Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 3 mars 2004
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le projet de loi C-6, concernant la procréation assistée et la recherche connexe, qui lui a été renvoyé.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous entendrons aujourd'hui d'autres témoignages sur le projet de loi C-6, concernant la procréation assistée et la recherche connexe.
Nous recevons ce matin trois groupes de témoins. Le premier représente le Commissariat à la protection de la vie privée, et nous entendrons tout d'abord Mme Jennifer Stoddart, la nouvelle commissaire à la protection de la vie privée.
Nous vous félicitons pour votre nomination à ce poste. Nous avons eu des échanges avec certains de vos prédécesseurs au fil des ans et nous sommes ravis d'avoir l'occasion de vous entendre aujourd'hui. Vous avez la parole, madame.
Mme Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada: Honorables sénateurs, nous sommes heureux d'être ici ce matin. Comme le président l'a signalé, c'est la première fois que je témoigne devant votre comité depuis nos entretiens dans le cadre du processus de ratification. J'en profite donc pour vous remercier de votre appui.
[Français]
Je vous remercie de la confiance que vous m'avez accordée en approuvant ma nomination à ce poste. Je ferai de mon mieux pour bien remplir les devoirs liés à ma fonction.
Je suis accompagnée, ce matin, par un conseiller senior en politique expert en la matière, M. Carman Baggaley.
Je prendrai quelques minutes pour vous informer de la position du Bureau du commissaire à la vie privée et ensuite, il me fera plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
Je voudrais tout d'abord vous remercier, honorables sénateurs, de m'avoir invitée à commenter cet important projet de loi de nature hautement délicate qui vise, après bien des années de débat, à régler plusieurs questions liées à l'utilisation des techniques de procréation assistée.
Comparaissant devant vous aujourd'hui, je connais très bien la longue histoire de ce projet de loi et l'ampleur des discussions et des consultations qui l'ont modelé. Le projet de loi sur la procréation assistée pose des défis difficiles d'ordre juridique, moral, médical et éthique. Vu la nature extrêmement délicate des aspects abordés, il ne fait pas s'étonner de la vive opposition des Canadiens au projet de loi.
Je sais pertinemment que votre comité a entendu plusieurs témoins éminents qui ont soulevé des préoccupations incompatibles, quoique valables, à propos de beaucoup de dispositions du projet de loi. Le sujet est complexe, tout comme le projet de loi C-6. Une partie de la complexité et une partie de la controverse entourant le projet de loi concernent l'exercice, par le gouvernement fédéral, de ses pouvoirs en matière pénale pour interdire et réglementer certaines technologies de reproduction. Mais c'est un des enjeux difficiles, auquel doit s'attaquer votre comité, et qui n'est pas de notre ressort.
[Français]
Pour commencer, j'aimerais préciser où notre expertise et notre mandat entrent en jeu. Règle générale, plusieurs aspects du projet de loi sont touchés par des problèmes de protection de la vie privée. La Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques régissent la protection des renseignements personnels dans le secteur fédéral. Nos observations au sujet du projet de loi visent donc uniquement les dispositions sur la protection des renseignements personnels recueillis dans le cadre du processus de procréation assistée, et sur le mécanisme de surveillance connexe.
Aux termes du projet de loi, les cliniques, les médecins et les établissements autorisés dispensant des services de procréation seraient tenus de recueillir «des renseignements médicaux» de nature très délicate et de les communiquer à l'éventuelle Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée, qui relèvera du ministre de la Santé. Ces renseignements concerneront les personnes faisant don de matériel reproductif humain, les personnes ayant recours à des techniques de procréation et, indirectement, la progéniture qui en découlera.
Si les donneurs et les personnes ayant recours aux techniques de procréation ne sont pas convaincus que ces renseignements médicaux sont suffisamment protégés, il est presque certain qu'ils ne collaboreront pas. Je ne crois pas exagérer en disant que le succès du mécanisme dépendra des politiques et des procédures qui seront instaurées pour protéger ces renseignements.
[Traduction]
Globalement, nous sommes d'accord avec les mesures proposées, en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Le projet de loi impose certaines responsabilités à l'Agence de contrôle de la procréation assistée. La mise sur pied de cet organisme autonome chargé de surveiller les établissements autorisés et de détenir les renseignements médicaux est un bon premier pas, car le volet «renseignements» est séparé des autres responsabilités de Santé Canada.
Le projet de loi comporte des dispositions précises sur la protection des renseignements personnels, soit les articles 14 à 19. Ainsi, les titulaires d'une autorisation sont tenus d'informer les personnes de la façon dont les renseignements les concernant seront utilisés, dans quelles circonstances ils seront communiqués et comment ils seront protégés. Il faut obtenir le consentement écrit, sauf dans des cas de divulgation prévus par la loi. Le projet de loi prévoit des droits d'accès et de correction et comporte des dispositions sur la destruction des renseignements personnels. Il exige, en outre, des titulaires d'une autorisation qu'ils informent par écrit les personnes de ces exigences. Dans l'ensemble, nous croyons que ce sont de bonnes dispositions en ce qui concerne la protection des renseignements personnels et, partant, de la vie privée.
[Français]
Nous avons soigneusement examiné la loi sur le plan de la surveillance. Nous sommes persuadés que l'Agence de contrôle de procréation assistée sera assujettie à la Loi sur la protection des renseignements personnels et, par conséquent, à la supervision du Commissariat à la protection de la vie privée à qui incombera également, en vertu de cette loi, la surveillance de la collecte, de l'utilisation et de la communication des renseignements personnels par les établissements autorisés engagés dans les activités commerciales, sauf dans les provinces qui ont adopté une loi essentiellement similaire. Il n'y a que le Québec qui a adopté une loi reconnue comme étant essentiellement similaire. Par ailleurs, les lois provinciales concernant la protection des renseignements médicaux, lorsqu'elles existent, offriront une mesure de protection supplémentaire.
En apparence, les principes liés à la protection des renseignements personnels qui sont exposés dans le projet de loi C-6 semblent suffisants. Pour Santé Canada, l'Agence et les établissements autorisés, le défi consistera à les mettre en pratique.
Plus particulièrement, il sera absolument crucial que les établissements autorisés expliquent clairement aux personnes comment leurs renseignements personnels seront utilisés et à quel moment, à qui ils seront communiqués, comment ils seront protégés et comment déposer une plainte si ces personnes estiment que leurs droits à la protection de la vie privé ont été enfreints. L'Agence devra posséder l'expertise nécessaire pour voir si les titulaires d'une autorisation respectent les exigences de la loi.
[Traduction]
Je voudrais souligner à ce moment-ci deux questions de fond. Premièrement, devrait-on divulguer le nom du donneur du matériel reproductif humain, sans son consentement, à la personne issue de ces techniques? Deuxièmement, qu'en est-il du pouvoir de réglementation? Parlons d'abord de l'identité du donneur.
Notre droit à la protection de la vie privée comporte de multiples facettes et repose sur la tradition, les normes sociales, la loi et les conventions internationales, pour n'en citer que quelques-unes. La notion de consentement est au coeur de la protection de la vie privée. En exerçant notre droit d'accorder ou de refuser notre consentement, nous pouvons tenter de contrôler qui a accès aux renseignements nous concernant et à quelles fins.
Nous avons aussi un droit restreint d'accéder à des renseignements à notre sujet. Ce droit fait même partie de nos droits en tant que citoyens. Tout récemment, des lois comme la LPRPDE nous ont conféré le droit d'obtenir des renseignements sur nous que détiennent des organisations du secteur privé. Dans ces domaines, nous avons reconnu le droit d'obtenir des renseignements à notre sujet et nous l'avons enchâssé dans les principes de traitement équitable de l'information.
Toutefois, ce droit n'est pas universel. Dans d'autres aspects de notre vie, nous ne pouvons obliger des organisations ou des personnes à nous transmettre ces renseignements. À notre avis, cette loi parvient à bien équilibrer cette question épineuse.
[Français]
À notre avis, cette loi parvient à bien équilibrer cette question épineuse. Nous croyons que les donneurs devraient avoir le droit de contrôler l'accès à leur identité, sauf dans des cas précis où la santé et la sécurité sont en jeu. En négligeant ce principe fondamental de la protection des renseignements personnels, on risque de dissuader les gens de faire don de matériel reproductif humain, car ceux-ci craindraient de se trouver financièrement responsables des enfants qui seraient issues de ce processus. En outre, cela est conforme aux normes en matière d'adoption au Canada selon lesquelles il faut obtenir le consentement des parents biologiques avant de pouvoir dévoiler leurs noms.
Même sans connaître l'identité du donneur, la progéniture peut obtenir beaucoup de renseignements médicaux importants sur le donneur, comme en fait état le paragraphe 18(3). L'éventail est grand, allant des antécédents médicaux jusqu'à la couleur des yeux. De plus, le projet de loi n'empêche pas les personnes ainsi conçues de connaître un jour l'identité du donneur. Simplement, il faut obtenir le consentement de celui-ci.
[Traduction]
Passons au deuxième point: le pouvoir de réglementation. Le paragraphe 65(1) confère au gouverneur en conseil le pouvoir d'établir des règlements d'application concernant plusieurs questions, dont certaines touchant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements médicaux. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le succès de ce mécanisme dépendra de la façon dont Santé Canada et l'agence le mettront en oeuvre. Bon nombre des détails quant au fonctionnement de l'agence, seront exposés dans les règlements.
Cependant, le projet de loi C-6 rend le processus de réglementation habituel plus transparent et ouvert. L'article 66 exige que tout projet de règlement soit déposé devant la Chambre et le Sénat pour y être examiné en profondeur et, lorsque toute recommandation issue de l'examen par le Parlement n'est pas intégrée à un règlement, le ministre de la Santé est tenu de fournir une déclaration motivée à cet égard.
Nous sommes entièrement en faveur de cette disposition, car elle confère un pouvoir de réglementation étendu tout en respectant le pouvoir du Parlement. C'est un excellent modèle que nous aimerions voir adopter dans toute loi où entre en compte la protection des renseignements personnels.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes observations, mesdames et messieurs les sénateurs.
[Français]
Je vous remercie beaucoup, honorables sénateurs, de m'avoir donné l'occasion de vous faire part des observations du commissariat. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Morin: Madame Stoddart, vous avez fait une analyse très détaillée de ce projet de loi. Vous avez trouvé exactement les points les plus critiques de ce projet de loi, qui ont été soulevés par de nombreux témoins qui ont comparu devant nous. Vous avez apporté des réponses à ces inquiétudes.
[Traduction]
Je n'ai qu'une question à vous poser, madame Stoddart. À votre avis, ce projet de loi suscite-t-il des préoccupations particulières en matière de protection des renseignements personnels auxquelles d'autres organismes gouvernementaux n'auraient pas à faire face?
Mme Stoddart: Y a-t-il des problèmes particuliers à ce projet de loi?
Le sénateur Morin: Y a-t-il des questions relatives à la protection de la vie privée qui sont soulevées par ce projet de loi, mais auxquelles aucun autre organisme qui traite de la protection des renseignements personnels n'a eu à faire face?
Mme Stoddart: Pour autant que je sache — et vous comprendrez que j'occupe ce poste depuis peu — aucun autre organisme gouvernemental ne traite d'informations aussi délicates et personnelles. Je crois savoir qu'aucune information aussi personnelle n'est habituellement visée par un règlement ou une loi du gouvernement fédéral. Il s'agit de renseignements médicaux, de renseignements d'une nature fondamentale. Cette situation est donc unique, à mon sens, puisqu'il faut trouver le juste équilibre entre les intérêts de tous et le droit à la protection des renseignements personnels.
Le sénateur LeBreton: À notre dernière séance, nous avons entendu le témoignage de nombreux enfants issus de donneurs. On a soulevé bien sûr la question de l'identité et certains de ces témoins n'avaient aucune information — médicale ou autre — sur le donneur. Dans vos remarques, vous avez déclaré que nous avons un droit restreint d'accéder à des renseignements à notre sujet. Vous dites aussi que même sans connaître l'identité du donneur, la progéniture peut obtenir beaucoup de renseignements médicaux, notamment la couleur des yeux.
Selon vous, ce projet de loi apaise-t-il les craintes des témoins que nous avons entendus et fait-il en sorte que, à l'avenir, les enfants de donneurs puissent avoir accès à leurs antécédents, médicaux ou autres? Estimez-vous que l'on a su répondre à ces préoccupations dans ce projet de loi?
Mme Stoddart: Oui. Comme je suis nouvelle dans ce poste, je n'ai pas, contrairement aux membres de mon personnel, plusieurs années d'expérience de ces questions avec Santé Canada. J'ai été frappée par la façon nouvelle avec laquelle on a essayé de trouver un juste milieu pour composer avec le véritable problème. Comme nous en arrivons à connaître de mieux en mieux les origines génétiques de bien des aspects de la vie humaine, et qu'ainsi nous connaissons aussi mieux notre hérédité, on s'efforce d'offrir à tous ceux qui donnent du matériel reproductif la confidentialité nécessaire lorsque c'est cela qu'ils souhaitent. Jusqu'à présent, notre société a considéré tout cela comme tout ou rien. J'ai personnellement connu de véritables cas de souffrance humaine et je crois que nous sommes tous sensibles aux genres de souffrances que ces cas produisent de part et d'autre.
En proposant ce texte de loi, nous essayons de façon satisfaisante et novatrice à la fois de dire oui, les questions de santé et de sécurité sont une chose. L'importance qu'il y a de connaître l'origine de son patrimoine génétique est ainsi reconnue. Mais d'autre part, il y a un impératif de confidentialité si c'est cela que demandent tous ceux qui ont fait don d'un matériel de reproduction. Le Commissariat à la protection de la vie privée estime qu'ainsi, le juste milieu est respecté.
[Français]
Le sénateur Chaput: En cas de conflit, qui aurait préséance? Est-ce que ce serait les donneurs, qui ont droit à la protection de leurs renseignements personnels, ou les descendants qui aimeraient connaître leur bagage génétique?
Mme Stoddart: Si je comprends bien la loi, l'article 18(3) dit que l'Agence, sur demande, peut communiquer des renseignements médicaux sur le donneur aux personnes ayant recours à une technique de procréation assistée ou aux personnes issues d'une telle technique et à leurs descendants. Cependant, il y a une limite à ce qu'ils peuvent communiquer comme renseignements puisque certains de ces renseignements peuvent dévoiler l'identité du donneur lui-même. Mais on peut communiquer l'identité du donneur si ce dernier consent à cette divulgation. Au risque de me répéter — mais c'est un point très important —, on trouve là un bon équilibre entre les besoins médicaux, sociaux et génétiques, avec l'évolution de la science d'une part et, d'autre part, le contrôle qu'auraient les gens qui font don de leur matériel reproductif dans le système.
Le sénateur Pépin: Est-ce que la loi, telle qu'elle sera libellée, garantira suffisamment que les renseignements donnés ne serviront pas à d'autres fins, c'est-à-dire que ni Santé Canada, encore moins les autorités nationales, auront les moyens d'aller chercher ces renseignements à l'Agence? Est-ce que la loi telle qu'elle est faite assurera que les renseignements que l'Agence possède resteront à l'Agence?
Mme Stoddart: Cette question est très importante. Je voudrais souligner aux membres du Sénat que les dispositions — que nous croyons exceptionnelles dans l'histoire législative canadienne — existent afin de s'assurer que les renseignements personnels, effectivement, ne sortent pas.
Je vous réfère à l'article 19 de la loi, dans lequel on réglemente très clairement l'information que l'Agence peut rendre publique, en prenant soin de spécifier exactement quelle est cette information, ce qui clarifie le fait que l'on ne doit pas laisser sortir les renseignements personnels compilés de façon à ce qu'ils puissent révéler l'identité de quelqu'un. Dans cet article, on parle des agrégats, ce qui serait nécessaire pour les recherches scientifiques. Ces agrégats donneraient des tendances générales, ne permettraient pas de faire un lien avec une personne ou des personnes spécifiques.
Je vous réfère aux dispositions particulières qui entourent la création de l'Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée. Les dispositions sont très soigneusement rédigées pour être certain que l'Agence est à distance du gouvernement, qu'elle est transparente, que sa gestion est la plus rigoureuse possible et qu'elle est conforme au règlement. Nous voyons dans cette législation une disposition très importante qui devrait être répétée dans d'autres types de législation traitant de la protection des renseignements personnels.
Les règlements qui vont détailler les procédés exacts et le fonctionnement dans le détail de cette Agence feront l'objet d'un débat, à la Chambre des communes et au Sénat. Si le gouvernement ne retient pas votre avis, il doit justifier pourquoi. C'est une procédure extraordinaire, pour s'assurer non seulement qu'il y a un consensus lorsque c'est possible, mais que la protection des renseignements personnels est respectée.
Je termine en réitérant ma confiance que la protection des renseignements personnels est adéquate. Le Commissariat à las protection de la vie privée a compétence pour surveiller la gestion de l'Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée. Elle ferait partie des organismes sur lesquels nous pouvons faire des évaluations d'impact sur la vie privée ou des vérifications au besoin, sur lesquelles les gens pourraient faire des plaintes à notre bureau en cas de craintes d'infractions à la protection de leurs renseignements personnels.
[Traduction]
Le président: Le projet de loi dit que la réglementation d'application doit être déposée auprès des comités des deux Chambres. Le ministère de la Santé a-t-il élaboré seul le texte de ces règlements? Y participez-vous? Va-t-on vous demander de participer à ce travail d'élaboration ou va-t-on plutôt vous consulter après coup, lorsque les textes auront été arrêtés?
Mme Stoddart: M. Baggaley, mon conseiller principal en matière de politiques, me signale que même si nous travaillons de concert avec Santé Canada dans un bon nombre de dossiers concernant la protection de la vie privée, jusqu'à présent, nous n'avons jamais participé à la rédaction proprement dite d'une réglementation devant être soumise à la Chambre.
Le président: Mais je ne pense pas que le processus proprement dit ait déjà commencé. Je voulais simplement faire valoir que peut-être pourrions-nous vous aider en faisant pression auprès du ministère afin qu'il vous demande d'intervenir au début plutôt qu'après la fin du processus.
Le sénateur Pearson: Je ne suis normalement pas membre du comité. En effet, je siège généralement à un autre comité qui, à mon grand regret, siège au même moment, et j'aurais bien aimé pouvoir suivre toute cette discussion. Je n'ai pas pu le faire en raison de ce conflit d'horaire.
Vous ne serez peut-être pas étonnée d'apprendre que les intérêts de l'enfant qui sera issu de ces méthodes, quelque chose de merveilleux, piquent ma curiosité. Il est toujours merveilleux de voir naître un enfant, là n'est pas la question. Ce qui m'intéresse, c'est l'évolution du savoir scientifique et aussi le fait qu'on peut donner du sperme à 18 ou 20 ans, peu importe l'âge minimum nécessaire. Mais peut-être le donneur découvrira-t-il, à 35 ou à 40 ans, qu'il a en fait une maladie génétique qu'il ignorait. Personne n'aurait pu le savoir au moment où il a fait le don de son sperme parce que les analyses et la technologie n'existaient pas à ce moment-là. Pensez-vous qu'il devrait y avoir, dans la réglementation concernant la protection de la vie privée, quelque chose qui dise que le donneur a l'obligation de signaler cela à l'agence compétente, par exemple, afin que ce renseignement soit conservé? À ce moment-là, l'enfant ou les enfants issus de ce don de sperme auraient au moins la possibilité de découvrir qu'eux aussi courent ce risque.
Mme Stoddart: Merci pour votre question. Il ne s'agit pas d'une question qui m'ait vraiment interpellée jusqu'à présent, pas plus que mes collaborateurs d'ailleurs. Mais il s'agit néanmoins d'une question très importante du point de vue éthique, moral et scientifique. Et si vous me permettez quelques instants de réflexion, je vais vous dire ce que j'en pense personnellement.
Je pense que dans l'intérêt de la moralité publique, et pour favoriser une société canadienne largement fondée sur des valeurs humaines éthiques et morales que nous partageons tous, nous devrions encourager les personnes qui apprennent qu'elles sont atteintes d'un désordre génétique qu'elles ignoraient auparavant à en faire rapport à l'agence. Toutefois, sauf votre respect, il me semble prématuré d'obliger les gens à le faire en vertu d'un règlement, car, que je sache, nous ne pouvons pas obliger les citoyens qui apprennent, dans le secret du cabinet de leur médecin, qu'ils sont atteints d'un désordre génétique à en informer leurs enfants. Il est difficile de définir exactement à qui nous devrons signaler de nombreuses conditions humaines. Par conséquent, je pense que ce ne serait pas une bonne idée d'obliger les gens à le faire maintenant.
Toutefois, nous devrions encourager les gens à réfléchir à l'effet que leur propre santé peut avoir sur la santé des autres. Grâce aux avancées de la génétique, nous savons maintenant à quel point nous sommes tous liés les uns aux autres et nous avons donc le devoir moral de divulguer tout état qui pourrait avoir un effet sur l'état de santé d'autrui.
C'est ainsi que j'aborderais cette question.
Le sénateur Pearson: C'est une réponse très sage.
Je suppose qu'on admet que les nombreux tests auxquels le donneur doit se soumettre avant qu'on accepte son don ne permettront pas de dépister certaines maladies. Par exemple, je crois savoir qu'il faut six mois avant que le VIH soit décelable par un test. Est-ce qu'on envisage des dispositions dans la réglementation pour s'assurer que cette information soit rapidement communiquée aux parents? Peut-être que le premier test sera suffisant. Ce que vous avez dit me plaît, car je crois qu'il s'agit d'une obligation morale et il me plaît de croire que les personnes qui sont prêtes à faire un don le font pour des raisons altruistes et devraient donc pouvoir comprendre. Est-ce qu'on pourrait traiter cette question par voie de counselling ou quelque chose du genre?
Mme Stoddart: Il me semble qu'il y a une disposition du projet de loi qui autorise l'agence à divulguer des renseignements qui ne permettent pas d'identifier le donneur et qui pourraient avoir un effet sur la santé et la sécurité des personnes qui ont eu recours à une méthode de procréation assistée. Je crois savoir que l'agence a une certaine obligation lorsqu'elle est informée de circonstances comme celles que vous venez de décrire. Le paragraphe 18(7) se lit comme suit:
L'Agence peut communiquer l'identité d'un donneur à un médecin si elle l'estime nécessaire pour contrer tout risque pour la santé ou la sécurité d'une personne ayant eu recours à une technique de procréation assistée, d'une personne issue d'une telle technique ou d'un descendant d'une telle personne. Le médecin ne peut pas communiquer cette identité.
Cette disposition traite directement des questions de santé et de sécurité d'une manière à ne pas divulguer l'identité du donneur.
Le sénateur Pearson: Pour moi, l'important, ce n'est pas l'identité du donneur, mais plutôt que l'information soit transmise.
Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente: La semaine dernière, sénateur Pearson, nous avons entendu des témoignages sur la sécurité et le dépistage. Je veillerai à ce que vous les receviez.
Le sénateur Roche: Madame Stoddart, je ne voudrais pas que vous pensiez que j'ai déjà la réponse à ma question et que j'essaye de vous la suggérer. Je ne connais vraiment pas les réponses et je ne sais pas si vous allez vouloir réfléchir à haute voix. Cependant, j'aimerais vraiment savoir ce que vous pensez du droit à la vie privée dans le contexte que je vais vous décrire.
Vous nous avez dit qu'à votre avis ce projet de loi est équilibré en ce qui concerne la protection de la vie privée du donneur et la protection du droit de l'enfant à connaître l'information génétique qui le concerne. Vous avez probablement raison en ce qui concerne les objectifs de ce projet de loi et c'est certainement une amélioration par rapport au statu quo. J'admets tout cela.
Cela étant dit, je m'inquiète de ce qui me semble être le droit de l'enfant d'avoir plus que de l'information génétique. Je crois qu'à ma naissance j'avais le droit de savoir qui était mon père. Je crois que depuis les lointains débuts de la civilisation humaine tout enfant a le droit de savoir qui sont ses parents biologiques. Dans le monde où nous vivons, les technologies modernes peuvent escamoter ce droit.
Le droit à la protection de la vie privée est-il un droit inaliénable? Ou y a-t-il des cas où il peut perdre son caractère fondamental et inaliénable? Si ce don aboutit à la création d'un enfant, le donneur a-t-il un droit inaliénable à l'anonymat? L'enfant a-t-il le droit de savoir qui est son père?
Je ne vois pas comment mieux exprimer ce dilemme et j'accepterai volontiers la réponse qui vous semblera convenable, mais pour moi c'est une question de protection de la vie privée. J'aimerais beaucoup que vous m'éclairiez.
Mme Stoddart: Ce dilemme est à la base de la multiplicité de questions morales complexes que soulève ce projet de loi, questions sur lesquelles nous ne ferons pas de commentaires — du moins la majorité d'entre elles — parce qu'elles ne relèvent pas de notre compétence. Cependant, nous avons examiné celles qui concernent la protection de la vie privée.
Si j'estime que ce projet de loi fait la part des choses, d'une manière équilibrée, entre différents droits inhérents à la protection de la vie privée, c'est parce que la protection de la vie privée est une valeur et un droit que nous partageons toutes et tous avec d'autres droits dans des contextes différents et dans des circonstances différentes. Nous négocions tous notre propre sens de vie privée personnelle au quotidien, dans des contextes différents et à des fins différentes.
Il n'y a pas de définition absolue de la vie privée. La définition de la vie privée dépend énormément du contexte, des personnes et des circonstances avec lesquelles l'intéressé interagit et la destination ou l'utilisation des informations divulguées. Je pense immédiatement aux dossiers judiciaires que nous n'hésitions pas à publier il y a une génération. Aujourd'hui, nous devons réfléchir à deux fois à la publication de ces dossiers, élément inhérent à notre tradition juridique, à cause de l'Internet et de ses capacités de dissémination. Dans notre monde hautement technologique, la définition de ce qu'on entend par vie privée ne cesse d'évoluer.
Vous vous demandez si ce n'est pas un droit dont ont toujours joui les membres de l'espèce humaine. Permettez-moi de vous dire, avec le plus grand respect, que c'est aujourd'hui un rêve qui est devenu réalité pour les membres de la génération actuelle grâce à l'évolution de la connaissance scientifique de l'ADN. Autrefois, que je sache, il était techniquement impossible de savoir qui étaient vos parents biologiques.
Les sociétés ont donc, dans leur sagesse — et je me réfère ici au Code civil du Québec — dans l'intérêt de la stabilité sociale, de l'harmonie familiale, de l'uniformité des règles, et cetera, décrété que le mari est réputé être le père de l'enfant de sa femme. C'est comme cela que nos sociétés, comme nous ne pouvions être absolument certains de notre patrimoine biologique, ont réglé le problème. Aujourd'hui, nous avons la possibilité scientifique de le faire, ce qui nous pose de nouveaux dilemmes.
Pour résoudre ces dilemmes, il est judicieux — certainement à cette étape de l'évolution de notre société qui fait face à de nouvelles règles morales imposées par le gigantisme de nos connaissances scientifiques et aux changements qu'elles entraînent au niveau du comportement humain, des structures familiales, des responsabilités juridiques, et cetera — de faire la part des choses entre nos différents droits et d'essayer de ne pas prendre des décisions irrévocables qui font pencher la balance dans un sens plus que dans l'autre.
Mon bureau et moi-même estimons que cette loi novatrice est une tentative courageuse du gouvernement canadien de législation d'une activité qui, dans d'autres sociétés, est laissée au bon vouloir capricieux des forces du marché. Étant donné l'importance conférée par le gouvernement canadien et par les Canadiens à la Charte des droits, et compte tenu de toutes les polémiques susceptibles d'être créées par cette loi, dire: «Nous, Canadiens, prenons cette décision dans le contexte des valeurs que nous considérons importantes», est une tentative généreuse et valeureuse.
Pour répondre à votre question, plutôt que dire: «C'est un droit absolu comme les autres», notre position est que nous reconnaissons le droit aux informations qui peuvent avoir une incidence sur notre santé et notre sécurité, mais que nous reconnaissons aussi le droit des donneurs à préserver leur vie privée s'ils ne consentent pas à ce que leur identité soit révélée.
Le sénateur Roche: Croyez-vous que les cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité devraient présenter aux donneurs de façon plus directe l'option de communiquer des renseignements à leur sujet? D'après certains témoignages, la plupart des donneurs, s'ils avaient eu l'occasion d'y réfléchir, autoriseraient la communication de renseignements. L'une des raisons que vous invoquez pour ne pas imposer cette mesure, c'est le risque de responsabilité financière que pourrait courir le donneur. Je suppose que c'est un facteur dont il faut tenir compte. Cependant, j'aimerais savoir si les cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité ne devraient pas présenter, sinon encourager, de façon plus directe l'option de communication afin que le donneur puisse y réfléchir dès le départ.
Mme Stoddart: Honorables sénateurs, il m'est difficile de répondre directement à cette question parce qu'il est trop tôt dans le cadre du processus pour établir ce que devraient faire ou ne pas faire des cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité. Toute une série d'aspects seront traités par voie de règlement. Ces règlements feront l'objet de vastes discussions et vous seront soumis.
Je constate également, et nous en avons d'ailleurs pris connaissance avec intérêt, que le projet de loi prévoit des services de consultation obligatoires. Je suppose que dans le cadre de ce processus de consultation, des renseignements complets seront fournis aux intéressés au sujet de leurs options et des conséquences de leurs options, dans la mesure où ceux qui dispensent les services de consultation à ce moment-là disposent de ces renseignements. C'est un aspect que nous devrons examiner au fur et à mesure du déroulement du processus.
Un important aspect du droit à la protection de la vie privée est la notion de consentement: est-ce que je consens à ce que l'on communique des renseignements à mon sujet, en sachant toutes les incidences du consentement que je m'apprête à donner? Votre question soulève la notion de consentement informé prévue par le projet de loi et l'importance, comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, de suivre l'application de cette loi, d'en suivre l'administration et de s'assurer que les intéressés disposent des renseignements voulus quant à l'ensemble des options à leur disposition avant de prendre des décisions importantes et souvent irrévocables.
Le sénateur Cordy: Lorsqu'on élabore des lois, il est toujours agréable d'apprendre qu'on a réussi à établir un certain équilibre. C'est une difficulté constante. Comme vous l'avez également dit, certains considèrent que les dispositions du projet de loi laissent à désirer tandis que d'autres qui ont comparu devant nous ont déclaré à propos des mêmes dispositions: «Mais elles représentent le meilleur aspect du projet de loi». En fait, nous semblons toujours essayer d'établir l'équilibre approprié.
En réponse à quelques questions, et dans votre présentation, vous avez indiqué à quel point il est indispensable que les installations autorisées présentent de façon efficace les renseignements personnels aux intéressés. Le projet de loi parle aussi de services de consultation. La communication de ces renseignements, conjuguée aux services de consultation, devrait-elle être faite par les cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité ou de façon indépendante des cliniques?
Mme Stoddart: C'est une question intéressante, honorable sénateur. Ce n'est pas une question à laquelle j'ai réfléchi.
Idéalement, il faudrait que les services de consultation, les conseils et par conséquent le type de renseignements qui est fourni soient le plus objectifs possible. Je ne m'y connais pas suffisamment dans ce domaine pour déterminer si les cliniques sont suffisamment objectives dans le cadre du processus et donc les mieux indiquées pour fournir des services de consultation. Elles pourraient être légalement responsables de fournir des services de consultation, mais elles pourraient engager, par exemple, des professionnels indépendants reconnus pour leurs compétences dans ce domaine. Différents arrangements seraient donc possibles.
Il serait préférable qu'il s'agisse de services de consultation indépendants n'ayant aucun autre intérêt dans le processus. Comme je l'ai dit, il existe de nombreuses façons de procéder. C'est un aspect important.
Le président: J'aimerais profiter de votre présence ici pour vous poser une question qui n'a pas trait au projet de loi C-6. L'un des risques de comparaître devant un comité sénatorial, c'est la grande liberté avec laquelle nous parlons à certains de nos témoins. Vous ignorez probablement la réponse à cette question, mais vous pourriez peut-être nous la fournir plus tard.
Il y a trois ou quatre ans, lorsque notre comité a étudié la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la divergence était considérable entre nous et le gouvernement pour ce qui est de la façon de traiter l'information en matière de santé ou, plus correctement, de ne pas en tenir compte. Nous avons donc amendé le projet de loi. Et je crois employer l'expression juste en disant que notre amendement a été accepté à contrecoeur par la Chambres des communes. La mesure est maintenant en vigueur. À un moment donné, nous aimerions connaître la réaction de votre bureau aux modalités de mise en oeuvre de la loi en question pour ce qui est de l'information concernant la santé en général et, plus particulièrement, la position actuelle ou future de votre bureau au sujet du dossier électronique du patient. Dans son rapport sur la santé et par diverses autres initiatives, notre comité a très fortement préconisé l'utilisation du dossier électronique du patient comme moyen d'améliorer la prestation des services de soins de santé, tout particulièrement dans les régions éloignées, et de rendre le régime canadien de soins de santé nettement plus efficace. Votre prédécesseur s'opposait fermement au dossier électronique du patient. Nous avons eu avec lui des discussions passablement acrimonieuses sur cette question, à plus d'une reprise. Ainsi, à un moment donné, lorsque vous serez à l'aise dans votre nouveau travail, nous voudrions vous revoir pour aborder cette question avec vous.
Il est incontestable que le respect de la vie privée est primordial. Il est tout aussi vrai cependant que la mise au point d'une forme quelconque de dossier électronique du patient est cruciale pour la viabilité financière à terme du régime de soins de santé. Il s'agit de voir comment équilibrer les deux aspects. Je vous propose donc de vous pencher sur la question au cours des prochains mois et de nous revenir, au début de l'autonome peut-être, nous en parler. Voilà qui nous serait utile. Nous avons eu des démêlés avec votre bureau à ce sujet par le passé. Nous n'avons certainement pas l'intention de lâcher prise. J'espère que nous pourrons en arriver à un compromis raisonnable.
Il s'agissait là d'une déclaration plutôt que d'une question. Comme vous pouvez le constater, les membres de notre comité s'expriment sans élever la voix.
Le sénateur Morin: Le président a eu raison de soulever cette question, étant donné qu'elle nous préoccupe.
Au sujet de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques, deux enjeux particuliers distincts auxquels vous pourriez vous intéresser me viennent à l'esprit. D'une part, il y a la question de la recherche visant le régime de prestation des soins de santé et l'utilisation possible des renseignements personnels à cet égard. D'autre part, il y a la question de l'administration du système. C'était là deux enjeux distincts, vous vous en souviendrez.
Nous avons constaté de très bons progrès pour ce qui est de la recherche liée à l'administration du régime de prestation de soins de santé. Pour ce qui est du processus cependant, les progrès ont été moins importants. Je vous prierais donc, madame Stoddart, de vous pencher sur ces deux aspects.
Le président: Je vous remercie de nous avoir laissé prendre certaines libertés par rapport à votre comparution de ce matin. Et je vous remercie d'avoir comparu.
Mme Stoddart: J'ai noté vos demandes.
Pour rassurer ceux qui pourraient craindre des conflits dans l'avenir, je vous dirai que je ne suis pas contre le dossier électronique du patient. Il me semble que nous devons profiter de la technologie, tout en veillant à ce que la technologie ne menace pas notre droit à la vie privée.
Le président: Nous sommes tout à fait de cet avis. Il nous faut votre contribution pour ce qui est du deuxième aspect.
Mme Stoddart: Votre matinée est chargée. J'ai noté vos questions et je me ferai un plaisir de revenir en discuter avec vous à une date ultérieure.
Le président: Honorables sénateurs, notre prochain groupe de témoins est composé de six représentants d'organisations qui se définissent en fonction d'une maladie, et je le dis sans aucune connotation péjorative. Je vous prie de vous avancer.
Merci à vous tous d'être ici. C'est Mme Deanna Groetzinger qui prendra tout d'abord la parole.
Mme Deanna Groetzinger, vice-présidente, Communications, Société canadienne de la sclérose en plaques: Bonjour. À titre de représentante de la Société canadienne de la sclérose en plaques, je suis heureuse d'avoir l'occasion de faire valoir notre point de vue concernant la mesure législative visant à encadrer la procréation humaine assistée. Deux experts sont ici avec moi aujourd'hui. J'espère que vous profiterez de leur présence au cours de la période de questions et réponses. Il s'agit dans un cas de John Chafe. Il vit avec la maladie depuis neuf ans. Il participe à un traitement expérimental innovateur qui consiste à transplanter dans son organisme ses propres cellules souches de moelle osseuse afin de mettre un terme aux effets dévastateurs de la SP.
L'autre expert est le Dr Harold Atkins, l'un des principaux chercheurs de l'étude sur la transplantation de moelle osseuse. Il exerce à l'Hôpital d'Ottawa, au campus général.
Nous allons limiter aujourd'hui notre intervention aux parties du projet de loi C-6 qui concernent le potentiel de recherche, la possibilité d'utiliser les progrès scientifiques pour traiter et peut-être guérir la sclérose en plaques, une maladie trop souvent incapacitante du système nerveux central.
Les personnes atteintes de sclérose en plaques ont été grandement encouragées par la cadence des recherches sur cette maladie au cours des dernières années. Quatre traitements ont certains effets bénéfiques sur la maladie. Heureusement, il s'agit de traitements dont les effets se font surtout sentir au cours des premiers stades de la SP. Cependant, ceux dont la maladie est plus avancée se demandent souvent pourquoi aucun traitement n'est adapté à leur situation et pourquoi les chercheurs ne peuvent trouver des traitements à leur avantage.
La Société de la sclérose en plaques partage leur sentiment de frustration et d'urgence. Dans le cadre de nos propres programmes de recherche, nous finançons des chercheurs qui s'efforcent de trouver des moyens de réparer les dommages causés par la SP et de mettre au point des traitements de la SP qui pourront aider les personnes déjà incapacitées par la maladie.
Récemment, la Fondation de la recherche scientifique sur la sclérose en plaques, qui est liée à la Société de la SP, a financé une vaste étude en collaboration pour déterminer s'il est possible de transformer les cellules souches du système nerveux central de l'adulte en un ensemble qui permettrait de réparer les dommages causés par la SP. Si les efforts sont fructueux, on devrait aboutir à des thérapies spécifiques pour la réparation de la myéline. La Fondation finance également la recherche dont j'ai parlé au départ. Il s'agit d'une vaste étude du potentiel des transplantations de moelle osseuse pour le traitement de la SP. Dans cette étude, les cellules souches de la moelle osseuse du participant sont sauvegardées pour être introduites à nouveau à la suite d'un traitement de chimiothérapie, de manière à renouveler l'ancien système immunitaire, vraisemblablement déficient. Jusqu'à maintenant, sept personnes, y compris John Chafe, ont été soumises au traitement. On espère avoir stabilisé leur maladie.
Si je parle de ces initiatives novatrices en matière de recherche, c'est pour faire savoir au comité que la Société canadienne de la sclérose en plaques est enthousiasmée par la possibilité de recourir aux cellules souches adultes pour le traitement de maladies comme la sclérose en plaques. Nous sommes également conscients de leurs limites et nous estimons que les cellules souches dérivées de sources embryonnaires pourraient avoir un usage thérapeutique plus prometteur.
Nous n'ignorons pas que le recours aux embryons comme source de cellules souches est controversé. Nous estimons que le cadre législatif et réglementaire du projet de loi C-6 imposera suffisamment de mesures de contrôle et d'interdictions au travail scientifique et que des recherches à cet égard pourraient déboucher sur des avantages importants. On pense notamment à la possibilité de mettre au point des thérapies qui permettront à des personnes qui, à l'heure actuelle, sont incapacitées par la SP, de pouvoir à nouveau marcher, reprendre le travail, prendre leurs enfants dans leurs bras et les embrasser.
Nous estimons également que la possibilité d'utiliser des cellules souches adultes ne devrait pas empêcher l'utilisation d'embryons obtenus à partir de sources existantes pour obtenir des cellules souches. Le généticien et commentateur scientifique David Suzuki a abordé la question en ces termes:
On a souvent tendance à polariser la question de la recherche visant les cellules souches adultes ou embryonnaires. Or, il nous faut les deux. Notre compréhension des premiers stades du développement humain est fort restreinte. Selon les chercheurs, la meilleure façon de comprendre le fonctionnement des cellules souches consiste à étudier parallèlement les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes pour les comparer. À cette fin, les chercheurs doivent avoir accès à des embryons dont la destruction est prévue. Le fait d'interdire un tel accès constitue un gaspillage terrible.
La Société canadienne de la sclérose en plaques est d'avis que la présente mesure législative, si elle est adoptée, assurera le cadre qui permettra à la collectivité scientifique de faire progresser de façon significative les connaissances scientifiques et les thérapies éventuelles visant des maladies dévastatrices comme la SP. Nous sommes d'accord également avec les auteurs du rapport du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes intitulé «Assistance à la procréation: Bâtir la famille» lorsqu'ils déclarent: «l'assistance à la procréation et la recherche connexe doivent être régies par des principes et des pratiques qui respectent l'individualité, la dignité et l'intégrité de l'être humain».
La Société canadienne de la sclérose en plaques souscrit aux dispositions du projet de loi qui prévoient des mesures rigoureuses d'agrément et de contrôle visant la recherche sur les embryons et leur utilisation médicale. Nous sommes d'accord avec l'approche qui consiste à utiliser comme source d'embryons les seuls embryons qui sont considérés excédentaires dans les procédures de fertilisation in vitro, avec le consentement des donneurs. Nous tenons cependant à signaler que, à l'avenir, il pourra être nécessaire de réévaluer cette approche, afin que les sources d'embryons soient plus nombreuses. Ils pourraient par exemple provenir de personnes qui consentent à en faire le don. Nous proposons cependant que cet aspect soit considéré plus tard, au moment de la période d'examen prévue après trois ans.
La Société de la SP convient que la mesure doit englober l'ensemble des activités de recherche dans ce domaine délicat et ne pas établir de différence entre les sources de financement publiques et privées.
Pour terminer, je remercie le comité de l'occasion de présenter les vues de la Société canadienne de la sclérose en plaques. Nous vous félicitons de votre travail approfondi tout en vous invitant à adopter le projet de loi C-6 dès que possible. MM. Chafe, Atkins et moi-même serons heureux de répondre à vos questions au moment de la période de questions.
Le président: Je vous remercie de vos commentaires.
M. Robert Hindle, président, Foundation de la recherche sur le diabète juvénile: Bonjour, honorables sénateurs. Je suis le président du conseil d'administration de la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile. La Fondation rencontre périodiquement les parlementaires pour faire connaître les défis à relever dans la recherche d'un remède pour le diabète juvénile ou diabète de type 1 et nous sommes heureux d'être ici une fois de plus pour faire connaître notre point de vue sur des questions d'une grande importance.
La Fondation de la recherche sur le diabète juvénile a été établie en 1974. C'est l'organisme à but non lucratif le plus important au monde en matière de financement non gouvernemental de la recherche sur le diabète et de défense des intérêts des diabétiques. La mission de la Fondation est claire. Il s'agit de trouver un remède au diabète et à ses complications grâce à la recherche. Depuis sa création, la Fondation a affecté plus de 900 millions de dollars à la recherche sur le diabète et elle a été à l'avant-garde de toutes les grandes percées en matière de recherche sur le diabète partout dans le monde.
Le diabète juvénile ou diabète de type 1 est une maladie auto-immune. Il s'agit de la forme la plus grave du diabète. Elle frappe les nouveau-nés, les enfants et les jeunes adultes en les laissant insulinodépendants à vie et menacés à tout moment de complications dévastatrices. Le diabète de type 1 diffère du diabète de type 2, que l'on qualifie habituellement de diabète de la maturité. Ce dernier type de diabète peut être traité et, dans la plupart des cas, prévenu par une bonne alimentation, des exercices et des médicaments.
Nous remercions le comité de nous donner l'occasion de lui faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-6. La Fondation appuie entièrement les principes directeurs du projet de loi C-6. Elle s'inquiète cependant de certaines dispositions qui doivent faire l'objet de discussions plus poussées avant la mise en oeuvre.
Les perspectives de découverte de remèdes innovateurs au cours des 10 prochaines années sont très encourageantes, étant donné le rythme incroyablement rapide des progrès de la recherche. Ainsi, du point de vue de la recherche, la Fondation appuie l'idée d'un examen administratif de la mesure après trois ans. Il est important que cette mesure législative puisse s'adapter aux progrès prometteurs à venir en matière de recherche.
Il nous semble également crucial que la composition et la représentation, pour l'agence de la procréation assistée et le conseil d'administration proposé, soient appropriées. Il importe également que les personnes choisies le soient en fonction de leurs compétences, de la diversité des connaissances et de l'engagement à assurer la mise en oeuvre de la mesure.
La Fondation recommande que, dans le projet de loi C-6, on tienne nettement compte non seulement de l'importance d'une bonne représentation des milieux scientifiques, mais également des groupes de défense des intérêts des patients.
La Fondation comprend la nécessité de créer une agence distincte mais tient à signaler que l'organisme proposé risque de faire double emploi avec le travail des IRSC, notamment en matière de recherche sur les cellules souches humaines pluripotentes. Ainsi, la Fondation recommande que l'agence et le Comité national de surveillance visant les cellules souches des IRSC collaborent étroitement pour tous les aspects des questions relatives à la recherche sur les cellules souches, de manière à assurer toute la cohérence voulue pour cet aspect crucial de la recherche.
Les membres du Comité des affaires sociales n'ignorent pas que le recours au matériel de reproduction humain pour la recherche constitue l'un des aspects les plus controversés et les plus médiatisés du projet de loi C-6. Il s'agit également d'un aspect qui intéresse grandement la Fondation, et ce pour diverses raisons. Le protocole d'Edmonton, qui énonce un ensemble de procédures pour la transplantation d'îlots, a été accueilli comme étant une percée historique dans le traitement du diabète. Un certain nombre de problèmes se posent encore. Les chercheurs travaillent pour les régler et mettre au point les procédures voulues. Au nombre des problèmes, il y a le fait que la disponibilité actuelle de donneurs de pancréas risque de ne jamais suffire à la demande. Or, la recherche sur les cellules souches embryonnaires pourrait permettre la création d'une nouvelle source d'îlots pour la transplantation.
La Fondation préconise l'utilisation de cellules souches adultes aussi bien qu'embryonnaires pour la recherche. À cet égard, la Fondation est favorable à la disposition du projet de loi qui vise la recherche sur les cellules souches embryonnaires, à savoir que ce type de recherche doit être mené selon la réglementation et les protocoles d'agrément.
La Fondation s'oppose à l'interdiction permanente visant le transfert de noyaux de cellules somatiques, que l'on appelle habituellement le clonage thérapeutique. Il existe une différence très importante entre le clonage à des fins de reproduction, à savoir l'utilisation de la technologie de transfert de noyaux de cellules somatiques pour créer un être humain, et le clonage thérapeutique, qui consiste à utiliser cette technologie pour produire des cellules souches servant à mettre au point des moyens de traitement pour guérir diverses maladies. L'intérêt du clonage thérapeutique a trait notamment au fait que l'organisme du patient ne rejetterait pas les cellules transplantées. Le clonage à des fins de reproduction consiste à utiliser la technologie pour créer un embryon et l'implanter dans l'utérus d'une femme pour créer un enfant. La Fondation s'oppose catégoriquement au clonage à des fins de reproduction.
Par conséquent, nous ne sommes pas d'accord avec l'interdiction qu'on propose d'imposer au clonage thérapeutique. Il est trop tôt, selon nous, pour limiter de façon permanente par une loi ce type de recherche sans en connaître le plein potentiel. Nous préconisons l'élaboration d'un cadre autorisé de réglementation ne devant s'appliquer qu'à des situations où la recherche, impossible autrement, est absolument justifiée.
Les membres de votre comité ont appuyé les efforts de la Fondation en vue d'apporter un amendement concernant l'interdiction du clonage thérapeutique. Nous vous en sommes très reconnaissants. Cependant, dans les circonstances actuelles, et compte tenu des nombreux obstacles qu'a dû franchir le projet de loi C-6 dans le processus législatif depuis qu'il a été présenté pour la première fois au début de 2002, nous n'allons pas demander un amendement. Il s'agit d'une mesure législative, qui, sous sa forme actuelle, a beaucoup trop d'importance pour qu'on la mette en péril, étant donné qu'elle vise à combler le vide qui existe à l'heure actuelle au Canada en matière législative et réglementaire. Nous allons plutôt, au cours de la période d'examen de trois ans de l'application de la mesure, être à l'affût d'occasions de faire valoir la pertinence du changement que nous proposons. Selon la Fondation, il importe que la mesure législative puisse répondre à l'avenir des progrès prometteurs en matière de recherche.
Pour terminer, nous invitons respectueusement le comité à étudier attentivement les recommandations que nous avons proposées et nous l'encourageons à adopter le projet de loi C-6.
Je vous remercie du temps et de l'attention que vous nous accordez. Nous répondrons volontiers à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Hindle.
M. Kenneth Kramer, vice-président, Dystrophie musculaire Canada: Mesdames et messieurs, monsieur le président, honorables membres du comité, je tiens à vous remercier de bien vouloir considérer ma position et la position de l'organisme que je représente concernant le projet de loi qui vous est soumis.
Je suis vice-président du conseil d'administration de Dystrophie musculaire Canada. Je suis aussi avocat en exercice à Vancouver, Colombie-Britannique. Mais c'est en tant que personne atteinte d'une maladie neuromusculaire que je suis ici aujourd'hui.
J'aimerais d'abord vous dire qu'il m'est difficile de spécifier de quelle maladie neuromusculaire je suis atteint. Quand j'étais enfant, mes parents se sont fait dire que j'avais la dystrophie musculaire de Duchenne et que, par conséquent, mon espérance de vie ne dépasserait probablement pas 30 ans. Et pourtant, aujourd'hui, j'ai plus de 30 ans. Aujourd'hui, on me dit qu'il s'agit probablement d'amyotrophie spinale de type III.
Malgré l'incertitude de mon diagnostic, ce qui est tout à fait certain, c'est que je suis en train de mourir, lentement mais sûrement, pas aujourd'hui, ni peut-être demain, mais il est en tout cas peu probable que je vive aussi vieux que la moyenne des Canadiens.
Pour moi, la vie dépend de mes fonctions respiratoires. Aussi longtemps que je pourrai respirer de façon autonome, j'aurai une espérance de vie d'une durée raisonnable. Dans le cas contraire, les problèmes respiratoires risquent d'abréger ma vie de façon appréciable. Mais je n'ai à ce sujet aucune certitude. Voilà dans quel monde je vis, un monde où je ne peux pas compter sur mon corps comme je compte sur mon esprit. Avec le temps, mes muscles se sont progressivement affaiblis. Mon esprit m'a cependant permis de poursuivre une carrière professionnelle et de relever d'autres défis. J'incarne la mission même de Dystrophie musculaire Canada, l'organisme que je représente et qui soutient l'autonomie des Canadiennes et des Canadiens atteints de maladies neuromusculaires et leur pleine participation à la vie collective, en vue de favoriser leur engagement quant aux décisions qui les concernent et aux actions qui visent le changement social.
Pour d'autres personnes comme moi, l'incertitude est encore plus grande. D'autres formes d'amyotrophie spinale entraînent la mort dès l'enfance. Si j'avais la dystrophie musculaire de Duchenne, comme le laissait croire le diagnostic initial, je n'aurais sans doute pas pu vivre assez longtemps pour être ici aujourd'hui.
Les coûts liés aux maladies neuromusculaires sont effarants, depuis les besoins en équipement jusqu'aux conséquences économiques de ces maladies pour les personnes qui en sont atteintes et leurs proches. Voici les chiffres: 46 p. 100 des clients enregistrés auprès de Dystrophie musculaire Canada ont un revenu annuel de moins de 20 000 $. Seulement 12 p. 100 de nos clients occupent un emploi à temps plein. Pour moi comme pour eux, seule la recherche peut rétablir l'équilibre. Les gouvernements pourraient acheter plus de fauteuils roulants, offrir plus de soins à domicile, mettre sur pied de meilleurs programmes d'intégration et de meilleures mesures de soutien au revenu, et je les y invite instamment. Ces solutions impliquent des coûts énormes. Mais le gouvernement peut aussi reconnaître que ces personnes ont besoin d'espoir, que j'ai besoin d'espoir: la meilleure façon de réduire le coût des mesures de soutien aux personnes handicapées est d'atténuer les conséquences de l'incapacité elle-même.
Je ne suis pas un scientifique. Je ne peux pas vous démontrer avec certitude l'incroyable potentiel que recèlent les cellules souches embryonnaires par rapport aux cellules souches adultes. Même chez les scientifiques, l'issue de ce débat est loin d'être arrêtée. Les arguments que j'ai entendus contre la recherche sur les cellules souches embryonnaires se fondent sur des raisons d'ordre moral ou sur la crainte que celle-ci ne nous engage sur une voie dangereuse. Les arguments contre la recherche utilisant les cellules souches embryonnaires sont des arguments de peur, la peur d'aller trop loin, de faire du tort, de faire du mal. Ce ne sont pas des arguments d'espoir. Ces arguments tiennent pour acquis que les scientifiques ne sont pas dignes de notre confiance, non plus que l'Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée que met sur pied la législation pour continuer à surveiller la recherche et pour prendre des décisions éclairées sur les limites et les règles futures. Mais le milieu de la recherche n'est pas dépourvu de moral. De fait, il respecte déjà le contenu du projet de loi, avant même que celui-ci ne soit en vigueur.
Tous ceux qui s'opposent à la recherche sur les cellules souches embryonnaires disent qu'il existe un espoir que les cellules souches adultes soient tout à fait capables de traiter les maladies comme la mienne. C'est peut-être vrai, mais je suis ici pour vous dire que la recherche sur les cellules souches embryonnaires offre aussi un espoir, un espoir dont nous avons désespérément besoin, un espoir qui n'est pas immoral, un espoir qui ne nous engage sur aucune voie dangereuse. En fait, je crois que le danger vient plutôt du vide créé par l'absence même de réglementation et de législation, par l'absence d'une agence de contrôle, par le vide dans lequel nous nous trouvons justement d'ici à ce que ce projet de loi soit approuvé.
L'espoir que suscite la recherche sur les cellules souches embryonnaires, c'est la possibilité de traitements concrets et réalisables. La capacité de cultiver de nouveaux tissus à partir de cellules souches, par exemple des tissus musculaires, est bien réelle. Cette capacité a été avérée et pourrait bientôt aborder le stade des essais cliniques. Voilà ce que j'appelle de l'espoir, un espoir réel, concret, tangible.
Jusqu'à ce que nous ayons la certitude absolue que les cellules souches adultes puissent être et puissent accomplir tout ce que les cellules souches embryonnaires peuvent être et accomplir, nous ne pouvons choisir l'une ou l'autre. Nous ne pouvons nous en remettre à l'arbitraire. Rien n'est aussi exaspérant qu'une décision arbitraire, particulièrement en ce qui concerne le processus législatif, alors que les conséquences de toute législation perdurent des années durant. Si l'espérance de vie de nombreuses personnes ayant une maladie neuromusculaire n'est que de quelques années, la durée de vie de ces conséquences est trop longue. S'il faut des années pour passer de la recherche fondamentale à la mise au point de traitements efficaces, alors une décision arbitraire serait tout à fait inadmissible.
Nous avons besoin d'une loi qui encadre la procréation assistée. Nous avons besoin d'une loi qui réglemente l'usage des cellules souches. Mais nous avons aussi besoin d'une loi qui puisse créer un cadre aux règles bien définies, pas d'une loi qui aurait pour effet de stopper une partie déjà largement engagée. C'est ce que nous offre le projet de loi actuellement soumis au Sénat, un cadre pour la création d'une agence chargée de contrôler les activités des chercheurs canadiens et de continuer à approfondir la question.
Nous ne pouvons laisser nos craintes nous empêcher de donner espoir aux Canadiennes et aux Canadiens qui en ont si désespérément besoin. Comme nous y invitait John F. Kennedy, nous ne devons pas laisser la peur nous empêcher de réaliser nos rêves. Soyons raisonnables: cette législation comporte toutes les restrictions et toutes les protections nécessaires. Elle crée une agence qui évitera au gouvernement de devoir à l'avenir adopter de nouvelles lois semblables dans un vide total d'information. Nous avons besoin d'espoir: ne laissons pas la peur nous barrer la route.
La dernière partie de notre mission à Dystrophie musculaire Canada consiste à financer la recherche afin d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies neuromusculaires et de trouver un traitement. J'espère que vous voudrez vous rallier à cette vision, une vision d'espoir.
Je vous remercie tous du temps que vous nous avez accordé et je serai heureux de répondre aux questions.
Le président: Au nom de tous mes collègues, monsieur Kramer, je vous remercie d'avoir fait l'effort de venir de Vancouver. Nous vous en sommes reconnaissants.
M. Steve Rudin, directeur général, Société Alzheimer du Canada: Au nom de la Société Alzheimer du Canada, nous vous remercions de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant votre comité. En peu de temps, notre exposé fournira aux membres du comité des renseignements sur la Société Alzheimer du Canada, sur la maladie d'Alzheimer et sur ce que nous pensons du projet de loi C-6.
La maladie d'Alzheimer est une maladie évolutive et dégénérative. Plusieurs changements se produisent dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Les cellules du cerveau rétrécissent ou disparaissent et sont remplacées par des taches denses, irrégulières appelées plaques et une substance filamenteuse appelée macrocystes. Ce sont ces filaments qui finissent par étouffer les cellules saines du cerveau et provoquent leur mort.
Comme l'a dit l'un des nouveaux membres de notre conseil d'administration qui souffre en fait de la maladie d'Alzheimer:
Je constatais que mon raisonnement est de moins en moins sûr. C'est comme si ma tête était bourrée de ouate et que des fragments disparates de pensée se promènent dans ma tête. Mes pensées étaient confuses et je n'arrivais pas à faire le lien entre les idées. La ouate a été remplacée par une mélasse épaisse.
La maladie d'Alzheimer est la première cause de démence. La maladie se caractérise par des symptômes qui comprennent la perte de mémoire, de jugement et de raisonnement et des changements dans le comportement et l'humeur.
Bien que la maladie d'Alzheimer ne fasse pas partie normalement du vieillissement, la plupart des malades ont plus de 65 ans. Plus on vieillit, plus on court le risque d'être atteint de cette maladie. Certaines personnes dans la quarantaine, la cinquantaine et au début de la soixantaine en sont frappées. Bien qu'on parle alors d'une apparition «précoce», les signes et les symptômes sont les mêmes que lors de l'apparition «tardive».
Les personnes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer finissent par voir tous les aspects de leur vie touchés: leur façon de penser, leur façon d'agir et leur façon de sentir. C'est une maladie personnelle et il est difficile de prédire la progression de la maladie. On peut souffrir de cette maladie de deux à 20 ans.
La maladie d'Alzheimer n'est pas récente bien qu'on ait cette impression. Le Dr Alzheimer a décrit la maladie pour la première fois en 1906, tout à fait comme elle existe aujourd'hui. Plus de 360 000 Canadiens en sont maintenant victimes sans compter les membres de leurs familles. Souffrent maintenant de la maladie, un Canadien sur 13 de plus de 65 ans et un Canadien sur trois de plus de 85 ans, le segment de la population dont la croissance est la plus rapide dans notre société. Dans 20 ans, s'il n'y a pas de percées décisives pour enrayer la croissance de la maladie d'Alzheimer, le nombre de malades atteints de la maladie va plus que doubler pour atteindre 750 000 personnes.
Les femmes sont plus touchées que les hommes. Les deux tiers des personnes de plus de 65 ans atteintes de la maladie d'Alzheimer sont des femmes. Bien que statistiquement il soit vrai que plus de femmes que d'hommes ont la maladie, l'âge demeure le principal facteur. Des projets de recherche de tous genres sont actuellement en cours pour déterminer pourquoi ce déséquilibre entre les sexes.
La plupart des soignants de la maladie d'Alzheimer sont des femmes et une sur 10 fait actuellement partie de la génération sandwich, où il faut décider si l'on s'occupera de ses petits-enfants ou de ses parents atteints de la maladie d'Alzheimer. Plus de 6 p. 100 des Canadiens accueillent un membre âgé de leur famille chez eux et plus de la moitié de ceux qui souffrent de la maladie d'Alzheimer vivent actuellement dans la collectivité. Nous savons que le stress chez les épouses, les tantes, les oncles et les grands-parents constitue l'un des principaux facteurs contribuaient aux maladies chroniques et à la dépression chez les soignants, taux deux fois plus élevé que dans le reste de la population.
Tout comme les coûts sociaux de cette maladie, une catastrophe économique risque de se dessiner à l'horizon. À moins de pouvoir maîtriser cette maladie, le coût des soins aux victimes sera insoutenable. Actuellement, il atteint environ 5,5 milliards de dollars. Il en coûte également très cher aux entreprises au Canada puisque les employés doivent prendre congé pour s'occuper de leurs proches à un coût estimé à plus de 3 milliards de dollars.
Notre société a été fondée en 1978 pour examiner certaines des questions que je viens de mentionner. Très simplement, les objectifs de la Société Alzheimer du Canada sont, comme l'a signalé mon collègue, d'offrir une aide aujourd'hui et de l'espoir pour demain et de nous permettre de vivre dans un monde où la maladie d'Alzheimer aura été éradiquée.
La Société a deux principaux programmes. Nous offrons des services d'appui, y compris une composante éducative, et dans un deuxième temps, nous cherchons à financer un programme de recherche de niveau mondial sur la maladie d'Alzheimer. Les services de soutien comprennent information, publications et vidéos, mais c'est vraiment la recherche qui est essentielle pour trouver un remède. La Société Alzheimer du Canada, avec l'aide de ses partenaires, est une des principales sources de financement de la recherche sur la maladie d'Alzheimer au Canada — actuellement plus de 3,5 millions de dollars. annuellement — afin d'accélérer la recherche sur les causes et le traitement de la maladie d'Alzheimer.
Les chercheurs canadiens financés par la Société ont réalisé des avances et des percées considérables dans la compréhension des causes et des traitements de cette maladie et la découverte de traitements thérapeutiques afin d'aider ceux qui souffrent de la maladie. C'est de cet aspect du programme, la recherche, qui m'amène ici aujourd'hui. À la lumière des progrès scientifiques récents, les chercheurs éprouvent un nouveau sentiment d'optimisme. Cet optimisme, cet espoir et cette énergie renouvelée ainsi que les besoins et désirs de ceux qui souffrent de la maladie motivent la Société Alzheimer du Canada à appuyer les principes auxquels souscrit le projet de loi C-6.
Nous savons que ce projet de loi est complexe et donne lieu à beaucoup de réactions émotives, mais il en va de même pour ceux qui souffrent de la maladie d'Alzheimer. Pour que les chercheurs puissent trouver des solutions aux problèmes de santé de ceux que mes collègues et moi représentons, il faut pouvoir disposer de toute la technologie possible. En dernière analyse, cela aidera directement ceux qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer et indirectement toute la nation.
La Société Alzheimer du Canada comprend l'importance éventuelle de la recherche sur les cellules souches embryonnaires dans le développement de nouvelles interventions thérapeutiques pour ceux qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer et d'autres affections semblables. Actuellement, la Société vit en fait l'esprit de ce projet de loi et par conséquent, appuie les chercheurs dans leur utilisation des cellules souches embryonnaires comme forme de thérapie.
Les directives concernant la recherche sur les cellules souches élaborées par les IRSC qui se retrouvent dans ce projet de loi sont utilisées par la Société Alzheimer du Canada pour définir l'envergure de la recherche que nous finançons. Nous ne sommes pas en faveur de la création d'embryons humains à des fins de recherche, et nous sommes fermement convaincus qu'il ne faut faire aucune distinction entre les cellules souches embryonnaires ou adultes.
Lorsque le conseil d'administration a adopté cette politique, tout en tenant compte d'autres aspects, il a prévu un mécanisme de réexamen triennal vu l'évolution de la technologie et les répercussions considérables de la politique. Il est absolument essentiel d'avoir une loi pour trancher les nombreuses questions dont nous avons discuté aujourd'hui et dont il sera question plus tard ce matin. Afin de combler le vide, il faut que vous fournissiez des directives et le leadership nécessaires pour faire progresser ce projet de loi.
Nous vous remercions de votre attention et serons heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président: Merci, monsieur Rudin.
M. David Simmons, ancien président du conseil d'administration, Société Parkinson Canada: Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. La Société Parkinson Canada est la voix nationale de près de 100 000 Canadiens vivant avec la maladie de Parkinson. Nous sommes une organisation nationale qui compte des partenaires régionaux d'un océan à l'autre. Nous partageons une vision collective: offrir un appui aujourd'hui et trouver une réponse pour demain par la recherche, l'éducation, la défense des intérêts et les services de soutien.
Je suis fondateur et ex-président de la Société Parkinson Canada. À ce titre, j'ai eu l'occasion de voyager un peu partout au Canada et de rencontrer des centaines de personnes atteintes de la maladie de Parkinson, leurs familles et des professionnels. J'ai 51 ans et je suis atteint de la maladie de Parkinson depuis 11 ans. Je suis retraité du milieu juridique depuis quatre ans en raison des effets de la maladie de Parkinson sur mes fonctions cognitives.
Créant une «incapacité progressive», la maladie de Parkinson ne tue pas: elle cause une détérioration. La médication et autres traitements ne font que gérer les symptômes — ils n'empêchent pas l'évolution de la maladie, ni ne la guérissent.
La maladie de Parkinson entraîne un coût social énorme: perte de productivité en emploi et dans la famille, diminution des responsabilités sociales, coût des soins médicaux et résidentiels et coût du soutien à l'invalidité.
J'ai remis au greffier du comité une publication conjointe de Santé Canada et de Société Parkinson Canada traitant de l'impact économique et social de la maladie de Parkinson, tirée de l'étude effectuée en 1998 par Santé Canada et intitulée «Le fardeau économique de la maladie au Canada». Elle a un numéro ISBN. Selon cette étude, l'estimation prudente du coût annuel social de la maladie de Parkinson, à la fois direct et indirect, est d'environ 558 millions de dollars. Chaque personne atteinte de la maladie de Parkinson dépense en moyenne 1 000 $ par mois en traitement.
Le président: Avez-vous dit 1 000 $ par mois?
M. Simmonds: Oui, ce sont les chiffres du Canadian Movement Disorder Group.
On ne saurait passer sous silence les répercussions de la maladie de Parkinson sur la vie familiale. En effet, je crois que cette maladie est souvent plus difficile pour la famille, qui n'a pas l'excuse de la maladie, mais en supporte tout le fardeau et doit souvent reporter ses rêves. Comme l'a affirmé la gouverneure générale, notre patronne d'honneur, la maladie de Parkinson est une maladie de la famille. Le nombre de Canadiens directement touchés est donc considérablement supérieur à 100 000.
La maladie de Parkinson nous atteint tous d'une manière ou d'une autre. Nous avons au sein même du Sénat un exemple éloquent du courage et de la tragédie que la maladie de Parkinson peut susciter.
La recherche pour trouver la cause de la maladie de Parkinson et un traitement efficace s'effectue sur de multiples fronts. La Société Parkinson Canada n'a pas l'intention de laisser tomber la recherche qu'elle soutient pour se concentrer sur les cellules souches. Toutefois, la recherche sur les cellules souches semble être un seuil que les scientifiques sont prêts à franchir. Ses perspectives englobent de nombreuses maladies et de nombreuses applications. De plus, les scientifiques nous disent que, pour bien comprendre les cellules souches, ils doivent comprendre les cellules souches embryonnaires. Voilà pourquoi la Société Parkinson Canada appuie le projet de loi C-6, dans la mesure où il porte sur l'utilisation des cellules souches embryonnaires à des fins de recherche, dans un cadre fondé sur des principes.
L'intérêt des Canadiens qui vivent avec la maladie de Parkinson — et, par conséquent, des personnes qui vivent déjà avec la maladie de Parkinson, des personnes qui en seront atteintes et des personnes à naître qui auront la maladie de Parkinson — consiste à trouver un remède et à éradiquer rapidement la souffrance.
Monsieur le président, le Parlement du Canada qui en ce moment est aux prises avec la difficulté de se montrer inclusif va désormais transférer au secteur de la bienfaisance ses responsabilités pour s'assurer que l'on trouvera des moyens d'inclure les personnes qui voudraient soutenir la recherche sur la maladie de Parkinson et qui sont troublées par certaines des dispositions figurant dans la mesure législative. Il nous faudra trouver des façons d'inclure ces personnes et de financer les travaux de recherche qu'elles appuient sans arrière-pensée, mais qui n'incluent pas nécessairement la recherche sur les cellules souches.
En conclusion, et à titre personnel, permettez-moi de vous souhaiter bon succès dans votre tâche. Contrairement à l'opinion exprimée par plusieurs parlementaires, le milieu de la recherche n'est pas votre ennemi, mais plutôt un allié capable de respecter une autoréglementation éthique assujettie à une direction législative fondée sur des principes.
Le président: Merci beaucoup de votre présentation.
M. Nigel Van Loan, membre du Conseil d'administration, Société canadienne de la SLA: Honorables sénateurs, à ce que je comprends je risque d'être le dernier témoin dans ce long défilé, la dernière voix à prêcher dans le désert. Viendra peut-être après moi celui qui fera le grand ménage.
Le président: En fait, nous avons un autre groupe après vous, mais vous êtes effectivement le dernier témoin à Ottawa. Nous allons entendre des témoignages provenant d'autres endroits du pays, par vidéoconférence.
M. Van Loan: En tout cas, j'ai l'avantage d'être le dernier intervenant de cette table ronde. Cela veut dire que je pourrais me croiser les bras et dire: «Bien joué, bien dit, tout a été couvert et nous sommes d'accord avec tout». J'ai, toutefois, quelques brefs commentaires, si vous voulez bien m'écouter.
Il y a environ 3 000 Canadiens qui vivent avec la SLA. Peut-être devrais-je d'ailleurs dire qui meurent de la SLA. La sclérose latérale amyotrophique est peut-être plus connue, pour certains d'entre vous, sous le nom de maladie de Lou Gehrig. Pour les Européens, c'est aussi la maladie de Charcot ou la maladie du motoneurone, ce qui est peut-être un meilleur nom au vu de ce qui se passe. Les motoneurones qui impulsent les muscles se meurent, si bien que les muscles perdent graduellement toute fonctionnalité. Au bout du compte, la personne atteinte de SLA devient complètement paralysée, incapable d'avaler ou de parler, prisonnière consciente d'un corps immobile, jusqu'à ce qu'une insuffisance respiratoire mette fin à la situation.
Vu les énormes lacunes qui caractérisent les soins à domicile au Canada, les personnes atteintes de SLA dépensent une véritable fortune pour rester chez elles avec de l'équipement et des soins. Généralement, on prédit à une personne atteinte de SLA de deux à cinq ans de cette existence ruineuse et toujours plus sombre. Aujourd'hui, comme chaque jour de l'année, deux ou trois Canadiens ou Canadiennes mourront de la SLA.
Il existe, toutefois, des lueurs d'espoir. Ces dernières années, les chercheurs en ont appris plus long sur la SLA que jamais auparavant; ils ont découvert plusieurs pistes sur la cause de la maladie et peut-être sa guérison. Or, ces pistes sont toutes liées à la recherche sur les cellules souches.
En 1777, le Dr Samuel Johnson remarquait: «[...] rien ne facilite plus la concentration mentale que de savoir qu'on va être pendu à l'aube». Pour des personnes comme ma femme Patricia, qui sont atteintes d'une maladie neuromusculaire mortelle, comme la SLA, la mort après quelques semaines ou quelques années est inévitable, ce qui, bien entendu, facilite énormément l'attention qu'elles prêtent à la possibilité de traitements et à celles d'une guérison. Nous nous concentrons aujourd'hui sur les affirmations de nombreux scientifiques de renom qui estiment que la recherche sur les cellules souches est véritablement prometteuse quand il s'agit de traiter, voire de guérir, d'atroces maladies pernicieuses comme la SLA, la dystrophie musculaire, la maladie de Parkinson et d'autres, dont vous avez entendu parler ce matin.
Le projet de loi dont on parle offre à la fois de l'espoir et des limites — de l'espoir pour ceux qui souffrent de la SLA et des limites imposées à cette recherche controversée. Faute d'une telle mesure législative la recherche canadienne s'effectuera dans l'absence totale d'un cadre de réglementation. Or, c'est, à mon sens, une situation extrêmement dangereuse, une qui invite le type d'abus que les gens évoquent avec le spectre du clonage.
[Français]
Le projet de loi C-6 impose un contrôle important à cette recherche en interdisant les techniques utilisées pour le clonage de reproduction et thérapeutique. Ce contrôle contribuera ainsi à promouvoir toute recherche éthique et valable sur le plan scientifique, ouvrant la promesse de percées dans le traitement de maladies qui tuent des milliers de Canadiens annuellement; plus de 1 000 dans le cas de la maladie de Lou Gehrig, par exemple. Bien qu'officiellement je parle en mon nom, le conseil d'administration de la Société canadienne de la SLA, dont je suis membre, apporte son appui à ce projet de loi.
En outre, il reste beaucoup à faire quant à la création d'un organisme de contrôle et à cette fin, je voudrais m'assurer que ceux qui pourraient être touchés directement par la recherche sur les cellules souches soient bien représentés.
[Traduction]
Vous pensez peut-être que je m'accroche à la possibilité qu'on va découvrir sous peu un remède miracle. Ce n'est pas le cas. Je reconnais que le chemin sera long et qu'il faudra sans doute de nombreuses années de recherche intense et obstinée, avant que l'on sache guérir la SLA. Permettez-moi donc de vous donner mon interprétation personnelle d'un sens souvent négligé du mot «espoir». Il existe un effet génétique reconnu dans au moins 10 p. 100 des cas de SLA: le potentiel pour la maladie est transmis d'un parent à un enfant. Dans le cas de ma femme, elle avait une mère et trois tantes atteintes de la SLA.
À vrai dire, j'ai dans l'idée que, un jour ou l'autre, on constatera que la plupart des personnes atteintes de la SLA sont prédisposées à la maladie par un quelconque facteur génétique. Je crois que la recherche sur les cellules souches nous montrera peut-être comment épargner aux générations à venir, à mes enfants et à mes petits-enfants, les ravages de la SLA.
Ceci m'amène à formuler une seule conclusion devant vous aujourd'hui: que ceux d'entre nous qui se raccrochent à une lueur d'espoir, alors qu'ils luttent avec acharnement contre la SLA, comptent sur le Sénat pour faire preuve de leadership et adopter rapidement le projet de loi C-6.
Le président: Avant de solliciter l'opinion de mes collègues, je voudrais vous remercier tous d'avoir fait l'effort d'être présents aujourd'hui et de nous faire part de votre point de vue.
Le dilemme auquel on est confronté avec ce genre de projet de loi, c'est tout d'abord qu'il est impossible de faire l'unanimité car il y a toute une série de questions controversées sur lesquelles il serait impossible que notre pays ou n'importe quel autre pays soit unanime. Deuxièmement, le dilemme auquel ce comité est confronté sur le plan du calendrier législatif, c'est que si nous modifions ce projet de loi, disons-le franchement, il va mourir au Feuilleton. S'il est renvoyé à la Chambre des communes, il retombera dans l'engrenage de la procédure là-bas et nous ne le récupérerons pas avant la dissolution du Parlement.
Le problème pour mes collègues autour de cette table n'est donc pas de savoir si nous pensons qu'on peut améliorer le projet de loi — je suis certain que nous aurions tous de bonnes suggestions en ce sens — mais plutôt de savoir que, si nous essayons de l'améliorer, nous allons le condamner.
Et bien que plusieurs d'entre vous aient dit qu'ils souhaiteraient qu'on apporte des améliorations au projet de loi, quand vous êtes confrontés à ce dilemme, vous préférez encore conserver le projet de loi plutôt que de ne plus en avoir du tout.
Je vous remercie d'avoir répondu aussi franchement à cette question car elle nous a donné du fil à retordre. Nous vous aurions posé à chacun la question individuellement, donc merci d'y avoir répondu à l'avance.
Le sénateur LeBreton: Je remercie tous les témoins. Je ne vois pas ce qu'on peut trouver à redire à ce que vous nous avez dit. Comme l'a mentionné le sénateur Kirby, l'examen triennal, les règlements et la mise en place de l'agence seront des éléments très importants de la phase suivante.
M. Kramer, M. Simmonds et M. Van Loan ont fait des déclarations incroyablement émouvantes, mais la question que je voudrais vous poser à tous découle d'une remarque de M. Hindle au sujet du rôle des groupes de défense des patients. Il s'agit de savoir dans quelle mesure ils ont eu un rôle suffisant, comment vous envisagez leur participation future à l'examen au bout de trois ans et à la mise sur pied de l'agence, et comment vous personnellement et les organisations que vous représentez, avez été intégrés dans ce circuit. J'aimerais avoir vos réactions à ce sujet.
M. Hindle: Ce n'était pas particulièrement pertinent dans le cadre de mon exposé, mais vu la façon dont vous formulez votre question, je vous répondrai que j'ai souffert de diabète juvénile pendant 37 ans. J'ai eu la chance de bénéficier du miracle d'une double greffe du rein et du pancréas, et cela fait donc maintenant cinq ans que je vis de l'autre côté de la barrière. Avec les progrès sur la cellule des îlots pancréatiques réalisés grâce au protocole d'Edmonton, qui a permis de remplacer une opération très pénible sous anesthésie générale, par ce que le Dr Shapiro, le directeur de l'équipe de l'Université de l'Alberta, appelle la greffe furtive, nous pouvons manifestement envisager maintenant de guérir le diabète juvénile. Les personnes qui en souffrent s'en rendent bien compte. Les principaux obstacles à écarter pour pouvoir mettre ce traitement à la disposition de tous les diabétiques sont d'une part la question de l'immunosuppression — car on continue à transplanter des îlots de l'extérieur du corps B et l'approvisionnement, dont j'ai aussi parlé.
Le don d'organes a bénéficié de l'initiative extraordinaire d'un ancien ministre de la Santé et de la gouverneure générale, et les dons d'organe ont connu une progression remarquable au Canada. Toutefois, il faut malheureusement reconnaître que nous n'atteindrons jamais un niveau de don d'organes suffisant pour répondre aux besoins de toutes les personnes qui souffrent de diabète juvénile.
Tout cela semble s'articuler de façon très rationnelle et logique: il faut que les défenseurs des patients puissent participer à la fois à l'examen des recherches actuellement en cours et à l'examen administratif qui aura lieu à l'avenir. Je crois que nous avons tous montré que le rythme de l'évolution et les améliorations incroyables de la recherche technologique et scientifique justifient largement cette participation au processus d'examen. Qui sait où nous en serons dans trois ou cinq ans?
M. Van Loan: La Société canadienne de la SLA a choisi d'aborder la recherche en s'appuyant sur notre problème relativement mineur — du point de vue du nombre de personnes qui sont affectées — pour agir en partenariat avec l'Association canadienne de la dystrophie musculaire et les Instituts de recherche en santé du Canada pour axer le financement sur les meilleures recherches neuromusculaires possibles. Nous nous sommes concentrés jusqu'à présent sur la défense des patients et sur nos efforts pour obtenir la meilleure recherche possible.
Cela dit, il nous est aussi arrivé de venir ici même défendre la population que nous représentons auprès de sénateurs ou de députés pour essayer d'obtenir les meilleurs projets de loi en matière de soins à domicile et de recherche. Pour ce qui est de notre rôle futur, nous brûlons d'impatience de participer à l'examen dans trois ans, s'il a bien lieu.
M. Simmonds: La Société Parkinson Canada a eu le plaisir de collaborer avec les Instituts de recherche en santé du Canada et Santé Canada à l'élaboration des lignes directrices et du projet de loi. Nous avons un groupe d'examen scientifique qui distribue et évalue nos subventions. Nous participerons certainement au progrès des connaissances scientifiques et nous comptons bien participer à l'examen au bout de trois ans.
Pour ce qui est de l'agence qui doit être créée, disons que le fait d'appartenir à un groupe de défense des patients ne signifie pas qu'on a la science infuse, mais témoigne simplement d'un intérêt poussé pour la question. Nous avons accès à une tranche de la société, qu'il s'agisse de professionnels, de familles ou simplement de personnes qui se préoccupent sincèrement du bien-être de leurs amis ou parents, et qui seraient des candidats appropriés pour faire partie de ce groupe.
M. Kramer: Je vous remercie, honorable sénateur, pour cette excellente question, à laquelle Dystrophie musculaire Canada a profondément réfléchi aussi depuis des années. Nous consacrons des ressources à deux domaines importants, la recherche et les services de soutien à nos clients. Il y a quelques années, nous avons fait une enquête auprès de nos membres dans tout le pays qui nous ont dit très clairement qu'ils voulaient avoir leur mot à dire dans les décisions qui déterminent leur capacité à vivre dans ce pays en tant que membres à part entière de la société.
Nous avons un comité d'action sociale dont je fais aussi partie, qui examine de près des choses comme ce projet de loi et d'autres questions qui touchent directement aux difficultés que connaissent nos clients dans leur existence quotidienne au Canada.
Mme Groetzinger: Peut-être pourrais-je revenir à ce qui a été dit à propos de l'agence, pour compléter les remarques de M. Hindle. Je pense qu'il est souhaitable et même nécessaire que les personnes qui seront touchées par ces recherches fassent partie de l'agence de surveillance. J'espère vraiment que nous participerons à ce processus comme nous avons participé au processus législatif depuis le début. L'agence est une manifestation très importante de la transparence. J'espère que vous nous reverrez donc dans le cadre de l'examen après trois ans.
M. Rudin: Dans le cadre de la politique gouvernementale, la Société Alzheimer du Canada a milité pour la défense des personnes affectées par cette maladie. Nous sommes déjà venus dire tout notre appui aux technologies susceptibles d'apporter des solutions à ce problème.
J'espère que, par le biais de notre conseil d'administration, de nos chercheurs et de notre communauté, nous pourrons faire une honnête évaluation des résultats au bout de trois ans. J'espère donc que nous reviendrons aussi vous donner une évaluation aussi honnête que possible à ce moment-là.
Le sénateur LeBreton: Vous avez tous parlé «d'espoir». Je tiens à vous remercier tous de vos excellents exposés. Je pense qu'il n'y a pas grand-chose à ajouter.
Le sénateur Morin: Nous constatons que vous avez contribué depuis des années à la préparation de ce projet de loi. C'est en grande partie grâce à cela que nous sommes si près du but. Je constate que vous avez joué un rôle non seulement auprès des comités, mais à l'occasion de rencontres avec des parlementaires, de vidéoconférences, et cetera. Je vous ai à peu près tous déjà rencontrés et je reconnais tout le travail que vous avez accompli sur cette question.
Vos commentaires ce matin rejoignent tout à fait ceux des scientifiques que nous avons entendus précédemment. Alan Bernstein, des IRSC, Ron Worton, le Dr Weiss et le Dr Bhatia ont une position semblable à la vôtre; autrement dit, le projet de loi n'est pas parfait et pourrait être amélioré, mais ils estiment qu'il est important d'aller de l'avant.
Je vous exhorte à participer à l'examen au bout de trois ans. Sachant que ce projet de loi est déjà devant le Parlement depuis quatre ans, trois ans, c'est peu de chose. Vous avez une voix très forte à faire entendre. Il ne faut pas la sous- estimer. Je vous exhorte à commencer le plus tôt possible.
Le président: Pour me faire l'écho du sénateur Morin, je dirais non seulement que votre voix est importante, mais que lorsque nous tiendrons des audiences à propos des règlements, nous comptons bien bénéficier de votre apport. C'est la première fois je crois dans toute l'histoire que le gouvernement décide non seulement de soumettre les règlements à des comités de la Chambre et du Sénat, mais aussi d'exiger que le gouvernement s'explique dans le cas où il ne mettrait pas à exécution les modifications recommandées par le comité. Si ce genre d'évolution peut commencer à faire évoluer le processus législatif, les répercussions seront bien plus importantes que la plupart d'entre vous ne l'imaginez.
Comme l'a dit le sénateur Morin, ce projet de loi est là depuis quatre ans. Comme il faut énormément de temps pour modifier les lois, on recourt de plus en plus aux règlements et non aux lois pour déterminer les principaux aspects de la politique publique. Je suis sûr que plusieurs ministères dans cette ville ne se réjouiront pas de ce qui va devenir désormais un précédent établi par le ministère de la Santé, un précédent que nous allons essayer d'étendre aux autres ministères. Votre contribution à propos des règlements comptera vraiment.
Le sénateur Pearson: Merci à tous pour vos exposés passionnants et très importants. Deux questions me sont venues à l'esprit en vous écoutant. Il y a d'une part la remarque que l'un d'entre vous a faite à propos du défi que vous aurez auprès de vos propres donneurs si le projet de loi est adopté. S'il est adopté, vous devrez trouver des moyens de convaincre les donneurs qui ne seront pas nécessairement d'accord avec certains aspects de ce projet de loi. Peut-être l'un d'entre vous souhaite-t-il dire quelques mots à ce sujet.
Les conditions que vous représentez sont toutes des conditions humaines par opposition à des conditions canadiennes. J'imagine que vous avez tous des liens avec d'autres sociétés dans d'autres pays, notamment aux États- Unis. Avez-vous réfléchi aux répercussions des recherches qui se font là-bas par opposition à ici? Pourriez-vous nous parler de ce qui se fait en Angleterre?
M. Simmonds: Ma remarque venait du fait qu'on ne peut pas nécessairement découper une maladie comme la maladie de Parkinson, en fonction de valeurs religieuses ou éthiques. Il faut encourager les donneurs à continuer leur action en les assurant que la recherche ne sera effectuée que dans des domaines conformes à leurs propres valeurs éthiques. Par exemple, si l'on doit constituer un fonds de recherche portant sur des recherches autres que les recherches sur les cellules souches embryonnaires, on doit pouvoir apporter aux donneurs la garantie qu'il ne s'agira pas de recherches auxquelles ils ont des objections morales.
Nous sommes en contact avec diverses organisations de recherche et de patients souffrant de la maladie de Parkinson aux États-Unis. En particulier, la Michael J. Fox Foundation for Parkinson's Research suit avec beaucoup d'intérêt l'évolution de la situation au Canada. Il est certain que quand, et non pas si, ce projet de loi sera adopté, nous aurons des échanges à ce sujet. Je suis sûr que le montant du financement apporté par des fondations américaines à la recherche canadienne a augmenté ces dernières années. Il ne s'agit pas simplement des cellules souches, c'est une remarque d'ordre général. Je pense que ces organisations étrangères vont examiner de plus près la situation au Canada une fois que nous aurons un cadre législatif solide.
M. Rudin: En ce qui concerne les donneurs, je sais que les sénateurs trouveront cela difficile à croire, mais il est très difficile de donner une voix unique aux problèmes de 360 000 personnes.
Il est assez remarquable que vous ayez entendu des messages très semblables de la part de gens qui représentent des centaines de milliers de Canadiens. Je crois que c'est aussi assez important.
Pour encourager les gens à faire des dons, nous avons essayé de leur donner des garanties grâce à la transparence. Si les gens ne souhaitent pas que leur argent soit consacré à tel ou tel projet, nous respectons leur souhait.
Pour ce qui est des autres organisations, la Société Alzheimer du Canada fait partie d'un groupe appelé Alzheimer's Disease International qui regroupe des organisations d'environ 54 pays. Nous suscitons beaucoup d'intérêt. Les recherches que nous finançons sont spécifiquement canadiennes, mais je pense que des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni suivent avec intérêt ce que nous faisons.
Ce projet de loi semble actuellement se situer quelque part entre ce qui se fait au Royaume-Uni et ce qui est envisagé aux États-Unis. Les chercheurs américains sont encouragés par l'orientation que nous semblons prendre avec les IRSC et ce projet de loi.
M. Kramer: Dystrophie musculaire du Canada connaît bien la question des donateurs. En fait, nous avons pour pratique d'utiliser l'argent des donateurs conformément à leurs souhaits. Nous mettons un point d'honneur à respecter les souhaits de nos donateurs.
Nous avons d'importantes communications avec de nombreux groupes. En fait, nous savons qu'il y a de l'argent américain qui vient financer la recherche au Canada.
Mme Groetzinger: Pour ce qui est de la collaboration internationale, la Société de la sclérose en plaques s'intéresse beaucoup à la coopération internationale et nous pensons que ce mouvement ne va faire que s'accentuer.
Je vous ai parlé des deux grandes études que nous menons en collaboration sur la réparation de la myéline au moyen de cellules souches adultes. Deux des principaux chercheurs sont aux États-Unis et un troisième à Montréal. Nous pensons que lorsque nous aurons un cadre de réglementation bien compris, les études de cette nature se multiplieront à l'avenir. Nous sommes très impatients de pouvoir exploiter ces possibilités.
M. Hindle: Je vais répondre aux deux questions que vous avez abordées, sénateur Pearson. Tout d'abord, la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile du Canada est une filiale de la Fondation internationale et effectivement, c'est aux États-Unis qu'on trouve la plus grande organisation. Toutefois, il y en a aussi d'importantes au Royaume-Uni et en Australie. Le Canada est le pays qui lève le plus de fonds après les États-Unis. Nous avons des filiales dans 12 pays et des recherches coordonnées par le biais de 22 autres pays. C'est un réseau mondial.
L'autre aspect concret, et je vous demande instamment de voir cela comme quelque chose de concret, semble à première vue un peu futile. Nous sommes tous fiers de brandir notre drapeau, mais en ce qui concerne plus particulièrement le diabète juvénile, les Dr Banting et Best ont probablement été les auteurs du plus grand progrès dans le traitement il y a plus de 80 ans. Ils étaient Canadiens. Vers la fin des années 80, le Dr Rabinovitch a fait les premiers essais de transplantation d'îlots pancréatiques à l'Université de l'Alberta. À la fin des années 90, le Dr Shapiro et son équipe ont trouvé un moyen de modifier la combinaison d'immunosuppression et ce traitement qu'on donne aux patients est actuellement répété dans 12 centres différents du monde qui travaillent en même temps.
La Fondation de la recherche sur le diabète juvénile du Canada est le deuxième bailleur de fonds, après les États- Unis, de la Fondation internationale de la recherche sur le diabète juvénile. Toutefois, je ne peux pas vous dire depuis combien d'années la Fondation internationale verse beaucoup plus pour le financement de la recherche au Canada que la Fondation canadienne ne lève de fonds pour la recherche. Cela en dit long quand un groupe international qui évalue le potentiel de recherche continue à déverser de l'argent au Canada. Tout pédantisme mis à part, nous avons au Canada des occasions concrètes et viables grâce au talent et à la créativité extraordinaires de nos chercheurs, et il ne faut pas prendre cela à la légère.
M. Van Loan: Permettez-moi de revenir sur la condition humaine dont vous avez parlé. La SLA est présente partout dans le monde. Nous avons des liens avec des communautés qui s'occupent de ce problème partout dans le monde, particulièrement avec ALS America, ce qui ne vous surprend pas, comme vous le dites.
Le succès qu'ont eu ALS America et SLA Canada à financer de la recherche ensemble pourrait vous surprendre. En passant par les Instituts de recherche en santé du Canada, nous avons pu financer ensemble un certain nombre d'études importantes au Canada grâce à des sources américaines et canadiennes.
J'aimerais aussi ajouter que la recherche se fait au niveau mondial et que nous contrôlons ce qui se fait. Le directeur de la recherche pour SLA Canada a récemment participé à une conférence internationale pour aller voir ce qui se passait ailleurs au monde. Nous faisons tous les efforts possibles au nom de tous les Canadiens pour suivre les progrès dans le domaine.
Je ne sais pas si le Dr Worton a affiché son patriotisme. Je vais le faire à sa place. À mon avis, le Canada est un chef de file en matière de recherche sur les cellules sources et devrait en être fier.
Le sénateur Pépin: Je suis moi-même issu d'un groupe de revendication et je sais combien il est difficile de ne pas perdre cet esprit, cette énergie et cette détermination dont vous faites preuve. Je crois que c'est merveilleux. Je tiens à vous remercier d'être venu ici ce matin et je remercie tous les groupes pour leur présentation. Comme l'a dit le sénateur Kirby plus tôt, nous espérons que ce que vous avez eu à dire fera partie intégrante de la révision du projet du loi.
Le sénateur Cordy: J'ai aussi un mot à dire. Je tiens à vous remercier de tout coeur pour vos interventions si convaincantes ce matin. Comme l'a dit le sénateur Morin, ne sous-évaluez pas la valeur de ce que vous nous avez dit ce matin. Vous représentez des centaines de milliers de Canadiens qui soit souffrent des maladies dont vous vous occupez ou en sont touchés d'une façon ou d'une autre. Quelqu'un d'entre vous nous a parlé des effets qu'ont ces maladies sur les membres de la famille.
Avant que vous ne fassiez vos présentations, je me demandais: Devrait-on adopter le projet de loi C-6? Vous avez très clairement répondu à cette question ce matin.
Comme le sénateur Pépin et d'autres l'ont dit, ce sera un plaisir de vous revoir.
Le président: Je vous remercie toutes et tous d'être venus ce matin.
Je vais faire une petite publicité pour M. Rudin. Comme vous le savez, le comité va retourner à son travail monumental sur la réforme du système de soins de la santé mentale. Votre organisme a eu la gentillesse d'être un des premiers à comparaître devant notre comité. Nous vous encourageons ainsi que tous vos collègues qui s'occupent de maladies semblables où des troubles psychologiques se manifestent d'une manière quelconque de collaborer avec nous comme vous l'avez fait vous-mêmes jusqu'ici. Malgré le fait qu'il y a eu prorogation du Parlement pendant une certaine période de temps et qu'une dissolution d'une durée de quelques mois pourrait suivre, cette réalité demeure: nous continuerons à faire ce que nous faisons et nous continuerons de respecter l'échéancier que nous nous sommes fixé. Lorsque vous parlerez à vos collègues qui oeuvrent dans le domaine de la santé mentale, dites-leur que nous avons besoin de leur aide. Merci à toutes et à tous d'être venus ici aujourd'hui.
Honorables sénateurs, notre prochaine intervenante est Madeline Boscoe.
Mme Madeline Boscoe, directrice générale, Réseau canadien pour la santé des femmes: Merci de l'occasion que vous m'offrez de comparaître devant vous aujourd'hui. Le Réseau canadien pour la santé des femmes est un organisme national de bénévoles, personnes et groupes, qui travaillent à la promotion de la santé des femmes au Canada. À notre avis, ce projet de loi est un tournant critique au niveau de la santé des femmes et enfants canadiens ainsi que de leurs familles sans parler de la société en générale.
Le projet de loi C-6 a été longtemps en gestation, mais c'est une mesure dont nous devons être très fiers. Je comparais devant vous en vous priant instamment d'adopter cette loi importante. À vrai dire, je soupçonne que bien des Canadiens seraient surpris d'apprendre que ce texte de loi et les règlements ne sont pas encore en vigueur, vu les sujets de si haute importance qui y sont traités.
Enfin, et il était temps, nous définissons les principes et les valeurs qui guident la gestion des technologies de reproduction et nous offrent un processus transparent avec des responsabilités bien définies. Ce projet de loi est une composante importante d'une stratégie globale qui assurera au maximum la santé sexuelle et reproductive de toute la population canadienne.
Je dois vous dire que j'ai commencé à m'occuper de ce dossier au milieu des années 80. En fait, je me souviens de l'âge de mes enfants en prenant comme repère l'année où j'ai commencé à m'en occuper. Je travaille à temps partiel dans un centre de santé communautaire de Winnipeg, qui s'appelle la Clinique de santé des femmes, et nous avons organisé une série de débats éducatifs et de projets de recherche sur l'expérience des femmes à l'égard de ces technologies, ce qui a débouché sur la création du groupe de travail du Manitoba sur les femmes et les nouvelles technologies génésiques et génétiques. Nous avons fait des pressions pour obtenir la commission royale, et nous avons répondu à la commission royale ainsi qu'aux nombreuses ébauches du projet de loi qui ont été rendues public.
Je dois également vous dire que je suis coprésidente du Comité consultatif de Santé Canada sur les techniques de reproduction et de génétique, ce qui veut dire que mes remarques et l'appui que j'accorde à ce projet de loi émanent de toutes ces expériences et connaissances. J'ai la conviction que ces groupes et particuliers sont très heureux du projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui et que nous vous implorons tous d'adopter.
Vous avez beaucoup entendu parler de questions de commercialisation et je tenais à souligner en particulier notre appui des mesures d'interdiction à la fois de la sélection sexuelle et de la commercialisation de la reproduction humaine. Des questions telles que les dons d'embryons et de sperme et les ententes d'adoption avant conception, que l'on décrit souvent comme la maternité de substitution, posent des risques de danger, autant psychologiques que sociaux, aux hommes, aux femmes et à leurs enfants. Les incitations financières peuvent entraîner l'exploitation des personnes vulnérables, cela s'est déjà vu. Je vous en donne comme exemple la vente d'organes humains dans d'autres régions du monde. Les valeurs qui nous sont chères au Canada interdisent la mise à prix du sang, des organes humains ou de la moyenne épinière, et nous demandons que l'on applique une norme au moins aussi rigoureuse à la création d'enfants.
On m'a demandé de parler en particulier de l'agence et des rapports sur la santé, ce que je veux bien faire avec plaisir. L'un des éléments cruciaux de ce projet de loi concerne la création de l'agence. Cette initiative donnera finalement un visage public qui permettra à la population d'avoir un point de contact au sujet de la réglementation de ces technologies.
L'un des aspects les plus importants à mes yeux, au sujet de l'agence, est celui qui concerne non seulement les licences et les normes de qualité mais aussi le devoir de consulter et d'éduquer, activités qui sont trop souvent négligées quand on constate la disparition des commentaires publics dans les débats et l'éducation de la société civile. Je crois que l'agence, grâce à ses programmes de consultation et d'éducation, pourra et devra offrir aux Canadiens l'occasion de partager leurs préoccupations, d'apprendre les uns des autres et de tirer les leçons des nouvelles recherches. Cette activité est aussi importante que la gestion continue des technologies de procréation.
Le projet de loi prévoit aussi la collecte de diverses catégories d'information auprès des gens qui utilisent ces technologies. Cela est très important car la majeure partie de ces activités sont actuellement assurées dans le secteur privé, à but lucratif, ce qui empêche nos systèmes réguliers de collecte de données d'obtenir les informations. Nous appuyons vigoureusement les dispositions du projet de loi qui permettront à l'agence de communiquer des données d'identification en toute confiance aux médecins en cas d'urgence médicale, par exemple, de transplantation de moelle épinière. Tout aussi important à nos yeux, nous appuyons aussi la création d'un système qui permettra de communiquer les données d'identification aux descendants de donneurs lorsque ceux-ci auront donné leur consentement.
En conclusion, je répète que ce projet de loi est excellent et constitue à de nombreux égards un texte visionnaire que l'on attendait depuis longtemps. Il est grand temps de passer à l'action. Comme je l'ai dit, ce projet de loi n'est qu'un élément d'une stratégie globale, c'est-à-dire celle qu'avait recommandée la commission royale en matière de santé génésique. Nous devons investir dans la prévention de l'infertilité et pas seulement des maladies sexuellement transmissibles, en nous attachant aussi aux causes environnementales. Nous sommes particulièrement préoccupés par le nombre de femmes qui reportent la maternité parce qu'elles doivent protéger leur aptitude à être compétitives dans la société, en terminant leurs études et en obtenant une solide expérience de travail avant de procréer. Nous devons élaborer une politique publique saine qui favorise la maternité. Je sais parfaitement bien que le contrôle de la fertilité reste la première préoccupation de la plupart des femmes. Dans notre pays, un enfant sur six vit encore dans la pauvreté, et des organismes tels que les Grands frères et les Grandes soeurs ont de longues listes d'attente d'enfants cherchant des mentors.
Bon nombre des services prévus dans ce projet de loi ne sont actuellement pas couverts par l'assurance-santé, ce qui est tout à fait regrettable car cela veut dire que seulement les personnes qui en ont les moyens peuvent y avoir accès, ce qui crée de nouveau une inégalité systémique dans notre société.
Toutes ces questions font partie d'une stratégie exhaustive en matière de santé génésique. Une recommandation du comité sénatorial à ce sujet serait aussi bénéfique que l'adoption du projet de loi.
Le président: Je donne maintenant la parole à Michael Prince. Vous êtes doyen par intérim de quelle faculté?
M. Michael Prince, doyen par intérim, Université de Victoria: C'est une bonne question. Je suis doyen par intérim de la Faculté de développement humain et social, ce qui est un titre assez rare pour une faculté au Canada. On y trouve une série d'écoles professionnelles: en sciences infirmières, en travail social, en soins aux enfants et aux adolescents, en administration publique, ce qui est mon domaine de formation, en sciences des informations sur la santé, en informatique médicale, en résolution de litiges, en gouvernance indigène et en politique et pratique. Nous avons donc là une collection très intéressante d'écoles et de programmes professionnels axés sur le secteur public.
Le président: En jetant un coup d'oeil autour de cette table, je constate qu'il y a deux ou trois ex-doyens ou vice- doyens. Nous n'avons jamais entendu parler d'un groupe aussi hétérogène. Considérant combien il est difficile d'obtenir que tous les membres d'un même secteur, comme la médecine, parviennent à s'entendre, je me demande vraiment comment vous pouvez faire votre travail. Vous aurez peut-être intérêt à conserver le poste par intérim.
M. Prince: C'est une soupape de sécurité. Vous connaissez sans doute l'expression «rassembler un troupeau de chats», utilisée dans le contexte d'une université.
J'ai fait ma formation en politique sociale, en administration publique, en gouvernement canadien et en sciences politiques, et mes remarques porteront donc sur l'agence elle-même et sur les questions connexes de gouvernance, sur le rôle du ministre de la Santé, et sur des questions de reddition de comptes et de transparence.
J'ai comparu devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes en 2001 pour parler de l'avant- projet de projet de loi présenté par le ministre de la Santé de l'époque, Allan Rock. C'était la première fois que l'on parlait de l'agence dans le projet de loi. Vous vous souviendrez que les versions précédentes du projet de loi présentées à la Chambre ne contenaient strictement rien au sujet d'une agence de réglementation. C'est seulement dans les deux ou trois dernières années que l'on a eu l'occasion de réfléchir sérieusement à la création d'une agence, dans le cadre d'audiences comme celle-ci.
Je suis heureux de constater que certaines des remarques que j'avais adressées à ce comité de la santé, en 2001, ont trouvé un certain écho. C'est en effet moi qui avais appuyé l'idée d'une agence semi-indépendante ou indépendante, créée en dehors du ministère fédéral de la Santé mais relevant directement du ministre de la Santé et, par son intermédiaire, des deux Chambres du Parlement.
Je suis heureux du contenu du projet de loi. Je pense toutefois que le Sénat a maintenant l'occasion d'améliorer le texte. En effet, je pense que vous pourriez envisager sérieusement une série d'amendements mineurs et amicaux qui amélioreraient le projet de loi en en renforçant les dispositions de reddition de comptes, de contrôle parlementaire et de transparence. Comme le nouveau premier ministre attache beaucoup d'importance au déficit démocratique, et considérant l'importance des deux Chambres du Parlement, ce projet de loi nous offre une occasion extraordinaire d'agir directement à ce sujet dès le début de l'an 2004.
Je peux m'interrompre immédiatement, sénateur Kirby, si vous le souhaitez, ou passer à une analyse plus détaillée des dispositions du projet de loi. Je suis à votre disposition.
Le président: Pourriez-vous nous indiquer très brièvement ce que seraient les amendements dont vous parler?
M. Prince: Certains sont tout à fait mineurs mais concernent deux catégories. Certains portent sur des dispositions existantes du projet de loi, par exemple, en ajoutant, modifiant ou précisant certaines choses.
La deuxième catégorie consisterait à adopter de nouveaux articles, par exemple pour prévoir que l'agence dépose un rapport annuel au Parlement. Je n'ai rien vu à ce sujet dans le texte actuel. Un autre amendement obligerait l'agence à soumettre à l'approbation du ministre de la Santé un plan stratégique, une fois tous les trois ou cinq ans, et à le soumettre régulièrement devant les deux Chambres du Parlement. Un troisième amendement serait destiné à préciser que l'agence serait sujette à vérification par le vérificateur général du Canada. Il s'agit donc là de mécanismes de reddition de comptes.
D'autres propositions d'amendement concerneraient des ententes d'équivalence, les décisions ministérielles sur les rapports du Sénat ou de la Chambre des communes, des comités consultatifs, la composition du conseil d'administration lui-même, et la participation des sous-ministres aux réunions du conseil. Il y a donc là toute une série d'amendements plus précis dont nous pourrions parler un peu plus tard. Mon objectif, cet après-midi, est d'aborder les questions de gouvernance et de structure.
Le président: Notre dernier témoin est le Dr Robin Walker, du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario, situé ici même, à Ottawa, mais qui participe à notre audience d'aujourd'hui par téléconférence, de Toronto.
Le Dr Robin Walker, Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario: Comme vous venez de le dire, monsieur le président, je suis le Dr Robin Walker, du CHEO, et je suis professeur de pédiatrie à l'Université d'Ottawa. Ma spécialité au CHEO et à l'hôpital d'Ottawa est la néonatologie, c'est-à-dire les soins intensifs aux nouveau-nés. Je suis également président élu de la Société canadienne de pédiatrie. Je tiens toutefois à souligner que, malgré ma position au sein de la Société canadienne de pédiatrie, celle-ci n'a pas formulé d'opinion officielle ni pris de position sur le projet de loi. Je m'adresse donc à vous aujourd'hui en tant que néonatologiste et pédiatre s'intéressant aux problèmes des nouveau-nés, et aussi en tant que particulier. Les opinions que je vais exprimer n'engagent que moi.
Je fais des recherches en transfert de connaissances, c'est-à-dire au sujet du processus qui permet d'amener les résultats de la science au sein de la communauté, et en amélioration des méthodes sur la base de preuves concrètes, c'est-à-dire l'utilisation de la science pour améliorer la pratique professionnelle. Comme Michael Prince, je m'intéresse à l'informatique médicale. Je suis codirecteur d'un vaste groupe de recherche à Ottawa qui met au point des outils pour appuyer la prise de décisions dans le secteur de la santé au moyen de l'intelligence artificielle.
Évidemment, rien de tout cela n'a beaucoup à voir avec la procréation assistée et mon expertise à cet égard émane en grande mesure de ma fonction de néonatologiste qui traite des nouveau-nés. En effet, cette profession m'a permis de prendre connaissance de certaines des conséquences néonatales de la procréation humaine assistée.
Nous avons des données solides indiquant que certains types de procréation humaine assistée sont reliés à des risques accrus pour les nouveau-nés. Certains types semblent être associés à un risque croissant d'anomalies congénitales, ou de syndromes génétiques, c'est-à-dire ce que l'on pourrait appeler des infirmités congénitales. On a manifestement constaté une augmentation de la proportion de jumeaux ou de naissances multiples après certains types de procréation assistée. Il s'agit peut-être là du risque le plus important à mentionner, étant donné qu'un risque accru de grossesses multiples entraîne un risque accru de naissances prématurées et, en particulier, de naissances prématurées extrêmes, c'est-à-dire d'avoir les bébés les plus minuscules, dont certains ont les taux de décès les plus élevés et certains coûtent le plus cher, à court terme en matière de soins néonatals intensifs et, à long terme, en matière d'invalidité de longue durée.
Toute discussion de la procréation humaine assistée doit à mon avis tenir compte au minimum des coûts pédiatriques, sur le plan financier, reliés aux besoins à long terme de ces enfants, et aussi des coûts financiers, psychologiques ou autres pour les familles.
Le problème le plus grave est celui des naissances prématurées extrêmes, c'est-à-dire de bébés ayant eu moins de 28 semaines de gestation. Ce sont des bébés qui naissent plus de 12 semaines avant terme et ils ont un taux de mortalité élevé, de longs séjours en soins intensifs et un risque à long terme accru de problèmes de développement neurologique.
Je note en passant qu'il y a aujourd'hui un nombre croissant de naissances prématurées au Canada. Les données disponibles permettent de penser qu'environ la moitié de l'augmentation actuelle du nombre de naissances prématurées est attribuable au recours croissant aux technologies de procréation humaine assistée. Certes, d'autres facteurs contribuent aussi au phénomène, comme le fait que les mères et les pères sont plus âgés quand ils décident d'avoir des enfants. Je précise en passant que j'ai un enfant de quatre ans. On constate aussi un recours accru à la naissance prématurée par choix, pour des raisons d'ordre médical.
Parlons maintenant de certaines questions de pratiques professionnelles. Certains des effets dont je viens de parler se prêtent assez facilement à une modification des pratiques professionnelles. Par exemple, en ce qui concerne la fertilisation in vitro, si l'on réduit le nombre d'embryons introduits, on réduit sensiblement le risque de naissances multiples élevées — quadruplés ou plus. Par exemples, nous avons déjà eu la même année, à l'hôpital d'Ottawa, quatre séries de quadruplés. De ce fait, le centre de fertilité d'Ottawa a modifié ses méthodes et les naissances multiples au-delà de triplets ont été quasiment éliminées. Nous voyons encore un nombre assez élevé de triplets, et beaucoup de jumeaux, mais beaucoup moins de quadruplés. Cela est important car plus le palier de naissances multiples est élevé, plus ces enfants risquent d'être prématurés.
En conclusion, j'aimerais parler de certains besoins pédiatriques. Le projet de loi à l'étude ou l'agence qui est proposée répond à la plupart de ces besoins. Encore une fois, je souligne que ce sont là mes opinions personnelles et non les opinions de ceux pour qui je travaille en tant que salarié ou à titre bénévole. Bien qu'il soit nécessaire de prendre des mesures en vue d'adopter un cadre de réglementation — après tout, les recommandations de la commission royale ont été faites il y a très longtemps — bon nombre de lignes directrices en matière d'éthique sont déjà en place, notamment les lignes directrices des IRSC en ce qui a trait à la recherche sur les cellules souches. Nous n'avons pas un vide éthique ou juridique total. Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que nous avons besoin du projet de loi à l'étude.
Je n'aborderai qu'une ou deux questions spécifiques pour gagner du temps. Tout d'abord, je suis tout à fait en accord avec ce qu'a dit Madeline Boscoe au sujet de la commercialisation. De façon générale, les enfants n'ont pas bénéficié ou ne bénéficient pas de la commercialisation des soins de santé. Nous pouvons suivre l'exemple d'autres pays qui ont déjà interdit la commercialisation et en tirer des leçons. Les enfants bénéficient cependant de la recherche et de la thérapie qui se font selon des normes éthiques. Bien que la loi doive, comme c'est le cas, tenir compte des préoccupations éthiques, notamment en ce qui concerne l'utilisation d'embryons humains, elle ne devrait pas empêcher la recherche éthique, notamment la recherche sur des cellules souches selon les lignes directrices des IRSC. Je suis par ailleurs d'avis que cette loi ne devrait pas interdire la thérapie éthique, qui pourrait par exemple inclure le clonage thérapeutique et la recherche connexe pour mettre au point ces technologies. Le clonage thérapeutique est une activité qui devrait certainement être strictement contrôlée, mais j'appuierais un amendement qui éliminerait l'interdiction.
En ce qui a trait à l'agence, les enfants ont effectivement besoin de la surveillance des programmes de procréation assistée afin de s'assurer, entre autres, que les pratiques exemplaires sont suivies afin de réduire au minimum les risques pédiatriques évitables dont j'ai parlé.
Essentiellement, je suis d'avis que le projet de loi qui est proposé devrait être adopté. Il représente en fait un excellent équilibre entre les préoccupations d'ordre éthique et les aspects pratiques. J'appuierais un amendement en vue de permettre le clonage thérapeutique et la recherche connexe, mais uniquement à titre d'activité contrôlée, et je serais certainement heureux que l'agence proposée surveille les programmes afin de s'assurer que les préoccupations qui sont importantes pour les enfants et les nouveau-nés sur le plan pratique sont prises en compte lors de l'attribution des licences, de l'inspection des programmes, et cetera.
Le président: J'ai une question pour M. Prince concernant ses diverses propositions en matière de gouvernance.
Le dilemme sur le plan pratique, pour notre comité — c'est la raison pour laquelle vos réponses m'intéressent — c'est que tout amendement apporté au projet de loi à l'étude, même très mineur, risque de faire couler le projet de loi en ce sens que le projet de loi devra alors être renvoyé à la Chambre des communes, et, comme nous l'avons constaté, il a fallu à la Chambre des communes trois ans et demi pour nous renvoyer le projet de loi. La Chambre sera dissoute en vue d'une élection dans quelques mois, du moins si l'on croit ce que disent les journaux, ce qui signifierait qu'après les élections, nous reviendrions à la case de départ.
Ma question s'adresse aux trois témoins, mais plus particulièrement à M. Prince étant donné qu'il a soulevé des questions en ce qui a trait à la gouvernance. Puisque sur le plan pratique le choix que nous avons c'est d'adopter un projet de loi sans amendement en espérant l'améliorer plus tard, soit lors du processus de réglementation, lorsque nous devrons examiner le projet de règlement, soit lors du réexamen après trois ans, votre choix serait-il d'amender le projet de loi, ce qui ferait en sorte qu'il mourrait au Feuilleton, ou d'adopter le projet de loi dans sa forme actuelle en espérant que nous puissions améliorer le processus lors de la phase de réglementation et lors du réexamen après trois ans?
M. Prince: C'est une bonne question. Comprenez-moi bien. Ma stratégie n'est pas d'étouffer le projet de loi en comparaissant pour dire que je l'appuie et de proposer ensuite toute une série d'amendements. Je sais que des élections sont imminentes. Si le choix est aussi clair que celui que vous avez présenté, alors je dirais qu'il faut appuyer le projet de loi sans amendement afin d'éviter le risque qu'il soit étouffé.
Il s'est écoulé beaucoup de temps depuis 1993 et le rapport de la commission royale, et nous avons déjà eu toute une série d'avant-projets de loi, de sorte que, monsieur le président, je voulais tout simplement soulever ces questions aujourd'hui aux fins du compte rendu et vous encourager, vous et votre comité, à en prendre conscience. Je sais que vous êtes déjà conscients de certains de ces problèmes, mais au cours des deux prochaines années, je vous encourage vivement à vous assurer que ces questions ne seront pas oubliées tout doucement. Nous ne voulons pas que les hauts fonctionnaires nous promettent vaguement que ces questions seront prises en compte dans le règlement alors qu'ils n'y reviendront jamais.
Certaines de ces questions sont très importantes étant donné le caractère éthique de ce domaine. Comme Madeline Boscoe et d'autres témoins l'ont dit, il n'y a que dans le secteur de la biotechnologie que la fonction d'éducation publique et de communication est aussi importante que dans le secteur qui nous intéresse. Le Comité consultatif canadien de la biotechnologie a joué un rôle extrêmement important pour ce qui est de commencer à éduquer les Canadiens au sujet de la biotechnologie. Le défi est tout aussi grand ici en ce qui concerne les exigences. Voilà pour la réponse longue.
En résumé, je voudrais aujourd'hui porter à votre attention certaines idées et recommandations, mais je respecte le fait qu'en tant que sénateurs vous ne voudriez pas donner l'impression de faire de l'obstruction au projet de loi. Je ne voudrais pas moi non plus donner l'impression de faire de l'obstruction au projet de loi. Je préférerais qu'un texte de loi soit adopté ce printemps.
Le président: En passant, les choix clairs, comme vous le dites, que je vous ai décrits, sont malheureusement des choix réalistes. Mes collègues et moi-même ressentons un degré de frustration non négligeable du fait que le projet de loi ait été à la Chambre des communes pendant trois ans et demi, presque quatre ans avant d'être renvoyé au Sénat. C'est une question que nous devrons régler avec d'autres personnes, mais le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est scandaleux. Je vous remercie pour votre observation au sujet de ce que je considère comme étant un choix clair pour nous.
Madame Boscoe, vous avez été très claire: vous êtes en faveur de l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle.
Mme Boscoe: Oui. Il serait peut-être utile de dire à M. Prince et au comité que le bureau du ministre de la Santé est déjà au courant des idées qu'il propose, c'est-à-dire que l'agence les intègre à ses activités. Ces recommandations ont été faites par le Comité consultatif du ministre sur les techniques de reproduction et de génétique.
Par ailleurs, je suis convaincue que les fonctionnaires qui travaillent à ce dossier au sein du ministère ont réfléchi à ces questions, notamment au plan stratégique et au rapport annuel. Je voulais vous en parler, au cas où cela pourrait être utile à votre comité.
Le Dr Walker: Mes observations sont très semblables. Lors de mon exposé, j'étais conscient de ce choix, et j'ai eu beaucoup de temps pour y réfléchir. De toute évidence, je ne suis pas la seule personne à proposer un amendement à l'article sur le clonage thérapeutique. Alan Bernstein, des Instituts de recherche en santé du Canada et Ron Worton, de l'Institut de recherche en santé d'Ottawa ont proposé la même chose. Il ne fait aucun doute que votre choix est clair, et je ne voudrais pas que le projet de loi soit étouffé à cause de quelques petits amendements relativement mineurs.
Le sénateur Morin: Il est ironique que le projet de loi ait pour principal objectif de protéger la santé et le bien-être des femmes et des enfants alors que vous êtes les derniers témoins que nous entendons. Vous auriez dû être les premiers témoins parce que je pense que cela est extrêmement important. En fait, nous avons entendu très peu de témoignages au sujet des enfants. C'est la première fois qu'on nous parle des enfants issus de ces techniques, et aussi de la protection des femmes. Le Dr Walker a mentionné les risques graves pour ces enfants, particulièrement en ce qui a trait aux maladies et aux conditions associées aux naissances multiples.
Mes questions s'adressent à M. Prince. Lorsque la vérificatrice générale a comparu devant le comité de la Chambre, on m'a dit qu'elle a déclaré que l'agence était visée par la Loi sur le vérificateur général et qu'elle avait l'intention de contrôler le fonctionnement de l'agence. En ce qui concerne les rapports annuels et les plans stratégiques, j'ai été affilié pendant de nombreuses années au Conseil de recherches médicales puis aux IRSC, qui sont également des organisations indépendantes. Dans le cadre du Budget principal des dépenses, je me rappelle que nous devions préparer un rapport annuel au Parlement. Comme les autres ministères, nous devions présenter un plan stratégique. Comme vous le savez, tous les ministères doivent présenter régulièrement des plans stratégiques.
Que pensez-vous de ces deux questions, d'abord en ce qui concerne la vérificatrice générale, puis le fait que ces deux organisations indépendantes ont participé au type d'activité que vous recommandez?
M. Prince: Je suis heureux d'entendre l'honorable sénateur dire que la vérificatrice générale a fait cette observation. Je constate en lisant le projet de loi que cette agence qui est proposée figurerait à l'Annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques. J'espère que cela clarifie ce que j'ai dit précédemment. J'espérais que dans le texte du projet de loi il y aurait une clause spécifique concernant la responsabilité et la fonction de vérification. Il en est vaguement question à la fin du projet de loi, à la page 30. Cela ne communique pas de façon efficace aux parlementaires ou au grand public le fait qu'il y ait un lien de vérification entre l'agence et la vérificatrice générale. Selon ce qui est proposé, le Bureau du vérificateur général serait responsable de l'agence.
En ce qui concerne les rapports annuels et les plans stratégiques, l'honorable sénateur a tout à fait raison. Il s'agit là de pratiques de bonne gestion de l'ancien conseil de recherches médicales ou d'autres sociétés d'État aux paliers fédéral et provincial qui sont devenues des pratiques courantes.
Comme Mme Boscoe l'a dit, j'espère que Ian Green, le sous-ministre de Santé Canada, et le ministre Pettigrew sauront qu'il s'agit là de pratiques exemplaires courantes. J'espère que nous n'avons pas besoin d'une mesure législative à ce moment-ci pour s'assurer qu'une fois que l'agence aura été mise sur pied, dès 2005 si tout va bien, ces pratiques exemplaires feront désormais partie des procédures normales de fonctionnement de cette nouvelle agence.
Le sénateur Chaput: Monsieur Prince, ma question concerne vos observations au sujet des questions structurelles que vous avez soulevées. Cela me rappelle une observation qu'a faite la commissaire à la protection de la vie privée. Elle a parlé de renseignements confidentiels. Elle a dit entre autres que le succès du projet de loi à l'étude dépendra des politiques et des procédures qui seront mises en place afin de protéger le caractère confidentiel des renseignements.
Je vous ai écouté lorsque vous avez parlé de vos préoccupations en ce qui concerne les rapports annuels, le plan stratégique et la vérification, et je suis d'avis que ces mesures seront mises en place dans le cadre de politiques et de procédures qui seront élaborées. Le projet de loi sera soumis à un réexamen après trois ans, et je suis certain que notre comité suivra ce travail de très près. Je suis certain que vous suivrez également ce travail de très près. J'espère que vos préoccupations seront examinées et que nous pourrons adopter le projet de loi le plus tôt possible. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
M. Prince: Les articles 14 à 19 du projet de loi qui portent surtout sur les questions de la protection de la vie privée et de l'accès à l'information me plaisent bien. Peut-être que le réexamen après trois ans permettra de mettre autant d'accent sur les questions d'éducation publique, de communication et de publicité, et sur la transparence du fonctionnement de l'agence.
Par exemple, aux termes de l'article 33, le conseil d'administration de la nouvelle agence peut constituer des groupes consultatifs chargés d'étudier toute question que le conseil d'administration juge être importante. On ne mentionne nulle part les critères qui seront utilisés pour nommer les membres de ces groupes consultatifs. Cette question méritera d'être examinée un peu plus tard.
On ne mentionne nulle part qu'il y aura obligation d'informer le public des rapports que prépareront ces groupes consultatifs. Un simple amendement au paragraphe 65(1) consisterait à ajouter des exigences en matière d'obligation d'informer le public. Il devrait y avoir un principe général de transparence des rapports et des activités qui traitent des politiques et procédures. Dans le projet de loi, avec raison, on a consacré beaucoup de temps et d'effort à protéger la vie privée et la confidentialité.
En ce qui concerne les membres du conseil d'administration, j'aimerais qu'au moins la moitié des membres soient des femmes. Je sais que la question a été soulevée précédemment à la Chambre. L'ancienne ministre de la Santé, Anne McLellan, a promis qu'il y aurait quelque chose à ce sujet dans le règlement.
Un simple amendement au paragraphe 26(2) du projet de loi consisterait à dire que les membres du conseil d'administration seront guidés à la fois par les objectifs et les principes du projet de loi. L'article 2, où l'on énumère les principes du projet de loi, souligne qu'il s'agit là d'un secteur d'action qui est particulièrement important pour les femmes au Canada. Le projet de loi est important pour les enfants, mais il y a une spécificité de genre importante qu'il faut aborder ailleurs dans la loi.
Ce sont là quelques préoccupations. Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable sénateur au sujet de l'importance de la confidentialité. Cette dernière est absolument essentielle à l'efficacité de cette loi.
Le sénateur Roche: Je crois comprendre que le projet de loi à l'étude permettrait à ceux qui sont à l'emploi des entreprises de recherche en biotechnologie ou qui ont un lien avec ces dernières de faire partie du conseil d'administration. J'espère que vous me corrigerez si je me trompe. Si j'ai raison, croyez-vous que cela soulève un problème, par exemple, si ceux qui sont responsables de la réglementation de la recherche ont un intérêt financier dans cette recherche, reconnaissant que nous n'allons sans doute pas amender le projet de loi à l'étude pour les raisons qu'a invoquées le sénateur Kirby il y a un moment? Le comité fera peut-être des observations. Avez-vous des conseils à nous donner sur les observations que nous pourrions rédiger afin de nous assurer que nos préoccupations sont prises en compte afin d'éviter un conflit d'intérêts dans la composition des membres du conseil d'administration?
M. Prince: Si on regarde les projets de loi qui ont été présentés précédemment dans ce domaine devant les deux Chambres du Parlement au cours des huit à neuf dernières années, leur libellé sur la question que vous soulevez était préférable à celui que l'on retrouve dans le projet de loi à l'étude.
Le paragraphe 26(8) est le seul endroit dans le projet de loi à l'étude où il est question de ceux qui ne peuvent occuper la charge d'administrateur. Ce paragraphe est très court et ne mentionne que le titulaire d'une autorisation, celui qui en demande une ou qui en est un administrateur. Ce libellé devrait être beaucoup plus sensible au problème.
Pour ce qui est de l'intégrité du processus et de tout le processus de l'attribution des autorisations, si on regarde les lois équivalentes dans le domaine de l'agriculture, le contrôle des ravageurs et les pesticides dans le secteur industriel, on utilise un libellé beaucoup plus fort pour aborder la question.
Le projet de loi à l'étude concerne les enfants, les familles, la vie et la naissance, mais nous savons tous que derrière tout cela il y a également d'importants intérêts économiques dans les secteurs industriels. Les relations sont parfois problématiques entre les universités et l'industrie en ce qui a trait à la recherche subventionnée. Nous devons être très honnêtes et prudents en matière de mesures de protection.
À court terme, il serait peut-être possible de tenir compte de ces préoccupations dans le règlement. Lors du réexamen après trois ans, votre comité et d'autres pourraient revenir sur la question et demander un renforcement de la loi.
Je vous remercie d'avoir soulevé la question. Il s'agit d'une question importante.
Le président: Vous ne pouvez pas le voir, mais nos collègues autour de la table hochent la tête pour montrer qu'ils sont absolument d'accord avec vous. Je suis ravi que le sénateur Roche ait soulevé la question.
Au fait, une autre chose que vous ne pouvez pas voir autour de la table concerne votre observation au sujet du conseil d'administration qui devrait être composé de 50 p. 100 de femmes. Pour que ce soit bien clair, je veux que vous sachiez qu'à notre comité, il y a deux fois plus de femmes que d'hommes, non pas seulement en ce qui concerne cette étude mais pour toute notre étude des soins de santé.
Le sénateur LeBreton: Nous hochons tous la tête.
Le président: Croyez-moi, ils faisaient tous signe que oui.
M. Prince: Cinquante pour cent n'est peut-être pas suffisant, alors.
Le sénateur Roche: En ce qui concerne le pourcentage de femmes, on a fait allusion à une déclaration de la ministre McLellan, lorsqu'elle était ministre de la Santé, concernant l'intention que le conseil d'administration soit composé de 50 p. 100 de femmes. Est-ce quelque chose qu'elle a déclaré dans le cadre d'une lettre qui lierait son successeur?
Le président: Je ne sais pas où elle a déclaré cela, mais nous en avons déjà parlé avec les ministres. Les lettres qu'envoient les ministres aux comités ne lient pas leurs successeurs. En fait, cela a donné lieu à certains différends avec les nouveaux ministres. Je me rappelle il y a eu un cas où nous avions convenu que jusqu'à ce que l'engagement que nous avions pu obtenir de l'ancien ministre ait été respecté, nous n'allions tout simplement pas adopter un projet de loi. Le nouveau ministre a été alors beaucoup plus raisonnable que ce à quoi nous aurions pu nous attendre autrement.
Le sénateur Roche: Lorsque je lisais les documents pendant que le projet de loi était à la Chambre des communes et qu'ils avaient des difficultés, il m'a semblé que le ministre du gouvernement responsable à l'époque avait vraiment l'intention de le faire en toute bonne foi.
Le président: Je le crois effectivement.
Le sénateur Roche: S'il n'y avait pas 50 p. 100 de femmes au conseil d'administration, considérerions-nous cela comme une violation d'un engagement pris de bonne foi?
Le président: Quand les règlements seront prêts et que le comité devra les approuver — nous aurons une influence pas du tout négligeable. Nous devrions le signaler dans nos observations.
Le sénateur Pearson: Mes questions s'adressent au Dr Walker, ce qui ne l'étonnera pas.
Vous et moi avons déjà discuté de cela. J'aimerais que vous précisiez, pour mémoire, s'il y a de plus en plus de données de recherche cohérentes sur les enfants nés grâce aux techniques de procréation assistée.
En répondant à cette question, voulez-vous en profiter pour indiquer quels axes de recherche vous préconisez, compte tenu de la mise en place d'un régime réglementaire?
Le Dr Walker: Aucun chercheur ne laisse jamais filer l'occasion de dire quels axes de recherche il voudrait voir privilégier.
J'aimerais dire, en réponse à votre première question, qu'il ne fait aucun doute que les données de recherche s'accumulent dans quelques domaines importants. Il y a d'abord toutes les questions entourant les naissances prématurées et particulièrement les naissances extrêmement prématurées. L'inquiétude ici est double. D'abord, nous avons un système de soins de santé très onéreux et les coûts ne cessent de grimper, et les naissances extrêmement prématurées comptent pour une part importante de ces coûts. D'ailleurs, l'Hôpital d'Ottawa est l'un des rares hôpitaux à avoir recueilli des données sur le coût des soins en milieu hospitalier. Nous avons très peu de données sur les coûts au Canada, et notamment le coût des soins des enfants handicapés en raison d'une prématurité extrême. Toutefois, les données que nous avons des États-Unis et du Royaume-Uni, entre autres, laissent croire que ces coûts peuvent être extrêmement élevés.
Le coût est donc un sujet de préoccupation, mais il y a des coûts autres que financiers. Les familles peuvent aussi subir des coûts importants. Les futurs parents ont clairement des raisons d'accepter la procréation assistée. Ils veulent des enfants. Cependant, on peut présumer qu'ils souhaitent et veulent habituellement des enfants en bonne santé, sans handicap. Cela peut avoir des effets dévastateurs pour la famille de se retrouver avec des jumeaux ou des triplets nés très prématurément et qui peuvent être handicapés pendant de très nombreuses années.
Le deuxième sujet de préoccupation est l'incidence sur les ressources. L'incidence sur les ressources en milieu hospitalier, bien qu'importante, est quelque peu atténuée par la réduction des besoins de soins intensifs néonataux dans quelques autres secteurs. Les données disponibles ne permettent pas de conclure que la demande de soins intensifs néonataux est à la hausse et je ne pourrais donc pas invoquer cet argument pour réclamer une augmentation du nombre de néonatologistes. Or, il est incontestable qu'il y a une augmentation du nombre de nourrissons qui, après avoir reçu leur congé de l'hôpital, restent médicalement fragiles, c'est-à-dire qu'ils souffrent de multiples conditions médicales ou que, dans certains cas, leur bien-être dépend de l'utilisation de divers moyens techniques. Les ressources dont ils ont besoin sont donc en hausse et cela a une incidence appréciable puisque les services dont ont besoin de tels enfants après leur départ de l'hôpital sont beaucoup moins avancés que les services des soins intensifs de courte durée. C'est là un thème que vous connaissez bien: le besoin de soins à domicile, de soins dans la collectivité, de soins multiples disciplinaires qui persistent non seulement pendant l'enfance mais pendant toute la vie de ces enfants.
Il existe de plus en plus de données de recherche dans les domaines dont Mme Boscoe a parlé si éloquemment, à savoir les effets psychologiques de la maternité de substitution. Je ne suis pas expert en la matière, mais il existe des données de recherche assez cohérentes sur ces effets. Ils ne sont pas négligeables.
Quant à votre seconde question, je crois qu'il existe un grand besoin de poursuivre les recherches sur les causes de la prématurité et sur les façons de la prévenir. C'est bien beau de dire que s'il y a plusieurs foetus, les naissances sont prématurées. Nous n'avons pas à l'heure actuelle de moyens efficaces de prévenir ces naissances prématurées. L'approche médicale, c'est-à-dire le recours aux médicaments, est un échec. Très souvent les naissances prématurées sont attribuables à des facteurs socioéconomiques et démographiques. Nous n'avons pas encore découvert comment prévenir ces effets. Le stress peut aussi être un déterminant. Nous ne savons tout simplement pas comment prévenir les naissances prématurées, donc cela me semble être un axe de recherche important.
Ensuite, étant donné les progrès notables réalisés dans le traitement des nourrissons prématurés en milieu hospitalier, il existe un besoin pressant de recherche pour trouver des façons de mieux soigner les nourrissons hypotrophes et améliorer leur état de santé à long terme.
Il nous faut essentiellement des moyens préventifs, d'une part, et une meilleure réponse aux besoins à long terme de ces enfants, d'autre part.
Le sénateur Pearson: Je me rappelle l'une de nos conversations où nous avons parlé d'anomalies inhabituelles et de l'opportunité de pousser nos recherches afin de déterminer s'il existe des anomalies associées uniquement avec ces techniques afin que les parents puissent être mieux conseillés à toutes les étapes.
Mme Walker: L'un des problèmes tient au fait que même si la prématurité est relativement fréquente — environ 7 p. 100 de toutes les naissances au Canada — et qu'elle est relativement facile à prédire lorsqu'il y a des jumeaux ou multiparité, il reste que le taux d'anomalies congénitales liées aux techniques de procréation assistée est beaucoup plus faible. Il semble toutefois être légèrement plus élevé que le taux naturel de la procréation humaine non assistée, mais l'ordre de grandeur est légèrement supérieur. On peut aisément étudier la prématurité dans un seul centre tel Ottawa qui compte de nombreuses naissances prématurées. C'est beaucoup plus difficile d'étudier les causes et les liens de causalité des anomalies congénitales qui surviennent dans la population normale et qui peuvent se produire un peu plus fréquemment dans le cas d'enfants nés grâce à certaines techniques de procréation assistée. Dans de tels cas, la tâche est beaucoup plus difficile. Cela ne veut pas dire que ces recherches ne sont pas importantes. J'ai dit que nous avons fait des progrès notables dans les soins à prodiguer aux nourrissons prématurés en ce qui a trait aux problèmes liés à la prématurité. Il nous reste beaucoup de chemin à faire pour découvrir comment traiter ces anomalies congénitales après la naissance. Voilà pourquoi la prévention pourrait être si importante.
J'admets que cet axe de recherche ne sera pas évident et nécessitera une importante population, sans doute à l'échelle du Canada, si nous voulons pouvoir intervenir efficacement.
Le sénateur Pépin: Madame Walker, vous avez souligné l'importance de la prématurité et des soins psychologiques à prodiguer aux enfants et aux familles. Avez-vous des statistiques? Pouvons-nous dire que les problèmes qu'ont ces familles et les enfants sont semblables à ceux qu'avaient il y a de nombreuses années les enfants adoptés?
Mme Walker: Il y a certainement des similitudes. Je vous rappelle toutefois que ma spécialité est médicale plutôt que psychologique. C'est sans doute un sujet dont pourrait traiter utilement Mme Boscoe.
Selon certaines données, certains des problèmes psychologiques sont semblables. Ces données révèlent, par exemple, que les effets psychologiques à long terme de la maternité de substitution peuvent différer quelque peu.
Je vous signale en passant que je suis moi-même adoptée. Même si mes collègues pourraient être tentés de le contester, je me plais à dire que je ne ressens aucun trouble psychologique attribuable à mon état.
Il y a des similitudes et des différences. Certains effets sont attribuables aux techniques de procréation assistée et d'autres à la maternité de substitution. À certains égards, les effets à long terme recoupent ceux associés à l'adoption.
Je ne sais pas si cela répond parfaitement à votre question.
Le sénateur Pépin: Oui, elle est très utile.
Madame Boscoe, comme Mme Walker l'a dit, vous êtes sans doute en mesure de nous parler des enfants et des familles qui souffrent de troubles psychologiques. Est-ce que cela vous préoccupe? Qu'en pensez-vous?
Mme Boscoe: J'aimerais d'abord faire quelques commentaires et le premier se rattache à ce qu'a dit Mme Walker. Un des principaux déterminants de la multiparité tient à la pression que ressentent les familles qui doivent payer elles- mêmes les services dans un système privé à but lucratif. Chaque cycle des traitements est si coûteux qu'elles sont constamment tentées d'augmenter le nombre d'embryons implantés dans l'espoir que quelques-uns d'entre eux se développent. Or, trop souvent, aucun d'eux ne se développe et le couple doit refaire le cycle. C'est un fardeau financier pour les familles.
J'ose espérer — et cela se rattache à mes commentaires au sujet de la nécessité d'une prise en charge par le secteur public — que les familles ne feront pas pour des raisons financières des choix qui seraient contraires à leurs intérêts, tant pour ce qui est de leur santé que du bien-être de leurs futurs enfants.
Je ne sais pas si Mme Walker souhaite ajouter autre chose. J'espère que cela viendra.
S'agissant des effets psychologiques, j'ai utilisé dans mon exposé l'expression «ententes d'adoption avant conception». Certains dans notre société — et certains des témoignages que vous avez entendus le confirment — soutiennent que ces femmes ne sont pas des mères et c'est contraire à la réalité. Ces mères vivent ces expériences.
Il y a de nombreuses années, j'ai lancé un groupe de soutien à l'adoption à l'intention, c'est ce que nous pensions à la clinique des soins de santé, des jeunes femmes que nous attirerions des jeunes femmes qui songeaient à donner leur bébé en adoption. J'ai été frappée par le nombre de femmes qui avaient donné leur bébé 5, 10, 15, 20 ans auparavant et qui étaient toujours déchirées par leur choix. Elles ne savaient pas à qui s'adresser. Le Dr Walker avait raison de dire que ces familles fonctionnent comme celles qui ont des enfants adoptés et c'est pourquoi certains adultes nés grâce à l'insémination artificielle par donneur viennent nous voir et nous disent: «J'essaie d'obtenir de l'information au sujet de mon histoire génétique et biologique et au sujet de mes parents biologiques. Ces droits me sont refusés alors qu'ils ne le sont pas aux enfants adoptés». Ces questions d'ordre psychologique existent.
Le projet de loi semble retenir cette idée que c'est secret, que c'est quelque chose qu'il faut cacher. Il nous faut un débat public et un système public qui protégera les droits des enfants nés grâce à ces techniques. Les adultes qui pourraient envisager de permettre l'adoption de leurs embryons ou le don de leurs gamètes doivent pouvoir obtenir de solides conseils donnés en toute indépendance qui les aideront à comprendre les enjeux beaucoup mieux qu'ils ne peuvent le faire actuellement.
J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Pépin: Monsieur Prince, j'aimerais vous remercier d'avoir précisé que la moitié des membres du conseil d'administration de l'agence devraient être des femmes, l'autre moitié étant des hommes. Une telle affirmation a beaucoup plus de poids quand vous la faites qu'elle n'en aurait si elle l'avait été par toutes les femmes de ce comité.
M. Prince: Merci, sénateur Pépin. J'ai deux filles et une merveilleuse épouse. Je vis dans un monde de femmes. Les femmes comptent pour plus de 70 p. 100 du corps professoral à l'Université de Victoria. C'est une réalité avec laquelle je vis tous les jours.
L'article 2 du projet de loi énonce les principes. C'est une amélioration par rapport au précédent projet de loi qui renfermait un préambule dans lequel étaient énoncés ces principes. Ils se trouvent maintenant dans le corps du projet de loi, à l'article 2. Assurons-nous de respecter les engagements pris.
Le président: Nous sommes certainement d'accord avec vous.
Le sénateur Cordy: Mme Boscoe a parlé de la collecte d'information et des renseignements que les Canadiens auront et devraient avoir afin de faire des choix éclairés. Mme Walker a parlé de l'information qu'ils n'ont pas à l'heure actuelle.
L'adoption du projet de loi C-6 donnera-t-il aux intéressés plus d'information, de l'information qu'ils n'ont pas actuellement puisqu'il n'existe aucune réglementation applicable aux agences privées? L'adoption du projet de loi C-6 nous garantira-t-elle l'accès à plus d'information afin que les familles puissent faire des choix éclairés avant de choisir la procréation assistée?
Mme Boscoe: Je le crois réellement. Le fait que ces services soient offerts dans des agences privées à but lucratif est très frustrant parce que nos modes habituels de collecte de données et d'information sur les résultats, l'efficacité et les taux de réussite des «installations» sont cachés. Il n'y a pas d'examens par les pairs ni de systèmes de reddition de comptes au public. Les autorisations et les systèmes d'information qui nous permettront de recueillir des donnés et notamment les bilans de santé d'enfants nés grâce à ces techniques nous permettront enfin de faire un suivi et de faire de recommandations à l'intention des Canadiens et de ces personnes qui envisagent de recourir à ces techniques. À l'heure actuelle, cette information n'est pas facilement disponible. Nous nous tournons souvent vers la Grande- Bretagne ou vers d'autres pays qui ont adopté une loi de ce genre afin de voir ce qui pourrait se produire ici au Canada.
Le Dr Walker: Je suis on ne peut plus d'accord.
Ce projet de loi contribuera à améliorer l'information de deux façons. D'abord, l'adoption d'un projet de loi, ou même la modification d'une loi, a souvent pour mérite de sensibiliser le public. Je crois que l'adoption de ce projet de loi suscitera davantage d'intérêt, notamment de la part des médias, et aidera à renseigner le public sur certains aspects importants.
Je me plais à croire, par exemple, que les couples qui envisageaient la fécondation in vitro recevaient systématiquement des conseils quant au risque accru de naissance prématurée et qu'ils avaient d'ailleurs de l'information qui devait leur permettre de faire des choix judicieux quant au nombre d'embryons à implanter. Cela se fait peut-être dans le système actuel, mais nous n'en savons absolument rien. Je sais que cela se fait dans certains centres plus responsables que je connais mieux, mais je ne sais pas si cette façon de faire est universelle.
Il y a ensuite bien sûr la création d'une agence qui est une occasion rêvée de recueillir des données sur les interventions qui sont faites, à qui et quand, et sur les résultats. Elle facilitera aussi la mise en commun d'informations au sujet des centres. À l'heure actuelle, les multiples formules de facturation à l'acte empêchent que cette information soit donnée au public — et Michael Prince en a parlé — ou aux couples qui songent à recourir à l'une ou l'autre des techniques de procréation assistée.
Loin de moi l'idée de vouloir décourager les couples qui souhaitent recourir à la procréation assistée. Je souhaite tout simplement qu'ils disposent d'informations fiables afin de prendre des décisions éclairées. Le public est aussi en droit de s'attendre à ce que les centres qui offrent ce genre de service rendent compte de leurs activités.
Le sénateur LeBreton: J'ai une question à poser au Dr Walker au sujet du counselling. C'est une question qui m'est venue quand j'ai écouté le témoignage de certains des enfants nés de dons.
Conseille-t-on assez bien les donneurs? Ceux qui font des dons d'ovules et de sperme sont-ils assez bien conseillés pour être parfaitement conscients de leurs responsabilités envers des enfants nés grâce à ces dons?
Le Dr Walker: C'est une excellente question à laquelle il est difficile de répondre. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour y répondre puisque je travaille dans un milieu où les donneurs reçoivent des conseils. Je travaille bien entendu avec les enfants nés de ces dons, même si c'est à un stade très précoce de leur vie.
Dans ces centres que j'ai qualifiés de responsables — sans vouloir donner à entendre qu'il y en a qui sont irresponsables — certains font un effort délibéré pour agir de façon responsable et fournir de solides conseils. Or, ce que j'en sais me porte à croire qu'il faut donner aux couples qui sont appelés à faire des choix très importants davantage de conseils qu'on en donne vraisemblablement aux donneurs.
Je pense qu'il y aurait sans doute place à l'amélioration à cet égard et que cela se fera vraisemblablement si nous avons un système réglementé par une agence dotée de pouvoirs de réglementation au lieu de ce qui existe, une série hétérogène de centres privés disparates.
Le sénateur Pépin: On nous a dit que de nombreux donneurs sont jeunes et que bon nombre d'entre eux sont sans doute des étudiants. Il m'apparaît important qu'il y ait responsabilisation. Nous devons leur dire qu'ils auront des responsabilités à assumer advenant la naissance d'un enfant qui pourrait plus tard vouloir connaître son père. J'estime aussi qu'il faut conseiller les donneurs qui doivent eux aussi mesurer toute la responsabilité qui leur incombe.
Le Dr Walker: Nous avons parlé plus tôt des parallèles à tirer avec l'adoption. J'ai mentionné que je suis moi-même adopté. J'ai d'ailleurs retracé ma mère biologique et j'ai souvent passé du temps avec elle. Je n'ai pas trouvé et je ne trouverai jamais mon père biologique disparu bien avant ma naissance. Je connais son nom et rien d'autre. Je déplore de ne pas avoir d'information sur la moitié de mon patrimoine génétique qui venait de mon père. C'est plus important pour certaines choses et moins pour d'autres. Nous savons, par exemple, que l'intelligence dépend uniquement de l'expression des gènes provenant de la mère, fait qui n'étonnera pas les femmes de ce comité et qui justifie amplement que la moitié des membres du conseil d'administration de l'agence soit des femmes. Quoi qu'il en soit, l'absence d'information peut avoir des conséquences pour la santé.
Il existe à tout le moins la responsabilité de fournir l'information, même si elle est anonyme, concernant, par exemple, l'état de santé du donneur et ses caractéristiques génétiques qui pourraient avoir des conséquences pour ses descendants. Les enfants adoptés ont aujourd'hui beaucoup plus facilement accès à cette information qu'il y a 15 ou 20 ans.
Pour les enfants issus de techniques de procréation assistée, il est souvent impossible d'obtenir cette information, ce qui leur cause un sérieux problème.
Le président: Je remercie les trois témoins, même si j'hésite à remercier le Dr Walker. Ce qu'il a dit va inévitablement causer beaucoup d'ennui dans l'avenir aux membres masculins de notre comité, surtout lorsque nous amorcerons l'examen de la santé mentale et de ses rapports avec l'intelligence, et le président va inévitablement écoper.
Je vous remercie tous de vous être déplacés. Vous nous avez aidés à faire l'expérience de nouvelles méthodes. Nous avons souvent utilisé des services de téléconférence pour entendre les témoins d'aussi loin que la Nouvelle-Zélande, mais nous n'avions jamais entendu au cours de la même réunion des témoins comparaissant par téléconférence de trois endroits différents. Nous sommes ravis de profiter de la technologie moderne qui, tout comme les recherches auxquelles beaucoup d'entre vous travaillent, progressent rapidement. Nous sommes ravis d'avoir pu entendre vos points de vue ce matin et nous vous en remercions.
M. Prince: En terminant, je vous signale que je participerais volontiers à l'évaluation de la loi, après son adoption. Je serais heureux de voir le projet de loi adopté et de travailler avec vous au cours de l'année ou des deux années suivantes.
Le président: Quand l'ébauche des règlements sera prête, nous ne manquerons pas de communiquer avec vous.
J'ai certaines choses à vous communiquer parce que certains membres du comité sont absents.
Nous avons entendu plus de 50 témoins au cours d'une vingtaine d'heures d'audiences. J'ai demandé à notre attachée de recherche de noter la réponse que les témoins donnaient à la question épineuse de savoir ce qu'ils feraient s'ils étaient comme nous confrontés à l'alternative suivante: amender le projet de loi, rendant par le fait même impossible son adoption, ou ne pas proposer d'amendement au projet de loi mais formuler des observations et essayer d'en corriger les lacunes lorsque le Règlement sera prêt ou au moment de l'examen prévu après trois ans. D'après nos statistiques, les témoins sont trois fois plus nombreux à souhaiter que nous allions de l'avant avec le projet de loi; c'est ce que 36 d'entre eux ont déclaré, contre 12 qui ont exprimé l'avis contraire. Je tenais à vous signaler que nous avons tenu des statistiques à ce sujet.
Quatre des membres en règle du comité sont absents. Trois d'entre eux m'ont prévenu de leur absence.
Le sénateur Fairbairn espérait pouvoir assister à la réunion aujourd'hui. Elle devait prendre l'avion après avoir assisté à une réunion à Lethbridge hier soir.
Le sénateur Keon m'a écrit pour me dire qu'après avoir lu le texte provisoire des observations qui a été remis à tous les membres du comité, il souhaite que nous adoptions le projet de loi en y joignant les observations en question ou des observations modifiées par le comité. Il est absent aujourd'hui parce qu'il est le conférencier d'honneur à un congrès médical important à Vancouver.
Les sénateurs Cook et Callbeck ne m'ont pas écrit parce que j'ai pu leur parler individuellement. Le sénateur Cook est à St. John's aujourd'hui en compagnie de la ministre d'État à la Santé publique, Carolyn Bennett. Le sénateur Callbeck est à Charlottetown où elle accompagne un autre ministre à un événement public. L'une et l'autre sont en faveur de l'adoption du projet de loi tel quel, sans amendement; elles souhaitent que nous joignions les observations qui ont été envoyées à tous les membres du comité et qui décrivent les réserves que nous avons tous à propos du projet de loi.
J'ai demandé par écrit à tous les membres du comité s'ils avaient des amendements à proposer, non pas sur les observations mais sur le projet de loi même. Personne n'a indiqué vouloir apporter des amendements, bien que nous sachions tous que, dans un monde idéal, chacun d'entre nous souhaiterait apporter certains changements. Nous devons cependant faire preuve de réalisme et tenir compte de la position dans laquelle nous nous trouvons.
Cela dit, est-ce que les membres du comité ont des amendements? Nous voulons parler des observations, mais si personne ne veut modifier le projet de loi, je serais prêt à entendre une motion portant rapport du projet de loi au Sénat sans amendement.
Le sénateur LeBreton: Je le propose.
Le sénateur Roche: Je voudrais intervenir.
Le sénateur Roche: Je ferai un commentaire, mais je serai très bref.
J'ai l'intention d'appuyer la motion, mais j'aimerais dire quelques mots afin que le comité comprenne ce que je ressens et que cela soit public.
Ce projet de loi me trouble en effet beaucoup, mais je pense qu'il serait encore pire qu'il ne soit pas adopté. C'est certainement le plus difficile pour moi de toute ma carrière au Sénat.
Je veux en effet défendre énergiquement l'embryon humain, que le projet de loi qualifie d'organisme humain. Je voulais tout d'abord présenter un amendement visant à interdire la recherche sur les embryons. Si c'était impossible, je voulais un amendement qui au moins imposerait un moratoire sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires pendant trois ans, en attendant que soit mieux prouvée la nécessité de cette recherche en plus de la recherche sur les cellules souches adultes. J'estime qu'il faudrait faire plus de recherche.
J'en arrive à ce que je voulais dire. Je doute que de tels amendements seraient adoptés par le comité et, même s'ils l'étaient et l'étaient ensuite au Sénat, si le projet de loi C-6 retournait à la Chambre des communes dans le climat politique actuel, il n'y survivrait pas.
J'aimerais que cette phrase entre dans les observations. C'était la dernière du témoignage de la Dre Scorsone la semaine dernière. Je veux relire ses paroles parce qu'elles m'ont frappé et m'ont porté à réfléchir au sujet du projet de loi. Je la cite: «Personnellement, je ne pense pas que l'on puisse espérer un meilleur projet de loi à court terme, ni même dans un avenir prévisible, s'il retournait aujourd'hui à la Chambre des communes. Si nous choisissons de ne pas prendre les mesures incomplètes mais néanmoins constructives qui se présentent à nous, nous choisissons d'assumer la responsabilité des conséquences de cette omission».
Je pense que cela présente très bien le dilemme. Je recommande cette phrase à notre président lorsqu'il présentera le rapport au Sénat.
Nous avons dû trouver un terrain d'entente. Inutile que je répète toutes les bonnes choses que contient le projet de loi ni le fait que notre pays, notre société, ont terriblement besoin de cette réglementation de la fécondité. Dans cet effort de compromis, je m'associerais au consensus que je crois déceler au sein du comité, qui semble être que le projet de loi soit adopté. J'espère toutefois que les observations que nous annexerons au projet de loi seront prises très au sérieux par les autorités pertinentes et le comité d'examen du projet de loi. Tout ce que contiennent ces informations est très important.
Je limiterai maintenant mon commentaire à la section portant sur la recherche sur les embryons parce qu'il y a toute une population dans notre pays qui s'inquiète beaucoup. Certains seront choqués de notre action parce qu'ils jugeront que nous ne portons pas assez attention à la nécessité de protéger l'embryon comme expression de vie humaine. C'est pourquoi je suis favorable à l'application de l'article 33 du projet de loi qui mettrait sur pied, comme on l'indique dans l'observation, le groupe consultatif sur la recherche sur les embryons. Ce n'est pas parfait, mais cet article devrait permettre d'atténuer certaines préoccupations parmi ceux qui craignent que ce projet de loi ouvre la porte au génie génétique, ce qui entraînerait peut-être d'autres conséquences négatives.
Je suis convaincu que les auteurs du projet de loi veulent la meilleure solution pour la population canadienne: interdire le clonage et réglementer les méthodes de fécondation assistée. Notre société, dans son ensemble, me semble-t- il, bénéficiera de l'ensemble du projet de loi, mais l'opposition à la recherche sur les cellules souches embryonnaires demeure. Tout bien pesé, je crois moi aussi qu'il est préférable d'adopter le projet de loi, mais j'inviterais instamment le comité à donner sa bénédiction à la clause sur la recherche sur les cellules embryonnaires et à préciser, à propos du groupe consultatif, que les rapports de ce groupe soient rendus publics afin que les Canadiens puissent être tenus informés de la recherche sur les embryons.
Il y aurait un ou deux petits changements mineurs dans le libellé sur lesquels je reviendrai plus tard.
Je suis prêt à conclure, mais j'espère que le comité interprétera mes commentaires comme une manifestation de ma bonne foi face à la nécessité de protéger et de développer l'intérêt commun du pays.
Le président: Merci de ces commentaires, sénateur, parce que je sais, du fait des conversations personnelles que j'ai eues, que ce projet de loi a été difficile pour vous et pour d'autres membres du comité. J'en suis bien conscient. J'apprécie aussi votre collaboration en dehors de cette salle alors que nous essayons d'atteindre certains de vos objectifs.
Y a-t-il d'autres membres du comité qui souhaiteraient faire un commentaire?
Le sénateur Pépin: Je regrette de ne pas avoir participé à toutes les réunions du comité, ayant été prise par mes responsabilités de Présidente intérimaire. Ce projet de loi est toutefois très important. J'ai été coordinatrice de la première banque de sperme en 1970 et, pour moi, c'est très émouvant, parce que j'ai l'impression qu'il y a une partie de l'histoire que l'on n'a pas racontée. Quand cela a commencé, c'était une fenêtre ouverte sur l'avenir tellement il y avait de couples inféconds qui cherchaient un moyen de donner naissance à des enfants. À l'époque, il n'y avait que cinq médecins au pays. Ça ne rapportait pas non plus. C'était payé par l'assurance-maladie et la seule personne que l'on payait était le médecin et il devait répondre à une petite liste de questions. Le registre n'était certainement pas aussi complet qu'il aurait dû l'être, mais c'était un début. Toutefois, nous avions l'impression que nous donnions du bonheur à ces familles.
C'était très confidentiel. Quand on dit confidentiel, à l'époque, dans les années 70, cela veut dire que seuls le couple et le médecin étaient au courant. Personne d'autre. À l'époque, on pensait toujours que c'était la femme qui ne pouvait pas avoir d'enfants. Les gens disaient qu'elle ne pouvait pas tomber enceinte, mais dans la majorité des cas, la femme constatait que c'était son mari qui souffrait d'infertilité. Elle disait: «Comment puis-je le lui dire»? Nous leur disions de laisser simplement les résultats médicaux sur le bureau et qu'il les découvrirait. Elle ne pouvait pas le dire elle-même. C'était une situation terrible.
Après quoi, le couple recherchait une solution. Le médecin leur disait: «C'est entre vous et votre médecin. Si vous ne voulez pas en parler à votre famille, à vos frères et soeurs, cela vous regarde». C'était la situation d'alors.
À partir de 1970, nous avons fait pression auprès du gouvernement pour créer un registre. Je ne connaissais rien à la politique à l'époque, mais je venais avec ces médecins pour essayer de savoir comment on pourrait avoir un registre parce que cela nous préoccupait beaucoup. Même si nous connaissions le nom du donneur et d'où il venait, peut-être qu'il aurait pu engendrer plus d'un enfant.
Lorsque le Dr Leader a témoigné la semaine dernière, je lui ai parlé d'une des cliniques dont il connaît le propriétaire. Il a dit que c'est l'une des meilleures au pays. Je lui ai parlé des donneurs de sperme et de la criminalisation de leurs activités, et il m'a répondu que beaucoup de cliniques devraient fermer. Il jugeait que c'était triste.
Je pense qu'il est à peu près temps que nous adoptions ce genre de projet de loi. Ça fait 38 ans que l'on attend et ce sera merveilleux. Je veux être sûre que dans trois ans, nous puissions le réexaminer et voir comment cela marche. C'est très important.
Quand vous dites que nous allons étudier l'agence et la façon dont elle suivra les règlements, et cetera, êtes-vous sûrs que nous le ferons?
Le président: Le projet de loi contient une disposition explicite portant que tous les règlements doivent être présentés sous forme de projet à la fois au comité de la Chambre des communes et à notre comité. Si le gouvernement n'accepte pas nos recommandations, il doit nous donner une réponse écrite pour s'expliquer.
Le deuxième point est que pour l'examen après trois ans, nous insisterons simplement de façon calme mais raisonnablement énergique pour faire partie intégrante de ce processus d'examen. Ce comité l'a déjà fait dans un certain nombre d'autres domaines.
Le sénateur LeBreton: J'aurais quelques commentaires à faire à propos de ce qu'a dit le sénateur Pépin. J'ai dit au début que j'étais au cabinet du premier ministre lorsque nous avons mis sur pied la Commission royale d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction il y a 15 ans et je me souviens combien nous avions travaillé à mettre cette commission sur pied. La Dre Scorsone en faisait partie. D'ailleurs, je suis allée lui serrer la main parce que nous parlions beaucoup au téléphone à ce moment-là. La raison pour laquelle des gens comme la Dre Scorsone faisaient partie de la commission, tout comme des gens comme la Dre Patricia Baird est que nous nous étions efforcés d'avoir une commission qui reflète tous les aspects de la société. Dans le cas de la Dre Scorsone, elle avait des liens très étroits avec l'Église catholique. La voir travailler avec le groupe était intéressant. Je pense à elle en particulier. J'ai trouvé son témoignage intéressant puisque cela montre ce que peuvent donner 15 années de réflexion.
Personnellement, je respecte tout à fait le point de vue de mes collègues au sein du comité sur toute cette question de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Je ne partage pas tous ces points de vue. J'estime que nous avons dans ce pays un système qui nous permet de faire confiance aux scientifiques et, à ce sujet, je pense qu'il serait bon de mettre quelques mots à cet effet dans nos observations. Je sais que les points de vue divergent mais, personnellement, je ne vois pas de problèmes à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Certains des témoignages que nous avons entendus me semblent souligner l'importance d'examiner tous les aspects de la recherche sur les cellules souches — adultes et embryonnaires.
Quinze ans après la création de la commission royale d'enquête et 10 ans après son rapport, le cheminement a été long. Je suis en fait très heureuse de voir que l'on arrive au bout, du moins jusqu'à cet examen dans trois ans.
Le sénateur Cordy: Je tiens à remercier le sénateur Roche de ses observations parce que je sais que ce projet de loi l'a beaucoup troublé. Je suis également catholique pratiquante et lorsque le projet de loi a été présenté, je l'ai examiné de près et en ai soupesé le pour et le contre. Après avoir entendu plus de 50 témoins et lu les témoignages lorsque je ne pouvais être là, j'en suis arrivée à la même conclusion, à savoir que cela profiterait à l'ensemble de la société. Peut-être que certains éléments du projet de loi peuvent vous troubler mais je conviens avec vous qu'il serait encore plus troublant qu'il ne soit pas adopté.
À l'heure actuelle, il n'y a aucune réglementation qui s'applique. Nous avons entendu des témoins parler des problèmes que rencontrent les femmes qui deviennent enceintes avec la fécondation in vitro. Toutefois, personne ne sait ce qu'il en est. Lorsque le projet de loi aura été adopté, les gens en sauront davantage pour prendre des décisions plus éclairées sur l'utilisation éventuelle de la technologie pour tomber enceinte et avoir des enfants.
Vous vous êtes fait l'écho d'une grande partie de notre société. Beaucoup partagent vos sentiments. Toutefois, je crois que ce projet de loi améliorera la situation en général.
Le président: Autres commentaires? Sinon, nous avons la motion du sénateur LeBreton, appuyée par le sénateur Morin, portant que le projet de loi soit adopté sans amendement.
Avis favorable?
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée.
Pouvons-nous maintenant passer à la section des observations du projet de loi? J'aimerais faire un commentaire après avoir entendu certaines des choses que nous ont dites aujourd'hui les témoins.
Ce que vous avez devant les yeux est une deuxième ou même peut-être une troisième version de quelque chose que notre attachée de recherche, Sonya Norris, le comité directeur et moi-même avons rédigé. Le sénateur Roche a suggéré un ou deux changements auxquels je ne verrais pas d'inconvénient. Je vais faire une proposition — parce que le processus de révision en groupe me rend fou — à savoir que nous adoptions une motion visant à accepter les observations avec les amendements que les différents membres du comité voudraient nous soumettre et que nous laissions au sénateur LeBreton et à moi-même la responsabilité d'apporter ces amendements puisque, d'après ce que l'on m'a dit, il n'y a rien de majeur.
Toutefois, j'aimerais que vous m'autorisiez à ajouter, après deux ou trois choses qui ont été dites par nos derniers témoins, qu'il serait nécessaire qu'au moins 50 p. 100 soient des femmes, que le processus soit transparent et, comme l'a dit le sénateur Roche, qu'il soit très clair qu'il n'est pas question d'avoir des gens qui présentent un aspect commercial de la question à aucun de ces comités. M. Prince a parlé de gouvernance.
Il me semblait clair, puisqu'il répondait au sénateur Roche et à certains autres d'entre vous, que nous étions tous d'accord, sauf le sénateur Morin, qui s'inquiétait que l'on exige qu'il y ait 50 p. 100 de femmes.
Le sénateur Pépin: On commence à avoir l'habitude.
Le sénateur Morin: Je demanderais que l'on vote à ce sujet.
Le président: Je m'abstiendrai.
J'aimerais une motion, parce que je sais que certains de nos collègues ne sont pas satisfaits de ces observations. Sous réserve des modifications que certains d'entre vous m'ont soumises et de l'ajout que le sénateur LeBreton et moi-même apporterons à propos de la discussion que nous avons aujourd'hui, je proposerais de procéder ainsi.
Le sénateur Roche: Tout d'abord, lorsque j'ai pris la parole tout à l'heure, j'ai suggéré que le groupe consultatif sur la recherche sur les embryons que nous recommandons soit annexé à l'agence prévue à l'article 33 et que les rapports du groupe consultatif soient rendus publics afin que les Canadiens puissent être tenus au courant des recherches effectuées sur les embryons et de l'évolution de tout ce domaine. Personne n'a élevé d'objection.
Le président: Non, c'est ce que j'entendais par transparence. Cela entre dans la transparence. J'aimerais également inclure la citation de la Dre Scorsone que vous nous avez donnée.
Le sénateur Roche: Dois-je en conclure que vous allez inclure cela aux observations?
Le président: Tout à fait.
Le sénateur Roche: Le deuxième point porte sur les règlements. J'ai déjà soulevé la question lorsque le ministre était là et je ne sais pas exactement quels sont les délais prévus dans la loi pour les règlements.
J'ai soulevé la question auprès des représentants du ministère. J'ai dit que si les règlements comme tels ne pouvaient pas nous être présentés avant la troisième lecture du projet de loi, nous pourrions peut-être recevoir un avant-projet ou quelque chose qui puisse nous éclairer sur leurs intentions. Ils avaient répondu qu'ils essaieraient de nous communiquer quelque chose. Avez-vous reçu quoi que ce soit?
Deuxièmement, vous attendez-vous à recevoir quoi que ce soit du ministère qui nous donnerait une indication de ce que contiendront les règlements et troisièmement, dans la négative, pourquoi?
Le président: Non, nous n'avons rien reçu. Je saurai lundi prochain si nous allons recevoir quelque chose ou non. À mon avis, ne nous attendons pas à grand-chose. Très franchement, je crois qu'on a consacré jusqu'ici très peu de ressources à rédiger les règlements. D'après mes conversations avec les fonctionnaires du ministère, tous les efforts ont été dirigés vers le projet de loi et d'autres questions de soins de santé qui n'ont rien à voir avec le problème qui nous occupe et auquel on a affecté très peu de personnel chargé des politiques. Pour être réaliste, je ne m'attends à rien.
Néanmoins, je propose, avec votre approbation et je suppose que cela fera partie de notre motion sur les observations, que nous fassions parvenir nos observations non seulement au ministre, mais aussi au sous-ministre adjoint chargé des politiques. On pourrait accompagner cela d'une gentille petite observation ou d'une note indiquant que lorsque nous serons saisis des règlements, nous verrons à quel point on a tenu compte de nos observations. Le ministère devrait réfléchir à cela ainsi qu'aux problèmes que cela pourrait créer, ou non, lorsque nous serons saisis des règlements.
Franchement, je crois que nous les avons saisis de toute une série de problèmes qui nous préoccupent et qui pourraient être réglés grâce aux règlements appropriés. Si rien n'est fait, alors nous avons le droit de savoir pourquoi.
Le sénateur Roche: Lorsque notre comité fera rapport du projet de loi au Sénat, ce à quoi je m'attends, les observations seront annexées au rapport, exact?
Le président: Exact.
Le sénateur Roche: Font-elles partie de notre rapport?
Le président: Oui.
Le sénateur Roche: Elles ne sont pas un petit quelque chose à jeter.
Le président: Non. Comme vous le savez, ma spécialité est de ne rien comprendre aux procédures du Sénat et si je transgresse un règlement, je pourrai toujours dire que je l'ai fait par inadvertance.
Cependant, le Sénat sera saisi d'un rapport renvoyant le projet de loi sans amendement, mais accompagné d'observations. Le document qui se rend au Sénat a une page couverture et est accompagné des observations. Le rapport du comité qui se rend à nos collègues comprend les deux. Puisque les membres de notre comité interviennent à l'étape de la troisième lecture, je suppose qu'ils interviendront avec force à propos des questions soulevées dans les observations.
J'envoie le rapport aux fonctionnaires du ministère — je l'enverrai au ministre pro forma — parce que la rédaction des règlements se fera dans les coulisses. Nous avons le droit d'être pris au sérieux, ainsi que nos observations. On peut traiter de ces choses en rédigeant les règlements et nous avons le droit de savoir le pourquoi. C'est ce que j'expliquerai très clairement.
Le sénateur Morin: Suite à ce que vous avez dit, je prévois résumer le principal des observations dans mon discours en troisième lecture. Je m'y reporterai et les résumerai.
Le sénateur LeBreton: Un autre de nos projets de loi a donné lieu à des observations qui ont été diffusées assez largement. Je ne me rappelle plus de quel projet de loi il s'agit. Nous l'avons retourné sans amendement mais accompagné d'observations. Pour répondre à la question du sénateur Roche, les observations ont fait la manchette.
Le président: Les observations ont été transformées en politiques.
Le sénateur Roche: Il me semble que c'était le projet de loi sur les rentes versées aux anciens combattants.
Le sénateur Pearson: Je n'ai pas assisté régulièrement aux réunions du comité et j'ai donc trouvé ces observations fort utiles parce qu'elles donnent un résumé des règlements. En gros, à titre de membre temporaire, j'approuve entièrement sauf que pour ce qui est de la partie concernant la maternité par substitution, il se trouve une déclaration fort mal rédigée.
Le président: Vous avez raison. Il y en a aussi quelques autres, mais celle-là m'a échappé. Merci.
Je demande donc une proposition: premièrement, que l'on approuve les observations mais que l'on délègue au sénateur LeBreton et à moi-même le droit d'y apporter d'autres changements, soit ceux dont les membres du comité nous ont saisis ou qu'ils nous ont dit les préoccuper aujourd'hui; deuxièmement, que l'on me donne l'autorisation d'acheminer ces observations à la fois au ministre et au sous-ministre en faisant clairement comprendre qu'il est préférable que ces observations soient prises au sérieux lorsque seront rédigés les règlements.
Le sénateur Pépin: J'en fais la proposition.
Le président: Y consentez-vous, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée.
Le sénateur Morin: Quand le rapport sera-t-il présenté?
Le président: Le rapport du comité sera présenté au Sénat lors de sa séance de mardi prochain.
La séance est levée.