Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 13 - Témoignages du 26 octobre 2005 (séance de l'après-midi)
KELOWNA, le mercredi 26 octobre 2005
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit ce jour à 13 heures pour examiner la participation des collectivités et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada en vue de présenter un rapport sur la question.
Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous recevons cet après-midi Tim Isaac, membre du Conseil de bande de la bande indienne Okanagan.
Tim Isaac, membre du Conseil de bande, bande indienne Okanagan : Je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le comité sénatorial permanent. Je vais vous présenter mon mémoire. Nous soumettons à votre attention la représentation suivante, qui a été élaborée et approuvée par notre comité de développement économique, un organe nommé par le chef et le conseil.
Nous croyons savoir que le but de vos audiences actuelles est de faire le point tant des succès que des difficultés des collectivités et entreprises autochtones sur le plan de leur participation aux avantages dérivés des projets de développement industriel de grande envergure et d'autres projets intéressant l'exploitation de ressources non renouvelables et renouvelables.
Jusqu'à présent, notre communauté a ressenti les impacts d'une variété de ces types d'activités de développement, mais n'en a retiré que peu d'avantages. Nous comprenons bien pourquoi il en est ainsi. Il est assez facile de discerner les obstacles, mais difficile de trouver les solutions. Bien entendu, si les solutions étaient simples, notre collectivité serait un modèle de développement économique durable et tous ses membres jouiraient d'une qualité de vie exemplaire.
Il faut bien voir que le plus gros obstacle à un développement économique réussi et durable est l'attitude des paliers de gouvernement supérieurs vis-à-vis de la réconciliation nécessaire entre les peuples autochtones et les non autochtones, en particulier au niveau de la relation entre nos gouvernements respectifs.
Bien que les éléments de cette relation soient divers, englobant des aspects tels que le règlement des revendications territoriales en suspens, la négociation sur le partage des pouvoirs et les accords de financement/partage des revenus dans les réserves et en dehors, la mise en place de capacités administratives et institutionnelles et le développement des compétences et beaucoup d'autres encore, tous ces aspects sont interdépendants. Bien que les parties responsables ou considérées comme responsables de l'exécution de chaque tâche soient aussi diverses que la liste des tâches elle-même et relèvent de nombreuses agences et niveaux de gouvernement, chacune détermine très largement le succès; la réussite future du développement économique communautaire passe par une approche beaucoup plus harmonisée et collaborative.
Plus précisément, nous considérons les facteurs suivants comme indispensables à la réussite à court et moyen terme, soit sur cinq et dix ans :
Le premier point est la coordination des ressources, des politiques et des programmes des divers organismes, puis la suppression des barrières budgétaires de façon à autoriser des programmes de financement conjoints et pluriannuels. On pourrait ainsi financer des projets, grands et petits, comprenant plusieurs phases, des programmes assez flexibles pour s'adapter aux circonstances particulières des différentes collectivités, grandes et petites, riches et pauvres. Il faut mettre à profit les résultats positifs des nouvelles relations établies avec le gouvernement provincial, élaborer de meilleures approches du règlement des revendications territoriales et accroître le niveau de participation des Autochtones à l'exploitation des terres et des ressources dans leurs territoires traditionnels, sur la base de pouvoirs autochtones renforcés dans ce domaine.
Malheureusement, nous n'avons disposé que de peu de temps pour préparer cet exposé et nous serions heureux de toute occasion de vous apporter des renseignements complémentaires.
Vous voyez là une liste des membres du conseil et le nom du secrétaire que vous pourriez contacter si je ne puis répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci, monsieur Isaac. Je sais qu'il serait utile au comité d'en savoir un peu plus sur votre bande, notamment le nombre des membres, et sa participation éventuelle à des projets ou activités économiques. Cela nous aiderait.
M. Isaac : La bande est située à l'extrémité nord du lac Okanagan. Notre population est d'environ 1 800 membres et notre projet de développement économique actuel est une carrière de gravier, d'agrégats. Elle fonctionne depuis dix ans et vient juste d'atteindre le seuil de rentabilité. Auparavant, elle était endettée et la bande ne devait cesser de la renflouer sur ses fonds propres. Nous croyons savoir qu'il ne reste plus beaucoup d'agrégats dans la vallée et il importe donc de garder cette entreprise en vie pour l'avenir économique de la réserve.
Le sénateur St. Germain : Merci, conseiller Isaac, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Les 1 800 membres vivent-ils à proximité de Vernon?
M. Isaac : Oui.
Le sénateur St. Germain : Est-ce que la plupart d'entre eux travaillent hors réserve?
M. Isaac : Oui, la plupart.
Le sénateur St. Germain : Quel est le taux de chômage chez les membres de la bande? Connaissez-vous ce chiffre?
M. Isaac : Il est très élevé. Je ne connais pas le chiffre. Je l'ai demandé ce matin. Je conviens que je devrais le connaître.
Le sénateur St. Germain : Parlez-nous de votre carrière. Contient-elle beaucoup de réserves? Est-ce une bonne entreprise viable?
M. Isaac : Oui, je crois qu'il y a des réserves pour 20 ans. Nous avons fait des sondages et notre carrière est l'une des mieux pourvues de la région.
Le sénateur St. Germain : Je vois. Combien de membres emploie-t-elle?
M. Isaac : Quatre.
Le sénateur St. Germain : Quatre. C'est tout?
M. Isaac : Oui.
Le sénateur St. Germain : Avez-vous en train des négociations portant sur des revendications territoriales?
M. Isaac : Non. Nous ne faisons pas confiance à ce mécanisme. Nous pensons qu'il faut en mettre en marche un nouveau. Nous adhérons à l'Union of B.C. Chiefs et nous négocions la façon de régler les problèmes territoriaux au moyen d'un mécanisme différent.
Le sénateur St. Germain : Quelle est la superficie de votre réserve, à l'extrémité nord du lac Okanagan?
M. Isaac : Je crois que c'est près de 20 000 acres.
Le sénateur St. Germain : Vingt mille. Avez-vous une bonne partie de rivage?
M. Isaac : Oui, il y a pas mal de terrains riverains.
Le sénateur St. Germain : Vous n'avez pas envisagé de les mettre en valeur pour le tourisme?
M. Isaac : Les terrains sont tous la propriété privée de membres de la bande.
Le sénateur St. Germain : Au titre de Certificats de possession?
M. Isaac : Oui, mais nous avons un autre terrain sur lequel nous envisageons de construire, car nous en connaissons la valeur. Les terrains riverains coûtent cher dans la vallée de l'Okanagan.
Le sénateur St. Germain : Si ces Certificats de possession sont aux mains de certains membres de la bande, en quoi les autres membres de la bande en bénéficient-ils, ou bien n'en retirent-ils rien?
M. Isaac : Non, les membres de la bande n'en retirent rien. C'est comme lorsque vous possédez un terrain, tous les droits sur ce terrain vous appartiennent.
Le sénateur St. Germain : Ils sont donc transmis de génération en génération?
M. Isaac : Vous pouvez le léguer ou bien le vendre.
Le sénateur St. Germain : Il ne peut être vendu qu'à un autre membre de la bande?
M. Isaac : Oui.
Le sénateur St. Germain : Oui, c'est plutôt compliqué. Nous avons parlé de cadastre ce matin avec Manny Jules, de Kamloops, et le chef Louie, de Westbank.
Le sénateur Fitzpatrick et moi parlions d'introduire une législation établissant un cadastre des terres autochtones afin que les gens puissent utiliser leur avoir foncier pour emprunter.
C'est assez complexe. Combien de propriétaires fonciers y a-t-il dans la réserve? Connaissez-vous le chiffre?
M. Isaac : Il est relativement faible. Il y a quelques propriétaires de grosses parcelles. Actuellement, nous ne concédons que des lots d'un quart d'acre pour des logements sociaux. Une bonne partie de la réserve est mise de côté comme pâturage de bétail pour les éleveurs.
Le sénateur St. Germain : Des éleveurs autochtones?
M. Isaac : Oui.
Le sénateur St. Germain : Avez-vous des droits de pâturage en dehors de la réserve?
M. Isaac : Non.
Le sénateur St. Germain : Non? Merci, et merci d'être venu.
Le sénateur Peterson : Monsieur Isaac, vous avez dit n'avoir pas de financement au titre des droits fonciers issus d'un traité, ou bien avez-vous un financement global?
M. Isaac : Nous avons un financement fédéral pour l'administration et ce genre de choses.
Le sénateur Peterson : Avez-vous jamais envisagé des coentreprises avec des sociétés privées?
M. Isaac : Nous venons de mettre sur pied notre société de développement économique et nous allons maintenant dans cette direction, mais les choses avancent très lentement dans les réserves, du moins chez nous. Je ne devrais pas parler des autres réserves.
Le sénateur Peterson : Mais vous dites que vous avez mis en marche le processus?
M. Isaac : Oui.
Le sénateur Peterson : Vous pourriez peut-être accélérer les choses un peu si vous obteniez des capitaux de l'extérieur à combiner avec vos propres fonds et vous pourriez le faire sur la base de projets individuels. Je sais que l'un des obstacles que vous avez évoqué est le financement pluriannuel et le financement global. Vous pourriez ainsi investir dans des projets individuels.
M. Isaac : Oui, ce serait bénéfique.
Le président : Monsieur Isaac, nous avons eu ici ce matin des représentants de Westbank et je sais aussi qu'il y a eu pas mal de développement dans la région de Kamloops, à l'initiative des Premières nations. Comment se fait-il, à votre avis, que certaines bandes ont beaucoup progressé, ont avancé et participent pleinement à l'activité économique, alors qu'il semble que votre bande ait du mal à démarrer économiquement? Pourriez-vous nous en dire quelques mots, nous expliquer pourquoi?
M. Isaac : Je crois que l'un des problèmes, c'est la fiscalité. Certaines bandes lèvent des impôts, alors que notre bande est très réticente à le faire car les membres craignent que les particuliers seront imposés aussi. Ils ne veulent pas d'imposition individuelle.
Il y a un processus d'apprentissage, une courbe d'apprentissage à parcourir, et je sais qu'il existe une loi ou une politique qui exonère les membres de la bande de l'impôt, mais il subsiste chez nous beaucoup de ressentiment et de peur vis-à-vis du gouvernement en raison des injustices du passé.
Nous sommes actuellement engagés dans des négociations pour la reconnaissance de droits de pâturage communal; il s'agit de 20 000 acres entre Vernon et Winfield, des deux côtés du lac Kalamalka, jusqu'au lac Okanagan. Cela remonte aux années 1800, et il y a cinq ans, le ministre des Affaires indiennes et du Nord, M. Nault, a dit qu'il négocierait avec nous, et puis il y a quelques jours, les négociateurs sont arrivés à la table et ont dit que nous n'avions plus de droits du fait de l'arrêt Wet'suwet'en.
Nous cherchons à élaborer une stratégie pour trancher cela par la voie judiciaire. Cela représente aussi une barrière à notre développement économique, car nous avons travaillé à l'aménagement de ces terres depuis maintenant 16 ans, lui avons consacré beaucoup d'argent; une bonne partie de l'argent de la bande est accaparé par ces batailles juridiques.
Le président : Avez-vous des terres situées proches d'une localité ou au bord de la route qui présenteraient un potentiel économique?
M. Isaac : Oui, nous en avons. Nous sommes en train de planifier un zonage, mais ce n'est pas encore approuvé par les membres. Nous allons devoir dresser des plans à long terme.
Le sénateur St. Germain : Oui. Les terrains que certains détiennent par Certificat de possession, ont-ils été donnés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord il y a de longues années de cela?
Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais vous avez 1 800 membres. Je ne sais pas combien vivent dans la réserve.
M. Isaac : Environ la moitié.
Le sénateur St. Germain : Vous avez donc 900 personnes dans la réserve, mais votre bien le plus précieux est aux mains de quelques-uns seulement.
M. Isaac : Oui.
Le sénateur St. Germain : Sans que les autres membres n'en retirent aucun avantage.
Je me demande simplement comment vous en êtes arrivés là et je ne veux certainement pas créer des ennuis à ceux qui possèdent la terre, mais je sais que dans certaines régions du Nord cela n'existe pas. Je me demande si cela est fréquent dans le Sud, le fait que la terre soit contrôlée par quelques-uns. Si vous avez des terrains riverains, ils devraient théoriquement être mis en valeur pour le tourisme, afin que toute la bande en profite.
Comme je dis, je ne sais pas exactement comment cela s'est fait. Le MAIN a négocié les baux pour les Musqueam et le gros affrontement qui a eu lieu est réellement de sa faute parce qu'il n'a pas prévu de clause d'inflation, et c'est pourquoi nous avons cette bataille rangée entre les Autochtones et les locataires de ces terrains. Les loyers étaient ridicules.
À moins que vous n'obteniez plus de terres, les choses ne vont pas beaucoup changer dans votre réserve, n'est-ce pas?
M. Isaac : Eh bien, nous commençons tout juste à exploiter les possibilités existantes. Plus tard, il nous faudra plus de terrains pour les logements. Si nous commençons à utiliser ceux que nous avons pour le développement économique, cela réduira ce qui reste pour les habitations, et il faut donc trouver un équilibre entre les deux.
Le sénateur St. Germain : Est-ce que la bande est en mesure de racheter les terrains à ceux qui détiennent un Certificat de possession?
M. Isaac : Oui, on pourrait les racheter.
Le sénateur Christensen : Monsieur Isaac, vous dites que vous mettez actuellement sur pied une société de développement économique et je suppose que vous le faites en concertation avec les membres de la bande?
M. Isaac : Oui.
Le sénateur Christensen : Quelle sorte de développement économique les membres envisagent-ils? Quelle sorte de développement souhaitent-ils? Jusqu'où veulent-ils aller sur le plan du développement?
M. Isaac : En fait, notre communauté n'en est pas encore à ce stade. Nous venons de créer légalement la société, afin que les revenus ne soient pas imposés, et pour glaner des capitaux à l'extérieur et pouvoir les utiliser pour des projets. Cependant, nous n'avons pas encore assez de fonds pour planifier aussi loin dans l'avenir, et nous sommes en train de dresser des plans sur cinq et dix ans pour voir ce que nos membres souhaitent.
Le sénateur Christensen : Eh bien, vous avez cette carrière de gravier; vous dites que vous l'exploitez depuis dix ans maintenant, vous avez un concasseur et vous vendez le gravier broyé. Qui exploite cette carrière et qu'advient-il des profits?
M. Isaac : La bande exploite la carrière.
Le sénateur Christensen : Et les profits? Sont-ils versés dans un fonds pour le développement économique ultérieur?
M. Isaac : Eh bien, nous n'avons pas encore beaucoup de profits car la carrière a été mal gérée pendant les dix premières années, en gros; il y avait une dette d'un million de dollars. Nous commençons juste à la rembourser et à essayer de rentabiliser la carrière.
Le sénateur Christensen : Elle ne vous a donc rien rapporté d'autre que quatre emplois.
M. Isaac : Oui.
Le sénateur Zimmer : Conseiller Isaac, j'aimerais revenir à une question que vous a posée le sénateur St. Germain. Concernant ces terrains que détiennent quelques-uns, quels sont les arrangements financiers? Versent-ils des loyers? Les rachetez-vous? Les rachetez-vous au prix du marché? Les prix sont-ils gonflés? Dites-nous-en un peu plus à ce sujet.
M. Isaac : Cela dépend du vendeur. Nous avons déjà racheté des terrains au prix du marché, mais si les propriétaires y ont construit, ils veulent plus cher et le taux du marché est probablement le même que partout ailleurs dans l'Okanagan.
Le sénateur Christensen : Ces terrains sont donc mis en valeur?
M. Isaac : Ils ont des cabines de plage, des maisonnettes. Ils ont construit des maisonnettes tout le long du rivage.
Le président : Monsieur Isaac, pouvez-vous nous parler de la situation éducative dans votre région? Est-elle la même que dans d'autres parties de l'Okanagan ou bien différente?
M. Isaac : Je crois que notre région est l'une des plus instruites car nous avons beaucoup de diplômés du secondaire. Mais je vois que les diplômés ne prévoient pas de continuer. J'ai des nièces et des neveux qui ne prévoient pas d'aller au collège. Il faudrait plus de planification dans ce domaine.
S'il y avait des emplois disponibles pour eux, je pense qu'ils seraient plus désireux de pousser leur formation. Mais comme nous vivons dans un endroit tellement agréable, les gens ont tendance à se laisser aller un peu, je suppose.
Le président : Je vois.
Là-dessus, je vous remercie de votre exposé. Je sais que vous êtes venu à court préavis et nous vous en sommes très reconnaissants. Vous nous avez beaucoup renseignés.
M. Isaac : Merci.
Sophie Pierre, chef, ; bande indienne de St. Mary's, Conseil de la nation des Ktunaxa : Bonjour.
Le président : Bienvenue, chef Sophie Pierre. Je ne sais pas si je parviendrai à prononcer le nom du conseil national, alors ne m'en veuillez pas de ne pas le nommer, et j'imagine que vous parlez également au nom de la bande indienne de St. Mary's.
Mme Pierre : C'est juste. Bon après-midi, mesdames et messieurs et merci de l'invitation à comparaître au nom du Conseil de la nation de Ktunaxa et aussi de ma bande, la bande indienne de St. Mary's, appelée Aqam, située juste en dehors de Cranbrook.
En guise d'introduction, sachez que je suis le chef de la bande indienne de St. Mary's, ayant été élue pour la première fois en 1978. Je siège depuis au conseil et je crois donc connaître un peu les défis auxquels les Autochtones se trouvent confrontés aujourd'hui. J'ai tenté de résoudre certaines de ces difficultés dans l'exercice de mes fonctions.
J'ai un mémoire dont vous avez déjà, je crois, reçu copie. Mes premières pages sont des diapositives. Je prévoyais de les projeter, mais je n'avais pas lu les instructions disant que je devais le faire savoir d'avance, et je vous prie donc de m'excuser. Cependant, je crois que vous avez le texte sous les yeux.
Dans les premières pages, je traite des défis. Je sais que vous en avez bien conscience, tout comme la plupart des Canadiens, dans une certaine mesure. En tout cas, les Autochtones connaissent bien ces défis, et je ne les répète pas ici pour susciter un sentiment de culpabilité, comme on nous en accuse parfois. Je ne fais qu'énoncer des faits.
Je veux commencer par parler de l'économie politique des Premières nations aujourd'hui, au Canada. Nous le savons tous, le fait que les réserves indiennes aujourd'hui soient des ghettos de pauvreté dans un Canada riche représente une honte internationale. Les disparités scandaleuses de richesse et de revenu, les piètres conditions de vie et les problèmes sociaux profondément enracinés ne sont que les symptômes de la relégation des Premières nations à l'écart de l'économie canadienne. Les Autochtones sont aliénés de l'économie parce que, pour la plupart, nous sommes privés des moyens de créer de la richesse et d'en jouir.
Dans une large mesure, la Loi sur les Indiens constitue le pivot de cette pauvreté structurelle.
L'aliénation des Premières nations se manifeste sous les formes suivantes : premièrement, l'aliénation économique — et nous connaissons tous ces statistiques révélatrices de la pauvreté, soit le faible revenu, le taux de chômage élevé, et cetera; l'aliénation culturelle, imposée par les écoles résidentielles; l'aliénation sociale, encore une fois une séquelle des écoles résidentielles qui ont détruit le rôle des familles autochtones pendant plusieurs générations, ce dont nous ressentons encore les effets; puis, bien entendu, l'aliénation politique. Les Premières nations sont exclues des cercles du pouvoir et ne sont pas représentées dans les institutions politiques clés du Canada.
Les économies sont déterminées par trois grands facteurs, le territoire, la main-d'œuvre et l'accès au capital, et c'est de ces aspects que je vais traiter maintenant. J'en suis toujours aux défis auxquels nous sommes confrontés.
Premièrement, j'ai été intéressée par la discussion avec le témoin qui m'a précédée.
Les réserves indiennes occupent habituellement un territoire petit et marginal, souvent de valeur économique minimale et souvent situé dans des régions isolées du pays.
Les réserves indiennes ne sont pas un facteur de production économique. Elles sont plutôt le facteur primordial du sous-développement des Premières nations au Canada, puisque l'éventail des transactions économiques mettant en jeu les terres des réserves que la Loi sur les Indiens autorise est très restreint, ce qui réduit pratiquement à néant la valeur économique des terres des Premières nations.
Les terres des réserves indiennes ne sont pas commercialisables parce qu'elles ne peuvent être vendues qu'à un autre membre de la même bande et ne peuvent être transmises à une tierce partie qu'après une procédure de désignation difficile, coûteuse et risquée.
Les terres de réserves indiennes ne peuvent être engagées comme nantissement d'un emprunt.
Le deuxième facteur, bien sûr, est la main-d'œuvre autochtone. Les jeunes des Premières nations représentent la ressource ayant la croissance la plus rapide et la plus sous-utilisée de l'économie canadienne. Les jeunes Autochtones ont des niveaux d'instruction moindres et des niveaux de formation professionnelle beaucoup plus faibles que les autres Canadiens. Le taux de chômage chronique dans les réserves est le plus élevé du Canada, les perspectives de carrière y sont limitées, et tout cela perpétue la sous-utilisation de la main-d'œuvre.
Le troisième aspect, c'est l'accès au capital. Le capital et l'investissement dans des projets en réserve sont rares et difficiles à se procurer. De fait, il faut six fois plus longtemps et il en coûte dix fois plus cher de lancer une entreprise autochtone qu'une non autochtone. Puisque Manny Jules a comparu ici plus tôt, il vous a probablement parlé de cette étude qui montre que c'est six fois plus difficile et dix fois plus coûteux; je crois que toute l'étude est intitulée « Ten Times Harder ». J'ai l'expérience personnelle de la construction du centre de villégiature de Mission St. Eugene et je peux vous en parler, si cela vous intéresse.
De fait, je pourrais créer une entreprise à Cranbrook demain; il me suffirait de payer la patente et je disposerais alors de toute l'infrastructure juridique, économique et physique déjà en place pour mon entreprise.
Mais il me faudra au moins un an, et payer des milliers de dollars pour créer la même entreprise dans ma réserve, située juste à six milles en dehors de Cranbrook, et cette entreprise sera à jamais démunie parce que je ne peux gager les éléments d'actifs que je crée pour emprunter.
Il n'y a pas en place de système financier qui permette d'encourager et de canaliser l'épargne pour l'investissement dans les collectivités des Premières nations et le secteur bancaire nourrit des préjugés contre les crédits en réserve — j'en ai fait l'expérience de première main — ce qui fait qu'il n'existe aucun véhicule de crédit pour investir dans les réserves.
Conséquences économiques de la Loi sur les Indiens : les restrictions imposées à la vente des terres des Premières nations, et l'impossibilité de les gager comme garantie pour des prêts commerciaux dans les réserves sont les facteurs clés du manque de capital dont souffrent les entreprises des Premières nations.
La propriété immobilière, obtenue par achat ou héritage de terrains et bâtiments, dans les réserves n'est transférable qu'à d'autres membres de la même bande, ce qui résulte en une valeur marchande beaucoup plus faible. Les droits de succession ou d'héritage des Autochtones sont limités à la transmission de biens immobiliers à des héritiers membres de la même bande.
Les terres de réserve ne peuvent être vendues à une tierce partie, mais elles peuvent être louées à une tierce partie après une procédure de désignation longue et coûteuse.
D'importantes restrictions s'appliquent aux biens qu'un Indien peut engager en garantie pour un prêt destiné à une entreprise située en réserve.
L'exonération d'impôt accordée aux Autochtones en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens est axée sur la consommation, et non sur l'entreprise ou le développement.
Voilà les obstacles et, comme je l'ai dit, ils sont bien connus. J'aimerais maintenant offrir quelques solutions.
Les solutions que j'énonce ici se limitent à la législation actuelle. Ce sont des choses que le gouvernement peut faire s'il en a le désir. Cependant, j'aimerais également avoir une discussion pour expliquer que les solutions véritables, à long terme, ne viendront qu'avec une autodétermination véritable et la conclusion des traités actuellement en cours de négociation en Colombie-Britannique. J'en suis fervente partisane et notre nation participe au processus des traités depuis le début.
Afin d'améliorer le potentiel commercial des terres des Premières nations, il faut :
Permettre aux bandes d'acquérir des terres là où se situent les emplois. Puisque les réserves se trouvent dans des endroits où il est difficile de lancer des entreprises, autorisez les bandes à acheter des terrains là où sont les emplois et facilitez la conversion de ces terrains en terres de réserve indienne, afin que nous puissions mettre à profit les quelques avantages que présente le statut de terres de réserve.
Faire en sorte que les sociétés appartenant à des Indiens ou à des bandes puissent recevoir un Certificat de possession pour les terres utilisées aux fins commerciales. J'ai écouté tout à l'heure la discussion sur ce Certificat de possession et les problèmes qu'il semble poser. Eh bien, la différence entre avoir un Certificat de possession et utiliser un terrain de la bande, c'est que si vous êtes une société commerciale vous devez passer par la procédure de désignation de terres. Dans le cas du centre de villégiature de Mission St. Eugene, cette procédure nous a coûté près d'un million de dollars et a pris deux ans. Les entreprises, qu'elles appartiennent à une bande indienne ou à des particuliers autochtones, devraient pouvoir obtenir tout simplement un Certificat de possession, plutôt que de suivre toute la procédure de désignation.
Comme je l'ai dit précédemment, les jeunes Autochtones représentent la ressource la plus précieuse, mais aussi la plus sous-utilisée, de l'économie canadienne. Nous préconisons une stratégie de crédit d'impôt pour couvrir les frais d'emploi, d'apprentissage et de formation encourus par les entreprises qui embauchent de jeunes Autochtones, qu'elles soient situées en réserve ou hors réserve. Toute entreprise — Terasen Gas — peu importe sa nature, qui offre des emplois, des apprentissages et de la formation en vue d'améliorer les qualifications des jeunes Autochtones devrait y avoir droit, que ce soit en réserve ou en dehors.
Étendre l'exonération de l'article 87 de la Loi sur les Indiens au revenu des Autochtones qui suivent des stages ou des programmes de formation hors réserve. Ce serait un encouragement pour les personnes.
Améliorer l'accès au capital : permettre aux sociétés de financement autochtones d'accepter des dépôts selon des conditions similaires à celles des caisses de crédit.
Créer un programme de crédit d'impôt compétitif pour l'épargne déposée dans des institutions financières autochtones, telles que les sociétés de financement, notamment dans des instruments tels que les REER.
Offrir un programme de crédits d'impôt à l'investissement compétitif pour les investissements effectués en réserve. Encore une fois, on a parlé tout à l'heure de coentreprise. Eh bien les capitaux de coentreprise placés chez nous devraient bénéficier d'allègements fiscaux. Ce serait une incitation à créer des coentreprises.
Élargir le programme de garantie d'emprunt et le rendre plus accessible aux petites entreprises des Premières nations. Entreprise autochtone Canada est un bon programme et le centre de villégiature de Mission St. Eugene en a grandement tiré parti, mais l'accès est plus difficile pour les petites entreprises, celles dont nous savons qu'elles sont les vrais moteurs de l'économie locale.
Enrayer les fuites économiques : la plupart des Autochtones font leurs achats dans des commerces hors réserve des localités voisines parce qu'il n'y a pas de commerce autochtone chez eux. C'est tout à fait vrai à Aqam, St. Mary's, la collectivité dont je suis chef. Il n'y a pas de magasin dans notre réserve. Chaque dollar qui rentre fait demi-tour immédiatement et ressort de la réserve. Cela signifie que l'argent dépensé pour les achats hors réserve ne circule dans la collectivité autochtone. Il repart aussitôt, contribuant au bien-être des autres localités seulement. Très peu de gens chez nous occupent des emplois dans ces localités.
De façon à construire des économies autochtones, il nous faut davantage de commerces dans les réserves pour que les nôtres puissent y faire leurs achats et y dépenser leur argent — plus de petites entreprises. Cet argent servira ensuite aux propriétaires des commerces autochtones à faire d'autres achats dans la réserve, ce qui résultera en davantage d'emplois et de revenus et plus de profits remis en circulation dans les économies autochtones.
Élargir la base économique des Premières nations : étendre l'exonération fiscale de l'article 87 de la Loi sur les Indiens aux sociétés appartenant à des Indiens ou à des bandes et implantées dans les réserves.
Permettre aux Premières nations d'engager leurs recettes de TPS pour garantir des obligations émises par les gouvernements des Premières nations en vue de l'acquisition d'équipements, comme c'est actuellement le cas des taxes foncières. Le projet de loi C-20, récemment adopté, nous permet de le faire avec les taxes foncières. Ce serait une mesure ultérieure permettant d'employer les recettes de TPS pour les mêmes fins.
Encourager les provinces à suivre avec les taxes de vente provinciales l'exemple de la Loi sur la taxe sur les produits et services des Premières nations. Au lieu que le Trésor provincial récupère les recettes de la taxe de vente provinciale perçues dans les réserves, qu'elles laissent cet argent dans les réserves si elles sont réellement désireuses de voir des changements dans les réserves indiennes. Ou bien ne s'agit-il là que de belles paroles?
Construction des économies des Premières nations : lancer une décennie du développement des Premières nations, de façon à réaliser, au cours des dix prochaines années ce dont nous avons été privés au cours des 100 dernières. Nous appelons cela « Cent en dix ». Cela pourrait englober un ensemble de stratégies efficaces de développement économique afin d'attirer davantage d'entreprises dans les collectivités autochtones et y créer des emplois, des perspectives de carrière et de création d'entreprises pour les jeunes Autochtones.
La synergie produite par la mise en œuvre simultanée de tous les outils, dans le cadre d'une stratégie globale de développement économique des Premières nations, enclencherait une dynamique qui en multiplierait l'efficacité et produirait des effets durables.
Le 7 janvier 1998, le gouvernement du Canada a publié « Rassembler nos forces : le plan d'action du Canada pour les questions autochtones », prévoyant des mesures de cette nature. Il faut simplement passer à l'acte.
Je me ferais un plaisir de dialoguer avec vous et j'espère que vous aurez beaucoup de questions à me poser.
Le président : Vous semblez être une personne sérieuse, ayant les pieds sur terre.
Mme Pierre : Cela m'arrive.
Le président : Votre exposé contient quantité d'idées, manifestement fondées sur votre expérience. Vous devez avoir remporté quelques succès et je serais intéressé d'entendre ce que vous avez accompli jusqu'à présent sur le plan du développement économique.
Mme Pierre : Nous avons le Centre de villégiature de St. Eugene Mission, qui est maintenant une réussite. Nous avons connu des périodes difficiles et je vais expliquer brièvement pourquoi je ne suis pas sûre que tout le monde sache ce que nous avons fait pour réaliser ce projet. Nous avons pris une ancienne école résidentielle pour Indiens, juste en dehors de Cranbrook et l'avons transformée en hôtel quatre étoiles, avec un parcours de golf à 18 trous et un casino.
Nous avons réalisé cela sur une période de dix ans, avec cinq bandes indiennes qui n'avaient littéralement pas le moindre sou vaillant. Nous avons prospecté toutes les subventions disponibles et les avons utilisées comme fonds de démarrage et convaincu des investisseurs de se joindre à nous.
En raison de toutes sortes de problèmes, dont j'ai mentionné quelques-uns aujourd'hui, une fois les travaux terminés, il nous manquait 2 millions de dollars et n'avions plus personne pour nous aider. On ne voulait plus me voir dans tous les ministères auxquels je m'adressais pour trouver des fonds et nous étions absolument au bout du rouleau sur le plan de l'emprunt.
Nous avons dû déposer le bilan, mais deux collectivités autochtones ont offert de s'associer à nous pour racheter notre actif. Il s'agit de la nation crie Sampson en Alberta et de la nation M'njikaning en Ontario, et c'est la première fois que trois Premières nations de trois régions différentes du pays s'associent de cette manière.
Aujourd'hui, notre hôtel marche bien. Notre terrain de golf a eu une très bonne saison et, si vous aimez le golf, j'espère que vous emmènerez votre comité à St. Eugene pour nous rendre visite.
C'est une histoire incroyable, car c'était initialement une école résidentielle. J'ai passé neuf années dans cette école, et donc, pour moi, construire cet hôtel, construire ce centre de villégiature représente une grande aventure.
Cela dit, chacune de nos collectivités a entrepris divers projets. L'une est située sur le 49e parallèle. Il y a une vingtaine d'années, elle a ouvert un magasin hors taxe qui est très prospère.
Une autre collectivité au nord de chez nous a loué beaucoup de terrains et il y a là toutes sortes de commerces. On vient d'ouvrir un Tim Horton's dans la réserve, un magasin Home Hardware et d'autres encore.
Dans ma collectivité de St. Mary's nous avons une pépinière autochtone. L'industrie a de plus en plus conscience que lorsqu'elle dénature un terrain, il faut le rétablir à l'état naturel, et donc nous avons ouvert cette pépinière. Elle connaît des difficultés, mais nous savons que cela va bien marcher. Voilà juste quelques exemples.
Le sénateur St. Germain : Merci d'être venue, chef. Je suis allé visiter votre hôtel avec Jim Abbott, le député local. Vous n'étiez pas là ce jour-là.
Mme Pierre : C'est dommage.
Le sénateur St. Germain : Nous avons bu un café. C'est un endroit impressionnant, de première classe. Je ne suis pas allé sur le parcours de golf, car si je l'avais fait, j'y serais encore.
En ce qui concerne les certificats de possession, nous avons parlé ce matin avec Manny Jules d'un cadastre pour les terres autochtones et le chef Louie, de Westbank, en a fait état également; M. Isaac, juste avant vous, en a parlé aussi. Lorsqu'on regarde un peu partout, on voit toutes sortes de situations différentes pour ce qui est des biens fonciers autochtones ou des réserves.
De quoi avez-vous réellement besoin pour accéder au capital? Les simples CP que le ministère des Affaires indiennes et du Nord établit aujourd'hui, ne suffiraient pas, n'est-ce pas? Vous seriez quand même obligé de passer par cette procédure d'un an ou deux, à moins que l'on supprime le ministère, ce qui me paraît être la meilleure idée au monde, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain.
Comment faudrait-il s'y prendre, selon vous? Je sais que vous êtres très entreprenants dans votre région et, comme vous l'avez dit, vous vous êtes associés avec deux autres bandes autochtones, dont l'une de l'Ontario, et j'imagine que vous avez dû apporter des garanties. Quelle est la meilleure façon de procéder à cet égard?
Mme Pierre : Voulez-vous une réponse courte?
Le sénateur St. Germain : Oui.
Mme Pierre : Signez des traités. Voilà la réponse courte.
Cela ne va pas se faire du jour au lendemain non plus, et dans l'intervalle j'ai formulé quelques idées sur la façon de rendre les terres autochtones plus accessibles pour les petites entreprises. Mais je pense que si l'on ne change pas la loi et que les terres indiennes conservent leur statut juridique actuel, pour lancer des petites entreprises, il vaut mieux détenir un Certificat de possession. C'est peut-être ce que les Premières nations devront faire avec le petit territoire qu'elles possèdent aujourd'hui, soit trouver une façon d'obtenir des Certificats de possession pour ceux qui veulent monter une entreprise.
Le sénateur St. Germain : Mais les Certificats de possession aujourd'hui ne peuvent être attribués qu'à des personnes? Une société ne peut en obtenir? Est-ce là ce que vous dites?
Mme Pierre : C'est ce que je dis.
Le sénateur St. Germain : Est-ce que l'article 87 de la Loi sur les Indiens s'applique uniquement aux particuliers?
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur St. Germain : Supposons que vous formiez une société dans la réserve.
Mme Pierre : Elle perd immédiatement son exonération fiscale. C'est pourquoi je dis que c'est là un autre moyen.
Le sénateur St. Germain : Cela pénalise donc l'entreprise et freine tout le développement économique.
Mme Pierre : Absolument. Mais la Loi sur les Indiens n'a jamais été conçue pour encourager les affaires. Personne n'imaginait alors que nous serions encore là 140 ans plus tard. Ce n'est pas dans cette perspective qu'elle a été rédigée.
Le sénateur St. Germain : Vous pensez que l'idée à l'origine était que vous disparaîtriez?
Mme Pierre : Bien entendu. Cela ne fait aucun doute.
Le sénateur St. Germain : Je tenais à ce que cela soit dit. J'espère que nous pourrons rédiger un rapport et, comme je le dis, peu importe qui sera au pouvoir. Ce pourrait être un gouvernement néo-démocrate, conservateur, libéral, bloquiste, peu importe, ce serait toujours la même chose. Notre comité va devoir réellement prendre l'initiative afin que les choses changent pour vous, et c'est pourquoi je pose ce genre de questions suggestives; ce n'est pas pour vous mettre dans l'embarras.
Mme Pierre : Non, j'apprécie réellement. J'essayais d'esquisser des solutions que le gouvernement du Canada peut concrètement mettre en œuvre, car mon cœur est engagé dans le processus des traités, car je veux que tout le monde puisse s'autodéterminer, et qu'il n'y ait plus de Loi sur les Indiens, plus de ministère des Affaires indiennes ni rien de tout cela, plus de statut de réserve, et cetera.
C'est vers cet objectif que je veux emmener les nôtres. Cependant, dans l'intervalle, vous avez la possibilité d'apporter quelques changements qui feraient une réelle différence dans notre vie; c'est pourquoi j'ai formulé ces recommandations.
Le sénateur St. Germain : Combien de membres compte votre bande, s'il vous plaît?
Mme Pierre : Nous avons 362 membres inscrits, et environ 200 vivent dans la réserve.
Le sénateur St. Germain : Quelle est la superficie?
Mme Pierre : Nous avons 17 000 acres dans la réserve principale et trois autres réserves plus petites qui comptent entre 600 et 800 acres.
Le sénateur St. Germain : Et y a-t-il des CP chez vous?
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur St. Germain : Est-ce que tous les 362 membres en ont?
Mme Pierre : Chaque grand groupe familial a un CP, mais non pas chaque personne au sein de ce groupe.
Le sénateur St. Germain : Est-ce juste?
Mme Pierre : Eh bien, il y a très peu de choses justes dans la vie. À certains égards, je dirais oui. Cependant, parce que certaines familles se sont multipliées plus vite que d'autres et avaient une petite superficie pour commencer, il serait plus juste que la bande puisse émettre les CP. Chez nous, si une personne se présentait avec un plan d'entreprise pour un projet particulier, alors oui, j'aimerais octroyer à cette personne un CP.
Le sénateur St. Germain : Existe-t-il des terrains dans des zones stratégiques appartenant à la bande et ne faisant pas l'objet de CP?
Mme Pierre : Non, pas dans les mêmes secteurs. Nous sommes un peu isolés. C'est pourquoi je préconise que l'on nous permette d'acheter des terres là où sont les emplois.
Le sénateur St. Germain : Et les englober dans votre réserve.
Mme Pierre : Oui, et je commencerais par un terrain juste à côté de la mine à Elkford. C'est là où je commencerais.
Le sénateur St. Germain : Veuillez m'excuser de poser tant de questions, mais c'est là un sujet qui m'intrigue depuis le début. Des gens comme le conseiller Isaac et le chef Pierre peuvent y répondre, afin que notre rapport colle à la réalité du terrain.
Le sénateur Fitzpatrick : Merci d'être venue. Votre réputation vous précède, mais vous le savez, car vous avez fait un travail extraordinaire dans votre région.
Mme Pierre : Je l'espère.
Le sénateur Fitzpatrick : Je veux revenir sur la question de l'acquisition de terrains. Vous pouvez acheter des terrains en dehors des réserves; le problème, ensuite, c'est de les convertir en terres de réserve. C'est là le problème, n'est-ce pas?
Mme Pierre : Eh bien, il y a deux problèmes : oui, vous pouvez acheter des terrains, si vous avez l'argent. Tout d'abord, il faut donc trouver les ressources pour acheter les terrains, et ensuite la grosse difficulté c'est de leur obtenir le statut de réserve.
Le sénateur Fitzpatrick : Et c'est un processus lent et coûteux.
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur Fitzpatrick : Pour en revenir à la possibilité d'hypothéquer et d'emprunter, je suppose que vous pourriez emprunter pour acheter des terrains qui n'auraient pas nécessairement le statut de réserve.
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur Fitzpatrick : Vous pourriez y monter des entreprises. Je sais que cela ne résout pas le problème final, mais c'est peut-être quelque chose à envisager.
Mme Pierre : J'espère certainement que ma bande sera en mesure de faire cela dans un avenir assez proche, mais nous ne le pouvons sûrement pas aujourd'hui. Comme je l'ai dit, nos caisses sont absolument vides.
Le sénateur Fitzpatrick : Permettez-moi de revenir en arrière un instant. Je trouve que vos idées, vos recommandations, sont intéressantes et concrètes et nous seront utiles, mais pour ce qui est des fuites économiques, vous avez parlé des achats effectués hors réserve et d'ouvrir des commerces dans la réserve. Je songe à Westbank, où il existe des commerces. Ce ne sont pas nécessairement des magasins autochtones, mais le chef Robert Louie a parlé ce matin de magasins à grande surface. Serait-ce une possibilité, dans votre esprit, de conclure un bail pour qu'une entreprise non autochtone s'installe dans votre réserve, ce qui vous apporterait un revenu?
Mme Pierre : Oui, absolument, car lorsque vous louez ce terrain, il a un profit immédiat pour la collectivité; vous avez des avantages fiscaux aussi longtemps que l'entreprise sera là. Vous aurez des emplois sur place et tout l'argent qui entre dans la réserve y fait deux ou trois tours avant d'en repartir.
Le sénateur Fitzpatrick : Merci beaucoup.
Le sénateur Zimmer : Chef Pierre, je vous remercie de votre excellent exposé. Comme le président l'a dit, il est clair que vous êtes une femme ayant les pieds sur terre. Ma question porte sur l'amélioration du potentiel commercial des terres des Premières nations, la possibilité pour les bandes d'acquérir des terrains là où se trouvent les emplois et de les intégrer dans les terres de la réserve.
Parlez-vous là de réserves urbaines? Je sais qu'il en existe une à Saskatoon qui s'est bien intégrée dans la ville. Initialement, il y avait quelques craintes et malentendus, mais cela marche très bien.
À Winnipeg, nous avons les casernes militaires Kapyong. Là aussi il y a quelques difficultés initiales dues à la peur et aux malentendus. Que pensez-vous de réserves urbaines? Avez-vous l'intention d'en créer pour votre nation?
Mme Pierre : Nous ne projetons pas d'en créer de la même envergure que celles dont vous parlez en Saskatchewan et au Manitoba. Je connais quelque peu les exemples que vous avez cités, mais je n'ai pas beaucoup de détails.
Ce dont je parlais engloberait les réserves urbaines, car c'est là où se situent les emplois, et aujourd'hui davantage d'Autochtones vivent dans les villes que dans nos réserves. Je pense qu'à l'échelle nationale, il y a probablement plus d'Autochtones en zone urbaine que dans les réserves.
Dans notre cas particulier, puisque nous sommes engagés dans ce processus de traité, nous envisageons de disposer d'un territoire plus vaste. Ces terres seront dotées de ressources primaires, dont la Colombie-Britannique dépend toujours largement. Si ces terres étaient à notre disposition à l'heure actuelle, nous pourrions offrir des emplois, de la formation professionnelle et un développement économique véritable à notre collectivité.
Je crois que c'est les deux — vous êtes du Manitoba, je suppose?
Le sénateur Zimmer : Oui; initialement de la Saskatchewan, aujourd'hui je vis au Manitoba.
Mme Pierre : Très bien. Certaines des localités éloignées du nord du Manitoba, et aussi de la Saskatchewan, ainsi que les collectivités isolées du nord de la Colombie-Britannique, n'ont guère de potentiel économique dans leurs environs, et à moins que l'on ne découvre du pétrole ou quelque chose du genre, ce qui détruirait leur base territoriale de toute façon, il n'y aura jamais beaucoup d'emplois dans ces régions. Si ces collectivités éloignées pouvaient conclure des partenariats avec d'autres Premières nations pour acheter des terres là où se trouvent les emplois, que ce soit près des villes ou là où sont exploitées les ressources primaires, cela les aiderait.
Le sénateur Christensen : Merci de votre exposé. J'aimerais m'attarder sur votre idée d'acquérir des terres et de les intégrer à la réserve. Ce n'est pas possible aujourd'hui?
Mme Pierre : Si, c'est possible.
Le sénateur Christensen : Est-ce que vous devez les échanger contre des terres de réserve actuelles, ou bien serait-ce un agrandissement de la réserve?
Mme Pierre : Il faudrait que ce soit un agrandissement du territoire, car l'une des causes de la pauvreté de ces collectivités, c'est qu'elles ont soit un territoire trop petit soit qu'il est très isolé.
Le sénateur Christensen : Et l'idée serait que, si vous ajoutez ces terres aux réserves, les particuliers ou les sociétés qui s'y établissent bénéficieraient d'allègements fiscaux?
Mme Pierre : Oui, tout à fait.
Le sénateur Christensen : À l'heure actuelle, une société ne bénéficie pas des ces allègements, mais un particulier oui. Vous aimeriez voir cela élargi aux sociétés.
Mme Pierre : L'exonération fiscale actuelle, comme je l'ai dit, concerne la taxe à la consommation, ce n'est pas un allègement fiscal destiné à favoriser l'entreprise. Si vous achetez quelque chose dans la réserve, c'est exonéré de la taxe de vente.
Le sénateur Christensen : C'est juste, mais si vous travaillez dans la réserve — si vous aviez votre propre petit magasin, mettons — vous seriez exonéré de l'impôt sur le revenu des particuliers.
Mme Pierre : Oui, mais un particulier qui veut ouvrir une entreprise dans une réserve et emprunter doit former une société. Vous ne pourrez pas le faire à titre de particulier utilisant des terres de la réserve. Vous devrez suivre le processus de désignation et former une société. Dès que vous faites cela, vous perdez l'exonération fiscale.
Le sénateur Christensen : Cependant, si des gens travaillent pour vous dans la réserve, ils sont exonérés.
Mme Pierre : Ils sont exonérés. Beaucoup d'Autochtones travaillent pour nous dans notre centre de villégiature et leur revenu est exonéré d'impôt. Celui de la société ne l'est pas, car nous sommes une société. Peu importe qu'elle soit composée de trois bandes indiennes, les exonérations ne s'ajoutent pas. Du fait que nous sommes une société, nous devons payer l'impôt.
Le sénateur Fitzpatrick : J'ai une question complémentaire. Je suis intrigué. Pourquoi ne versez-vous pas tous vos profits aux actionnaires? Est-ce que le revenu ne serait alors pas exonéré?
Mme Pierre : Eh bien, il peut l'être. Il y a toujours des façons de s'y prendre. Nous avons formé une société, avec un fiduciaire. Les bandes sont les ayants droit du fiduciaire. Le fiduciaire est le véhicule qui permet aux bandes de gérer l'entreprise sans être directement présentes elles-mêmes, et donc tous les profits de la société vont aux bandes par l'intermédiaire du fiduciaire. Dans ces conditions, ils deviennent non imposables aux mains du bénéficiaire.
Le sénateur Fitzpatrick : Bien.
Mme Pierre : Voilà ce que nos cinq bandes ont fait. Mais Sampson Cree et M'njikaning ont fait les choses différemment. Différents montages sont possibles.
Mon argument, c'est que cela coûte cher et prend beaucoup de temps et les choses seraient beaucoup plus simples si l'on disait simplement que les sociétés appartenant à des Indiens et qui sont actives dans les réserves indiennes jouissent de la même exonération fiscale que les particuliers.
Le sénateur Fitzpatrick : L'intention initiale de l'exonération fiscale était de favoriser l'autonomie financière de vos entreprises dans les réserves et l'on n'imaginait pas qu'elles seraient toutes constituées en sociétés. Maintenant que les sociétés vous mettent à l'abri de la responsabilité personnelle, vous vous trouvez privé des allègements fiscaux.
Mme Pierre : C'est juste.
Le sénateur Fitzpatrick : C'est intéressant. Merci beaucoup.
Le sénateur St. Germain : J'ai une autre question encore : Quel est votre point de vue concernant les terres autochtones? Pensez-vous qu'elles devraient pouvoir être vendues à des non-Autochtones ou bien toujours détenues collectivement pour la bande?
Mme Pierre : Aussi longtemps qu'elles conservent le statut actuel de terres de réserves indiennes, je pense qu'elles devraient rester la propriété collective de la bande jusqu'à ce que l'on puisse remplacer ce statut par un autre créé par les Autochtones de concert avec le gouvernement du Canada, notamment le mécanisme des traités.
Je dis cela parce que les réserves indiennes occupent actuellement un très petit territoire comparé à ce que nous avions dans ce pays comme Premières nations. Si je puis parler spécifiquement de la nation Ktunaxa, les nôtres vivaient des deux côtés de la frontière. Nous avions un territoire énorme. Nous étions un peuple nomade qui trouvait sa subsistance sur son territoire. Aujourd'hui, nous sommes confinés dans cinq petites réserves, et si la seule façon de se lancer dans les affaires c'est d'aliéner ces terres au détriment des générations futures, je ne serais pas en faveur de cela. Je pense qu'il y a de meilleures façons de permettre aux Premières nations de faire des affaires sur les terres des Premières nations, avec le statut de réserve, sans risquer que les terres soient perdues pour les générations futures. C'est tout le but de certaines des suggestions que j'ai formulées et que des gens comme Manny Jules et Robert Louie proposent également.
En tant qu'Autochtones, notre marge de manœuvre est limitée, car d'une part nous continuons d'être considérés comme des pupilles de l'État. Nous avons le statut légal d'Indien, nous vivons dans des réserves et nous sommes assujettis aux restrictions fédérales qui accompagnent ce statut.
D'un autre côté, nous aspirons à l'autodétermination, mais il faut d'abord y parvenir avant d'abandonner le peu que nous avons maintenant. Sinon, nous serons dans une situation encore pire.
Le sénateur St. Germain : Autrement dit, si vous mettiez vos terres à la disposition de non-Autochtones, ce serait à titre locatif.
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur St. Germain : Mettons qu'il s'agisse d'un bail de 99 ans, à l'expiration du bail, le terrain retournerait à la nation autochtone.
Mme Pierre : Oui. Je préférerais que les Autochtones eux-mêmes exploitent ces entreprises, car j'imagine que vous parlez là d'entreprises. La location ou la vente à des non-Autochtones serait pour une fin commerciale. Je préférerais que les Autochtones aient eux-mêmes la capacité de monter cette entreprise au lieu que nous ayons à vendre ou louer nos terres à quelqu'un d'autre pour cela.
Le sénateur St. Germain : Ce serait l'idéal pour les Autochtones, mais souvent ce qui est idéal ne peut se faire immédiatement et vous pouvez être amené à louer à des non-Autochtones pendant quelque temps.
Mme Pierre : C'est ce que la loi nous impose de faire depuis plus d'un siècle. Nous l'avons fait assez fréquemment au cours des 20 ou 30 dernières années. Je prône simplement des façons différentes de faire les choses.
Il n'est pas inéluctable que nous devions louer nos terres à des non-Autochtones pour faire des affaires dans nos collectivités et nous ne devrions pas y être obligés. Je ne comprends pas pourquoi nous devrions continuer ainsi.
Le sénateur St. Germain : Pourtant, Westbank se porte très bien en le faisant.
Mme Pierre : Oui, et j'en suis ravie pour eux, mais Westbank n'est que l'une de 200 bandes en Colombie-Britannique et nous ne sommes pas toutes situées dans un endroit aussi merveilleux qu'elle. Ma réserve est belle, mais elle ne se situe pas sur un carrefour de développement, en dépit de ce que Jim voudrait croire. Je parle de Jim Abbott.
Le sénateur St. Germain : Oui.
Mme Pierre : À St. Mary's, nous avons beaucoup de difficultés.
Le sénateur St. Germain : Je sais. Merci beaucoup.
Le président : Chef Pierre, aimeriez-vous dire un mot sur l'éducation? J'ai l'impression que tout ce phénomène des Autochtones qui se lancent en affaires procède de la réalisation que l'avenir est là. Alors que les Autochtones vivaient traditionnellement de la terre, menaient une existence beaucoup plus simple, ils sont aujourd'hui contraints de reconnaître que leur avenir réside dans la société canadienne actuelle. Nous n'avons d'autre choix que de nous instruire, d'occuper des emplois ou de nous lancer en affaires; quelle est votre situation à cet égard?
Mme Pierre : Notre situation n'est pas différente de celle de beaucoup d'autres collectivités autochtones à travers ce pays. Nous avons toujours un très fort taux de décrochage scolaire, en dépit de tout ce que nous avons fait.
En 1988, nous avons ouvert une petite école dans notre réserve parce que nous voyions des enfants commencer l'école à l'âge de cinq ans et ils étaient comme tous ceux de cet âge. Ils débordaient d'énergie, ils adoraient la vie, ils pensaient que tout le monde les aimait et ils étaient prêts à foncer.
Mais une fois arrivés en quatrième année, on peut voir que cette confiance commence à s'éroder. Arrivés en septième année, on commence à les perdre et c'est terminé en neuvième année. Nous voulions faire quelque chose de différent. Nous voulions canaliser l'énergie de ces enfants lorsqu'ils étaient encore à un âge où ils adoraient la vie.
Nous travaillons toujours là-dessus, mais c'est difficile. J'aimerais pouvoir dire que la situation s'est tout de suite inversée, car nous avons lancé cela en 1988 — cela fera bientôt 20 ans. Mais les choses ne changent pas si vite et j'ai été réellement découragée au cours des 10 ou 12 premières années, car nous nous attendions à voir quelques diplômés sortir de cette école.
Et j'ai réalisé ensuite qu'il nous a fallu quatre ou cinq générations pour arriver là où nous en sommes aujourd'hui et, en dépit de notre impatience, cela ne changera pas immédiatement. Cependant, je vois nos enfants réussir un peu mieux. Cela commence, et je pense qu'il est important que les enfants reçoivent le soutien et les bases dont ils ont besoin pour croire en eux à un très jeune âge.
Nous avons maintenant une garderie, et donc nous pouvons commencer à un âge encore plus précoce. Nous avons introduit le programme Bon Départ dans nos collectivités. Je pense que c'est là qu'il fera une différence.
Je sais aussi, car je commence à avoir assez d'expérience, que les choses ne vont pas se faire du jour au lendemain. Dieu sait que j'aimerais qu'il en soit autrement. Mais nous devons persister dans ce que je crois être la solution, soit travailler avec les individus à l'âge le plus jeune possible.
Mais il ne faut pas non plus oublier les autres, et là je me dois de faire l'article pour un autre projet dont je m'occupe. De fait, j'étais à Ottawa la semaine dernière pour en faire la promotion. Il s'agit du programme Chinook de l'UBC. Nous avons conclu un partenariat avec la Sauder School of Business, car nous avons un réel manque de capacités de gestion dans nos collectivités, qu'il s'agisse d'entreprises commerciales, l'aspect qui m'intéresse, mais aussi de tous les autres domaines — santé, logement, éducation. Nous avons besoin de gestionnaires chez nous.
Nous avons conclu un partenariat avec la Sauder School et ce programme comporte quatre volets : l'un est un programme en école secondaire, afin d'amener les jeunes Autochtones à considérer les affaires comme une possibilité réelle pour les Premières nations. En Colombie-Britannique, 1 p. 100 des diplômés du secondaire seulement ont le niveau de mathématiques de la 12e année. Cela doit changer.
Ensuite, nous avons des partenariats avec des collèges communautaires, ici en Colombie-Britannique, afin que nos jeunes puissent entrer dans un programme à diplôme. La Sauder School of Business a reconnu ces programmes et va accepter les diplômés chez elle. Parallèlement, ceux qui sont déjà employés peuvent suivre des cours pour obtenir un diplôme soit de collège communautaire soit de l'école Sauder.
Nous travaillons donc sur ces quatre volets en même temps de façon à doter nos collectivités autochtones de gestionnaires. Mais il nous faut en même temps mettre l'accent sur les enfants qui naissent aujourd'hui afin de leur donner un bon départ afin qu'ils puissent réaliser leur potentiel à l'âge adulte.
Le président : Je vois que vous êtes pas mal convaincante; quels sont les résultats de ce voyage à Ottawa? Est-ce que cela bouge?
Mme Pierre : Eh bien, je suis toujours optimiste et je pense d'ailleurs que ce voyage a été utile. Je pense que nous avons pu rencontrer les gens qu'il fallait, mais il faut avoir ma longue expérience pour savoir comment ouvrir les portes voulues. La vraie difficulté est là. Lorsque les chefs des Premières nations veulent faire quelque chose pour les leurs, s'ils ne savent pas qui appeler à Ottawa, ils n'auront pas le genre de résultat que je crois avoir obtenu pour le programme Chinook.
Lorsque nous construisions le Centre de villégiature de St. Eugene Mission, nous avons obtenu le soutien d'Entreprise autochtone Canada, du ministère des Ressources humaines et ainsi de suite. Il ne fait aucun doute qu'il faut savoir frapper aux bonnes portes.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Chef Sophie Pierre, je ne sais pas ce qu'il en est dans l'Ouest, mais dans l'Est nous avons accès aux terres domaniales. Est-ce que cela existe ici?
Mme Pierre : L'accès aux terres domaniales pour...
Le sénateur Lovelace Nicholas : Ces terres sont réservées pour l'usage futur des Autochtones.
Mme Pierre : Oh, non. C'est ce que nous cherchons à obtenir par le biais du processus des traités, mais nous n'avons pas cela.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Si vous aviez accès à ces terres domaniales conservées pour les Autochtones à l'avenir, cela améliorerait grandement votre situation.
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur Peterson : Il ne fait aucun doute que l'éducation, comme vous l'avez dit, représente un facteur majeur, d'autant que les Autochtones sont le groupe où la croissance est la plus rapide dans la tranche d'âge de 15 à 25 ans.
Mme Pierre : C'est juste.
Le sénateur Peterson : C'est un problème pour nous tous, pas seulement les Premières nations, et c'est aujourd'hui qu'il faut trouver les solutions. À votre avis, l'éducation doit-elle être assurée par les Premières nations elles-mêmes? Ou bien devrait-ce être en collaboration avec les gouvernements provinciaux, dont relève l'éducation, particulièrement hors réserve? Dans les réserves, c'est un peu plus facile, mais beaucoup d'Autochtones vivent en dehors des réserves; que faire pour eux?
Mme Pierre : Il faut les deux, comme vous l'avez dit, c'est-à-dire travailler avec les Premières nations et avec les divers gouvernements provinciaux car, oui, la majorité des élèves autochtones vivent hors réserve et ils doivent apprendre qui ils sont pour devenir forts. C'est notre cas à tous. Nous avons nos origines qui nous donnent des racines, une fondation.
Si vous vivez en agglomération, sans lien avec votre lieu d'origine, si quelqu'un vous dit que vous êtes Ktunaxa, vous n'avez pas idée de ce que cela signifie. Vous voyez les Haida, avec leurs totems, et vous vous dites « J'aimerais mieux être un Haida ». Parfois, moi-même je préférerais être une Haida. Je porte beaucoup leurs bijoux.
Ce qui importe, c'est que, comme Autochtone, vous sachiez qui vous êtes. Ici, en Colombie-Britannique, nous avons le First Nations Education Steering Committee, FNESC, qui est dirigé par une femme incroyable du nom de Christa Williams et qui conclut de véritables partenariats entre les écoles urbaines et les collectivités des Premières nations. Nous avons des contacts avec des élèves Ktunaxa vivant dans la région de Vancouver et nous les encourageons, par l'intermédiaire des familles de la réserve, à garder le contact avec les leurs.
Il existe toutes sortes de programmes, dont certains réussis, mais je connais mieux ceux de la Colombie-Britannique, comme le FNESC, qui trouve toujours de nouvelles façons de faire les choses. Si quelque chose ne marche pas bien, alors vous essayez quelque chose d'un peu différent. Vous n'insistez pas nécessairement, vous essayez quelque chose de différent, mais il faut que ce soit un partenariat entre la collectivité autochtone et les gouvernements provinciaux.
Le sénateur Peterson : Parlant de fierté, je vous recommande le modèle Santa Fe du Nouveau Mexique. On y fait un travail extraordinaire et les élèves autochtones y obtiennent des résultats scolaires excellents dans les examens d'État. En fait, on les accusait de peut-être leur donner des examens plus faciles, mais il s'est avéré qu'ils passent les examens d'État, comme tout le monde.
Au sujet des institutions financières, vous disiez que vous n'aviez pas d'accès au crédit, et pourtant il existe des institutions financières autochtones. N'y en a-t-il pas ici?
Mme Pierre : Il y a des sociétés de financement autochtones mais leurs capacités sont limitées. Il y a Entreprise autochtone Canada, qui est limitée aussi.
Si les programmes existants faisaient tout leur possible — je ne dis pas que nous n'aurions pas les problèmes que nous connaissons — nous aurions un problème de moindre envergure.
Encore une fois, il faut faire les choses différemment et je dis que les entreprises du Canada seraient tout à fait prêtes à faire des affaires dans les réserves indiennes avec quelques encouragements. Elles existent pour gagner de l'argent et s'il y a moyen de le faire en s'associant aux collectivités autochtones dans les réserves indiennes, je crois qu'elles le feraient.
Le sénateur Peterson : Vous avez parlé du potentiel des terres des Premières nations, en particulier des réserves urbaines. En Saskatchewan, cela s'est fait sans trop de difficulté. Les bandes ont pris l'argent qui leur revenait au titre des droits fonciers issus des traités et ont acheté des terrains dans les centres urbains; cela n'a pas pris de temps. Pourquoi serait-ce différent ici?
Mme Pierre : Vous avez utilisé les mots « droits fonciers issus des traités »?
Le sénateur Peterson : Vous n'avez pas cela?
Mme Pierre : Non.
Le sénateur Peterson : C'est donc réglé. Si vous l'aviez, vous pourriez constituer une réserve urbaine assez rapidement.
Mme Pierre : Oui, je le pense.
Le sénateur Peterson : Vous aviez indiqué que beaucoup de réserves ici sont assez petites. En Saskatchewan, 12 d'entre elles se sont regroupées comme P.A. Grand Council. Est-ce une possibilité ici? Cela ne marcherait pas, géographiquement? Ne pourriez-vous pas vous regrouper? Si vous avez un petit territoire, si trois se joignaient ensemble, vous auriez une masse et une superficie qui pourraient faciliter les choses.
Mme Pierre : Eh bien, si vous avez une réserve par ici, et à 150 milles vous avez une autre petite réserve, et encore une autre petite réserve 150 milles plus loin, c'est un peu plus difficile.
Au fur et à mesure que le système des réserves avançait à travers le Canada, on a créé des réserves relativement grosses dans les Prairies. C'est un peu comme ce qui s'est passé aux États-Unis. Certaines des réserves que nous avons ici, en Colombie-Britannique, font 50 acres, et c'est donc un peu plus dur. Notre réserve est la plus grosse de nos cinq bandes, les 17 000 acres que nous avons à St. Mary's.
Le sénateur Campbell : J'ai eu le plaisir d'être présent lorsque vous avez comparu au sujet du programme Chinook et je le connais donc bien. J'ai également sa description quelque part par écrit, et mon bureau à Vancouver est en train de le copier et je distribuerai cela à tout le monde. C'est un programme étonnant, et je crois qu'il vient initialement de l'Université de l'Alaska.
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur Campbell : Je pense que le processus des traités vous placerait dans la situation des Premières nations de la Saskatchewan, qui touchent de gros montants à intervalles réguliers, ce qui leur permet d'acheter des terres qui sont ensuite intégrées à la réserve. Si vous n'avez pas ces rentrées d'argent, vous dépendez du centre de villégiature, dans votre cas.
Je suis nouveau dans ce comité, et je me demande combien de temps il faudra attendre pour que ce processus des traités aboutisse? Nous sommes vieux et n'avons guère de temps à perdre.
Mme Pierre : Ne m'en parlez pas. J'espérais que ce serait fait avant que j'aie des petits-enfants, mais c'est trop tard; j'ai maintenant des petits-enfants. Je ne sais pas. Le processus mis en marche au début des années 90 était bon, avait un potentiel réel, et ensuite il s'est enlisé je ne sais pas trop pourquoi, à cause des gens. Nous aimons bien nous enliser.
Le sénateur Campbell : C'est certainement primordial pour la réussite économique des Premières nations.
Mme Pierre : Oui.
Le sénateur St. Germain : Est-ce que les deux parties sont à blâmer, et les Autochtones et le gouvernement?
Mme Pierre : Il y a en fait trois parties et toutes sont à blâmer. Les gouvernements se sont engagés dans le processus des traités, mais c'était juste sur papier. Il n'y a jamais eu d'engagement réel, sous forme de mandat donné aux négociateurs. Je pense que nous avons maintenant un mandat un peu plus sérieux, mais c'est comme un chien qui coure après un pneu; il finit par l'attraper, et il ne sait pas trop quoi en faire. Nous avons beaucoup de chiens qui courent après les voitures dans la réserve et c'est pourquoi j'utilise cette analogie.
Le sénateur Fitzpatrick : Je me demande si vous avez constaté des conséquences négatives des réductions apportées dans les programmes de développement économique du gouvernement fédéral qui faisaient une différence. Le succès engendre le succès et je peux vous donner des exemples — ce n'est pas nécessaire, vous les connaissez — de programmes de développement économique qui ont très bien marché dans cette région. De tels exemples, si on les multiplie, devraient offrir une forte motivation à entreprendre des activités commerciales, dans les réserves ou en dehors.
Avez-vous remarqué ce retrait et cela a-t-il eu un effet de freinage?
Mme Pierre : Oui, très certainement. Les Affaires indiennes ont toujours un service appelé « développement économique », mais qui ne dispose pas des ressources financières voulues. Puis, Industrie Canada, bien sûr, a Entreprise autochtone Canada, et j'ai formulé mes recommandations sur la façon de rendre ce programme plus accessible aux petites entreprises.
Oui, nous avons des exemples et les plus visibles sont des entreprises relativement importantes, mais nous savons tous que c'est la petite entreprise qui représente la colonne vertébrale de la collectivité.
Le sénateur Fitzpatrick : Qui fournit le plus d'emplois.
Mme Pierre : Oui, il faut beaucoup de petites entreprises et il n'y en a pas beaucoup. Même dans les régions dont on vante la réussite, vous aurez bien du mal à trouver ces petites entreprises.
Encore une fois, il faut faire les choses différemment, et donc rendre les ressources financières offertes par Industrie Canada, par Ressources humaines Canada et les Affaires indiennes, facilement accessibles par les petites entreprises. Ne les obligez pas à passer par 50 millions d'étapes pour obtenir ce petit peu d'aide, car alors vous allez tuer l'esprit d'initiative.
Le sénateur Fitzpatrick : Merci beaucoup.
Mme Pierre : Et l'occasion sera passée.
Le sénateur St. Germain : Puis-je vous demander si votre casino dégage des profits?
Mme Pierre : Oui, beaucoup pour le gouvernement provincial. Pour nous? Le casino ne remplit pas les objectifs que nous avions fixés. Dans l'ensemble, notre centre a souffert de plusieurs choses : premièrement, le fait que nous ayons dû déposer le bilan. Cela a certainement eu un effet. C'est en fait une protection contre vos créanciers. Comme je l'ai dit, nous avons connu des difficultés financières.
Le sénateur St. Germain : C'est une procédure de type chapitre 11, ou quel que soit le nom qu'on lui donne.
Mme Pierre : Oui. Cela a certainement eu un effet. Ensuite, il nous faut faire un gros effort de marketing, car nous sommes situés dans une très belle région du monde, mais le monde en est plein. Il nous faut faire de la promotion, pour que les gens viennent chez nous. Nous avons à faire un gros effort de marketing pour attirer la clientèle. Je pense que nous avons un excellent potentiel, mais il nous faut accroître la fréquentation.
Le sénateur St. Germain : Bonne chance.
Le sénateur Zimmer : Pour revenir sur le casino, j'ai travaillé au Manitoba pendant sept ans comme vice-président responsable du marketing des loteries et casinos. Au Manitoba, on a désigné quatre casinos autochtones qui peuvent conserver leurs profits; et ils en font beaucoup, je le dis pour revenir sur la question posée par le sénateur St. Germain. La possibilité existe-t-elle que la même chose se fasse en Colombie-Britannique, soit que les groupes autochtones puissent conserver les profits des casinos?
Mme Pierre : Nous n'y sommes pas encore parvenus. J'en ai parlé avec le gouvernement NPD, lorsqu'il était au pouvoir, et il avait approuvé notre proposition, et j'en reparle avec le nouveau gouvernement. Mais il n'y a pas un grand désir de partager la cagnotte, mais cela ferait une énorme différence, oui.
Le président : Là-dessus, je vous remercie infiniment de votre comparution, chef Pierre.
Mme Pierre : Merci.
Le président : Sans aucun doute, la masse de renseignements que vous nous avez apportés nous aimera à rédiger notre rapport.
Mme Pierre : Merci beaucoup. J'espère que ce que j'ai dit vous sera utile et si vous avez besoin d'autres renseignements, je me ferais un plaisir de vous les fournir.
Le président : Honorables sénateurs, notre témoin suivant est le chef Clarence Louie, de la bande indienne d'Osoyoos.
Bienvenue. Je suis heureux que vous ayez pu venir.
Clarence Louie, chef, bande indienne d'Osoyoos : Merci. J'ai vraiment foncé tout le long de la route. Excusez-moi de mon retard. J'ai ici une petite documentation. J'étais justement en train de dire au président que j'ai dû caser cette comparution entre un projet de 3 millions de dollars devant demain faire l'objet d'un référendum, et au sujet duquel nous avons eu deux réunions aujourd'hui, et une rencontre avec des jeunes au sujet d'un nouveau centre de coordination pour la jeunesse. J'ai ainsi passé toute la matinée avec un groupe de jeunes, ce que j'adore toujours faire.
Quoi qu'il en soit, j'ai compilé cette documentation que vous avez devant vous. On m'a demandé de parler, avant de traiter avec les Affaires indiennes, des questions de développement économique absolument ridicules que nous avons avec le ministère. J'ai également ici ce que j'appelle mon « très court mémoire », qui ne fait pas partie de la trousse, mais que je vais remettre à votre adjointe afin qu'elle puisse en faire des copies pour tout le monde. Comme je l'ai mentionné, je suis parti en courant, alors il s'y trouve une faute d'orthographe.
J'ai choisi le titre « La solution à la pauvreté autochtone ». Comme vous tous, j'ai lu les articles dans les journaux au sujet du premier ministre et de toutes ces tables rondes avec les Premières nations, dont la plupart sont, je pense, un pur gaspillage de temps et d'argent. Nous avons eu le rapport de la Commission royale, auquel le gouvernement fédéral a consacré des millions de dollars. J'ai bien l'impression que c'est encore un autre exercice du même genre qui est en train d'être mené un peu partout au pays.
De toute façon, les gens du gouvernement se plaisent à utiliser des expressions du genre « pauvreté autochtone » et à multiplier les études; tout le monde ici connaît les statistiques.
Voici donc ma déclaration au comité. Je vais vous la lire rapidement et si nous avons du temps pour des questions et réponses, ce sera très bien, mais je suis toujours respectueux du temps des gens, surtout lorsqu'ils sont à des centaines de milliers de milles de chez eux et qu'il leur faut rentrer.
L'économie canadienne n'est pas « discrétionnaire ». L'économie autochtone ne devrait elle non plus pas être discrétionnaire. Aujourd'hui, après plus de 100 années de contrôle exercé par les gouvernements fédéral et provinciaux, les Premières nations de tout le pays affichent toujours les plus forts taux de chômage, de décrochage scolaire, d'incarcération, d'aide sociale à l'enfance, d'alcoolisme et d'abus de drogues ainsi que les pires statistiques en matière de santé. De nombreuses familles autochtones vivent dans des logements inférieurs aux normes du fait de leur pauvreté.
En 2005, le gouvernement fédéral, dans sa sagesse, après plus de 100 ans de programmes sociaux avortés, qualifie toujours de « discrétionnaire » le financement du développement économique des Premières nations. Au cours des cinq années à venir, le gouvernement fédéral a choisi encore une fois de réduire de 107 millions de dollars le développement économique des Premières nations, à commencer par une diminution de 20 millions de dollars à compter de l'an prochain, avec des réductions de 29 millions de dollars pour chacune des trois années suivantes.
Le graphique que j'ai inclus ici, qu'a récemment produit le Conseil national de développement économique des Autochtones, montre clairement que les 100 dernières années de négligence du développement économique des Autochtones par le gouvernement fédéral est le plus gros problème s'agissant de la pauvreté des Autochtones. Comment diable se fait-il que les politiciens à tous les niveaux des gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que l'ensemble de la population canadienne, ne voient pas que lorsque vous dépensez 92 p. 100 de 8 milliards de dollars par an sur des programmes sociaux et seulement 8 p. 100 sur le développement économique, la pauvreté chez les Autochtones sera toujours la honte cachée du Canada. Aucun pays, aucune société dans le monde ne considère le développement économique comme étant quelque chose de discrétionnaire.
Chaque fois qu'il y a des élections fédérales ou provinciales, l'économie est toujours la question numéro un. C'est la situation économique d'un pays, d'une province ou d'un État qui détermine le niveau de vie de ses citoyens.
L'histoire nous a appris que, partout dans le monde, ce sont les sociétés qui sont les plus fortes sur le plan économique qui affichent les meilleurs résultats côté santé, les meilleurs niveaux d'instruction, les meilleurs logements et qui sont également les plus culturellement fortes. Il doit donc être facile, selon ne serait-ce qu'une logique commerciale, de voir que dans le contexte des tables rondes qui sont en cours avec les peuples autochtones du Canada — portant sur la santé, l'apprentissage continu, le logement, les négociations, la reddition de comptes -, chacun de ces dossiers sera fonction de la table ronde sur les possibilités économiques.
L'Assemblée des Premières nations existe depuis plus de 35 ans, et pendant ce temps elle s'est avérée être la partie prenante la plus au courant s'agissant des problèmes auxquels se trouvent confrontées les Premières nations du Canada. Les représentants de l'Assemblée des Premières nations, à commencer par le chef national, non seulement ont étudié les questions liées à la pauvreté autochtone, mais, au contraire des politiciens et bureaucrates fédéraux et provinciaux, ont vécu au milieu de la pauvreté autochtone. Depuis le tout premier chef national jusqu'à l'actuel chef national, tous n'ont cessé de répéter que la priorité doit être accordée au développement économique des Premières nations, et ils ont lutté contre le désintérêt du gouvernement canadien, qui continue de considérer l'économie autochtone comme discrétionnaire.
J'ai ici des citations de propos tenus par de nos chefs nationaux, remontant au tout premier, en 1973, George Manuel : « En l'absence d'une base économique, nos communautés ne pourront jamais contrôler notre avenir ». Ovide Mercredi a déclaré : « C'est le cheval économique qui tire la charrette sociale ». Matthew Coon Come a dit ceci : « Le développement économique doit être la toute première priorité ». L'un des plus éminents dirigeants autochtones et défenseurs des droits des Autochtones, le grand chef Billy Diamond, du Nord du Québec, a quant à lui déclaré ceci : « Le développement économique est la clé de la jouissance des droits des peuples autochtones ».
Dans ses rapports avec les Premières nations, le gouvernement fédéral est représenté par le ministère des Affaires indiennes, qui relève du ministre des Affaires indiennes. Pendant mes 20 années de travail en tant que chef de la bande indienne d'Osoyoos, j'ai mis l'accent sur le développement économique, mais seul un ministre des Affaires indiennes a tenté de mettre l'accent sur le développement économique des Premières nations. C'est l'honorable Robert Nault, et ce qu'il a déclaré il y a quelques années devrait être répété par chaque député au Parlement : « Il ne peut pas y avoir de justice sociale sans justice économique ».
L'étude de Harvard portant sur 20 années de développement économique chez les Indiens d'Amérique prouve que les tribus qui mettent l'accent sur le développement socio-économique sont celles qui rompent avec le cycle de dépendance à l'égard des pouvoirs publics. C'est en gagnant votre propre argent et en créant vos propres emplois que vous pouvez éliminer la pauvreté.
Le financement du développement économique des Autochtones doit être la priorité du gouvernement fédéral en vertu de l'engagement des premiers ministres de faire de la pauvreté chez les Autochtones une partie de l'histoire du Canada mais non pas de son avenir.
Voilà ce que j'ai préparé pour aujourd'hui. Je siège au Conseil national de développement économique des Autochtones, qui a récemment été créé dans cette province, ainsi qu'au Conseil de développement économique des Affaires indiennes et au Conseil de la foresterie des Premières nations de cette province. Je ne perds pas mon temps avec toutes ces réunions politiques qui se tiennent d'un bout à l'autre du pays, même les réunions autochtones, à moins qu'elles ne traitent de la création d'emplois et de possibilités de gagner de l'argent. J'estime que la plupart des choses que font les gouvernements et les Autochtones sont une perte de temps totale.
Voilà qui met fin à ma déclaration d'aujourd'hui au comité, monsieur, et j'espère que vous transmettrez le message. Je suis en train d'écrire une lettre ouverte au premier ministre du Canada au sujet de tout cet argent gaspillé, ces 8 milliards de dollars dont se plaignent la plupart des contribuables, et du fait que 92 p. 100 sont consacrés à des programmes sociaux. C'est pourquoi, 100 ans plus tard, nous sommes toujours ici en train de courir après ces maudits programmes sociaux. Cela m'ennuie que ces quatre tables rondes traitent toutes des programmes sociaux. À mon sens, peu importe qui vous êtes, Autochtone ou non autochtone, tout dépend de la dignité que vous procure l'emploi. Vous allez à l'école afin de pouvoir vous trouver un emploi. Quel genre de loyer allez-vous pouvoir payer si vous n'avez pas d'emploi? Lorsque vous allez à Calgary ou n'importe où ailleurs, vous voyez tout de suite qui est à l'assistance sociale et qui ne l'est pas.
J'en ai vraiment assez des programmes de bien-être social qui nous viennent des gouvernements fédéral et provinciaux. J'espère seulement que le comité ici réuni livrera comme message au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux que vous voulez régler le problème de la pauvreté chez les Autochtones en donnant aux Premières nations la dignité du travail rémunéré, la capacité de créer nos propres emplois et de gagner nous-mêmes notre argent.
Le président : Merci beaucoup. Je n'ai pas pu m'empêcher de relever une certaine confiance et une certaine audace, et cela m'intéresserait d'en savoir plus sur les difficultés et la lutte que vous avez vécues pour réaliser les choses que vous avez pu accomplir au fil des ans.
J'entends dire, de façon générale, que la bande indienne d'Osoyoos se débrouille très bien, que vous avez lancé plusieurs initiatives commerciales et que vous êtes sans doute considérée comme l'une des bandes qui réussissent le mieux dans la province. Bien sûr, cela n'est pas arrivé tout seul; cela a exigé beaucoup de détermination et de travail acharné.
J'aimerais bien savoir quels facteurs vous ont amenés à réussir aussi bien que vous l'avez fait.
M. Louie : Eh bien, une partie de la réponse, je l'ai lue dans les journaux, au sujet de la direction du Parti progressiste-conservateur, et l'on en entend même aujourd'hui parler au sein du Parti libéral : l'une des choses qui contribuent à la pauvreté des Premières nations est le fait que nous ne possédions pas nos terres, que nous ne possédions pas nos propres maisons. Je lisais dans le Globe and Mail que l'accession à la propriété doit être une priorité.
J'ignore d'où ils tirent leurs faux renseignements. Tout le monde sait que les bureaucrates qui fournissent des renseignements aux politiciens n'ont jamais habité une réserve. Je ne sais pas où ils vont chercher leurs renseignements.
L'accession à la propriété n'est pas le problème. Nous avons eu l'accession à la propriété dans la réserve indienne d'Osoyoos et dans toutes les réserves de l'Okanagan, en vertu des programmes sociaux. Nos gens paient un loyer, et c'est un loyer avec option d'achat; la moitié de nos gens sont aujourd'hui propriétaires de leur maison, et l'autre moitié paient l'hypothèque sur leur maison dans le cadre du programme de logement social du ministère fédéral des Affaires indiennes. Avant cela, le ministère des Affaires indiennes avait établi la propriété foncière individuelle dans les réserves, et ce dès les années 30, 40, 50 et 60. L'accession à la propriété n'est pas le problème.
Le problème c'est cette attaque permanente contre notre patrimoine et notre culture, nos traditions tribales, nos façons communautaires de faire les choses, au contraire de l'égocentrisme anglo-saxon ou chrétien. Si vous étudiez l'histoire autochtone, l'une des premières tactiques d'assimilation du gouvernement fédéral a été de démanteler la propriété des biens par la communauté tribale et de remplacer cela par un régime de propriété individuelle non autochtone, ce qui explique la location des terres en damiers que l'on retrouve dans la plupart des réserves. Ce n'est pas différent de ce qui s'est passé aux États-Unis.
L'un des secrets de notre réussite est que chacun de nos projets est entrepris sur des terres qui appartiennent à la bande. Ce sont nos terres. La plupart de nos meilleures terres à vocation développement économique appartiennent à la bande. Ces terres ne sont pas découpées en de petites parcelles individuelles en vue de servir des intérêts individuels — cette propriété foncière individuelle que le gouvernement continue d'essayer de nous faire avaler. Nos meilleures terres appartiennent toutes à la bande et elles sont détenues, selon la tradition tribale, par la communauté. Nous avons neuf entreprises rentables; elles appartiennent toutes à la communauté et nous ne faisons pas de découpage des terres en parcelles individuelles.
Les gens demandent, « Eh bien, voyez la bande de Westbank; comment se fait-il qu'elle ne peut pas faire ce que fait Osoyoos? Regardez la bande de Penticton; pourquoi ne peut-elle pas faire ce que fait Osoyoos? » Même le chef de la bande d'Okanagan, à Vernon, a convenu, « Regardez Osoyoos. Le gros de ses terres sont détenues par la bande. La plupart des nôtres sont détenues en propriété privée selon ce système de découpage en damiers ». Nous avons de gros blocs de terrain avec lesquels travailler car tout cela appartient à la bande.
Voilà la principale raison pour laquelle Osoyoos réussit. Je ne dirais pas que nous sommes une grande réussite. La plupart de nos entreprises ont moins de cinq ans. En tout cas, la première raison à notre réussite est que nous disposons encore de vastes superficies qui appartiennent à la collectivité.
Deuxièmement, nous avons le bonheur de vivre dans la région de South Okanagan. J'ai parcouru ce pays et j'ai vu l'isolement de la plupart des Premières nations, encore une autre chose qui a été établie délibérément, à l'époque de l'établissement, à l'époque coloniale, lorsque les Autochtones ont été repoussés contre les rochers et que les meilleures terres agricoles ont été occupées. On a donné aux Autochtones les terrains marécageux et on les a écartés des meilleures régions agricoles, des meilleures routes de commerce, et cetera. Osoyoos n'est pas confronté à ce facteur d'isolement.
Bien sûr, le troisième aspect serait la gouvernance. Il vous faut avoir une bonne gouvernance. Peu importe où vous vous trouvez dans le monde, les investisseurs ne viendront pas plonger la main dans leur poche arrière et faire des investissements dans un quelconque pays, une quelconque province, un quelconque État ou une quelconque société qui n'a pas une bonne gouvernance. Au cours de mes 20 années en tant que chef, nous nous sommes concentrés sur l'aspect affaires. Nous appelons cela du « capitalisme communautaire ». C'est là-dessus que nous mettons l'accent.
La bonne gouvernance, c'est le leadership, et le roulement au sein de notre conseil ne ressemble pas à ce que l'on voit chez la plupart des bandes. La plupart des membres de notre conseil en sont à leur troisième ou quatrième mandat. Comme je l'ai mentionné, j'en suis à mon dixième.
Le fondement à tout cela, dans le cas de tous les conseils avec lesquels j'ai travaillé, est que nous ne nous satisfaisons pas de tout simplement accepter d'exister ou de survivre en dépendant de programmes sociaux sous-financés. Nous voulons sortir gagner notre propre argent, créer nos propres emplois et participer à l'économie de la région de South Okanagan. C'est là-dessus que se concentre mon conseil. Le développement économique est le premier point à l'ordre du jour de toutes les réunions du conseil. Nous démarrons chaque réunion du conseil en parlant du développement économique. C'est là le problème de la plupart des Premières nations; elles n'ont pas la possibilité ne serait-ce que de parler de développement économique.
Le président : Diriez-vous que cette attitude est courante chez les membres de votre bande? Clairement, les gens voient ce qu'il faut pour réussir et que les affaires sont chose importante. Cet esprit a-t-il filtré jusqu'à la base? Vous êtes manifestement appuyés par les membres de la bande.
M. Louie : Je dirais que c'est le cas de la plupart des membres de la bande. Il plane ce fantasme voulant qu'il vous faut avoir un consensus, qu'il y a consensus parmi les peuples autochtones. Vous savez, avec l'afflux de différentes religions au fil des ans, les attaques menées contre notre langue et notre culture et le fait que 95 p. 100 des miens ne parlent plus leur langue, il n'y a pas chez nous un plus fort consensus qu'il ne peut y en avoir du côté des non autochtones. Vos gouvernements sont élus par moins de 50 p. 100 des gens; or, vous en reconnaissez malgré tout la validité.
Je dis toujours qu'à Osoyoos, nous ne cherchons pas le consensus. Je n'y crois pas, au consensus; cela n'existe plus. C'est la loi de la majorité. Nous prenons des décisions. Nous allons tenir un vote demain sur un projet énergétique devant être lancé dans notre réserve, et ceux qui voudront voter contre voteront contre. Tant que la majorité vote pour, alors le projet ira de l'avant.
Le président : Bien. Pourriez-vous nous dire si l'éducation est un facteur dans votre réussite?
M. Louie : Pour moi, une fois que vous avez dépassé tout le discours ronflant et rassurant au sujet de ce à quoi servent l'éducation, les éducateurs et la philosophie de l'éducation, l'éducation est en définitive un moyen de se rendre employable. C'est toujours cela que j'ai voulu. Nous voulons tous que nos enfants finissent leurs études afin d'être employables. Je ne connais personne qui s'élance à la poursuite d'un diplôme collégial ou d'une accréditation en tant que menuisier, ou autre, à moins qu'il n'y ait un emploi au bout de l'arc-en-ciel. Les gens vont à l'école pour devenir employables. Voilà comment j'envisage l'éducation : il s'agit de se rendre employable.
Vous ne pouvez pas dire que vous appuyez l'éducation si vous n'appuyez pas le développement économique, car sans développement économique, vos jeunes n'auront pas d'emploi. Si vos jeunes n'ont pas d'emploi, alors ils ne resteront pas dans la localité — et ils ne le devraient pas. Au sein de la bande indienne d'Osoyoos, du fait que nous ayons neuf entreprises propriété de la bande, nous avons pu regarder certains de nos membres partir faire des études aux États-Unis, partir faire des études dans l'Est du pays, pour ensuite revenir chez nous et devenir des gestionnaires. À la réserve indienne d'Osoyoos, nous avons pu, grâce à notre développement économique, offrir des possibilités de carrière plutôt que de simples emplois manuels ou de niveau entrée.
Notre plate-forme de développement économique n'est pas différente de celles du gouvernement canadien ou du gouvernement provincial. Tout tourne autour de la création d'emplois. À moins que les gens n'aient de bons emplois — la plupart des communautés des Premières nations sont isolées, affichent de forts taux de décrochage scolaire et les gens ne voient qu'une pauvreté omniprésente dans un cycle d'assistance sociale — pourquoi seraient-ils motivés pour finir leurs études ou partir au collège ou à l'université? Il n'y a rien dans ces localités. Il n'y a pas de possibilités d'emploi. C'est un constat bien triste qu'à l'échelle du Canada le plus gros employeur dans la plupart des Premières nations est le bureau de conseil de bande. C'est le bureau de conseil de bande financé et contrôlé par le gouvernement, avec tous ces programmes sociaux sous-financés.
Comme me l'a dit il y a 15 ans le PDG de l'une des plus riches tribus aux États-Unis, si vous vous rendez dans la plupart des réserves indiennes et convoquez une réunion de tous ceux et celles qui travaillent dans le domaine des services sociaux, les gens seront nombreux à venir à la table. Cependant, convoquez en après-midi une réunion de ceux dont c'est le mandat de créer des emplois et de faire de l'argent, et vous aurez de la chance si une seule personne vient s'asseoir à la table.
Voilà ce que nous a fait le gouvernement fédéral au cours des 100 dernières années. Ce graphique qui a été distribué — vous l'avez dans votre documentation — le prouve; 92 p. 100 des 8 milliards de dollars sont consacrés à des programmes sociaux.
Le président : Pourriez-vous également nous dire quelque chose au sujet de l'environnement à l'intérieur duquel se sont inscrites toutes vos activités commerciales? Je sais qu'il y a des entreprises, qu'il y a des gouvernements, mais cela a-t-il été très difficile? Y a-t-il eu une certaine collaboration? Y a-t-il eu du donnant donnant, ou bien est-ce simplement que vous avez courageusement foncé tout droit, en dépit de l'opposition, tous ceux qui n'étaient pas d'accord devant tout simplement abandonner ou dégager la piste?
M. Louie : Nous tenons dans le cadre de nos opérations des référendums, ce qui n'est pas une obligation en vertu des règles et règlements des Affaires indiennes qui régissent toujours une part importante de nos activités. Nous tenons des référendums pour sonder nos membres alors que nous n'y sommes pas tenus, et nous ne faisons pas appel, pour ces référendums, aux fonctionnaires des Affaires indiennes.
Nous assurons une transparence et une reddition de comptes qui sont bien au-delà de la Loi sur les Indiens et, comme je l'ai mentionné, il s'agit tout simplement de montrer aux gens vos chiffres. Dans le cas de la plupart des gens, qu'ils soient Autochtones ou non-Autochtones, cela ne leur demande pas longtemps pour comprendre qu'il est préférable d'avoir un emploi que d'être à l'assistance. Une fois que vous commencez à montrer aux gens les résultats mensuels du fait d'avoir un bon travail rémunéré qui ne dépend pas d'une subvention gouvernementale, alors les Autochtones ne sont pas différents des non-Autochtones. Ils veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants; ils veulent un mode de vie confortable, une bonne maison, une bonne voiture.
Le taux de participation à nos référendums est toujours bon et lorsque des votes sont tenus dans la réserve indienne d'Osoyoos, le taux de participation, en pourcentage, est supérieur à celui pour n'importe quel vote non autochtone. Chez les non-Autochtones, n'importe quel parti politique — peu importe que ce soit les Libéraux, les Néo-démocrates ou n'importe qui d'autre — hissera le drapeau dès lors qu'il obtient 60 p. 100 des gens qui votent en faveur de quelque chose. Dans le cas du gouvernement de la bande indienne d'Osoyoos, c'est toujours supérieur à 60 p. 100.
Le sénateur St. Germain : Merci, chef, d'être venu. J'ai trouvé votre exposé fort intéressant. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'une solution simpliste, cette histoire de propriété privée proposée par mon parti, les Conservateurs, et maintenant voici que les Libéraux se mettent sur le rail. Cela ne tient pas debout.
Je trouve que c'est formidable de posséder sa maison, mais, au départ, il faut avoir les moyens de la payer; la propriété comme source de fierté en fait partie.
Vous avez parlé de l'APN. Je suis à Ottawa depuis maintenant 23 ans et j'ai vu ces grands chefs et tous les autres venir ici. Il existe une véritable industrie d'Indiens d'Ottawa. Ils arrivent et ils repartent.
M. Louie : Une industrie de misère.
Le sénateur St. Germain : C'est exact, et ils continuent de venir. Pourquoi ne disent-ils pas : « Écoutez, c'est terminé »? Nous nous sommes rendus tout récemment dans le Nord, et un des chefs est venu et a dit exactement la même chose que vous : « J'ai obtenu un million de dollars en assistance sociale pour mon peuple. J'ai demandé de l'argent pour le développement économique et le maximum que j'ai pu avoir c'est 87 000 $, mais j'ai un million de dollars pour des programmes sociaux ».
J'ai déjà fait la déclaration que voici — elle n'est pas de moi, mais d'un ancien premier ministre — : le meilleur programme social est un emploi, et c'est en gros ce que vous êtes en train de dire.
Pourquoi continuent-ils d'aller à ces tables rondes? Moi, je dis : « Écoutez, à moins que vous ne soyez prêts à changer l'orientation du processus tout entier, à commencer à démanteler le MAINC de façon systématique et intelligente et à éliminer toutes les pierres d'achoppement, nous ne participerons pas ».
Je parcours le pays et je parle de nos peuples autochtones parce que je siège à ce comité depuis des années, et je vous cite toujours comme étant le symbole même du succès.
Pourriez-vous me dire pourquoi ils continuent de faire toujours la même chose? Si vous faites ce que vous avez toujours fait, vous obtiendrez ce que vous avez toujours obtenu. Pourquoi font-ils cela? Pourriez-vous me l'expliquer, nous l'expliquer, à nous tous qui sommes ici?
M. Louie : Pas complètement. Comme je l'ai mentionné, je n'assiste pas à la plupart des réunions de l'APN, je n'assiste pas à la plupart des réunions de l'Union of B.C. Chiefs et je n'assiste pas à la plupart des réunions de sommet, car si vous voulez être un entrepreneur ou un homme d'affaires, il vous faut rester à la maison et vous occuper des vôtres. Je continue de penser qu'il vous faut vous occuper de votre propre cour avant de partir à la rescousse des baleines et des arbres et de tout le reste. Restez chez vous et occupez-vous des nids-de-poule dans votre propre cour.
Le gros de votre temps devrait être passé dans votre cour, et c'est là le problème avec la plupart des dirigeants autochtones. L'une des grosses doléances chez la plupart des Autochtones c'est le peu de présence de leur chef et de leurs conseils chez eux. Ils ont des budgets de déplacement et ils parcourent le pays de long en large. Il y a chaque semaine une conférence sur un thème ou un autre — soins de santé, éducation et alcoolisme et consommation de drogues.
L'autre chose qui s'est passée en contrée indienne ou en contrée autochtone ces cinq dernières années c'est que l'on y tient maintenant des conférences sur le développement économique. Il n'y en avait jamais autrefois. On m'a pour la toute première fois demandé, il y a deux ans, de prendre la parole lors d'une conférence sur la santé. Comme je l'ai dit, les plus grosses équipes de personnel, les plus gros budgets sont toujours ceux pour l'assistance sociale. C'est toujours la plus grosse enveloppe. Lorsque je suis allé à Prince George — je pense que j'étais là pour prononcer un discours à l'occasion de cette conférence sur la santé — je leur ai dit : « Vous n'allez peut-être pas aimer ce que je vais dire, mais je vais le dire quand même. Vous ne me reverrez pas. Je ne reverrai jamais la plupart des gens ici. Si vous n'aimez pas ce que je dis, remettez-vous-en ».
J'ai dit à tous ces Autochtones, qui étaient pour la plupart des femmes : « Vous savez, la plupart de vos emplois ne devraient même pas exister. Vous n'êtes pas différents de tous les conseillers et de redresseurs de torts qu'il y a partout. Vous êtes en train d'appuyer une industrie de misère — tous ces consultants, ces conseillers en alcoolisme et en abus de drogues, ces travailleurs sociaux et ainsi de suite ». J'ai dit : « Chacun d'entre vous devrait être un champion du développement économique. Vous devriez aller chercher ces emplois. D'après moi, le plus important travail en counselling que vous puissiez faire, c'est le counselling en emploi. N'envoyez pas les gens à des centres de traitement de l'alcoolisme et de l'abus de drogues pour qu'ils reviennent ici tout simplement pour que vous puissiez leur distribuer des chèques de bien-être ».
Je suis resté à l'écart de la plupart de ces réunions dont vous parlez, et ce n'est que tout récemment, maintenant que nous avons ces entreprises qui tournent, que nous pouvons nous occuper de la structure. Nous avons un agent de développement économique professionnel qui travaille à temps plein. À moins que le candidat ne se soit lancé et ait gagné des millions de dollars et créé des centaines d'emplois, nous n'en voulons pas en tant qu'agent du développement économique chez nous. Nous ne voulons pas d'un simple bureaucrate ni du premier venu qui a un diplôme dans sa poche. Nous voulons quelqu'un qui vient du vrai monde des affaires, qui puisse inscrire dans son CV qu'il a gagné des millions de dollars et créé des centaines d'emplois. Voilà le genre de personne qui nous avons comme agent de développement économique à temps plein.
Nous sommes la seule bande dans notre région qui ait enfin — c'était peut-être il y a trois ans — embauché un comptable à temps plein. Nous avons un directeur financier à temps plein et notre société de développement a ces deux postes, et je dirais que ce sont les deux plus importants postes que puisse et que doive avoir une Première nation. Je vois toutes ces compressions imposées par le gouvernement et qui retirent le financement pour les agents de développement économique du fait des pressions exercées par les Autochtones. Ils se promènent dans toutes les réunions pour exercer des pressions sur le gouvernement fédéral. Ils versent des larmes et leur montrent des statistiques et tout le reste. « Il nous faut plus d'argent pour la santé, il nous faut plus d'argent pour le logement, il nous faut plus d'argent pour tous ces programmes sociaux ». Ils ont déplacé tous les crédits pour le développement économique, qu'ils ont appelé « financement discrétionnaire », au profit de ces tables rondes sur la santé et les services sociaux.
J'ai plus voyagé au cours des deux dernières années que pendant les 18 années précédentes, et la raison à cela est que je voulais dire aux Autochtones exactement ce que je suis en train de vous dire à vous ici aujourd'hui, et je ne mâche pas mes mots avec eux non plus. S'ils ne sont pas contents, alors tant pis. Comme je l'ai dit, ce dont je dois m'occuper c'est de ma propre bande indienne d'Osoyoos.
Maintenant que nous avons ces postes en place à Osoyoos et que j'ai passé le gros de mes 18 ans à m'occuper de ma propre cour, je peux aller ailleurs et dire aux gens que je suis la preuve que cela fonctionne, que ce ne sont pas que des paroles en l'air. Je ne fais pas dans l'improvisation. J'ai vécu l'histoire que je raconte. Nous avons installé ce dont je parle, et nous avons réussi.
Osoyoos est aujourd'hui l'un des plus importants employeurs de la région de South Okanagan. Nous injectons des millions de dollars dans l'économie de la région. Nous avons l'écoute de la chambre de commerce dans notre région ainsi que celle des maires, des conseils et du député local à l'assemblée législative. Nous sommes une force dans South Okanagan. J'ai dû rester chez moi pendant 18 ans pour amener cela. Je peux maintenant aller ailleurs et dire aux gens : « Écoutez, ce que je vous dis est inspiré de notre réussite ».
Voilà donc ce que je fais maintenant. Des communautés des Premières nations de tout le pays m'invitent à venir les entretenir au sujet du développement économique des Premières nations. Du fait que nous nous occupions de droits fonciers issus des traités dans les Prairies, le maire de Saskatoon est venu avec un groupe de bandes pour passer quelques jours avec nous, et nous avons organisé un petit atelier sur le développement économique et une petite visite guidée de nos opérations. Nous recevons sans cesse des bandes et des non-Autochtones parce que nous avons maintenant les structures, nous avons la preuve que ce ne sont pas que bluff et paroles en l'air. Nous avons fait ce que nous prêchons.
Une partie de ma réponse à votre question est que je vais maintenant commencer à aller à certaines de ces réunions de l'APN et je dirai à ces chefs nationaux de partout au pays : « Arrêtez de gaspiller le temps et l'argent des gens en faisant ce que vous faites depuis 20 ans. Il nous faut des gens des Premières nations qui aient le sens des affaires et qui veuillent créer des emplois et faire de l'argent ».
Je dis toujours aux gens lorsque je me lève pour intervenir lors de ces réunions d'Autochtones : « Aucun d'entre vous ne parle jamais de cela, mais les deux choses que j'aime faire, sont, premièrement, créer des emplois et, deuxièmement, faire de l'argent ». Voilà les deux choses que j'adore faire et que je continuerai de faire.
Le sénateur St. Germain : Eh bien, vous avez très bien résumé la chose.
Le président : Qu'auriez-vous d'autre à dire?
Le sénateur St. Germain : Pas grand-chose. Il a à peu près tout dit. La chose que j'aimerais cependant savoir c'est comment vous avez fait pour contourner le MAINC, car il vous a sans doute fallu traiter avec lui, et c'est là l'une des questions qui ont été soulevées. J'aimerais également que vous me disiez combien de membres compte aujourd'hui votre bande et combien d'entre eux habitent la réserve.
M. Louie : Nous avons environ 420 membres, et étant donné la croissance de nos activités commerciales au cours des cinq dernières années, ceux qui vivaient hors réserve sont aujourd'hui en train de revenir.
Nous avons sans doute une cinquantaine de personnes vivant hors réserve, et la plupart d'entre elles habitent à l'extérieur de la réserve depuis toujours. Ce sont des personnes qui ont grandi dans des foyers d'accueil et ainsi de suite.
L'autre statistique intéressante est que nous comptons sans doute davantage d'Autochtones venus d'ailleurs que n'importe quelle autre réserve que je connaisse — ces personnes vivent ou dans la réserve ou alors tout à côté, dans la localité d'Oliver — du fait qu'il y ait chez nous des emplois. Je ne joue pas souvent au golf, mais il y a quelques années, j'étais en train d'y jouer et j'ai rencontré un jeune Autochtone. Je lui ai demandé d'où il venait. Il a répondu : « Je viens du Yukon ». Et j'ai enchaîné en demandant : « Oh, que faites-vous par ici? » Il a répondu : « Dans mon coin, il n'y a pas de possibilités d'emploi et ma bande ne fait rien. J'ai entendu parler d'Osoyoos et je suis venu ici à la recherche d'un emploi ». Je lui ai demandé : « Oh, en avez-vous trouvé un? » Et il a répondu : « Oui, je travaille pour ce terrain de golf ». Et il y est toujours.
Nous employons des Autochtones de la quasi-totalité des bandes de l'Okanagan dans nos neuf entreprises, et il y a également des Autochtones des Prairies, de la côte, du Nord. C'est pour cette raison que tout mon dur travail et toutes les flèches dont j'ai été asséné pendant toutes ces années ont valu la peine.
Pour en revenir à AINC, nous nous disputons en permanence avec lui au sujet de son processus de désignation de terres, de ses règles stupides. C'est pourquoi nous sommes aujourd'hui engagés dans un processus de gestion des terres, en vertu duquel nous en prendrons le contrôle. Nous allons mettre les Affaires indiennes à la porte, et nous prendrons tous ces articles de la Loi sur les Indiens et rédigerons notre propre code foncier. Nous sommes en train d'élaborer notre propre code foncier. Ce que nous avons fait jusqu'ici a été assujetti à la Loi sur les Indiens. J'estime que l'on ne peut pas trop rejeter le blâme sur la plupart des bureaucrates des différents paliers de gouvernement. Ils sont prisonniers d'un système. Il leur faut suivre les règles qui sont étalées sur la table devant eux. C'est leur travail, n'est-ce pas?
Dans le cas de la plupart des bureaucrates, ce qui compte c'est votre approche auprès des gens. Nous nous disputons avec ces gars-là, mais nous leur exposons également l'analyse de rentabilité, et la plupart des bureaucrates essaient, même soumis aux contraintes de la Loi sur les Indiens, de nous aider en donnant un coup de pouce à nos projets. Nous avons de bons éléments dans l'équipe. Un grand nombre de nos projets n'auraient pas abouti si ce n'était le financement du développement économique à Entreprise autochtone Canada, lorsque le MAINC avait des fonds pour le développement économique; notre établissement vinicole n'aurait pas été lancé, notre centre-patrimoine ne serait pas aujourd'hui en construction, notre terrain de camping n'aurait pas débouché. Quant au terrain de golf, nous l'avons aménagé avec l'argent que nous avons nous-mêmes gagné.
Il n'y a aucun doute qu'il y a des problèmes avec le processus de désignation des terres du MAINC et avec les articles de la Loi sur les Indiens se rapportant aux terres. J'ai un document qui traite de certains des aspects relatifs aux règles et règlements du MAINC.
La situation en bout de ligne est la suivante : si le MAINC ne bouge pas, alors nous lui disons tout simplement : « Nous allons de l'avant quand même ». Dans le cas d'un de nos vignobles, que nous avons loué à Mission Hill, je pense, le ministère nous avait dit de suspendre tout le projet car « il nous faut étudier cet arbre; il nous faut envoyer quelqu'un l'examiner ». C'était juste un pin. Cela aurait retardé le projet et, vu tous les plans de vigne que l'entreprise avait commandés, ç'aurait été une catastrophe. Nous nous sommes rendus là-bas et avons abattu l'arbre. Nous avons alors déclaré : « Ça y est. Si vous voulez nous faire passer un mauvais quart d'heure, nous pénaliser, que comptez-vous faire? » Nous avons abattu l'arbre, l'avons enlevé et le projet va de l'avant.
Lorsque le MAINC nous bloque notre chemin, bien des fois nous l'ignorons tout simplement, puis fonçons droit devant. Nous sommes prêts à prendre ce risque. Si le gouvernement veut nous imposer des amendes, nous poursuivre en justice, alors qu'il y aille.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Chef Clarence Louie, je regardais votre rapport et vous êtes le premier à dire que les mandats pour les postes comblés par voie d'élection sont trop courts. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
M. Louie : Eh bien, c'est juste le fait de la Loi sur les Indiens. Soyons francs. Nous avons la possibilité, n'importe quelle bande a la possibilité, d'organiser sur mesure ces élections. Nous avons depuis longtemps cette possibilité. Une partie du processus chez nous a en fait été mise en forme par mon personnel, par notre équipe de développement économique. Nous tenons des élections tous les deux ans. À Pentincton, le mandat est de quatre ans; ils ont taillé leur système sur mesure il y a de cela de nombreuses années. La bande de la basse Similkameen a opté pour un processus aux quatre ans. Ce n'est pas de notre faute que nous ne nous soyons pas encore occupés de faire du sur mesure chez nous. Nous sommes tellement pris par le développement économique que deux années passent très vite, et je me fais sans cesse rouspéter par mon personnel du développement économique. Les employés me disent : « Clarence, nous sommes censés travailler sur notre code électoral et passer à des mandats de trois ans ou alors soumettre la question aux membres ». Nous ne nous en sommes tout simplement pas encore occupés.
Chaque Première nation a la possibilité de tailler son code sur mesure et de choisir des mandats de trois ans, de quatre ans ou autre, comme bon lui semble. Nous ne l'avons tout simplement pas encore fait.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Pensez-vous que nous devrions élaborer notre propre système électoral autochtone?
M. Louie : Les bandes prises individuellement? Je pense que chaque bande devrait avoir le sien. Du fait que nous soyons engagés dans ce processus de gestion des terres, nous avons formé un comité sur les terres qui est chargé de prendre en main la gestion des terres. Quatorze bandes au Canada ont fait cela. Il y a à l'échelle du pays 70 bandes sur la liste d'attente qui veulent élaborer leur propre code foncier et nous sommes de celles qui ont réussi à s'y inscrire à la fin de l'année dernière. Nous avons obtenu un certain financement et nous avons aujourd'hui un comité composé de jeunes, d'aînés et d'adultes qui sont en train de passer en revue notre code foncier. Il y a quelques semaines, je leur ai dit : « Profitons donc de l'occasion pour voir si nous ne pourrions pas tailler sur mesure notre processus électoral ».
Personnellement, cela ne m'ennuie pas des mandats de deux ans. Cela passe vite et vous tient éveillé. J'ai été élu huit fois d'affilée.
Le sénateur Christensen : Cela m'intéresse de savoir comment, au fil du processus, vous avez pu maintenir votre société de développement à distance par rapport au bras politique de la bande. De quelle façon sont gérés les revenus produits par la société?
M. Louie : Je suis un étudiant des questions autochtones. Je suis allé à l'Université de Lethbridge et à l'Université de Regina pour y suivre des études sur les Amérindiens : comment les réserves ont-elles vu le jour? Quel est le système colonial des réserves? Qu'est-ce que la Loi sur les Indiens? Comment se fait-il que les Premières nations se trouvent aujourd'hui aux prises avec les difficultés que l'on sait? Voilà pourquoi je suis allé à l'université, et cela m'est toujours resté depuis, et je continue d'être passionné par l'étude des questions autochtones et des sociétés autochtones.
Nous sommes la première bande au Canada à avoir fait venir chez nous un des professeurs du projet de Harvard sur le développement économique des Indiens d'Amérique. En 1987, nous en avons fait venir un qui a passé toute une journée avec nous à nous expliquer les conclusions de l'étude.
Les tribus américaines ne sont pas différentes. C'est la même chose. Les Indiens ont eu des pensionnats là-bas aussi, tout comme nous. Ils ont des réserves, nous avons des réserves; eux, ils ont le Bureau of Indian Affairs, et nous, nous avons le ministère des Affaires indiennes. Il est un fait historique que le gouvernement canadien y envoyait sans cesse des agents dans les années 1800 pour se renseigner sur ce que faisait le Bureau of Indian Affairs. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec des réserves et des pensionnats.
Chez eux, leur mandat après élection est de deux ans, à moins que la bande n'ait fait du sur mesure. Leur développement n'est pas différent de celui des bandes au Canada.
Quoi qu'il en soit, le rapport du Harvard Project parle du fait que les tribus qui réussissent bien établissent une séparation entre les affaires et la politique. Tout le monde parle de cela, y compris les gouvernements fédéral et provinciaux.
Nous sommes une petite bande de 400 personnes. Nous ne sommes pas comme la tribu Blood ou certaines de ces autres bandes qui comptent des milliers et des milliers de membres, alors notre bassin de talents n'est pas énorme. Dans la plupart des communautés, le bassin de talents n'est pas énorme. C'est là une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord avec les gens de Harvard, et j'ai dit cela à Stephen Cornell et à Joe Kalt. La tribu Colville, qui se trouve juste au sud de nous, dispose d'une réserve gigantesque d'un million d'acres. Vous pourriez sans doute réunir toutes les réserves de la Colombie-Britannique, et sans doute même toutes celles de l'Ouest du Canada, sur le plan superficie, et les caser à l'intérieur de cette seule réserve. Cette bande compte 11 000 membres. J'ai des cousins qui siègent à son conseil. Étant donné notre dynamique et notre proximité, nos habitudes tribales et nos pratiques communautaires, l'on ne peut pas séparer les affaires de la politique. Ce n'est pas possible.
Ce qu'il faut faire, c'est mettre en place des systèmes, des politiques et des règles pour gérer cela — des lignes directrices en matière de conflits, des règles pour empêcher le népotisme et des lignes directrices visant les membres de sa famille immédiate. Il faut que cela soit géré d'une façon documentée et structurée.
Il n'est cependant pas possible de séparer politique et affaires, même hors réserve. Peu importe ce que les gens peuvent dire, le gouvernement fédéral s'occupe d'affaires et de politique, et c'est la même chose au niveau de la province et même au niveau municipal. Les affaires et la politique sont toujours enchevêtrées. Notre conseil du développement est cependant composé des membres du conseil et d'anciens membres du conseil. Lorsqu'une personne n'est pas réélue, nous la retenons tout simplement au sein du conseil du développement. Celui-ci peut prendre de l'ampleur — notre conseil du développement est composé de huit personnes.
Le meilleur conseil que je donne toujours aux gens des Premières nations est le suivant : peu importe que vous soyez Tiger Woods — le meilleur golfeur au monde —, le meilleur joueur de hockey ou Donald Trump, il vous faut avoir un conseiller. Notre société a ainsi six conseillers. Encore une fois, ils viennent tous du monde des affaires, ils ont tous gagné beaucoup d'argent, ils ont tous créé beaucoup d'emplois et ils nous donnent des conseils sur tout ce que nous faisons avec nos neuf entreprises qui appartiennent à la bande.
Nous ne sommes pas tenus de suivre leurs conseils, mais quiconque est intelligent, siège activement et établit une relation avec ces personnes acceptera leurs conseils dans 99 p. 100 des cas. C'est le conseil qui s'occupe de la société, et nous maintenons en même temps le conseil du côté politique.
Le sénateur Christensen : Je pense qu'il vous faudrait reconnaître que dans le cas de certains conseils, qui ne sont pas dotés de la structure dont vous parlez et où les affaires sont imbriquées dans le politique, des pressions sont souvent exercées sur la direction politique pour reverser les revenus en provenance du développement économique dans la collectivité, étouffant ainsi le développement, qui finira par s'effondrer.
M. Louie : Oui. Nous connaissons nous aussi ces pressions. Nous tenons à veiller à ce que chaque membre de notre bande comprenne et ressente au fond de ses poches notre orientation en matière de développement économique. Nous distribuons une certaine part de nos revenus en provenance de loyers sous forme de dividendes. Chacune de nos entreprises contribue à nos programmes sociaux parce que ceux-ci sont tous sous-financés, et nos aînés retirent des bénéfices de nos recettes fiscales et loyers.
Nous pouvons tout expliciter, ce que nous faisons. Nous préparons pour distribution générale des rapports mensuels expliquant à quoi ont servi nos revenus et l'incidence de la réussite de nos entreprises sur chaque segment de la vie de la bande et de ses membres, depuis le berceau jusqu'au cimetière.
Le sénateur Christensen : Il est intéressant que vous veniez de dire que les programmes sociaux sont sous-financés, bien qu'ils accaparent 92 p. 100 du financement que vous recevez.
M. Louie : Oui, ils sont sous-financés. C'est tout simplement le reflet de cette réalité de 100 ans, exception faite, comme vous l'avez mentionné, de l'assistance sociale. Si une bande dépense la totalité de son budget de bien-être social, alors le gouvernement lui accordera plus d'argent. Cependant, je ne parviens pas à comprendre comment quelqu'un puisse se satisfaire de vivre de l'assistance. Un célibataire touche, je pense, 180 $ par mois. J'imagine que certaines personnes se font piéger par ce rythme de vie. Oui, tous les programmes sociaux du gouvernement sont sous-financés, et ce dans chaque réserve indienne.
Le sénateur Campbell : Je suis heureux que nous nous soyons débarrassés très vite tout à l'heure de toutes les platitudes rassurantes.
La question que j'aimerais vraiment vous poser est la suivante : comment faites-vous pour rembarrer les gens et pour continuer de vous faire réélire, alors que lorsque moi j'ose le faire une seule fois, je fais la une du Sun?
Cela fait longtemps que j'admire votre Première nation et que je la surveille de loin. J'ai plusieurs questions. Votre agent de développement économique et votre directeur financier appartiennent-ils à votre nation?
M. Louie : Non. Le premier est non-Autochtone et le directeur financier est un Autochtone du Yukon.
Le sénateur Campbell : Et vos conseillers sont-ils des membres des Premières nations?
M. Louie : Non, ils sont non-Autochtones. C'est justement là l'une des choses que je dis à ces groupes autochtones. Que cela leur plaise ou non, je leur dis toujours, dès lors que vous êtes en affaires, ce n'est pas une question de race. Vous ne pouvez pas gérer une entreprise sur la base de la race. Vous ne pouvez pas embaucher des employés sur la base de la race et vous ne pouvez pas mettre des Autochtones à la barre de navires d'un million de dollars s'ils ne possèdent ni les compétences ni les aptitudes requises. Peu m'importe que ce soient des membres de la bande ou pas.
La moitié de nos entreprises sont gérées par des gens des Premières nations. Deux d'entre eux sont des membres de la bande d'Osoyoos, mais il leur a fallu mériter ces postes. Il leur a fallu quitter la communauté, partir aux États-Unis et obtenir leur diplôme. Et même lorsque ces personnes sont revenues, elles n'ont pas immédiatement obtenu le poste. Il leur a fallu travailler sous le gestionnaire non autochtone pendant X années avant d'être promues.
Le sénateur Campbell : C'était là ma question suivante. Je n'ai pas grand-chose à redire sur l'idée que la raison principale de faire des études c'est d'être en mesure de se trouver un emploi, mais je ne sais si vous êtes au courant d'un projet appelé programme Chinook. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais je pourrais vous envoyer des renseignements là-dessus.
M. Louie : J'en ai entendu parler.
Le sénateur Campbell : J'ai tout particulièrement aimé ce que vous avez dit au sujet du fait que vous n'êtes pas nombreux et que votre bassin de talents est donc limité. En bout de ligne, votre objectif serait-il d'avoir un directeur financier et un agent du développement économique issus de votre Première nation?
M. Louie : Cela a toujours été la déclaration d'intention inattaquable de toutes les Premières nations.
Le sénateur Campbell : N'est-ce qu'une déclaration d'intention inattaquable? Si c'est bidon, alors qu'on le dise.
M. Louie : C'est pour la plupart bidon, car les seuls emplois que peuvent offrir la plupart des Premières nations sont ceux de travailleur social et tous les autres emplois subventionnés et sous-financés.
Le sénateur Campbell : Je n'offre pas cela.
M. Louie : Dans notre situation, nous avons la possibilité d'offrir aux gens de vraies carrières, des postes de cadre supérieur bien rémunérés, et notre objectif est que ce soient des membres des Premières nations, des membres de la bande d'Osoyoos, qui occupent chacun de ces postes, après avoir fait leurs gammes et leurs preuves.
Je dis toujours aux gens qu'il faut regarder les faits. Nous sommes la première génération de gens d'affaires. Dans la réserve indienne d'Osoyoos, qui est sans doute l'une des plus progressives du pays sur le plan économique, il n'y a pas un seul Autochtone qui puisse lever la main et dire : « Je viens d'une famille au sein de laquelle mon père ou ma mère gérait une entreprise ». Il n'y en a pas un seul. Aucun des nôtres ne peut lever la main et déclarer : « Je me suis déjà occupé d'une entreprise » avant celle qu'il gère aujourd'hui.
Notre premier projet, notre vignoble, a été lancé en 1968 et compte aujourd'hui 250 acres, et il figure parmi les plus importants vignobles privés de tout le pays.
Les bureaux de bande, qui assurent notre gouvernance et notre administration dans la région, ici dans la vallée de l'Okanagan, n'ont été établis qu'au début des années 70. Tous ces changements sont survenus depuis que je suis venu au monde, et je ne suis pas si vieux que cela. Nous en sommes à notre première génération non seulement d'établissement de nos propres systèmes de gouvernance et de gestion, mais également de gens d'affaires. Il va nous falloir du temps.
Cependant, ce qu'il y a d'excitant et de sympathique dans tout cela est que nous sommes aujourd'hui libres de faire nos propres erreurs. Ce ne sont pas des fonctionnaires des Affaires indiennes qui viennent ici et qui le font à notre place. Ce ne sont pas des fonctionnaires non autochtones qui viennent nous dire : « Nous savons ce qui est bien pour vous ». Lorsque nos gens sont allés à Vernon en 1972 et ont occupé et fermé le bureau de district du ministère des Affaires indiennes, c'est qu'ils en avaient vraiment assez que les fonctionnaires des Affaires indiennes gèrent toutes les réserves de l'Okanagan. Avec l'ouverture de nos bureaux de bande, nous avons peu à peu commencé à apprendre à être des gens d'affaires et à établir nos propres systèmes de gouvernance. Cela va nous demander du temps.
Les non-Autochtones ont 100 années d'histoire avec leurs bureaux municipaux, leurs bureaux provinciaux, leurs bureaux fédéraux, et ainsi de suite.
Le sénateur Peterson : Chef Louie, votre exposé a été tout à fait rafraîchissant et intéressant. Quelle est la taille de votre réserve? Vous n'en avez pas encore fait état.
M. Louie : Sur le plan superficie, nous sommes l'une des plus grosses réserves de la Colombie-Britannique; elle est cependant petite comparativement à certaines des réserves des Prairies, avec ses 32 000 acres. Nous avons de la chance; nous ne serions pas en mesure de faire ce que nous avons entrepris si nous ne disposions pas d'une importante assise territoriale, bien que l'on nous ait retiré nos meilleures terres. Notre réserve a par deux fois été réduite.
Le sénateur Peterson : Vous dites qu'il y a neuf entreprises en tout. Se trouvent-elles toutes à l'intérieur de la réserve?
M. Louie : Oui.
Le sénateur Peterson : Et sont-elles diversifiées?
M. Louie : Nous avons en vérité acheté des terres hors réserve. Nous avons fait notre premier achat commercial il y a de cela trois ou quatre ans; nous avons acheté une cimenterie hors réserve et l'avons rapatriée chez nous. Nous avons une entreprise Redi-Mix. Nous avons un terrain de golf de niveau championnat, une station-service et un magasin. La réserve indienne d'Osoyoos s'étend du nord d'Oliver jusqu'à Osoyoos, et recouvre 32 000 acres. Nous envisageons d'ouvrir notre deuxième station-service et un autre magasin dans la région d'Osoyoos. Nous avons un vignoble de 250 acres, une garderie préscolaire, une entreprise forestière, un terrain de camping et de caravaning et un centre-patrimoine.
Je vais essayer de vous dresser le portrait des gestionnaires qui siègent autour de nos différentes tables. Nous avons nos réunions d'affaires, nos réunions de l'OIBDC, à 7 h 30 du matin, afin que les gens puissent être de retour à leur bureau pour 9 heures.
Notre plus gros producteur de revenus est notre division de baux immobiliers. Nous louons plus de 1 200 acres de terres de premier ordre pour la viticulture à Mission Hill, Vincor International et Burrowing Owl. Vincor a installé ses opérations de l'Ouest canadien, sa grosse cave de vinification commerciale, à l'extrémité nord de notre réserve. Nous sommes propriétaires du bâtiment et nous le lui louons. Nous tirons des centaines de milliers de dollars de ce bail car nous sommes propriétaires et de l'immeuble et des terres. Nous avons également une division des taxes et nous prélevons des taxes auprès de tous les usagers non autochtones de nos avoirs immobiliers. Nous avons des baux résidentiels, des baux commerciaux et nous œuvrons présentement à un parc industriel au nord d'Oliver.
Oh, j'oubliais notre vinerie, une entreprise en coparticipation avec Jackson-Triggs. Nous avons un bail d'hôtel avec Spirit Ridge, d'Alberta. La première phase de travaux, qui prévoit la construction de 90 unités, est à moitié terminée. Je pense que l'on en est en ce moment à environ 20 ou 30 unités. Je suis fier d'annoncer que ce projet s'est vu attribuer la seule classification quatre étoiles de toute la région de South Okanagan. C'était super. Des représentants du gouvernement fédéral ont déjà été logés dans ces unités. Fin novembre, nous allons recevoir le personnel du développement économique du ministère des Affaires indiennes à notre vinerie de Spirit Ridge, et nous avons dans ce coin-là encore un autre club de golf dont nous ne sommes pas propriétaire, mais auquel nous louons le terrain.
Le sénateur Peterson : Vous avez donc très bien réussi sans devoir sortir de la réserve pour vos entreprises.
M. Louie : Il y a encore une autre idée fausse qui ressort lorsque j'entends les conservateurs ou les libéraux dire qu'il faut éliminer les réserves. Cela fait 150 ans que les gouvernements fédéral et provinciaux veulent supprimer les réserves. Ils prétendent que s'il y a de la pauvreté, c'est de la faute des réserves. Ce ne sont pas les réserves qui sont responsables de la pauvreté. Ce n'est pas la propriété foncière communautaire qui crée la pauvreté. Regardez ce graphique. Que dit-il? Sur les 8 milliards de dollars dont beaucoup de non-Autochtones se plaignent, 92 p. 100 sont consacrés à des programmes sociaux, et c'est le cas depuis 100 ans. Si le financement pour le développement économique avait au moins dépassé les 10 p. 100, bon nombre de Premières nations seraient en mesure de créer leurs propres emplois et leur propre richesse et n'auraient pas à consacrer autant d'argent aux soins de santé et à l'assistance sociale. Nous aurions plus de personnes instruites, car les gens verraient les possibilités.
Le sénateur Peterson : Je pense néanmoins que votre emplacement est une véritable bénédiction.
M. Louie : Tout à fait. Je serais le premier à le reconnaître.
Le sénateur Peterson : Avez-vous réussi côté éducation? Avez-vous réussi tout cela à l'intérieur de la réserve ou bien avez-vous traité avec le gouvernement provincial? Quels incitatifs avez-vous pu donner à vos membres, à part leur montrer, par votre réussite, ce qu'il est possible de faire?
M. Louie : Il vous faut savoir que la plupart des membres des Premières nations ont un passé marqué par les pensionnats, l'alcoolisme et la dislocation familiale. C'est ce que vivaient les gens au sein de notre communauté dans les années 60, jusqu'à l'ouverture de notre vignoble. C'était la première fois que j'entendais ou que je voyais de mes propres yeux des gens travailler à l'extérieur du bureau de la bande, lorsqu'ils ont commencé à travailler dans les vignobles dans les années 70. Nous étions alors de jeunes enfants, mais il nous a fallu y aller travailler, ce qui était formidable. J'aimerais voir chacun de nos jeunes commencer à travailler à l'âge de 12 ans. J'ai horreur de ces stupides lois provinciales et fédérales en matière de travail.
La plupart d'entre vous qui avez grandi dans des fermes savent ce que c'est : vous sortez et vous allez travailler dès que vous êtes en mesure de ramasser une pelle ou un râteau ou de tirer une balle de foin, n'est-ce pas?
Le sénateur St. Germain : Bravo!
M. Louie : Comme je l'ai mentionné, une partie de notre réussite vient du fait que nous ignorons ces règles du gouvernement. Allez-y et poursuivez-nous si vous le voulez. Nous ferons travailler les nôtres dès l'âge de 12 ans et que ceux qui veulent nous poursuivre en justice le fassent.
L'important est de retrouver ce goût du travail. Le plus gros problème chez les Autochtones c'est que tous ces programmes au cours des 100 dernières années, les pensionnats et ainsi de suite, ont retiré à beaucoup leur éthique du travail. L'éthique du travail est l'assise même de toute famille canadienne. C'est une nécessité. Lorsque je lis dans le journal ce que font les bandes de jeunes ou ce qui se passe à Vancouver, tout cela est dû à cette absence d'éthique du travail. Tout le système scolaire a basculé vers la gauche. L'on ne peut plus donner de notes aux élèves, car on risquerait de les vexer.
Vous ne pouvez par exemple même pas donner une note à un gamin en éducation physique; vous blesserez peut-être celui ou celle qui n'a pas réussi son test de course à pied ou autre, et je pourrais vous en raconter des choses au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il nous faut revenir à la bonne vieille méthode de nos grands-parents : si vous désobéissiez, c'était la raclée, tout de suite. La punition venait si vous faisiez quelque chose de mal. Et ce n'était pas non plus tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. C'était la même chose à l'école.
Voilà pourquoi, à l'école dans notre réserve, nous essayons de faire un retour à l'amour coriace : ou vous travaillez ou vous ne mangez pas. C'est ainsi que ce devrait être.
Nous avons dans notre réserve des bandes de jeunes qui traînent. Personne dans la réserve ne devrait être au chômage, mais notre plus gros souci à l'heure actuelle — et je pense vous en avoir parlé — est que nous voulons monter des programmes. J'ai passé du temps au téléphone avec des gens dans une localité tout à fait au Nord qui a un programme de prétraitement destiné à ces personnes qui ne veulent pas travailler. Que vous leur donniez 20 $ ou 50 $ de l'heure, ils se débrouilleront pour se faire mettre à pied. Ils traînent, ils boivent, ils prennent de la drogue. Ils veulent tout simplement s'arracher du lit quand ça leur tente et aller travailler quand ça leur tente. Le seul emploi dont ils veulent c'est un emploi qu'ils pourraient créer eux-mêmes.
Ma mère avait une vision, et elle a dit : « Sais-tu ce que nous devrions faire avec tous ces jeunes fainéants de la réserve? » Et ce sont surtout des garçons, et pas des filles. Ce sont les filles qui vont secouer les choses d'après ce que je vois. Dans toutes les réserves où je me suis rendu, les gens étaient d'accord avec moi. Ce sont les filles qui terminent leurs études, qui vont au powwows et qui dansent, et qui assistent aux cérémonies. Ce sont les filles qui participent aux événements communautaires, et vous avez, à côté, ces bandes de garçons qui traînent, cette génération Nintendo.
Dans 20 ans, vous verrez que la plupart des collectivités des Premières nations auront des femmes dans les postes de direction, ce qui est très bien, car les gars ont laissé tombé le ballon. Ma mère est de la vielle école, et elle voit les choses dans ce contexte-là. Elle a dit : « Tu sais ce que nous devrions faire avec tous ces jeunes paresseux dans la réserve, tous ces jeunes gars? La bande devrait noliser un avion, les y enfermer tous, les envoyer en Iraq, les planter là, et ceux qui survivront, ont les reprendra ».
Le président : Cela a été pour nous un vrai plaisir de vous entendre, et votre inspiration, j'en suis certain, nous aidera à être courageux. Je ne peux pas m'empêcher de penser que vous devriez écrire un manuel scolaire.
M. Louie : Le commentaire que vous avez fait tout à l'heure, je l'ai déjà entendu : « Comment faites-vous pour continuer de vous faire réélire alors que vous dites ces choses qui devraient être dites? » Je n'arrête pas de dire aux gens que je ne suis pas un politicien.
Le sénateur Campbell : C'est ce que je n'arrête pas de dire moi non plus.
M. Louie : Je suis un travailleur, et non pas un politicien. Si vous n'êtes pas content, alors ne votez pas pour moi.
Le président : Merci beaucoup.
La séance est levée.