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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 8 - Témoignages du 6 mai 2004


OTTAWA, le jeudi 6 mai 2004

Le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier les questions qu'ont suscitées le dépôt de son rapport final sur le système de soins de santé au Canada en octobre 2002 et les développements subséquents. En particulier, le comité doit être autorisé à examiner la santé mentale et la maladie mentale.

Le sénateur Majory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Je crois que nous avons le quorum. Nous poursuivons notre étude sur les questions qu'a suscitées le dépôt de notre rapport final sur le système de soins de santé. Comme tout le monde le sait, le Sénat du Canada nous a autorisés à examiner la santé mentale et la maladie mentale.

Ce matin, nous entendrons, par vidéoconférence, Anne Richardson, chef de la Direction des politiques en santé mentale du ministère de la Santé du Royaume-Uni. Dans une demi-heure, son collègue, Adrian Sieff, chef de la Direction de la législation en matière de santé mentale se joindra à elle.

Bienvenue, madame Richardson. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps aujourd'hui de nous renseigner sur cette question très importante à laquelle, je l'espère, nous pouvons mieux sensibiliser la population de notre pays. Nous avons hâte d'entendre les mesures que vous avez prises au Royaume-Uni pour promouvoir cet aspect important de la santé.

Je vous demanderais de bien vouloir présenter votre déclaration, après quoi mes collègues auront des questions à vous poser.

Mme Anne Richardson, chef de la Direction des politiques en santé mentale, ministère de la Santé, gouvernement du Royaume-Uni: Je vais vous présenter une vue d'ensemble de la situation de la réforme de la santé mentale en Angleterre. Depuis le changement de gouvernement en 1997, nous avons traversé une période de changement très importante. Je vous indiquerai les principaux progrès que nous avons réalisés dans le cadre de la réforme de la santé mentale depuis. Je suis sûre que vous voudrez poser des questions sur certains détails au fur et à mesure de ma présentation.

Lorsque le gouvernement travailliste a pris le pouvoir dans ce pays en 1997, il a fait de la santé mentale une priorité pour la réforme. En 1998, nous avons publié un Livre blanc intitulé «Modernizing Mental Health Services», qui établissait le programme de ce qui était probablement la réforme la plus radicale apportée depuis les années 60, lorsqu'il est devenu clair qu'il fallait songer à fermer les grands hôpitaux psychiatriques traditionnels remontant à l'ère victorienne.

Nous avons commencé par le Livre blanc qui a énoncé trois éléments de réforme. Le premier était la modernisation des lois. Le deuxième consistait en changements à l'investissement dans les services de santé mentale et à la mise au point de nouveaux modèles de soins. Le troisième élément portait sur la réforme des procédés de soins, c'est-à-dire les moyens par lesquels on assure des soins en santé mentale.

En 1999, ce Livre blanc a été suivi de la publication d'un document sur le cadre du service national pour la santé mentale, le «National Service Framework for Mental Health». Depuis, nous avons publié une série de cadres du service national comme l'insuffisance coronaire et le cancer. Nous sommes sur le point d'en publier un sur les services aux enfants et aux femmes. Cependant, celui sur la santé mentale a été le premier.

Le cadre du service national prévoit cette norme pour l'amélioration des services. La première concerne la promotion de la santé mentale — c'est-à-dire toutes les mesures nécessaires pour vous aider à lutter contre les préjugés qui entourent la maladie mentale et réduire les risques que les personnes développent une maladie mentale. Les normes deux et trois portaient sur la santé mentale et les soins primaires, afin de prendre les mesures nécessaires pour améliorer l'accès aux services par des personnes atteintes de ce qu'on appelle des troubles mentaux courants.

Les normes quatre et cinq concernent les personnes ayant une grave maladie mentale — la proportion relativement faible du groupe total de personnes ayant des problèmes de santé mentale — qui néanmoins présentent le plus de risques de décès par suicide et autres causes, et qui présentent aussi les taux les plus élevés de morbidité. Je songe entre autres aux personnes diagnostiquées schizophrènes, bipolaires ou très gravement déprimées.

La norme six portait sur les mesures nécessaires pour améliorer les services et les mécanismes de soutien à l'intention des personnes qui prodiguent des soins. La norme sept mettait l'accent sur toutes les mesures nécessaires dans l'ensemble du réseau des soins de santé et des services sociaux pour réduire le risque de suicide.

Ces sept normes étaient essentiellement fondées sur des preuves. Nous avons rédigé le cadre du service national en fonction de conseils provenant d'un groupe de référence externe. Nous avons mis sur pied un groupe d'intervenants et de participants du secteur de la santé mentale et nous avons demandé à ce groupe de référence externe, présidé pour nous par un psychiatre de renom en Angleterre, de nous donner des conseils à propos des mesures qui seraient les plus utiles pour les utilisateurs de services et le personnel soignant et qui amélioreraient le plus la qualité des soins fournis.

Un grand nombre d'entre vous sont au courant des cadres du service national qui ont été publiés en Australie. Nous sommes allés en Australie en 1998 et cette visite nous a énormément aidés à planifier notre propre cadre du service national.

En 2000, un an après avoir publié le cadre de service national pour la santé mentale, nous avons publié le plan du service national de santé. Ce plan traitait de toute la gamme des services de santé et des services sociaux et comportait une partie consacrée à la santé mentale et pour laquelle on promettait un investissement supplémentaire de plus de 300 millions de livres en sus du montant de base afin d'accélérer la mise en oeuvre du cadre du service national pour la santé mentale. En 2002, nous avons publié un document intitulé «Priorities and Planning Guidance», qui établissait les objectifs locaux des services auxquels seraient consacrés ces fonds supplémentaires.

J'aimerais vous parler de la façon dont notre système de soins de santé et de services sociaux est structuré en Angleterre. En 2001, nous avons entrepris la réorganisation du Service national de santé. C'est un aspect dont il est important de tenir compte parce que cela signifie que pendant que les services locaux étaient en train d'examiner les mesures à prendre pour mettre en oeuvre le service national de santé, ils devaient aussi composer simultanément avec une importante réorganisation du service.

Depuis 2001, le Service national de santé comporte trois paliers. Il y a d'abord le ministère de la Santé, qui est désormais un ministère relativement petit et stratégique doté de fonctionnaires comme moi-même. J'ai des antécédents professionnels, tout comme les membres de la fonction publique. Je suis psychologue de formation. Le rôle du ministère de la Santé est d'élaborer des politiques ainsi que les systèmes et les structures nécessaires pour assurer les services. Cependant, il ne s'occupe pas directement de la mise en oeuvre de ce changement. Nous appuyons les ministres; nous élaborons les politiques; et nous développons et appuyons les systèmes nécessaires. Je ne parle pas uniquement de l'Angleterre. Nous avons 28 administrations stratégiques de la santé qui sont chargées d'administrer le rendement des services locaux. Leur effectif varie d'un endroit à l'autre et se compose d'une vingtaine à une trentaine d'employés. Elles sont responsables de jusqu'à 30 groupes de soins primaires, dont je parlerai dans un instant. Elles aident les services locaux à concevoir un plan destiné à les aider à répondre aux objectifs du cadre du service national établis pour leur population.

Le palier suivant est celui des groupes de soins primaires. Il y en a 302 dans l'ensemble de l'Angleterre. Tout comme les administrations stratégiques de la santé, leur taille varie et certains sont situés en milieu urbain et d'autres en milieu rural. Chaque groupe de soins primaires dessert en moyenne une population d'environ 100 000 personnes. Ils sont responsables de commander les services pour leur population. Leur travail consiste à interpréter les normes et les objectifs nationaux en fonction des besoins de leur population locale. Comme vous pouvez le constater, il y aura une importante différence entre une région urbaine et une région rurale, où la population est dispersée.

Je parlerai brièvement de notre cadre du service national et des objectifs établis dans le cadre de nos priorités et de nos plans, qui sont très nombreux. En ce qui concerne le cadre des priorités et des plans, les objectifs généraux étaient: améliorer les résultats en matière de soins de santé et de services sociaux pour chacun; améliorer les perspectives de vie des adultes et des enfants ayant des problèmes de santé mentale grâce à des améliorations annuelles à l'accès aux services de santé mentale en cas de crise et à l'intention des enfants et des adolescents; et réduire le taux de mortalité attribuable à des suicides et à des blessures indéterminées d'au moins 20 p. 100 d'ici 2010. Nous avons un objectif général qui recoupe tous les objectifs locaux visant à réduire le taux de décès attribuables aux suicides et à accroître l'accès pour les personnes en crise.

Cet objectif général comporte un certain nombre d'hypothèses de capacité et en particulier d'objectifs locaux: 335 équipes d'intervention d'urgence d'ici décembre 2004; 50 équipes mobiles d'intervention supplémentaires pour porter leur nombre à 220, à la fin du dernier exercice; 50 nouvelles équipes d'intervention précoce pour les personnes qui manifestent les premiers signes d'une psychose, parce que nous savons que les jeunes sont vulnérables à la mort par suicide. En Angleterre, la mort par suicide est la cause la plus courante de décès chez les hommes de moins de 35 ans, ce qui est une statistique accablante. Les jeunes hommes sont plus susceptibles de porter atteinte à leurs jours que de mourir dans un accident de motocyclette.

Nous avons des objectifs pour améliorer la prestation des services aux personnes dangereuses et atteintes de troubles graves de la personnalité. Nous avons des objectifs pour les détenus, car dans les prisons les problèmes de santé mentale sont vraiment très fréquents. Par exemple, nous avons établi un objectif afin d'installer 140 nouveaux locaux sûrs pour les personnes dangereuses ayant un trouble de la personnalité, et d'accroître le nombre d'infirmières et du personnel qui travaillent dans les prisons. Ce sont les objectifs généraux et nous avons des objectifs précis en ce qui concerne les psychiatres, les psychologues, les infirmières, et cetera. Nous avons aussi des objectifs pour la formation de nouveau personnel et l'établissement de nouvelles façons de travailler. Nous savons qu'à l'heure actuelle notre capacité de recrutement et de conservation du personnel est limitée. C'est pourquoi il est indispensable que nous recrutions du nouveau personnel et établissions de nouvelles façons de travailler.

Nous avons réalisé de bons progrès dans certains secteurs. Le cadre des priorités et des plans a été publié en 2002. Nous avons déjà atteint notre objectif pour ce qui est de constituer de nouvelles équipes mobiles d'intervention. Cependant, en ce qui concerne la création de 335 équipes de traitement à domicile en cas de crise, les progrès ont été plus lents. C'est la même situation pour nos objectifs en matière d'intervention précoce, bien que nous ayons réalisé de meilleurs progrès à cet égard. La raison, c'est que cette façon de travailler représente une difficulté pour les services existants. Il est difficile pour les services d'adopter de nouvelles façons de travailler tout en faisant face à la réorganisation du Service national de la santé qu'ils ont dû mettre en oeuvre en 2001. Nous avons demandé au personnel de notre service national de la santé et des services sociaux d'accomplir une tâche difficile. Les progrès qu'ils ont réalisés à cet égard ont été extrêmement impressionnants.

Au cours des deux dernières années, nous avons tâché d'améliorer nos systèmes de saisie des données. Je suppose qu'il est vrai dans notre cas comme dans le cas d'autres pays que nos renseignements sur les services dans ce domaine sont relativement limités. Cela est entre autres attribuable au fait que les services sont fournis par de nombreuses agences. Il y a les soins offerts par le Service national de la santé; les services sociaux, assurés par les organismes gouvernementaux locaux; les soins fournis par le secteur privé indépendant; et les soins fournis par les organismes de bienfaisance et le secteur bénévole, qui représentent un élément de plus en plus important de nos fournisseurs de services.

L'information représente un défi. Nous avons travaillé en partenariat avec les services locaux pour mettre au point un système d'autoévaluation des progrès que nous appelons nos «évaluations automnales». Chaque automne depuis 2001, nous avons demandé à nos services locaux d'évaluer dans quelle mesure ils se rapprochaient des objectifs établis. Ces renseignements ont été versés dans une base de données qui nous permet d'établir le lien entre les nouvelles équipes et les besoins au niveau local, de même que les dépenses, et cetera. Nous n'en sommes pas encore tout à fait là.

Un éventail d'organismes indépendants nous aide dans cette tâche consistant à recueillir l'information et à soutenir les services locaux pour qu'ils puissent atteindre leurs objectifs. J'ai décrit la structure se composant du ministère de la Santé, de l'administration stratégique de la santé et des groupes de soins primaires. L'un des organismes indépendants est l'agence de modernisation qui fait partie de l'Institut national de la santé mentale en Angleterre. C'est notre organisme de mise en oeuvre qui compte une série de huit centres de développement régional dispersés un peu partout en Angleterre. Leur travail consiste particulièrement à aider les services locaux à mieux atteindre leurs objectifs. Ils établissent des modèles de pratiques exemplaires, visitent les services locaux et font appel à des porte-parole chargés de mieux faire connaître le nouveau modèle de services et les besoins des personnes qui ont une maladie mentale. Il existe environ 26 programmes de travail qui relèvent de l'Institut national de la santé mentale et qui disposent tous d'un financement central. Ces programmes sont destinés à appuyer la réforme. À titre d'exemple, nous avons un programme de santé mentale à l'intention des Noirs et des minorités ethniques, dont le financement à l'heure actuelle est de 2,5 millions de livres jusqu'en 2006. Ce programme emploiera du nouveau personnel affecté au développement communautaire et servira à mettre sur pied environ 80 projets de développement communautaire, ce qui nous permettra d'améliorer les services de santé mentale à l'intention des Noirs et des groupes de la minorité ethnique qui ont des problèmes de santé mentale. Nous savons pour l'instant qu'ils sont plus susceptibles d'être détenus en vertu de certaines dispositions de la loi sur la santé mentale, moins susceptibles d'avoir accès aux services et moins susceptibles de trouver des services adaptés à leurs besoins. Ce programme a été conçu pour eux.

Nous avons aussi un programme axé sur la santé mentale des femmes, destiné à lutter contre la violence et les mauvais traitements. Nous savons, par exemple, que la violence conjugale est un facteur très important pour ce qui est de la santé mentale. Nous avons des programmes de développement d'équipes communautaires et aussi des programmes de recherche. Il s'agit donc d'une énorme entreprise.

Je crois que je vais arrêter ici parce que je pense qu'il vous sera plus utile de me poser des questions et je pourrais tâcher de vous fournir plus de précisions sur les aspects qui vous intéressent.

La vice-présidente: Merci beaucoup. Vous avez très bien décrit l'énorme tâche que vous avez entreprise avec beaucoup de succès.

J'ai trouvé intéressant que vous parliez de l'Australie, parce qu'il y a deux ou trois semaines, nous avons eu une téléconférence avec l'Australie. Nous nous servons maintenant de l'Australie comme modèle, car ce pays connaît beaucoup de succès dans ce domaine.

Je vais maintenant céder la parole à mes collègues.

Le sénateur Morin: J'ai un certain nombre de questions. Au Canada, nous n'avons pas — et de toute évidence nous y songeons — un plan national pour la santé mentale, que je considère important. J'ai été très impressionné par le plan que vous avez établi et que vous appelez je crois le cadre du service national pour la santé mentale. Il s'agit d'un document très impressionnant. J'ai été entre autres impressionné que l'on remette au patient une copie par écrit de son plan de soins, qui prévoit les mesures à prendre en cas de crise et un accès 24 heures sur 24. C'est vraiment impressionnant.

J'ai deux questions à ce sujet. La première: dans quelle mesure ce cadre a-t-il été mis en oeuvre? Je constate qu'il est assez détaillé. Il renferme d'assez bons indicateurs des mesures qui devraient être prises. Il est très pratique et il est facile de constater si vous avez réussi à atteindre vos objectifs ou non. Quelles sont les mesures qui ont réellement été mises en oeuvre?

Ma deuxième question: je sais que ce plan s'applique à l'Angleterre, mais qu'en est-il de l'Écosse? existe-t-il des liens? Je pose la question parce qu'au Canada, bien entendu, les provinces sont responsables de la prestation des services de santé mentale et des soins de santé en général. Notre rôle, au niveau fédéral, est d'assurer une certaine coordination entre les diverses provinces. Existe-t-il un rôle de coordination semblable entre l'Angleterre, l'Écosse et le pays de Galles, ou fonctionnent-ils de façon complètement indépendante en ce qui concerne les soins de santé?

Mme Richardson: Je répondrai d'abord à votre première question à propos du Care Programme Approach ou CPA. Les consignes concernant cette approche sont opérationnelles depuis un certain temps. Elles ont été communiquées à tous ceux qui sont en contact avec des services spécialisés en santé mentale, ce qui représente environ 630 000 personnes en Angleterre.

Chaque groupe local de santé mentale a un système pour saisir les données à propos de la CPA. Ils doivent nous présenter des rapports réguliers au centre à propos du nombre de personnes qui ont reçu un plan de soins. Nous leur demandons de nous indiquer le nombre de personnes à qui on remet une copie de leur plan de soins, ainsi que le nombre de fournisseurs de soins, parce que nous avons élargi la portée de nos directives en la matière depuis la publication du cadre afin d'y inclure une exigence selon laquelle il fallait aussi évaluer les besoins des soignants.

En ce qui concerne le contact avec les services spécialisés en santé mentale, cela fonctionne relativement bien. Nous nous demandons toutefois si cette approche, la CPA, devrait être étendue aux soins primaires. Bien entendu, cela devient beaucoup plus difficile à ce niveau-là étant donné que les personnes en contact avec des omnipraticiens souvent ne reçoivent pas de diagnostic formel. L'approche CPA exige que vous obteniez un diagnostic, que l'on évalue vos besoins. C'est une tâche qui revient à un spécialiste.

Nous hésitons dans une certaine mesure à étendre l'approche CPA aux soins primaires, même s'il est vrai qu'un nombre important de personnes ayant des problèmes de santé mentale graves ne consultent que leur médecin généraliste et ne reçoivent de l'aide que des services de soins primaires. Les personnes qui bénéficient de l'approche CPA représentent en fait la pointe de l'iceberg en matière de santé mentale, si je puis m'exprimer ainsi. Il y a un nombre beaucoup plus important de personnes ayant des affections relativement incapacitantes qui ne reçoivent pas de plan de soins.

Un autre aspect de cette approche CPA — et c'est un système que nous recommandons fortement — c'est qu'il s'agit aussi d'un système que l'on envisage d'étendre aux besoins fournis aux adultes âgés et à d'autres personnes nécessitant des soins de longue durée. Si l'on adopte effectivement un tel système, il serait très utile de trouver un moyen d'aider les services locaux à se doter d'une infostructure. Pour l'instant, nous avons un système où de nombreux groupes utilisent des façons très différentes de saisir cette information. Dans l'ensemble, les rapports qui nous sont transmis continuent d'être des rapports sur copie papier plutôt que des rapports électroniques. Je recommanderais que l'on mette en oeuvre dès le départ un système électronique.

En ce qui concerne votre question au sujet de l'Écosse, mon collègue Adrian Sieff vous parlera de dispositions prévues par le cadre législatif pour travailler en partenariat avec l'Écosse, le pays de Galles et l'Irlande du Nord. Cependant, au moment de la rédaction du cadre du service national, nous nous sommes assurés de faire participer les représentants du pays de Galles, de l'Écosse et de l'Irlande du Nord à notre planification.

Le cadre du service national pour la santé mentale pour l'Angleterre est un cadre pour l'Angleterre. Il ne s'applique pas à l'Écosse ni au pays de Galles. Bien que des mécanismes aient été instaurés suite à la cession pour s'assurer que l'on discute en Écosse et au pays de Galles des décisions législatives et d'autres décisions gouvernementales, les réformes ne s'y étendent pas automatiquement.

Le sénateur Morin: Par conséquent, il est possible en fait que les réformes ne s'appliquent pas du tout à l'Écosse. Si des réformes s'imposent — et je crois que c'est le cas — personne ne s'assure qu'elles s'appliquent à d'autres régions du Royaume-Uni. Ai-je raison de dire cela?

Mme Richardson: Oui. Il ne faut pas oublier que le cadre du service national est un guide de pratiques exemplaires.

Les aspects réellement concrets de notre programme de réforme — si je peux m'exprimer ainsi —, ce sont le cadre des priorités et des plans, les objectifs locaux qui sont établis par le biais de l'entente de service public conclue avec le Trésor. Lorsque nous élaborons notre guide de pratiques exemplaires, car c'est ce en quoi consiste le cadre, nous travaillons en partenariat avec les autres administrations. Il leur appartient alors d'établir les objectifs locaux qu'elles considèrent appropriés, en s'inspirant du guide des pratiques exemplaires.

Le sénateur Morin: Pourrais-je aborder maintenant la question des ressources? J'aborde cette question parce que certains font valoir que sans ressources, un plan n'a peut-être pas de raison d'être.

Selon le centre Sainsbury, le King's Fund et le Royal College of Nurses, les ressources affectées à la santé mentale et au traitement des maladies mentales sont insuffisantes. Par exemple, l'augmentation des ressources affectées au domaine de la santé mentale représente moins de la moitié du taux de croissance des ressources dans d'autres secteurs du système de soins de santé.

Le centre Sainsbury a conclu qu'il existe un écart de plus en plus grand entre les promesses faites en matière de prestation de services de santé mentale et la réalité. Vous êtes aussi bien au courant des chiffres que moi. Non seulement n'y a-t-il pas eu d'augmentation des ressources lorsque vous avez établi ce plan national, mais comparativement à l'inflation, et cetera, les ressources ont diminué.

Je suis conscient que 75 p. 100 des ressources dans le domaine de la santé sont désormais consacrées aux groupes des soins primaires. On a sévèrement critiqué le fait que les soins de santé mentale aient été confiés à ces groupes de soins primaires, qui n'ont ni le temps ni les compétences pour assumer cette responsabilité. Ce que l'on appelle la tyrannie de la médecine de soins aigus a accaparé les ressources qui auraient été normalement consacrées aux équipes locales de mise en oeuvre.

C'est un aspect que nous considérons important. Si on augmente les ressources qui y sont affectées, nous devrions aller de l'avant. La Nouvelle-Zélande nous a appris qu'elle avait un plan très ambitieux qui prévoyait une augmentation de 173 p. 100 des fonds attribués à la santé mentale. La Nouvelle-Zélande considère en effet que sans une augmentation des ressources, elle ne voit pas l'utilité de se doter d'un plan.

Je constate que vous avez fait le contraire. Vous avez un plan et non seulement vos ressources n'ont-elles pas augmenté mais elles ont diminué. Croyez-vous qu'il vaille toujours la peine de poursuivre l'exécution de ce plan sans augmentation des ressources?

Mme Richardson: Tout d'abord, je dois contester vivement la notion selon laquelle le cadre du service national n'a pas prévu une augmentation des ressources destinées à la santé mentale. Comme je crois l'avoir dit plus tôt, le plan du SNS établit qu'un montant de 300 millions de livres supplémentaires, en sus du financement de base, sera investi dans le service national de santé pour accélérer sa mise en oeuvre d'ici 2003-2004.

Les indications dont nous disposons corroborent le fait que ces fonds ont effectivement été affectés aux services de santé mentale. Nous savons que jusqu'en avril de l'année dernière, un montant supplémentaire de 262 millions de livres a été consacré à la santé mentale en plus du financement de base prévu pour 2001. Par conséquent, nous avons effectivement consacré des fonds supplémentaires à la santé mentale. Je connais très bien le rapport du centre Sainsbury pour la santé mentale et je suis au courant des allégations selon lesquelles les fonds sont insuffisants. Nous respectons le fait que les services locaux nous disent couramment que leurs ressources sont utilisées au maximum. Elles ne sont pas suffisantes, mais nous savons que des fonds supplémentaires ont effectivement été affectés aux services de santé mentale et nous savons qu'ils ont été consacrés aux services de santé mentale. C'est le premier argument que je tiens à faire valoir.

Deuxièmement, je considère qu'il est important de préciser, et je crois que vous le comprendrez, que des investissements supplémentaires ne sont pas l'unique solution. En modifiant l'équilibre du pouvoir et en déléguant la prise de décisions et les responsabilités au niveau des soins primaires, nous avons tâché de nous assurer que cette délégation des responsabilités aux services locaux permette de répondre très étroitement aux besoins de la population locale. Nous avons tâché d'évaluer le rendement en fonction des résultats plutôt que des dépenses.

Je dois aussi reconnaître qu'il est extrêmement difficile de calculer les dépenses consacrées aux soins de santé et aux services sociaux à l'intention des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Le rapport du centre Sainsbury évalue les montants d'argent consacrés aux services sociaux et aux prestations d'incapacité pour des personnes incapables de travailler parce qu'elles ont un problème de santé mentale. En Angleterre, nous sommes sur le point d'établir la budgétisation de programmes dans l'ensemble des services de santé, qui nous permettra de mieux savoir comment a été dépensé l'argent de même que les montants dépensés.

En résumé, j'apporterai trois précisions importantes. Premièrement, nous avons effectivement augmenté nos investissements. Deuxièmement, nous avons de bonnes indications selon lesquelles les dépenses ont augmenté. Troisièmement, nous avons voulu modifier l'équilibre des pouvoirs et donner aux services locaux un plus grand contrôle sur la façon dont ils dépensent les fonds destinés à leur population locale. Vous avez fait valoir avec raison que la santé mentale est souvent le parent pauvre du service national de la santé. Il est vrai que les administrateurs de services locaux peuvent devenir préoccupés par les objectifs de temps d'attente dans d'autres secteurs des soins de santé. Il est devenu assez difficile de faire en sorte que les dirigeants et les groupes de santé mentale continuent de mettre l'accent sur la santé mentale, qui fait l'objet de graves préjudices dans ce pays. Les ministres ont eu beaucoup de difficulté à faire de cette question une question de premier plan.

Nous avons fait un bon travail. Cela demeure une priorité. Je vous recommanderais fortement, si vous voulez apporter des réformes semblables, il est tout à fait essentiel que cette question reste au premier plan.

Le sénateur Morin: Je poserai ma question autrement. Si le chiffre n'est pas exact, n'hésitez pas à le corriger. Si je comprends bien, en Angleterre, les ressources affectées à la santé mentale représenteraient 12 p. 100 de la totalité des dépenses consacrées aux soins de santé. Croyez-vous que ce soit suffisant? Y avez-vous réfléchi? Devrions-nous viser 15 ou 20 p. 100? Est-ce la démarche à suivre?

Par ailleurs, je m'intéresse toujours à la situation en Écosse parce que, comme vous le savez, nous sommes une fédération et nous travaillons au niveau fédéral. L'Écosse dispose-t-elle des mêmes ressources pour la santé mentale? S'agit-il d'un budget total? Si oui, est-elle tout à fait libre de se servir de ces fonds comme elle l'entend et d'en attribuer une partie à la santé mentale?

Mme Richardson: Pour répondre à votre seconde question, je ne peux vraiment pas parler au nom de l'Écosse. Il vous faudrait vous adresser aux autorités de ce pays.

Les services en santé mentale ici ont représenté 13 p. 100 des dépenses en services de santé communautaires et hospitaliers en 2001-2002, selon les données présentées à notre enquête sur les dépenses publiques. Toutefois, je le redis, les dépenses en services de santé communautaires et hospitaliers ne représentent qu'une partie des fonds consacrés à la santé mentale. Nous avons aussi des dépenses en soins sociaux, qui sont engagées séparément par les administrations locales pour les services sociaux, les services d'éducation et d'autres.

Je n'ai pas de chiffres à vous fournir mais je me ferai un plaisir de vous faire parvenir des données sur les montants dépensés par les services gouvernementaux locaux pour les services sociaux personnels. Une part importante de cette somme est consacrée aux personnes ayant des problèmes de santé mentale. La proportion de 13 p. 100 est en deçà de la réalité si l'on veut se faire une idée du total des dépenses.

Le sénateur Morin: Avez-vous entendu parler d'un objectif? Devrions-nous viser plus haut, ou est-ce que ce n'est pas une bonne façon de s'y prendre?

Mme Richardson: Ce qu'il faut faire, c'est faire correspondre les dépenses locales aux besoins locaux. Je suppose que c'est la même chose pour vous et pour nous. Les niveaux de troubles mentaux sont beaucoup plus élevés dans les quartiers pauvres des villes que dans certaines zones rurales. Les dépenses moyennes en santé mentale de certains services locaux des quartiers pauvres peuvent atteindre 18 p. 100. Dans d'autres régions du pays, c'est beaucoup moins. Comme je l'ai dit, il n'y a pas de corrélation directe entre ce qu'on dépense et les résultats obtenus. Nous voulons surveiller soigneusement les dépenses, mais nous aimerions en assurer la gestion en fonction des résultats.

Le sénateur Morin: Merci.

Mme Richardson: J'aimerais vous présenter M. Adrian Sieff, mon collègue à la tête de la Direction de la législation en matière de santé mentale. Il pourrait vous parler un peu plus des rapports qu'entretiennent l'Angleterre et l'Écosse, tout au moins en ce qui concerne le cadre législatif.

La vice-présidente: Avant de passer à la prochaine question, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Sieff. Auriez- vous l'obligeance de nous dire comment vous, en tant que chef de la Direction de la législation en matière de la santé mentale, assurez la jonction avec le système que vous avez maintenant? On s'est interrogé sur la façon dont l'Angleterre, l'Écosse, le pays de Galles et l'Irlande assurent cette jonction. J'aimerais que vous nous en parliez brièvement.

M. Adrian Sieff, chef, Direction de la législation en matière de santé mentale, gouvernement du Royaume-Uni: Pour ce qui est des liens de l'Angleterre avec les autres pays du Royaume-Uni, nous proposons une nouvelle Loi sur la santé mentale en Angleterre, qui concerne l'Angleterre et le pays de Galles. C'est une mesure législative de base, puisque la dévolution concerne l'Angleterre et le pays de Galles. L'Écosse adopte ses propres lois. L'Écosse a adopté l'année dernière une nouvelle Loi sur la santé mentale qui ne s'applique qu'en Écosse. La Loi sur la santé mentale adoptée en Angleterre et au pays de Galles s'applique en Angleterre et au pays de Galles. Des pouvoirs distincts sont attribués en vertu de la réglementation dans le cas de l'Irlande du Nord.

La législation de base s'applique à l'Angleterre et au pays de Galles, mais elle confie au pays de Galles la réglementation secondaire, les instruments statutaires secondaires qui précisent certains aspects de la loi, et elle peut aussi fournir son propre code de procédures d'application. Il y aura un code de procédures d'application pour le pays de Galles et un pour l'Angleterre en vertu de la même législation de base. De la même manière, il y aura des règlements pour le pays de Galles et des règlements pour l'Angleterre qui seront pris en vertu de la même législation de base.

Il y a des recoupements. Par exemple, si quelqu'un détenu en Angleterre en vertu de la Loi sur la santé mentale est transféré en Écosse ou vice versa, alors des ententes de transfert sont conclues, mais la personne concernée est toujours assujettie à la loi du territoire où elle se trouvait à ce moment-là. Je ne sais pas si j'ai répondu à vos questions.

Le sénateur Morin: On nous a dit que l'Angleterre était le pays le plus centralisé au monde en ce qui a trait à la prestation de soins de santé, mais c'est vraiment le Royaume-Uni qui a le système le plus décentralisé, comme s'il s'agissait d'un pays distinct. Ici, au Canada, les provinces ont la responsabilité de la prestation des soins de santé, mais le gouvernement fédéral a la responsabilité de leur coordination et doit veiller au respect de normes minimales. Le système est assez semblable d'une province à l'autre et le gouvernement fédéral joue un rôle dans le cadre d'ententes financières.

L'entité qui a cette responsabilité au Royaume-Uni pourrait avoir le même pouvoir, à moins que le régime fiscal soit complètement différent, parce que je suppose qu'un certain financement est assuré par le centre à l'Écosse, par exemple. Le gouvernement qui a la responsabilité de l'ensemble du Royaume-Uni semble n'avoir ici aucun rôle à jouer. Je n'arrive toujours pas à bien comprendre — et c'est extrêmement important en santé mentale parce que comme vous l'avez dit, ce secteur est un peu laissé pour compte.

Mme Richardson: Pour répondre à vos questions, M. Sieff et moi devrons consulter des collègues parce que ce n'est pas de notre ressort. Je ne sais vraiment pas comment tout cela fonctionne dans sa totalité. Je ne sais vraiment pas comment les ressources sont allouées à l'Écosse, au pays de Galles et à l'Irlande.

M. Sieff: Je ne sais pas ce qu'il en est de l'Écosse. Une formule est employée en ce qui concerne les dépenses entre l'Angleterre et le pays de Galles et je pense qu'il s'agit de la formule Barnett. Selon cette formule, des fonds sont attribués à l'Angleterre, puis on effectue un calcul pour ce qui est des fonds à allouer au pays de Galles en fonction de sa population et de divers autres facteurs. Bien sûr, quand une nouvelle politique est adoptée en Angleterre, le pays de Galles doit alors s'assurer qu'il aura accès au financement puisque cette politique peut s'appliquer à l'Angleterre et au pays de Galles.

La vice-présidente: Honorables sénateurs, chers témoins, nous avons perdu les signaux vidéo. Nous allons poursuivre sans vidéocommunication jusqu'à ce qu'on rétablisse la liaison.

Le sénateur Keon: Madame Richardson, je connais un peu votre système étant donné que ma fille est médecin là-bas. Je suis fasciné par l'intégration de votre stratégie en matière de santé mentale et votre système de soins primaires. Nous n'avons pas de capacité comparable au Canada pour l'instant, quoique nous nous efforçons d'en trouver une. Nous devons concevoir un système de soins primaires avant de pouvoir nous en servir.

Je crois savoir que vos groupes de soins primaires offrent tout un éventail en matière de santé mentale — y compris un volet sur la décriminalisation — dans tout le système. Pourriez-vous nous expliquer comment ils fonctionnent. Vous avez un système complexe de programmes, puis vous avez les groupes de soins primaires et le système de soins primaires. Comment agencez-vous tous les programmes et toutes ces normes au sein des groupes de soins primaires? Pourriez-vous nous l'expliquer?

Mme Richardson: Oui, je vais tenter de le faire. Il faut connaître un peu l'histoire des soins primaires ici pour comprendre où nous en sommes maintenant. Autrefois, les soins en santé mentale étaient la chasse gardée de ceux qui travaillaient dans les services spcécialisés — c'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas de soins primaires. Traditionnellement, les personnes chez qui on avait diagnostiqué un problème de santé mentale étaient renvoyées à un psychiatre ou à un autre spécialiste des services de soins secondaires. Même si c'était l'impression qu'on avait, il n'en reste pas moins vrai qu'une très importante majorité de gens ayant des problèmes de santé mentale — comme je pense l'avoir déjà dit — ne reçoivent que des soins primaires ou ne bénéficient que de l'appui de leur famille et d'amis et des services communautaires locaux.

En un sens, par défaut, les services de soins primaires ont assuré un appui considérable aux personnes ayant des besoins en santé mentale. Peut-être tout simplement qu'on ne l'a pas toujours perçu ainsi. On a généralement pensé que c'était une grande force des soins primaires, ne serait-ce qu'en raison de la stigmatisation des personnes ayant des troubles mentaux. Quand on vit une situation de stress ou une longue dépression, il est peut-être plus facile pour le patient, la personne qui a un problème de santé mentale, de prendre contact avec son médecin généraliste, d'obtenir de l'aide auprès de celui-ci.

Cela pose aussi des difficultés, parce que ce que l'expérience nous a montré c'est que les généralistes ne reçoivent pas de formation spécialisée. C'est à la fois leur force mais une faiblesse du système. Comme ils sont généralistes, ils soignent tout le monde. Ils ne posent pas nécessairement un diagnostic dans tous les cas. C'est quelque chose qui arrive beaucoup plus souvent dans le cas des services de soins secondaires. C'est bon du point de vue du patient ou de l'utilisateur de services parce qu'il y a alors moins de stigmatisation.

Par ailleurs, cette absence de formation spécialisée signifie que nous aussi, comme dans d'autres pays, avons du mal à assurer des soins efficaces, par exemple, dans le cas de dépression, quand on sait que des médecins généralistes ont tendance à ne pas prescrire d'ordonnances dont la posologie correspond aux recommandations des directives, et des cas de dépression leur échappent parce qu'ils n'ont pas assez de temps à consacrer à leurs patients.

Vous dites être impressionnés par l'intégration, et je m'en réjouis, mais nous devons reconnaître qu'il nous reste un long chemin à parcourir avant d'atteindre le niveau de service que nous aimerions vraiment être en mesure d'offrir aux gens qui ont des problèmes de santé mentale.

C'est pourquoi nous fixons deux normes au National Service Framework for Primary Care. Elles portent principalement sur l'accès aux services, c'est pourquoi nous fixons les objectifs précis à atteindre au moyen de nos priorités et de notre cadre de planification pour renforcer le savoir-faire du secteur des soins primaires en recrutant de nouveaux travailleurs, qui seront formés précisément pour aider les gens qui ont ce que l'on appelle des troubles mentaux courants.

Vous avez parlé du système de justice pénale. La responsabilité de la prestation de soins efficaces a toujours été et continue d'être confiée au ministère de l'Intérieur. Cependant, nous travaillons d'arrache-pied pour intégrer les soins en santé mentale offerts à ces personnes afin que le niveau de soins qu'ils reçoivent en prison soit supérieur à ce qu'ils étaient dans le passé. Nous avons créé pour les détenus un programme In-Reach et un programme de soins de santé généraux incluant des soins de santé en milieu carcéral pour que les gens puissent obtenir plus rapidement une évaluation de leurs besoins et avoir accès à l'aide nécessaire, ce qui souvent n'est pas le cas.

Nous avons exécuté divers programmes qui améliorent les soins primaires et je vais en mentionner deux qui pourraient vous intéresser tout particulièrement. Dans un cas, il s'agit du plan du service de santé national, le SNS, qui vise à former un millier de nouveaux diplômés en soins primaires de santé mentale d'ici décembre 2004, pour aider les médecins généralistes à accueillir et à soigner des gens de tous âges qui ont des problèmes courants de santé mentale. Le second objectif consiste à recruter 500 travailleurs qui aideront les généralistes à orienter les utilisateurs et le personnel de soins pour qu'ils puissent s'adresser au service adéquat du système et les aider ainsi à obtenir de l'aide plus rapidement.

Le travailleur diplômé est une nouvelle espèce. Je ne sais pas s'il y en a dans d'autres pays mais chez nous, nous avions un problème dont je vous ai parlé plus tôt. Nous ne parvenions pas à recruter suffisamment d'infirmières. Nous avions pris des mesures pour accroître le nombre de stagiaires omnipraticiens. Nous avions pris des mesures pour accroître le nombre de stagiaires psychiatres et de psychologues et de membres d'autres groupes. Cependant, nous allions devoir attendre trop longtemps parce qu'il faut du temps pour former ces professionnels.

Par conséquent, nous avons fait un bilan et vu que deux choses en ressortaient. D'abord, nous avions dans le système un groupe de diplômés aptes qui voulaient travailler au SNS et qui pouvaient recevoir une formation, selon les données recueillies, pour fournir brièvement et efficacement en matière de soins primaires des traitements fondés sur des données probantes aux patients souffrant de troubles courants. Nous avons fixé un objectif et constitué 12 nouveaux programmes de formation dans toute l'Angleterre pour leur offrir un programme externe de formation d'un an menant à l'obtention d'un certificat d'études supérieures. Nous sommes à mi-chemin; 400 de ces travailleurs sont déjà en poste, et nous prévoyons à l'échelle locale recruter le reste d'ici la fin de l'année en cours. Les travailleurs qui orientent la clientèle sont constitués en fait de personnel infirmier compétent, d'infirmières psychiatriques communautaires, dont les postes ont été adaptés pour les aider à se consacrer davantage sur ce dont le personnel de soins primaires a besoin pour les aider à s'orienter dans le système.

Voilà pour la reconfiguration des services. Toutefois, vous pouvez bien voir que 1 000 recrues, ce n'est pas beaucoup pour les 300 GSP. Ce n'est évidemment pas suffisant pour répondre à tous les besoins, mais nous espérions, en mettant en lumière l'importance de cet aspect, susciter un intérêt dans le domaine des soins primaires en santé mentale et favoriser le recours à des travailleurs de ce type à une plus grande échelle.

Le sénateur Cordy: Vous avez parlé des 28 administrations stratégiques en matière de santé qui gèrent la prestation des services. Je viens de la province de la Nouvelle-Écosse. Dans ma province, nous avons des administrations régionales en matière de santé, mais elles connaissent de grandes difficultés parce qu'elles passent énormément de temps à négocier avec le gouvernement pour obtenir des fonds. Est-ce la même chose au Royaume-Uni, surtout en ce qui a trait à la santé mentale? Quand les administrations régionales ou les administrations stratégiques reçoivent un financement, des fonds sont-ils précisément alloués à la santé mentale ou sont-ils attribués de façon générale, ou les administrations reçoivent-elles tout simplement un certain budget?

Mme Richardson: Les administrations stratégiques ont, en tant que GSP, une responsabilité en matière de gestion du rendement, mais elles ne gèrent pas le gros des fonds disponibles. Elles ont bien sûr de petits budgets à elles qu'elles utilisent pour recruter du personnel et elles ont un budget qui est réservé à un certain travail.

Soixante-quinze pour cent des fonds consacrés au SNS sont alloués aux GSP. Ce ne sont pas des fonds isolés ni réservés. C'est vraiment ce sur quoi a porté la réorganisation des services de santé en 2001. Nous en avons parlé plus tôt, en réponse à la première série de questions, qui portaient surtout sur l'Écosse. C'est toute une tâche ou tout un défi pour les commissaires locaux des soins primaires de répartir leurs fonds du SNS en fonction des demandes concurrentielles des services de soins en santé mentale, de soins pour le cancer, les maladies coronariennes, les maladies cardiaques, et cetera.

Le sénateur Cordy: Vous avez parlé d'équipes d'intervention affirmative. Plus précisément, quel est leur rôle? Que font-elles?

Mme Richardson: Il s'agit d'une petite équipe multidisciplinaire composée de neuf à quinze personnes. Elle s'occupe particulièrement des quelque 1 500 patients du système de services de santé mentale qui ont une maladie mentale grave ou qui risquent plus particulièrement de perdre contact avec les services ou de ne plus communiquer avec leurs travailleurs principaux. Ce groupe particulier d'utilisateurs de services compte parmi ceux qui posent le plus de défis. Ils ont habituellement une longue histoire, une maladie mentale grave, sont atteints de schizophrénie, par exemple. Il s'agit assez souvent d'itinérants, sans domicile fixe.

L'équipe d'intervention affirmative commence son travail après une période d'admission. Par exemple, généralement, un utilisateur de services est admis à un hôpital psychiatrique, reçoit un traitement pendant un certain temps et suit un plan d'intervention. L'équipe d'intervention affirmative assure un suivi, de façon assez affirmative, comme son titre l'indique. Elle rend visite à la personne chez elle; si la personne ne se rend pas à un rendez-vous, elle vérifie ce qui s'est passé. Ses membres peuvent rencontrer l'utilisateur de services, le patient, à l'endroit de son choix. Nous connaissons des équipes d'intervention affirmative qui travaillent à la buanderie du coin, et ces travailleurs essaient de faire en sorte que l'utilisateur de services suive son plan d'intervention et ne s'isole pas.

Cette approche, qui nous a été inspirée aussi par l'Australie et certains des travaux de Stein et Test aux États-Unis, s'avère un moyen efficace de travailler avec ce groupe client — dans la mesure où les équipes sont bien constituées. Ce n'est pas un travail pour tout le monde, si je peux dire. Il faut assurer une formation minutieuse du personnel. C'est un travail qui apporte des satisfactions, mais ce n'est pas un travail facile.

Le sénateur Cordy: Au Canada, il y a un certain nombre de groupes de défense des droits des patients. Je me demande ce qu'ils penseraient de l'idée de voir une équipe d'intervention rencontrer quelqu'un à la buanderie, par exemple. Est-ce que cela a posé des problèmes?

Mme Richardson: Non, parce que les utilisateurs de services et les fournisseurs de soins, dans une large mesure, disent qu'ils apprécient assez d'avoir quelqu'un — une équipe ou une personne ou un fournisseur de soins — qui est disposé à se déranger pour eux. Les utilisateurs de services, surtout ceux de ce groupe, pour la plupart n'aiment pas aller à l'hôpital psychiatrique pour leurs rendez-vous en clinique externe. Ils ne s'y présentent pas. Si le membre de l'équipe est disposé à se déplacer et à aller les rencontrer sur leur territoire, pour ainsi dire, les rapports et la participation sont bien meilleurs.

Le sénateur Cordy: Pour ce qui est des soins primaires, vous avez dit plus tôt qu'il fallait un diagnostic pour bénéficier de la Care Programme Approach. Comme l'a déjà dit le sénateur Keon, la plupart du temps, le premier point de contact c'est le médecin de famille ou l'omnipraticien. Vous avez dit que les omnipraticiens n'avaient pas nécessairement reçu de formation spécialisée pour donner des soins efficaces. Est-ce là qu'interviennent vos travailleurs qui orientent les patients, pour aider à poser les premiers diagnostics?

Parfois quand un patient va voir un omnipraticien, il souffre de divers maux, dont aucun ne sera attribué à la dépression ou à un autre type de maladie mentale. Comme vous l'avez dit, il faudrait un certain temps avant qu'un omnipraticien puisse vraiment poser un diagnostic autre que des maux de tête continus ou des maux d'estomac, et établir qu'il s'agit en fait d'une dépression, par exemple.

Les omnipraticiens reçoivent-ils une formation pour être en mesure de repérer les patients quand ils consultent, ou est-ce que les travailleurs qui s'occupent d'orientation jouent un certain rôle à cet égard?

Mme Richardson: Vous avez tout à fait raison, c'est précisément le rôle que nous avions envisagé pour les travailleurs qui orientent les patients. Cependant, pour l'instant, nous n'avons pas beaucoup de ces travailleurs en poste. Ils n'exercent pas un monopole sur ce rôle; il y a bien d'autres membres du système des soins de santé et des services sociaux qui soutiennent les omnipraticiens quand ils doivent poser ces premiers diagnostics.

Par exemple, de nombreux psychiatres offrent maintenant des services externes dans des cabinets d'omnipraticiens. De nombreux psychologues travaillent aussi dans des cabinets d'omnipraticiens. Ils peuvent aider les omnipraticiens à se faire une meilleure idée au moment d'établir si un patient donné devrait être ou non acheminé ailleurs.

La fonction des travailleurs qui orientent les patients consiste donc en partie à effectuer une première évaluation, quand il n'y a personne d'autre pour le faire, et aussi à les orienter dans le système et à aider le système à fonctionner de façon plus unifiée. La description de tâches de ces travailleurs — et nous avons publié des exemples de descriptions de fonctions dans notre guide — consiste à contribuer à l'élaboration de protocoles d'orientation locaux entre différents éléments du système de services, afin d'éviter aux patients d'avoir à être réévalués à plusieurs reprises.

Vous imaginez ce que c'est. Un omnipraticien, par exemple, n'est pas certain si quelqu'un devrait être acheminé vers des services spécialisés, alors par prudence, il renvoie ce patient à un psychiatre et il y a une période d'attente. Il se peut que l'omnipraticien oriente aussi le patient vers un psychologue, pensant qu'on attendra ainsi moins longtemps, ce qui souvent n'est pas le cas. Entre-temps, on aura suggéré au patient d'aller s'il le veut bien consulter les services bénévoles et caritatifs locaux pour recevoir un peu d'aide de leur part, auquel cas les services de consultation feront aussi une évaluation.

Pour l'instant, ces trois systèmes ne sont pas bien intégrés. Le travailleur chargé de l'orientation aurait pour fonction de les aider à collaborer plus étroitement et à s'entendre sur ce qui serait une façon appropriée de procéder à une première évaluation, afin qu'ils soient plus disposés à accepter l'opinion des autres. On accélérerait le processus pour le patient.

Le sénateur Fairbairn: J'ai bien porté attention aux questions du sénateur Cordy. Elles portaient sur ce que je voulais vous demander. Cependant, j'aimerais toucher un autre aspect.

Hier, nous avons entendu des témoins parler de l'aspect communautaire de toute cette question. J'ai trouvé que c'était une séance très ardue, en raison des difficultés qu'on a sur le terrain à concevoir des moyens permettant aux gens d'obtenir des soins appropriés en dehors des hôpitaux. Contrairement à vous en Grande-Bretagne, nous n'avons pas les structures voulues pour le faire. De plus, nous vivons dans une confédération, et les règles et les lois des diverses provinces varient.

J'aimerais parler d'intervention affirmative. C'est aussi une chose que nous n'avons pas au Canada. À mesure que nous délaissons les établissements et nous tournons vers les collectivités pour tâcher d'offrir le type de services voulus en soins primaires, par exemple, nous attendons aussi nettement du client, ou du patient, qu'il souhaite faire partie de ce système.

Avec les équipes d'intervention affirmative, qu'arrive-t-il quand la personne pour laquelle on a posé un diagnostic quelconque a besoin d'aide mais décide de ne pas recevoir de soins primaires ou tout autre type de soins qu'elle recevait jusque-là? Qu'arrive-t-il si ces patients décident de laisser tomber, si affirmative soit l'intervention de ces équipes? Qu'arrive-t-il alors? Est-ce que cela relève alors de l'établissement?

Mme Richardson: C'est une question extrêmement importante et intéressante. En fait, elle est liée très étroitement au travail que fait mon collègue Adrian Sieff pour moderniser la Loi sur la santé mentale. La réforme vise précisément à actualiser et moderniser la loi pour qu'elle tienne compte des nouveaux modèles de traitement et de soins, qui, comme vous l'avez mentionné, sont de nos jours plus souvent prodigués au sein des collectivités qu'à l'hôpital. Je vais lui demander d'en parler dans un instant.

Je ne peux pas vous répondre de façon générale. Dans notre guide à l'intention des équipes d'intervention affirmative, et des équipes de traitement à domicile et d'intervention en cas de crise, et en ce qui concerne la CPA, nous avons dit qu'il était tout à fait essentiel d'envisager de façon individualisée les soins de chaque patient. Par conséquent, je ne peux pas répondre de façon générale sur ce que l'on ferait dans un cas ou l'autre. Je peux seulement dire que cela dépendrait des antécédents de cette personne et de l'évaluation du niveau de risque que ferait le personnel soignant.

Prenons l'exemple précis d'une personne qui risque de poser un danger pour elle-même. Supposons qu'elle s'est déjà infligé des blessures ou a déjà tenté de se suicider. Sans compter qu'elle a connu des incidents de violence familiale, ou qu'elle a commis des infractions et a peut-être un casier judiciaire, mais n'a pas officiellement affaire à la police pour l'instant. Dans un cas comme celui-là, l'équipe d'intervention affirmative s'efforcerait d'assurer un suivi auprès de ce patient. Si ce patient prenait des médicaments, l'équipe ferait de son mieux pour le convaincre de s'en tenir au programme de traitements. En fait, la personne aurait signé le programme de traitements pour commencer, parce que notre guide établit clairement qu'il ne faut pas élaborer de directives sans le patient. Il est tout à fait essentiel que l'utilisateur de services participe à ce travail.

Si le membre du personnel ou de l'équipe pense que le patient pose un risque et qu'il s'apprête à abandonner le traitement ou à ne plus prendre ses médicaments ou les deux, alors la Loi sur la santé mentale pourrait devenir un outil qu'ils auraient besoin d'utiliser. Si vous le voulez bien, j'aimerais inviter M. Sieff à vous en parler un peu. Cela vous convient-il?

Le sénateur Fairbairn: Certainement. J'aimerais ajouter quelque chose à ma question. Qu'arriverait-il si cette personne avait non seulement des troubles mentaux mais aussi une toxicomanie? Quand il revient sur terre, le patient ne veut pas renoncer à cette toxicomanie?

M. Sieff: Comme le disait Mme Richardson, nous nous proposons d'adopter une nouvelle loi en matière de santé mentale. L'un des grands changements consiste à moderniser la loi pour tenir compte des soins et des traitements modernes.

En tant que concepteurs des équipes d'intervention affirmative, nous souhaitons la multiplication de soins adaptés aux usagers, quand c'est approprié, pour permettre aux gens de recevoir des traitements en vertu de mécanismes officiels au sein de la collectivité. Ce n'est pas possible en vertu de la loi actuelle, qui dispose qu'une personne doit être détenue dans un hôpital si elle doit être traitée en vertu de mécanismes officiels.

Si une personne a de graves troubles mentaux et pose un risque important de préjudice grave — soit pour elle-même ou les autres — et si un traitement approprié est disponible, on peut, en vertu de la Loi sur la santé mentale, obliger cette personne à se faire soigner, même sans son consentement.

Il y a un certain groupe de personnes que nous appelons dans notre jargon nos «patients porte tournante», dont l'état est susceptible de se détériorer de façon assez prévisible et qui auraient ainsi besoin de plus de soins et de traitements. Il se peut qu'il ne soit pas nécessaire, s'ils sont bien connus de nos services, de les faire revenir à l'hôpital, mais il faudra appliquer les conditions de traitement prévues dans la loi. La loi prévoit des mesures pour aider ceux qui quittent l'hôpital à réintégrer leur collectivité de façon qu'ils ne soient pas en proie au syndrome de la porte tournante. Ils peuvent être traités moyennant certaines conditions — autrement dit, ils peuvent être assujettis à certaines conditions lorsqu'ils obtiennent leur congé de l'hôpital. Ainsi, ils pourraient être tenus de vivre dans un certain endroit, de se présenter à date fixe au service de consultations externes ou de recevoir des traitements.

Tant qu'ils se conforment à ces conditions, il n'est pas nécessaire de les amener à l'hôpital. Ces gens peuvent ainsi continuer à recevoir des traitements dans la collectivité tant qu'ils présentent les symptômes de l'affection en question.

Il est important de souligner que, une fois que leur état s'est amélioré et qu'ils ne répondent plus aux critères permettant d'établir un diagnostic de trouble mental grave présentant un risque considérable, ils sont alors dispensés de poursuivre leur traitement conformément aux termes de la loi. Il est toutefois à espérer que ces gens pourraient continuer à bénéficier de soutien dans la collectivité de la part d'une équipe d'intervention proactive ou d'autres services communautaires. La transition sur le plan des soins à assurer à ces personnes peut ainsi se faire plus en douceur.

Le sénateur Léger: J'ai été frappée par la description que Mme Richardson a donnée des changements survenus depuis 1997 et de ce sur quoi vous avez mis l'accent dans votre projet de réforme. Vous vous êtes attaqués en priorité à la santé mentale. Chez nous, nous avons plutôt commencé par tout le reste, pour nous attaquer en dernier à la santé mentale. Y a-t-il une raison qui a motivé ce choix?

Mme Richardson: Je devrais corriger une fausse impression étant donné que notre première norme dans le cadre du service national visait effectivement la promotion du bien-être mental et de la santé mentale, mais non pas la maladie mentale. Je dois toutefois préciser qu'il serait injuste de conclure que nous avons commencé par là.

Comme bien d'autres pays, nous nous sommes donné comme priorité de réformer tout d'abord les services destinés aux personnes atteintes des maladies mentales les plus graves parce que c'est parmi ces populations que les taux de morbidité sont les plus élevés. C'est parmi ces populations que le risque de suicide ou de décès attribuable à d'autres causes est le plus élevé. Nous avons aussi commencé à travailler simultanément à la promotion de la santé mentale, mais si on comparait les ressources affectées aux divers aspects de la santé mentale, il serait assez évident que nous avons fait beaucoup plus du côté des maladies graves que du côté de la prévention.

C'est ce que nous appelons la norme un qui s'applique ici. Le tout a débuté en mars 2001 avec une campagne nationale intitulé «Mind Out for Mental Health». Par cette campagne, nous voulions lutter contre la stigmatisation et la discrimination auxquelles se heurtent les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. La campagne visait à favoriser leur inclusion dans la société. Même si le groupe ciblé était celui des personnes déjà diagnostiquées comme ayant une maladie mentale, nous voulions aussi essayer d'atténuer la honte qu'il y a à avouer une maladie mentale pour faire en sorte qu'il soit plus facile de consulter dès l'apparition d'un problème de santé mentale.

Les efforts en ce sens ont notamment conduit à une campagne appelée «The Campaign Against Living Miserably», qui a été lancée il y a environ cinq ans. Cette campagne ciblait les jeunes hommes à risque de suicide qui ont tendance à ne pas aller consulter leur omnipraticien pour discuter de leurs problèmes. On a ainsi mis sur pied une ligne télaide où l'on reçoit environ 6 000 appels par an, dont la moitié viennent d'hommes âgés de 15 à 35 ans.

Ce que nous voulons, c'est faire de la sensibilisation ciblée. Nous travaillons avec les clubs de jeunes par l'entremise de DJ et de discothèques. Nous faisons appel à des footballeurs et à des célébrités pour faire passer notre message. Nous avons lancé une vaste campagne. Nous avons fait mettre des panneaux sur les autobus où l'on disait, par exemple, «Saviez-vous qu'une personne sur cent est atteinte d'une maladie mentale grave?»

Nous avons également pris des mesures pour renforcer notre ligne secours nationale appelée NHS Direct. Il s'agit d'un service assez récent que nous offrons depuis environ cinq ans. Les appels sont reçus par des infirmiers et des infirmières qui ont reçu une formation conçue pour les sensibiliser à la santé mentale. Les infirmiers et infirmières ont aussi été formés à l'utilisation d'un algorithme, c'est-à-dire un arbre de décision qui les aide à évaluer l'appel pour ensuite dire à la personne où s'adresser pour obtenir de l'aide si elle en a besoin ou la mettre en contact avec des lignes secours du secteur charitable et bénévole qui peuvent répondre à ses besoins particuliers.

Ainsi, nous avons en Angleterre, comme vous aussi, j'en suis sûre, une multitude de lignes secours d'organismes philanthropiques et bénévoles indépendants qui ciblent des groupes en particulier. Il y a la ligne Enfant-secours, la ligne pour les victimes d'agression sexuelle, une ligne destinée aux personnes qui ont survécu à une agression sexuelle, une ligne appelée Saneline, et une ligne d'entraide pour les bipolaires et les maniaco-dépressifs. Nous avons regroupé toutes ces lignes et nous avons fait en sorte qu'elles appliquent toutes une norme semblable, puis nous les avons reliées à notre ligne secours nationale pour que nous puissions mettre la personne qui appelle en contact avec ces lignes spécialisées, le cas échéant. Il s'agit d'un élément très important du travail qui a été fait.

Enfin, nous avons publié en 2001 un document intitulé «Making It Happen: A Guide to Delivering Mental Health Promotion», guide à l'intention des services locaux qui souhaitent faire la promotion de la santé mentale. On y trouve notamment des sections sur l'activité physique et sur le lien entre l'exercice et la dépression. Nous sommes intervenus auprès des médecins généralistes pour qu'ils envoient leurs patients atteints de dépression vers les centres locaux de conditionnement. Le document offre toute une gamme de pratiques exemplaires.

Le Cabinet Office a un service chargé de traiter de l'exclusion sociale. Ce service travaille depuis 18 mois à préparer un rapport sur l'exclusion sociale des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, rapport qui doit être publié en juin. Je vous incite fortement à lire ce rapport, car c'est une véritable mine d'information au sujet de la stigmatisation de la maladie mentale et de la promotion de la santé mentale.

Nous avons aussi entrepris une consultation publique, où les gens sont invités à expliquer ce qui ferait la différence pour eux. La consultation comporte deux volets. Premièrement, nous demandons à ceux qui n'ont pas de problèmes de santé mentale ce qui pourrait contribuer à prévenir les problèmes de santé mentale et ce qui leur permettrait de mieux résister à la maladie mentale, de gérer les transitions de façon plus efficace, de mieux composer avec le stress au travail, et cetera. Deuxièmement, nous demandons comment nous pourrions nous y prendre pour faire en sorte que ceux qui ont des problèmes de santé mentale reçoivent les messages de santé publique destinés à l'ensemble de la population, car nous savons qu'il y a plus de décès précoces dus aux maladies respiratoires chez les personnes atteintes de maladie mentale grave, que ces personnes ne se présentent pas pour subir les frottis cervicaux et les autres tests dont les autres bénéficient et qu'elles ne vont pas voir leur médecin pour un examen de santé qui permettrait de détecter de façon précoce d'autres problèmes physiques.

Le sénateur Léger: Je suis impressionnée par la structure que vous avez mise en place. Je pense, par exemple, à votre Primary Care Trust qui a mis au point un plan qui vise quelque 100 000 personnes, si j'ai bien compris, et aussi aux distinctions que vous faites entre applications rurales et applications urbaines. Autrement dit, c'est une structure qui comprend un grand nombre de petites cellules. Voilà ce que je trouve très intéressant.

Mme Richardson: C'était là un élément extrêmement important pour amener les fournisseurs de services locaux à souscrire au plan national. Le plan national n'aurait pas pu marcher autrement.

Il y a une composante de notre structure dont je n'ai pas parlé. Il s'agit du National Institute for Mental Health of England, qui est notre organe de mise en oeuvre. Rien de tout ce que nous avons fait n'aurait pu être accompli sans la participation de cet institut et sans l'adhésion locale que favorise l'institut. L'institut compte huit centres de développement régional, mais le travail se fait aussi à un niveau plus local. Nous avons fourni des ressources du gouvernement central pour soutenir la mise sur pied de ce que nous appelons des «équipes de mise en oeuvre locales». Il y a 196 équipes de mise en oeuvre locales constituées de personnes travaillant dans le domaine des soins sociaux et de santé destinés à favoriser le mieux-être mental, qui se regroupent pour appuyer la mise en place et l'intégration efficaces de services de santé mentale.

Sans ces équipes de mise en oeuvre locales, nous n'aurons absolument pas pu apporter tous les changements que nous avons réussi à instaurer. Je ne veux pas brosser un tableau trop optimiste car il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Il y a maintenant presque cinq ans que le programme a été lancé, et nous avons apporté des changements considérables, mais il reste encore beaucoup à faire. Les équipes de mise en oeuvre locales ont joué un rôle essentiel à cet égard, et il est très important dans le cadre du programme de réforme de s'assurer dès le départ d'avoir l'infrastructure qui convient.

Le sénateur Léger: Il y a une nouvelle génération de professionnels. Ces gens ont-ils toujours tendance à privilégier les petites cellules ou sont-ils plus spécialisés et distanciés de la réalité?

Mme Richardson: Nous avons extrêmement à coeur que ces gens-là reçoivent une formation qui diffère à bien des égards importants de la formation traditionnelle que reçoivent les médecins et le personnel infirmier. Fait encore plus important, les nouvelles formations que nous avons créées se fondent sur les compétences plutôt que sur les examens, si je puis m'exprimer ainsi. Nous avons élaboré un ensemble de compétences nationales en santé mentale dont nous assurons la diffusion aux divers organismes de formation et de développement de la main-d'oeuvre ainsi qu'aux établissements d'enseignement supérieur. Il est aussi essentiel que l'enseignement et la formation dispensés à ces nouveaux professionnels ne se limitent pas aux questions de santé. Leur formation porte aussi sur les soins sociaux, sur les questions de logement, sur l'emploi et sur toutes ces autres questions qui ont leur importance dans le traitement des personnes qui ont des problèmes de santé mentale.

Par ailleurs, nous tentons de favoriser un programme de formation préinscription pour les médecins et le personnel infirmier ainsi que pour nos autres groupes d'employés traditionnels en soutenant la mise en oeuvre de ce cadre de développement des compétences et en multipliant, surtout pour les omnipraticiens et les psychiatres, les occasions de se renseigner sur les interventions qui ne font pas appel aux médicaments. Aussi, nous cherchons à renforcer l'offre de formation en thérapie psychologique.

Le sénateur Cook: Dans quelle mesure avez-vous cherché à intégrer les services de santé mentale et le traitement des toxicomanies, étant donné que les deux sont très souvent liés? Je songe tout particulièrement aux jeunes.

Deuxièmement, avez-vous une stratégie nationale de prévention du suicide? Sur le plan pratique, comment les fournisseurs de soins de santé mentale — psychiatres, infirmières et infirmiers psychiatriques, psychologues et infirmières et infirmiers praticiens, comme nous l'appelons chez nous — ont-ils été intégrés dans le système de soins primaires?

Mme Richardson: En ce qui concerne le traitement des toxicomanies et la stratégie de santé nationale, le traitement des toxicomanies est surtout financé à même les fonds publics, même si une petite partie des fonds provient du secteur privé. Le gouvernement a toutefois établi un budget commun pour les toxicomanes, qui comprend des fonds pour les soins de santé et pour la justice pénale. Les services de traitement sont assurés par 149 équipes d'intervention auprès des toxicomanes réparties sur l'ensemble du territoire. Ces services sont assurés dans les limites de ce budget commun, qui est administré par le fonds local Primary Care Trust, qui finance les services destinés aux toxicomanes. L'équipe d'intervention auprès des toxicomanes décide des services à offrir, tandis que le PCT détient les cordons de la bourse.

Nous avons une agence nationale de traitement pour les toxicomanies, qui s'apparente à notre institut national pour la santé mentale. Il s'agit d'un organisme indépendant que le gouvernement a mis sur pied et qui a pour tâche d'établir les normes relatives aux services de traitement et de surveiller la prestation des services. C'est un fait — et quelqu'un y a fait allusion tout à l'heure — que les taux de comorbidité entre la maladie mentale et la toxicomanie sont très élevés. Nous reconnaissons que les services aux toxicomanes au niveau local sont toujours insuffisants pour répondre aux besoins. Il nous reste encore du travail à faire pour améliorer les partenariats de travail entre les équipes d'intervention auprès des toxicomanes et les services de santé mentale. Il n'est pas toujours facile de créer de ces équipes. J'ajouterais que le travail de ces équipes se fait surtout auprès des toxicomanes plutôt que des alcooliques, mais l'alcoolisme est aussi un problème.

Nous avons une stratégie nationale de prévention du suicide, qui se trouve sur le Web. Le premier rapport d'étape relatif à la stratégie a été publié l'an dernier. Le rapport était encourageant en ce sens que le taux de suicide est à la baisse. Les données des deux dernières années montrent qu'il est au plus bas niveau jamais atteint. La moyenne sur trois ans pour 2000 à 2002 était le plus bas niveau par rapport au niveau de référence que nous avons établi en 1995. À l'heure actuelle, le taux est de 8,9 décès par 100 000 habitants. C'est un taux qui se compare assez favorablement avec le taux européen, qui s'élevait à 8,8 selon les dernières données, si je ne m'abuse.

Cette baisse du taux de décès par suicide est attribuable à une baisse du taux de décès parmi les malades hospitalisés. Nous avons chaque année entre 4 500 et 5 000 décès par suicide. Il y en a un quart qui surviennent chez des personnes en contact avec des services spécialisés de santé mentale et un autre quart qui surviennent la semaine suivant le départ de l'hôpital, et c'est ce qui explique que nous insistons beaucoup sur l'importance d'une intervention proactive, d'un suivi et d'un programme de soins bien pensé.

Sénateur, pourriez-vous répéter votre troisième question, s'il vous plaît?

Le sénateur Cook: Sur le plan pratique, comment avez-vous intégré les fournisseurs de soins de santé mentale — psychiatres, psychologues, infirmières et infirmiers praticiens et psychiatriques — dans l'équipe de soins primaires dont vous nous avez parlé?

Mme Richardson: Il n'est pas facile de répondre à cette question. Le fait est que nous n'avons pas de stratégie en tant que telle pour l'intégration des soins primaires et secondaires. Il existe toutefois beaucoup de documents sur la question et nous avons commencé à essayer d'inclure dans le cadre de service national une vision axée sur une meilleure intégration. Le développement a été plutôt fragmenté, si bien que nous avons commencé à offrir des soins primaires en psychiatrie dans les services de consultation externe et à faire intervenir des psychologues dans les soins primaires. Nous pouvons maintenant compter sur ces nouveaux professionnels pour nous aider à jeter un pont entre les soins primaires et les soins secondaires.

Nous avons également fait beaucoup de travail pour soutenir la mise en service de soins primaires par l'entremise d'un autre organisme indépendant du gouvernement, l'agence de modernisation, qui a un service spécialisé dans les soins primaires. Ce service s'appelle la National Primary Care Development Team. Un collectif en santé mentale a été créé pour assurer des liens plus efficaces entre les soins primaires et les soins secondaires.

Nous avons ainsi pris diverses initiatives, mais il n'y a pas de solution unique, comme vous le savez, le problème n'est pas simple. Il faut non seulement gagner la confiance des gens et changer le lieu de prestation des soins, mais il faut aussi former le personnel.

Le sénateur Cook: Parmi les professionnels en place, il y a l'infirmier ou l'infirmière qui poursuit ses études un an de plus afin d'acquérir une formation en psychiatrie. Il y a une nouvelle catégorie de professionnels qui semble prendre de l'ampleur au Canada, celle des infirmières et infirmiers praticiens et agréés qui ont leur baccalauréat ou l'équivalent et qui font une maîtrise dans la discipline de leur choix. Est-ce là quelque chose que nos pays respectifs ont en commun?

Mme Richardson: Ce que vous venez de décrire correspond à peu de choses près à ce que nous appelons nos infirmières et infirmiers psychiatriques communautaires qui, comme chez vous, sont des infirmières et infirmiers agréés qui poursuivent leur formation afin d'acquérir une formation spécialisée en santé mentale. En fait, les infirmières et infirmiers psychiatriques communautaires sont le plus souvent rattachés à des services spécialisés secondaires plutôt qu'à des soins primaires, parce qu'ils oeuvrent surtout auprès de personnes atteintes de maladie mentale grave. Il leur arrive aussi de travailler au niveau des soins primaires, mais le plus souvent ils travaillent au niveau des services secondaires.

Nos travailleurs qui font des études plus poussées ont généralement une formation en sciences sociales ou en psychologie et ne sont pas des infirmiers ou des infirmières. La formation supplémentaire d'un an qu'ils reçoivent après l'obtention de leur diplôme les prépare à donner des conseils en matière d'auto-assistance, à diffuser de l'information et à traiter efficacement sur de courtes périodes les personnes atteintes de troubles communs en tentant d'agir sur leur comportement cognitif. Ils ne seraient pas appelés à prescrire des médicaments. Vous savez peut-être que, d'après notre loi, l'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière a récemment été étendu pour que les infirmiers et infirmières psychiatriques puissent assurer une partie du pharmacotraitement nécessaire.

Le vice-président: Au nom des sénateurs, je remercie Mme Richardson et M. Sieff d'avoir témoigné devant notre comité aujourd'hui. Je suis désolé que la technologie n'ait pas fonctionné pour la dernière partie de la réunion. Nous avons certainement trouvé votre témoignage très utile.

La séance est levée.


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