Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 1 - Témoignages du 24 février 2004
OTTAWA, le mardi 24 février 2004
Le Comité sénatorial permanent des pêches et océans s'est réuni ce 24 février à 19 heures pour étudier, afin d'en faire rapport, les questions relatives aux allocations de quotas accordés aux pêcheurs du Nunavut et du Nunavik, ainsi qu'aux bénéfices en découlant et pour étudier les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson.
Sénateur Gérald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Note de la rédaction: Une partie des témoignages a été présentée en inuktitut par l'intermédiaire d'un interprète]
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, vous avez peut-être remarqué la présence, ce soir, des caméras de télévision. Si vous vous voulez poser des questions ou interrompre à un moment ou à un autre, indiquez-le moi pour que les techniciens de CPAC puissent orienter la caméra sur vous.
Sans plus attendre, j'aimerais présenter notre invité ce soir, M. Sytukie Joamie d'Iqaluit au Nunavut. M. Joamie est depuis 1999 le négociateur en chef en matière de pêche de l'Association des chasseurs et des trappeurs de Kimmirut. Il est actuellement conseiller législatif auprès de l'Association des chasseurs et des trappeurs d'Amarok et s'occupe de vérifications pour cette organisation. Il s'occupe aussi des questions de pêche pour Quliruak Incorporated, branche commerciale des chasseurs et des trappeurs et a récemment passé six semaines sur un palangrier usine norvégien à pêcher le turbot dans la zone 0A dont nous allons parler ce soir.
Bienvenue au comité. Je crois que vous avez une déclaration à faire avant que nous ne passions aux questions. Nous vous écoutons.
M. Sytukie Joamie, à titre personnel: Honorables sénateurs, je viens d'Iqaluit au Nunavut. À l'heure actuelle, je travaille à contrat pour l'Association des chasseurs et des trappeurs d'Amarok. J'ai aidé à la création de Quliruak Incorporated, branche commerciale de l'Association des chasseurs et des trappeurs. Cette société a reçu de l'association le mandat de gérer les quotas de pêche que reçoit l'association.
Depuis 1999, Quliruak Incorporated a invité d'autres détenteurs de quotas indépendants à mettre en commun leurs quotas de pêche afin d'être mieux placés pour négocier avec les exploitants de chalutiers.
Les membres de l'association représentent diverses organisations et intérêts privés. L'Association des chasseurs et des trappeurs mayukalik de Kimmirut est membre depuis 2000. L'Association des chasseurs et des trappeurs mittimatalik de Pond Inlet a été membre à deux reprises. D'autres membres sont des détenteurs de quotas privés.
Je suis le négociateur en chef de l'association depuis 1999. Ma tâche consiste à entreprendre et à mener les négociations avec les propriétaires de chalutiers pour pêcher et débarquer les quotas de pêche.
L'association a actuellement un quota total combiné de 500 tonnes métriques de crevettes dans la zone de pêche côtière du Nunavut et un quota total combiné de 650 tonnes de crevettes dans la zone de pêche hauturière 2.
Lorsque le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a des quotas de pêche à attribuer, les membres de l'association présentent indépendamment une demande de quotas. Lorsqu'ils reçoivent des quotas, ils les mettent ensuite en commun.
Ce nouveau secteur des pêches présente un potentiel important. Nous espérons que la population du Nunavut pourra avoir pleinement droit aux bénéfices en découlant. Le contrôle et le droit aux quotas doivent appartenir aux détenteurs de quotas.
À l'heure actuelle, la grande majorité des bénéfices reviennent à des intérêts à l'extérieur du Nunavut. Par exemple, lorsque j'étais sur le palangrier norvégien, le poisson pêché dans nos eaux était transformé et conditionné dans des boîtes étiquetées comme produit norvégien.
Nous étions un équipage de 13. Il n'y avait que deux Inuits; les autres étaient Norvégiens. On ne risque pas de se tromper en disant que le secteur des pêches norvégien en a profité davantage que le secteur des pêches du Nunavut.
C'est la raison pour laquelle certains d'entre nous observent avec grand intérêt l'évolution de ce secteur au Nunavut — en particulier, la Baffin Fisheries Coalition ou BFC. J'espère évidemment que la BFC réussira à long terme. J'ai toutefois certaines inquiétudes concernant l'orientation et le contrôle de cette organisation.
Le protocole d'entente de 2001 de la BFC stipule qu'elle est composée de 11 membres. À l'heure actuelle, les documents publics indiquent qu'elle n'a que cinq administrateurs et ne précise pas qui ils représentent. D'autre part, les documents publics de la branche commerciale de la BFC n'indiquent aucune participation des 11 membres du conseil. Ces documents devraient être facilement accessibles aux membres de la coalition.
On a dit que la BFC doit développer la pêche dans l'intérêt des pêcheurs inuits du Nunavut. Il semble que la BFC doive réviser ses documents pour indiquer effectivement qu'elle sert l'intérêt des membres qui représentent les membres inuits de chaque organisation.
J'espère qu'elle va procéder à une restructuration avec un nouveau protocole d'entente. Le protocole actuel arrive à expiration le 28 mai 2004.
Je vous soumettrai un document écrit ultérieurement.
Le président: Merci beaucoup de cet exposé.
Je rappelle aux membres du comité et à M. Joamie que s'ils veulent parler inuktitut, ils peuvent le faire. Pour l'interprétation, branchez-vous sur le canal 2.
Le sénateur Phalen: Avant de poser ma question, je vais essayer d'expliquer ce que je comprends de la structure que vous avez pour pêcher. Vous me corrigerez si je me trompe.
Le ministère des Pêches et Océans donne le quota au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, le CGRFN. Celui-ci le confie alors à la Baffin Fisheries Coalition qui se compose de 10 ou 11 groupes.
La Baffin Fisheries Coalition gère le quota en l'attribuant à des navires de pêche commerciale. Ceux-ci pêchent le quota pour vous. En échange, vous recevez des redevances et certains obtiennent un emploi. Je ne me trompe pas jusqu'ici?
M. Joamie: Honorables sénateurs, je voudrais préciser que le CGRFN, en vertu de la revendication territoriale, a le mandat de répartir des ressources qui lui sont attribuées par le MPO. Chaque fois qu'il reçoit des quotas, le CGRFN demande des propositions ou des candidatures à tous les détenteurs de quotas et notamment à la BFC. Les 11 membres de la BFC ont également leurs quotas indépendants. La BFC regroupe les intérêts des pêcheurs de notre région. En outre, la BFC est en concurrence avec ses propres membres lorsqu'il y a des quotas à attribuer.
La BFC, comme vous l'avez indiqué, nolise des bateaux de pêche et reçoit des redevances. C'est toutefois une organisation à but non lucratif. Jusqu'ici, les 11 membres n'en ont pas tiré d'avantages financiers puisqu'il s'agit d'une organisation à but non lucratif.
Le sénateur Phalen: Je crois comprendre que 30 p. 100 des redevances sont réservées pour les chalutiers, 30 p. 100 pour les opérations, 20 p. 100 pour la recherche et les derniers 20 p. 100 sont du poisson livré aux Inuits. C'est bien cela?
M. Joamie: Vingt pour cent...
Le sénateur Phalen: Est-ce du poisson gratuit?
M. Joamie: Ça s'appelle «poisson gratuit», mais j'ai vu une facture pour ce poisson gratuit. Je ne sais pas si c'est effectivement du poisson gratuit. «Gratuit» pour moi, c'est quelque chose qu'on ne paie pas, n'est-ce pas? Il est en fait d'une certaine façon payé.
Le sénateur Phalen: Est-ce que le quota que reçoivent les pêcheurs commerciaux est de 4 000 tonnes métriques?
M. Joamie: Oui.
Le sénateur Phalen: Ils pêchent cela au large des côtes. Y a-t-il une limite de 12 000?
M. Joamie: Les 4 000 tonnes métriques de poisson dans 0A sont des quotas hauturiers pour le turbot.
La BFC a déclaré dans son exposé qu'elle n'est pas un monopole. Certaines organisations ont prétendu que c'est un monopole et elle le nie. Toutefois, la BFC est effectivement un monopole dans la zone 0A.
J'ai organisé les choses avec les autres pêcheurs l'année dernière. Nous étions 25. Nous avons demandé les mêmes quotas et tous les quotas de 0A sont allés à la Baffin Fisheries Coalition. Elle un monopole pour les quotas dans 0A.
Le sénateur Phalen: Préféreriez-vous pêcher votre poisson sur de gros bateaux ou pêcher plus près de la côte sur de plus petits bateaux?
M. Joamie: L'infrastructure des pêches n'est pas suffisamment bien développée pour atteindre encore ces objectifs. Idéalement, cette infrastructure devrait être développée par le gouvernement fédéral afin que nous puissions atteindre ce que vous venez de dire ou que les pêcheurs puissent pêcher pour la BFC ou toute autre organisation.
Nous voulons pouvoir pêcher ces quotas nous-mêmes. Le processus d'attribution de quotas est tel que nous ne pouvons pas recevoir de quotas, bien que nous soyons pêcheurs.
Le sénateur Phalen: Croyez-vous que des changements sont nécessaires dans la composition du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut? Le processus de nomination au conseil devrait-il être modifié? Pensez-vous que des changements au sein de ce conseil sont nécessaires?
M. Joamie: Il y a le processus des revendications territoriales pour la nomination de ces membres. Les revendications territoriales sont inscrites dans la Constitution. Il vous faudrait au Parlement de modifier l'entente sur les revendications territoriales du Nunavut. C'est la seule façon de changer la façon dont sont nommés les membres du conseil du CGRFN — même si l'on n'aime pas ceux qui sont nommés.
Le sénateur Phalen: Est-ce que la revendication territoriale s'applique à la pêche hauturière? Est-ce des eaux de la zone 0A? Cela s'applique-t-il à la pêche hauturière ou seulement à la pêche côtière?
M. Joamie: La revendication territoriale s'applique à la limite de 12 milles. Les quotas indépendants de crevette s'appliquent à nous. Techniquement parlant, la pêche hauturière ne relève pas de la revendication territoriale mais le CGRFN, parce que c'est une organisation qui découle du règlement de la revendication territoriale, doit suivre un certain processus. En fait, à certains égards, le processus des revendications territoriales est suivi dans l'attribution des quotas.
Le président: C'est extrêmement intéressant. Vous nous avez rappelé un certain nombre de choses que nous avions peut-être oubliées.
[Interprétation]
Le sénateur Adams: Merci.
Vous pouvez me répondre en inuktitut ou en anglais.
Vous travaillez maintenant avec les chasseurs et les trappeurs de Quliruaq et Amarok. Comment se sont-ils regroupés pour essayer d'obtenir leur allocation? Avant la BFC, comment collaboraient les chasseurs et les trappeurs?
M. Joamie: En 1982, le CGRFN a commencé à répartir les quotas. En 1998, Amarok a reçu un quota. Il y avait un président qui était embauché par Ottawa et nous avons découvert que ce gestionnaire n'était pas honnête et se faisait payer sous la table. Nous nous en sommes débarrassés.
En 1999, on a créé Quliruaq qui a voulu s'occuper de ses propres quotas et de sa propre pêche. Depuis, nous négocions nos allocations et nos activités de pêche. En outre, en 1999, Quliruaq et Amarok avec d'autres chasseurs et trappeurs locaux que nous invitons, ont commencé à collaborer pour essayer d'obtenir des allocations. Nous travaillions collectivement en tant que chasseurs et trappeurs avant la création de la BFC.
Le sénateur Adams: C'est en 1995, si je ne m'abuse, qu'a été créée la BFC. N'est-ce pas?
[Traduction]
M. Joamie: La BFC s'appelait d'abord le Baffin Fisheries Council. Cette coalition se composait de diverses entreprises de pêche, avant de devenir la Baffin Fisheries Coalition. Je crois que le CGRFN fut l'un des instigateurs de la mise sur pied de la Baffin Fisheries Coalition. Le Baffin Fisheries Council avait essayé de s'organiser tout seul avant la Baffin Fisheries Coalition.
[Interprétation]
Le sénateur Adams: Avant la création de la BFC, il y avait 25 pêcheurs qui essayaient de présenter ensemble des demandes de quotas. Vous en faisiez partie en tant que pêcheur. Vous n'avez pas à faire approuver cela. Avez-vous demandé quelles chances vous aviez d'obtenir des quotas en tant que pêcheur inuit individuel?
M. Joamie: Les 25 d'entre nous qui étions pêcheurs ont suivi une formation l'année dernière. Nous pensions que nous avions tout à fait le droit de demander des quotas pour aller pêcher au large des côtes puisque nous sommes pêcheurs et habitants de cette région. Nous pensions que nous avions de bonnes chances d'obtenir une allocation parce que nous nous considérons comme pêcheurs et comme indigènes. Nous avons perdu.
Le sénateur Adams: Est-ce que Quliruaq Incorporated existait lorsque vous avez présenté votre demande?
M. Joamie: Quliruaq était une branche indépendante commerciale de l'Association des chasseurs et des trappeurs d'Amarok. Nous, les 25 pêcheurs individuels indépendants de ces sociétés, avons présenté une demande distincte.
Le sénateur Adams: Avez-vous fait une proposition au CGRFN?
M. Joamie: Oui. Nous avons envoyé des propositions au CGRFN et nous avons signé en tant que groupe représentant des particuliers. Notre demande comportait 25 signatures.
Le sénateur Adams: Avez-vous indiqué combien vous paieriez par tonne métrique dans votre proposition? Qu'avez- vous dit que vous seriez prêts à payer par tonne?
M. Joamie: Nous nous sommes réunis en tant que pêcheurs individuels parce que nous voulions devenir indépendants et faire de la pêche notre gagne-pain et notre commerce. Nous voulions gagner de l'argent et avoir de quoi économiser pour acheter nos propres petits bateaux.
En tant qu'entrepreneurs et pêcheurs indépendants, nous estimions que si l'on voulait développer la pêche au Nunavut, nous, qui étions directement intéressés et résidants, devions pouvoir participer au développement d'entreprises de pêcheurs au Nunavut.
Le sénateur Adams: Qu'a répondu le CGRFN à votre proposition?
M. Joamie: Le Conseil de gestion des ressources faunique du Nunavut ne dit pas pourquoi il rejette une proposition. Il vous écrit simplement: «Je suis désolé mais ce permis vous a été refusé».
Le sénateur Adams: La BFC a signé un protocole d'entente avec 11 chasseurs et trappeurs ou particuliers. Dans ce protocole, elle avait pour mandat de développer la pêche dans le Nord et a indiqué ce qu'elle entendait faire des redevances. A-t-elle mentionné aux Inuits à quoi elle utiliserait les bénéfices?
M. Joamie: Nous n'avons vu aucun document écrit. Nous n'avons pas accès aux informations. En tant que négociateur pour les chasseurs et les trappeurs, je demande des renseignements à la BFC. Elle refuse de coopérer. Elle nous méprise. Nous avons du mal à coopérer et à échanger des informations même si, légalement, nous en sommes membres. Elle refuse de nous communiquer les informations.
Les membres du conseil d'administration de la BFC voient peut-être ces documents mais rien ne les oblige à communiquer les renseignements à la population inuite s'ils ne veulent pas le faire. Ils refusent de communiquer les renseignements aux Inuits à propos de 0A.
Le sénateur Adams: Nous parlons des attributions de quotas au Nunavut. Vont-ils aux pêcheurs inuits du Nunavut ou sont-ils déjà attribués à la BFC?
M. Joamie: Les quotas destinés au Nunavut sont déjà ciblés pour la BFC par le CGRFN. La BFC a priorité. Certains des membres du conseil d'administration sont informés une fois les décisions prises. Je vais parler anglais pour que ce soit plus clair.
[Traduction]
En tant que négociateur, je dois documenter tout ce que je fais. Je dois rédiger des documents en anglais et en inuktitut. Quel que soit le document, il doit être traduit. Toute action de ma part doit être documentée. Lorsque je fais un appel de propositions, je dois énumérer tous ceux à qui j'ai demandé une proposition, ceux qui m'ont répondu et ceux avec qui je crois que nous devrions négocier pour obtenir des quotas indépendants. Tout le système doit être très transparent.
Baffin Fisheries Coalition opère différemment. Elle a eu une réunion de son conseil il y a deux semaines à Pangnirtung. Il se trouve que l'appel de propositions prenait fin deux jours après la fin de cette réunion. Tout le processus d'appel de propositions se déroule à l'interne. Je suppose que le comité exécutif a connaissance des propositions et des entreprises qui les présentent. Les 11 membres ne participent pas réellement à ce processus.
[Interprétation]
Le sénateur Adams: Je suis sûr que vous êtes au courant de l'article 15.3.7 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et que votre société et la BFC s'y conforment. Nunavut Tunngavik Incorporated, NTI et le ministère des Pêches et Océans, MPO, sont tenus de collaborer à ces questions et doivent participer à l'élaboration des décisions. Est-ce dans ce sens que va la BFC?
Vous pouvez répondre en anglais si vous vous sentez plus à l'aise.
[Traduction]
M. Joamie: Chaque organisme appartenant à des Inuits peut, s'il le veut, s'inscrire auprès de l'organisme de coordination des revendications territoriales pour pouvoir bénéficier de marchés publics. Vous pourriez croire que la composante commerciale de la Baffin Fisheries Coalition figurerait dans ce registre, mais ce n'est pas le cas.
Par conséquent, nous supposons que pour une raison ou une autre elle n'est pas enregistrée comme une compagnie appartenant à des Inuits. J'ignore pourquoi. Dans le cas contraire, elle s'enregistrerait automatiquement selon les politiques de la NTI, mais ça n'a pas été le cas. D'après ce que je sais, il y a trois avocats d'Ottawa qui sont les fiduciaires de la BFC. Mais il n'y a rien qui prouve qu'elle appartient à des Inuits.
Je ne connais qu'un seul avocat inuk. Je suis convaincu qu'il ne fait pas partie du groupe.
Le sénateur Adams: Qui est le président du conseil?
M. Joamie: Le premier ministre du Nunavut est le seul avocat inuk que je connaisse et je suis convaincu qu'il n'est pas l'un des trois administrateurs.
Le président: Je voudrais rappeler aux sénateurs que le Nunavut Wildlife Management Board a une fonction consultative dans les zones 1 et 2. Le ministre des Pêches et Océans n'est ni obligé, ni tenu de suivre ses conseils. Nous avons parfois tendance à oublier cela.
Même si l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut ne l'y oblige pas, le gouvernement fédéral et la NWMB sont néanmoins convenus du fait que c'est ce dernier qui répartit la part des pêcheries commerciales attribuées au Nunavut dans ces deux zones, même si le ministère n'est nullement lié par ses conseils.
[Interprétation]
Le sénateur Watt: Je vais revenir brièvement sur la question dont le sénateur Adams vient de parler. Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a été créé dans le cadre de l'Accord. C'est le ministère des Pêches et Océans qui distribue les quotas de pêche. Le NWMB répartit alors les quotas entre les pêcheurs. C'est de cette façon que la BFC reçoit son quota.
Pourquoi cette structure?
M. Joamie: D'après ce que je sais, les quotas de turbot pour la zone 0A sont donnés à la BFC afin que celle-ci crée une pêcherie au Nunavut. De cette façon, la BFC peut s'intégrer à l'industrie de la pêche.
Lorsque de nouveaux intervenants veulent obtenir le droit de pêcher le turbot dans la zone 0A, ils se font toujours dire non. La BFC reçoit sans cesse de nouvelles demandes, mais elle ne les approuve jamais. La BFC a également informé le CGRFN que si jamais de nouveaux quotas venaient à être attribués dans cette zone, elle devrait avoir la priorité.
La BFC s'intéresse également à la zone 0B qui est plutôt axée sur les sociétés de pêche indépendantes dans la mesure où les quotas vont plutôt aux pêcheurs indépendants.
[Traduction]
Ils essaient de chasser tout le monde. Les 11 membres ont chacun leurs propres quotas et la BFC fait à son tour concurrence à ses propres membres.
[Interprétation]
Le sénateur Watt: Mais d'un point de vue économique, il est illogique que les gens se montent ainsi les uns contre les autres.
[Traduction]
Vous avez bien un conseil d'administration. Les 11 membres dont vous avez parlé ne sont-ils pas aux commandes?
M. Joamie: À l'heure actuelle, comme vous pouvez le voir sur le site Internet, il est de notoriété publique que la BFC n'a que cinq administrateurs au CGRFN.
Le sénateur Watt: Cinq seulement?
M. Joamie: Oui. Le protocole d'entente dit que le conseil a 11 membres. Mais croirez-vous qu'ils sont tous enregistrés à Ottawa? On pourrait penser qu'ils seraient plutôt enregistrés au Nunavut.
Le sénateur Watt: Sont-ils des bénéficiaires?
M. Joamie: Oui, tous les cinq. On sait qui ils sont, mais pas qui ils représentent. Techniquement parlant, chaque fois qu'ils vont à une réunion, c'est sans en avoir le mandat. Les six autres membres sont simplement des faire-valoir. On pourrait penser que les 11 membres seraient tous inscrits comme administrateurs d'un organisme sans but lucratif. On s'attendrait également à ce que les trois avocats eussent été remplacés il y a longtemps par les bénéficiaires, mais non. C'est un peu gênant de le dire.
Le principal objectif de la BFC consiste à développer les pêches dans le Nord — au Nunavut — afin que tous les gens du Nord, et pas seulement les Inuits, puissent profiter des ressources locales. C'est un peu comme une voiture qui ne marche pas bien — le moteur est trop gros pour la carrosserie.
[Interprétation]
Le sénateur Watt: L'organisme de coordination des revendications territoriales, la NTI, agit pour le compte des Inuits du Nunavut. Est-ce qu'elle vous représente au sein du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut?
[Traduction]
Le conseil a-t-il formulé une politique?
[Interprétation]
M. Joamie: La Nunavut Tunngavik Incorporated n'est pas mandatée pour donner des ordres au CGRFN.
[Traduction]
La NTI est un organisme bénéficiaire et ne peut donc pas dicter au CGRFN sa façon d'agir. Elle ne peut que lui faire des recommandations.
Le sénateur Watt: Le CGRFN est subordonnée à la NTI en vertu de l'accord sur les revendications territoriales, mais également, dans un certain sens, parfaitement indépendante, même si elle devrait être considérée en partie comme bénéficiant aux Inuits du Nunavut. Est-ce que je me trompe?
M. Joamie: Les administrations publiques semblables au CGRFN, la régie des eaux par exemple, travaillent dans l'intérêt du public. Mais la NTI ne travaille que pour les bénéficiaires. Il ne faut pas confondre les deux.
Le sénateur Watt: Du point de vue des Autochtones, les Inuits, la NTI a un rôle à jouer. Elle devrait donc avoir voix au chapitre.
M. Joamie: Sur le plan légal, elle a en effet l'obligation de protéger les intérêts des bénéficiaires, mais elle agit également en autonomie par rapport à toute une série d'organisations. Elle n'intervient pas vraiment dans la gestion quotidienne. Peut-être un jour pourra-t-elle le faire dans l'intérêt des bénéficiaires.
En vertu de l'accord sur les revendications territoriales, lorsque les quotas sont distribués, le CGRFN doit se plier à une certaine procédure. Les détenteurs de quotas ont la priorité et les organisations inuites également. Ce qui reste à distribuer va ensuite aux autres organisations. Il est difficile d'obtenir une part.
Par exemple, nous autres, les 25 pêcheurs, devrions pouvoir profiter de la pêche mais même si nous essayons sans cesse d'obtenir des quotas, nous n'en obtenons jamais.
Le sénateur Watt: Nous avons parlé de l'élément ethnique et vous nous avez dit que tout appartient en fait à l'élément public, l'élément gouvernement. Le gouvernement du Nunavut ne pourrait-il pas intervenir pour remédier à la situation?
M. Joamie: Le gouvernement du Nunavut intervient par le biais de l'institut d'administration publique qui fait partie du CGRFN. Celui-ci peut à son tour désigner un membre pour qu'il intente les recours que le CGRFN devrait également intenter. Les organisations régionales d'Inuits sont représentées au CGRFN. Elles peuvent donc également formuler des recommandations en passant par celui-ci. Le gouvernement intervient directement à Pangnirtung. La Société de développement du Nunavut, qui relève du gouvernement du Nunavut, possède 51 p. 100 des parts de l'usine de traitement du poisson de Pangnirtung. Les gens de Pangnirtung possèdent les 49 p. 100 restant. Ainsi, la population peut-elle participer directement à la pêcherie.
Le sénateur Watt: Avez-vous pris soin de saisir le gouvernement du Nunavut du problème que vous venez de nous exposer en lui demandant s'il ne lui serait pas possible de remédier à cet état de choses?
M. Joamie: Je voudrais que la BFC soit une réussite à long terme, je ne veux pas qu'elle échoue. C'est une préoccupation que je vous formule. Je pense que je suis l'un des tout premiers à faire valoir publiquement nos préoccupations avant que la situation ne dégénère.
On a toujours prétendu que la BFC appartenait à 100 p. 100 aux Inuits. Mais les trois avocats de la BFC sont-ils des Inuits? Je ne le crois pas. La BFC est-elle enregistrée comme une entreprise appartenant à des Inuits dans le cadre de l'organisation des revendications territoriales? Non, pas du tout. Ce sont des préoccupations que je dois faire valoir auprès des pouvoirs publics comme vous afin que cela soit connu. Si j'en parle directement à la BFC, cela n'ira pas plus loin. Je suis membre de la BFC par l'entremise de mon représentant, et depuis 1999 je m'occupe de la pêcherie. C'est un secteur que je connais un peu, de sorte que je m'intéresse à la BFC. Mais il m'est par contre impossible d'assister à une des réunions de la BFC. Il y a deux semaines encore, je me suis fait éjecter d'une réunion de la BFC.
Le sénateur Watt: Mais vous êtes toujours favorable à la BFC?
M. Joamie: Sur le plan technique, oui. Il leur a fallu une demi-heure pour m'éjecter, mais ils y sont quand même parvenus. Personnellement, je n'ai rien contre la BFC. Ce qui m'inquiète, c'est sa structure, ce sont ses fondements.
Le sénateur Watt: — et ses façons d'agir.
M. Joamie: En effet. J'espère que la BFC sera une réussite. Elle est bien partie mais elle a intérêt à ne pas dérailler.
Le sénateur Watt: Je suis d'une part un peu étonné d'entendre ce que vous avez à dire alors que votre gouvernement vous est tout à fait accessible. Vous pourriez faire valoir vos problèmes auprès de votre gouvernement qui pourrait peut-être agir plus rapidement que nous, au Sénat. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'en parle. Mais vous ne vous êtes par mis en rapport avec le gouvernement du Nunavut, ce que je vous recommanderais pourtant, afin qu'il remédie à cet état de choses qui vous préoccupe.
M. Joamie: Ce serait peut-être difficile à faire étant donné que le gouvernement territorial a un conseiller à la BFC.
Le sénateur Hubley: À l'origine, la BFC avait 11 membres, et vous nous avez dit que cinq seulement étaient connus. Comment ont-ils été choisis? Représentent-ils des districts? Représentent-ils les collectivités de toute l'île de Baffin?
M. Joamie: À l'origine, les 11 signataires représentaient les détenteurs de quotas à l'époque, en 2001. Ils se sont constitués en coalition pour promouvoir le développement de la pêcherie. Avant cela, tout le monde était indépendant. Nous étions tous indépendants et chacun de nous défendions nos propres intérêts dans la pêcherie.
Le sénateur Hubley: S'agirait-il d'une organisation ou d'une collectivité? Est-ce que dans les collectivités, les organisations de pêcheurs auraient-ils un membre à la BFC? Ces 11 membres étaient-ils des gens qui détenaient un quota?
M. Joamie: Il y a deux particuliers issus de deux compagnies privées appartenant à des Inuits. Il y a un membre de la Qikiqtaaluk Corporation qui est le volet commercial de notre association régionale d'Inuits. Cette compagnie nous fait également concurrence. Les Inuits sont très forts lorsqu'il s'agit de se faire mutuellement concurrence.
Les autres sont tous des membres des organisations de chasseurs et de trappeurs de Pond Inlet, de Clyde River, de Qikiqtarjuaq, de Pangnirtung, d'Iqaluit et de Kimmirut. Ces organisations sont là uniquement pour des bénéficiaires inuits.
Le sénateur Hubley: Je voudrais en savoir plus long sur l'intervention de la BFC s'il y en a une. Quel est le rôle des bénéficiaires? Vous avez dit, je crois, qu'il y en avait trois à Montréal. Quel est leur rôle?
M. Joamie: Vous voulez parler des trois fiduciaires?
Le sénateur Hubley: Oui. Vous les avez appelés des bénéficiaires ou des fiduciaires?
Le sénateur Watt: Ce sont les fiduciaires.
M. Joamie: Ce sont des avocats.
Le sénateur Hubley: Quel est leur rôle?
M. Joamie: Je pense qu'ils sont là pour créer une compagnie à numéro dans le but de transférer le titre de propriété aux propriétaires légitimes. À ma connaissance, ils ne l'ont pas encore fait. Peut-être n'avons nous pas encore le titre de propriétaire, mais nous leur faisons vraiment confiance.
Le sénateur Hubley: En effet. À court terme, que voudriez-vous qu'il se passe dans votre région qui puisse profiter aux vôtres et qui permettrait également d'implanter une pêcherie qui vous appartienne? Qu'aimeriez-vous voir à court terme?
M. Joamie: L'industrie de la pêche est déjà bien implantée ailleurs, comme en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont bien aidé l'infrastructure halieutique dans ces régions. Le gouvernement fédéral devrait également en implanter une dans le Nord afin que l'industrie de la pêche puisse profiter aux gens du Nord.
Mais la plus grosse partie des retombées échappent au Nord, échappent même au Canada. Si ce que nous pêchons dans nos eaux est tout d'un coup étiqueté comme un produit norvégien, qui profite de la publicité? Si ce produit se vend au Japon, j'imagine que les Japonais doivent dire «oh là, là, ces Norvégiens ont vraiment du bon turbot!» pas vrai?
Le sénateur Hubley: En effet. Je suis d'accord avec vous. L'infrastructure est au premier plan de vos préoccupations.
M. Joamie: Plus encore, nos eaux sont suffisamment poissonneuses pour pouvoir faire vivre une infrastructure locale. Une seule de nos localités a une usine de conditionnement. À l'origine, on voulait que les gens aillent s'installer sur place pour y travailler, mais cela ne s'est jamais produit. Ceux qui s'y sont installés, ce sont en général les patrons d'usines venant de Nouvelle-Écosse ou de Terre-Neuve. Eux en ont profité, mais les autres collectivités non. Mais il y a suffisamment de poisson dans nos eaux pour faire vivre cette industrie.
Le gouvernement fédéral est obligé d'offrir son concours pour l'infrastructure. S'il a pu le faire à Terre-Neuve, il est certain qu'il peut également le faire au Nunavut. Sénateurs, vous ne devez pas oublier que la pêche se pratique dans les eaux canadiennes. Or, qui profite du poisson qu'on pêche dans ces eaux? Des intérêts étrangers. Les gens du Nord devraient avoir le contrôle total. Jadis, il y avait la Baffin Fisheries Coalition. Je ne sais pas combien de fois vous avez examiné ce programme pour découvrir ce qui se passait au juste et pour écouter ce genre de questions.
Avec la Baffin Fisheries Coalition, toutes les retombées échappent à la région septentrionale. Il faudrait des usines dans chaque localité. La majorité des travailleurs à l'usine de Pangnirtung sont des femmes plus âgées. Elles gagnent de l'argent et ne dépendent pas de l'assistance sociale, alors que les plus jeunes travaillent sur les bateaux de pêche. Ce sont les deux segments de la société qui profitent de la présence de cette usine, même si les jeunes gens ne sont guère empressés à aller travailler dans une usine de conditionnement de poisson. Il y en a peut-être deux de ce segment plus jeune de la population qui travaillent à cette usine. Les emplois vont surtout aux travailleurs plus vieux. Mais la collectivité en profite beaucoup.
Il y a suffisamment de poisson pour que tout le monde puisse réussir, mais les affaires sont les affaires, et les gens de Pangnirtung vous diront chaque fois qu'ils ne veulent pas qu'il y ait une autre usine ailleurs.
Le sénateur Hubley: À ce moment-là, les deux se feraient concurrence.
M. Joamie: Mais c'est cela, les affaires.
Le sénateur Hubley: Les affaires sont les affaires.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je suis heureuse de constater que tout cela ne vous a pas fait perdre votre sens de l'humour.
J'essaie de comprendre, et j'essaie également d'apprendre en me basant sur ce que vous me dites. Une des choses qui vous préoccupent, c'est que la BFC devrait avoir 11 administrateurs alors qu'il n'y en a que cinq. C'est bien cela?
Je vous pose la question parce qu'à l'annexe I des notes on peut lire que la BFC est un organisme sans but lucratif à charte fédérale qui comporte cinq administrateurs. Si j'ai bien compris, la BFC a cinq administrateurs qui représentent 11 organisations. C'est bien cela?
M. Joamie: Il est absolument exclu qu'une localité comme Clyde River accepte d'être représentée par quelqu'un d'Iqaluit.
Le sénateur Trenholme Counsell: Vous voulez chacun votre part. Mais déjà au tout début, il n'y a jamais eu 11 administrateurs. Il y en a toujours eu cinq?
M. Joamie: D'après ce qu'on peut lire sur le site Web, qui n'a d'ailleurs pas été actualisé depuis un certain temps, les cinq administrateurs sont les signataires du protocole d'entente. Ne penseriez-vous pas qu'un tel organisme sans but lucratif doive avoir son siège au Nunavut?
Le sénateur Trenholme Counsell: Je n'en disconviens pas. Mais je pense par contre que peut-être ces 11 organisations voudraient-elles avoir chacune leurs propres représentants. Je pense que ce n'est pas ce qui s'est fait au moment de la création de la BFC. Peut-être est-ce injuste, mais c'est ce qui s'est produit me semble-t-il. J'imagine que c'est le gouvernement fédéral qui l'a créée. J'aimerais simplement avoir un éclaircissement à ce sujet.
Mais je voudrais aussi vous poser une autre question. S'agissant de la question des 30 p. 100 des revenus des redevances qui doivent aller aux navires-usines congélateurs, où en êtes-vous? J'ai l'impression, d'après ce que nous avons déjà entendu aux audiences précédentes, qu'il s'agit d'une priorité. Je crois comprendre que depuis trois ans, 30 p. 100 vont aux navires-usines congélateurs. Vous rapprochez-vous du montant nécessaire pour y arriver, le savez- vous?
M. Joamie: Avant la BFC, lorsque nous négocions des contrats avec les propriétaires de chalutiers, nous leur laissions immanquablement entendre que nous voulions notre propre bateau. Bien sûr, cela les faisait sourire parce qu'ils savaient fort bien que nous n'étions pas en mesure de le faire.
Mais aujourd'hui la situation est totalement différente. En ce moment même, il y a des intérêts privés qui viennent chez nous pour essayer de nous vendre des partenariats afin de nous vendre des chalutiers. Un navire-usine congélateur coûte environ 18 millions de dollars.
Le sénateur Trenholme Counsell: Combien avez-vous en banque?
M. Joamie: Je n'en sais trop rien. C'est quelque chose que nous ne pouvons pas savoir.
Le sénateur Trenholme Counsell: Le savons-nous? Savez-vous ce que représenterait 30 p. 100 des redevances dans la zone 0A?
M. Joamie: J'imagine que cela représenterait plus d'un million de dollars par an, d'après ce que je sais. Par contre, je n'ai pas accès au livre de comptes de la BFC.
Le sénateur Trenholme Counsell: Le comité aimerait sans doute savoir si la BFC sera bientôt en mesure d'acquérir ce chalutier qui, on nous l'a dit plusieurs fois, est tellement important pour elle. Les règles qui régissent la BFC disent bien que 30 p. 100 sont sensés être consacrés à l'achat d'un chalutier, mais vous ne savez trop ce qui se passe.
M. Joamie: C'est quelque chose qui les regarde eux, diraient-ils.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je pense que cela nous regarde tous.
M. Joamie: En effet, mais c'est quelque chose qu'ils gardent pour eux.
Le sénateur Trenholme Counsell: Mais ne publient-ils pas un rapport annuel? La BFC ne publie-t-elle pas un rapport annuel où on trouverait ce genre d'information? Est-ce que vous en avez connaissance?
M. Joamie: Oui, mais ce rapport ne contient que des renseignements d'ordre général. Si je vous chargeais de m'acheter un chalutier 18 millions de dollars, vous me tiendriez simplement au courant de façon générale jusqu'au moment de l'achat.
Le sénateur Trenholme Counsell: Non, je ne pense pas, mais ce serait...
M. Joamie: Vous toucheriez également une commission d'intermédiaire de 10 p. 100.
Le sénateur Trenholme Counsell: J'ai entendu parler de la façon dont les choses se passent.
Pourriez-vous m'éclairer davantage sur la situation réelle de la pêcherie? Nous avons ici un tableau pour les années 2001 et 2003 qui contient plusieurs éléments intéressants. D'abord, en 2001, 100 p. 100 des prises dans la zone 0A sont attribuables à des chalutiers. Ce chiffre est passé depuis à 60 p. 100, les 40 p. 100 restants allant à la pêche à la ligne. Est-ce que les vôtres pêchent à la ligne?
M. Joamie: J'étais au nombre des huit bénéficiaires qui, pendant la campagne de l'an dernier, était à bord des palangriers — un sur huit seulement.
Le sénateur Trenholme Counsell: Quels sont ces bateaux qui pêchent à la palangre?
M. Joamie: Ce sont des bateaux qui pêchent par l'arrière en laissant filer une longue ligne sur laquelle se trouve 7 700 hameçons. En tout, il y a trois lignes qui totalisent 24 000 hameçons. C'est l'extrémité de la ligne qui donne le meilleur produit parce que la majorité des poissons qui ont mordu aux hameçons sont vivants lorsqu'ils sont remontés à bord. Dans le cas des chalutiers, comme tout le poisson est tassé dans un seul grand filet, au moment où celui-ci est remonté à bord, une partie du poisson est déjà mort.
Le sénateur Trenholme Counsell: Mais il y a aussi de très grosses unités qui pêchent à la palangre comme vous venez de le décrire.
M. Joamie: Excusez-moi?
Le sénateur Trenholme Counsell: C'est également une méthode utilisée par de très grosses unités.
M.Joamie: En effet.
Le sénateur Trenholme Counsell: J'aurais une dernière chose à aborder. Il me semble que l'activité canadienne, si je puis m'exprimer ainsi, augmente de façon notable. Vous avez dit, je le sais, que le plus gros de l'activité de pêche était le fait de bateaux étrangers. Entre 2001 et 2003, le nombre de bateaux de pêche étrangers a diminué de moitié et l'activité canadienne a augmenté d'autant. Est-ce que vous le saviez, et est-ce que cela a été positif pour les vôtres?
M. Joamie: De l'autre côté du détroit de Davis il y a le Groenland, dont la population est apparentée à la nôtre. Le gouvernement fédéral nous dit que, en matière de pêche, nous ne pouvons pas faire affaire avec eux. Nous ne pouvons même pas faire affaire avec les membres de nos propres familles de l'autre côté du détroit de Davis.
Le sénateur Trenholme Counsell: Parce qu'il y a une frontière.
M. Joamie: Mais ce qui est étonnant, c'est qu'un chalutier norvégien puisse venir pêcher notre poisson dans nos eaux.
Le sénateur Trenholme Counsell: Est-ce que les vôtres constatent une différence entre les bateaux canadiens — les bateaux de la compagnie Clearwater par exemple — et les bateaux norvégiens? Lorsque les hommes reviennent et disent avoir été à bord de ces navires, les uns sont-ils meilleurs que les autres ou n'y a-t-il aucune différence?
M. Joamie: La majorité des pêcheurs qui travaillent à bord des chalutiers ne voudraient jamais travailler sur le palangrier. Le travail est trop dur. Moi, après quelques jours, je voulais débarquer parce qu'il est beaucoup plus pénible de travailler sur un palangrier que sur un chalutier. Sur un chalutier, le travail n'est pas très ardu, c'est un travail répétitif qui se répète chaque jour, six heures de travail pour six heures de repos. Sur un palangrier, on travaille huit heures, on dort trois ou quatre heures au mieux, puis on travaille encore huit heures avant d'être hors quart pour huit heures.
Le sénateur Trenholme Counsell: Les palangriers sont-ils canadiens ou norvégiens?
M. Joamie: Il y a deux palangriers norvégiens. Dans l'industrie de la pêche à la crevette, c'est le ministère fédéral des pêches qui nous interdit d'utiliser des chalutiers étrangers. Mais cela, ce n'est que depuis le 31 décembre dernier. Cette année-ci, tout est censé être canadianisé.
Le sénateur Trenholme Counsell: C'est ce qui semble le cas en effet. Cela ne doit-il pas être renégocié cette année? Je crois me souvenir qu'en 2001, cela avait été négocié pour trois ans. Les nouvelles négociations doivent-elles commencer cette année?
M. Joamie: Vous voulez parler des chalutiers?
Le sénateur Trenholme Counsell: Si je me souviens bien, le protocole d'entente a été négocié en 2001 pour une durée de trois ans.
M. Joamie: Nous avons déjà fait des suggestions à la BFC sur les modifications à apporter au protocole d'entente.
Le sénateur Trenholme Counsell: Cette année sera donc sans doute très importante.
M. Joamie: Assurément. Tous ceux qui ont des préoccupations au sujet de la BFC espèrent que celle-ci pourra être restructurée dans le cadre d'un nouveau protocole d'entente afin qu'elle fonctionne à l'avantage des gens qui, à l'origine, devaient en être les bénéficiaires.
Il ne faut pas oublier que la BFC a un siège à St. John's, à Terre-Neuve. Nous avons des locaux à Iqaluit pour toutes les compagnies de Terre-Neuve, mais notre propre compagnie a son siège à Terre-Neuve.
Le sénateur Trenholme Counsell: J'espère sincèrement que vous finirez par découvrir ce qui se passe et obtenir des réponses. Je suis très heureuse d'avoir pu m'entretenir avec vous.
Le sénateur Cook: Je vais vous demander d'être patient parce que je voudrais que vous repreniez tout cela. J'ai besoin de vous pour m'aider à comprendre ce que je viens d'entendre.
Jadis, il y avait 11 organisations, chacune dans une collectivité, qui avait décidé de créer une coalition pour assurer le développement de la pêcherie, se doter de moyens et donc aider les collectivités à se développer. C'est ainsi qu'est née la Baffin Fisheries Coalition. Jusqu'à présent, c'est bien exact?
M. Joamie: Oui.
Le sénateur Cook: Ensuite, les quotas accordés à ces 11 localités ont été fusionnés et c'est la coalition qui en assurait la gestion, c'est bien cela?
M. Joamie: Les 11 signataires du premier protocole avaient chacun leur propre quota. Lorsqu'ils se sont regroupés, ils ont obtenu de nouveaux quotas. Ils n'ont donc pas fusionné les quotas qu'ils avaient à l'époque.
Le sénateur Cook: Ils ont donc reçu des quotas supplémentaires, c'est bien cela?
M. Joamie: L'organisation en a reçu, oui.
Le sénateur Cook: Mais qu'est-il advenu des quotas initiaux, dans chacune des localités? Que sont-ils devenus?
M. Joamie: Ils sont toujours là.
Le sénateur Cook: Ces quotas ne sont donc pas du tout ceux de la Baffin Fisheries Coalition, c'est bien cela?
M. Joamie: Ils sont tout à fait distincts.
Le sénateur Cook: Le ministère des Pêches et Océans a donc donné à cette nouvelle entité, à ce groupe, un quota supplémentaire, est-ce exact?
M. Joamie: Le ministère a donné des ressources au CGRFN. Et à son tour, le CGRFN répartit ses quotas entre ceux qu'elle choisit.
Le sénateur Cook: Très bien, je recommence. Un certain nombre de gens se sont réunis pour former ce qu'ils appelaient la Baffin Fisheries Coalition. Puis, un conseil d'administration a été institué, qui a créé le conseil d'administration avec les cinq administrateurs, deux employés et un agent de liaison et qui en a fait un organisme sans but lucratif destiné à aider les gens du Nunavut?
Le président: Je voudrais intervenir, si vous le voulez bien. L'élément qui a été passé sous silence ici, c'est le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut qui chapeaute le tout et qui est à l'origine de la création de la BFC, c'est bien cela?
Le sénateur Cook: Non, j'essaie de découvrir qui a créé le conseil d'administration.
M. Joamie: Très bien. Onze signataires — les indépendants — sont devenus une grande famille.
Le sénateur Cook: Très bien.
M. Joamie: Je suppose que le PDG s'est occupé de tous les documents. J'imagine que les directeurs lui auraient confié cette tâche. Ils ne s'en chargeraient pas eux-mêmes. Ils se fient à leur employé pour faire ce travail.
Le sénateur Cook: Ce groupe est devenu une organisation sans but lucratif dans le but de développer l'industrie de la pêche dans ces 11 collectivités. On a créé un conseil d'administration auquel cette responsabilité a été confiée, est-ce exact? Le but était de développer la pêche au flétan noir, n'est-ce pas?
M. Joamie: C'est exact.
Le sénateur Cook: À ce jour, la Baffin Fisheries Coalition vend son quota à quiconque peut le rentabiliser pour elle. Les redevances sont placées dans un compte en fiducie quelque part et l'avantage qu'en tire votre collectivité est simplement d'obtenir une formation pour travailler sur les bateaux auxquels la Baffin Island Coalition vend son quota? Ai-je bien compris?
M. Joamie: C'est exact.
Le sénateur Cook: J'ai l'impression que le mandat initial était bon mais qu'on s'en est un peu éloigné. Pensez-vous qu'il sera possible de revenir au mandat initial, de développer l'industrie de la pêche dans ces collectivités, afin que vos membres puissent avoir une pêche viable et indépendante?
M. Joamie: Nous sommes à Ottawa, où tout se fait par écrit. Si la Baffin Fisheries Coalition renouvelle le protocole d'entente, celui-ci devrait définir clairement qui dirige l'organisation et de quelle manière.
À l'heure actuelle, l'agent de liaison que vous avez mentionné est membre du conseil d'administration et il est un employé.
Le sénateur Cook: Qui compose cette coalition; à qui le conseil d'administration doit-il rendre compte? Est-ce que cette structure est transparente? Est-elle responsable envers les 11 signataires?
M. Joamie: On demande à chaque membre de faire rapport à leur propre organisation, mais la BFC est une entité en soi.
Le sénateur Cook: Comment est-ce possible?
M. Joamie: Je vous ai dit tout à l'heure que nous nous livrons une bonne concurrence les uns contre les autres.
Le sénateur Cook: La coalition a été créée pour une raison, c'est-à-dire de développer la pêche au flétan dans votre secteur pour favoriser l'essor de vos collectivités et de les rendre autonomes. Il me semble que pour remplir son mandat, elle doit rendre compte à la collectivité ou aux 11 organisations qui l'ont créée. Est-ce que vous me dites que ce n'est pas le cas?
M. Joamie: Tout doit être transparent. Si nous créons une entreprise, nous voulons qu'elle soit transparente. Qui fait quoi, qui a droit de vote, etc.
Si les Inuits étaient propriétaires de la Baffin Fisheries Coalition, le bras commercial, ne pensez-vous pas qu'elle aurait été transférée il y a longtemps à ses propriétaires légitimes? Qui sont ses propriétaires légitimes? Lorsqu'elle s'est enregistrée à Ottawa, si elle avait voulu cinq directeurs, cela voudrait dire que les six autres personnes se présentent aux réunions sans y avoir vraiment droit. C'est comme si je me disais sénateur alors que je n'en suis pas un.
Le sénateur Cook: Je consulte des notes sur le plan triennal de la Baffin Fisheries Coalition qui consiste à acheter un navire-usine, à faire de la recherche, à construire une usine de transformation à Pangnirtung et à affecter le reste à l'exploitation. Qu'appelez-vous «l'exploitation»?
M. Joamie: Je pense que c'est à la personne qui dirige l'entreprise de déterminer cela. Ma définition de l'exploitation est peut-être très différente de la vôtre. Je suppose qu'il s'agisse anciennement d'activités internes. J'ose dire qu'on ne nous fait pas part de cette information. Il s'agit d'une entité commerciale qui agit comme telle. J'espère qu'elle changera sa façon de traiter les membres.
Le sénateur Cook: Comment verriez-vous cela?
M. Joamie: N'oubliez pas que le CGRFN a joué un rôle capital et veut que cette organisation réussisse. S'il commence à se fracturer, si un membre en sort, d'autres en feront autant, chacun pour des raisons personnelles. S'il commence à se diviser, la cause sera perdue.
Le sénateur Cook: Prendraient-ils leur quota avec eux?
M. Joamie: Les 11 membres n'ont pas de quota individuel dans cette coalition BFC. Tout est groupé. Personne n'a son propre quota.
Le sénateur Cook: C'est complexe, non?
M. Joamie: Nous nous débrouillons toujours pour que ce soit complexe.
Le sénateur Cook: Si je comprends bien, il y a quelques différences entre le mandat initial de la Baffin Fisheries Coalition et celui d'aujourd'hui et ses membres souhaiteraient plus de transparence.
Enfin, est-ce que cette coalition est bonne pour votre population ou y aurait-il une meilleure façon de favoriser son développement économique afin qu'elle puisse subvenir à ses besoins?
M. Joamie: Les actions de BFC sont assez éloquentes. Le siège social de la coalition est à St-John.
Le sénateur Cook: Cela vous pose un problème. Je dois vous dire que je vis moi-même à St-John, mais je comprends ce que vous voulez dire. C'est loin de chez-vous. S'il on veut que vous développiez et que vous preniez en charge votre destin, vous devriez être sur place et pas ailleurs. J'aurais le même problème que vous si quelque chose qui concernait ma province avait son siège social dans une autre province. Je comprends bien.
M. Joamie: Je ne mettrais jamais rien à Harbour Grace si je suis de Bay Roberts, n'est-ce pas?
Le sénateur Cook: En effet.
Le président: Une petite question. Revoyons comment cela fonctionne. Le quota va du MPO au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et est ensuite attribué au BFC qui le sous-traite à des pêcheurs du Sud ou à des Norvégiens ou autres. Ceci parce que votre région n'a pas d'infrastructure suffisante — quais, usines de transformation, et cetera — pour permettre aux habitants du Nord de pêcher ce quota.
Supposons que vous ayez ces installations — les quais et les usines de transformation locales. Quel type de pêche préféreraient voir, à votre avis, les habitants du Nord? Pêche en petits bateaux ou pêche en chalutiers usine réfrigérés. Si vous aviez accès à ce quota en 0A?
M. Joamie: Il pourrait y avoir les deux. L'idéal ce serait les deux. Les petits pêcheurs qui ont des 65 pieds — 64 pieds, 11 pouces — pourraient pêcher une partie du quota et le décharger sur le gros bateau, ou à l'usine, s'il y en avait une. Cela emploierait beaucoup de monde; les retombées économiques seraient importantes.
Le président: J'ai l'impression que les habitants du Nord préféreraient ne pas pêcher pendant un ou deux mois sur un chalutier usine réfrigéré et être beaucoup plus souvent chez-eux. Est-ce un problème ou certains de vos jeunes seraient- ils prêts à s'en aller pour des périodes prolongées?
M. Joamie: Avec le développement du secteur des pêches, l'intérêt se développe aussi. Beaucoup de jeunes sont prêts à aller sur les bateaux parce qu'il y a un fort taux de chômage dans presque toutes les localités.
Le président: ...Et on a d'ailleurs demandé à ce comité que des quotas soient attribués à des entreprises — est-ce que le CGRFN devrait envisager d'attribuer des quotas à des entreprises sachant les résultats que cela peut donner?
Des quotas devraient-ils être attribués à des entreprises?
M. Joamie: De quelles entreprises parlez-vous?
Le président: Je connais une personne qui a demandé qu'on lui attribue un quota. Est-ce une façon de procéder? Il y a des répercussions lorsqu'on attribue des quotas à des entreprises ou à des particuliers.
M. Joamie: Cela se fait déjà. N'oubliez pas qu'il y a deux entreprises privées, indépendantes au sein de la BFC: Aqviq Marine Limited et Kabva Marine Services Limited.
Le président: Non, parce qu'à ma connaissance les quotas n'ont pas été attribués. Ils appartiennent toujours aux Canadiens et sont détenus en fiducie par le ministère des Pêches et Océans. Ces quotas n'ont été attribués à aucune entreprise privée. Je crois qu'elles ont le droit de pêcher sur redevances mais, dans certains secteurs, on répartit finalement le poisson. On demande parfois que le poisson soit attribué à des entreprises particulières.
Le MPO devrait-il examiner ce modèle et attribuer les quotas des entreprises ou attribuer ces quotas aux localités du Nord?
M. Joamie: En tant que pêcheur, je serais ravi d'obtenir un quota directement du MPO sans passer par toutes les autres administrations.
Le président: Avez-vous toutefois examiné les inconvénients d'un tel système? Si le quota vous est attribué à vous personnellement, vous pouvez me le vendre.
M. Joamie: En effet.
Le président: Et je puis le vendre à quelqu'un d'autre, à un médecin de Toronto. A-t-on envisagé cela?
M. Joamie: Cela se produit. Vous rappelez-vous que j'ai parlé des détenteurs de quotas indépendants?
Le président: Oui.
M. Joamie: Il y a deux indépendants. C'est ce qu'ils font.
Le président: Dans 0A?
M. Joamie: 0B.
Le président: J'arrêterai là.
M. Joamie: Il y a du pour et du contre. Je sais ce que vous voulez dire. Veut-on offrir des possibilités à des intérêts privés lorsque l'on essaie de développer la pêche dans le Nord?
Le président: C'est l'un ou l'autre.
M. Joamie: En effet.
Le président: Soit vous remettez cela entre les mains d'intérêts privés qui développeront la pêche comme ils l'entendent soit vous laissez cela aux collectivités qui feront ce qu'elles jugent bon. Ce sont deux modèles différents.
M. Joamie: Le principe est bon pour la pêche. C'est simplement que l'on est pas forcément d'accord quant à la façon de procéder. Le principe est bon. Ces 11 personnes le savaient et c'est la raison pour laquelle elles se sont associées. Cela n'a pas toutefois été sans heurts.
Le président: En effet.
M. Joamie: C'est difficile. Quand on est assis à côté de quelqu'un qui dit «Je ne veux pas d'usine de conditionnement dans votre localité». Comment réagir?
[Interprétation]
Le sénateur Adams: Merci. J'aimerais revenir sur certaines questions. Vous avez déclaré que vous aviez été à une réunion du CGRFN et que l'on vous avait demandé de vous en aller. Pourquoi cela? Je crois savoir que vous n'êtes pas le premier à qui l'on a demandé de quitter la réunion. Pourriez-vous expliquer la raison pour laquelle vous avez été évincé?
[Traduction]
M. Joamie: La Baffin Fisheries Coalition demandait à ses membres ce qu'ils voulaient voir à l'ordre du jour et ils ont déclaré qu'ils allaient avoir une réunion du conseil d'administration à Pangnirtung. Nous avons donc supposé qu'il y aurait une réunion. Étant donné que nous nous intéressons aux pêches, nous avons décidé d'aller observer ces réunions à Pangnirtung puisque l'on allait discuter d'aspects importants qui nous touchaient directement.
Lorsque nous sommes arrivés, c'est tout d'un coup devenu une réunion des actionnaires de la société à dénomination numérique si bien que nous ne pouvions y assister. Ils ne nous ont pas permis d'entrer dans la salle alors que nous sommes directement concernés par cette organisation. Nous en avons profité pour visiter l'usine de transformation à Pangnirtung. Il se trouve que nous avons obtenu plus de renseignements en visitant cette usine que si nous avions assisté à cette réunion. Ce fut finalement un bien pour un mal. Il est quelquefois bon de se faire sortir d'une réunion.
[Interprétation]
Le sénateur Adams: Cette société à dénomination numérique, comment s'appelle-t-elle?
M. Joamie: 611.
Le sénateur Adams: Ont-ils des actions? Les membres ont-ils des actions?
M. Joamie: Ils devraient recevoir leurs actions mais je ne pense pas qu'ils les aient reçues. Je crois que les avocats ont toujours ces actions en fiducie.
Le sénateur Adams: Cette société 611 dont vous parlez, est-ce que ça a été approuvé officiellement à la réunion? L'entité juridique?
M. Joamie: Je crois que oui, que c'est une entité juridique.
Le sénateur Adams: Je croyais que ça avait été rejeté à Iqaluit.
M. Joamie: Je croyais pour ma part que 611 était en activité.
Le sénateur Adams: Qui gère la société?
M. Joamie: Normalement, ça devrait être le conseil d'administration mais je ne pense pas qu'il ait obtenu la gestion de 611.
Le sénateur Adams: Je crois que toutes les localités ont une part là-dedans. Ont-elles reçu leurs parts?
M. Joamie: Je ne sais pas. Pas à ma connaissance. En tant que pêcheurs et trappeurs, nous devrions en être membres. J'ai cherché à mon bureau mais je n'ai rien vu.
Le sénateur Adams: Pour l'attribution des quotas, d'autres intérêts extérieurs ont-ils acheté des quotas? Quels arrangements y a-t-il eu? Qu'est-ce qui se passe pour les intérêts extérieurs, les non-Inuits qui ne vivent pas au Nunavut?
M. Joamie: Je crois qu'il y a une participation de non-Inuits. C'est, je pense le non-Inuk qui gère cela.
[Traduction]
Le sénateur Adams: Je crois qu'il y a environ cinq ans, quelqu'un a acheté tous ces quotas inuits qui avaient été attribués. Je ne pense pas que ce soit les Inuits qui bénéficient de ces quotas à l'heure actuelle; ils ne font que percevoir les redevances. Je crois que quelqu'un a acheté une entente de sept ans pour la compagnie Clearwater dans le détroit de Davis. Ce sont des quotas qui appartiennent au Nunavut. C'est une entente qui remonte à cinq ans entre le CGRFN et la BFC.
[Interprétation]
Les connaissez-vous?
M. Joamie: Non, je ne suis pas au courant, parce que des non-Inuits gèrent cela. Nous, à Iqaluit, Pond Inlet, Kimmirut et Pangnirtung, nous sommes des chasseurs et des trappeurs. Nous ne sommes pas gérés par des gestionnaires non-Inuits. Nous sommes capables de nous occuper de nos propres affaires. Malheureusement il y a également eu des gens qui sont venus de l'extérieur pour gérer cela.
[Traduction]
Le sénateur Adams: Je crois qu'il y a environ cinq ans, il y a des gens de l'extérieur qui sont allés acheter des quotas. Ils ont une entente avec le conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut pour sept ans. C'est pourquoi je posais la question. Il reste deux ans. Les gens pensaient qu'ils avaient des quotas et constatent que certaines des localités ne reçoivent pas de quotas; ils ont simplement l'argent des redevances que paient les gens de l'extérieur du Nunavut qui viennent pêcher.
Le sénateur Robichaud: Le conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est composé de neuf membres. D'après ce que je vois ici, il y en a quatre qui sont nommés par des Inuits, quatre par le gouvernement et un président qui est proposé par les huit membres et nommé par le gouvernement.
Vous avez également dit que la BFC avait en quelque sorte créé le conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Est-ce bien cela?
M. Joamie: Le CGRFN est un organe gouvernemental; et il sert le public.
C'est l'un des groupes qui est à l'origine de la création de la Baffin Fisheries Coalition. Ils ont jugé que nous étions trop indépendants les uns des autres pour développer suffisamment ce secteur et ils ont incité les détenteurs de quotas à constituer ce groupe afin de développer ensemble les pêches. Nous avons essayé de réunir des groupes, mais c'est difficile.
Le sénateur Robichaud: C'est la même chose dans tous les villages de pêche. Il est très difficile de regrouper les gens lorsqu'il y a des quotas.
Vous avez dit qu'à un moment les quotas sont passés du conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut à la BFC. Est-ce que les administrateurs ou membres de la BFC sont dans certains cas également administrateurs ou membres du conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut? Est-ce totalement différent ou y a-t-il un certain chevauchement?
M. Joamie: Il n'y a pas de chevauchement. Ce sont deux entités indépendantes.
Le sénateur Robichaud: Complètement indépendantes?
M. Joamie: Oui.
Le sénateur Robichaud: On ne peut pas dire qu'ils ont reçu des quotas parce qu'ils avaient au sein du conseil des relations qui ont joué sur la décision.
M. Joamie: Je préfère ne pas répondre.
Le sénateur Robichaud: C'est tout ce que j'ai à dire et je crois que cela suffit d'ailleurs.
Le sénateur Robichaud: J'essaie de bien comprendre les choses. La BFC a été créée pour favoriser le développement de ces localités qui, d'après ce que vous dites ne reçoivent pas ce qu'elles devraient recevoir. Elles en tirent certains avantages comme de la formation mais ce n'est pas ce que vous attendez de ces quotas.
M. Joamie: En réalité, la BFC atteint nombre des objectifs qu'elle s'est fixée. Toutefois, le processus n'est pas suffisamment transparent. Par exemple, nous avons demandé des quotas en tant que pêcheurs mais nous n'avons pu en obtenir parce que tout est allé à la BFC.
Le sénateur Robichaud: Comment se fait-il qu'elle ait reçu tous ces quotas? Quelles raisons vous a-t-on données quand on vous a refusé ces quotas?
M. Joamie: Normalement le CGRFN vous dit simplement que vous ne recevez pas de quotas. Il ne vous donne pas de motifs, sauf si vous en demandez.
Le sénateur Robichaud: En avez-vous demandé?
M. Joamie: Si on ne vous dit pas franchement dès le début ce que vous devriez savoir, pourquoi prendre la peine d'aller demander? On devrait donner tout de suite la réponse.
Le sénateur Robichaud: Je ne veux pas vous ennuyer mais j'essaie de comprendre pourquoi les choses se passent comme cela si le CGRFN est là pour servir la population de ces localités. Je trouve cela difficile à comprendre.
M. Joamie: Nous parlons du secteur des pêches. C'est une entreprise de plusieurs millions de dollars et il y a beaucoup de choses qui ne sont pas très transparentes. Il y a deux types de personnes dans le secteur des pêches — les pêcheurs qui gagnent leur argent et les autres qui sont «louches».
Le sénateur Robichaud: Cela devient plus clair.
Le sénateur Watt: Vous êtes en train de nous dire que vous avez un problème en ce qui concerne la BFC qui est un organisme échappant à tout contrôle. Il semble qu'il ait un conseil d'administration. À l'origine, ils devraient être onze mais vous avez indiqué qu'ils ne sont que cinq. Vous venez nous demander de vous aider à essayer d'y mettre de l'ordre.
Le conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut semble avoir quelques intérêts dans la BFC. Peut-être un ou deux, je ne sais pas. Cela m'amène également à me demander pourquoi NTI et votre gouvernement n'ont rien fait à propos de cette organisation.
Est-ce que ces onze parties intéressées sont des détenteurs de permis? Ces sociétés ont-elles plusieurs associés ou sont-elles individuelles?
M. Joamie: Ce sont les organisations de chasseurs et trappeurs, des entreprises privées et une organisation régionale.
Le sénateur Watt: Est-ce qu'elles représentent les besoins collectifs des bénéficiaires?
M. Joamie: Oui.
Le sénateur Watt: Autrement dit, on a mélangé torchons serviettes dans la Baffin Fisheries Coalition. Il y a les représentants du secteur privé, qui s'occupent de leurs propres intérêts et il y a les entreprises collectives qui représentent leurs bénéficiaires.
Je crois que vous avez également dit que la Baffin Fisheries Coalition a été créée comme entreprise à but non lucratif. L'idée est de tirer des recettes des redevances que l'on touche en vendant des permis à des sociétés étrangères ou à d'autres intéressés. Cet argent doit servir à former votre population. Il doit aussi servir à augmenter le capital et développer progressivement l'infrastructure.
Vous espérez qu'un jour vous pourrez dire au gouvernement: «Nous devons récolter cet argent. Nous voudrions que vous fassiez le nécessaire face à nos besoins en infrastructure». Est-ce bien ce que vous êtes en train de nous dire?
M. Joamie: Oui.
Le sénateur Watt: Pour cette raison, l'idée initiale de la Baffin Fisheries Coalition était bonne. Toutefois, avec le temps, le conseil d'administration ne semble plus contrôler cette organisation. Quelqu'un doit contrôler les administrateurs. Qui cela peut-il être? Le directeur général? Quel est son titre?
M. Joamie: Je suppose que la personne qui a comparu devant ce comité en a le contrôle en tant que PDG.
Le sénateur Watt: A-t-il un intérêt privé dans la Baffin Fisheries Coalition, à votre connaissance?
M. Joamie: Non, pas à ma connaissance. Je fais attention à ce que je dis.
Le sénateur Watt: Il est certainement bien placé pour s'entendre avec des sociétés auxquelles il peut être lié. Est-ce là une de vos inquiétudes?
M. Joamie: Lorsque vous faites un appel d'offres et que vous travaillez pour 11 membres, ne pensez-vous pas que cet appel d'offres devrait prendre fin avant la réunion du conseil afin que le conseil puisse en discuter, plutôt qu'après la réunion?
Le sénateur Watt: D'après la loi, il est censé rendre compte au conseil d'administration.
M. Joamie: En effet.
Le sénateur Watt: Il ne peut pas prendre de décision tout seul. Vous êtes en train de nous dire que le conseil d'administration n'a aucun pouvoir. Ils sont cinq mais vous n'êtes pas sûr qu'ils puissent donner des directives à la BFC.
M. Joamie: Nous souhaitons tous que la BFC réussisse.
Le sénateur Watt: Je comprends bien.
M. Joamie: Le 28 mai 2004 — cette année — la BFC aura un nouveau protocole d'entente. Si elle ne se remet pas sur pied, elle va continuer à se détériorer. Les autorités devraient faire quelque chose à ce sujet parce que si elle ne se remet pas sur pied, elle mourra de son propre cancer.
Le sénateur Watt: Vous voulez que les sénateurs soutiennent l'idée initiale. Vous voulez mettre fin à ce que fait la BFC?
M. Joamie: Je veux que mes inquiétudes deviennent publiques. Nous avons déjà exprimé ces inquiétudes en privé. D'autres pêcheurs qui ont l'expérience de ce secteur ont les mêmes préoccupations mais, à titre individuel, nous n'avons pas les moyens d'imposer la restructuration nécessaire.
Le sénateur Mahovlich: Combien d'usines de transformation de poisson pourraient être gérées au Nunavut?
M. Joamie: Je vais vous donner une réponse profonde. La réponse est au fond de l'océan: il y a suffisamment de poisson dans l'océan pour que chaque localité ait son usine de transformation.
Le sénateur Mahovlich: Nous devons contrôler notre poisson maintenant. Nous avons des problèmes dans le monde entier. Nous devons faire attention à ne pas le perdre. Il y en a peut-être beaucoup aujourd'hui mais, comme vous le dites, la Norvège arrive, tout comme d'autres pays. Il n'y aura peut-être plus de poisson un jour.
Le Nunavut pourrait avoir une autre usine de transformation, n'est-ce pas?
M. Joamie: Tout le travail se fait en dehors du Nunavut.
Le sénateur Mahovlich: Tout le poisson est envoyé à l'extérieur, sauf celui qui va à la seule usine que vous ayez, n'est- ce pas?
M. Joamie: Oui, une seule usine. D'autre part, elle ne tourne pas à pleine capacité.
Le sénateur Mahovlich: Vous dites qu'il pourrait y avoir trois autres usines de transformation ou plus au Nunavut.
M. Joamie: Nous devons profiter des ressources que nous avons dans notre territoire.
Le sénateur Mahovlich: Vous y avez droit.
M. Joamie: Ce mot «droit» est très important. C'est exactement cela. Nous y avons droit mais nous sommes laissés pour compte. J'ai travaillé sur un palangrier et le reste de l'équipage venait de Norvège.
Il est vrai que nous devons gérer les pêches afin de conserver le poisson, de ne pas épuiser les ressources comme ailleurs.
Le sénateur Mahovlich: Vous nous dites que la structure fait défaut. Que ce n'est pas bien géré.
M. Joamie: Il n'y a pas d'infrastructure qui puisse profiter à la population. Une restructuration s'impose.
Le président: Je demanderais aux membres du comité de rester quelques minutes.
Merci, monsieur Joamie. Vous avez été un témoin très impressionnant. Vous avez certainement capté l'intérêt et l'imagination du comité. Comme vous voyez, nous avons bien dépassé l'heure que nous avions prévue ce soir. Nous vous remercions de votre franchise et apprécions vos connaissances approfondies de la pêche, en particulier dans votre région. Vous nous avez beaucoup aidés.
Je suis sûr que nous nous entretiendrons à nouveau. À ce sujet, je me demandais si vous nous permettriez de vous appeler si nous avons des questions auxquelles nous ne pouvons répondre. Merci beaucoup, monsieur.
Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que la semaine dernière, nous avons demandé à notre greffier de préparer un projet de budget pour la fin de cette étude de l'habitat nordique. Nous avons ce budget. J'ai l'impression qu'il est tout à fait modeste. Si vous voulez bien, j'aimerais que quelqu'un en propose l'adoption. Y a-t-il des questions à poser au greffier?
Le sénateur Cook: Je le propose.
Le président: Il semble que nous ayons un consensus.
Je ferai rapport du budget en votre nom. Nous devrions terminer cette étude à la fin mars.
Merci beaucoup de cette soirée très intéressante, agréable et utile.
La séance est levée.