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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages du 25 octobre 2005 (séance de l'après-midi)


VANCOUVER, le mardi 25 octobre 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 13 h 5 pour étudier et en faire rapport la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue. Notre premier témoin sera le chef Darryl Peters. À vous la parole.

Darryl Peters, chef, Première nation de Douglas : Bonjour. La Première nation de Douglas a beaucoup de possibilités actuellement. Je vais vous en présenter une liste, chers sénateurs, dont vous avez un exemplaire en main. J'ai dressé cette liste pour bien faire comprendre au comité sénatorial d'où je viens. Je m'adresse à vous au nom du peuple que je représente.

La Première nation de Douglas est une petite collectivité installée dans une région éloignée, à l'extrémité nord du lac Harrison, où le gros des activités est lié à l'exploitation forestière. Or, depuis un certain temps, les activités forestières sont en baisse à cause des droits sur le bois d'oeuvre et des modifications récentes à la Forest Act. Nous cherchons actuellement des façons de continuer à défendre nos intérêts dans la forêt, en passant par la bande ou par la Première nation, qui regroupe toutes nos collectivités. La Première nation de Douglas dispose de bien d'autres possibilités de développement grâce à d'extraordinaires réserves de ressources naturelles, dont l'eau et le minerai, si nous décidons d'aller en ce sens. Nous avons déjà été actifs dans ces domaines mais, comme nous manquons de capacités pour l'instant, nous avons mis les projets de côté.

Sans connaître exactement le registre des Indiens inscrits, je peux avancer que la Première nation de Douglas compte environ 217 membres, dont 30 p. 100 vivent à l'intérieur d'une réserve. Trois de nos réserves se trouvent assez près de l'extrémité sud de la rivière Lillooet. La plus grande, la Réserve indienne Douglas no 8, est située à l'extrémité nord du lac Harrison. Elle est traversée par une rivière et une petite montagne. Cette réserve comporte deux collectivités. Si vous regardez la carte que je vous ai remise, vous voyez le village de Tipella, où je vis, et celui de Port Douglas.

Cette brève description de notre situation géographique devrait vous permettre de comprendre les pistes que nous explorons en matière de développement économique. Nous voulons développer une économie locale et régionale diversifiée. Nous voyons apparaître toutes sortes de nouveaux concepts dans le domaine de l'énergie renouvelable, qui nous ont amenés à nous intéresser à la production énergétique indépendante. Nous avons deux possibilités. La première est une centrale au fil de l'eau, qui permettrait de produire une énergie que l'on dit « verte » ou « propre ». Nous sommes en négociations avec un promoteur qui examinera huit criques ou petites rivières pressenties pour le projet. Nous comptons sur des projets du genre pour augmenter l'équité et l'emploi. Nous avons songé à un fonds de dotation, mais nous étudierons toutes les voies possibles pour optimiser nos relations de travail avec ce promoteur. Notre deuxième possibilité est l'énergie géothermique, une source d'électricité à plus haut risque. Une source chaude se trouve tout près de notre collectivité, à l'intérieur du même bassin hydrographique. Nous espérons pouvoir atteindre cette ressource avec les moyens appropriés. Selon ce qu'on m'a dit, ce type de projet peut être exécuté dans un périmètre réduit.

J'ai déjà parlé de la foresterie. J'ai eu l'occasion de négocier la construction d'une scierie au nom de la Première nation de Douglas, avec l'une des nouvelles sociétés qui se sont installées sur notre territoire. Nous pouvons investir notre temps et nos efforts dans ce projet, mais nous devons avant tout apprendre comment faire tourner une scierie. Quand nous avons discuté avec le titulaire de permis, nous avons fixé un échéancier. Malheureusement, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour le démarrage. Je n'ai jamais eu la chance ni d'étudier, ni de comprendre ce que sont les coûts de démarrage. Ce nouvel accord sur la forêt, le Forest and Range Agreement, nous ouvre des portes pour ce qui est de l'exploitation forestière. Nous avons demandé un permis d'exploitation pour les districts forestiers de Squamish et de Chilliwack. Nous faisons face cependant à un problème important : Forests and Range n'a pas délimité notre territoire. Nous attendons patiemment la réponse des autorités à Victoria parce que nous ne voulons pas précipiter les choses.

Nous faisons également de la sylviculture, depuis de nombreuses années. La sylviculture est cruciale pour la vitalité des forêts. Ce domaine comprend la plantation d'arbres et l'entretien de la végétation. C'est un domaine aux possibilités multiples et continues, que nous pouvons exploiter grâce aux formations que nous avons reçues dans le cadre d'anciens programmes. Nous avons donc les compétences nécessaires, mais nous manquons de ressources.

Tout dernièrement, j'ai entendu parler d'un nouvel axe de développement, les produits végétaux. J'avais déjà entendu nos aînés raconter comment nos ancêtres s'étaient toujours servis des végétaux qu'ils trouvaient sur notre territoire, depuis des temps immémoriaux. Mais ce n'est que tout récemment que j'ai entendu parler des possibilités d'exploiter ces ressources selon les principes de l'économie moderne. Nous voulons créer une entreprise de production d'huile de feuilles de cèdre avec une autre société. J'attends d'avoir plus d'information à cet égard, mais nous savons déjà que cette huile agit contre les moisissures et qu'on s'en sert dans l'industrie de la parfumerie et d'autres produits du genre. C'est tout nouveau et la société en question est consciente que pour démarrer une affaire dans notre région, il est primordial de faire les consultations nécessaires et de trouver un terrain d'entente.

Si vous regardez une carte, si vous survolez la région ou encore si vous nous rendez visite, vous constaterez rapidement le potentiel touristique énorme que nous avons, qui jusqu'à maintenant n'a pas exigé beaucoup d'aménagements. Les résidents de Vancouver y trouvent une splendide nature sauvage et, quant à nous, nous profitons pleinement des possibilités de collaboration avec des entreprises externes pour développer notre économie. J'ai conclu avec les districts forestiers de Squamish et de Chilliwack un contrat de gestion de la 20 Mile Bay, située à mi-chemin sur la rive occidentale du lac Harrison et qui compte quelque 70 emplacements de camping. Nous en sommes à notre troisième année, bien que les problèmes aient été nombreux, principalement à cause de dame nature, qui ne nous a pas épargné les incendies de forêt, les opérations de prévention des incendies et le mauvais temps. Si ce n'est de ces ennuis, le site est magnifique et donne directement sur le lac. Il reste deux années à notre contrat de gestion du Camping 20 Mile Bay, et nous voulons en profiter pour améliorer les aménagements. Je me suis entretenu à cet égard avec des représentants du district forestier de Squamish, qui exploite un autre terrain de camping tout près de la Slocet Hot Springs. Le terrain se trouve à 12 kilomètres environ de ma collectivité, en amont de la petite crique, et contient environ 15 emplacements que nous pouvons utiliser. Nous travaillons avec le district forestier de Squamish pour aménager et embellir le terrain, sans lui enlever son caractère rustique. J'ai aussi discuté avec eux de projets d'aménagement d'autres terrains de camping sur les rives du lac Harrison, entre la 20 Mile Bay et l'extrémité nord du lac. On y trouve au moins quatre sites tout à fait propices à l'installation de terrains de camping. Nous pourrions y construire de petits chalets, ou même des pavillons, pourquoi pas? L'endroit est magnifique. Certains endroits sont accessibles uniquement par bateau ou, pour les plus aventuriers, par des sentiers de randonnée assez difficiles dans les montagnes.

Notre territoire est traversé de nombreux sentiers de randonnée pédestre que nous utilisons depuis longtemps, et d'autres qui sont plutôt fréquentés par des visiteurs. Nous pourrions proposer un circuit incluant l'un de ces sentiers. Port Douglas était le point de départ original de la Ruée vers l'or, en 1858. Nous vivions partout dans la région du lac Harrison. Quand les pionniers sont arrivés par eau, ils ont été ravis de découvrir qu'ils pouvaient y débarquer et amorcer la montée vers la Ruée vers l'or. Ils demandaient à mes ancêtres quels étaient les meilleurs chemins. Ceux qui ont ouvert le sentier de la ruée vers l'or ont appris de mes ancêtres quels étaient les meilleurs emplacements. Aujourd'hui, un sentier patrimonial s'étend depuis Port Douglas jusqu'à la rivière Lillooet, il traverse D'Arcy et se rend jusqu'au lac Anderson. Ce sont quelques possibilités de développement, parmi tant d'autres. Notre région est parsemée de lacs glaciaires. J'ai mentionné plus tôt que je passais beaucoup de temps à Vancouver mais que, dès que j'en ai l'occasion, je retourne dans ma collectivité et je prends le temps d'aller dans les montagnes, pour voir les lacs Fire et Glacier. Ces régions sont magnifiques. Je pourrais parler très longtemps de ces joyaux touristiques.

Dans le domaine de la construction, toujours pour étendre notre développement économique, nous avons signé un contrat de débroussaillement de l'emprise avec B.C. Hydro. Nous avons envoyé certains de nos membres à Victoria et dans d'autres grands centres, où ils ont suivi des formations sur les limites d'approche des emprises de B.C. Hydro. Nous avons collaboré à maintes reprises avec B.C. Hydro pour apprendre comment faire ce débroussaillage. Nous avons appris également à brûler des amas de débris de bois et d'anciens billots. Nous avons saisi cette occasion de nous perfectionner. Quand des travaux d'aménagement ont été effectués, il faut refaire l'aménagement paysager pour redonner sa beauté aux sites. Des membres de notre collectivité veulent saisir cette occasion pour démarrer leur entreprise d'aménagement paysager ou collaborer avec des entreprises de construction qui travaillent à des projets comme celui de la rivière Running dans la région. Certains de nos membres sont des opérateurs de machinerie lourde qualifiés, et d'autres veulent acquérir cette compétence. Nous avons acheté une chargeuse frontale Cat 966 mais, comme nous manquons de ressources, on ne peut pas l'utiliser tous les jours.

Le domaine de la menuiserie générale présente également des perspectives intéressantes, parce que nous devons construire des maisons pour nos membres et pour d'autres personnes qui viennent nous aider. L'un de nos gros projets est la construction d'une usine à béton. J'ai appris ces dernières semaines que les prix du béton avaient grimpé de 20 p. 100, ou quelque chose du genre. Si nous construisons une usine à béton à proximité de notre territoire, il serait beaucoup plus facile pour nous d'aménager des centrales électriques indépendantes et d'entreprendre d'autres projets de construction.

Ces dernières années, j'ai participé à des négociations d'accords avec Pêches et Océans Canada. Pour dire le vrai, nous n'avons jamais été particulièrement accueillants pour Pêches et Océans sur notre territoire, à cause des permis de pêche communautaires et de tout ce qui s'ensuit. J'ai cependant pris le risque, au nom des membres de la collectivité, de travailler avec le fédéral pour voir s'il nous manquait des connaissances. Et j'ai découvert des lacunes graves pour ce qui est de l'évaluation des stocks. Nous savons que nous avons du saumon quinnat, du sockeye et du coho, mais nous ne savons rien de leur longévité en général ni de leurs habitats. J'ai demandé au ministère des Pêches et des Océans de nous dire comment nous pouvions lui transmettre de l'information, à son profit autant qu'au nôtre. Nous connaissons bien certaines aires où nous pêchons, mais j'ai pensé qu'il valait mieux établir un lien avec Pêches et Océans afin que les membres de notre collectivité connaissent plus exactement la situation des populations des espèces présentes dans nos affluents. Nous en sommes à notre troisième année de collaboration avec Pêches et Océans. Nous faisons de notre mieux et nous apprenons beaucoup. Nous savons à quel point la biologie est importante et nous sommes très contents de pouvoir compter sur des personnes compétentes.

Nous réfléchissons aux moyens que devrait prendre le gouvernement pour mieux soutenir le développement économique des Premières nations. In-SHUCK-ch, qui regroupe les Premières nations Douglas, Skatin et Samahquam, participe à la négociation d'un traité avec les gouvernement fédéral et provincial, afin que nous puissions améliorer nos communications et avoir accès au financement en vue des Olympiques. Si vous examinez la carte, vous constaterez que nous nous trouvons à 15 ou 20 minutes, à vol d'oiseau, de Whistler ou de Vancouver. Nous voulons contribuer à la construction des installations olympiques, pour le Canada et la Colombie-Britannique, en sachant fort bien que nous devons améliorer notre formation et notre économie. Sur le plan individuel, nos membres doivent avoir accès à des programmes améliorés de formation et d'apprentissage. Et pour y arriver, nous devons acquérir de l'expérience. Nous envisageons de remettre sur pied des entreprises dont la bande serait propriétaire, comme cela s'est fait autrefois. Certaines n'avaient pas fait long feu parce qu'elles étaient défavorisées sur le plan des économies d'échelle. Nous avons des besoins en matière de santé, de logement et dans le domaine social, qui tous sont liés au développement économique. Comme nous n'avons pas reçu de financement pour le logement, nous manquons de logements et d'emplois, et nos membres quittent la collectivité.

Nos traditions et notre mode de vie se fondent sur une vision circulaire de la société, c'est-à-dire que tout prend son origine dans le cercle. Les membres de la collectivité ont cherché les meilleurs moyens pour établir nos besoins actuels, en tenant compte de nos traditions et de nos valeurs sociétales. Nous avons mis tout ce que nous pouvions dans le diagramme, en admettant que la santé de notre collectivité passe obligatoirement par la création d'emplois. Je souligne au passage que le développement économique n'est pas un acte discrétionnaire. Il constitue un élément essentiel du maintien de notre mode de vie, qui exige au préalable de bâtir une infrastructure économique. Pour bâtir des routes et produire de l'énergie, nous avons besoin de l'appui du gouvernement, parce qu'il est le seul à pouvoir faire de tels investissements. Une collaboration ouverte et honnête sera un grand pas pour notre collectivité. Auparavant, nos leaders avaient plutôt tendance à se plaindre sans bouger, mais je préfère de loin prendre le taureau par les cornes pour faire avancer les choses.

Notre avenir sera tourné notamment vers les énergies renouvelables. Nous nous intéresserons aux microcentrales hydroélectriques, à l'énergie géothermique, au solaire peut-être et à l'énergie éolienne, qui prendront de plus en plus d'importance pour les collectivités autochtones de la Colombie-Britannique. Ces sources d'énergie devraient satisfaire aux directives et aux responsabilités fédérales et provinciales au titre du Protocole de Kyoto, parce qu'elles contribueront à la réduction des gaz à effet de serre. Nous devons soutenir la création de partenariats, un domaine dans lequel je suis en perpétuelle recherche à cause de l'intérêt énorme qu'il revête pour nous tous. Je suis convaincu qu'il est rentable de consacrer du temps à la recherche de partenaires et de projets de coentreprise.

Nous avons reçu des subventions gouvernementales de développement économique par l'entremise du Programme de partenariat, du Programme de négociation de l'accès aux ressources, des Provincial Economic Measures Agreements et du programme Action partenariat. Nous avons utilisé l'argent pour bâtir un partenariat avec Cloudworks, en vue de la réalisation de notre projet de production d'énergie indépendante. Cependant, tout l'argent a été dépensé et, malgré notre accès permanent à Affaires indiennes et du Nord, les coffres sont vides. C'est difficile pour nous. Sans capitaux de démarrage, les projets de développement économique restent morts dans l'oeuf. Le fait d'être résidents d'une réserve indienne nous bloque l'accès aux prêts bancaires et d'autres établissements financiers.

Notre plus grand espoir est de donner vie à tous nos projets. Sur ce, je tiens à remercier le comité sénatorial de m'avoir entendu.

Le président : Merci, chef Peters.

Le sénateur St. Germain : Je connais bien votre région. J'ai eu un ranch à Pemberton et je me rendais souvent chez vous en avion, même si je n'ai jamais atterri à Tipella. Connaissez-vous cette bande d'atterrissage?

M. Peters : Non. Cette bande d'atterrissage se trouve sur les terres louées de Produits forestiers du Canada. Il s'agit de l'une des entreprises, ou exploitants, qui se sont « retirées », et nous sommes actuellement en pourparlers avec le ministère afin de convenir de modalités d'acquisition du territoire et de la bande d'atterrissage.

Le sénateur St. Germain : Quelle est la limite nord du territoire pour lequel vous êtes en négociations? Est-ce qu'il s'étend jusqu'à Skookumchuck?

M. Peters : La revendication de In-SHUCK-ch s'étend jusqu'à la moitié du lac Lillooet.

Le sénateur St. Germain : Faites-vous partie de la bande de Skookumchuck?

M. Peters : Ce sont nos voisins au nord. Il y a la Première nation de Douglas, la Skatin Nations, auparavant Skookumchuck, et la bande de Samahquam, qui vit à l'extrémité sud du lac Lillooet.

Le sénateur St. Germain : Avez-vous déjà songé à construire une route à péage qui traverserait ce territoire?

M. Peters : Nous avons adressé une lettre à Transportation and Highways à ce sujet. Nous avons fait une demande, nous avons supplié le ministère d'améliorer la route afin qu'elle satisfasse à ses normes. Apparemment, c'est hors d'intérêt.

Le sénateur St. Germain : Peut-être le secteur privé serait-il prêt à travailler en partenariat avec vous dans ce secteur. L'autoroute à péage de Toronto est une réalisation du privé. Ce pourrait être un tracé de rechange magnifique vers Whistler. Vous en savez sans doute plus que moi à ce sujet, mais je tenais à le souligner.

Vous nous avez dit que votre terrain de camping se trouvait à l'ouest du lac Harrison, à 20 Mile Bay, n'est-ce pas?

M. Peters : Il est en effet à 20 Mile Bay, du côté ouest, à mi-chemin en montant le lac Harrison, à côté de Long Island.

Le sénateur St. Germain : C'est une région vraiment isolée. On peut y aller par la route, mais elle est très mauvaise. Il reste seulement l'avion. Je vous souhaite bonne chance et merci pour votre présentation. Je comprends ce que vous voulez faire. Vous aurez certainement la main heureuse pour certains de vos projets, et je vous souhaite la prospérité.

Le sénateur Zimmer : J'aimerais préciser un point. À propos de l'énergie géothermique, vous avez parlé d'alimenter Port Douglas et Tipella. C'est bien cela? Est-ce que vous escomptez des revenus additionnels de cette source?

M. Peters : Selon ce qui est prévu, le projet d'énergie géothermique devrait donner 200 mégawatts environ. Je n'ai pas mes notes avec moi, mais je crois que c'est suffisant pour alimenter 400 000 foyers environ. Nous utiliserions une partie de l'énergie produite, mais l'objectif est avant tout de la vendre à B.C. Hydro ou à des intérêts indépendants de B.C. Hydro.

Le sénateur Zimmer : L'entreprise sera-t-elle rentable?

M. Peters : Oui.

Le sénateur Zimmer : Vous avez parlé des Jeux olympiques et des possibilités économiques immenses qu'ils nous apportent. J'imagine que vos entreprises de construction aimeraient beaucoup participer à la construction des installations, des logements et des routes. Est-ce que je me trompe?

M. Peters : Nous étudions de nombreux projets liés aux Olympiques. L'un d'eux est le prolongement du corridor routier de Pemberton. Des entreprises de la région de Pemberton Valley nous ont demandé de créer ensemble une société et de réaliser des contrats liés aux Jeux pour le compte d'une ou deux entreprises. Nous étudions des projets de construction à Pemberton, Whistler et Squamish, ou partout où l'occasion se présentera.

Le sénateur Zimmer : L'un des secrets du succès est la création de coentreprises. Les groupes ont plus de chances d'obtenir leur part du gâteau. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, je pourrais donner des noms à M. Peters après la réunion. Ces personnes pourront l'aider à monter son entreprise.

Le président : Je n'y vois aucun inconvénient.

Le sénateur Christensen : Combien y a-t-il de membres dans votre Première nation?

M. Peters : Nous sommes environ 217, dont une soixantaine vivent dans les réserves de Tipella et de Port Douglas.

Le sénateur Christensen : Qu'en est-il de la capacité de votre Première nation à profiter de toutes les occasions que vous avez énumérées pour offrir le plein emploi à vos membres? Avez-vous des difficultés en ce qui concerne la formation et le perfectionnement des compétences, ou pouvez-vous d'ores et déjà compter sur du personnel qualifié, qui aura seulement besoin d'un peu de recyclage?

M. Peters : Des membres ont déjà les compétences requises pour certains types certains travaux. Cependant, pour les projets de construction d'envergure, il faut du personnel qualifié, et c'est ce qui manque pour l'instant. Bien entendu, nous avons pris le temps d'étudier les possibilités et de mettre sur pied des coentreprises avec des personnes capables d'offrir la formation à nos membres par l'entremise de programmes d'apprentissage, mais le manque de ressources rend les choses difficiles.

Le sénateur Christensen : Vous avez mentionné que votre Première nation avait acheté une chargeuse frontale, qui n'est pas utilisée à sa pleine capacité. Est-ce parce que vous manquez d'opérateurs ou par manque de travail?

M. Peters : Nous voulions intégrer la chargeuse frontale à notre projet de scierie, vu les possibilités d'exploitation forestière sur notre territoire. Malheureusement, nous n'avons pas pu acheter de bois parce que nous n'avions pas les ressources supplémentaires nécessaires. Si nous avions investi les fonds de démarrage dans ce projet, nous n'aurions pas pu aller plus loin. Si nous avions opéré la chargeuse frontale de façon régulière, nous n'aurions pas eu d'argent pour autre chose.

Le sénateur Christensen : C'est dommage de laisser un appareil aussi imposant au repos. Chaque jour de repos vous fait perdre de l'argent. Ne pouvez-vous pas trouver un opérateur et la louer à des entreprises de la région?

M. Peters : Oui, ce serait bien, mais les sociétés forestières ont tout le matériel dont elles ont besoin, et elles s'apprêtent à partir. C'est pourquoi nous avons décidé de faire l'achat maintenant, afin de nous préparer pour l'avenir.

Le sénateur St. Germain : Avez-vous déjà songé à vous associer aux bandes de Mount Currie et Skookumchuck, ou à d'autres bandes, pour créer une société de développement économique autochtone?

M. Peters : Notre conseil tribal examine les possibilités de construction dans Whistler également. Ce conseil se nomme le Lower St'at'imc. Il regroupe des représentants de la bande de N'Quatqua, autrefois Anderson Lake, et des trois collectivités du sud. La bande de Mount Currie fait partie du conseil tribal de Lillooet. Nous avons déjà discuté avec des membres de Mount Currie. En réalité, nous attendons que les portes s'ouvrent pour aller de l'avant.

Le président : Chef Peters, je vous remercie pour votre présentation. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait connaître votre petite bande et votre Première nation.

Monsieur Olsen, c'est à vous.

John Olsen, président, Cree Industries : Je suis un Indien inscrit, membre de la bande de Peguis. Mon arrière-arrière- arrière-grand-père a signé le Traité no 1 à Winnipeg. Notre réserve occupe un assez vaste territoire au Manitoba, dont nous sommes la plus importante bande indienne. Beaucoup de négociations sont en cours.

J'ai eu la chance, si on peut dire, d'étudier à Londres, en Angleterre, avec ma soeur, qui maintenant enseigne aux États-Unis. Elle enseigne le français, le latin et la littérature anglaise. Ma nièce est pédiatre et mon neveu vient de finir ses études à UBC. En quelque sorte, le fait de ne pas avoir été élevés dans la réserve Peguis nous a procuré des avantages, mais j'y retourne souvent parce que j'y possède une ferme.

Après l'obtention de mon diplôme à Londres, j'ai travaillé pour le ministère de la Défense nationale à Londres, en Angleterre, puis en Allemagne de l'Ouest. J'ai quitté la fonction publique parce que j'étais rongé par l'ambition de devenir vendeur. Je suis devenu le meilleur vendeur de ma société, en Grande-Bretagne. On m'a renvoyé au Canada, où je suis devenu directeur de la formation. J'ai formé des vendeurs partout au Canada et aux États-Unis. Un jour, j'ai réalisé que je faisais gagner beaucoup aux autres et j'ai décidé que j'allais m'enrichir moi-même. J'ai cherché, cherché le bon créneau. Je pensais à une entreprise du genre Gillette, qui fabrique des lames de rasoir jetables. Je voulais un produit qui pouvait être utilisé, jeté et remplacé. J'ai fini par trouver le produit, que je m'apprête à offrir au monde entier dans les prochains jours. Mon emploi me passionne.

Je suis président et propriétaire de l'entreprise. Je possède une autre entreprise, la Ashley Fish Logs, et je travaille pour quelques autres. La grande partie de mes activités tourne autour des bandes et des tribus autochtones d'Amérique. J'ai l'intention d'ouvrir des usines partout sur les territoires autochtones du Canada et des États-Unis. Ces usines tourneront toute l'année et emploieront une nombreuse main-d'oeuvre autochtone pour alimenter mes activités commerciales dans le monde. Vous n'êtes pas sans savoir, distingués membres du comité, à quel point il est difficile pour des Autochtones de démarrer et d'exploiter une entreprise à l'intérieur d'une réserve. J'espère que le comité se penchera sur certaines de ces difficultés et que nous obtiendrons des pistes de solution.

Je veux porter quelques éléments à votre attention aujourd'hui, sur lesquels je me prononcerai en premier lieu. Sans formation et sans capacité de créer des réseaux d'accès à l'information, j'aurais eu beaucoup de difficulté à lancer et à exploiter une entreprise. C'est pourquoi, à mes yeux, il est si difficile de démarrer une entreprise à l'intérieur d'une réserve, où il n'y a aucune possibilité de réseautage. Tout à l'heure, en arrivant dans cet édifice, j'ai vu une dizaine de personnes que j'aperçois régulièrement au téléjournal. On aurait pu se croire au Terminal City Club, une immense organisation de réseautage de Vancouver, où je suis allé à quelques reprises avec des gens de la presse. Lorsque j'y suis entré, je me suis dit que je pourrais vendre mon produit à une quinzaine de compagnies dans la salle d'à côté, sans avoir à frapper à 15 portes, ni à me rendre à Ottawa ou Winnipeg, ou peu importe.

Mon principal problème, et toutes les entreprises ont ce problème, c'est l'argent. Il est difficile de trouver du financement. Parce que je suis un Autochtone, j'ai eu plus de mal à réunir le financement nécessaire à cause du stigmate dont nous sommes marqués et de la Loi sur les Indiens, qui empêche certaines pratiques. Par exemple, quand je demande un prêt, je ne peux pas donner la terre que je possède sur la réserve en garantie parce que les terres indiennes fédérales ne peuvent pas être saisies. Un créancier ne pourrait donc saisir quoi que ce soit se trouvant à l'intérieur d'une réserve en cas de manquement aux engagements. J'ai surmonté ces problèmes à force de dur labeur, de ténacité à toute épreuve et d'acharnement. J'adhère à la philosophie d'Andrew Carnegie, le magnat américain de l'acier, originaire d'Écosse. Le livre Think & Grow Rich, écrit sous sa gouverne, devrait figurer sur la liste des lectures obligatoires de tous les Autochtones, et de tout le monde en fait. Il montre comment dresser un plan et établir l'échéancier pour obtenir les résultats escomptés.

Quels ont été les outils de ma réussite? Ma confiance en moi et en ma réussite, malgré les obstacles qui jonchaient ma route. J'ai utilisé mon intelligence pour y arriver. Qu'est-ce qui m'a nui? La peur de l'échec. Tout vendeur a comme premier objectif de surmonter la peur du « non ». Cependant, le vendeur plus expérimenté voudra au contraire obtenir un « non », pour aiguiser son talent à venir à bout des réticences du client. Écoutez les gens qui sont négatifs. Toute la journée, je suis entouré de gens qui n'ont que des paroles négatives en bouche. Or, je n'y tiens pas. Ce que je veux, c'est d'être entouré de gens positifs. Nous habitons un pays grandiose, où le climat est positif. Il suffit de ne pas écouter tout ce qui se dit.

Il n'est pas aisé de transiger avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Personnellement, j'avais sans doute des compétences et des amis qui m'ont aidé, ce que d'autres n'ont pas nécessairement. Malgré tout, chaque fois que j'ai demandé à Affaires indiennes de l'information, un prêt ou de l'argent du programme de développement pour les Autochtones, on m'a demandé les livres des trois dernières années, des plans d'affaires, et que sais-je encore. Mais c'est impossible! Comment voulez-vous qu'un homme d'affaires puisse répondre à une telle demande? Si mon plan d'affaires a 178 pages, on m'en demande un de 32 pages. Un jour, dans une présentation à Affaires indiennes et du Nord canadien, j'ai glissé que je paierais mes vendeurs 70 000 $ par année. Mon interlocuteur a vociféré que personne au ministère ne gagnait tant d'argent, et qu'il ne voyait pas pourquoi les Autochtones y auraient droit. J'ai rétorqué que je gagnais déjà plus, et que j'avais toujours gagné plus. Comment obtenir un traitement équitable et démontrer qu'une idée est bonne à un bureaucrate prisonnier des théories? Certains fonctionnaires ne sont jamais sortis du gouvernement ou de la théorie. Ils n'ont jamais eu à remplir des engagements salariaux, le travail le plus exigeant du monde.

Quels ont été mes meilleurs atouts? Mes études et la possibilité que j'ai eue de rencontrer des gens, de bâtir des réseaux et de m'adresser à des comités comme le vôtre. Dans toutes les sphères de la société, nous avons besoin de motivateurs, autant à l'intérieur des réserves qu'à l'extérieur, pour dire la vérité et inciter les gens à vivre leur vie. Je dis toujours que le mieux est d'examiner une entreprise qui a réussi et de poser des questions sur les façons de faire. Il y a beaucoup d'information à étudier et dont on peut s'inspirer. Les créateurs n'ont jamais dit que ce serait facile. Dans la vraie vie, on ne peut pas toujours rester là à attendre la charité et l'aide des autres. Les Premières nations doivent se convaincre qu'elles font faire partie de la mosaïque canadienne. Nous devons aller vers les autres, nous donner des stratégies et monter des affaires que nous pourrons mener à la réussite en tirant profit de nos avantages tels que nos droits territoriaux, les lieux où nous nous trouvons, l'aide à l'emploi du gouvernement et les cartes vertes aux États- Unis. Le monde se souvient seulement des gagnants.

Je vends des bûches de chauffage, appelées Heatlogs. Mes bûches sont formées de blocs compacts de sciures de bois extrudées, un procédé inventé par des Japonais il y a 40 ans. Je vous ai remis, chers sénateurs, une photo de ces bûches dans la trousse de présentation. Nous utilisons de la sciure pure, de la biomasse, de la canne à sucre, de l'écorce de riz et d'autres produits. Au Canada, la sciure de bois est pressée à une extrémité de la machine et ressort de l'autre côté sous forme de saucisse compacte. Nous coupons les blocs à la taille voulue et les vendons aux utilisateurs de poêles de chauffage ou de foyers.

Un témoin a évoqué le Protocole de Kyoto, que le Canada a ratifié. Outre les États-Unis, l'Australie, le Luxembourg et le Lichtenstein, tous les pays l'ont ratifié. Nous avons besoin de produits sans fumée et les Heatlogs sont des bûches certifiées sans fumée. Nous en vendons partout dans le monde, sauf en Amérique du Nord et du Sud. En Europe, dans toutes les stations d'essence Esso et Texaco, on vend des bûches de chauffage. La demande pour des bûches qui brûlent de façon efficace dans les foyers et les poêles est si grande que nous n'arrivons pas à la satisfaire. Chaque bûche sera vendue 50 cents l'unité au Canada et aux États-Unis. Tous nos concurrents vendent les leurs 2 $ la bûche. La plus importante entreprise du domaine en Amérique du Nord est Duraflame. Leurs bûches sont composées à 51 p. 100 de cire de bougie, un dérivé du pétrole, et à 49 p. 100 de sciures de bois. Elles produisent de belles couleurs et une forte odeur en brûlant, mais il se vend 100 millions de bûches par année, à 2,67 $ chacune. Si nous arrivons à vendre un même volume de bûches de chauffage à 50 cents chacune, notre ferions 135 millions de dollars par année. En Colombie-Britannique, on trouve 1,2 milliard de mètres cubes de pins morts, dont une bonne partie sur le territoire des réserves indiennes. J'ai proposé au ministre de Forests and Range d'arracher ces arbres, de les écorcer, d'en faire des bûches de chauffage et de les vendre aux Canadiens et à quiconque cherche un combustible bon marché. Cette proposition a été soumise au cabinet Campbell à trois reprises. Les cours du gaz naturel et de l'hydroélectricité sont à la hausse, et les bûches de chauffage sont conformes aux normes de Kyoto parce qu'elles ne produisent pas de carbone. Et ce qui n'est pas plus mal, elles sentent le pin. Je pense que nous ferons une première percée bientôt en Colombie- Britannique.

J'entretiens des relations avec toutes les bandes de la Colombie-Britannique et avec toutes les tribus américaines que je peux joindre. J'ai fait une soumission de prix au département américain de la sécurité intérieure, à qui je livrerais 990 millions de bûches pour venir en aide aux sinistrés. Tom Ridge, l'ancien secrétaire de la sécurité intérieure, a demandé à tous les Américains de se procurer une trousse d'urgence. La Croix-Rouge américaine a fait de même. En situation d'urgence, on peut avoir besoin d'une source de chauffage. Quelqu'un a dressé la liste des articles à mettre dans une trousse d'urgence, mais il a oublié le combustible. La liste comprend des couvertures, des conserves, du chocolat, et cetera, mais pas de combustible. Nous avons proposé d'inclure 16 bûches de chauffage dans les trousses d'urgence. Je m'attends à une réponse positive, qui devrait amener d'heureux résultats.

Ces bûches de chauffage pourraient être fabriquées par des Autochtones et vendues porte à porte par des scouts et des guides, pour amasser des fonds. J'ai entendu parler des Jeux olympiques tout à l'heure. On a choisi ces bûches pour les Jeux de Whistler. Aux Jeux olympiques de Salt Lake City, on brûlait ces bûches dans de gros barils installés au coin des rues toute la nuit. Des représentants de Whistler sont venus me voir parce qu'ils voulaient utiliser les mêmes bûches pour leurs Jeux olympiques.

Les bûches seront emballées dans un produit en cellulose. Lorsqu'il brûle, il se transforme en eau et ne pollue absolument pas. Le gouvernement de la Colombie-Britannique m'a demandé si nous pouvions fabriquer une bûche utilisable dans les rivières. J'ai répondu que je pouvais faire des bûches avec n'importe quoi. On m'a demandé si je pouvais en fabriquer avec des os de poisson, et j'ai répondu que c'était possible. Le gouvernement nous a donc passé une commande de bûches, mais nous n'avons pas réussi à en fabriquer qui se dissolvaient lentement dans les rivières. Les saumons ne remontent plus les rivières pour retourner vers leurs lieux de ponte. Comment les saumons savent-ils qu'ils doivent s'en retourner? Ils remontent en suivant l'odeur laissée dans l'eau. Les saumons frayaient en eau douce, descendaient la rivière jusqu'à l'océan et remontaient de nouveau la rivière jusqu'à la frayère parce qu'ils pouvaient sentir les atomes laissés par leurs ancêtres morts tout le long du chemin. Si aucun saumon ne remonte la rivière, il ne reste aucune odeur et les générations suivantes ne quitteront pas l'océan. En fabriquant des bûches pour ce projet, nous allons y intégrer un ingrédient spécial, mis au point à UBC. La bûche se dissoudra lentement dans la rivière, et les saumons percevront l'odeur de l'ingrédient spécial, qui imite les atomes des saumons morts, lorsqu'ils descendront la rivière. Ils pourront ainsi revenir sur leur chemin en amont de la rivière, jusqu'à la frayère.

Comme nous n'avons pas réussi à fabriquer une bûche se dissolvant en 30 ou 40 jours, les autorités ont pensé à ajouter un engrais. Versé dans un gros réservoir, l'engrais tombait goutte à goutte dans la rivière pour répandre cette odeur spéciale qui incite les saumons à remonter les rivières. Malheureusement, quelqu'un a tiré à la carabine dans le réservoir et l'a percé. Le liquide s'est déversé dans la rivière et a tué tous les poissons. La fois suivante, on a placé les mêmes ingrédients dans un sac de jute enfoui dans la rivière, l'idée étant que l'engrais se dissolve et suinte lentement par les trous de jute afin d'inciter les saumons à remonter la rivière. Les sacs se sont malheureusement désintégrés et la trop forte teneur d'engrais a tué les poissons. Quelqu'un à Prince George a proposé d'utiliser de la gélatine, une substance qui compose 80 p. 100 des aliments que nous consommons. Nous avons donc ajouté de la gélatine à la composition des bûches, qui ont été déposées dans la rivière, où elles ont duré 30 jours. Enfin, nous avions trouvé une bûche pouvant se dissoudre pendant 30 jours dans l'eau. Nous avons largué des tonnes de bûches par hélicoptère, et les saumons ont retrouvé l'instinct de retourner à la frayère. J'ai engagé des titulaires de doctorat, qui m'ont affirmé qu'on pourrait semer des engrais dans les rivières du monde entier par cette méthode. Un autre expert en toxicologie m'a parlé d'un produit qui absorbe le pétrole et le diesel. J'espère que si jamais un autre déversement de pétrole ou de diesel se produit au Canada, nous pourrons lancer des bûches dans l'eau en amont de la nappe, pour absorber le pétrole, le diesel, la potasse et l'hydroxyde de sodium. Si nous avons encore des problèmes, nous jetterons nos bûches d'engrais et celles qui appâtent les saumons dans la rivière.

Toutes les rivières du monde sont sous étude. Nous aurons bientôt des usines en Norvège, en France, en Angleterre, aux États-Unis et au Canada, où des bûches seront déposées dans les rivières. Nous sommes également à mettre au point une bûche contre les moustiques, qui contient de l'huile de chrysanthème. Lorsqu'on les jette dans un lac ou un autre plan d'eau, la bûche se dissout et tue les larves de moustique. Nous travaillons aussi à une bûche contre la grippe aviaire : lorsque les bûches seront déposées dans l'eau, les virus transportés par les oiseaux qui s'y posent seront détruits.

L'une des plus importantes sociétés françaises est très intéressée à nous soutenir, mais je vais insister pour que toutes les usines soient construites sur les territoires des Premières nations. C'est très excitant. On vient tout juste de nous offrir 6,5 millions d'acres d'arbres en Oregon. Nous fabriquerons des bûches qui seront déposées dans 7 grands réseaux fluviaux où les saumons ne retournent pas aux frayères. Je crois que j'ai trouvé le filon mère. Nous pourrions présenter le concept à des bandes autochtones afin de favoriser leur développement économique. Notre plan n'est pas un château en Espagne. Il s'agit d'un projet réalisable et rentable. Les conditions économiques sur les réserves sont telles qu'aucun impôt n'est payé, mais il n'y a pas d'essence pour les voitures, pas d'électricité pour faire tourner les usines, et les Autochtones au chômage reçoivent très peu d'aide du gouvernement.

J'ai fait valoir mon projet à l'ancienne ministre de Développement des ressources humaines, Jane Stewart, il y a déjà quelques années. Nous avions eu une longue discussion. Je suis un homme d'affaires, qui veut vendre son produit et faire de l'argent. Mais je suis également un Autochtone, et je veux aider mon peuple. Je vois du désespoir. Des toxicomanes. Je vois les résidents de Peguis quitter l'école et en venir à penser que le chèque de chômage est leur salaire. Certains ne se sortiront jamais de ce guêpier. Je leur dis la vérité. Je reconnais que j'ai eu l'avantage d'être éduqué à l'extérieur de la réserve. Au moins, si on leur donne des idées, ils pourront s'en servir pour réussir. Isaac Asimov, le réputé auteur de science-fiction, affirme qu'il suffit de mettre l'idée dans le circuit qu'est leur cerveau.

Cette bûche est unique parce qu'il y a un trou au milieu. Toutes les autres bûches dans le marché sont pleines. La Heatlog est comme un pavillon d'aspiration à cause du tunnel central, qui module la pression d'air d'une extrémité à l'autre. Le bois brûle à 400 ºF, à plus ou moins 1 degré près, alors que le centre de la Heatlog brûle à 800 ºF. La combustion est complète, sans polluant, et il reste très peu de cendres. Nous pouvons utiliser les arbres morts de la Colombie-Britannique, de l'Alaska, du Yukon, de Washington, de la Californie, de même que les 1 200 érables qui ont été abattus dernièrement à Toronto. Nous pouvons produire et vendre un combustible bon marché sans fumée. Qui n'aime pas les feux de foyer? À Londres, le Savoy, le Connaught, le Claridges et tous les autres grands hôtels insistent pour utiliser les Heatlogs.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Une fois que tout le bois mort aura été extrait des forêts, pourra-t-on songer au reboisement?

M. Olsen : Oui. En vertu du Programme de crédits pour le carbone, entré en vigueur hier, soit dit en passant, le reboisement des forêts à carbone donne droit à des actions échangeables à la bourse. Nous collaborons avec des sociétés qui abattront les arbres et reboiseront par la suite. Les gros assureurs soutiendront les entreprises qui feront ce travail, où que ce soit. Actuellement, si on survole la Colombie-Britannique, on y voit suffisamment d'arbres morts pour remplir un domaine de cinq fois la taille de l'île de Vancouver. Si on n'en fait pas du bois d'oeuvre d'ici quatre ans, c'est terminé pour ces arbres. Après quatre ans, la Heatlog est leur seule issue. Nous souhaiterions que seuls les arbres de moins de quatre ans servent pour le bois d'oeuvre. Les Japonais n'achèteront pas ces billes parce qu'elles sont parsemées des taches bleues laissées par un champignon transporté par des vers. On l'appelle le « bois denim ». Si les Japonais ne l'achètent pas et qu'on n'arrive pas à vendre les colombages produits, la Colombie-Britannique sera vraiment dans le pétrin. Les arbres morts du Canada recèlent tellement de sciure de bois inutilisée! Oui, il faudra replanter quand on aura enlevé le bois mort.

Le sénateur Christensen : En ce qui a trait à la construction d'usines et d'autres aménagements sur le territoire des Premières nations, s'agira-t-il de franchises?

M. Olsen : Nous avons deux options. Une Première nation peut acheter la machine et la société de commercialisation, même si je veux me réserver la commercialisation des Heatlogs. L'usine lui appartiendra, et nous nous occuperons de la formation et de l'embauche. Je me suis rendu compte que les Premières nations qui construisent des usines de fabrication ne sont pas tellement intéressées par la commercialisation et tout ce qui concerne la vente. Nous vendons partout dans le monde, et je m'apprête à fabriquer les machines, qui sont faites en Angleterre. Nous fabriquerons la machine au Canada ou aux États-Unis, ou dans les deux pays, et nous les vendrons dans le monde entier.

Le sénateur Christensen : Pour une réserve de taille moyenne, combien d'emplois seront créés dans les usines de fabrication de bûches?

M. Olsen : Selon nos calculs, trois emplois seront créés par quart de huit heures. Tout dépendra du tonnage de sciures produit. Une machine moyenne produit un millier de tonnes de sciures de bois par année environ, ce qui représente la plus petite taille d'usine que nous pouvons avoir. Si une usine produit un millier de tonnes de sciure de bois, nous pouvons donner du travail à trois hommes pendant huit heures par jour, tant qu'il y a de la sciure à produire.

Le sénateur Christensen : Des activités comme le transport des arbres et le reboisement créeraient d'autres emplois.

M. Olsen : Tout à fait, mais je ne m'occupe pas des activités forestières. Une fois l'arbre abattu, je fais affaire avec d'autres entreprises pour le déchiquetage, l'écorçage et la réduction en sciure de bois.

Le sénateur Christensen : Vous avez évoqué le Yukon, où la tordeuse des bourgeons de l'épinette fait des ravages. Avez-vous des contacts là-bas?

M. Olsen : Oui. Nous avons rencontré des représentants de plusieurs grandes sociétés du Yukon et de l'Alaska.

Le sénateur Christensen : Avez-vous parlé à des gens de la région de Haynes Junction?

M. Olsen : Si. Partout où on trouve des arbres, il y a de fortes chances qu'on ait entendu parler de moi.

Le sénateur St. Germain : Quelle est l'ampleur des investissements exigés?

M. Olsen : Pour la machine, il faut compter environ 100 000 $ canadiens. L'usine doit également être équipée d'une courroie transporteuse, pour amener la sciure, et d'une autre pour l'enlèvement des bûches. Il n'est pas nécessaire de chauffer le bâtiment puisque la machine dégage 260 ºC en cours de production des bûches. La sciure contient de la cellulose, de la lignine, ainsi que des produits d'extraction. La lignine, un liant naturel de la sciure, retient les composants de la bûche ensemble. Au toucher, on constate que les bûches sont constituées de bois massif dont on a extrait tout l'oxygène. La machine fait fondre la lignine qui produit les saucisses extrudées, noires à l'extérieur. Les produits vendus sont encore noirs, mais dès qu'on procède à l'extrusion et qu'on frotte un peu, tout le noir disparaît, comme du charbon de bois.

Le président : Merci, monsieur Olsen.

Madame Baptiste, c'est à vous.

Brenda Baptiste, présidente, Aboriginal Tourism Association of British Columbia : Bonjour. Je suis membre de la bande indienne d'Osoyoos et présidente de la Aboriginal Tourism Association of British Columbia, ATBC. Je suis venue accompagnée de Mme Dolly Watts, propriétaire de la Liliget Feast House, à Vancouver.

Je vais tout d'abord vous parler de l'ATBC, dont vous trouverez un portrait dans les documents que nous vous avons remis. Je parlerai un peu de notre historique, des orientations suivies par notre association touristique ainsi que de nos objectifs pour les prochaines années. L'ATBC a été fondée en 1996 afin de donner une tribune aux entreprises touristiques autochtones de la province. Nous sommes convaincus que le tourisme autochtone constitue un élément vital de l'industrie du tourisme en Colombie-Britannique. C'est pourquoi nous avons créé des industries dans ce secteur. L'association, à l'origine un regroupement de 16 membres fondateurs, en compte maintenant 160, dont 40 sont prêts à exporter leur produit. C'est plus que dans toute autre province. Nous sommes très fiers de la population autochtone de notre province et du travail accompli en matière de tourisme. Notre effectif comprend en outre des entreprises de tous les secteurs industriels, en plus des entreprises du tourisme.

Au début de 2003, le conseil d'administration de l'ATBC a admis à l'unanimité que le secteur du tourisme culturel autochtone peinait derrière l'industrie touristique dominante en Colombie-Britannique. Pour redresser le tir, nous avons amorcé un processus de planification afin d'ancrer la croissance sur de solides fondements et d'assurer la pérennité. Nous avons constitué une équipe d'intervenants, y compris Tourisme Colombie-Britannique, Small Business and Economic Development, un ministère provincial, Affaires indiennes et du Nord canadien, qui représente le fédéral, ainsi que l'organisme Entreprise autochtone et Diversification de l'économie de l'Ouest Canada. Les intervenants avaient reçu le mandat d'orienter l'élaboration d'une stratégie globale à long terme pour favoriser la croissance du tourisme culturel autochtone en Colombie-Britannique. Nos partenaires ont joué un rôle clé dans l'élaboration de cette stratégie. En février 2005, la Blueprint Strategy for Aboriginal Cultural Tourism Development était prête, grâce au travail d'orientation de l'équipe d'intervenants. Il s'agit d'une stratégie directrice qui énonce les besoins à court, à moyen et à long terme, liés au développement de l'industrie. En se dotant d'une stratégie directrice, l'ATBC souhaite mettre sur pied une industrie du tourisme culturel autochtone qui soit riche et autosuffisante, et qui offre aux collectivités autochtones et à leurs membres des possibilités d'autonomie économique. C'est l'objectif phare de notre stratégie. Les Autochtones doivent contribuer à l'essor économique de la Colombie-Britannique. Nos ressources naturelles aussi bien que la richesse et la diversité de notre culture nous donnent beaucoup à offrir, c'est pour nous indéniable.

La stratégie s'appuie sur de grands constats. Tout d'abord, il existe des contraintes qui émanent des collectivités elles-mêmes, notamment pour ce qui est de l'approbation et des protocoles, et d'autres contraintes qui découlent des processus des programmes gouvernementaux, y compris ceux d'AINC, dont la lenteur peut parfois faire avorter des projets. D'autres contraintes sont liées aux ressources humaines, sur le plan du nombre et des connaissances culturelles. Le renforcement des capacités représente un énorme défi pour les collectivités autochtones. Le chef aîné Clarence Louie, promoteur bien connu du développement économique, explique très nettement que nous sommes une première génération de gens d'affaires et que nous avons besoin d'établir des partenariats et de renforcer nos capacités. Nous sommes des novices du développement économique et la création d'entreprises dans le domaine du tourisme. La commercialisation est une autre contrainte. Nous devons perfectionner nos compétences en la matière, mais il nous faut également créer des débouchés et bâtir un marché solide pour les produits touristiques mettant de l'avant la culture autochtone. Les enjeux concernent l'établissement et le respect de normes de qualité, de fiabilité et d'authenticité pour nos produits. L'authenticité est au coeur des préoccupations de nos collectivités, et encore plus lorsque des produits culturels sont en cause. La culture des Premières nations de la Colombie-Britannique est extraordinairement diversifiée et riche. La mise au point de produits authentiques, de qualité supérieure, sera la pierre d'angle du tourisme autochtone. Malheureusement, les programmes de financement et de soutien n'abondent pas dans ce domaine. Ils sont rarissimes et difficiles d'accès, particulièrement pour ce qui est du renforcement des capacités de nos collectivités. Les entrepreneurs autochtones ont beaucoup de difficulté avec le système quand vient le temps de rédiger des propositions et d'élaborer des projets.

En ce qui a trait au développement segmenté de l'industrie, je rappelle que le tourisme autochtone représente une composante fondamentale, riche et diversifiée. Nous avons absolument besoin d'une stratégie qui favorisera son essor. Le secteur touristique culturel est en pleine effervescence partout dans le monde. Or, cette industrie en est encore à ses balbutiements au Canada et elle souffre de l'absence de réseaux de distribution concrets. C'est un message essentiel. Il faut absolument créer des réseaux de distribution pour le tourisme culturel en Colombie-Britannique. Nous devons profiter du contexte favorable et des événements d'envergure annoncés pour les prochaines années, qui apportent des possibilités extraordinaires. Les principales conclusions de la stratégie sont réparties en trois volets de développement, pour faciliter la gestion et assurer la création d'un secteur du tourisme culturel autochtone prospère et durable. La stratégie vise les trois volets.

Le volet un, l'étape de démarrage et de mise au point des produits, est lié au renforcement des capacités afin de permettre l'essor des entreprises de tourisme culturel autochtone, de nouvelles entreprises et de produits potentiels, y compris les collectivités autochtones elles-mêmes, qui à l'heure actuelle sont sous-exploités. Ce volet propose d'envisager le tourisme culturel comme une activité de développement économique, il incite les collectivités et les entrepreneurs qui s'intéressent au tourisme culturel à mettre au point de nouveaux produits, il fait la promotion du renforcement des capacités à l'intérieur des collectivités et, enfin, il les aide à mieux comprendre le contexte de travail dans le domaine du tourisme, ce qui englobe les canaux de distribution et leur importance. Le volet deux s'adresse aux entreprises déjà en place qui ne sont pas prêtes à exporter et dont les produits ne sont pas encore commercialisables. Ces entreprises autochtones sont déjà lancées, mais elles ne sont pas encore prêtes à se lancer sur le marché. On constate d'importantes lacunes sur le plan de la préparation commerciale, des normes industrielles, de l'hospitalité, des niveaux de services et bien d'autres. Le volet deux propose aux entreprises visées de renforcer leurs capacités dans les domaines critiques, et leur offre du soutien par la voie d'information et d'encouragements pour qu'elles rendent leurs produits prêts à l'exportation. Le volet trois vise les 40 entreprises prêtes à l'exportation, c'est-à-dire celles dont les produits touristiques sont conformes aux normes du marché. Ces entreprises ont malgré tout besoin qu'on parle d'elles dans les campagnes de commercialisation s'adressant aux marchés locaux, régionaux et provinciaux. Ce volet est certes le plus important, mais c'est également celui qui pose le moins de difficultés puisque les réseaux existent déjà. Tout ce qu'il nous reste à faire est de rehausser le profil des produits culturels autochtones à l'intérieur des réseaux existants. Pour l'ensemble du secteur et pour chacun des trois volets, la stratégie recommande une série multidimensionnelle de programmes qui stimuleront la croissance et resserreront la coordination entre les organismes fédéraux et provinciaux.

La stratégie directrice propose une gamme d'initiatives phares. Tout d'abord, on concevra une approche provinciale coordonnée d'éducation en matière de tourisme autochtone et de renforcement des capacités, en collaboration avec le B.C. Centre for Tourism Leadership and Innovation et le collège Capilano. Outre l'élaboration de cette approche intégrée à l'échelle de la province, des programmes de formation et de transfert des connaissances seront diffusés en collaboration avec les collectivités autochtones et les collèges communautaires à l'échelle de la province. Les collectivités autochtones auront plus facilement accès à l'éducation, et l'ensemble des Autochtones aura de meilleures possibilités de faire des apprentissages et des formations dans le domaine commercial, surtout les jeunes Autochtones et les personnes en transition de carrière. La stratégie accorde une place importante aux jeunes. Parmi les jeunes Autochtones de la province, y compris les membres de la bande d'Osoyoos, la moitié a moins de 25 ans. Il s'agit donc d'un important groupe cible. La deuxième initiative sera axée sur la sensibilisation des jeunes Autochtones aux possibilités de carrière dans le domaine touristique. Au cours de la prochaine décennie, l'industrie du tourisme aura besoin de 84 000 nouveaux travailleurs qualifiés. Une pénurie de main-d'oeuvre compétente ralentirait la croissance. La troisième initiative soutiendra la planification du développement de l'industrie touristique des collectivités autochtones. On les aidera à planifier les activités touristiques dans une optique de diversification ou de transition de leur économie, et on les incitera à créer des liens plus étroits avec l'industrie touristique dominante. La quatrième initiative offrira des ateliers de sensibilisation au tourisme dans les collectivités, qui acquerront ainsi une meilleure compréhension des possibilités offertes par l'industrie touristique. On offrira également l'atelier du gouvernement provincial intitulé « Transforming Communities through Tourism : A Workshop for Community Champions », dans une version adaptée pour les Premières nations. Il s'agit d'un outil clé, pour lequel il existe déjà des ressources importantes. Nous n'aurons pas à recommencer à zéro et à réinventer la roue puisqu'il existe déjà des initiatives et des outils que nous pourrons utiliser dans nos collectivités si nous prenons soin au préalable de coordonner notre approche.

La cinquième initiative sera le lancement du nouveau logotype autochtone kla-how-èya, qui signifie « bienvenue » en chinook, le pidgin commercial utilisé dans l'Ouest. Le logotype apparaîtra partout dans notre matériel de marketing. Nous établirons des normes qui garantiront la création de produits de qualité, dont l'authenticité et la qualité supérieure seront facilement reconnaissables partout en Colombie-Britannique. La sixième initiative mettra en valeur la conception de produits et de forfaits. Nous voulons collaborer avec des exploitants d'entreprises touristiques autochtones et l'industrie touristique pour ouvrir de nouveaux marchés et étendre l'offre de produits dans les marchés existants. Encore là, ce volet est très important puisque beaucoup de nos collectivités et de nos entreprises sont des néophytes en la matière. Elles ont tout à apprendre pour ce qui est de la conception de forfaits et des possibilités à saisir. Les collectivités sont autant urbaines que rurales, et les forfaits permettront aux petites collectivités rurales de tirer le plein profit de toutes les possibilités. La septième initiative prendra la forme d'une campagne intégrée de publicité directe, qui sera déployée sur plusieurs années dans les principaux marchés locaux, nationaux et internationaux. La campagne fera connaître toutes les activités touristiques axées sur la culture autochtone qui sont offertes en Colombie-Britannique et stimulera les dépenses des visiteurs en les invitant à embrasser la diversité des cultures autochtones dans la province. La Colombie-Britannique compte 196 bandes, dont beaucoup ont une culture unique à faire découvrir et à célébrer. La huitième initiative misera sur la multitude de possibilités créées par les Jeux de 2010 pour établir une industrie prospère à long terme. Divers projets seront mis en route pour développer le tourisme autochtone avant et après les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010. Mais ce n'est pas tout. Les sept prochaines années seront très fertiles en événements de toutes sortes en Colombie-Britannique, et nous serons à l'affût de toutes les possibilités qui s'offrent à nos collectivités et à nos entreprises.

La mise en oeuvre de la stratégie directrice sera la prochaine étape. L'ATBC rencontre actuellement les principaux intervenants, dont les leaders autochtones, Tourisme Colombie-Britannique, les gouvernements provincial et fédéral, afin de planifier et d'établir les besoins de financement. La mise en oeuvre de la stratégie se fera de façon progressive, en visant le court aussi bien que le long terme.

J'ai eu le privilège au cours des années passées au sein de l'ATBC de découvrir une gamme extraordinaire de produits exceptionnels partout dans la province et de travailler avec ces produits. J'ai rencontré des entrepreneurs passionnés par leur travail, qu'ils soient directeurs de terrain de golf ou propriétaires d'une salle de célébrations, ou que sais-je encore. Ce sont des personnes d'exception, qui insufflent la fierté de leur patrimoine à leurs produits.

J'inviterai maintenant Mme Liliget à vous parler de ses activités.

Dolly Watts, propriétaire, Liliget Feast House : Je suis chef et, là d'où je viens, les femmes et les hommes sont égaux, ce qui nous distingue considérablement des autres. Voilà cinq ans environ, je suis devenue chef Lion, un titre assorti d'une longue liste de responsabilités.

Je vais vous tracer un bref historique de ma vie. Je suis née à Kitwanga, en Colombie-Britannique, où j'ai fréquenté un petit externat. Un jour, le gouvernement nous a tous envoyés au pensionnat. J'y suis restée dix ans. Je suis partie à la fin du secondaire, je me suis mariée et j'ai élevé mes enfants. Quand j'ai eu 49 ans, je suis allée à UBC. J'ai obtenu un diplôme en anthropologie. Juste comme je terminais, je suis restée pour donner un coup de main à un projet de recherche. Des étudiants voulaient amasser 1 500 $ pour organiser une sortie scolaire à l'intérieur du programme de la jeunesse autochtone. J'ai proposé de vendre du pain bannock. Le lundi, j'ai acheté de la pâte et j'ai commencé à faire le bannock. Les files de clients étaient impressionnantes. Nous avons dû nous procurer une autre poêle à frire. Nous servions du café et du thé avec le bannock. En moins de 5 jours, nous avions amassé 1 300 $. Tout le monde sur le campus avait entendu parler du bannock. Avant longtemps, les gens m'ont demandé d'offrir du saumon et du bannock, ou de la soupe et du bannock, ou d'autres plats. Je me suis bientôt mise à cuisiner de petits plats dans mon appartement, pour mes amis surtout. Cependant, le carnet de commandes était de plus en plus plein et j'ai dû louer une partie des cuisines à UBC. J'ai été très chanceuse puisque je pouvais louer les cuisines pour 10 $ l'heure. Nul besoin de vous dire que je cuisinais rapidement pour économiser.

La First Nations House of Learning ouvrait à UBC et on m'a demandé de soumissionner pour les repas. Je me suis exécutée, ne sachant pas trop comment monter une soumission. J'ai proposé de fournir un repas complet pour 10 $ par personne, et 3 700 pains bannock en plus. J'ai obtenu le contrat, et 2 000 personnes ont assisté à l'ouverture. Quand nous avons compté l'argent, j'ai réalisé que j'avais fait 11 000 $ de profit. J'ai déposé la totalité à la banque, après avoir bien payé ceux qui m'avaient aidée.

En 1992, le directeur m'a demandé d'installer un comptoir de vente de bannock à l'extérieur, parce que les gens adoraient cela. J'ai embauché 2 femmes qui faisaient frire le bannock; je leur versais 10 $ l'heure. Je me levais tôt, je préparais la pâte et je faisais la disposition du comptoir pour elles. Elles vendaient le bannock avec du café et du thé. Le comptoir était assez bien situé, et j'ai décidé d'installer un chariot de service équipé d'une friteuse et d'un barbecue, pour faire du saumon. Les 2 premiers mois, avec le comptoir seulement, j'ai vendu pour 25 000 $. Quand j'ai ajouté le chariot de service, les ventes ont grimpé à 67 000 $ pour 2 mois. Je faisais beaucoup de profit parce que je payais seulement 500 $ par mois pour louer un espace à côté du musée. J'ai beaucoup aimé cette expérience. Puis j'en ai eu assez de louer cet espace à UBC. Je devais courir entre deux cuisines et transporter mes casseroles et mes ustensiles. À la fin de chaque journée, il fallait tout laver et ranger. Un local de restaurant s'est libéré et j'avais besoin d'argent pour l'ouverture. Heureusement, j'avais accumulé 25 000 $ à la banque, grâce au profit de mes ventes à UBC. Nous avons examiné chaque recoin du local, construit en 1967. En 1995, l'endroit était en assez piètre état et exigeait des rénovations. Nous avons estimé qu'il en coûterait de 50 000 à 60 000 $ pour les rénovations. Quand les travaux ont été terminés, ce sont plutôt 130 000 $ que j'avais dépensés. Quoi qu'il en soit, nous avons cherché des moyens de rassembler les 60 000 $ nécessaires pour les rénovations. Il fallait compter des mois avant de toucher des subventions. Apparemment, une fois qu'on a soumis une demande de subvention, les responsables s'endorment et nous oublient. Peut-être s'en vont-ils quelque part pour hiberner. J'ai emprunté 30 000 $ à la banque, et mon fils a cosigné. J'ai refait un emprunt de 30 000 $, pour lequel mon mari a cosigné. Nous étions encore en très bons termes. Et, bien entendu, j'avais encore mes 25 000 $ à la banque.

J'ai dû rénover le local en entier et renouveler le matériel, soit un lave-vaisselle, une cuisinière, une friteuse, un congélateur. Il fallait tout acheter. Bientôt, j'ai manqué d'argent, mais j'ai réussi à trouver un établissement de crédit qui m'a avancé 25 000 $. En moins de cinq ans, j'avais remboursé tout l'argent emprunté, grâce à Dieu. J'ai une liste des emprunts. J'ai dû emprunter 25 000 $ une autre fois parce que j'étais prise à la gorge. Je ne trouvais de l'aide nulle part. Tout ce que je pouvais faire, c'est de travailler encore plus fort. À maintes reprises, j'ai travaillé sans salaire pour ne pas vider mon compte de banque. J'ai appris à ne pas gaspiller l'argent.

C'est encore difficile maintenant à cause du SRAS et du 11 septembre. Chaque année, nous avons perdu 150 000 $, pour un total de 300 000 $. J'ai peur de voir notre rendement des deux ou trois dernières années, mais je sais que nous reprenons lentement le dessus. Au lendemain du 11 septembre, des restaurants situés sur la même rue que le mien ont fermé. Quand je dis « nous », j'entends ma fille et ma famille, qui m'ont vraiment soutenue. Nous avons décidé de nous accrocher.

Mon restaurant peut recevoir 48 clients. C'est très petit. Depuis l'ouverture, j'ai versé environ 1,5 million de dollars en salaires. J'ai payé à peu près l'équivalent à mes fournisseurs, y compris d'autres frais généraux et des charges. Actuellement, j'ai de la difficulté à joindre les deux bouts. Je veux prendre ma retraite, et j'ai donc mis le restaurant en vente. J'ai deux acheteurs potentiels très intéressants. S'ils achètent, je vais pouvoir rembourser toutes mes factures.

Je conseille à tous ceux qui veulent démarrer une affaire de commencer modestement. Ne vous précipitez pas dans une entreprise tête baissée si vous n'avez pas beaucoup d'argent. Commencez petit, laissez l'entreprise prendre de l'expansion et prévoyez comment vous allez rembourser vos emprunts. Si vous réussissez à obtenir de l'argent du gouvernement, tant mieux, mais préparez-vous à attendre. Le propriétaire d'un petit café a attendu une année et demie pour toucher 18 000 $, au lieu des 25 000 $ demandés. C'est la réalité. Si vous réussissez à atteindre ceux qui ont de l'argent, ne les ménagez pas.

Le sénateur Zimmer : La fin de semaine dernière, j'étais à Winnipeg. Avant de reprendre mon vol de retour, j'ai rencontré une jeune Métisse, nommée Elise Price, qui travaille au sein de la chambre de commerce autochtone de Winnipeg. Je lui ai parlé de notre comité, et je lui ai dit que j'allais assister aux présentes audiences. Je l'ai interrogée sur ce qui retenait l'attention de la chambre de commerce autochtone ces temps-ci. Elle m'a signalé deux sujets : les réserves urbaines et le tourisme autochtone. Elle m'a appris l'existence de Tourisme autochtone Canada et de son manque d'argent. Voici ma question : discutez-vous de vos réflexions, de vos idées et de vos programmes avec d'autres provinces et avec Tourisme autochtone Canada? Si j'ai bien compris, cet organisme agit un peu comme un portail d'accès aux exploitants d'entreprises touristiques autochtones. Avez-vous eu l'occasion d'échanger des idées, ou de partager sur des programmes et des principes utiles à votre cause?

Mme Baptiste : C'est une excellente question. L'ATBC est membre de Tourisme autochtone Canada, et je siège moi- même au conseil d'administration. Les membres sont des organismes régionaux de tourisme autochtone. Lors de nos réunions, nous échangeons des idées. Tourisme autochtone Canada est au fait de la stratégie directrice de l'ATBC et de nos activités en Colombie-Britannique, et nous avons son plein appui. En élaborant la stratégie directrice, nous avons analysé nos actions et les possibilités qui s'offrent de créer une synergie entre les provinces. Officiellement, l'objectif est de partager des idées. Cependant, nous nous intéressons également aux enjeux plus larges du tourisme autochtone à l'échelle nationale. Les Jeux olympiques de 2010 offrent des perspectives non seulement en Colombie-Britannique, mais à l'ensemble des Autochtones partout au pays.

Le sénateur Christensen : En ce qui a trait à la stratégie directrice de l'ATBC, avez-vous réalisé des études de commercialisation et avez-vous organisé des groupes de discussion pour les Premières nations et, le cas échéant, quelles ont été les réactions?

Mme Baptiste : Les travaux de recherche préalables à l'élaboration de la stratégie directrice de l'ATBC sont assez uniques. Nous avons opté pour une méthode de recherche triangulaire, qui nous a permis de collaborer avec l'industrie, les organismes touristiques et les collectivités. La stratégie émane des collectivités, de sorte que toutes les parties intéressées ont participé à son élaboration. Cette année, nous avons voulu mettre la stratégie à l'épreuve afin de déterminer les avantages réels pour les collectivités et les entreprises autochtones. Nous avons conçu un projet de commercialisation en partenariat avec Tourisme Colombie-Britannique. Ce n'était pas tout à fait un groupe de discussion, mais plutôt une stratégie de commercialisation sur le terrain, avec le concours d'un guide autochtone. L'accueil a été fantastique. Nous avons créé un site Web autochtone, distinct du site Web officiel de l'ATBC. Ce portail des entreprises autochtones a également été fort bien reçu. Les commentaires des intervenants sont également positifs. À leurs dires, le portail leur a vraiment donné un coup de pouce cette année, même s'il a été terminé au printemps seulement. Notre travail semble porter fruit.

Le sénateur Christensen : Madame Watts, vous avez déployé beaucoup d'efforts pour créer votre entreprise dans le domaine touristique. Si le programme d'ATBC avait déjà été mis en place à l'époque, est-ce qu'il aurait facilité les choses pour vous, au moment du démarrage?

Mme Watts : Oui, il aurait été utile. Je faisais ma publicité dans les journaux locaux. Puis, ATBC est arrivé et a commencé à faire de la publicité pour nous. Pour une raison que j'ignore, les gens des environs sont davantage intéressés à venir à Liliget maintenant, alors qu'auparavant, je dirais qu'environ 75 p. 100 de nos clients venaient d'ailleurs — de partout dans le monde en fait.

Le sénateur St. Germain : Madame Baptiste, l'authenticité est la clé du succès. Certains d'entre nous ont la chance de pouvoir acheter des oeuvre d'art indien. Mais le plus difficile est d'en déterminer l'authenticité. Comment procédez- vous pour garantir cela? Je ne voudrais pas vous mettre dans l'embarras, mais lorsque l'on achète des tableaux, on peut en vérifier l'authenticité. En revanche, lorsque l'on fait l'acquisition d'objets d'art indien, il est plus difficile de la vérifier, à moins d'acheter directement de l'artisan autochtone. Je trouve cela déroutant.

Mme Baptiste : J'aimerais avoir une réponse toute prête, sénateur. L'authenticité est l'un des principaux enjeux en ce qui concerne les produits culturels autochtones qui comprennent non seulement l'artisanat de création, mais aussi des produits intangibles comme les expériences. Les expériences au sein de notre industrie touristique autochtone sont tout aussi importantes. Par exemple, lorsque Dolly nous a raconté l'histoire de son entreprise et toutes les expériences qu'elle et sa fille ont vécues. C'est ce genre d'histoire qui crée la richesse des produits. Donc il y a non seulement le produit, mais aussi l'histoire de la création du produit.

Nous reconnaissons l'existence de certains problèmes à l'échelle nationale et provinciale en ce qui a trait à l'authenticité. Toutefois, il faut garder à l'esprit la diversité des collectivités des Premières nations. Le meilleur endroit pour établir des normes visant à garantir l'authenticité est au sein des collectivités. Il n'y a que les collectivités elles- mêmes pour décider de ce qui est authentique et de ce qui ne l'est pas pour leur Première nation.

ATBC propose que nous donnions aux collectivités la possibilité de voir leurs produits reconnus comme authentiques, de haute qualité et représentatifs de leur culture et de leurs valeurs et qu'on leur appose un mot servant de marque comme kla-how-èya, afin d'offrir la garantie de l'authenticité aux clients. Ainsi, les clients qui achèteraient des produits portant ce mot servant de marque seraient assurés que les produits en question ont subi un examen approfondi dans les collectivités et que leur authenticité est garantie.

C'est également une question sur laquelle se penche Tourisme autochtone Canada. En Colombie-Britannique, c'est très clair pour nous que ce genre d'authenticité, de norme et de mot servant de marque doivent voir le jour au sein de la collectivité et de la région, et qu'ensuite il faudra les porter à l'échelle nationale. Toutefois, le processus doit voir le jour dans nos collectivités. Est-ce que ça répond à votre question?

Le sénateur St. Germain : Oui, merci. Je suis allé visiter la nation Crow, au Montana. J'ai demandé à l'un des chefs si un objet en particulier était authentique. Il m'a regardé et m'a déclaré, « Je ne pourrais pas vous dire avec certitude si c'est un type brun dans mon genre ou un type blanc comme vous qui l'a fait ». Il m'a avoué en toute honnêteté qu'il n'en savait rien. Comment a-t-on pu en arriver là, et comment est-ce que l'on gère ou que l'on administre tout ça?

Mme Baptiste : L'une des clés de la Blueprint Strategy durant l'étape de la mise en oeuvre consiste à donner forme à ce processus et à l'introduire dans nos collectivités afin que nous puissions nous entendre mutuellement. Nous devons leur demander ce qui est authentique, comment ils souhaitent le communiquer sur le marché et comment nous pouvons les aider à le faire.

Le président : J'ai vécu une expérience qui mettait à contribution le bannock. Nous avons démarré un couette et café doublé d'un centre de conférences que nous avons appelé Bannokland, alors je sais qu'il y a une certaine forme de magie dans le bannock. Madame Watts, vous avez étudié l'anthropologie à l'université, et pourtant vous vous êtes retrouvée dans la restauration. Votre histoire est extrêmement intéressante, et je vous remercie de l'avoir partagée avec nous.

Monsieur Sterritt, je vous en prie.

Art Sterritt, directeur exécutif, Premières nations de la zone côtière : Je remercie le comité d'avoir invité les Premières nations de la zone côtière à participer à cette réunion sur le développement économique.

Trop souvent, les Premières nations et le gouvernement ne prennent pas le temps de se parler directement. Au contraire, nous avons tendance à nous attaquer à nos problèmes en empruntant des chemins différents. Aujourd'hui, les Premières nations de la zone côtière ont décidé de faire les premiers pas en vue de combler cet écart. Nous agissons souvent comme si les relations entre le gouvernement et les Premières nations n'étaient guère plus que des conflits de compétence sur des questions auxquelles on espère trouver une solution comme par magie. Nous avons tendance à passer sous silence les nombreuses similitudes qui existent entre les Premières nations et le gouvernement, des similitudes offrant des possibilités de coopération.

Les Premières nations et le gouvernement, malgré des budgets limités, qu'ils doivent utiliser avec efficacité, doivent néanmoins affronter le défi qui consiste à offrir un éventail complet de services et de programmes à leurs citoyens. Nous tentons de faire la promotion du développement économique tout en protégeant l'environnement et la qualité de vie. Nous reconnaissons la nécessité de créer davantage d'occasions de développement économique et d'emplois pour les Premières nations. En tant que gouvernements responsables, nous devons nous asseoir et travailler à trouver des solutions mutuellement acceptables tout en sachant que ces problèmes peuvent être résolus, et qu'ils le seront.

Les Premières nations de la zone côtière sont une alliance des Premières nations de la côte nord, de la côte centrale, et de Haïda Gwaii de la Colombie-Britannique. Les Premières nations de la zone côtière comprennent notamment la nation Wuikinuxv, Heiltsuk, Kitasoo/Xaixais, Gitga'at, Haisla, Metlakatla, Old Massett, Skidegate ainsi que le conseil de la nation Haïda. Nous comptons autour de 15 000 membres et représentons probablement la majorité de la population dans notre zone géographique.

Sur le plan géographique justement, les Premières nations de la zone côtière occupent la côte nord et la côte centrale de même que le territoire Haïda Gwaii de la Colombie-Britannique, de la frontière de l'Alaska jusqu'à l'extrémité nord de l'île de Vancouver. Nous nous sommes donné comme défi de développer une économie axée sur la conservation sur la côte nord, la côte centrale et dans le territoire Haïda Gwaii de la Colombie-Britannique. Pour y arriver, il faut reconnaître l'existence d'un lien inextricable entre la durabilité économique et la durabilité écologique. Nous ne croyons pas possible de réussir l'une sans l'autre. Une nouvelle approche stratégique du développement doit inclure notamment : la gestion durable et écosystémique des ressources maritimes et terrestres; la décentralisation de la gestion des opérations forestières et des pêches; le développement coordonné par l'entremise d'une planification stratégique régionale et des forêts, des pêches et du tourisme, en mettant l'accent sur les initiatives à valeur ajoutée; et des partenariats et des accords de coopération avec les gouvernements, l'industrie, les ONG dans le domaine de l'environnement ainsi que d'autres groupes d'intervenants.

Durant des milliers d'années, les Premières nations ont administré avec soin l'abondance de ressources naturelles présentes dans l'océan et sur la terre en faisant confiance au savoir traditionnel. Beaucoup pensaient que cette abondance durerait toujours. Cependant, nous avons découvert qu'ils avaient tort. Des ressources continuent d'être prélevées sur nos territoires traditionnels, et pourtant nos collectivités souffrent toujours d'économies vacillantes et d'un taux élevé de chômage. Les Premières nations de la zone côtière ont été les témoins de l'exploitation de leurs ressources naturelles en vue d'en tirer le maximum de bénéfices depuis le dernier siècle. Ces ressources ont été décimées. Cette situation a entraîné d'énormes dommages sur le plan économique, social et culturel pour nos collectivités. En effet, la plupart d'entre elles affichent des taux élevés de chômage, le chiffre de 80 p. 100 et même plus de chômage étant souvent la norme. Les conditions sont telles que les efforts fragmentés visant à reconstruire l'économie côtière se sont révélés inefficaces pour la plupart des collectivités côtières.

Nos collectivités affrontent de nombreux défis dont beaucoup sont semblables à ceux que doivent affronter les autres collectivités des Premières nations dans toute la province et le pays. Ces défis ont été bien documentés dans de nombreux rapports, y compris le Harvard Project on American Indian Economic Development. L'une des études du Harvard Project intitulée, Seizing The Future : Why Some Nations Do and Others Don't, révèle en substance ce qui suit :

[...] il semble que le développement durable ne dépend pas tellement de facteurs économiques comme l'éducation ou les ressources naturelles ou même la situation géographique, mais plutôt d'un ensemble de facteurs nettement politiques.

Ces facteurs comprennent notamment l'existence d'institutions de gouvernance capables et stables, de pouvoirs de décision, d'une planification stratégique et du développement d'institutions adaptées culturellement. Parmi les autres facteurs essentiels que doivent affronter nos collectivités, notons le manque de capacités, la difficulté d'obtenir les engagements financiers à long terme requis pour la création d'entreprises et la mise en valeur du potentiel, la difficulté de recueillir des capitaux propres en vue de participer aux possibilités économiques et d'avoir accès au capital. Les solutions avancées par les pouvoirs publics doivent reconnaître que nous voulons être des acteurs à part entière dans les décisions concernant notre avenir. Les gouvernements, l'industrie et les ONG, de même que les autres intérêts doivent résister à la tentation d'imposer des solutions paternalistes.

En dépit de nombreux obstacles, certaines de nos nations ont fait de grandes avancées pour projeter leurs collectivités vers des économies prospères et diversifiées, mais pour d'autres nations n'ayant qu'un accès limité aux ressources économiques, le défi est de trop grande envergure pour être entrepris sans aide. Les Premières nations, le gouvernement, l'industrie et les autres intervenants ont tous un rôle à jouer dans le développement de nos économies et nous, les Premières nations de la zone côtière, avons décidé qu'en priorité il fallait collaborer avec toutes les parties en cause afin de nous doter d'une économie côtière prospère.

Durant de nombreuses années, les collectivités ont travaillé en vase clos. Ce n'est qu'il y a cinq ans que les chefs des collectivités des Premières nations situées sur la zone côtière ont décidé de se réunir pour la première fois afin de discuter des problèmes qu'ils avaient en commun comme un chômage élevé, le manque de possibilités économiques dans les secteurs des ressources et le manque d'accès aux ressources situées dans nos territoires traditionnels. Ces doléances sont communes à toutes nos collectivités. Dès le départ, nous avons compris que notre force découlerait de notre capacité à former un front uni sur toute la zone côtière. Tous ensemble, nous pouvions réaliser des progrès concernant des enjeux d'ordre socioéconomique, des progrès qui avaient moins de chances de se réaliser si nous décidions d'agir en tant que collectivités isolées.

Nous avons mis sur pied un bureau appelé Turning Point Initiative, ou TPI, qui agit sous la direction d'un conseil d'administration qui approuve un plan annuel de travail pour le bureau et donne son approbation définitive à toutes les politiques et procédures. Notre conseil se réunit chaque trimestre afin d'examiner les progrès réalisés et de fournir une orientation concernant les activités futures. Par ailleurs, notre comité exécutif se réunit à l'occasion, suivant les besoins. Notre bureau offre des services de planification régionale stratégique et de négociation, de même qu'un soutien administratif en vue d'aider les Premières nations dans les domaines de l'environnement et de l'économie. La direction générale du bureau de TPI est assurée par le plan stratégique fourni par le conseil d'administration.

La Turning Point Initiative a été créée avec la conviction que, pour réussir, une économie axée sur la conservation a absolument besoin de notre participation active et significative. Nous sommes persuadés que les personnes qui savent le mieux comment utiliser et protéger la biodiversité sont les Premières nations qui vivent sur ces terres et dans ces eaux. L'expérience nous a enseigné que les cultures vigoureuses et prospères des Premières nations de la zone côtière, de concert avec la reconnaissance de nos titres autochtones et de nos droits, est la clé de la réussite d'une économie axée sur la conservation dans nos territoires. Depuis quatre ans, les Premières nations de la zone côtière jouent un rôle de premier plan en s'efforçant de réunir un vaste éventail d'intérêts sur la côte en vue de s'attaquer aux politiques et aux pratiques non durables qui ont endommagé l'environnement et ravagé les économies côtières. Nous sommes persuadés que des collectivités des Premières nations habilitées peuvent développer des partenariats gagnant-gagnant avec les économies environnantes, avoir un effet multiplicateur sur les ressources et créer de solides réseaux destinés à stimuler le développement économique.

Les Premières nations de la zone côtière fournissent une tribune neutre où il est possible de discuter des enjeux économiques régionaux de manière stratégique. En travaillant ensemble, nos nations se créent de nouvelles possibilités économiques accrues pour tous les citoyens de la région tout en réussissant à préserver notre culture, nos terres et notre eau. En abordant nos objectifs à l'échelle régionale, nous réussissons à établir un équilibre entre la diversité culturelle, la prospérité et la protection de l'environnement. Nous croyons que pour construire un solide processus de planification régionale, il est nécessaire de s'appuyer sur des coalitions d'intérêts publics et privés. Le temps est venu de créer des partenariats qui misent sur les talents et la détermination de tous les citoyens, de tous les dirigeants et de toutes les collectivités de la zone côtière. En favorisant une utilisation efficace des terres, de l'infrastructure et des autres ressources, nos collectivités fournissent également des avantages essentiels pour l'économie et l'environnement de la région et de la province. Nous avons amorcé un certain nombre de projets sur la côte qui sont réalisés à l'échelle de la province. L'un de ces projets est l'initiative d'aquaculture des mollusques et des crustacés qui regroupe 26 projets pilotes qui s'étendent de l'extrémité supérieure de l'île de Vancouver jusqu'au territoire Haïda Gwaii.

Les Premières nations de la zone côtière reconnaissent que nos ambitions en matière de développement économique doivent s'étendre au-delà des actuelles activités de pêches. Notre initiative en matière d'aquaculture des mollusques et des crustacés offre la diversification par l'entremise d'une nouvelle avenue de développement économique à long terme axée sur la conservation grâce à la participation active dans une industrie des mollusques durable sur le plan écologique. La participation active dans l'industrie des mollusques contribuera à obtenir une utilisation durable de la ressource dans nos territoires traditionnels. Dans l'une de ses conclusions, le Rapport de 2003 du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes indiquait que les organisations du gouvernement fédéral doivent repenser la manière dont elles appuient les Premières nations dans leurs efforts pour surmonter les obstacles et pour prendre la barre de leur développement économique. Les organisations du gouvernement fédéral en particulier doivent consolider l'administration des programmes pour les entreprises et les rendre plus adaptables, aider les Premières nations à déterminer et à conclure des accords institutionnels de façon opportune, et utiliser une approche plus horizontale concernant la planification du développement économique.

Nous approuvons les recommandations du vérificateur général. Toutefois, à en juger par les expériences récentes, cette recommandation tarde à être mise en oeuvre par le gouvernement fédéral. Notre projet pilote pour les mollusques présente une image assez claire du labyrinthe bureaucratique dans lequel nous devons évoluer dans nos efforts pour construire une économie côtière durable. Même si nous avons fait des progrès dans le cadre de cette initiative, il nous a fallu surmonter des obstacles de taille. Nous apprécions et reconnaissons l'appui que nous avons reçu du gouvernement fédéral, cependant, les critères du programme se sont révélés difficiles à adapter à notre projet régional pour les mollusques. Nous avons dû chercher à obtenir du financement auprès de trois ministères, chacun d'entre eux exigeant le respect d'un processus de demande, d'un processus de diligence raisonnable et de production de rapports d'étape distinct. Chacun des ministères ne s'occupe que de quelques aspects de notre proposition. Cette situation nous enseigne que les ministères fédéraux doivent agir de manière beaucoup plus coordonnée. Par ailleurs, il nous arrive souvent de nous buter à la lenteur des processus d'approbation gouvernementaux. Ces retards peuvent entraîner la perte de possibilités économiques ou encore accroître les coûts pour les entreprises commerciales.

Depuis des décennies, les Premières nations déclarent au gouvernement que l'accès aux ressources situées sur nos territoires traditionnels est soit restreint ou interdit par des règlements ou des politiques. Sans accès aux ressources naturelles, il sera difficile de faire partie de l'économie de la Colombie-Britannique. Un rapport rédigé par les Premières nations de la zone côtière intitulé, Our Future Harvest — A New Approach to Coastal First Nations' Commercial Fisheries, décrit une toute nouvelle approche de l'affectation des ressources susceptible d'être mise en oeuvre en vertu d'un accord commun entre les administrations fédérale et provinciales et les Premières nations de la zone côtière. Notre rapport recommande une manière d'offrir des avantages économiques et des emplois aux Premières nations en leur donnant accès aux ressources halieutiques locales. Cette approche donnerait aux Premières nations de la zone côtière une part définie des pêches commerciales situées sur nos territoires traditionnels. Ce transfert s'effectuerait graduellement au cours des cinq prochaines années à titre de mesure intérimaire et servirait d'élément de base pour soutenir la négociation d'un traité provisoire ou définitif. Notre approche est conçue de telle sorte que chaque Première nation obtiendrait une part définie du total autorisé des captures pour toutes les pêches effectuées sur ses territoires traditionnels, détiendrait les permis sur une base communale et permanente, pourrait pêcher en vertu de ces permis commerciaux suivant l'actuel régime de délivrance des permis, et pourrait établir une fiducie pour les Premières nations de la zone côtière à titre de véhicule en vue de faire l'acquisition de sa part des permis et pour offrir un soutien aux Premières nations participantes. Les Premières nations de la zone côtière vivent dans une région où des pêches et des ressources de grande valeur abondent, mais si on ne nous donne qu'un accès commercial limité, nous échouerons dans nos efforts pour améliorer notre existence.

Dans le domaine du tourisme, nous avons travaillé ensemble récemment en vue d'entreprendre une étude de faisabilité visant à déterminer la possibilité de collaborer avec une société touristique établie en vue d'ouvrir trois gîtes haut de gamme disséminés le long de la côte. Les Premières nations se sont réunies en vue d'entreprendre cette étude. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il existait de réelles possibilités de construire trois gîtes haut de gamme sur nos territoires. Nous prévoyons poursuivre notre partenariat avec la société de développement touristique en vue de donner suite à cette initiative. En travaillant ensemble, en misant sur la planification stratégique et en créant des partenariats, nous nous donnons la possibilité de devenir concurrentiels dans l'économie mondiale.

Nous avons constaté que nous devons renforcer les capacités de nous occuper de toutes ces choses, comme vous l'ont confié les autres témoins que vous avez entendus aujourd'hui. Un facteur essentiel pour le renforcement à long terme des capacités économiques dans nos collectivités consiste à s'assurer de disposer d'une main-d'oeuvre en bonne santé, bien formée et bien soutenue. Le développement sera difficile si nos gens sont préoccupés par des crises financières, des problèmes de santé ou de mauvaises conditions de vie. En effet, de bonnes conditions de vie dans nos collectivités sont essentielles à notre succès économique. Le renforcement des capacités et l'élimination de l'inefficacité joueront un rôle important dans le développement de nos économies. Nous devons renforcer nos capacités de gouverner par la mise en oeuvre de bonnes pratiques de gouvernance et par la mise en place d'une infrastructure institutionnelle. Même si c'est un objectif difficile à réaliser, nous pensons qu'il éperonnera la croissance d'institutions capables pour les Premières nations. Le Learning Strategies Group ainsi que la Turning Point Initiative de l'Université Simon Fraser ont amorcé un processus de planification visant à établir les besoins en matière de renforcement des capacités pour les Premières nations de la zone côtière. Pour mettre en oeuvre nos stratégies de développement économique, il est essentiel de commencer par l'évaluation de ces capacités et des possibilités de développement au sein de chaque collectivité participante. Notre processus de planification débouchera sur un plan complet des besoins en matière d'apprentissage et de renforcement des capacités, de même que sur une stratégie de mise en oeuvre. Le Learning Strategies Group se spécialise dans l'enseignement de la gestion axée sur le client. Ce groupe a mis au point une méthode particulière d'établissement de partenariats d'apprentissage avec les Premières nations afin de les aider à atteindre leurs objectifs. Cette approche aide les Premières nations à se fixer des objectifs d'enseignement clairs et réalisables qui s'inscrivent à l'intérieur d'une stratégie économique à long terme.

Dans notre travail, nous nous efforçons de renforcer et d'améliorer les conditions au sein des collectivités en engageant les membres des collectivités et des intervenants de l'extérieur dans un processus qui favorise le développement du leadership et des capacités de l'intérieur, tout en respectant et en valorisant la riche diversité représentée dans la province. Nous soutenons les efforts que les Premières nations membres déploient en vue de tisser un réseau de relations et encourageons la participation communautaire qui renforce les capacités afin d'être en mesure de nous occuper des défis et des possibilités qui se présentent. Les Premières nations de la zone côtière travaillent main dans la main avec un éventail d'organisations afin de soutenir nos efforts. Nous concluons des partenariats stratégiques avec des organisations et des institutions d'enseignement qui accomplissent déjà du travail dans des secteurs clés afin de multiplier les ressources, éviter le chevauchement et créer des réseaux de personnes ayant des intérêts similaires. Notre but est d'ajouter de la valeur au travail de nos partenaires en créant davantage de possibilités de communication et de rétroaction de la part de nos collectivités et de nos dirigeants.

Nous sommes à élaborer les structures gouvernementales des Premières nations. La taille, l'éloignement et la proximité des ressources peuvent influencer la capacité d'une Première nation de se développer sur le plan économique. Toutefois, les recherches ont montré que le développement de structures politiques stables, la séparation du monde des affaires et de la politique, ainsi que la planification stratégique font toute la différence entre le succès économique et la dépendance continuelle à l'égard du gouvernement. Un gouvernement stable et des institutions adaptées ayant une vision claire de ce qu'il faut pour améliorer l'économie côtière sont très importants. Notre vision d'une économie durable oriente nos décisions concernant les possibilités de développement économique qui nous intéressent.

Des progrès importants ont été faits depuis la création des Premières nations de la zone côtière. Nous sommes plus forts et davantage ciblés maintenant que les ententes se traduisent en possibilités de création d'emplois qui font si cruellement défaut dans nos collectivités. L'une des principales responsabilités qui nous incombent en tant que dirigeants des Premières nations de la zone côtière est de mettre en place une économie offrant un éventail diversifié de possibilités économiques durables pour les générations futures. Pour atteindre ce but, nous devons nous concentrer sur le long terme et faire preuve de stratégie dans la planification de l'avenir. Cela représente un énorme défi que d'équilibrer nos besoins d'emplois avec la protection de l'environnement, mais nous devons le faire si nous voulons que les générations futures disposent elles aussi de tout un éventail d'options économiques.

Nous avons connu du succès en mettant en place de solides structures de gouvernance, en adoptant la réflexion stratégique au cours de notre processus de planification, en nous engageant avec des partenaires possédant les connaissances et l'expérience pour réussir, en collaborant tous ensemble afin d'obtenir des économies d'échelle nous permettant d'être concurrentiels sur le marché mondial, et en renforçant les régimes de responsabilisation afin de nous assurer de l'appui de nos collectivités.

En terminant, j'aimerais vous dire aujourd'hui que nous souhaitons nous asseoir à la table des discussions afin d'établir des relations coopératives au moyen desquelles les Premières nations et le gouvernement pourront travailler ensemble à la croissance et au développement de collectivités durables sur le plan économique sur la zone côtière de la Colombie-Britannique.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.

Le président : J'aimerais savoir quelles sont les entreprises ayant été démarrées par les Premières nations de la zone côtière.

M. Sterritt : L'une de ces entreprises est l'industrie des mollusques et des crustacés que nous avons mise sur pied sur la côte et pour laquelle nous prévoyons créer jusqu'à 12 établissements conchylicoles. À l'heure actuelle, nous disposons d'un financement de près de 1 million de dollars par année pour des projets pilotes. Lorsque nous lancerons cette initiative, nous prévoyons qu'il en coûtera environ 1 million de dollars par collectivité pour démarrer une industrie des mollusques et des crustacés à part entière qui couvrira toute la zone côtière, le centre et le nord ainsi que le territoire Haïda Gwaii. Nous avons négocié avec le gouvernement provincial des ententes relatives aux forêts nous ayant permis d'obtenir pour chacune de nos Premières nations un mode de tenure forestière négocié. Nous cherchons maintenant des possibilités de fusionner ces entreprises.

Nous avons une autre industrie en démarrage dans le domaine du tourisme avec les trois gîtes haut de gamme que j'ai mentionnés. Nous sommes en partenariat avec le gîte le plus exclusif et le plus cher de toute la côte qui se trouve sur mon territoire traditionnel. Les propriétaires ont accepté de collaborer avec nous à la mise sur pied de trois autres gîtes dans la région. Les entreprises seront la propriété de toutes les Premières nations, et non seulement de celles qui vivent sur le territoire où elles se trouvent.

Il y en a beaucoup d'autres, dont une susceptible d'intéresser les sénateurs. Si vous avez l'occasion de parler avec le sénateur Austin, vous voudrez peut-être lui passer le mot. Nous avons sollicité l'aide de groupes écologistes dans le cadre de l'adoption de nos plans d'utilisation des terres pour la zone côtière afin d'aider les Premières nations de la zone côtière à mettre sur pied une économie durable fondée sur des principes écologiques. En acceptant de nous aider, les groupes écologistes ont relevé le défi et réussi à réunir par l'entremise de diverses fondations américaines un montant de 60 millions de dollars à investir dans la côte de la Colombie-Britannique. Pour le moment, nous pouvons compter sur un engagement additionnel de 30 millions $ de la Colombie-Britannique dont on devrait faire l'annonce d'ici deux ou trois semaines. J'ai rencontré le sénateur Austin et d'autres personnes afin de leur faire part de notre intention de constituer un capital de 200 millions de dollars destiné à permettre à notre peuple de se constituer une nouvelle économie.

Certains parmi vous savent peut-être que, jusqu'à il y a environ 20 ans, sur la côte de la Colombie-Britannique, la totalité de notre peuple était employée dans le secteur des pêches qui a disparu depuis. Dans ma collectivité, il n'existe tout simplement plus. Nous avons la possibilité de mettre sur pied pour l'ensemble de la population de la zone côtière une économie plus durable que celle que nous avons eue dans le passé. Voici un aperçu des projets sur lesquels nous travaillons en tant que groupe.

Le président : Vous avez mentionné l'étude de Harvard et le professeur Cornell qui s'est rendu dans votre région. Il a lui aussi comparu devant ce comité pour y présenter les résultats de son étude. Vous en avez d'ailleurs pris bonne note : bonne gouvernance, institutions adaptées culturellement, règles définies et gouvernement stable. Il est clair que vous êtes au fait de ce qui est nécessaire pour réussir en affaires, et c'est la raison pour laquelle vous vous adaptez de manière à utiliser ces principes.

M. Sterritt : C'est exact. Notre groupe a invité M. Cornell et M. Begay pour qu'ils nous communiquent les conclusions de cette étude réalisée aux États-Unis. Nous avons également invité des experts de la côte Atlantique qui nous ont aidés à mettre sur pied l'industrie des mollusques et des crustacés. En tant que groupe, nous avons pu inviter des personnes à venir nous communiquer leur expérience et leur savoir. Certaines de nos collectivités ne comptent que 600 habitants, aussi étant donné leurs ressources, faire venir des spécialistes de Harvard n'aurait jamais été envisageable économiquement parlant. Toutefois, lorsque nous travaillons en tant que groupe, nous pouvons réaliser des économies d'échelle, ce qui nous donne les moyens d'inviter des experts-conseils. Forts du poids que représente le regroupement de près de 15 000 personnes, nous nous sommes donné les moyens de faire en sorte que ces choses aient davantage d'influence sur nos projets.

Le sénateur Christensen : Quelle est votre position en tant que Premières nations concernant la possibilité de prendre une participation dans l'exploitation du pétrole et du gaz?

M. Sterritt : Les Premières nations de la zone côtière ont commandé une étude qui a été financée par l'Offshore Oil and Gas Office de la Colombie-Britannique. Cette étude a conclu que si l'exploration pétrolière et gazière au large devait voir le jour, et si on devait trouver des gisements de pétrole et de gaz au large des côtes, le nombre d'emplois créés par cette activité serait d'environ la moitié à un tiers de moins que ceux qui seraient créés par l'industrie des mollusques et des crustacés. Nous ne considérons pas le pétrole et le gaz comme une possibilité de grande envergure parce que les emplois créés iraient à d'autres travailleurs spécialisés. Et par ailleurs, le nombre d'emplois serait restreint par comparaison. Les membres des Premières nations ne sont pas prêts à accepter les risques associés à ces emplois.

L'économie que nous essayons de mettre sur pied est fondée sur les principes du développement durable. L'exploitation pétrolière et gazière au large des côtes n'est pas un projet de développement durable. Et justement, puisqu'il est question d'énergie, nous envisageons sérieusement de nous lancer dans l'énergie éolienne qui, à notre avis, pourrait se révéler une ressource importante sur nos territoires traditionnels pour produire de l'énergie pour le reste de la Colombie-Britannique et du Canada. À ma connaissance, certains sénateurs s'intéressent à l'énergie éolienne.

Nous examinons des options beaucoup plus écologiques que l'exploitation pétrolière et gazière au large des côtes.

Le président : Merci, monsieur Sterritt. Madame Figgess, je vous en prie.

Lynne Figgess, directrice générale, GTM Consulting : Mesdames et messieurs, nous n'avons pas l'habitude des exposés magistraux, mais nous allons faire tout notre possible. Nous sommes plus à l'aise dans la formule des questions et réponses. Aussi, sentez-vous bien à l'aise de nous interrompre si vous en avez envie.

GTM Consulting a été fondée en 1998; il s'agit d'une entreprise spécialisée dans la gestion de projet et l'ingénierie, des services qui ne sont pas habituellement offerts par des entreprises appartenant aux Premières nations. Nous voulons aborder deux sujets avec vous aujourd'hui : nos difficultés de financement et celles que nous avons à créer des relations avec les Premières nations qui soutiennent les Premières nations.

Je vais commencer par les questions de financement. Lorsque nous avons démarré cette entreprise, en 1998, nous avons approché une institution financière ordinaire, une banque, mais nous n'avons pas réussi à obtenir ce que nous cherchions. Nous avons donc décidé de faire appel à Entreprise autochtone Canada, mais nous n'avons guère eu plus de succès avec eux. Au bout du compte, nous avons réussi à nous autofinancer. Mme Atkinson et moi-même avons adopté comme ligne de conduite que les employés seraient payés avant que nous puissions l'être. Il a fallu attendre environ six ans avant d'être en mesure financièrement de gérer notre entreprise de la même manière que les autres.

Lorsque nous avons cherché à obtenir du financement de la part des banques, nous nous sommes rendu compte que même si elles « faisaient la promotion des Premières nations », leurs programmes comportaient des pénalités parce qu'elles entretenaient le préjugé que nous allions échouer et, par conséquent, elles considéraient que nous représentions un risque plus élevé. Nous devons donc payer un taux d'intérêt plus élevé, assumer des coûts additionnels pour assurer l'emprunt, nous devons aussi assumer des frais additionnels pour obtenir le prêt parce que nous avons demandé au gouvernement de le faire pour nous, et le montage financier et l'administration ont pris davantage de temps que pour quelqu'un d'autre. Nous savons tous que le « temps c'est de l'argent ». Lorsque l'on monte une entreprise, tout le temps passé à autre chose qu'à travailler est de l'argent gaspillé. Pour faire une histoire courte, il y a des pénalités rattachées à l'hypothèse de départ d'un échec véhiculée par le financement conventionnel. Un processus plus long, des taux d'intérêt plus élevés, davantage de paperasse et des frais internes plus élevés nous ont coûté en moyenne 10 p. 100 de plus que s'il s'était agi de quelqu'un d'autre.

En ce qui concerne le financement non conventionnel et les possibilités de subvention, comme celles offertes par Entreprise autochtone Canada, les sociétés de financement établies un peu partout en Colombie-Britannique et les sociétés d'aide aux entreprises, nous avons constaté de manière générale que l'on ne comprend pas le type d'affaires que nous faisons. Nous ne suivons pas le modèle traditionnel ou alors nous ne correspondons pas au client type que ces institutions reçoivent habituellement. Elles n'arrivaient pas à saisir le concept de notre entreprise. Pour cette raison, on nous a refusé le financement. Nous sommes revenues à la charge, mais on nous a refusé encore une fois. Nous avons persévéré et fait quatre tentatives avant qu'une institution n'ajoute foi à notre histoire et nous accorde ce que nous lui demandions.

L'autre difficulté tenait à ce que nous étions déjà en affaires et qu'il nous fallait prouver que nous avions réellement besoin de financement. Mais il est très difficile de prouver cela à quelqu'un qui ne comprend rien au type d'affaires que l'on veut réaliser. Les explications fastidieuses se sont étirées sur près de huit mois. Obtenir un financement non traditionnel par l'entremise de programmes et de subventions censés être conçus expressément pour les Premières nations nous a pris huit mois. Nous avons dû engager un consultant pour qu'il nous aide à nous orienter dans les dédales de la bureaucratie de ce processus. Établir la confiance s'est révélé un processus coûteux parce que, bien entendu, tout se ramène toujours à la question du temps et de l'argent.

Il ne semblait pas y avoir de différence, que l'on ait affaire à du financement conventionnel ou non conventionnel. En effet, dans un cas comme dans l'autre, on partait du principe que l'aventure se solderait par un échec — on s'attendait à ce que nous échouions, et c'est de là que sont venus les frais additionnels liés au présumé risque plus élevé. En fin de compte, nous avons obtenu ce que nous voulions, mais nous n'y serions jamais parvenues si nous n'avions pas travaillé d'arrache-pied, chaque jour que Dieu fait, durant huit mois. Il nous en fallu du temps et de la patience. Nous nous sentions comme des pionnières, d'une certaine manière, et nous espérions que nos efforts rendraient la vie plus facile à nos successeurs à la recherche de financement.

Nous avons surmonté les obstacles, et mis à part le fait que nous avons dû improviser et nous adapter, nous avons réinvesti tous les profits dans l'entreprise; nous avons accepté de laisser aller notre salaire aux employés; nous avons obtenu du financement non conventionnel à un taux d'intérêt de 12 p. 100; nous avons refusé d'accepter un « non » comme réponse; et nous nous sommes débrouillées toutes seules. Par exemple, lorsque nous ne pouvions nous offrir la technologie dont nous avions besoin, nous faisions les choses à la main. Lorsque nous devions faire les choses à la main, cela pouvait vouloir dire travailler 14 heures par jour, sept jours par semaine. C'est ce que nous avons fait, parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen pour que le travail se fasse. Cette situation a eu des répercussions sur l'entreprise et en a ralenti la croissance. En effet, l'entreprise ne pouvait pas croître parce que nous n'avions pas l'argent nécessaire pour soutenir cette croissance. Lorsqu'une entreprise est incapable de se développer, elle est incapable de suivre le rythme de la concurrence. C'est l'expérience que j'ai vécue sur le plan financier.

Le sénateur St. Germain : Madame Figgess, pensez-vous que l'on vous a traitées ainsi, vous et Mme Atkinson, parce que vous êtes des femmes?

Mme Figgess : Au moment de raconter notre expérience par écrit, nous avons décidé de ne pas mentionner cela dans l'équation parce qu'il ne s'agit pas d'une réunion du comité sénatorial des « peuples autochtones et des femmes ». Néanmoins, selon moi, cela a beaucoup à voir avec le fait que nous sommes des femmes.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que l'une de vous deux est ingénieure?

Mme Figgess : Non, ni l'une ni l'autre ne sommes ingénieures, ce qui a rendu les choses encore plus difficiles.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que vous engagez des ingénieurs dans l'entreprise?

Mme Figgess : Oui, c'est exact. Nous sommes des entrepreneures, pas des ingénieures. Nous avions eu du mal à faire comprendre cela à l'époque.

Le sénateur St. Germain : Vous avez fait des miracles. Êtes-vous autochtones toutes les deux?

Mme Figgess : Non, je ne suis pas autochtone, mais Mme Atkinson l'est.

Le sénateur St. Germain : J'ai démarré une entreprise, alors je sais très bien à quel point ce peut être frustrant. Mon fils a lui aussi démarré une entreprise. Au début, il est venu me voir pour que je lui avance de l'argent, et j'ai fixé des paramètres. Il a donc décidé qu'il ne voulait pas de mon argent, et a plutôt fait appel à une banque. La banque lui a dit qu'il avait une superbe idée qui devrait probablement fonctionner, mais on lui a suggéré de revenir dans deux ans, une fois que l'entreprise serait sur les rails. Depuis lors, je ne peux m'empêcher de hocher la tête chaque fois que je vois l'homme qui lui a dit cela. Je comprends très bien par où vous avez dû passer, toutes les deux.

Mme Figgess : J'ai aussi été propriétaire de ma propre entreprise, et j'ai vécu la même expérience. Si vous possédez déjà 200 000 $, les banques vont vous prêter volontiers un autre 200 000 $. Dans notre cas, lorsque nous avons réussi à amasser 200 000 $, elles étaient prêtes à nous avancer 200 000 $, mais comme nous étions membres des Premières nations, elles exigeaient un montant additionnel de 200 000 $. Le financement conventionnel cherchait à obtenir des garanties sur les emprunts parce que cela représentait 200 p. 100 de plus que ce que nous avions demandé.

Le sénateur St. Germain : Il me semble qu'une banque, je crois que c'est la Banque royale, était censée avoir une section spéciale à Vancouver pour s'occuper du financement des projets des Autochtones. Mais je ne tiens pas à enfoncer le clou.

Madame Figgess, vous avez très bien expliqué la situation. En effet, obtenir du financement tient du défi. Je ne sais pas comment vous avez fait pour surmonter tous les obstacles parce que, comme vous le savez, une fois que vous avez obtenu l'argent, les prêteurs vous harcèlent constamment pour vous en offrir davantage. Lorsque vous leur demandez comment ils espèrent que des gens vont démarrer des entreprises s'ils ne leur donnent pas leur chance et s'ils ne prennent pas un peu de risques, ils répondent que prendre des risques, ce n'est pas leur domaine.

Mme Figgess : Notre expérience la plus pénible nous l'avons vécue avec l'institution que vous venez de mentionner. L'approche des institutions financières lorsque nous nous informions de la marche à suivre nous donnait toujours des indices. Ainsi, lorsqu'elles roulaient des mécaniques et se vantaient de leurs programmes visant à faire la promotion des Premières nations, nous ne tardions pas à découvrir qu'il s'agissait tout simplement d'un tas de foutaises. Ensuite, on nous énumérait la liste des exigences visant à garantir le financement. En ma qualité de présidente-directrice générale, il m'était impossible d'accepter ces conditions au nom de l'entreprise. Le jeu n'en valait pas la chandelle, je pense.

Le sénateur St. Germain : Comment vous débrouillez-vous aujourd'hui, financièrement? Est-ce que votre entreprise est en bonne santé financière?

Mme Figgess : Nous étions en bonne santé financière à l'époque, et nous le sommes toujours aujourd'hui. Nous voulions seulement prendre de l'expansion, et ce fut difficile. Lorsque nous avons démarré l'entreprise, il y a eu des transitions. Il y a d'abord eu le démarrage de GTM — la période du macaroni au fromage de Kraft; nous n'encaissions pas nos chèques de paie; et nous faisions ce qu'il y avait à faire. Pour démarrer cette entreprise dans le domaine de la gestion de projets et de l'ingénierie, Mme Atkinson et moi-même avions deux ou trois contrats, mais nous n'arrivions pas à obtenir du financement, aussi nous avons décidé d'enseigner auprès des Premières nations. Nous avons fait des démarches auprès des bandes et des groupes des Premières nations et nous leur avons expliqué que nous pouvions leur enseigner comment démarrer leur propre entreprise; comment donner les premiers soins ainsi que comment se servir d'un ordinateur. Durant les six premiers mois après la création de notre entreprise, nous avons dû faire cela pour financer la compagnie. Après quoi, nous avons réussi à passer à travers, mais il nous fallait prendre de l'expansion. Nous savions qu'il nous fallait du financement conventionnel pour amener l'entreprise à l'échelle des organisations internationales ayant un chiffre d'affaires de 200 millions de dollars par année. Nous avons fini par comprendre qu'il fallait céder et chercher à obtenir du financement conventionnel. Nous avons également réalisé que nous devions recevoir un salaire en échange de notre travail parce que sinon ça n'avait aucun sens d'être en affaires. Voilà, en résumé, quelle a été notre expérience.

L'autre question importante dont nous nous sommes occupées en tant qu'entreprise déjà établie a été celle des Premières nations qui soutiennent les Premières nations. L'un des buts de notre entreprise, cette année, était de nous présenter à la nation Squamish ou à la plupart des porte-parole réunis ici aujourd'hui pour venir vous déclarer leur détermination à développer leurs nations, leurs terres et leurs possibilités socioéconomiques. Pour y arriver, tous ont besoin de services de gestion de projets et d'ingénierie. Ils doivent construire un terrain de golf ou mettre en place l'industrie des mollusques. Et c'est exactement ce que fait notre entreprise. Nous assumons la gestion d'un projet, du début jusqu'à la livraison au nom du gouvernement. Depuis que nous sommes en affaires, pas une seule fois nous avons été assez courageuses pour avouer que nous étions membres des Premières nations en raison d'une idée préconçue dans l'industrie comme quoi, par exemple, nous ne payons pas d'impôts. Mais nos collègues dans l'industrie se trompent, parce qu'une corporation est une corporation, et que toutes doivent payer des impôts. Une autre idée préconçue assez répandue veut que nous soyons incapables de faire le travail parce que nous sommes membres des Premières nations. Par conséquent, nous n'avons jamais dit au gouvernement que nous étions membres des Premières nations afin d'obtenir plus facilement des contrats ou des projets. Nous avons décidé que c'était déjà assez que le gouvernement sache qu'il faisait affaires avec deux femmes.

Cette année, nous avons décidé que trop c'est trop, parce que nous voulons célébrer le fait que nous sommes membres des Premières nations, et que nous voulons faire en sorte de rendre à la collectivité un peu de ce que nous avons reçu, et nous assurer que les Premières nations soutiennent les Premières nations. À qui faut-il faire appel pour faire cela? La nation Squamish est celle qui se trouve le plus près de nous, parce que nous nous trouvons dans Park Royal et qu'elle est propriétaire de nos terrains. Le défi consistait à trouver le bon auditoire à qui communiquer le message comme quoi n'importe quel membre des Premières nations peut faire le travail, aussi bien que n'importe qui d'autre aujourd'hui. Les clients vont nous demander de faire ceci, ceci et cela et nous leur répondrons que nous sommes en mesure de faire tout cela à l'interne. Nous leur dirons que nous sommes aussi solides qu'ils le souhaitent, aussi concurrentiels et tout à fait en mesure de livrer la marchandise. Et pourtant, nous n'arrivons pas à trouver l'auditoire à qui livrer notre message, mais nous continuons à le chercher. Nous n'avons pas la solution. Nous frappons à toutes les portes depuis un an. Nous ignorons quand l'une de ces portes va s'ouvrir, mais nous sommes convaincues que tôt ou tard, cela va se produire. C'est simplement un processus.

Ça n'a pas vraiment d'importance que l'on soit une petite firme d'ingénierie en concurrence avec SNC-Lavalin, la plus importante firme d'ingénierie dans le Lower Mainland, pour pouvoir travailler sur le projet RAV. En passant, il a été beaucoup plus facile pour nous de nous faire accepter pour le projet RAV que dans celui des Premières nations qui soutiennent les Premières nations. Notre problème c'est que nous ne savons pas à qui parler. Nous ne savons pas comment nous y prendre pour nous exprimer de la bonne manière en ce qui a trait à la culture, pour comprendre quelle est la notion du temps pour d'autres personnes ou encore à qui nous adresser pour obtenir le résultat final qui est l'établissement d'une relation. Parce qu'en fin de compte, tout se résume à cela, les relations, que l'on soit ou non membre des Premières nations. Comment convaincre quiconque, qu'il soit membre des Premières nations ou pas, que le moment est venu de laisser tomber les vieilles rengaines qui jouaient il y a 50 ans, et d'ouvrir nos portes à l'idée que les enfants des Premières nations fréquentent l'université, que l'Université de la Colombie-Britannique a mis sur pied un programme destiné aux Premières nations, que l'Institut de technologie de la Colombie-Britannique a un programme à l'intention des Premières nations, que le soutien technique et à la gestion est en place, et que nous sommes en mesure de produire tout aussi bien les outils dont nous avons besoin pour faire notre travail. Comment rassurer suffisamment les entreprises en devenir pour qu'elles décident de nous accorder leur confiance.

Nous n'avons pas encore trouvé la réponse à ces questions. Nous connaissons l'existence d'un répertoire des entreprises, mais nous ne savons pas dans quelle mesure il est bien utilisé ou s'il est à jour et complet. Serait-il possible d'obtenir du gouvernement des mesures incitatives pour le projet Les Premières nations qui soutiennent les Premières nations? Serait-il possible de faire de la sensibilisation en ce qui concerne les services et l'industrie d'aujourd'hui par rapport à ce qui existait dans le passé? Pourrions-nous bénéficier d'un agent de liaison subventionné par le gouvernement? Par exemple, si GTM choisissait de travailler pour les Premières nations, il nous faudrait savoir qui appeler à l'échelle locale pour nous présenter et établir le premier contact. Existe-t-il des mesures incitatives pour que quelqu'un ait envie de répondre à ce besoin? On ne va nulle part tant que l'on n'a pas réussi à établir une relation en bonne et due forme.

En ce qui concerne les Premières nations ou les entreprises traditionnelles qui subissent des changements, c'est justement notre travail que de les aider à faire la transition vers ces changements. Quel type de processus de gestion du changement et quel système de freins et contrepoids a-t-on mis en place afin de pouvoir aller de l'avant tout en ayant les moyens de vérifier si on y arrive vraiment?

L'essentiel c'est que GTM Consulting — Jane Atkinson, l'équipe, la compagnie — a réussi grâce à la détermination, au dynamisme, à l'improvisation, à une solide équipe de collaborateurs à l'interne, au refus d'accepter « non » comme réponse, à la persévérance qui nous pousse à frapper aux portes jusqu'à ce que l'on nous dise « oui », et à la patience. L'échec n'a jamais été envisagé comme une possibilité.

Le président : Merci. Madame Atkinson, vous pouvez y aller.

Jane Atkinson, présidente, GTM Consulting : Mme Figgess a fait le tour de la question.

Le président : Je suis curieux d'en apprendre davantage sur la croissance de votre entreprise.

Mme Figgess : GTM Consulting a doublé son chiffre d'affaires au cours des trois dernières années. Nos revenus annuels se chiffrent autour de 5 millions de dollars et notre marge bénéficiaire oscille entre 15 p. 100 et 30 p. 100, pour une moyenne de 20 p. 100. Notre personnel compte 25 professionnels dont des gestionnaires de projets, des spécialistes des communications, des ingénieurs et du personnel de soutien. Nous sommes passés d'un effectif de 14 à 25 personnes au bureau. Étant donné la construction et les travaux reliés aux Olympiques prévus pour les quatre prochaines années, nous anticipons que l'effectif pourrait atteindre 50 personnes d'ici un an et demi. Nous considérons actuellement la possibilité de prendre de l'expansion aux États-Unis. Nous avons consacré pas mal de temps à effectuer des recherches à cet égard, et nous nous sommes notamment penchés sur la manière d'utiliser le traité Jay pour réaliser nos transactions tranfrontalières.

Actuellement, nous travaillons sur le projet de liaison rapide de transport en commun Richmond-Aéroport- Vancouver ou ligne RAV, sur le projet Sea-to-Sky, ainsi qu'à l'Université de la Colombie-Britannique. Il s'agit des trois plus grands projets qui existent en Colombie-Britannique. Et le prochain qui nous attend est le projet de pipeline d'Enbridge à Kitimat.

Le sénateur Christensen : Au cours de l'année dernière, quel projet avez-vous construit et administré pour les Premières nations?

Mme Figgess : Depuis les débuts de notre entreprise, nous n'avons pas encore réalisé un seul projet pour les Premières nations.

Le sénateur Christensen : Est-ce parce que vous n'avez pas réussi à établir le premier contact?

Mme Figgess : C'est exact.

Le sénateur Zimmer : La réflexion est bonne pour l'âme. Comment se termine l'histoire que vous nous avez racontée sur la première fois que vous vous êtes butées à des refus à toutes vos demandes d'aide? Que disent ces gens aujourd'hui?

Mme Figgess : Faites-vous allusion à nos démarches en vue de trouver du financement?

Le sénateur Zimmer : Oui. Que vous disent aujourd'hui ces mêmes institutions financières?

Mme Figgess : Elles nous demandent : « Comment pouvons-nous vous aider? »

Le sénateur Zimmer : C'est bien ce que je pensais.

Le président : Merci de votre exposé et d'avoir pris le temps de venir nous parler. Les renseignements que vous nous avez fournis nous seront utiles pour la rédaction de notre rapport. Vous pouvez être assurées que nous tiendrons compte des difficultés que vous avez dû affronter. Vous nous avez montré qu'il faut une détermination à toute épreuve pour réussir, et vous serez une source d'inspiration pour bien des gens.

Mme Figgess : Je ne sais pas si c'est le bon endroit pour le faire, mais nous aimerions avoir l'occasion de faire le suivi au sujet de notre entreprise, d'expliquer comment nous avons réussi, et comment nous avons relevé nos défis actuels, et vice-versa.

Merci de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer aujourd'hui.

La séance est levée.


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