Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 13 - Témoignages du 26 octobre 2005 (séance du matin)
KELOWNA, le mercredi 26 octobre 2005
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 5, pour étudier, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.
Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. C'est avec plaisir que nous nous trouvons aujourd'hui dans le territoire traditionnel de la nation Okanagan. Nous recevons le chef Robert Louie, de la Westbank First Nation, et le conseiller Mike DeGuevara. Bienvenue à vous deux et veuillez commencer votre exposé.
Robert Louie, chef, Première nation de Westbank : Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour, honorables sénateurs. Nous sommes heureux d'être ici ce matin pour vous faire cet exposé sur le développement économique de la Première nation de Westbank.
Nous avons distribué un document de 18 pages que j'ai l'intention de brièvement passer en revue. Je vais consacrer la plus grande partie de notre temps de ce matin aux questions que vous voudrez poser. Nous avons également un bref exposé PowerPoint qui vous donnera une idée des genres de développement sur lesquels nous travaillons actuellement ainsi que de l'emplacement de nos terres Westbank.
La Westbank est l'une des sept collectivités de la nation Okanagan. Nous faisons partie de l'Okanagan Nation Alliance. La population de notre Première nation se compose de près de 650 membres, auxquels s'ajoutent 8 000 non-Autochtones qui vivent sur les terres de la réserve Westbank, lesquelles, au total recouvrent un peu moins de 6 000 acres. Nous travaillons fort pour progresser depuis les 18 dernières années et sommes devenus autonomes le 1er avril 2005.
Nous avons assuré la gestion de nos terres de réserve en vertu de la Loi sur les Indiens, notamment les articles 53 et 60, qui représentent des pouvoirs délégués. Nous avons mis au point notre propre régime fiscal; nous sommes la deuxième collectivité au Canada, derrière Kamloops, qui a commencé à percevoir des taxes foncières dans la foulée de la modification apportée à la Loi sur les Indiens en 1988.
Nous avons également examiné la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et mis au point notre code foncier qui est inscrit dans notre entente sur l'autonomie gouvernementale et fait maintenant partie de notre constitution qui figure dans les règles relatives à nos terres.
Une de nos grandes revendications a été réglée avant la date limite de 1982, qui visait des terres retranchées de nos réserves au début des années 1900. Au fil des ans, nous avons ajouté près de 3 000 acres à notre assise territoriale de réserve. Ces terres, appelées terres du canyon Gallagher, ont été acquises grâce à des négociations avec la province de la Colombie-Britannique et le gouvernement du Canada pour compenser la perte des terres de réserve au moment de la construction de la route 97 qui passait sur nos terres.
Nous travaillons actuellement avec les gouvernements canadien et de la Colombie-Britannique pour accélérer notre processus de négociation de traité. Nous nous mobilisons à cet égard en ce moment dans l'espoir de terminer le processus.
Nous avons été en mesure de négocier une entente provisoire avec la province de la Colombie-Britannique à propos d'un permis forestier communautaire. Ce permis vise près de 45 000 hectares de terre, qui produisent un approvisionnement en bois de 55 000 mètres cubes par an.
Nous nous sommes séparés de la bande indienne d'Okanagan en 1963 afin d'avoir une plus grande maîtrise de nos terres et de tirer avantage des opportunités économiques offertes à notre collectivité, tant au niveau de la collectivité qu'à celui des membres individuels de la bande.
Nous connaissons de rapides changements depuis le début des années 60. Dans les années 90, près de 25 p. 100 de toutes les transactions foncières des réserves canadiennes se sont faites à Westbank. En plus, près de 20 p. 100 de tous les non-Autochtones qui vivent sur les terres de réserve vivent sur les terres de Westbank.
Nous avons examiné les diverses enquêtes relatives aux affaires de la Première nation de Westbank, la plus importante étant l'enquête fédérale Hall en 1988, qui a cerné les problèmes de gouvernance de Westbank à ce moment-là. Le juge John Hall a déclaré que c'était toujours le même problème, c'est-à-dire que la bande avait été « gouvernée par des hommes et non régie par des lois ». Des changements ont été recommandés, stimulant ainsi notre recherche d'autonomie gouvernementale.
En 1990, nous avons signé une entente-cadre avec le Canada en vue de négocier l'autonomie gouvernementale. En 1998, nous avons signé une entente de principe en matière d'autonomie gouvernementale, et avons conclu l'entente finale en 2000, en vertu du droit inhérent à la politique d'autonomie gouvernementale du gouvernement fédéral. Notre collectivité a ratifié l'entente en 2003 et la Loi fédérale sur l'autonomie gouvernementale de la Première nation de Westbank a été a été adoptée en 2004. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous sommes officiellement devenus autonomes le 1er avril 2005.
L'absence de capacité en matière de champs de compétence permettant de gérer les terres et les ressources des réserves est l'un des principaux obstacles auxquels se heurtent les Premières nations du Canada. Heureusement pour nous, ce problème est maintenant réglé. Nous avons un important service des terres; une commission de développement économique; des lois administratives qui nous permettent de gérer correctement nos terres et de les développer tout en nous assurant que nous avons des règles et règlements en place pour assurer un gouvernement stable.
La plupart de nos projets de développement se trouvent sur des terres privées dotées de certificat de possession. Tout le développement sur les terres de Westbank se fait conformément à notre loi sur le développement et les services de lotissement.
Comme l'exige notre constitution, notre collectivité met actuellement au point une loi globale d'aménagement du territoire. Entre-temps, nous avons un plan de développement mis en place en novembre 2001, qui a été adopté comme politique.
L'expérience nous a appris que promoteurs, financiers et tous ceux intéressés à faire affaire sur des terres de réserve sont attirés par le fait que nous sommes dotés de règles et règlements adéquats. Ils ont confiance dans notre façon de légiférer, ce qui facilite le financement que nous pouvons recevoir, élément de grande importance. Nous croyons que la plupart des collectivités des Premières nations au Canada ont des problèmes dans ce domaine.
Il nous apparaît également clairement qu'il faut un nouveau système d'enregistrement foncier national des Premières nations. Nous croyons qu'un système juridique clair relatif à l'enregistrement des terres est fondamental si on veut protéger nos droits de propriété et qu'il est essentiel pour la création et le maintien du bien-être d'une Première nation. Un système d'enregistrement foncier solide où les intérêts fonciers peuvent être enregistrés en priorité est essentiel pour les institutions financières et fait nécessairement partie de tout système de droit des biens.
Nous travaillons actuellement sur un système d'enregistrement foncier des Premières nations, conjointement avec les collectivités des Premières nations, en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Un registre foncier Westbank sera régi par les mêmes règles fixées dans notre réglementation particulière et fonctionnera en parallèle avec le règlement foncier pris en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations.
Nous croyons que le concept de propriété privée est essentiel si l'on veut offrir des opportunités de développement économique sur les terres de réserve. Nous fonctionnons en partant du principe que la propriété privée et les intérêts de détenteurs de certificat de possession sont importants si l'on veut offrir des incitatifs pour le développement des terres. Toutefois, il faut prévoir des plans d'aménagement du territoire et des règlements afin d'orienter le développement.
Nous croyons également qu'il est important de séparer le monde des affaires du gouvernement et nous avons tenté de le faire dans notre structure. Nous croyons que le politique ne doit pas se mêler des activités d'affaires sur nos terres de réserve.
Nous avons également pris des lois — comme la Loi sur le passif et les garanties à long terme de la Westbank First Nation — pour assurer la reddition de comptes qui s'impose, pour que la collectivité n'emprunte pas de façon excessive et pour que nos membres soient informés comme il se doit de toute activité commerciale. Si nous envisageons d'emprunter des terres à des fins de développement économique, des plans d'affaires adéquats doivent être préparés. Nous sommes limités dans le passif que nous pouvons contracter et les garanties que nous pouvons offrir. Nos membres doivent être complètement et bien informés de toutes les activités et entreprises commerciales que nous avons l'intention de lancer.
Nous avons créé une commission de développement économique qui fonctionne efficacement. Le conseil d'administration se compose de cinq membres, dont trois font partie de nos membres et deux sont des membres non autochtones qui jouent le rôle de conseillers. À l'heure actuelle, nous avons un évaluateur et un banquier qui participent aux travaux de notre commission de développement économique.
La commission a plusieurs fonctions et responsabilités et doit agir en tant que conseil consultatif en matière de développement économique auprès du chef et du conseil; coordonner une orientation globale de développement économique pour la collectivité et préparer un plan stratégique de développement économique à long terme pour notre collectivité; établir des mécanismes afin d'assurer la participation des intervenants économiques des terres Westbank au processus d'élaboration de politiques de développement économique; donner des conseils relatifs aux politiques et aux règlements; mettre au point des initiatives, des documents pour les médias et des services afin de promouvoir Westbank comme collectivité attrayante pour toute nouvelle entreprise; aider le conseil et nos divers services à faire des observations auprès du gouvernement, de l'industrie et du public dans les domaines du développement économique et des affaires.
C'est un défi pour les Premières nations qui cherchent à attirer des entreprises sur les terres de réserve. Nous sommes parfaitement au courant de ce défi et le fait d'avoir une telle commission pour nous aider et nous guider est important pour nous en tant que collectivité.
Parmi les récents projets de développement économique que j'énumère dans cet exposé, je peux citer le projet du pont du lac Okanagan ainsi que les approches du côté ouest. Ces activités se chiffrent dans les centaines de millions de dollars. Nous participons également à la construction d'un grand centre commercial doté de magasins à grande surface; c'est un projet de développement considérable. Nous avons une entreprise de fabrication, Grizzly Wood Products, que nous avons construite sur les terres Westbank. Il s'agit d'une fabrique de 18 000 pieds carrés où nous fabriquons des revêtements de sol en bois dur, des bardages, des chalets préfabriqués ainsi que divers produits à base de bois.
Nous faisons également des essais sur deux de nos réserves qui possèdent d'importants dépôts d'agrégats, dans les millions de mètres cubes. Nous nous en occupons actuellement pour nous assurer que l'extraction se fait correctement et que l'on bénéficie de retombées économiques.
Plusieurs lotissements résidentiels privés ainsi que des développements de magasins et d'entreprises commerciales sont en cours et touchent les membres de notre bande. De 900 à 1 000 maisons environ sont en construction ou vont être mises en chantier au cours des 18 à 24 mois à venir.
Nous travaillons également avec le district régional et, nous l'espérons, bientôt avec la ville de Kelowna, sur un projet de centre d'interprétation culturelle qui, nous le croyons, stimulera la base économique de la vallée de l'Okanagan. Ce sera un avantage éducatif énorme et se traduira par des retombées positives pour le monde des affaires de Kelowna et de sa région.
Je vais passer rapidement à notre exposé PowerPoint avant de vous laisser poser des questions. La première diapositive vous donne une indication des terres que nous possédons. Nous avons cinq terres de réserve, dont deux sont situées du côté ouest du lac Okanagan. Il s'agit de la réserve indienne Tsinstikeptum No 9 et de la réserve indienne Tsinstikeptum No 10.
Trois autres réserves se trouvent du côté est du lac Okanagan. Une réserve se trouve à Mission Creek, petit endroit de pêche de cinq acres; les deux autres réserves sont Medicine Creek No 12 et Medicine Hill No 11. Il s'agit de zones plus rurales où nous nous intéressons actuellement à plusieurs choses, dont l'extraction de dépôts d'agrégats, les logements, l'industrie, la forêt et l'aquaculture.
La diapositive suivante représente un plan de développement des terres de réserve de la réserve indienne Tsinstikeptum No 9, qui sont adjacentes à la ville de Westbank. C'est là que vit la plupart de notre population Westbank First Nation et où la plupart de l'activité de développement économique se déroule, y compris les magasins de grande surface et les centres commerciaux.
Ensuite, c'est une carte de la réserve indienne Tsinstikeptum No 10. Lorsque vous prenez le pont du lac Okanagan pour aller du côté ouest, la route 97 vous amène dans le centre de cette réserve. Une planification importante est en cours à cet endroit-là. Nous avons des maisons résidentielles dotées de baux de 99 ans sur ces terres, ainsi que des parcs de maisons préfabriquées. Nous envisageons maintenant la construction de tours d'habitation ainsi que d'autres activités commerciales. Cette terre en particulier pourrait recevoir 20 000 résidents environ.
La diapositive suivante, qui représente la réserve indienne Tsinstikeptum No 9, vous donne une indication de notre projet de développement commercial le long de la route — le centre commercial auquel nous travaillons actuellement. Il y a près de 15,5 acres de terres à cet endroit en particulier. Nos membres sont propriétaires de ces terres et ont des certificats de possession à cet égard. En leur nom, nous venons juste de négocier l'ouverture d'un Home Depot et d'un Canadian Tire et nous envisageons l'ouverture d'un London Drugs. Nous croyons qu'une autre institution financière sera présente; nous en avons quatre pour l'instant qui se trouvent sur les terres de la réserve Westbank et nous pensons qu'il y en aura une cinquième.
Ce site en particulier devrait accueillir au moins cinq grandes entreprises, et ce n'est qu'un début. Ces négociations sont terminées et la construction de l'infrastructure est prévue d'ici les deux prochaines semaines. L'édification du Home Depot et de Canadian Tire doit être terminée en novembre 2006.
La diapositive suivante donne une indication du complexe multifamilial qui est actuellement prévu à côté du terrain de golf Vintage. Il est important, non seulement en ce qui concerne sa conception, mais aussi parce qu'il répond aux besoins du marché de la collectivité. La diapositive suivante illustre les genres de logements qui sont actuellement construits à l'emplacement Vintage Hills.
Ensuite, ce sont les terres de réserve de la réserve indienne Tsinstikeptum no 10. C'est l'un des développements qui comprendra surtout des maisons modulaires préfabriquées, faites sur mesure pour un marché particulier.
Nous envisageons également un parc d'affaires et de bureaux le long de la route 97, soit le secteur entourant l'actuel édifice administratif de la Westbank First Nation. Ce sont certains des aspects du potentiel de développement que nous examinons à l'heure actuelle.
Ce site particulier d'aménagement du territoire se trouve sur ce que nous considérons être des terres très riches de la Westbank First Nation — actuellement les terres valent plus de 1,5 million de dollars l'acre à des fins d'échange entre membres de la réserve. Ces terres contribueront, nous le croyons, à ce genre de développement, qui est un développement planifié, de quelques condominiums dans des immeubles et d'autres activités commerciales. Les promoteurs du Canada manifestent un grand intérêt dans ce projet.
La diapositive suivante vous donne une autre indication des genres de lotissements résidentiels polyvalents que nous envisageons sur les terres de la réserve indienne Tsinstikeptum no 10. C'est un concept des genres de lotissements résidentiels qui, nous le pensons, sont possibles dans cette région particulière.
Je viens donc de vous donner un bref aperçu de ce qui se passe dans la collectivité de Westbank First Nation. Nous sommes fiers de nos réalisations jusqu'ici, mais nous avons encore du chemin à faire. Même si nous avons des développements assez importants, compte tenu de la présence de plus de 8 000 non-Autochtones sur les terres de réserve aujourd'hui, ce n'est qu'une goutte d'eau dans la mer par rapport à l'avenir que nous envisageons.
Le sénateur Fitzpatrick : J'aimerais souhaiter la bienvenue au chef et aux conseillers à cette séance du Sénat. Je suis très fier de ce que nous faisons dans la vallée de l'Okanagan et, en particulier, des réalisations de la Première nation de Westbank, qui servent d'exemples de ce qui peut se faire dans d'autres régions de notre pays.
J'aimerais que le chef parle davantage d'un ou deux points, car je crois que la contribution de Westbank est remarquable — notamment dans les domaines de la participation culturelle, comme le corridor culturel, le partenariat Okanagan et l'introduction d'activités économiques par la Première nation de Westbank.
Peut-être, monsieur Louie, pourriez-vous parler de deux choses qui, je crois, revêtent une très grande importance pour vous : premièrement, l'entente sur l'autonomie gouvernementale et la façon dont elle a contribué à votre développement économique. Pourriez-vous parler davantage du processus par lequel vous êtes passé avec le conseil consultatif pour arriver à la rédaction de la constitution après l'accession à l'autonomie gouvernementale?
Deuxièmement, pouvez-vous parler de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations qui prévoit des institutions financières; comment d'après vous cette loi facilite-t-elle les choses? Je sais que Manny Jules va témoigner à ce sujet, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez également. À mon avis, il est essentiel de pouvoir hypothéquer les terres pour les membres des Premières nations sur les réserves.
M. Louie : Merci beaucoup, sénateur Fitzpatrick. Notre collectivité appuie considérablement le beau travail que vous faites, tant avec votre collectivité qu'avec les Premières nations de la vallée.
Notre entente d'autonomie gouvernementale a eu des effets importants. Tout d'abord, en ce qui concerne les contributions en matière de développement économique, quiconque vient investir sur des terres de réserve sait que nous sommes autonomes et que nous avons des règles et des règlements.
C'est à nous de faire en sorte que ces règles et règlements soient correctement appliqués et c'est ce que prévoit notre entente d'autonomie gouvernementale — une bonne gouvernance. La reddition de comptes est prévue et les procédures sont cohérentes; il n'est pas question de changer les politiques en cours de route. Les lois de notre collectivité sont transparentes et quiconque souhaite participer au développement des terres Westbank peut s'en prévaloir. Elles sont entièrement respectées par notre collectivité Westbank First Nation.
Tout cela a considérablement contribué à attirer les projets de développement. Nous avons travaillé sans relâche pour en assurer la promotion et maintenir une certaine stabilité. Tout cela découle de notre entente sur l'autonomie gouvernementale.
Le conseil consultatif est également fort important pour nous. Près de 8 000 membres non autochtones vivent sur les terres de la réserve Westbank. Cette population augmente à pas de géant. Notre entente sur l'autonomie gouvernementale et notre constitution offrent un processus qui nous permet d'obtenir l'apport des membres non autochtones qui vivent et travaillent sur les terres Westbank.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis sur pied un conseil consultatif. C'est la première loi que nous avons adoptée au moment de notre autonomie gouvernementale, le 1er avril 2005. Il s'agit d'un conseil élu composé de cinq membres qui représentent les cinq quartiers de district des terres Westbank. Il donnent des conseils et font des recommandations, essentiellement sur la question de l'imposition, sans doute la plus importante, ainsi que sur tout projet de développement susceptible d'avoir un effet important sur les résidents. Notre conseil fonctionne parfaitement bien et tient des séances régulières. En fait, des élections ont récemment eu lieu et il est prévu que les membres de la collectivité rencontrent les nouveaux membres élus du conseil consultatif afin de passer en revue les questions et les problèmes et de comprendre le point de vue de chacun.
Sur le plan financier, nous avons toujours appuyé la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, notamment l'Autorité financière des Premières nations et toute l'initiative d'émission d'obligations avec ou sans constitution de gage pour les Premières nations. Les Premières nations, notamment les municipalités, y compris Westbank, doivent disposer d'un moyen leur permettant d'emprunter de l'argent à bon marché pour créer l'infrastructure nécessaire. Les cotes de solvabilité sont extrêmement importantes pour garantir la crédibilité de notre capacité d'emprunt. Nous croyons que cette politique va nous ouvrir des portes, ainsi qu'à d'autres collectivités des Premières nations à l'échelle du Canada.
L'hypothèque des terres a également été un point d'importance. Nous avons travaillé sans relâche pour avoir une assise territoriale stable. Diverses institutions financières nous ont fait part de leurs préoccupations, car elles voulaient avoir un enregistrement foncier adéquat respectant l'ordre de priorité. Il est extrêmement important de créer à Ottawa un système d'enregistrement foncier des Premières nations efficace et crédible.
Nous préparons les documents relatifs aux baux, aux intérêts fonciers; c'est la responsabilité de notre service des terres, conjointement avec notre collectivité. Une fois toutes ces ententes préparées, les transactions doivent être enregistrées et l'enregistrement doit se faire correctement, tout en respectant l'ordre de priorité.
À l'heure actuelle, nous sommes assujettis à la Loi sur les Indiens qui prévoit que le système d'enregistrement foncier découle essentiellement de la politique. Aucun règlement ne s'applique à l'enregistrement des terres de réserve où que ce soit au Canada. C'est ce qui a créé des problèmes, notamment pour les institutions financières qui veulent bien prêter de l'argent dans la mesure où elles disposent d'une garantie absolue. Par conséquent, il est extrêmement important pour nous d'avoir des règlements adéquats relatifs au registre foncier ainsi qu'un service d'enregistrement qui respecte l'ordre de priorité et peut aller jusqu'à garantir ces enregistrements. La capacité d'hypothéquer les terres est essentielle pour le plan de développement à Westbank.
Le sénateur Fitzpatrick : Pourriez-vous donner plus de détails sur les baux de 99 ans? Vous avez été en mesure d'éviter les problèmes dont nous avons été témoins dans d'autres secteurs. Comment y êtes-vous arrivé?
M. Louie : Il est extrêmement important d'offrir une garantie aux investisseurs. Les baux de 99 ans visent non seulement les propriétés résidentielles mais aussi les magasins à grande surface et la plupart des développements commerciaux d'importance sur les terres Westbank.
Lorsque nous avons proposé les premiers baux à long terme en 1974, il s'agissait d'un nouveau concept dans la Vallée de l'Okanagan. Nous avons dû nous assurer que les titres soient en bonne et due forme pour que les investisseurs et les banquiers soient prêts à investir sur les terres de réserve. Il a été extrêmement important de respecter les engagements qui figurent dans les documents des baux.
Dans le passé, en vertu de la Loi sur les Indiens, les documents visant la plupart des collectivités des Premières nations ont été préparés par les fonctionnaires des Affaires indiennes qui y ont ajouté des clauses qui ont posé des problèmes. Je vous l'accorde, dans les collectivités des Premières nations — et il suffit de parler de Musqueam à titre d'exemple — au début des années 60, les terres avaient moins de valeur et cette Première nation n'a pas obtenu la valeur voulue à des fins de développement.
Si je ne me trompe, au bout de 35 ans, il a fallu se pencher de nouveau sur la question de la valeur des terres pour la faire davantage correspondre à celle en vigueur sur le marché. Cela ne s'est pas fait comme il l'aurait fallu, à cause de mésententes quant à la valeur de la terre qui a maintenant été déterminée par suite d'une affaire judiciaire.
Toutefois, le ministère des Affaires indiennes insérait des clauses qui créaient un précédent. Ces clauses ont créé des problèmes non seulement pour les collectivités des Premières nations, mais aussi pour les non autochtones vivant sur les terres de réserve. C'est la raison pour laquelle il est si important aujourd'hui d'examiner de très près nos structures de bail pour que l'investisseur — qu'il s'agisse d'investissements résidentiels et commerciaux — connaisse exactement les conditions et comment le tout fonctionne. C'est ce qui nous distingue des autres collectivités.
Le sénateur Fitzpatrick : Plusieurs de ces baux sont payés à l'avance, n'est-ce pas?
M. Louie : C'est exact. La plupart des promoteurs qui viennent à Westbank s'intéressent davantage aux baux prépayés, à long terme, sans qu'ils ne soient assortis de clauses de renouvellement tous les cinq ans ou 35 ans, et cetera. La plupart de nos baux de 99 ans sont payés d'avance, ce qui fait une grande différence.
Le président : Nous avons dépassé de 10 minutes le temps prévu pour le chef Louie et M. DeGuevara. Voulez-vous poursuivre cinq minutes de plus ou simplement passer aux témoins suivants?
Le sénateur Christensen : Si cela convient au chef, pourrions-nous présenter des questions écrites et lui demander des réponses que nous pourrions intégrer dans notre rapport? Nous aimerions savoir bien des choses au sujet des réalisations de Westbank.
Le sénateur St. Germain : Disposez-vous de renseignements sur les certificats de protection qui soient uniques, que vous pourriez nous donner par écrit — par exemple, comment décidez-vous des certificats et comment sont-ils cédés entre propriétaires? La propriété privée déterminée par les certificats de possession et le registre est un aspect essentiel de la question.
M. Louie : Absolument, cela peut se faire.
Le président : Sénateurs, Christine Rowland, de l'Okanagan Nation Alliance est notre prochain témoin.
Bienvenue; allez-y.
Christine Rowland, agente de développement économique, Okanagan Nation Alliance : Honorables sénateurs, merci de bien vouloir entendre un exposé de l'unité de développement économique de l'Okanagan Nation Alliance dans le cadre de vos audiences d'aujourd'hui.
Aux noms des chefs des sept bandes membres de la nation Okanagan et de notre président, le chef Stewart Phillip, nous nous joignons au chef Robert Louie et à son groupe pour vous accueillir sur le territoire de l'Okanagan.
La fonction de développement économique au niveau de la nation est relativement nouvelle et unifie l'approche au développement économique de nos sept collectivités membres. J'aimerais commencer par vous situer un peu dans le contexte, vous indiquer certaines des réussites que nous avons connues dans un laps de temps relativement court et ensuite vous faire part des observations de plusieurs de nos chefs qui se sont réunis plus tôt cette semaine pour discuter de certaines des questions qu'ils aimeraient vous présenter.
La fonction au niveau de la nation est très différente du travail de développement économique des bandes individuelles tout en lui étant complémentaire. J'espère que nous aurons la possibilité de répondre à vos questions. Je vais essayer de rattraper votre retard, mais je souhaite donner un peu plus de détails sur le cadre que nous mettons sur pied et sur ce que nous espérons réaliser à cet égard.
Vous connaissez probablement tous le contexte de la nation Okanagan. Toutefois, je vais le répéter, elle se compose de sept bandes membres. Du nord au sud, le long de la Vallée de l'Okanagan, il s'agit des bandes suivantes : la bande Okanagan dans la région de Vernon; la Westbank First Nation, dont vous venez juste d'entendre les représentants; Upper Nicola dans la région de Merritt; Penticton; Upper and Lower Similkameen; et Osoyoos.
Leur territoire traditionnel recouvrait une zone de plus de 69 000 kilomètres carrés. La partie nord de ce territoire était située près de Mica Creek, soit le Revelstoke d'aujourd'hui. La frontière est était marquée par le lac Kootenay. La frontière sud s'étendait jusqu'aux alentours de Wilbur, Washington, terre de nos cousins de l'Okanagan, la tribu Colville; et la frontière ouest s'étendait jusque dans la Vallée Nicola. Il s'agit effectivement d'une vaste région qui traverse de nombreux bassins hydrologiques et des environnements géographiques divers allant de milieux semi-arides jusqu'à des peuplements forestiers luxuriants. Aujourd'hui, le territoire de l'Okanagan est devenu l'une des régions dont la croissance est la plus rapide au pays — la région centrale de l'Okanagan.
Dernièrement, les bandes de l'Okanagan ont connu divers degrés de réussite en matière de développement économique. Les écarts sont vastes, puisque l'on observe des progrès importants au sein de bandes comme la bande Osoyoos, citées en exemple pour ce qui est du développement économique autochtone, ainsi que la Westbank First Nation, compte tenu de son emplacement et de son autonomie gouvernementale jusqu'aux autres bandes qui se situent à l'opposé ou entre les deux extrêmes, comme Lower Similkameen et Upper Nicola, bandes qui essayent désespérément de soutenir la concurrence et de tirer des avantages économiques dans leur cadre de vie souvent éloigné, fragmenté et qui manque de ressources et de capacité.
Les contrastes entre le contexte économique régional global et le cadre de vie de certaines bandes sont prononcés, si bien qu'il est difficile de parvenir à une nouvelle économie intégrée pour les collectivités des Premières nations de l'ensemble de la région. C'est à cause de l'aliénation et de la dépossession des terres ainsi que des modifications apportées à la Loi sur les Indiens qu'il a été impossible pour les Premières nations de progresser et d'assurer le développement durable de leurs collectivités, étant donné que la plupart de l'assise territoriale des réserves indiennes ne permet pas une viabilité à long terme.
C'est dans ce contexte de capacités diverses, de répartition inéquitable, de fragmentation et de pauvreté au sein des collectivités que la nation Okanagan s'est rendue compte qu'il fallait renforcer la nation en mettant l'accent sur le développement économique parallèlement et conjointement à l'initiative visant à confirmer les titres et les droits fonciers relatifs à son territoire traditionnel.
Les chefs de la nation Okanagan savent depuis très longtemps que le développement économique durable peut permettre de développer les actifs et donner accès à la prospérité financière; ainsi, les fonds peuvent être réinvestis pour bâtir des collectivités solides grâce à des programmes sociaux, environnementaux et culturels, tout en permettant de développer les capacités, de créer des emplois et d'offrir des emplois durables.
Étant donné que plus de 60 p. 100 de la population de la nation Okanagan se composent de jeunes, ce qui est contraire aux tendances générales de cette région et, encore une fois, que les taux de natalité sont bien au-dessus de la moyenne, ce problème ne cesse de s'amplifier.
Le conseil exécutif des chefs a approuvé la création d'une entité nationale de développement économique en octobre 2003. C'est ce qui a marqué le début d'une nouvelle époque et d'une nouvelle approche permettant de renverser le déclin et la privation, orientant le travail du conseil tribal grâce à des principes d'unité, de collaboration et d'innovation.
Les résolutions du conseil tribal qui figurent dans la documentation que nous vous avons remise aujourd'hui résument l'intention et la portée de l'unité de développement économique en tant que complément à l'entreprise au niveau des bandes, appui à l'entrepreneur et mécanisme de gestion des intérêts collectifs au niveau de la nation. C'est ce qui crée le cadre d'une approche globale et intégrée au développement économique autochtone à l'échelle de la région.
Pour faciliter cette approche globale et intégrée, nous avons prévu des plans d'action parallèles qui visent à inciter les chefs à travailler de façon descendante, avec les bandes et leurs membres, lesquels entraîneront le processus de façon ascendante. C'est une approche complète.
Nous reconnaissons qu'il faut adopter des approches de collaboration si l'on veut augmenter la croissance des entreprises, du développement économique des bandes et de la nation dans les collectivités des Premières nations. C'est ce qui s'impose si nous voulons répondre aux aspirations de nos collectivités et du Canada en matière de croissance durable et si nous tenons à ce que cette région atteigne son plein potentiel.
Des intervenants de nombreuses tables rondes, conférences et consultations auxquelles j'ai participé au cours des 18 derniers mois en tant qu'agente de développement économique ont fait l'éloge des approches régionales. À l'échelle nationale et internationale, la région — et non pas les municipalités ou les bandes — est reconnue comme étant l'entité et la mesure pertinente du développement économique. Nous essayons de souligner cette réalité en tant que collectivités des Premières nations dans la région participant de façon égale et intéressante à cette approche intégrée en même temps que l'ensemble du pays.
Nous avons fait d'importants progrès en très peu de temps et avons créé des alliances et prévu un cadre en vue d'améliorer la participation et la croissance économique. À l'heure actuelle, dans la vallée de l'Okanagan, un grand nombre de gens d'affaires, de représentants du gouvernement et d'agences régionales affiliées ont pris un engagement sans précédent pour travailler en collaboration en tant que région et participer à un processus visant à mettre sur pied une stratégie de développement économique pour l'ensemble de la vallée. Au cours des 18 premiers mois de notre fonction de développement économique, beaucoup de représentants des Premières nations et de l'ONA ont participé à la stratégie de partenariat de l'Okanagan. Ce processus de développement ouvre la porte à des connaissances, des points de vue et une énergie créatrice qui permet de produire un cadre contemporain pour une collaboration efficace susceptible d'aider les personnes intéressées à exploiter et à réaliser le plein potentiel de l'Okanagan.
Grâce à ce processus, l'ONA est reconnue comme étant le principal partenaire compte tenu du fait qu'en sa qualité d'organe régional, elle peut servir de point d'entrée globale pour toute initiative régionale lancée avec la collectivité de la Première nation. Le conseil exécutif des chefs a appuyé l'unité de développement économique pour sa participation constante à la stratégie et pour l'évaluation du potentiel de celle-ci, soit les opportunités offertes aux Premières nations. Nous avons été ravis de voir le sénateur Fitzpatrick lancer plusieurs de ces discussions et nous permettre de faire avancer les choses.
L'Okanagan Nation Alliance sera le moteur de l' « initiative prioritaire de la Première nation. » Pour ceux qui ne connaissent pas la stratégie de partenariat de l'Okanagan, les initiatives prioritaires sont les questions transsectorielles qui influent sur le succès de la stratégie dans son ensemble. L'initiative prioritaire de la Première nation est une initiative de longue date qui reconnaît que des mesures et des solutions progressistes s'imposent si l'on veut bâtir de nouvelles compétences de travail collaboratives au sein de la nation ainsi qu'entre diverses cultures.
L'agent de développement économique de l'ONA ainsi qu'une personne nommée par le conseil exécutif des chefs représentent la nation Okanagan comme gestionnaires de cette initiative au sein du conseil d'administration. Cette représentation a permis d'intégrer une perspective de la Première nation qui a pu ainsi s'exprimer à propos d'enjeux stratégiques, comme la restructuration de la Commission des eaux du bassin de l'Okanagan, tout en reconnaissant que la gestion des eaux est un élément clé de la durabilité économique de cette région.
Nous sommes membres d'une société de développement économique régionale nouvellement créée, où les agents de développement économiques de tous les districts régionaux de la région mettent sur l'accent sur les questions et opportunités collectives de développement économique. C'est également une première pour les agents de développement économique de cette région. Nous espérons que ce forum d'échanges et d'interaction au sujet des opportunités offertes dans la région et des questions d'intérêt commun sera des plus intéressant.
Nous avons recours à nos nouveaux partenariats pour assurer le marketing de la région de l'Okanagan — par exemple dans le domaine du tourisme — tout en sensibilisant davantage les gens à l'héritage, à la culture, aux arts de la Première nation et au tourisme. Les trousses qui vous ont été remises renferment quelques exemples de ce travail. À partir de ces documents, nous allons publier un magazine de 16 pages qui servira de guide sur le développement économique et l'entreprise au sein des sept Premières nations de notre région.
Nous mettons en place des programmes de renforcement des capacités et de formation des ressources pour développer l'entreprise, l'investissement au niveau des entreprises, des bandes et de la nation. Au bout de notre première année de fonctionnement, nous avons généré quatre fois le montant de l'investissement initial reçu du secteur privé pour créer le poste d'agent de liaison de développement commercial. Nous visons à sensibiliser toutes nos collectivités pour qu'elles préparent d'autres plans stratégiques et continuent de négocier d'autres ententes novatrices sur les pratiques forestières, afin de mettre sur pied la certification d'un système de gestion de qualité pour le lancement de l'Okanagan Nation Development Corporation. qui sera un organisme cadre indépendant chargé du développement économique de la région.
Nous allons également faire l'évaluation du développement économique des sept collectivités. Grâce à un autre processus, ces plans seront mis à jour uniformément, compte tenu des écarts observés, ce qui permettra de créer une autre interface avec la collectivité. Il s'agira d'une responsabilité supplémentaire du titulaire de ce poste qui sera chargé d'identifier les opportunités régionales sur lesquelles nous pouvons agir collectivement. Cette information sera intégrée dans une initiative de planification régionale à venir, lancée en partenariat avec l'Okanagan Partnership Group.
Notre fonction de développement économique, dont le financement a été amorcé à 100 p. 100 par le secteur privé jusqu'à présent, travaille avec des promoteurs pour explorer des projets d'investissement qui dynamiseront l'économie de l'Okanagan dans son ensemble. Toutefois, tout cela importe peu si nous ne sommes pas en mesure de renverser certains des obstacles importants à la participation économique entière et égale sur le marché.
Nos collectivités des Premières nations font l'objet de beaucoup d'attentes, surtout au moment où nous lançons ces processus et participons davantage. On nous demande de faire mieux, d'avoir une meilleure vision, de meilleurs objectifs; toutefois, si nous ne pouvons pas faire en sorte que ces collectivités répondent à ces demandes, nous mettrons à mal la crédibilité que nous nous efforçons d'obtenir.
Tous les efforts que nous avons menés jusqu'ici, et que nous entendons poursuivre à court terme, pour établir des relations, favoriser la participation aux processus, renforcer les capacités et encourager l'élaboration de propositions, seront vains si les collectivités des Premières nations ne peuvent avoir accès aux terres et aux ressources. Il existe un lien inextricable entre l'absence d'accès aux ressources et la pauvreté. Il existe un lien inextricable entre la pauvreté et les disparités grandissantes observées au chapitre de la santé et de l'éducation, ce qui fait qu'il est pratiquement impossible de renforcer les capacités.
Les modèles de développement économique, comme celui qui est en train d'être élaboré par l'Alliance de la nation Okanagan au niveau du conseil tribal, modèles qui sont intégrés aux initiatives générales de développement économique, interagissent avec le développement économique des bandes et soutiennent les entrepreneurs, ne peuvent être utilisés pour favoriser seulement l'allocation de fonds pour les projets. Ils ont besoin d'un financement de base important, ce que ne prévoit pas le régime actuel du Canada, où environ 8 p. 100 du financement est consacré au développement économique, et plus de 80 p. 100, aux programmes sociaux.
Sans aide pour financer les modèles et les initiatives de développement économique des Premières nations, qui devraient permettre de générer de la richesse, de la redistribuer aux actionnaires — dans ce cas-ci, les collectivités —, et de l'investir dans des programmes sociaux adaptés aux besoins locaux, nous ne pourrons, malgré tous les efforts déployés pour établir des relations et renforcer les capacités, améliorer la situation économique, l'autosuffisance et la viabilité à long terme des Premières nations et, partant, l'économie canadienne en général.
Nous partons du principe que si vous ne faites pas partie de la solution, vous faites partie du problème. Cela dit, nous souhaitons proposer des solutions qui devraient donner lieu à des changements concrets et aider le Canada à atteindre son objectif, qui est d'éradiquer la pauvreté chez les Autochtones d'ici dix ans.
D'abord, les chefs ont demandé que l'on respecte l'arrêt Delgamuukw. Le gouvernement fédéral doit fournir une aide financière qui correspond aux critères énoncés dans le jugement Delgamuukw, assurer l'accès aux ressources hors réserve et favoriser les possibilités d'investissement dans les entreprises hors réserve. En effet, pour la plupart des collectivités, sauf quelques exceptions, les possibilités d'investissement réelles se trouvent à l'extérieur des réserves.
Nous devons provoquer des changements concrets et améliorer le financement de base en faveur du développement économique des collectivités des Premières nations. Nous devons appuyer les efforts déployés en vue de renforcer les capacités de développement économique des Premières nations, et ce, pour qu'elles puissent améliorer la qualité de vie au sein des collectivités et des régions.
Nous avons besoin d'aide pour favoriser la compréhension et le respect. Nous devons établir des liens étroits entre les Premières nations et les initiatives générales de développement économique en encourageant, dès le début, leur participation au processus. Prenons l'exemple de la stratégie de planification régionale. Depuis de nombreuses années, et je vous invite à jeter un coup d'œil aux cartes des districts régionaux, les terres des RI sont délimitées. Il n'y a rien à l'intérieur de celles-ci. Les processus de planification à l'intérieur des districts régionaux, et dans les régions, n'incluent pas les Premières nations. Il est très difficile d'établir des partenariats égaux et de créer de nouvelles réalités quand nous ne figurons même pas sur l'écran radar dans de nombreuses circonstances.
Il faut encourager la participation aux processus dont le financement profite à l'ensemble de la société. Le partenariat établi avec la nation Okanagan constitue, à cet égard, un modèle à suivre. Nous devons favoriser le financement de processus qui tiennent compte des différences culturelles — pour éviter, comme nous le faisons maintenant, de faire du rattrapage, de concevoir des projets additionnels qui se fondent sur les résultats de ces études et les activités menées au sein des collectivités des Premières nations.
Dieu merci, dans le cas du projet de partenariat avec la nation Okanagan, nous avons de bonnes relations de travail et nous sommes en train d'établir d'autres alliances pour éviter, à l'avenir, ce genre de situations. Toutefois, il s'agit là d'une leçon et d'une expérience qui se produit de façon répétée dans les collectivités du pays.
Le financement doit être structuré de manière à soutenir de manière adéquate les approches holistiques et intégrées qui sont adoptées à l'égard du développement économique. Les projets de développement économique devraient avoir pour objectif de favoriser la croissance économique au niveau de l'entreprenariat, des bandes et des nations. Il faut éviter de financer les structures qui favorisent les projets de développement économique au détriment de certains autres.
Nous essayons, et je m'exprime ici en tant qu'agente de développement économique, de mettre au point une approche régionale — qui est la bonne, pour ce qui est du développement économique — à ces trois niveaux, sauf qu'il est difficile, compte tenu des fonds limités qui existent, les initiatives étant souvent financées de façon ponctuelle, d'élaborer certaines projets. Certaines bandes jugent cette démarche concurrentielle. Elles estiment que le financement d'un projet — voire l'élaboration de l'idée ou du concept — risque d'empêcher certaines bandes d'avoir accès à des fonds.
Si l'approche régionale constitue vraiment la voie à suivre — et si nous voulons être en mesure de l'intégrer aux formules adoptées par les autres régions, qui semble être la solution privilégiée de manière générale —, nous devons avoir accès à du financement. Nous ne pouvons pas livrer concurrence à nos propres membres.
Il y a deux jours, nous avons rendu hommage à Mme Doreen Spence, à Kelowna. Aînée de la Nation crie, elle est candidate au prix Nobel de la paix de 2005. Elle a déclaré qu'il était beaucoup plus simple de changer la situation des Autochtones au Canada de l'extérieur que de l'intérieur.
Les habitants de l'Okanagan sont prêts, à tous les niveaux, à changer la nature des liens qu'ils entretiennent avec les gouvernements fédéral, provincial, municipal, régional et local, pour le bien-être de la société canadienne, qui est perçue comme une société juste. Le développement économique est l'un des facteurs qui peut contribuer à favoriser un tel changement de manière significative et progressive.
Merci de nous avoir donné l'occasion de participer à cette discussion et de partager avec vous nos expériences, nos espoirs et nos aspirations en faveur de changements concrets.
Le sénateur St. Germain : Le chef Louie a dit que les négociations menant à la conclusion d'un traité avec la Colombie-Britannique et le Canada se poursuivent. Savez-vous où en sont les discussions?
Mme Rowland : Il n'y a pas beaucoup de bandes de la nation qui participent à ce processus de négociation. La Première nation de la Westbank est la seule à bénéficier d'une autonomie gouvernementale. Les autres sont, à divers degrés, en voie d'atteindre cet objectif. La Colombie-Britannique est reconnue comme étant une province où il reste encore beaucoup de questions à régler au niveau des titres et des droits. Nous affichons à cet égard un bilan négatif. Je rencontre régulièrement des investisseurs qui travaillent avec des bandes ou souhaitent collaborer avec elles. Nous ne pouvons pas, au-delà d'un certain point, aller plus loin en raison des questions qui restent à régler.
Le sénateur St. Germain : Le fait que ces traités n'ont pas été négociés en bonne et due forme nuit au développement économique. C'est bien ce que vous êtes en train de dire?
Mme Rowland : C'est un obstacle énorme qui influe sur les priorités de la Première nation, même dans cette région. Il s'agit là d'un problème de longue date qu'il faut régler.
Le sénateur St. Germain : Est-ce que toutes vos revendications territoriales particulières dans la région ont été réglées?
Mme Rowland : Pas à ma connaissance.
Le sénateur Zimmer : Vous avez parlé des jeunes, des préoccupations grandissantes que vous avez — ces jeunes représentent notre présent et notre avenir. Les arts et la culture constituent un bon moyen de les intégrer. J'ai lu brièvement dans une brochure que vous avez là-bas un groupe artistique assez actif. Vous organisez tous les ans, depuis 10 ans, un festival du saumon. Avez-vous une stratégie, un programme qui permet aux jeunes qui participent à des activités artistiques et culturelles de partager leurs expériences non seulement avec la collectivité, mais également avec d'autres associations provinciales, et peut-être d'autres jeunes à l'échelle du pays? Est-ce que vous invitez les organismes de différentes régions du pays à partager leurs expériences dans le cadre, par exemple, d'activités interculturelles?
Mme Rowland : En tant que nation, nous essayons, entre autres, de trouver des moyens de promouvoir le tourisme et les activités culturelles dans notre région. En janvier 2005, nous avons organisé une conférence de deux jours, qui a été un véritable succès, sur le développement des produits touristiques et culturels autochtones. Plus de 200 représentants y ont pris part. La conférence a permis d'établir des liens avec plusieurs autres organismes comme la Thompson Okanagan Tourism Association et l'Okanagan Cultural Corridor.
Nous collaborons également avec Aboriginal Tourism BC. Forts des premiers succès que nous avons obtenus, côté marketing et partenariat, avec quelque 16 entreprises de la région, nous avons discuté, avec le bureau du tourisme, de la possibilité de permettre aux entrepreneurs de la région de l'Okanagan de participer à un projet-pilote qui consisterait à étendre la stratégie du bureau à l'ensemble des régions de la province. Nous aimerions aller de l'avant avec ce projet en créant, officiellement, l'association touristique de la nation Okanagan.
Nous participons régulièrement à des rendez-vous interculturels. Le centre d'apprentissage culturel de la nation Okanagan est situé à Penticton, dans le centre En'owkin. Nous profitons de toutes les occasions qui s'offrent à nous pour organiser des activités qui mettent l'accent sur la sensibilisation, le renforcement des capacités, ainsi de suite. Nous prévoyons offrir des ateliers, de concert avec l'agent de développement des entreprises, pour encourager la création d'entreprises dans la région, fournir des conseils individualisés, faciliter l'obtention de financement pour les initiatives d'entreprenariat et assurer la promotion de celles-ci.
Nous prévoyons, par ailleurs, élaborer un projet auquel prendraient part toutes les bandes de la nation, et qui permettrait aux jeunes de la nation Okanagan d'obtenir une formation industrielle. Cela leur donnerait la possibilité de participer à la mise au point de produits touristiques et culturels, à partir de la base jusqu'au niveau de la gestion.
Le sénateur Zimmer : J'ai déjà été président du Royal Winnipeg Ballet. Je me suis rendu compte, quand j'occupais ce poste, que les jeunes, s'ils en avaient l'occasion, étaient prêts à participer à ce genre d'activités. Cela leur permettait de voyager de par le monde. Ils étaient d'excellents ambassadeurs, et nous en profitions aussi. C'est une très belle occasion pour eux de rester sur la bonne voie.
Le sénateur Fitzpatrick : Vous avez fait deux commentaires intéressants, madame Rowland. D'abord, vous avez déclaré qu'il fallait améliorer l'éducation et la formation des jeunes. Je sais qu'il existe de très bons programmes à la UBC Okanagan. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
Ensuite, vous avez insisté sur la nécessité d'élaborer des programmes de développement économique. Nous avons, depuis un an ou deux, délaissé un peu ce champ d'activité. Je pense que nous devrions nous y intéresser de nouveau et fournir des fonds pour certains des projets qui ont vu le jour dans l'Okanagan. Je songe, par exemple, à ce que la nation Westbank et la bande Osoyoos ont accompli sur le plan du développement économique, grâce aux fonds qu'elles ont obtenus.
Mme Rowland : Il y a certaines choses qui méritent d'être mentionnées. D'abord, l'éducation. Oui, nous sommes en train d'établir un très bon partenariat avec la UBC. Nous nous attendons à ce que l'arrivée de l'agent de développement des entreprises autochtones génère un haut niveau d'activité, puisque l'agent fournira surtout des services de préévaluation et des conseils aux entrepreneurs. Toutefois, il reste des problèmes fondamentaux à régler. Nous essayons, par tous les moyens, d'interagir avec le secteur privé, d'encourager les jeunes à poursuivre leurs études, de récompenser les étudiants de douzième année en leur décernant des bourses pour les encourager à aller de l'avant avec leurs études.
Nous espérons, par ailleurs, que l'agent de développement des entreprises parviendra, à long terme, à créer de nouvelles entreprises, de nouveaux modèles à suivre au sein de la collectivité. Il est important de renforcer la capacité résiduelle et d'établir des modèles à suivre au sein des collectivités parce que ce sont elles qui vont subir de gros changements. Toutefois, c'est un processus qui prend du temps. Parallèlement, nous avons une population qui ne cesse de croître.
Il s'agit là d'un domaine très complexe. La santé et l'éducation sont des composantes importantes qui influent sur la participation au développement économique. Nous aimerions que le financement des programmes de développement économique soit assuré — non pas les projets en tant que tels, mais les programmes à plus long terme —, parce que cela nous permettrait de créer des entreprises et de générer de la richesse qui, elle, pourrait être réinvestie dans des programmes sociaux au niveau local — des programmes qui sont mieux ciblés et qui sont adaptés aux besoins des collectivités. Le développement économique, la santé et l'éducation contribuent, ensemble, à développer le potentiel.
Quelle était la deuxième partie de votre question?
Le sénateur Fitzpatrick : Vous venez d'en parler — la nécessité d'investir davantage dans le développement économique.
Mme Rowland : Nous avons connu de sérieuses difficultés, notamment avec la formule de financement axée sur la région ou le conseil tribal, qui est nécessaire si l'on veut profiter de toutes les retombées et participer pleinement à l'activité économique.
Nous avons assisté à l'effondrement du programme de développement économique mis sur pied par le MAINC. Heureusement, nous avons établi de bonnes relations de travail avec les responsables de la Diversification de l'économie de l'Ouest et Entreprise autochtone Canada. Même la province a commencé à appuyer certaines de nos initiatives, comme la création d'un poste d'agent de développement des entreprises. Toutefois, ce soutien reste ponctuel. Nous aurons besoin, au cours des 10 prochaines années, d'une aide financière plus importante pour consolider nos assises et poursuivre nos efforts.
Vous avez entendu le point de vue de la nation de Westbank, qui dispose de terres de réserve viables sur le plan économique. En ce qui nous concerne, nous devons, pour pouvoir participer à des projets d'immobilisations ou d'investissements, avoir accès à des ressources hors-réserve qui contribueront à favoriser le développement économique à long terme. Nous avons les compétences voulues. Nous sommes en train de renforcer nos capacités, et nous savons quelles sont les possibilités qui s'offrent à nous. Toutefois, nous avons besoin d'aide, chose que nous n'avons pas eue jusqu'à maintenant.
Le sénateur Fitzpatrick : Vous êtes confrontés à deux problèmes : d'abord, vous ne savez pas ce à quoi vous avez droit, qu'il s'agisse de ressources ou peu importe. Vous avez parlé du jugement Delgamuukw. Encore là, on nage dans l'inconnu.
Ensuite, comme le chef Louie l'a mentionné, vous ne pouvez pas hypothéquer vos terres. Vous devez avoir accès à du financement provisoire pour encourager le développement économique, parce que vous ne pouvez recourir aux méthodes plus traditionnelles de financement. Est-ce exact?
Mme Rowland : Oui. Nous n'avons pas accès aux mécanismes traditionnels.
Le président : Merci, madame Rowland. Nous allons maintenant entendre Manny Jules, de la Commission consultative de la fiscalité indienne. Bienvenue. Vous venez souvent à Ottawa, mais c'est avec grand plaisir que nous vous accueillons.
Clarence (Manny) Jules, président, Commission consultative de la fiscalité indienne : J'ai été très heureux de revoir le chef Louie. Nous avons dîné ensemble, hier soir, et parlé des différentes activités auxquelles nous avons participé au fil des ans. J'ai parcouru la région de l'Okanagan avec mon père, qui a été chef, à Kamloops, de 1961 à 1971. J'ai visité la réserve de l'Okanagan, la réserve Westbank et la réserve d'Osoyoos, à l'époque où Jimmy Stelkia était chef, il y a de nombreuses années de cela. C'est à ce moment que j'ai été initié à la politique à l'extérieur de ma collectivité.
En 2000, alors que j'assumais les fonctions de chef, la nation Secwepemc, aussi appelée Shuswap, et la nation Okanagan ont négocié le traité de Fish Lake, qui constituait un accord de paix entre nos deux nations. Comme nous sommes une nation de tradition orale, nous avons également mis sur pied un programme d'échange à l'intention des enfants de nos deux collectivités pour renforcer la notion que non seulement nous travaillons ensemble, mais que nous sommes également une famille. Cela dit, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à venir vous parler du développement économique des Autochtones.
J'ai beaucoup de respect pour le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je vous ai rencontré à quelques reprises, dans le passé, pour parler de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations. Grâce à votre appui, la loi a reçu la sanction royale le 23 mars cette année. Je tiens notamment à remercier le président, le sénateur Nick Sibbeston, et le sénateur St. Germain pour tout le travail qu'ils ont accompli dans ce dossier. N'eût été de cela, il n'y aurait pas eu de sanction royale. Je tiens également à remercier le sénateur Fitzpatrick, qui a parrainé ce projet de loi.
Cette loi va nous permettre d'améliorer nos économies. Elle fait partie d'une stratégie qui vise à confirmer, par voie législative, la place que nous occupons au Canada et dans l'économie canadienne.
Pour comprendre notre stratégie, vous devez avoir une idée de la façon dont la plupart de nos économies fonctionnent. Nos ressources proviennent, en règle générale, des transferts fédéraux. Nous ne possédons que quelques entreprises. Cela veut dire que les transferts sont tous immédiatement dépensés à l'extérieur des réserves. Quand on cherche à savoir où sont allés les 8 milliards de dollars reçus en transferts, nous répondons : dans l'économie canadienne. Nous ne voulons pas nous contenter d'appuyer l'économie canadienne. Nous voulons en faire partie.
Imaginez si notre économie ressemblait à celle du reste du Canada, si les entreprises investissaient dans nos terres, réalisaient un retour sur leur investissement, prenaient de l'expansion et recrutaient un plus grand nombre de travailleurs. La construction domiciliaire sur nos terres connaîtrait un véritable essor. L'économie florissante entraînerait une hausse des recettes fiscales des gouvernements. Imaginez maintenant ce qui arriverait si nous utilisions ces recettes pour améliorer nos infrastructures et les services offerts au public. La qualité de nos infrastructures et des services attirerait un plus grand nombre d'entreprises sur nos terres.
Il n'est pas difficile pour vous d'imaginer une chose pareille. C'est ce que vivent actuellement l'Alberta et la Colombie-Britannique, mais pas, malheureusement, nos collectivités, même celles qui se trouvent dans ces deux provinces. Pourquoi?
L'histoire suivante va vous éclairer. Il y en a des centaines comme celle-là.
En 1994, année où j'étais chef, un grand entrepreneur autrichien a proposé d'entreprendre un projet de construction domiciliaire sur nos terres. Il nous a fallu six mois environ pour négocier les modalités de l'entente. Il nous a ensuite fallu deux ans pour établir un régime foncier adéquat. La négociation de l'entente a coûté un million de dollars. L'établissement d'un cadre juridique pour l'ensemble domiciliaire a coûté un autre 500 000 $. Il a fallu débourser 10 millions de dollars pour construire une usine de traitement des eaux usées. Il a fallu quatre ans et demi, et environ 18 millions de dollars, pour entreprendre la construction des logements.
On peut dire, aujourd'hui, que le projet a été un succès. Il y a plus de 250 maisons à Sun Rivers. Bon nombre d'entre elles valent plus de 400 000 $. De nombreuses maisons sont occupées par des membres des Premières nations. C'est un modèle que de nombreuses autres collectivités voudront copier.
Toutefois, quatre ans et demi, c'est trop long pour tirer parti d'un grand projet ou d'un investissement. Nous devons prendre les mesures qui s'imposent afin qu'il soit plus facile de lancer, ailleurs, des projets comme celui de Sun Rivers.
Les premières nations ont besoin du secteur privé. Au total, 80 p. 100 des investissements au Canada sont privés. Quatre emplois sur cinq sont créés par le secteur privé. C'est plutôt l'inverse qui se produit sur nos terres. Au moins 80 p. 100 des investissements sur les terres des premières nations sont publics. Quatre emplois sur cinq sont créés par le secteur public. Il faut rectifier la situation.
L'équilibre privé-public n'a pas fonctionné en Europe de l'Est et ne fonctionnera pas ici. Nous ne pouvons mettre les choses en équilibre si les coûts à payer pour faire affaire sur nos meilleures terres demeurent de quatre à six fois plus élevés que les coûts d'exploitation hors-réserve. Les investisseurs vont continuer d'aller là où il y a plus de certitude et des rendements plus élevés.
On vous a sans doute proposé deux moyens de régler les problèmes causés par la faiblesse des investissements privés. La plupart des propositions s'attaquent aux symptômes. Un secteur privé absent signifie pauvreté. Les symptômes de la pauvreté se manifestent par une augmentation des coûts en matière de soins de santé, d'aide sociale, de logement et d'éducation. Or, nous continuons de vivre dans la pauvreté au fur et à mesure que notre population augmente, et nos besoins en ressources vont en s'agrandissant. Nous n'avons d'autre choix que de nous attaquer, à court terme, aux symptômes.
Malheureusement, nous ne pouvons pallier l'absence du secteur privé par des ressources publiques. Cette solution n'est pas viable.
En dix ans, un travailleur sur dix sera Autochtone. Ce phénomène va se produire au moment même où le nombre de travailleurs qui supportent les retraités passera de quatre à moins de trois. Nous ne pouvons nous permettre de répondre aux besoins et des Canadiens âgés dont l'état de santé laisse à désirer, et des jeunes Autochtones pauvres au moyen d'une assiette fiscale plus lourde.
D'aucuns soutiennent que nous devons subventionner le secteur privé pour qu'il puisse investir dans les terres des premières nations. Encore une fois, on s'attaque aux symptômes : les coûts à payer pour faire des affaires sont trop élevés, alors compensons les investisseurs pour les risques élevés qu'ils prennent. Les subventions peuvent s'avérer utiles à court terme, mais cette solution, encore une fois, n'est pas viable.
Il existe un autre moyen de régler le problème : s'attaquer non pas aux symptômes, mais aux déficiences du marché sur nos terres.
Trois grands facteurs sont à l'origine de ces déficiences. Mentionnons d'abord les problèmes structurels : des infrastructures qui laissent à désirer, l'incertitude entourant le régime foncier, l'incertitude entourant les compétences et le faible nombre de décisions prises à l'échelle locale.
Il y a ensuite le fait que les terres indiennes n'ont pu profiter du marché depuis l'adoption de la Loi sur les Indiens. Les conséquences sont les suivantes : absence de compétences en facilitation des investissements, absence de politiques et de procédures, information de piètre qualité et mauvaise réputation du marché.
Enfin, il y a l'absence de capitaux et de planification du capital humain. La valeur nette de nos logements ne nous permet pas de générer les capitaux dont nous avons besoin pour profiter des occasions se présentent. Nous devons avoir accès aux capitaux des entreprises. La formation ne fait plus partie des avenues de développement économique local. Nous devons rétablir le lien qui existe entre la formation et l'emploi.
J'ai consacré une bonne partie de ma carrière à trouver des moyens de venir à bout de ces déficiences. Des progrès sont en voie d'être réalisés. La Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations établit quatre organismes conçus pour favoriser la construction d'infrastructures, fournir plus de certitude aux investisseurs et améliorer la qualité des informations financières et statistiques. La Loi sur la gestion des terres des Premières nations pourrait réduire l'incertitude qui entoure l'utilisation des terres. Elle pourrait aider les Premières nations à décider, localement, de l'utilisation qui sera faite des terres au rythme exigé par le monde des affaires. Le projet de loi sur le développement commercial et industriel des Premières nations pourrait nous permettre d'avoir accès à un processus d'autorisation environnemental comparable à celui des provinces.
Il s'agit là de mesures importantes. Il reste toutefois encore beaucoup de travail à faire. D'abord, nous devons établir un marché libre du logement sur les terres des premières nations. Nous avons nous aussi droit à un logement et à de la richesse, droit que les autres Canadiens tiennent pour acquis.
La plus grande source d'investissement privé au Canada demeure la construction résidentielle. Cette source est, dans une large mesure, absente de nos terres. Nous devons permettre à nos membres d'avoir accès au marché en utilisant, comme outil, la valeur de leurs maisons. Voilà comment les autres Canadiens soutiennent le marché. Nous devons faire la même chose pour nos membres.
Comme nous l'avons vu dans ma collectivité, cet objectif peut-être atteint au moyen de baux à long terme. Plusieurs membres des Premières nations ont acheté des maisons dans le projet de Sun Rivers. Certains ont réalisé un gain en capital après avoir vendu leur logement. C'est là une partie de la solution. Les Premières nations qui participent à de tels projets vont pouvoir construire plus de logements. Nous estimons que nous pourrions construire au moins cinq fois plus de maisons avec le montant d'argent que nous consacrons actuellement à nos logements.
Peut-être plus important encore, notre proposition permettra aux personnes d'accroître la valeur nette de leurs maisons. Elles ont besoin de cet argent pour lancer des entreprises. Elles seront également en mesure de marchander en vue d'obtenir la meilleure hypothèque possible, tout comme le font les autres Canadiens. De nombreuses personnes demeurent toutefois sceptiques. Je vous invite à venir faire un tour à Sun Rivers. Imaginez les possibilités qui pourraient être créées si d'autres premières nations utilisaient ce modèle.
Par ailleurs, nous avons besoin d'un régime d'enregistrement foncier en bonne et due forme pour garantir les titres fonciers. En absence d'un tel régime, nos terres vont continuer d'être sous-évaluées par les investisseurs. Nous allons continuer de vendre des terres à bail pendant que le marché, lui, exige des titres inattaquables.
Nous devons créer un centre de formation en fiscalité pour les Premières nations. Il n'existe pas de centre qui nous permet d'acquérir les compétences dont nous avons besoin pour assurer le développement économique des Premières nations. Ce centre pourra être partagé avec d'autres Premières nations.
La Commission fiscale des Premières nations a pour mandat de transférer le savoir en matière de développement économique à nos collectivités. La Commission consultative de la fiscalité indienne a acquis 15 années d'expérience et de crédibilité auprès de nos collectivités. Le centre de formation en fiscalité nous permettra de partager nos connaissances et nos modèles avec d'autres collectivités.
Enfin, nous devons mettre sur pied, à l'intention des Premières nations, un programme d'infrastructures similaire à ceux que l'on trouve dans les provinces. En effet, les provinces se sont rendu compte que les petites collectivités étaient coincées dans le piège du développement. Elles avaient besoin d'infrastructures pour attirer des investissements, et aussi des recettes pour construire ces infrastructures. En fournissant aux gouvernements locaux des subventions initiales, les petites collectivités ont été en mesure d'attirer les investissements et de devenir plus autonomes. À long terme, cette mesure permettra aux provinces de réaliser des économies. Nous proposons un programme d'infrastructures similaire qui servira de complément aux initiatives prévues par la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations.
Cette stratégie a des retombées positives. Il y a au moins 200 collectivités qui bénéficient d'une position concurrentielle avantageuse, et ce, grâce à leur emplacement et aux ressources ou à la main-d'œuvre qu'elles possèdent. Toutefois, elles n'ont pas accès aux institutions du marché que les autres Canadiens tiennent pour acquis.
Nous aurons droit à un avenir brillant si nous travaillons ensemble. Les Premières nations constituent, au même titre que Calgary et Vancouver, une source de croissance économique. Nous sommes aussi productifs que les autres Canadiens. Imaginez le legs que nous pourrions laisser à nos enfants. Notre avenir dépend de votre rapport.
Le Sénat a démontré qu'il est disposé à emprunter la voie la moins fréquentée. Ses recommandations visant les soins de santé n'ont pas été formulées parce qu'elles étaient politiquement populaires, mais parce qu'elles se voulaient une évaluation juste de la situation et des causes à l'origine des problèmes.
Je m'attends à ce que vous fassiez preuve du même courage, de la même sagesse et de la même vision quand vous allez présenter vos recommandations sur le développement économique des Autochtones. Je n'ai pas accepté cette invitation parce que je pensais que le Sénat approuvait ou acceptait le statu quo.
Le sénateur St. Germain : Concernant le registre des terres des Premières nations, et le chef Louie en a lui aussi parlé, croyez-vous que ce registre devrait être établi avec l'aide du MAINC?
M. Jules : Le MAINC ne fait pas partie de ma vision de l'avenir.
Le sénateur St. Germain : Le président et moi avons dit exactement la même chose, hier, à Vancouver — il est temps que le MAINC disparaisse de façon gracieuse.
Est-ce que le registre des terres des Premières nations ressemblerait au régime d'enregistrement foncier de la Colombie-Britannique qui, lui, s'inspire du régime Torrens, où les titres de propriété sont inattaquables?
M. Jules : Le régime d'enregistrement foncier de la Colombie-Britannique figure parmi les meilleurs au monde. Il pourrait, bien entendu, servir de modèle. Nous avons besoin d'institutions nationales qui vont contribuer à faciliter la croissance et le développement économique. Nous ne pouvons, sans registre des terres bien établi, avoir des titres qui sont jugés inattaquables. Nous risquons de nous retrouver dans la même situation que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Par exemple, pour pouvoir régler des questions touchant les biens matrimoniaux à l'intérieur des réserves, nous avons besoin d'un intérêt enregistrable. Pour pouvoir régler des questions touchant les autoroutes, nous avons besoin d'un intérêt enregistrable. Nous ne voulons pas être obligés de passer par les gouvernements fédéral et provincial.
Si nous voulons avoir le genre de certitude qui est requis pour assurer le développement de nos terres, nous avons besoin d'un registre des terres bien structuré. Nous ne pouvons, à cet égard, nous fier à ce que dit la Loi sur les Indiens.
Le sénateur St. Germain : Pourrait-on intégrer ce registre au régime d'enregistrement foncier de la Colombie-Britannique, au lieu de créer un nouveau système?
M. Jules : J'ai eu plusieurs discussions à ce sujet avec certains membres du conseil du bureau d'enregistrement de la Colombie-Britannique. Je prévois les rencontrer de nouveau cet automne. Nous pourrions les utiliser comme modèle. Toutefois, comme il s'agit d'un problème à caractère national, il faudrait, à mon avis, créer des institutions propres aux Premières nations. Toutefois, je suis disposé à collaborer, comme nous l'avons déjà fait, avec la B.C. Assessment Authority, par exemple. Nous avons besoin de ce genre d'expertise. Nous devons besoin des connaissances des institutions qui existent depuis longtemps pour mettre sur pied des institutions propres aux Premières nations.
Le sénateur St. Germain : Comme vous le savez, le régime Torrens constitue le meilleur moyen de protéger les titres.
M. Jules : Absolument. L'ouragan Katrina et les inondations qui sont survenues en Nouvelle-Orléans ont entraîné la disparition d'un grand nombre de documents historiques qui faisaient partie du registre des terres. Nous ne voulons pas que la même chose se produise ici. Il existe, heureusement, des moyens de contourner ce problème.
Le sénateur Fitzpatrick : Je tiens à vous remercier pour le leadership dont vous avez fait preuve dans le passé, surtout lors de l'adoption de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations. Je trouve fort intéressante la liste des initiatives que vous entendez poursuivre.
Pouvez-vous nous donner une idée des progrès qui ont été accomplis depuis que la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations a reçu la sanction royale?
M. Jules : Comme vous le savez, n'eût été de l'appui des sénateurs, la loi n'aurait pas reçu la sanction royale. Je le dis sincèrement. Depuis, nous avons convenu que la loi allait entrer en vigueur le 1er avril.
Ce qui m'inquiète, entre autres, c'est que le ministère des Affaires indiennes nous considère uniquement comme un moyen de fournir des services aux collectivités autochtones. Il y a, entre nous, un différend idéologique. Cette façon de penser fait partie de leur philosophie. Or, je n'ai pas passé les deux dernières décennies de ma vie à devenir un mécanisme pour le ministère des Affaires indiennes. La création d'institutions doit se faire pas à pas, tout comme le mur de Berlin a été démoli brique par brique. Il ne sera pas reconstruit. Nous avons rencontré récemment le ministre Scott et il nous a rassuré à ce chapitre, à notre grand plaisir.
Nous voulons que la loi entre en vigueur dès le 1er avril. Au début de septembre, nous avons eu une rencontre incroyable avec environ trois quarts des collectivités des Premières nations du Canada. Nous avons discuté de l'impôt foncier. Elles ont dit, essentiellement, « Manny, nous t'entendons parler de cela depuis longtemps. Le moment est venu d'agir. »
Voilà pourquoi je propose que l'on mette sur pied un programme d'infrastructures, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, ainsi qu'un centre de formation en fiscalité. D'autres questions doivent être réglées en priorité. Celles-ci figurent parmi les plus importantes.
Il va falloir du temps pour changer la notion selon laquelle le secteur public doit représenter 80 p. 100 de tous les investissements sur les terres des Premières nations. Nous aurons besoin d'institutions pour y arriver.
Le président : Merci, monsieur Jules. Nous allons maintenant entendre Ruth Williams, de la All Nations Trust Company.
Ruth Williams, PDG, All Nations Trust Company : Honorables sénateurs, bonjour. C'est un plaisir de vous rencontrer. Je vais essayer de respecter le temps de parole qui m'a été alloué. J'ai distribué de la documentation, ainsi qu'un exposé en PowerPoint, au cas où vous souhaiteriez prendre des notes.
Nous considérons la All Nations Trust Company comme un modèle à suivre. Je vais vous donner un bref aperçu de notre historique.
L'absence d'accès à des capitaux constitue un des principaux obstacles au développement économique. Nous sommes pleinement conscients des problèmes que posent les questions d'attitudes et de sécurité à l'intérieur des réserves. Certaines bandes jugeaient que nous avions besoin de notre propre intermédiaire financier. D'où leur décision d'investir dans la All Nations Trust Company.
Le mot « panautochtone » semble être à la mode aujourd'hui. Notre entreprise appartient aux bandes, aux conseils tribaux, aux particuliers — les Indiens inscrits, non inscrits et les Métis. Tous étaient d'avis que si l'on parvenait à créer une institution qui permettrait d'ouvrir des portes et de fournir des capitaux aux entreprises, on arriverait à surmonter un des principaux obstacles.
Il y a 183 actionnaires qui ont investi plus de 1 million de dollars dans l'entreprise. C'est là une des raisons de notre succès. Quand les gens viennent nous voir pour obtenir du financement, nous voulons qu'ils injectent des capitaux et qu'ils aient quelque chose à perdre si l'entreprise fait faillite. C'est la même chose avec notre propre institution.
Nous avons examiné les exigences fiduciaires de nos clients et avons décidé que l'idéal serait de créer une société qui serait dotée d'une capacité fiduciaire. Nous sommes aujourd'hui constitués en société de fiducie en Colombie-Britannique. Ce facteur a lui aussi contribué à notre succès. Pour réussir en affaires, il faut avoir une structure de gouvernance. Nous avons appliqué ce principe avec soin, ce qui nous a permis de mettre en place les outils gouvernementaux nécessaires pour gérer l'entreprise. Nous essayons de ne pas tenir compte des considérations politiques. Toutefois, je dois admettre que le fait d'être une institution réglementée nous a permis d'aller de l'avant et de nous concentrer uniquement sur le volet affaires.
Notre action, d'une valeur d'un dollar à l'origine, vaut aujourd'hui 9,16 $, ce qui offre un bon rendement à nos investisseurs, puisque leur placement a réalisé un gain de plus de 50 p. 100 et que notre rentabilité a été constante. Il y a eu des problèmes, comme des pertes sur prêts, mais cela n'est pas parvenu à compromettre notre capital initial.
Notre société a financé plus de 1 000 entreprises et injecté plus de 45,9 millions de dollars dans l'économie autochtone de la Colombie-Britannique sous forme de prêts. Cette somme, qui représente entre 50 et 60 p. 100 de l'ensemble du coût total des projets, a permis de créer des emplois. Par ailleurs, le taux des faillites et des mauvaises créances enregistré par notre entreprise sur les prêts consentis est inférieur à 5 p. 100 depuis notre création en 1988.
C'est la preuve que nous pouvons faire confiance aux nôtres, que nous voulons faire des affaires et que nous respectons nos engagements. De leur côté, nos actionnaires ont certes respecté les engagements pris à l'égard de notre entreprise et ils lui ont donné les moyens de prospérer.
Notre entreprise est détenue et dirigée à 100 p. 100 par des Autochtones, et tous ses employés sont autochtones. Elle constitue un exemple dont l'équivalent est très difficile à trouver ailleurs au Canada. Il fallait que nous nous fassions confiance et que nous développions nos capacités pour pouvoir gérer cette entreprise. Nous avons pour devise d'honorer nos engagements et de nous attendre à ce que les autres honorent les leurs. Nous protégeons les intérêts de l'entreprise et nous rendons des comptes à nos actionnaires.
Au départ, All Nations Trust Company a reçu du programme de développement économique des Autochtones du ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie un financement de démarrage de 6,75 millions de dollars au total pour ses activités de prêts. Les bénéfices accumulés et d'autres sources de financement ont fait doubler la valeur de l'entreprise.
Il reste que les institutions financières ordinaires ont accès à des instruments de garantie de prêts auxquels nous n'avons pas droit même si les prêts de développement que nous consentons représentent des risques très élevés. Nos clients sont souvent de jeunes entreprises qui n'ont pas fait leurs preuves et qui ne seraient pas financées par les banques.
Nous essayons de trouver un outil pour compenser ces risques élevés. Je crois que nous sommes l'une des 31 sociétés de financement autochtones encore en activité au Canada, de sorte que cet outil n'aiderait pas seulement notre entreprise mais toutes les institutions de prêts autochtones du pays. C'est un aspect pour lequel le gouvernement pourrait nous aider, en nous offrant un outil permettant d'atténuer les risques élevés des prêts.
Nous avons un autre problème et il a trait à la capacité des communautés et des particuliers de se lancer en affaires. Il existe des subventions, mais les gens n'arrivent pas à y avoir accès. Notre institution offre donc des services de conseillers en affaires; nous comptons sur le financement du gouvernement pour fournir des conseils aux entrepreneurs et les aider à acquérir les capacités nécessaires. Cette aide est nécessaire pour atteindre nos objectifs et rendre l'accès équitable.
Le gouvernement fédéral a d'ailleurs reconnu que c'était nécessaire puisqu'il a chargé des agents des services aux entreprises d'aider les emprunteurs à bien comprendre les risques qu'ils ont pris et les garanties qu'ils ont offertes et de leur apporter du soutien une fois l'entreprise en activité.
Le concept de guichet unique n'est cependant pas suffisant au niveau fédéral. Le MAINC s'occupait de développement économique; il y a également Entreprise autochtone Canada, des agences régionales, ainsi que Diversification de l'économie de l'Ouest Canada qui a financé certaines sociétés d'aide au développement des collectivités, qui reçoivent des fonds de fonctionnement. Pourtant, les sociétés de financement autochtones qui desservent de grandes régions n'ont pas accès à des fonds de fonctionnement. Nous ne demandons pas de fonds de fonctionnement, mais il faudrait que les conditions soient les mêmes pour tous.
Nous avons obtenu certains bons résultats là où une société de financement autochtone était rattachée à une société d'aide au développement des collectivités. Si les deux existent à proximité, il faudrait envisager leur fusion de façon à améliorer la viabilité et à protéger les millions de dollars investis dans les sociétés de financement. Pour les générations futures, il faudra que les institutions financières répondent aux besoins de financement des entreprises.
Nous offrons aussi des hypothèques aux particuliers, ce qui nous amène à parler de la question de la sécurité dans les réserves. Les gens des réserves veulent accéder à la propriété et ne plus avoir à compter sur le logement social, mais les problèmes sont multiples. Même dans le cas de Sun Rivers, c'est difficile d'offrir du financement.
Sur les terres de réserve, il faut une garantie ministérielle si l'emprunteur n'a pas plus de 25 p. 100 d'acompte à mettre sur une maison et est un Indien inscrit membre de la réserve. J'ai le statut d'Indien inscrit, mais je dois cependant verser un acompte supérieur à 25 p. 100 pour acheter une maison à Kamloops parce que j'appartiens à une autre bande. En effet, la bande n'est pas tenue de fournir de garantie aux Indiens qui ne viennent pas de sa réserve; il y a donc encore des problèmes.
Je pense qu'il faut dépendre moins des logements sociaux. Les Autochtones en auront toujours besoin, mais il faut leur offrir la possibilité d'accéder à la propriété. Il existe des programmes et, par ailleurs, nous développons les capacités des bandes et nous leur offrons des informations pour leur expliquer les options possibles. Cependant, les difficultés sont encore importantes et on n'arrive pas encore à répondre à nos besoins de base en matière de logement.
La question des prêts nous préoccupe aussi. Nous avons consenti des prêts d'une valeur allant jusqu'à un million de dollars, ce qui n'est pas courant, comme des prêts de seulement 5 000 $. Même s'il y a une demande pour des prêts et des projets commerciaux importants, les institutions financières ordinaires nous mettent toujours des bâtons dans les roues.
Nous voulons maintenant augmenter les capitaux privés. Nous sommes en train d'établir un fonds autochtone de participation au capital, qui va cibler les entreprises plus anciennes dont les propriétaires veulent passer à autre chose, dans le but d'aider les Autochtones à acheter ces entreprises sur une période de cinq ans. Nous ne pouvons pas nous limiter seulement aux petites entreprises; nous devons trouver des moyens de financer des entreprises plus importantes et de faciliter l'accession à la propriété dans leur cas.
M. Jules a tout à fait raison de dire que l'argent ne reste pas au sein de nos communautés. Nous devons changer les choses en offrant aux gens la possibilité d'acheter une maison ou une entreprise. Je suis prête à répondre à vos questions.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Madame Williams, je suis heureux de voir qu'il y avait 23 p. 100 de femmes faisant des affaires. Si elles reçoivent de l'aide sociale, les femmes qui présentent une demande doivent-elles verser 25 p. 100 du prêt?
Mme Williams : Non, pas dans le cas des prêts. Nous demandons 10 p. 100. Nous avons même accepté un acompte de 5 p. 100 et une mise de fonds en travail de 5 p. 100.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Que font les gens qui veulent acheter une maison s'ils reçoivent de l'aide sociale?
Mme Williams : Je suis désolée, mais j'avais mal compris votre question. Je pensais que vous parliez des entreprises, mais vous parlez de l'accès à la propriété domiciliaire. Il faut avoir un revenu suffisant pour accéder à la propriété; c'est la condition essentielle.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Qu'arrive-t-il aux gens qui ne peuvent payer leur hypothèque? Qui est propriétaire des maisons dans les communautés; est-ce la SCHL?
Mme Williams : Les maisons sont assurées par la SCHL. Si quelqu'un ne paie pas son hypothèque, le prêt est remboursé par la SCHL et nous pouvons mettre la maison en vente.
Le sénateur Lovelace Nicholas : La maison peut-elle être vendue à quelqu'un qui n'est pas membre de la communauté?
Mme Williams : Cela varie d'une communauté à l'autre. Dans certaines réserves, on ne peut pas acheter une propriété à moins d'être un membre de la bande. C'est le problème de mobilité auquel nous sommes confrontés. Il est très difficile de vendre une maison à moins que quelqu'un d'autre au sein de la bande veuille l'acheter.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Quel pourcentage du prêt l'emprunteur doit-il verser comptant?
Mme Williams : Nous demandons un capital d'au moins 10 p. 100. Cependant, nous avons été en mesure d'accepter un acompte de seulement 5 p. 100 avec une mise de fonds de 5 p. 100 sous une autre forme, sous forme de travail, par exemple. Nous nous intéressons beaucoup à la personnalité de l'emprunteur, parce que c'est l'aspect le plus sûr quand la personne n'a pas pu faire ses preuves.
Le sénateur Zimmer : Madame Williams, je salue le fait que votre entreprise soit entièrement autochtone, pour ce qui est de la propriété, de la direction et du personnel. C'est remarquable.
En tant que nouveau membre du Sénat, je m'intéresse particulièrement aux jeunes dans le monde. Leur engagement est pour moi une source d'inspiration. Dans la section de votre document qui traite de l'impact sur les entreprises, il est question des prêts pour les jeunes dans l'entreprise. Quels sont les projets économiques qui les mobilisent et quels résultats obtiennent-ils?
Mme Williams : Le taux des pertes sur prêts dans le cas des jeunes est inférieur à 3 p. 100. Ils obtiennent de bons résultats et ils remboursent leurs prêts. Certains profitent des occasions qui sont offertes au sein de leur communauté. Par exemple, les jeunes d'une communauté ont réussi à tirer parti du concours de bûcherons et de la scierie qui existait chez eux.
Il y en a plusieurs qui se sont lancés dans le domaine de la technologie. À leur âge, la technologie ne leur fait pas peur et ne les empêche pas de foncer. D'autres ont choisi le secteur du tourisme, en proposant des visites guidées et des excursions en bateau. Ils ont l'esprit très créatif et nous sommes très heureux de les aider. Nous avons un portefeuille de prêts qui s'adresse spécialement à eux, de sorte que nous savons combien présentent des demandes. Nous leur offrons aussi des services de consultation et de soutien.
Il faut travailler un peu plus fort dans leur cas, mais nous constatons que les communautés font aussi leur part. Dans certains cas, elles ont aidé les jeunes à réaliser leurs projets en leur offrant une garantie.
Le sénateur Zimmer : Y a-t-il une limite d'âge pour demander un prêt? Ensuite, traitez-vous les jeunes de la même façon que les adultes pour ce qui est des prêts?
Mme Williams : Il y a des fonds fédéraux offerts dans le cadre d'Entreprise autochtone Canada et par un autre programme d'Affaires indiennes et du Nord. Dans un cas, la limite d'âge était de 29 ans. Elle a changé avec les années pour passer à 35 ans. Quelle était votre deuxième question?
Le sénateur Zimmer : Les traitez-vous de la même façon que les adultes? Est-ce que les restrictions et les normes sont les mêmes?
Mme Williams : Les capitaux exigés sont les mêmes, mais je ne peux pas dire que nous les traitons de la même façon. Nous tenons à faire un peu plus pour eux et aussi à leur trouver des mentors dans la communauté.
Le sénateur Zimmer : C'est la bonne chose à faire.
Le sénateur Campbell : J'ai jeté un coup d'oeil à votre rapport annuel, et j'aimerais savoir qui s'occupe du Nord-Ouest et de Vancouver ainsi que des basses terres du Fraser?
Mme Williams : La société de financement des Autochtones qui dessert le Nord-Ouest est la TRICORP ou la Tribal Resources Investment Corporation, qui est située à Prince Rupert. Celle qui s'occupe de la côte et de la pointe sud de l'île est la Tale'awtxw, située à Chilliwack et mise sur pied par la bande indienne de la nation Stõ :lõ. Celle qui se trouve sur l'île, et qui sert de modèle, est la Société de développement économique des Nuu-chah-nulth. Elle est la fusion d'une société de financement des Autochtones et d'une société d'aide au développement des collectivités, ce qui a vraiment été la clé de son succès parce qu'elle offre du soutien autant pour le fonctionnement que le développement des entreprises.
Le sénateur Campbell : Ces quatre organisations, y compris la vôtre, collaborent-elles d'une certaine façon?
Mme Williams : En Colombie-Britannique, il existe une association d'institutions financières autochtones, qui regroupe les sociétés de financement des Autochtones, quelques sociétés d'aide au développement des collectivités, le Haida Gwaii Trust et ceux qui offrent des conseils aux entreprises. Comme vous pouvez le constater, nos services sont très étendus et, par conséquent, les coûts afférents sont extrêmement élevés pour nous.
Le sénateur Christensen : Comment avez-vous fait progresser votre entreprise avec l'aide des Autochtones? Quels sont les programmes internes que vous offrez à vos employés pour les aider à développer leur potentiel?
Mme Williams : Nous faisons confiance aux nôtres et nous utilisons les ressources internes pour aider les gens que nous embauchons à acquérir des compétences et à parfaire celles qu'ils ont pour remplir des fonctions précises. Nous sommes chanceux parce qu'il n'y a pas un employé qui est avec nous depuis moins de cinq ans, mis à part celui que je viens de recruter pour pourvoir à un nouveau poste. Tous les autres employés sont avec nous presque depuis le début.
Nous leur offrons une formation pour qu'ils se perfectionnent. Leur attachement à l'entreprise et leurs bagage culturel nous ont rendu au centuple ce que nous avons investi pour eux.
Le sénateur Christensen : Exigez-vous un certain niveau d'instruction au moment de l'embauche?
Mme Williams : Oui et non. Il y a des conditions minimales à remplir, mais nous tenons davantage compte de l'expérience et des aptitudes pertinentes. Nous mettons beaucoup l'accent sur les aptitudes. Une personne motivée et très intéressée peut apprendre à remplir à peu près n'importe quelle fonction.
Le sénateur Christensen : Y a-t-il beaucoup de personnes qui se portent candidates quand vous avez un poste à pourvoir?
Mme Williams : Oui. À Kamloops, les gens veulent venir travailler chez nous.
Le sénateur St. Germain : Les prêts hypothécaires résidentiels que vous avez dit offrir représentent quelle proportion de vos activités?
Mme Williams : Actuellement, la valeur des prêts consentis pour le développement des entreprises est de 35 millions de dollars et celle des prêts hypothécaires est de 6 millions de dollars.
Le président : Merci, madame Williams. Nous allons maintenant inviter Mme Chambers à venir s'installer à la table.
Brenda Chambers, propriétaire, Brenco Media Inc. : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis une entrepreneure et une cinéaste autochtone qui vit à Kelowna depuis deux ans, et je m'y plais beaucoup.
J'aimerais au cours des quelques minutes qui vont suivre vous livrer quelques observations, toutes marquées par 20 ans d'expérience dans le milieu autochtone canadien. J'espère qu'elles vont vous orienter et vous éclairer. Votre tâche est essentielle à mon avis étant donné que les Premières nations prennent de plus en plus la place qui leur revient dans la vie sociale et économique du Canada. C'est une période de grands changements.
Je vais vous expliquer un peu mes antécédents. Je suis née à Whitehorse, au Yukon. Je suis Tlingit et Tutchone du Sud, et je suis fière d'être membre des Premières nations de Champagne et Aishihik.
La production de téléfilms et de documentaires m'a toujours passionnée. Quand j'étais jeune, j'ai occupé divers emplois dans le domaine des communications et des médias — toujours pour diffuser et produire des films afin de raconter l'histoire de ma famille et de ma communauté.
Après avoir terminé mes études secondaires à Whitehorse, j'ai fréquenté quelques établissements postsecondaires, notamment le Collège Grant MacEwan à Edmonton, le Collège Ryerson et le Collège Yukon. J'y ai appris tout ce que j'ai pu sur les communications et les médias ainsi que la production de films.
Je savais, dès le début de mes études, que je voulais utiliser mes talents pour inspirer les peuples autochtones du Canada, les encourager et témoigner de leur vie. C'est avec détermination que je voulais me servir du cinéma et de la télévision pour raconter des histoires sur les Premières nations de notre pays et donner espoir aux gens de ma communauté. J'ai toujours refusé de m'apitoyer sur notre sort pour plutôt montrer nos exploits et nos possibilités.
Depuis 20 ans, je parcours notre grand pays, d'un bout à l'autre, pour aller rendre visite à des communautés autochtones. Pour une série d'émissions, ma société de production et mon équipe ont interviewé des Autochtones de tous les milieux — autant ceux qui vivent dans les localités rurales isolées comme Nain, Labrador, Iqaluit, Nunavut et Yellowknife que ceux qui vivent misérablement dans l'est du centre-ville de Vancouver ou dans le milieu des gangs de Winnipeg.
J'ai été témoin de difficultés, de peines et de souffrances mais j'ai aussi constaté que l'esprit d'entreprise des Autochtones est bien vivant. Mes productions montrent bien concrètement la détermination inébranlable avec laquelle beaucoup d'Autochtones veulent s'assurer que leurs enfants aient des emplois plus intéressants, des logements plus confortables et une vie meilleure.
Dans le milieu des médias, nous devons faire attention parce que nous avons parfois tendance à amplifier les choses, à exagérer pour faire de l'effet, mais je n'exagère pas ici. Les Premières nations ont commencé à renaître dans notre pays, et le mouvement va se poursuivre dans les années à venir. Même si quelques experts entretiennent des doutes à ce sujet, je suis convaincue que, si les Autochtones arrivent à prendre la place qui leur revient dans le paysage canadien, la composition de notre pays va changer pour toujours et pour le mieux — ce qui est à peu près temps.
Pour cela, il faut des politiques éclairées qui peuvent faciliter les choses. Avant de poursuivre, je veux tout de suite vous rassurer en précisant que je ne demande pas plus d'argent pour régler de vieux problèmes, bien au contraire.
Un siècle après la colonisation, nous avons beaucoup appris. Nous savons d'abord que l'argent ne règle pas tout. Il va falloir changer nos priorités et, pour améliorer les choses, agir avec plus de discernement. Je veux aussi parler du petit secret bien gardé des Indiens que j'appellerai, de façon plus conventionnelle et charitable, le fossé entre les hommes et les femmes.
Je vous prierais de remarquer qu'avant la colonisation, la Loi sur les Indiens, le MAINC et la politique des bandes, les femmes autochtones suscitaient beaucoup de respect dans les communautés parce qu'elles donnaient la vie. Les temps ont bien changé.
Aujourd'hui, la loi ne protège pas les droits sur les biens matrimoniaux des femmes autochtones vivant dans les réserves, et les dirigeants de nombreuses communautés autochtones sont en grès grande majorité des hommes. Les femmes autochtones âgées de 25 à 44 ans sont cinq fois plus susceptibles que les autres femmes canadiennes du même âge de connaître une mort violente. Une femme autochtone vivant en milieu urbain va probablement connaître des problèmes associés à la pauvreté, au racisme, au chômage, à la garde des enfants et à la toxicomanie.
Les communautés autochtones commencent à s'attaquer à ce problème épineux, à se pencher sérieusement sur une situation qui touche la moitié de la population autochtone. Ce n'est tout simplement pas suffisant, et les femmes autochtones vont changer les choses.
Il y a quand même de bonnes nouvelles. Malgré ces problèmes structurels, les femmes autochtones se font régulièrement remarquer au Canada. Il y en a aujourd'hui qui sont P.D.G., politiciennes, chefs, avocates, médecins et cinéastes. Ce sont nos mères, nos sœurs, nos tantes et nos amies, qui ont connu d'énormes difficultés, mais qui ont tout de même trouvé la force de réaliser leurs rêves.
Beaucoup de femmes autochtones partent leur petite entreprise et changent l'économie autochtone. En fait, le nombre de travailleuses autonomes est deux fois plus élevé chez les Autochtones que chez les femmes en général. Je suis très fière de faire partie de ces travailleuses autonomes et, dans ma dernière série de documentaires, je vais explorer cette question plus en détail.
J'aimerais maintenant parler d'un autre aspect qui nécessite des politiques plus éclairées. Les programmes, les entreprises et les services autochtones ont besoin de ressources financières pour faire connaître ceux qui mettent à profit leur esprit d'entreprise. Les organismes fédéraux comme le MAINC et Entreprise autochtone Canada devraient contribuer à présenter ces modèles de développement économique autochtone. Le MAINC, Entreprise autochtone Canada, Santé Canada et d'autres ministères ont des sommes définies à investir dans les communautés autochtones, mais ils ont très peu d'argent pour expliquer aux Canadiens en quoi consiste le programme.
Le logement est un exemple. On peut enseigner aux membres des communautés autochtones à entretenir leur maison et leur montrer visuellement comment mettre sur pied des programmes d'entretien, au lieu d'investir pour construire de nouvelles maisons qui, statistiquement, ont une durée de vie très courte. Des maisons bien entretenues vont être une source de fierté pour les gens.
J'espère sincèrement que vous prendrez le temps de réfléchir à ce que je vous soumets. C'est un bref aperçu de ce en quoi je crois et de ce que j'ai fait dans ma vie. Je ne lâcherai jamais, parce que je tiens à ce que mon peuple s'épanouisse, qu'il évolue et, surtout, qu'il offre de l'espoir aux jeunes. Quand il y a de l'espoir, croyez-moi, tout est possible.
Le président : Madame Chambers, pouvez-vous nous parler un peu de votre entreprise et de vos activités, de certains de vos projets actuels, pour nous donner une idée de ce que vous faites?
Mme Chambers : Je produis une série télévisée sur les entreprises autochtones qui s'appelle Venturing Forth et qui présente 85 émissions d'une demi-heure filmées dans toutes les régions du pays. J'ai aussi contribué, en tant que consultante, à créer des réseaux de télévision comme Television Northern Canada et l'Aboriginal Peoples' Television Network. Je suis actuellement en train de produire une autre série qui s'appelle « Overcoming Obstacles » sur les réussites et les grands défis de nos communautés.
Le sénateur St. Germain : Vous avez parlé du MAINC. Obtenez-vous des contrats ou de l'aide du gouvernement? Quelle est votre clientèle?
Mme Chambers : Elle est variée. On se demande comment je peux produire des émissions sans aide financière. Je ne suis pas la CBC. Certaines personnes pensent que je fonctionne comme un réseau parce que les histoires que je raconte sont tellement étonnantes. Pendant les deux ou trois premières années, j'ai obtenu de l'aide d'Entreprise autochtone Canada et du MAINC. Depuis deux ans, le ministère ne finance plus les émissions d'aucune façon.
Le sénateur St. Germain : Les histoires que vous racontez sont celles d'Autochtones?
Mme Chambers : Oui.
Le sénateur St. Germain : Vous associez-vous à des bandes ou à certaines Premières nations pour faire vos émissions? Est-ce que vous vous adresseriez aux Haida, par exemple?
Mme Chambers : Il y a différentes formules, et c'est différent à chaque saison. Il y a eu des entreprises privées, comme la Banque Royale, qui ont toujours commandité les émissions. Aucune bande n'a collaboré. Deux ou trois petites entreprises autochtones qui veulent raconter une histoire se sont associées au projet.
Le sénateur Zimmer : Madame Chambers, merci de nous avoir exposé votre point de vue, qui est celui des médias, de la télévision et d'une femme.
À Winnipeg, nous avons l'APTN, l'Aboriginal Peoples' Television Network, qui a commencé à diffuser il y a deux ou trois ans. Il y a également le Women Television Network, dirigé par Joanne Levy. Comptez-vous vous réaliser des projets conjointement avec des réseaux de ce genre?
Mme Chambers : Une jeune personne qui travaille avec ma société à Vancouver est en pourparlers avec le Women Television Network pour voir si certains des portraits de femmes que nous avons faits peuvent être diffusés sur ce réseau. Nous avons fait beaucoup de reportages, et je dois rencontrer Joanne Levy vendredi à midi, à Vancouver, pour en discuter.
Je songe aussi à produire une série sur le tourisme en haute définition, et je discute avec d'autres intervenants comme National Geographic et Canadian Geographic à ce sujet. Je prépare aussi une série sur le sport.
Le sénateur Zimmer : Mme Levy a une grande expérience dans le domaine. Elle a commencé avec Craig Television en Alberta, quand les deux stations ont été ouvertes. Auriez-vous l'obligeance de la saluer pour moi quand vous la verrez?
Mme Chambers : Certainement.
Le sénateur Christensen : Où se trouve les bureaux de votre entreprise?
Mme Chambers : Ici; c'est un réseau virtuel. Je fonctionne par projet. Pour la série en cours, j'embauche 40 à 50 pigistes, des travailleurs autonomes, dont beaucoup de femmes autochtones.
Le sénateur Christensen : Avez-vous des employés permanents?
Mme Chambers : Non, seulement moi.
Le sénateur Christensen : Quand vous décidez de réaliser un projet, vous constituer une équipe, mais vous avez besoin de financement au départ. Quand vous avez une idée de série, vous cherchez des commanditaires pour la réaliser et vous vendez ensuite le produit fini à un réseau de télévision; est-ce ainsi que vous fonctionnez?
Mme Chambers : Oui, quand j'ai l'autorisation d'un réseau, c'est-à-dire quand un réseau se dit intéressé par mon projet de série, c'est alors à moi de prouver que je peux obtenir l'argent pour le réaliser.
Le sénateur Christensen : Est-ce ainsi que vous avez commencé?
Mme Chambers : J'ai commencé à travailler pour la Northern Native Broadcasting, au Yukon, qui avait des studios de télévision, de radio et de post-production. J'y ai travaillé pendant un certain nombre d'années et je suis devenue directrice générale; j'ai quitté l'entreprise il y a huit ans.
Le sénateur Christensen : Vous travaillez à votre compte depuis ce temps-là?
Mme Chambers : Oui.
Le sénateur Christensen : Vous planifiez et réalisez des émissions, mais vous n'avez pas de bureau.
Mme Chambers : Non, j'ai un bureau à la maison, qui est assez bien équipé. Je ne peux pas faire de post-production, mais j'ai des contacts avec deux ou trois entreprises de post-production à Vancouver et, si nécessaire, ailleurs au Canada.
Le sénateur Christensen : Est-ce que des Premières nations s'adressent à vous si elles veulent faire réaliser quelque chose par une Autochtone?
Mme Chambers : Oui, souvent, et je consacre beaucoup de temps à expliquer aux Autochtones l'importance des communications et le coût des productions télévisuelles.
Le sénateur Christensen : Organisez-vous des ateliers dans les communautés?
Mme Chambers : Oui, je fais cela aussi. J'enseigne à un groupe de jeunes à Penticton, demain, et j'ai aussi aidé à mettre sur pied un programme de production de films et d'émissions de télévision au Collège Capilano à Vancouver.
Le sénateur Campbell : J'en ai appris un peu sur l'industrie de la télévision avec l'émission Da Vinci's Inquest. Nous semblons chercher à susciter l'intérêt des Premières nations, alors qu'il faudrait peut-être à susciter celui des Canadiens en général. Par exemple, quand vous avez commencé à parler, j'ai tout de suite pensé à l'émission Venture à CBC. C'est justement ce que cette série fait, raconter des histoires pour montrer aux gens ce qu'ils peuvent faire.
Je sais qu'il est difficile d'obtenir de l'argent de ces réseaux, mais est-il possible que CBC offre du financement? Si elle n'offre pas du financement, avez-vous songé à lui demander de diffuser vos documentaires?
Mme Chambers : Certainement. Je frappe à la porte de CBC depuis toujours.
Le sénateur Campbell : Je pense qu'il ne faut pas frapper à sa porte, mais l'enfoncer.
Mme Chambers : J'ai constitué un service autochtone à Vancouver et nous avons diffusé quatre émissions sur l'actualité. L'émission s'appelait All my Relations. Carla Robinson, qui est maintenant présentatrice à la CBC, a travaillé à cette émission.
On a fini par manquer d'argent pour poursuivre. On m'a gardée un certain temps, mais vous savez quoi? Ce sera toujours le point de vue de la CBC, pas vraiment le point de vue des Autochtones; je préfère donc travailler par moi-même. Je vais produire une série sur la population et les entreprises autochtones et je vais lui offrir de l'acheter plus tard.
Après six saisons, nous n'avons toujours pas accès à Newsworld ou CBC.
Le sénateur Campbell : Avez-vous essayé le canal des documentaires?
Mme Chambers : Je n'en ai pas eu l'occasion. Nos productions sont diffusées sur les stations éducatives, mais le droit de diffusion est minime.
Le sénateur Campbell : C'est dommage, parce qu'on ne cesse pas de parler du contenu canadien, des récits canadiens — et la CBC est un autre problème. Je vous souhaite bonne chance. Je pense que vos productions doivent être diffusées. Peut-être que si la porte de CBC est enfoncée et que je parviens à entrer, je vous ferai signe.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je viens d'une petite localité et je sais que les femmes sont victimes de beaucoup de violence dans les communautés. Qu'est-ce qui vous a poussé à faire ce genre de travail?
Mme Chambers : Il y a beaucoup de conteurs dans ma famille. Déjà en très bas âge, je voulais être passionnée par le travail qui allait m'occuper pour le reste de ma vie. À l'école secondaire, le programme scolaire ne tenait vraiment pas compte des intérêts des Autochtones. J'étais très timide quand j'étais jeune, mais je n'ai pas hésité à revendiquer un programme pour les Autochtones à l'école secondaire.
J'ai fini par comprendre que c'était à moi de le créer. Je ne dirais pas que cela a été facile, mais j'ai compris ce qu'il fallait que je fasse dans la vie.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Comment choisissez-vous les communautés où vous allez?
Mme Chambers : Nous essayons d'aller un peu partout pour que ce soit équilibré. Aller au Nunavut et dans le Nord coûte très cher. Je suis née au Yukon et j'aime beaucoup le Nord; je m'y suis rendue très souvent pour enseigner et aussi au moment de la création de Television Northern Canada, le réseau du Nord qui a précédé l'Aboriginal People's Television Network.
J'aimerais filmer davantage dans le Nord, mais c'est difficile. Chaque saison, nous allons dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, au Nunavut et dans le Canada atlantique. Nous essayons d'aller un peu partout pour nous assurer que toutes les régions sont bien représentées, parce que c'est un programme national.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Avez-vous essayé de communiquer avec l'Association des femmes autochtones du Canada pour pouvoir aller dans d'autres communautés examiner la situation?
Mme Chambers : Nous discutons avec cette association à propos d'une série de documentaires d'une demi-heure que nous faisons sur les femmes autochtones et certains des problèmes qu'elles connaissent.
Le sénateur Zimmer : Pour faire suite à ce que le sénateur Campbell a dit sur les contacts avec les autres réseaux, Lisa Meeches a reçu une somme assez importante, de un ou deux millions de dollars, je pense, de E Channel, Craig Broadcasting, pour faire son émission. Je crois que c'est une solution intéressante que vous voudrez peut-être envisager. Je sais que Shaw a repris les choses en main, mais il y a peut-être un budget qui a été prévu. Joanne Levy était là et vous voudrez peut-être lui en parler.
Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais vous remercier de votre exposé. Je suis certain que vous êtes une véritable inspiration pour les femmes et les jeunes, et nous vous souhaitons bonne chance dans vos entreprises futures.
La séance est levée.