'autres façons d'aider ou de communiquer qui ne sont peut-être évidentes pour tous, mais cela n'a pas changé depuis le 11 septembre. Par exemple, les mêmes satellites qui peuvent détecter un lancement de missile balistique peuvent également détecter une explosion importante, un incendie de forêt ou une source de chaleur à la surface de la terre qui pourraient constituer une catastrophe, et ce sont souvent ces satellites qui alertent les autorités à la possibilité d'une catastrophe. C'est là une capacité corollaire.
Il y a des choses accessoires comme cela, mais je ne dirais pas qu'elles ont radicalement changé depuis les attaques du 11 septembre.
Sénateur Atkins: Certaines des choses qu'ils font sont des secrets bien gardés.
Le Lgén Macdonald: En réalité, bien des gens n'ont pas bien compris ce qu'était le NORAD pendant des décennies. Le NORAD était perçu comme une défense de l'Amérique du Nord à l'époque de la Guerre froide contre la menace de bombardements soviétiques et les attaques de missiles balistiques intercontinentaux par la suite. Au cours des années 90, bien des gens estimaient que le NORAD de l'après-Guerre froide n'avait plus sa place dans le monde. Les attentats du 11 septembre ont montré qu'il n'en était rien.
Sénateur Atkins: Nous avons publié quatre rapports. Votre groupe de planification binationale aurait-il par hasard lu notre quatrième rapport sur la défense côtière?
Le lgén Macdonald: J'en suis certain. Ses membres recueillent toutes les informations qu'ils peuvent et s'en servent au mieux. Je serais très étonné qu'ils ne l'aient pas lu de la première à la dernière page.
Le sénateur Atkins: Et vous connaissez leurs réactions?
Le lgén Macdonald: Je crains de ne pas pouvoir vous le dire directement. Je ne leur en ai pas parlé particulièrement. Ils se concentrent actuellement surtout sur la surveillance et la défense maritimes et toute suggestion leur permettant d'améliorer les choses est la bienvenue. Le simple fait que nous travaillons en collaboration aussi étroite à l'échelle binationale et que vous et d'autres parlementaires vous intéressiez à ce que nous faisons va contribuer à mieux faire comprendre la nécessité de cet exercice et l'utilité de la coopération au sein de ce groupe de planification binational et d'une coopération future pour agir dans ce domaine.
Le sénateur Forestall: Ce qui a été surtout remarquable à cet égard, c'est l'augmentation de nos forces à l'étranger grâce aux réserves de la milice. De St. John's à Victoria, et notamment le long de notre frontière du sud, nous avons de nombreuses unités de réserves. Certaines ont été désactivées, certaines cherchent constamment autre chose à faire que d'aller en Bosnie. J'ai l'impression que si la frontière devient un problème, une solution pourrait être de réactiver par exemple les Halifax Rifles.
Le président: Qu'il soit bien noté au compte rendu que c'est la 73e fois qu'on mentionne les Halifax Rifles à ce comité.
Le sénateur Forestall: Et que l'intimé dise qu'il est lamentable de devoir les mentionner 73 fois.
Si la frontière est si importante pour nous et pour les Américains, pourquoi ne pourrait-on pas charger les unités de la milice de surveiller nos côtes et le 49e parallèle? J'ai l'impression que cela ne coûterait pas grand chose. Cela pourrait être une tâche permanente. Ce ne serait pas nécessairement sept jours par semaine, mais c'est un rôle que ces unités pourraient accomplir.
Est-ce que quelqu'un y a réfléchi?
Le Lgén Macdonald: Je pense que vous savez que nous agrandissons notre milice. Le programme de restructuration de la réserve terrestre s'élargit constamment avec le recrutement de nouveaux membres de la milice. Dans ce contexte, nous avons aussi élargi les rôles de la réserve de l'armée de terre. Nous nous concentrons surtout sur les affaires civiles et militaires en créant des équipes qui peuvent traiter avec les autorités civiles d'un point de vue militaire. Il y a aussi notre réponse aux attaques nucléaires, bactériologiques et chimiques.
Comme vous le dites, la milice pourrait aussi avoir des rôles plus vastes, par exemple la protection de l'infrastructure critique dans le cas d'une attaque quelconque ou de la nécessité de protéger une zone particulière. La milice est très différente de la réserve navale et de la réserve de l'armée de l'air. La réserve navale a une mission constante de patrouille côtière avec nos navires de défense côtière. La réserve de l'armée de l'air est constituée d'ajouts individuels aux unités de la force régulière ou de petites unités de réservistes qui ont des rôles bien précis. Toutefois, c'est toujours sur la milice qu'on retombe parce que ce sont uniquement ces gens-là qui sont visibles au sein de la communauté canadienne. C'est vers eux qu'on se tourne pour leur confier le genre d'activités dont vous parlez.
Je sais qu'on envisage ce genre de rôle. La question qui se pose toujours c'est de savoir s'il est vraiment justifié de former des réservistes, qui devraient pouvoir partir en Bosnie par exemple pour y jouer un rôle efficace avec le bon équipement, et ensuite de les affecter à quelque chose comme une patrouille frontalière. Certes, la milice a un rôle à jouer dans ce domaine dans le cas d'une attaque ou d'un besoin de sécurité particulier à un endroit précis, mais est-ce que c'est une activité qu'on voudrait lui confier quotidiennement? C'est là la question fondamentale. S'agit-il d'une milice constituée de personnes correctement formées pour renforcer notre force régulière dans un cadre pleinement opérationnel ou s'agit-il d'une milice qui aurait simplement une responsabilité de gardiennage en quelque sorte à l'exclusion d'un rôle plus opérationnel? La question est de savoir quelle est l'utilisation la plus efficace de la milice.
Le sénateur Atkins: Dans notre deuxième rapport, nous recommandions de porter notre effectif militaire à 75 000 personnes. Où en sommes-nous actuellement en matière d'effectif et comment se passe le recrutement?
Le lgén Macdonald: La réserve représente actuellement environ 22 000 ou 23 000 personnes. Je vous ai dit que la milice était passée de 15 500 à 17 000 personnes, avec un taux d'accroissement de 750 personnes par an pendant deux ans. L'effectif de la force régulière est actuellement d'environ 62 000 personnes.
Le recrutement fonctionne bien dans l'ensemble. Nous atteignons nos cibles en terme de chiffres, mais nous avons encore des lacunes dans un tiers de nos professions ou activités pour lesquelles soit nous n'avons pas assez de personnes, soit ces personnes n'ont pas la formation voulue pour être pleinement opérationnelles. Il s'agit surtout de professions techniques, du personnel médical, et cetera — des gens qui sont déjà peu nombreux dans la population générale. Nous continuons à combler peu à peu ces lacunes.
Le programme de recrutement en soi est parfaitement correct. Nous atteignons nos objectifs. Nous équilibrons les effectifs que nous avons dans la force régulière avec les autres exigences de notre budget. Ce serait une absurdité de dépenser des sommes inconsidérées pour recruter et informer des gens aux dépens de notre programme d'immobilisation, par exemple de notre programme d'immobilisations, donc il faut trouver un équilibre et nous pensons que cet équilibre correspond à peu près 62 000 personnes.
Par ailleurs, c'est bien gentil de recruter quelqu'un, mais il y a aussi toute une formation qui vient avec ce recrutement. Nous avons un problème de capacité pour la formation de base, et ensuite la formation a une spécialisation technique ou autre. Pour les gens qui sont hautement qualifiés, les officiers au service technique ou les pilotes, par exemple, dont la formation est encore plus longue, nous devons être en mesure de leur fournir toute la formation nécessaire pour qu'ils puissent accéder dans un délai raisonnable à un avion opérationnel, dans le cas d'un pilote. Si l'on recrute trop à l'entrée, cela ne fait qu'aggraver le problème. Nous sommes obligés de modérer le recrutement dans des professions qui nécessitent une formation poussée.
Nous pensons que notre niveau de recrutement et de formation est satisfaisant, et que le nombre total de 62 000 personnes nous permettra en fin de compte de respecter nos obligations opérationnelles. Pour l'instant, il nous manque environ 1 700 personnes dans les effectifs formés pour y parvenir.
Le sénateur Atkins: Il paraît qu'en Afghanistan, le Royal 22e a un effectif de 1 900 soldats mais qu'en août on va ramener cette présence à 500 soldats.
Le lgén Macdonald: Environ.
Le sénateur Atkins: Est-ce que c'est parce que nous manquons d'effectifs de remplacement ou pour d'autres raisons?
Le lgén Macdonald: Les deux. Le problème crucial ici, c'est le tempo opérationnel dont parlait le sénateur Banks. Nous avons été très demandés depuis deux ou trois ans: l'armée de terre en Bosnie; le soutien au G-8; les effectifs envoyés à Kandahar et maintenant à Kaboul; le déploiement de 16 navires en Asie du Sud-Est sur une période de deux ans; le déploiement des flottes d'aéronefs Aurora pour l'armée de l'air; des aéronefs qui sont encore là-bas; des hélicoptères à bord d'un navire. Tout cela fait qu'à partir d'août cette année, nous ne pourrons déployer qu'un effectif beaucoup plus restreint à l'échelle internationale.
Nous allons devoir réduire les effectifs que nous déploierons en Afghanistan quand le gouvernement se prononcera là-dessus, et en même temps réduire notre engagement en Bosnie, comme l'a déjà dit l'amiral Robertson. Ce sera une période de récupération — une pause stratégique, comme on dit — pour nous permettre de nous retrouver en état de déploiement normal pour l'année suivante.
Le sénateur Atkins: Donc, face à nos obligations internationales, nous sommes débordés?
Le lgén Macdonald: Nous le sommes depuis plusieurs années, oui.
Le sénateur Atkins: À votre avis, que faudrait-il faire pour augmenter notre personnel militaire de manière à pouvoir nous acquitter de nos obligations dans des conditions normales?
Le lgén Macdonald: Cela prendra du temps. En fait, il ne suffirait pas de recruter du personnel car les pressions sur notre dispositif de formation pour rendre ce personnel opérationnel seraient considérables. Il y a tout en enchaînement, si vous voulez. Il faut recruter du personnel et le former pour qu'il soit opérationnel. Évidemment, cela ne fait jamais de mal d'avoir des fonds supplémentaires et de les répartir entre nos investissements, notre personnel, notre infrastructure et nos opérations, par exemple, pour avoir le plus d'efficacité possible, mais le simple fait d'augmenter les effectifs n'est pas une solution magique. Il faudra du temps.
Depuis plusieurs années, nous avons des effectifs importants en Bosnie. Le commandant de l'armée envisageait de rétablir les exercices de formation de la brigade pour accroître le niveau de préparation de l'armée. Ensuite, il y a eu 2001, et il a fallu tout d'un coup qu'il envoie des troupes en Afghanistan. Il y a eu aussi une demande importante pour le Sommet du G8, qui a nécessité une présence considérable de l'armée de terre à Kananaskis.
En même temps, nous essayons de recruter de plus en plus, compte tenu de notre pénurie d'effectifs, ce qui veut dire que des personnes expérimentées de l'armée sont souvent affectées à un travail dans les écoles pour trouver des recrues. Il faut créer des installations de formation de base distinctes parce que nos autres infrastructures ne sont pas conçues pour accueillir toutes ces personnes. L'été est en général la meilleure période pour la formation dans l'armée, alors il y a des gens qui sont coincés pour prendre leurs congés l'été, et ce sont souvent les gens les plus expérimentés qui sont le plus demandé en été. Et maintenant, nous avons aussi ce déploiement en Afghanistan.
On n'a pas arrêté de faire appel à l'armée de terre pour qu'elle fournisse des forces opérationnelles, et elle l'a fait de façon admirable ces dernières années, mais il est vraiment temps maintenant de faire le ménage et de s'occuper de la formation nécessaire pour régénérer l'armée pour l'avenir.
Le sénateur Atkins: À propos de l'effectif de 62 000 personnes, il y a un facteur d'attrition, n'est-ce pas, avec des gens qui, pour d'autres raisons, ne sont pas inclus dans le total dont vous avez besoin pour vos engagements?
Le lgén Macdonald: Nous parlons de «l'effectif qualifié requis» et de «l'effectif qualifié en activité». L'effectif qualifié requis représente environ 54 500 personnes, et c'est le nombre d'empois opérationnels que nous avons. La différence entre ce nombre et le chiffre de 62 000, ce sont toutes les personnes qui sont médicalement inaptes, qu'on recrute, qu'on libère ou qui suive la formation dont vous parlez. Il nous manque environ 1 700 personnes dans notre effectif qualifié en activité de 54 500 personnes.
En plus, nous avons cette cohorte de recrues en formation au-delà des 54 500, entre ce chiffre et les 62 000. Nous devons tenir compte d'un facteur d'ajustement de 10 ou 12 p. 100. Notre taux d'attrition actuel est d'environ 6 p. 100, et nous faisons l'envie de la plupart des armées du monde. C'est un taux assez faible, parce que les jeunes voient dans l'armée une carrière prometteuse, ils voient ce que nous faisons, ils constatent que l'armée canadienne est une organisation vraiment professionnelle et de qualité, et que c'est un endroit où il fait bon travailler. C'est passionnant, il y a des quantités de défis et d'ouverture pour les jeunes. Je crois que c'est ce qui explique notre taux d'attrition.
Le sénateur Atkins: Je pense que c'est vrai que vous traitez très bien votre personnel militaire.
Le lgén Macdonald: Nous avons massivement investi dans la qualité de vie ces dernières années. Nous devons maintenant nous occuper des questions de qualité de vie opérationnelles pour que ces troupes aient le meilleur équipement possible et la meilleure formation et pour pouvoir assurer un tempo opérationnel raisonnable.
Le sénateur Munson: J'ai un commentaire sur un sujet différent. M. Wright a parlé cet après-midi du bouclier spatial. Si nous ne participons pas à cette entreprise, le Canada va-t-il perdre de son influence au NORAD?
Le lgén Macdonald: La mission BMD a été confiée au Northern Command. Si nous ne participons pas à cette entreprise du bouclier spatial, la contribution du NORAD à cette mission devrait être assurée par des Américains. Par conséquent, la réponse est oui, nous n'aurons pas la même influence et la même présence qu'auparavant au sein du NORAD.
Le sénateur Munson: Si nous décidions de ne pas y participer, quel serait votre sentiment?
Le lgén Macdonald: Je pense que vous savez que, vu mon expérience au NORAD, je suis convaincu que le NORAD est une alliance très importante — peut-être l'alliance la plus réussie jamais réalisée entre deux pays. C'est quelque chose d'important pour nos deux pays. Toute détérioration de la valeur de cette alliance aurait des effets négatifs.
Le sénateur Munson: Hier, le ministre de la Défense n'a pas exclu la possibilité de voir un jour les bases de lancement ou des stations de radar sur le sol canadien. En tant que militaire pensez-vous que cela puisse arriver? Est-ce possible?
Le lgén Macdonald: Il faut connaître que le dispositif antimissile balistique qu'on élabore actuellement est très limité. Si l'on veut élargir l'arc de défense avec de meilleures probabilités de protection, il serait avantageux dans certains cas de positionner certains éléments du dispositif sur le sol canadien. Il n'en a pas encore été question dans les discussions entre le Canada et les États-Unis, mais cela pourrait être le cas à l'avenir.
Il ne faut cependant pas présumer de ce qu'on fera. Il s'agit d'un dispositif complexe, et il serait tout aussi possible d'installer une station de communications pour relayer des informations vers un intercepteur ou d'installer un élément de soutien quelconque du dispositif que d'installer un radar sur le sol canadien.
Le sénateur Munson: Je n'ai qu'une petite chose à ajouter. Dans votre déclaration, vous avez omis la phrase suivante: «Et enfin, la participation au NORAD est aussi avantageuse pour l'industrie aérospatiale de la défense du Canada». C'est une omission accidentelle?
Le lgén Macdonald: Je ne prétends pas être un expert en industrie de la défense. Il est certain que le Canada dispose d'une industrie de la défense aérospatiale extraordinairement puissante qui profiterait certainement d'un partenariat au bouclier spatial étant donné que les contrats que cela représenterait.
Le président: Nous allons aux États-Unis le mois prochain. J'aimerais aborder une ou deux choses, si vous le voulez bien, avant de conclure.
Les choses ne sont toujours pas très claires dans mon esprit à propos de ces questions que le sénateur a posé sur le groupe de planification binational. Le sénateur Bank a évoqué la possibilité de l'équivalent d'un NORAD maritime en quelque sorte. Et vous avez répondu: «Oui, nous envisageons quelque chose comme cela mais il n'y a pas d'effectifs spécifiquement affectés à cela».
Que font exactement ces 65 personnes? Ont-elles une image complète de la situation maritime sur les deux côtes? Nous en avons parlé dans un rapport à propos de Trinité et d'Athéna. Quelqu'un parmi vous pourrait-il expliquer au comité ce que font exactement ces 65 personnes et ce que vous attendez d'elles au cours des 12 prochains mois?
Le lgén Macdonald: Je vais vous donner une réponse initiale et peut-être un de mes collègues pourra-t-il la compléter.
Il y a environ 50 personnes en tout, la moitié des Canadiens et la moitié des Américains.
Le président: Autrement dit, 25 Canadiens.
Le lgén Macdonald: Nous en avons envoyé 25 ou 30, et il y a un nombre équivalent d'Américains. Ils ont élaboré une vision opérationnelle commune et ils s'échangent les informations à cet égard. Il ne faut pas sous-estimer l'effort que cela représente. C'est une entreprise considérable.
Le président: Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez par «vision opérationnelle commune»? Quelle est la différence avec le tableau d'ensemble qu'on obtient en regroupant les informations de tous les services de renseignement?
Le lgén Macdonald: J'imagine que c'est à peu près la même chose.
Le président: Par exemple, les informations provenant des lignes aériennes provinciales et les informations qui proviennent d'autres navires sont toutes regroupées en temps réel maintenant et quelqu'un peut les voir au NORAD. Est-ce que tout est là à Colorado Springs, d'un seul coup?
Le lgén Macdonald: Je n'en suis pas sûr. Est-ce que l'un de vous a une réponse à cette question?
Le major-général Pierre Daigle, conseiller spécial du chef d'état-major de la Défense (en matière de sécurité intérieure), ministère de la Défense nationale: Ils sont en train de mettre cela au point. Comme vous le savez, le groupe de planification binational va faire l'objet d'un examen à la fin de l'année, après deux ans d'existence. Ils travaillent beaucoup sur les centaines de plans et de protocoles d'ententes que nous avons avec les Américains. Ils élaborent cette planification commune. Quatre-vingts pour cent de leur travail est axé sur la surveillance maritime: la surveillance, le partage d'informations et le reste.
Le lgén Macdonald: L'un des progrès évidents qui nous aiderait à poursuivre des cibles maritimes serait d'avoir un partage d'information entre le Canada et les États-Unis pour tous les navires susceptibles de présenter un intérêt et c'est l'objectif. Toutefois, le groupe de planification binational n'est pas un centre opérationnel en soi. Il n'est pas là pour commander des opérations. Il est là pour faciliter le partage d'information permettant aux Canadiens et aux Américains de prendre les mesures appropriées.
Cela va peut-être devenir le NORAD de la mer, mais le groupe n'a pas ce mandat pour l'instant. Il a un simple rôle de facilitateur.
Le président: Je ne comprends pas le terme «facilitateur» dans ce contexte.
Le Lgén Macdonald: Il s'agit de veiller à ce que les informations de surveillance maritime au Canada et aux États- Unis sont correctement échangées, qu'il y a une forme de consultation dans les secteurs d'intérêts mutuels à propos d'une cible quelconque, et qu'on prend des mesures mutuellement acceptables lorsque c'est jugé nécessaire.
Dans le contexte du NORAD, c'est très régimenté en raison des contraintes de temps. Si un aéronef entre dans le champ de radar et n'est pas identifié en deux minutes, il est identifié comme inconnu et on met les intercepteurs en état d'alerte pour décoller d'urgence éventuellement et intercepter cette cible. En milieu maritime, on a plus de marge et on n'est pas obligé de réagir aussi rapidement, mais il est certain qu'on a besoin de renseignements sur certains navires présentant un intérêt particulier et sur leur situation.
Le président: Quelle est la portée de cette vision?
Le lgén Macdonald: Je ne sais pas.
Le mgén Daigle: La couverture du NORTHCOM va jusqu'à 500 milles nautiques de la côte, mais ils peuvent avoir un peu plus d'information grâce aux contacts avec les autres commandements régionaux. Si un navire quitte par exemple un port dans une autre région, ils peuvent en être informés et l'intercepter dès l'instant où il franchit ces diverses lignes de couverture.
Le président: Que le NORTHCOM ait une portée de 500 milles, c'est sans intérêt. C'est certainement un chiffre arbitraire qu'ils ont choisi d'avoir pour leur commandement. La question pertinente est de savoir quelle est la portée de votre radar? Jusqu'où votre radar peut-il capter la présence de navires?
Le lgén Macdonald: La couverture par satellite est aussi utile pour cela.
Le président: Oui, la couverture par satellite aussi; je ne comprends pas ce que vous voulez dire à propos de ces 500 milles, major-général.
Le mgén Daigle: C'est leur domaine de responsabilité. La couverture du NORTHCOM s'étend à 500 milles nautiques du continent.
Le président: Si le navire est à 600 milles, ils ne s'en préoccupent pas?
Le mgén Daigle: S'ils en ont les moyens, évidemment, comme je le disais, ils doivent tenir compte du navire ou de tout ce qui approche le plus loin possible. Leur responsabilité est limitée à ces 500 milles nautiques, mais il y a d'autres commandements régionaux dans d'autres régions. Si un navire a quitté une autre région du monde et se dirige vers le continent, ils en sont informés par d'autres moyens.
Le président: Quelqu'un prend le téléphone pour prévenir Colorado Springs?
Le lgén Macdonald: C'est un des défis. Si le commandement du Pacifique ou le commandement européen ou le commandement du Sud a des informations susceptibles d'être utiles au commandement du Nord, c'est un des éléments clés de la mission du commandement du Nord, de faire la liaison avec les sources éventuelles d'information pertinentes, pas seulement pour les cibles maritimes, mais pour d'autres aussi.
Le président: Que fait le groupe de planification binational dans ce cas?
Le lgén Macdonald: Le groupe de planification binational se concentre sur la coopération canado-américaine dans ce domaine. Son rôle est de veiller à ce que, dans le cas de la surveillance maritime, si nous identifions un navire méritant notre intérêt — qu'il s'agisse de renseignements obtenus d'un port étranger, d'un commandement voisin, du commandement du Nord américain ou de notre propre dispositif de radars ou de détection — nous pouvons décider collectivement et en collaboration de notre réaction éventuelle. Le groupe de planification s'occupe aussi de transmission de renseignements dans d'autres domaines liés aux attaques ou aux menaces terroristes, d'organisation de la coordination nécessaire et d'identification des intervenants pour la coordination de la planification d'urgence nécessaire.
Imaginons — Dieu nous en préserve — une attaque nucléaire sur Détroit. Dans un tel scénario, le groupe de planification binational peut décider collectivement des responsabilités que devront assumer les autorités canadiennes et américaines en pareil cas. Le groupe va veiller concrètement à ce qu'il y ait une coordination, que les gens comprennent leur rôle et leur mission et sachent comment intervenir, quelles informations devront être transmises et tout le reste. En fin de compte, en cas d'événement majeur — pas nécessairement une catastrophe nucléaire — le groupe nous permettrait de réagir immédiatement grâce à un plan et une compréhension binationaux.
Le président: Il ne nous reste plus beaucoup de temps. Lieutenant-général Macdonald, peut-être pourrai-je vous demander de communiquer de plus amples informations au comité par écrit. La dernière fois que nous en avons discuté, il n'y avait pas de coordination en temps réel des informations provenant de Trinité ou d'Athéna. J'aimerais avoir une mise à jour à ce sujet. J'aimerais aussi pouvoir mieux comprendre la portée géographique sur le plan maritime. Si vous pouviez nous envoyer cette description par écrit, je vous en serais très reconnaissant.
Le lgén Macdonald: Sénateur, si je comprends bien, ce qui vous intéresse particulièrement, c'est la coordination électronique de ce que nous appelons le tableau de fonctionnement commun, la façon dont nous faisons les choses actuellement et ce que nous prévoyons pour l'avenir ainsi que la couverture de cette activité?
Le président: Oui. Cela inclut aussi les Grands Lacs.
Si je peux maintenant passer à une question d'ordre général, y a-t-il d'autres questions concernant l'armée américaine dont nous devrions être conscients à l'occasion de notre voyage à Washington?
Le mgén Daigle: Si vous le permettez, je vous ai entendu parler du volet maritime du NORAD et du groupe de planification.
Le président: Vous revenez à la question dont nous parlions?
Le mgén Daigle: Ce n'est pas un sujet différent.
Le président: Si nous pouvions avoir une note à ce sujet, nous vous en serions reconnaissants.
Voici ma dernière question: avons-nous au Canada des installations d'entraînement qui ne sont pas tellement utilisées et que nous aimerions mettre à la disposition des Américains?
Le lgén Macdonald: Vous avez ici l'armée de terre, la marine et l'armée de l'air. Du point de vue de l'armée de l'air, notre meilleure base de formation est située à Cold Lake. Nous utilisons ce polygone de tir aérien pour les exercices Maple Flag. Nous coopérons étroitement avec les Américains et les autres alliés aussi d'ailleurs lors de notre utilisation régulière de ces installations. C'est un entraînement précieux et utile.
Le président: Y a-t-il des choses qu'on fait à Goose Bay et qu'on ne peut pas faire à Cold Lake?
Le lgén Macdonald: Non. Cold Lake n'est peut-être pas utilisé à pleine capacité, mais est tout de même exploité de façon poussée à certaines périodes de l'année. Je ne sais pas si c'est une zone où l'on pourrait intensifier la formation sous l'angle de la coopération canado-américaine, mais c'est certainement un domaine que nous devons continuer à exploiter.
Le président: Vous voulez dire les installations de l'armée de terre?
Le lgén Macdonald: On organise actuellement Wainwright pour accueillir la formation de l'armée de terre à l'avenir. Il s'agit d'améliorations massives. Les Britanniques s'entraînent en Alberta. Je ne suis pas sûr que les Américains jugent qu'il est nécessaire pour eux de s'entraîner au Canada. Je sais que ces échanges et ces exercices existent des deux côtés de la frontière.
Le sénateur Forrestall: Nous avons au moins de l'air propre pour le régimage et ce genre de chose.
Le président: Quand nous avons rencontré l'ambassadeur américain et l'attaché de la défense, ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas organiser un entraînement conjoint avec l'armée de terre aux États-Unis parce que toutes les installations étaient utilisées à pleine capacité. Nous avons eu l'impression qu'ils auraient été heureux de pouvoir venir faire ces exercices ailleurs. Avez-vous la même impression?
Le lgén Macdonald: Non, mais je ne sais pas exactement ce qu'il en est.
Le président: Quelqu'un pourrait-il se renseigner et nous fournir une réponse?
Le lgén Macdonald: Pour l'armée de terre, oui.
Le président: Pour ce qui est des installations navales, nous avons évidemment une zone d'essais de torpilles qui est intéressante. J'imagine qu'elle fonctionne à plein régime.
La question d'ordre générale est la suivante: pourriez-vous nous envoyer un petit document nous décrivant les possibilités de formation que le ministère serait prêt à offrir aux Américains?
Le lgén Macdonald: Oui.
Le président: Au nom du comité, je vous remercie d'être venus comparaître devant nous. Je regrette que nous ne puissions pas poursuivre cette discussion. Nous allons avoir un vote dans quelques instants, et c'est pour cela que nous vous avons demandé de nous communiquer certaines choses par écrit au lieu de les entendre directement. Je vous remercie cependant tous les trois d'être venus nous aider à nous préparer pour ce voyage à Washington.
Les téléspectateurs qui suivent nos délibérations à la télévision et qui auraient des questions peuvent se rendre sur notre site Web à www.sen-sec.ca. Nous y publions les témoignages des témoins et les horaires des séances confirmées. Vous pouvez aussi contacter le greffier du comité au 1-800-267-7362 pour de plus amples informations ou pour communiquer éventuellement avec des membres du comité.
La séance est levée.