Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 13 - Témoignages du 27 octobre 2005 (séance de l'après-midi)


TSUU T'INA, Alberta, le jeudi 27 octobre 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 13 h 2 pour examiner la contribution des collectivités et des entrepreneurs autochtones au développement économique du Canada et dresser un rapport de l'examen.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous avons avec nous Alden Armstrong, président du Metis Settlements General Council, qui présentera un exposé sur le développement économique.

Alden Armstrong, président, Metis Settlements General Council : Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier de m'avoir invité ici aujourd'hui. Nous n'avons aucune idée du protocole à suivre, s'il y en a un, dans ce genre de réunion, mais nous ferons de notre mieux. Je dis « nous » parce que je représente 7 000 membres métis âgés de 18 ans et plus, et nous sommes dans une situation particulière en ce qui concerne le développement économique de nos terres et notre système de gouvernance.

Afin de vous mettre en contexte, malgré le peu de temps dont nous disposons, je vous présenterai un bref historique. Dans votre documentation se trouve une présentation PowerPoint. Elle est manifestement trop longue pour être exposée ici, alors je me contenterai d'insister sur les points saillants et d'essayer de mettre mon propos en contexte.

On nous reconnaît depuis 1938. En 1934, la Commission Ewing a commencé à se pencher sur les malheurs des Métis de la province de l'Alberta. La commission a effectué une tournée qui a duré assez longtemps, et, en 1938, elle a recommandé à l'assemblée législative de l'Alberta d'attribuer des terres aux Métis.

Au début, 12 territoires avaient été mis de côté, aux quatre coins de la province. Avec le temps, nous avons fini par en perdre quatre. Nous avons dû faire preuve d'une certaine vigueur, dans un certain sens, dans nos rapports avec le gouvernement. Cela fait partie de notre histoire.

En 1938, l'Alberta adoptait la Metis Betterment Act, qui énonçait certains critères et certaines méthodes relativement à la façon de traiter avec les Métis.

C'était très similaire au processus des Premières nations. Nous n'avions pas d'agents des sauvages, mais nous avions des superviseurs, et des problèmes similaires sont nés avec le temps, en raison de cette méthode.

Ensuite, entre 1938 et 1961, nous avons perdu quatre de nos zones d'établissement. Ainsi, en 1975, nos dirigeants se sont rassemblés et ont pris la décision d'entamer des poursuites à l'égard de la mauvaise gestion des fonds, mais aussi en vue de récupérer les terres.

Avec le temps, nous avons établi une approche à l'égard de nos rapports avec les gouvernements. Cette approche est fondée non pas sur une démarche juridique, mais bien sur la tenue de conférences et de négociations. C'est le style de leadership qu'on applique depuis un certain nombre d'années.

En 1982, le comité MacEwan, comité conjoint constitué de représentants des Métis et du gouvernement, s'est penché sur la situation, et a recommandé à l'assemblée législative que les Métis reçoivent davantage de pouvoirs au chapitre de leur économie locale, de la gouvernance et des terres, et qu'on leur octroie du financement. Cela a mené à l'adoption de la résolution 18, sous le régime du gouvernement Lougheed. En 1989, nous avons signé le Metis Settlements Accord. Toute cette information figure dans votre documentation.

L'accord a ouvert la voie à la loi de 1990. Nous avons fini avec ce que nous appelons les trois piliers de l'accord, c'est-à-dire la possession des terres, la garantie immobilière, une économie ouverte, du moins, en ce qui concerne la gouvernance, et un programme de financement.

Le Metis Settlements Act réserve 1,25 million d'acres correspondant aux huit grands territoires visés par un titre en fief simple, ce qui constitue l'un des principaux défis que nous devons relever.

Un titre en fief simple ne permet pas qu'on mette notre terre en garantie. Pour ce qui est du développement économique, du point de vue territorial, c'est extrêmement difficile, car on ne peut hypothéquer sa propriété ou son foyer, en raison de cette loi.

Évidemment, cette loi a tout de même l'avantage de faire en sorte qu'il ne nous est pas possible de perdre nos terres à l'avenir. Alors c'est un peu paradoxal, c'est une ironie du sort, mais c'est une bonne chose aussi.

Depuis 1990, notre gouvernement a évolué. Il n'y a pas d'autres territoires métis au pays. Il n'y a pas d'autres régimes de gouvernance comme le nôtre. Au cours des 15 dernières années, tout ce que nous avons fait était innovateur. Nous ne pouvions pas nous fier à l'exemple d'autres réserves, car les autres réserves sont très différentes. Nous ne pouvions pas examiner la façon de faire des districts municipaux pour la même raison.

Nous sommes soumis à un ensemble de règles différent. Notre système ne ressemble à aucun autre système dans le monde, alors nous avons fait œuvre de pionniers dans tout ce que nous avons fait.

Nous avons eu l'occasion d'apprendre des choses dans le domaine du développement économique.

Je crois, maintenant, que je vais laisser de côté mon exposé, et consacrer les quelques minutes qu'il me reste à nos principaux défis et à certaines des bonnes choses que nous avons faites.

Une fois promulguée, la loi a permis la cogestion de nos ressources naturelles. Nous avons eu l'occasion d'investir dans les puits forés sur nos terres. Nous participons, à titre de partenaires, sur ces terres, et nous sommes en mesure de générer des revenus.

Nous avons également connu un succès considérable au chapitre des coentreprises, pour ce qui est de certaines communautés qui ont investi dans des entreprises comme des scieries. Le Paddle Prairie Metis Settlements est copropriétaire d'une scierie, Manning Diversified Forest Products, qui exerce ses activités depuis presque 15 ans, et qui s'est très bien tirée d'affaire. Nous sommes très fiers de ce projet.

Nous avons également un certain nombre de communautés qui ont mis en œuvre des projets, comme établir leur propre société pétrolière. Nous avons le Peavine Metis Settlement et le Kikino Metis Settlement. Certaines de nos autres communautés ont établi de petites sociétés pétrolières en vue d'essayer de tirer avantage des ressources de leurs terres.

Nous avons également des communautés qui participent à des projets d'hôtel en coentreprise. Nous avons une communauté qui, essentiellement, a bâti et acheté son propre hôtel, et l'exploite depuis un certain nombre d'années.

Nous avons un portefeuille d'investissements sur le marché boursier, et nous jouissons d'une plate-forme économique diversifiée.

Nous avons également appris de nos erreurs, et je crois que, vraiment, la seule façon de parler de cette situation, dans le contexte du développement économique, c'est de parler du bon et du mauvais.

Nous avons eu maille à partir avec des filiales exerçant leurs activités à l'échelon gouvernemental. Il est pratique courante, pour le gouvernement, d'établir et d'exploiter des sociétés, et notre expérience de cette pratique n'est pas positive. Je n'ai jamais vu ce système bien fonctionner.

Nous avons été confrontés à un certain nombre de situations où le fait de confier la direction d'entreprises à des politiciens n'a tout simplement pas fonctionné. Il est extrêmement difficile d'être à la fois politicien et homme d'affaires, car, comme vous le savez bien, les politiciens doivent d'abord et avant tout rendre compte à la population. En général, les politiciens ont tendance à négliger les aspects liés aux affaires.

Nous avons également été confrontés à plusieurs problèmes liés à une idée que les gens soulèvent souvent : lorsqu'une occasion d'affaires se présente, pourquoi n'est-ce pas la communauté qui en tire avantage? Pourquoi n'est-ce pas l'établissement qui en tire avantage?

Je fais de la politique depuis sept ans. Je suis entrepreneur. Je ne crois pas à cela. J'ai déjà déclaré très clairement que la croissance et la mise en valeur du développement économique à l'échelon communautaire et à l'échelon privé tiennent à un accent plus marqué sur l'entrepreneur.

Nous devons nous pencher sur le renforcement des capacités. Nous devons nous pencher sur des choses comme l'accès des entrepreneurs à de l'argent. Nous devons présenter à la population des études de cas qui ont fonctionné afin qu'elle comprenne que c'est possible. Au cours de mon mandat à titre de président, ce qui est équivalent à la fonction de chef, nous avons eu au moins un projet couronné de succès. Dans le Paddle Prairie Metis Settlement, nous avons privatisé toutes nos activités sur une période de trois ans. Au début, nous avions environ 12 petites entreprises en activité. À la fin de la privatisation, nous en avions 38, et je crois que ce nombre continue d'augmenter.

Nous avons d'autres exemples d'initiatives réussies. La situation des établissements est unique. Nous jouissons de plus d'avantages dans certains domaines que dans d'autres.

Je suis venu ici aujourd'hui pour essayer de brosser un portrait, en quelque sorte. J'étais un peu perdu. Je n'avais pas vraiment une idée claire de ce que vous vouliez savoir, mais, vraiment, ce que j'essaie de faire cet après-midi, c'est vous donner un aperçu général de notre situation particulière. Nous avons connu des réussites et des échecs.

Pour terminer, je crois parler au nom de tous les Métis quand je dis que nous avons besoin d'un accès accru à des fonds fédéraux.

Au fil des ans, les Métis se sont engagés dans des luttes juridiques et politiques en vue d'accéder aux mêmes services que les autres peuples autochtones du pays.

Je suis un partisan de la Constitution de notre pays, et la Constitution reconnaît les Métis au même titre que les autres peuples des Premières nations. Je crois que le gouvernement fédéral doit déployer un effort sincère en vue de considérer les Métis comme des égaux dans le contexte de la Constitution. Le gouvernement doit faciliter l'accès des Métis aux programmes, et les mettre sur un pied d'égalité.

Nous avons des terres, nous avons la loi et nous avons un tribunal d'appel. Nous avons créé notre propre établissement de prêts, la Settlement Investment Corporation. Certains des problèmes liés à notre système bancaire concernent le fait que nous le finançons. Nous avons dû le refinancer, et le Fonds de diversification de l'économie de l'Ouest nous a aidés avec le refinancement. Nous estimons devoir en faire beaucoup plus dans ce domaine.

Nous avons les gens, et nous avons tous les éléments nécessaires pour être un gouvernement. Nous formons un gouvernement, dans tous les sens du terme.

Nous travaillons actuellement avec la province de l'Alberta en vue de planifier ce qui va se passer après 2007, et nous élaborons actuellement un processus d'évaluation et de planification de la transition, le TAP. Le développement économique est un élément clé de ce processus. À long terme, ce sont les facteurs socio-économiques qui décideront de notre succès ou de notre échec.

Pour ce que ça vaut, c'est ce que j'avais à vous dire cet après-midi. Je vous remercie de votre attention, et je ferai de mon mieux pour répondre à toute question que vous me poserez.

Le président : Merci beaucoup. Sénateur St. Germain?

Le sénateur St. Germain : Monsieur Armstrong, nous vous remercions de votre exposé intéressant. Je suis un Métis.

Comment établissez-vous le statut de Métis en Alberta?

M. Armstrong : Dans notre situation particulière, il y a un ensemble de règles établies par la loi qui régissent la démarche à suivre pour demander le statut de Métis et pour devenir membre des établissements métis. Toute personne ayant des ancêtres autochtones et des ancêtres européens est admissible, mais vous devez être membre de la population de l'Alberta depuis au moins cinq ans, et vous devez vous identifier à la culture métisse. Ce sont les principales caractéristiques de nos membres.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que le lignage ou la généalogie part de l'ouest de l'Ontario et du Manitoba?

M. Armstrong : Dans une large mesure, oui, une grande part de notre population provient de ce que certains appellent la patrie des Métis. Oui, c'est vrai.

J'aurais dû reconnaître votre nom, car St. Germain est un nom métis. J'ai un ami qui est allé à l'étranger avec une délégation en vue de ramener les esprits. Il s'appelle St. Germain, il vient de Paddle Prairie, et il est un ancien combattant. J'aurais dû reconnaître ce nom-là.

Le sénateur St. Germain : On m'a demandé de faire partie de cette délégation.

Vous êtes unique, les Métis de l'Alberta, car il n'y a pas d'autres établissements métis ailleurs au pays. Vous avez vos territoires, vos lois et votre propre établissement de prêts.

Y a-t-il d'autres avantages pour les Métis qui sont membres de l'établissement? Où obtenez-vous du financement? Est-ce que vous générez des recettes en imposant les entreprises?

M. Armstrong : La question de la contribution communautaire ou de l'imposition est un des enjeux liés à l'exercice de l'autorité gouvernementale. Évidemment, notre peuple ne se sent pas tout à fait à l'aise avec le mot « impôt ». À vrai dire, je n'aime pas ce mot non plus, mais les avantages collectifs découlent des budgets communautaires.

Nous avons conclu avec la province une entente de financement selon laquelle une somme X est versée au gouvernement central. Il y a un vote annuel sur le budget visant à établir l'ordre de priorité des dépenses.

En général, nous divisons l'argent en huit parts, et les communautés appliquent ensuite leur propre formule budgétaire et leurs propres méthodes d'affectation des fonds. Elles établissent un ordre de priorité; on consulte la communauté, et la communauté vote sur le budget affecté à divers secteurs de programme.

Le sénateur St. Germain : Je suis à Ottawa depuis 22 ans. Je me souviens d'avoir prononcé mon premier discours au sujet de Riel vers 1983, et le côté non autochtone de ma famille est devenu furieux parce que j'avais révélé que j'étais Métis.

L'affaire Powley a changé les choses, et, pour ceux d'entre vous qui ne savez pas de quoi il s'agit, l'affaire mettait en cause un homme accusé par la province d'avoir abattu un orignal en période interdite. Il a été accusé à l'échelon provincial, et l'affaire est allée jusqu'à la Cour suprême, laquelle a reconnu le droit de cet homme de chasser pour assurer sa subsistance.

On n'avait rien dit et rien fait pour les Métis jusque-là. Depuis, la cause des Métis a passé au premier plan.

Avez-vous remarqué une différence marquée depuis cette époque? Qu'est-il ressorti de positif de tout cela, le cas échéant? Pourriez-vous nous le dire, s'il vous plaît?

M. Armstrong : La chose la plus positive que nous ayons vue ici en Alberta, c'est que nous avons conclu avec la province deux accords d'exploitation. La Metis Nation of Alberta a conclu un accord d'exploitation, et le Metis Settlements General Council a conclu un accord d'exploitation avec la province, en vue de reconnaître cette décision.

Je crois que la différence la plus remarquable, c'est la légère évolution des attitudes des politiciens.

Je crois qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Je crois que nous devons miser sur l'arrêt Powley, d'un point de vue politique, afin que la réalité soit conforme à la constitution. C'est très intéressant pour nous, et nous sommes vraiment très enthousiasmés par l'évolution qui, selon nous, aura lieu à l'égard de cette situation au cours des prochaines années.

Le sénateur Peterson : Vous avez parlé d'un certain nombre d'initiatives et de projets. Est-ce que l'ensemble de vos 7 000 membres tirent avantage de ces initiatives?

M. Armstrong : D'une façon ou d'une autre, oui, certes, l'ensemble de nos membres tirent avantage des initiatives et projets. Évidemment, nombre de nos programmes visent à répondre à un besoin quelconque, et, dans certains cas, des sommes sont destinées à un groupe en particulier.

Nous finançons des programmes destinés aux Aînés. Nous avons des programmes de logements pour les mères seules et pour les gens qui ont besoin d'aide supplémentaire. Nous assurons la majeure partie de la répartition des fonds, en fonction des besoins.

Le sénateur Peterson : Est-ce que tous les 7 000 membres sont inscrits? Est-ce qu'ils vivent tous au sein d'établissements métis?

M. Armstrong : Notre recensement fait état de plus de 6 900 résidents. Si on va au-delà des établissements, je crois que le nombre serait beaucoup plus élevé. Nous sommes partout dans le monde. Nous sommes représentés au sein du gouvernement fédéral. Nous sommes représentés au sein des gouvernements provinciaux. J'estime qu'il pourrait y avoir jusqu'à 10 000 personnes liées aux établissements, et, comme je l'ai déjà dit, je ne compte pas les enfants.

Notre croissance démographique correspond à quatre fois la moyenne nationale. Je m'attends à ce que nous exercions une influence politique assez remarquable dans peu de temps.

Le président : Monsieur Armstrong, je crois qu'il serait utile à notre comité d'entendre votre point de vue sur la situation des Métis par rapport à celle des Premières nations.

Les Métis de l'Ouest — et je sais que les Métis du Nord, d'où je viens, sont très fiers. Il y a une fierté d'avoir des racines européennes et autochtones. Ils ont une histoire très solide, marquée par une grande autonomie. À divers moments de notre histoire, nous avons été les intermédiaires entre les Européens et les peuples autochtones. L'histoire des Métis parle de gens qui étaient à l'avant-plan, à titre de négociants en fourrures, de pilotes des bateaux qui sillonnent les rivières, d'interprètes, et ainsi de suite. À l'origine, les Metis étaient des « sang-mêlé », et, aujourd'hui, les Métis sont très autonomes.

Les Métis de l'Alberta sont, à bien des égards, comme les membres des Premières nations, où ils vivent sur des terres qui accueillent de nombreuses communautés.

Connaissez-vous plus de succès que les Premières nations, ou est-ce que votre situation se compare à celle des Premières nations qui vivent en réserve, où la vie est difficile? C'est très difficile de faire du progrès mais, en dépit des difficultés, faites-vous du progrès?

Pourriez-vous nous fournir des commentaires à cet égard? Comment vous tireriez-vous d'affaire? Est-ce que votre situation en Alberta est plus avantageuse que celle des Premières nations?

M. Armstrong : Je ne veux insulter personne. Je n'aime pas comparer les établissements métis aux autres organismes autochtones, car j'estime que c'est tout simplement injuste. Il est extrêmement difficile d'établir une comparaison convenable.

Je dirais que, dans certains domaines, nous jouissons d'une plus grande marge de manœuvre en affaires. La seule bureaucratie avec laquelle nous devons composer, c'est la nôtre.

Nous effectuons chaque année le transfert direct de fonds aux établissements, et cela se déroule très bien, dans la mesure où nous respectons notre processus budgétaire.

Je sais, à la lumière de mon expérience avec les groupes des Premières nations, qu'ils ne sont pas dans la même situation. Ils ont beaucoup plus d'obstacles à surmonter, pour ce qui est d'envisager un projet économique. Ils ont affaire à une bureaucratie différente, et ils doivent utiliser un système différent dans ce contexte. Ils sont confrontés à de nombreux défis.

Je crois que, de certaines façons, ils jouissent d'avantages qui ne nous sont pas offerts. Par exemple, dans notre cas, notre régime de financement a ses limites, et, à moins que nous arrivions à négocier quelque chose qui va plus loin, nous sommes laissés à nous-mêmes. Nous devons tenir compte de facteurs particuliers.

Je crois, d'après ce que je vois partout au pays, qu'on réalise des progrès sur le dossier des Métis. Je crois que ce qui se passe du côté des Premières nations est également de bon augure, dans certains cas et à certains endroits. Je crois qu'il y a effectivement des débouchés, mais je pense qu'il faut jeter un regard neuf sur l'ensemble de la question du développement économique autochtone.

Je crois que la capacité est l'un des principaux facteurs du développement économique, qu'il soit question d'une communauté des Premières nations ou d'une communauté métisse. Il faut avoir des gens qui savent ce qu'ils font, et, si nos gens ne savent pas ce qu'ils font, il faut qu'ils jouissent d'un accès à l'information nécessaire.

L'une des méthodes que nous appliquons quand nous ne sommes pas en mesure de faire du développement par nos propres moyens consiste à établir des partenariats avec des gens qui ont cette capacité. L'exemple qui me vient à l'idée est le projet de scierie. Nous avons participé à la création de la scierie, nommé un administrateur apolitique au conseil, et laissé cette personne faire son travail. C'était vraiment le but de l'exercice, et cela s'est très bien passé.

J'espère que cela répond à votre question.

Je crois que nos communautés se tirent bien d'affaire. Nous n'avons que 15 ans, et nous avons beaucoup de travail à faire à l'avenir.

Il y a matière à comparaison avec les Premières nations au chapitre de l'occupation des terres, car le gouvernement fédéral détient les terres de réserve, et les Premières nations ne peuvent utiliser leurs terres comme garantie. Nous nous retrouvons dans la même situation en ce qui concerne les établissements, car nous ne pouvons mettre les terres en garantie. De nombreuses façons, nos problèmes sont très similaires.

Le président : Monsieur Armstrong, nous vous remercions de votre exposé.

Karen Collins, ministre du Développement économique, Metis Nation of Alberta : Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour à tous.

Avant de commencer, je tiens à vous signaler que nous vous avons apporté une autre trousse de documentation qui contient une copie de l'Accord-cadre entre le Canada et la nation métisse et une copie des délibérations de la Table ronde Canada-Autochtones.

Vous trouverez également notre exposé de principes et un exemplaire de la revue du Ralliement national des Métis qui parle de certaines de nos activités, ainsi que trois publications de la Metis Nation of Alberta, Otipemisiwak : The Voice of the Metis Nation in Alberta.

Comme la plupart d'entre vous le savent déjà, la Métis Nation of Alberta compte parmi les cinq membres du conseil des gouverneurs du Ralliement national des Métis. Le Ralliement national des Métis, bien sûr, représente les Métis du nord-ouest de l'Ontario jusqu'à la Colombie-Britannique, et parle en leur nom. Le Conseil des gouverneurs compte cinq membres, et l'Alberta est l'un de ces membres.

Je suis une représentante élue de l'Alberta. Nous venons tout juste de tenir des élections, de sorte que, en date de septembre, j'ai été réélue pour un deuxième mandat à titre de présidente de la Région 2, c'est-à-dire le nord-est de l'Alberta, et notre bureau central est à Bonnyville.

Notre région et la région que je représente est au beau milieu de toutes ces activités d'exploitation pétrolière et gazière en Alberta, de sorte que nous avons une connaissance plutôt terre à terre de la croissance économique de notre province. Bien sûr, John Parkins, qui est avec moi aujourd'hui, fait du travail pour nous, en vertu de notre accord sectoriel, par l'entremise de la province de l'Alberta.

En guise d'introduction, je vous rappelle que les Métis sont reconnus parmi les trois peuples autochtones du Canada dans la Loi constitutionnelle. Les Métis sont les descendants des enfants des peuples des Premières nations et des premiers coureurs des bois, explorateurs et négociants en fourrures européens qui sont venus au Canada aux XVIIe et au XVIIIe siècles. La société métisse s'est dotée de sa propre culture riche et vibrante, qui continue de s'épanouir aujourd'hui.

La pierre d'assise de la culture métisse est la langue michif, dont la structure est unique parmi les langues du monde, et que nous cherchons activement à protéger.

Certains de nos cousins des Premières nations connaissent également les Métis sous le nom d'Otipemisiwak, tout comme le titre de notre revue. Je suppose que notre traduction préférée de ce terme est « les indépendants », en raison de notre solide esprit d'initiative, comme en témoigne le rôle important que nous avons joué au sein de l'économie canadienne de la première heure.

Statistique Canada a diffusé des données démographiques révisées sur la population autochtone à l'égard du recensement de 2001. Ces données révèlent qu'il y avait 1 066 500 Autochtones au Canada en 2001, et que, de ce nombre 29 p. 100, ou 305 500 Canadiens se sont déclarés Métis.

La plupart des Métis résident dans la patrie de la nation métisse, qui s'étend du nord-ouest ontarien jusqu'à la Colombie-Britannique. C'est l'Alberta qui accueille le plus grand nombre de Métis. Statistique Canada vient tout juste de faire passer le nombre de résidents métis à 65 000, soit environ 22 p. 100 des Métis du Canada.

La Métis Nation of Alberta, qui a célébré son 75e anniversaire en 2003, représente les Métis de l'Alberta. L'Alberta est l'une des cinq provinces membres du conseil des gouverneurs qui représente le territoire entre l'Ontario et la Colombie-Britannique, et qui constitue notre organe politique et représentatif national, connu sous le nom de Ralliement national des Métis. La Metis Nation of Alberta compte actuellement plus de 31 000 membres à vie.

En juin, notre ex-présidente Audrey Poitras a parlé du rôle important qu'ont joué les Métis pour ce qui est d'étendre le commerce vers les Grands Lacs et le nord-ouest, avant même que le Canada ne devienne un pays.

Elle a souligné, dans son exposé, que le commerce de la fourrure avait nourri l'identité des Métis, et que ces derniers, à titre de partisans du libre-échange, ont contribué à l'effondrement du monopole de la Compagnie de la Baie d'Hudson.

Elle a ajouté que les Métis désirent non seulement le libre-échange, mais aussi le commerce équitable, et qu'il faut prendre des mesures en vue d'uniformiser les règles du jeu en vue de permettre aux Métis de contribuer à l'économie. Mme Poitras a déclaré que l'absence de terres et une base de ressources lacunaire constituaient les principaux obstacles à l'autonomie économique des Métis.

Puisque les enjeux liés aux territoires métis et à l'accès des Métis aux ressources continuaient de compter parmi les grandes priorités, nous avions demandé à votre comité d'encourager le gouvernement du Canada à respecter les engagements pris sous le régime de l'Accord-cadre entre le Canada et la nation métisse, et de se pencher sur les enjeux liés aux territoires.

Parmi les autres engagements que nous avions portés à votre attention, il y avait les alinéas :

3e) examiner les programmes et les services susceptibles d'être transférés aux membres dirigeants du Ralliement national des Métis;

et

3j) examiner des options en vue de créer des mesures de développement économique afin d'aider la nation métisse à devenir autosuffisante.

Ces deux dispositions reflètent le désir de longue date des Métis de recouvrer l'autonomie économique dont jouissaient leurs ancêtres autrefois, ainsi que notre désir de lancer et de concevoir comme bon nous semble des initiatives de développement économique.

Le comité a reçu une copie de l'énoncé de principes de la nation métisse sur les débouchés économiques élaborés dans le cadre du processus de Table ronde Canada-Autochtones. L'énoncé de principes décrit les réalités, les aspirations et les stratégies de la nation métisse au chapitre du développement économique, et insiste sur des solutions propres aux Métis, au lieu de proposer des approches destinées à l'ensemble des Autochtones.

L'exposé soulignait que les Métis cherchent à obtenir non pas des cadeaux, mais bien des investissements stratégiques dans ses communautés, de façon à habiliter nos propres gouvernements à améliorer la situation socio-économique des Métis.

Nous croyons que l'autonomie des Métis passe par une participation accrue des Métis à l'économie canadienne. Mme Poitras a signalé que les infrastructures et institutions éprouvées de la nation métisse sont en mesure de fournir aux Métis les programmes et services de développement économique du gouvernement fédéral. La nation métisse avait recommandé qu'on mise sur ces organismes, et qu'on leur confie les programmes et services.

L'énoncé de principes recommande une vaste gamme d'interventions sur le marché et d'outils de développement particuliers fondés sur les pratiques et méthodes éprouvées dans les communautés métisses.

On avait terminé le dernier exposé en déclarant notre croyance selon laquelle ces types d'interventions stratégiques permettraient aux Métis, qui faisaient autrefois office d'intermédiaires dans la traite des fourrures, de regagner leur place au sein de l'économie canadienne.

Même si le témoignage précédent et l'énoncé de principes sur les débouchés économiques abordent tous deux ces sujets, j'aimerais parler spécifiquement de l'objet actuel de vos travaux.

En ce qui concerne les grands projets d'exploitation de ressources non renouvelables, certaines entreprises de mise en valeur des ressources se sont montrées disposées à offrir des occasions aux Métis. Le partenariat entre la Metis Nation of Alberta, EnCana Corporation et Western Lakota Energy Services Limited est un bon exemple de cela. Ce partenariat a permis à la nation métisse de devenir propriétaire d'un appareil de forage de pointe. Le partenariat permet de former et d'employer des Métis sur les installations de forage, et les employés et gestionnaires font en sorte que cette installation est considérée parmi les plus sécuritaires et les plus productives d'EnCana. Nous sommes très fiers de cette initiative.

D'autres sociétés ne semblent disposées à ne traiter qu'avec des organismes autochtones qui ont une assise territoriale, et cela peut influer sur l'élaboration de projets de développement. Même si on réalise des progrès en amenant certaines de ces entreprises à discuter de l'impact socio-économique de leurs projets de développement sur notre communauté, il serait utile de disposer d'études sur l'utilisation et l'occupation des terres traditionnelles. Ces études illustreraient clairement l'incidence directe sur notre communauté, en particulier à l'égard des facteurs socio-économiques. L'énoncé de principes insiste sur le besoin de ressources qui habiliteraient les Métis à mener ce genre de recherche.

Un autre problème concerne le fait que, même si certaines entreprises semblent disposer à offrir des occasions d'affaires, elles établissent des exigences contractuelles rigoureuses et, même lorsqu'on satisfait à ces exigences, les décisions relatives aux contrats sont souvent fondées non pas sur la volonté d'offrir à une entreprise autochtone l'occasion de faire ses preuves, mais bien sur les relations antérieures avec des entrepreneurs existants.

Un autre obstacle concerne le manque de capacités, tant humaines que financières. Nous avons certainement entendu cela du témoin précédent.

Un autre obstacle est lié à l'incapacité de composer avec des travaux d'envergure. Peu d'entreprises autochtones jouissent d'une telle capacité au chapitre de la main-d'œuvre et de l'équipement.

L'une des solutions possibles consiste à permettre à un certain nombre de petits entrepreneurs autochtones de s'unir dans une coentreprise en vue de prendre en charge des travaux de grande envergure. Les sociétés de mise en valeur des ressources doivent se doter de la souplesse nécessaire pour pouvoir envisager de telles solutions.

Comme je l'ai déjà dit, l'absence d'études sur l'utilisation et l'occupation des terres traditionnelles est également un facteur faisant obstacle à la participation à des projets de mise en valeur des ressources renouvelables. Les sociétés de mise en valeur des ressources semblent beaucoup plus enclines à nouer des relations de travail si elles voient une possibilité d'accéder aux ressources que recèlent les terres autochtones.

Un autre obstacle à la participation autochtone est le degré élevé de mécanisation, désormais courant dans les industries de mise en valeur des ressources. Pour participer, il est souvent nécessaire d'investir des sommes importantes pour l'achat d'équipement de pointe coûteux. Il est difficile pour de nombreuses entreprises métisses d'obtenir cet équipement, car elles n'ont pas accès aux millions de dollars de financement bien souvent consentis aux Premières nations et aux Inuits. L'accès des Métis à une part équitable du financement fédéral pour le développement économique aiderait à uniformiser les règles du jeu pour les entreprises métisses.

La Metis Nation of Alberta a élaboré un plan stratégique de développement économique qui cerne 12 secteurs de l'économie albertaine où les Métis pourraient jouer un rôle important. L'un des plus grands secteurs est le tourisme. Les Métis voient beaucoup de débouchés dans le secteur touristique, et, vu leur histoire et leur culture uniques, ils croient que le secteur du tourisme culturel est très prometteur.

La nation métisse a amorcé une initiative touristique audacieuse avec son projet Métis Crossing. Dans le cadre de ce projet, une propriété de 512 âcres deviendra la plaque tournante du tourisme culturel métis en Alberta, et reliera quelque 60 sites historiques et culturels métis de partout dans la province.

Comme c'est le cas de la plupart des autres projets de développement économique, le principal obstacle à l'exécution de Métis Crossing et le manque d'argent. Si ce n'était de la contribution opportune d'une entreprise métisse florissante, cette propriété et cette occasion auraient été perdues.

Le défi est toujours là, car il faudra recueillir les fonds nécessaires pour poursuivre la mise en valeur de cette propriété en vue de réaliser pleinement son potentiel touristique.

Vu le nombre de grandes sociétés nationales et multinationales qui dispensent actuellement des services d'affaires, il est difficile pour les entreprises métisses d'offrir de tels services aux entreprises.

Même si on a déployé des efforts en vue d'établir des coentreprises avec des fournisseurs de services plus modestes, il est difficile d'offrir un prix concurrentiel face à de grandes entreprises qui jouissent d'économies d'échelle supérieures.

Il faut également que les institutions métisses offrent des services d'affaires et du financement aux petites entreprises qui appartiennent à des Métis et qui fournissent des emplois aux Métis.

L'énoncé de principes mentionne le besoin de renforcer les institutions financières métisses et de créer une société de capital-risque métisse et un fonds d'actions de la nation métisse.

Les Métis ont besoin d'un programme de prêt équivalent aux capitaux propres en vue d'aider les entrepreneurs métis à prendre part à des occasions d'affaires lorsqu'ils ne disposent pas des capitaux propres nécessaires pour tirer avantage des programmes d'Entreprise autochtone Canada et de la Société autochtone de financement.

Il faut dispenser aux entrepreneurs métis et aux Métis qui aspirent à le devenir une formation relative à la gestion d'une petite entreprise. La Métis Nation of Alberta réalisait des progrès au chapitre de l'exécution d'un programme de formation des Métis relatif à la petite entreprise partout en Alberta, quand l'entente de financement a pris fin.

L'absence de sources de financement à long terme permettant d'assurer le maintien de programmes novateurs lancés par la nation métisse est un autre obstacle important au progrès.

John et moi-même avons pris part à une initiative de développement économique, lancée en 2002, dans le cadre de laquelle on affectait des agents du développement économique dans chacun des six bureaux régionaux. Ces agents faisaient partie intégrante du personnel technique de développement économique, qui comptait neuf membres. Aujourd'hui, nous sommes les seuls agents de développement économique de la MNA qui restent. Cette réduction importante de la capacité technique, qui découle du manque de continuité et de financement, est un autre obstacle au développement économique de la nation métisse.

Même si la nation métisse est souvent en mesure de concevoir des approches novatrices et de lancer des projets pilotes, il est nécessaire de pouvoir continuer de miser sur ces programmes et de les faire durer assez longtemps pour qu'on réalise des progrès non pas symboliques, mais bien réels.

Les difficultés et les coûts liés à l'obtention de cautions et d'assurance font parfois obstacles à nos entreprises.

Les dépenses liées aux exigences énoncées dans les politiques de sécurité des entreprises constituent certainement un autre exemple d'obstacle aux petits entrepreneurs.

En conclusion, tel que nous l'avons déclaré à l'occasion d'autres témoignages de la nation métisse, les Métis sont un peuple indépendant, animé d'un esprit d'initiative, qui souhaite assurer son autonomie économique. La nation métisse voit le développement économique comme un élément clé de son autonomie.

L'énoncé de principes sur les débouchés économiques décrit certaines des grandes réalisations des Métis, et insiste sur ce dont les Métis ont besoin pour continuer de faire fond sur ces réussites.

Avec des chances égales, un accès équitable aux programmes et services, et la capacité de les offrir au moyen de nos propres solutions novatrices axées sur les Métis, par l'entremise de nos propres institutions, nous, les Métis, serons en mesure de continuer de contribuer à la prospérité du Canada.

Je serai heureux de répondre à toutes vos questions, et je vous remercie de l'occasion qui m'a été offerte de m'adresser à votre comité.

Le sénateur Zimmer : Merci, madame Collins, de votre exposé très novateur et impressionnant.

À la page 6, vous dites ce qui suit :

Un autre problème concerne le fait que, même si certaines entreprises semblent disposer à offrir des occasions d'affaires, elles établissent des exigences contractuelles rigoureuses et, même lorsqu'on satisfait à ces exigences, les décisions relatives aux contrats sont souvent fondées non pas sur la volonté d'offrir à une entreprise autochtone l'occasion de faire ses preuves, mais bien sur les relations antérieures avec des entrepreneurs existants.

À la page 7, au sujet de la mise en valeur des ressources renouvelables, vous dites ce qui suit :

Les sociétés de mise en valeur des ressources semblent beaucoup plus enclines à nouer des relations de travail si elles voient une possibilité d'accéder aux ressources que recèlent les terres autochtones.

La situation me semble presque sans issue. Si vous voulez établir une coentreprise avec une société, cette dernière semble vous imposer des restrictions ou des exigences, mais, vous avez besoin d'assurer votre développement économique, vous avez besoin de ressources. Pour obtenir les ressources, vous devez établir une coentreprise, mais si vous établissez la coentreprise, il y a des exigences et des restrictions. Ainsi, on n'en sort pas.

Je suppose que ma question est la suivante : pourriez-vous nous fournir des détails sur les exigences des partenaires de coentreprises qui vous empêchent de participer et qui vous forcent à faire cavalier seul?

Mme Collins : Les relations avec les divers intervenants de l'industrie, certainement, ceux l'industrie pétrolière et gazière, varient d'une région de la province à l'autre.

Une partie de ma réponse concerne la relation que nous avons avec les gens de notre région. Nous encourageons les petits entrepreneurs à décrocher des contrats de sous-traitance dans le cadre de projets d'envergure, ou à tenter de conclure leurs propres marchés ou d'établir leurs propres partenariats avec d'autres petites entreprises. Il semble, cependant, y avoir toujours des obstacles supplémentaires aussitôt que nous rassemblons ces groupes.

La Métis Nation of Alberta a conclu une entente de coentreprise avec deux entrepreneurs non autochtones, et nous pensions avoir satisfait à toutes les exigences de sécurité, souscrit l'assurance nécessaire, réglé les questions de responsabilité, satisfait à toutes les conditions préalables. Nous pensions avoir tout réglé, mais, nous sommes encore dans l'impasse. Nous avons maintenant des partenaires, et nous éprouvons tout de même de la difficulté à nous tailler une place sur les listes de soumissionnaires. On nous donne du travail, mais pas les contrats.

J'ai mentionné que certaines entreprises se présentent maintenant à la table de négociation, et je suppose que cela découle en partie de décisions des tribunaux dans d'autres provinces, ainsi que des décisions de la Cour suprême du Canada. Elle approche, l'époque où la consultation systématique fera partie du processus.

Nous, les représentants de la Région 2, sommes assis à de nombreuses tables de négociation. Quand nous sommes là, nous voulons que notre participation tienne non pas à une étude sur l'utilisation des terres traditionnelles dans notre environnement, mais bien aux fins proposées du projet.

À l'heure actuelle, lorsque nous devons parler d'enjeux liés aux Métis, parce que nous n'avons pas la possibilité de dire que nous avons parcouru tels secteurs d'un triangle donné, par exemple, on nous invite à parler d'un petit secteur donné. Alors, dans mon cas, je dois découvrir où sont les trappeurs, quels Métis sont directement touchés par ce projet. Nous amenons ces organismes à la table de négociation, et, effectivement, que nous soyons seulement les trappeurs autorisés ou pas, cela influe directement sur la personne métisse concernée. Au lieu de pouvoir nous pencher sur les répercussions socio-économiques dans l'ensemble de la région, nous devons commencer par nous attacher aux personnes qui sont directement touchées. Nous nous retrouvons parfois, effectivement, dans une situation sans issue.

Le sénateur St. Germain : Lorsque vous parlez des Métis, madame Collins, vous parlez davantage des Métis de l'Alberta que des autres, car dans ma région, il n'y avait rien; les Blancs ne nous aimaient pas, les Indiens ne nous aimaient pas. Nous étions laissés à nous-mêmes.

L'Alberta semble être la seule province à avoir montré du respect à la nation métisse. Mon père était trappeur et travailleur de la construction à temps partiel. La situation économique des Métis s'est diversifiée. Je le sais parce que je suis originaire du Manitoba, même si je vis en Colombie-Britannique aujourd'hui.

Remarquez-vous une croissance économique des communautés métisses?

Je suis peut-être naïf à cet égard, et vous pourriez peut-être m'informer un peu sur la question.

Mme Collins : Je veux bien essayer.

Je dois préciser que je suis ici au nom de la Métis Nation of Alberta, qui est comme la MMF au Manitoba. M. Alden représente le Métis Settlements General Council. Lorsqu'il témoigne, même si nous sommes tous sur le territoire de l'Alberta, il représente une population de Métis ayant une assise territoriale particulière.

Les Métis dont je parle, au nom desquels je parle aujourd'hui, sont les Métis qui ne vivent pas dans les établissements métis. Ils vivent dans les villes, ils vivent dans les municipalités et ils vivent au sein des collectivités voisines de réserves. Ils sont comme les Métis du Manitoba.

Certains des problèmes dont j'ai parlé sont effectivement différents des problèmes et obstacles auxquels Alden a fait allusion.

Je dois préciser que je parle également au nom des Métis du Manitoba qui sont venus s'établir en Alberta.

Je suppose que nous jouissons effectivement d'un avantage en Alberta. Notre organisme a 77 ans. Cela remonte à plus loin que certains de nos collègues de partout sur le territoire de la patrie des Métis. Je me réjouis des progrès que nous avons réalisés au cours des 77 dernières années. Au cours de ces années, nous avons collaboré avec les établissements métis dont parlait Alden.

Avec le temps, nous nous sommes séparés, parce que nos aspirations étaient différentes. Nous avions un gouvernement du territoire qui devait faire cela, et nous avons la Métis Nation of Alberta, qui doit servir et représenter les Métis qui ne vivent pas dans un établissement.

Pour ce qui est de votre question concernant les avantages pour les Métis dans d'autres parties de la patrie, j'aime envisager les choses dans leur ensemble.

Ce que M. Powley a fait, c'était pour le bien collectif. Les Métis de l'Alberta ont tiré avantage de ce qu'il a fait à Sault Ste. Marie. Par conséquent, j'aime envisager les choses de cette façon.

Les Métis du Manitoba ne vont peut-être pas jouir de retombées directes, mais tout progrès réalisé en Alberta aura un effet d'entraînement partout au pays.

En Alberta, par exemple, on parle maintenant de construire une route à partir de Fort McMurray qui se révélera avantageuse pour les communautés métisses locales. Au lieu de mettre 12 heures pour se rendre à Fort McMurray, ils ne mettront que deux heures pour se rendre au travail.

Il y a des exemples de réussite ici et là, et j'espère et je crois que les Métis, de la Colombie-Britannique jusqu'à l'Ontario, se tiendront debout et seront fiers.

Le sénateur St. Germain : Y a-t-il un événement historique qui explique pourquoi cette province, traditionnellement conservatrice, a pris des mesures plus positives à l'égard des Métis? Est-ce que cela tient à la façon dont ils se sont mêlés à la collectivité?

Cela va à l'encontre de la position générale de la province, et pourtant, ici en Alberta, sous l'autorité du premier ministre Lougheed, qui était parfaitement au fait des enjeux liés aux Autochtones, et sous celui de son successeur, on semble avoir réagi différemment à cette question qu'au Manitoba.

Il y a un cas en instance au Manitoba, mais les dirigeants ne semblent pas aussi déterminés à régler la question que ceux de l'Alberta.

Savez-vous à quoi tient cette différence de mentalité et d'attitude des gouvernements à l'égard des enjeux touchant les Métis?

Je n'essaie pas de vous mettre dans l'embarras, madame Collins, mais je m'interroge sur mes racines, et j'essaie de comprendre ce qui c'est passé.

Mme Collins : Je ne saurais vous fournir une réponse complète, mais j'ai certainement une opinion à cet égard.

Je crois que notre âge compte pour beaucoup dans tout ça. Dans notre province, le drapeau de la nation métisse flotte depuis 77 ans. Au cours de cette période, la commission Ewing s'est penchée sur le bien-être des sang-mêlé dans la province, de sorte que des terres ont été cédées aux Métis.

J'aime à croire que le gouvernement de cette époque a tracé la voie que vont suivre les gouvernements de demain, pour ce qui est de se souvenir des Métis et des terres qui leur ont été réservées.

Nous entretenons des relations saines avec le gouvernement de l'Alberta, ce qui explique pourquoi il a rapidement accepté de négocier et de conclure une entente d'exploitation dans le sillage de l'arrêt Powley. Cela témoigne des bonnes relations entre la province et les Métis.

Le sénateur St. Germain : Y a-t-il encore beaucoup de gens qui s'adonnent au piégeage en Alberta?

Mme Collins : Je dirais que oui, surtout dans le Nord de l'Alberta.

Le sénateur St. Germain : Les Métis ont accès à Entreprise autochtone Canada, n'est-ce pas?

Mme Collins : Oui, ils y ont accès.

Le président : Merci, madame Collins et monsieur Parkins, d'être avec nous aujourd'hui.

Richard Kappo, grand chef, Conseil tribal des Cris de l'Ouest : Merci et bonjour à vous, mesdames et messieurs les sénateurs, et aux Aînés qui sont parmi nous.

Je vais témoigner à titre de représentant de trois organismes différents, dont je suis membre : ma bande, mon conseil tribal et les Premières nations de l'Alberta signataires du Traité no 8.

Tout d'abord, je tiens à remercier le chef Sanford Big Plume et les chefs du Traité no 7 de m'avoir laissé entrer sur leur territoire et leur rendre visite ici. Je remercie également le comité sénatorial de me donner l'occasion de témoigner.

Je suis chef de la nation crie de Sturgeon Lake et des Premières nations de l'Alberta signataires du Traité no 8, et grand chef du conseil tribal des Cris de l'Ouest, dont fait partie ma bande, la nation crie de Horse Lake, et la Première nation de Duncan, située dans les districts albertains de South Peace et de North Peace. Je suis un descendant des signataires du Traité no 8.

Ma mère s'appelle Mary Kappo, et mon père, Dave Kappo, a consacré toute sa vie à l'amélioration de la situation de notre peuple. Je sers ma communauté à titre de membre du conseil de bande et de chef, et j'assume ces responsabilités avec honneur et fierté.

J'ai également eu le privilège de connaître M. Harold Cardinal, à titre tant de dirigeant que de membre de ma famille. Ses enfants sont mes nièces et neveux.

Malgré notre succès mitigé au chapitre du développement économique, et malgré les épreuves constantes, M. Cardinal a dit, un jour, que « Nous puisons notre force dans nos Aînés, dans nos traditions et dans notre spiritualité ».

Il m'arrive souvent de puiser dans ces sources, et je peux constater cette force et, à l'occasion, je peux la ressentir.

La nation crie de Sturgeon Lake fait partie d'un grand nombre de nations de partout au Canada qui éprouvent de la difficulté à concilier les besoins de la communauté et de ses membres et le besoin de se tourner vers l'avenir en vue de tirer avantage de débouchés économiques maintenant, et pour la jeune population grandissante.

Pendant des générations, nous avons été des trappeurs et des vendeurs de fourrures, les tout premiers entrepreneurs canadiens.

Les défis auxquels nous étions confrontés à l'époque ressemblent aux défis d'aujourd'hui : faire concurrence à de grandes entreprises jouissant de moyens financiers et politiques supérieurs. Nous avons peu de capitaux propres, non seulement pour le démarrage d'entreprises, mais aussi pour prendre de l'expansion et ainsi répondre aux besoins actuels.

La nation crie de Sturgeon Lake a vu passer plusieurs projets dont le succès a été de courte durée : une grande porcherie, une usine de baguettes, un terrain de camping et un parc. Nous avons également envisagé des propositions de projets d'envergure : une marina et un complexe hôtelier doté d'un terrain de golf. Ces plans et études dorment sous la poussière, quelque part dans le bureau de la bande.

Même si de nombreux non-Autochtones nous tendent la main, nous ne pouvons établir de coentreprises ou de partenariats avec eux parce que nous n'avons pas les capitaux propres nécessaires pour établir un partenariat. Ils proposent des coentreprises et des partenariats parce qu'ils voient le potentiel de notre communauté. Or, nous n'avons rien à offrir à un partenaire, car un partenaire en bonne et due forme doit fournir au moins 50 p. 100 des capitaux propres du partenariat. Nous n'avons pas les moyens de participer.

Nous luttons chaque jour pour répondre aux besoins d'une communauté en expansion. Tous les gouvernements, toutes les nations doivent composer avec les décisions et les directives antérieures. Mon conseil a volontairement établi un plan de gestion corrective afin que nous puissions surmonter certaines de nos difficultés financières. Ce n'est pas chose facile.

Il y sept ans, nous avons obtenu d'AINC des fonds pour l'achat d'équipement lourd, ce qui a permis à notre société de construction de connaître un certain succès. Les contrats liés au secteur pétrolier ainsi que la construction de routes permettent de maintenir l'exploitation de cet équipement. En plus d'avoir généré des revenus, créé de l'emploi et fourni des occasions de formation, cet équipement a permis à notre entreprise, si petite soit-elle, d'être respectée et d'être rentable. Nous avons un besoin urgent de prendre de l'expansion. Aujourd'hui, ce financement n'est plus disponible.

Nous comprenons que le développement économique s'assortit de certains défis et risques. En notre qualité de Premières nations, nous savons ce que c'est d'être confrontés à des obstacles, y compris des politiques gouvernementales qui ne cessent de changer, à l'échelon tant fédéral que provincial.

Si, d'emblée, la participation des Premières nations est limitée, voire directement nulle, si on ne cherche pas à obtenir de l'information ou à consulter les districts municipaux, les conseils municipaux et les décideurs locaux de tous les échelons, la forte influence de l'industrie peut décider du sort d'une initiative.

Pour terminer, je vous transmets un conseil que m'ont prodigué mon père et mes Aînés : « Travaille dur, finis ce que tu commences, et n'oublie pas d'où tu viens. »

Comme me l'a si bien dit un bon ami et homme d'affaires prospère — et, incidemment, un Blanc : « Richard, il faut avoir de l'argent pour faire de l'argent. »

Sur ce, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de participer à ce processus de consultation.

Si vous le permettez, je vais vous lire des extraits de quelques documents qui m'ont été remis par mon conseil tribal et les Premières nations de l'Alberta signataires du Traité no 8.

Le premier extrait vient de mon directeur général Kevin Tootoosis. Il s'agit de documents d'information sur le développement économique. Il dit que le principal programme du gouvernement fédéral mis à la disposition du Conseil tribal des Cris de l'Ouest est un programme d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Il s'agit du Programme de développement économique des communautés.

Même si le critère est large, son efficacité est limitée par un budget insuffisant. Cette année, il y a 1,5 million de dollars à répartir parmi les régions de l'Alberta. Apparemment, un million de dollars est prévu pour les projets d'infrastructure. Cette somme ne répondrait pas aux besoins d'un seul conseil tribal, encore moins d'une région complète.

Le gouvernement fédéral doit affecter davantage de ressources financières à la région de l'Alberta.

Les occasions de développement économique dans la province de l'Alberta ont été bien documentées. Le territoire visé par le Traité no 8 constitue l'une des économies dont la croissance est la plus rapide au pays. Les Premières nations du Conseil tribal des Cris de l'Ouest veulent faire partie de la croissance économique de la province.

Les partenariats font partie intégrante de l'expansion des affaires en Alberta. Le financement disponible dans la région de l'Alberta n'est tout simplement pas suffisant pour permettre à nos Premières nations de participer à de nouveaux partenariats commerciaux.

Le processus d'approbation du PDEC devrait être plus rapide. Cette année, par exemple, les lignes directrices du programme ont été remaniées en avril. Or, AINC n'a commencé à accepter des propositions qu'en juin. On n'a amorcé l'examen des propositions que vers la fin août, parce que le personnel partait en vacances.

Le Conseil tribal des Cris de l'Ouest a finalement eu l'occasion de rencontrer les responsables du programme en septembre, en vue d'obtenir une rétroaction à l'égard de sa proposition. Le comité régional d'AINC pour l'Alberta examinera la proposition en novembre. Lorsque la proposition aura été approuvée, le Conseil tribal des Cris de l'Ouest devra verser les ressources financières nécessaires avant le 31 mars 2006. L'approbation des propositions en temps opportun peut faire toute la différence entre la participation et la non-participation.

Un autre problème qui afflige le processus d'approbation du PDEC concerne les limites d'approbation dans la région de l'Alberta. Chaque proposition doit subir un processus en deux étapes. La région de l'Alberta peut autoriser des projets dont la valeur est de 100 000 $ ou moins. Les projets dont la valeur est supérieure à 100 000 $ sont sujets à l'approbation finale de l'administration centrale d'AINC. Nous recommandons que le bureau régional d'AINC en Alberta soit habilité à approuver des projets d'une valeur supérieure, afin que les Premières nations puissent tirer avantage rapidement d'occasions d'affaires qui se présentent dans la province.

En ma qualité de chef, je suis membre de la commission de développement économique des Premières nations de l'Alberta signataires du Traité no 8. Ces documents d'information visent à attirer de nouveau l'attention sur le plan opérationnel d'AINC relatif au développement économique.

Les programmes, politiques et lignes directrices régissant le développement économique ont été modifiés, et on a réduit le financement d'ensemble consenti par le programme. Les responsabilités relatives au financement des programmes ont été cédées à Industrie Canada, et il n'y a eu pratiquement aucune réaction des dirigeants politiques des Premières nations. Ce transfert de responsabilité au programme Entreprise autochtone Canada d'Industrie Canada devrait être une source de préoccupations importantes pour l'ensemble du personnel des Premières nations affecté au développement économique.

On demande que la commission de développement économique des Premières nations de l'Alberta signataires du Traité no 8 reçoive du soutien afin qu'elle puisse prendre certaines mesures en vue de l'accroissement du financement consenti pour le développement économique, et élaborer des politiques et des lignes directrices. Nous demandons l'établissement de modèles de gouvernance pour les Premières nations, en vue de l'obtention de financement destiné spécifiquement au développement économique, et nous demandons votre soutien à l'égard de l'idée d'affecter un représentant du développement économique des Premières nations signataires du Traité no 8 au comité de planification d'AINC, afin qu'elles puissent promouvoir la réalisation de leurs objectifs au chapitre du développement économique.

Le président : Merci. Vous avez terminé votre exposé?

M. Kappo : J'ai terminé mon exposé.

Le sénateur St. Germain : Merci beaucoup d'être venu. Merci d'avoir présenté vos idées de cette façon. C'était excellent.

Alors, en somme, le principal obstacle, c'est AINC?

M. Kappo : Oui, l'obstacle est lié aux règles qui régissent les activités d'AINC, lesquelles, finalement, régissent les nôtres.

Le sénateur St. Germain : Nous avons entendu des témoignages d'autres régions, et nous étions en Colombie-Britannique hier, où certains groupes avaient dû se frayer un chemin par la force et surmonter les obstacles.

Avez-vous des recommandations en ce qui concerne la façon d'accélérer ce processus inhérent au processus?

Y a-t-il une solution, ou est-ce que nous devons démanteler le processus et repartir à zéro?

M. Kappo : Le processus doit être adapté aux besoins des communautés des Premières nations.

Le témoin précédent a parlé des obstacles à surmonter. J'ai deux fois plus d'obstacles à surmonter, lorsque vient le temps de tenter d'accéder à des programmes du gouvernement fédéral. Pour justifier l'obtention de financement dans le cadre de tout programme, qu'il s'agisse d'éducation ou de santé, je dois prouver l'existence d'un besoin. Comme tout le monde le sait, le besoin est là, tous les jours.

Si vous pouviez seulement alléger le fardeau administratif et les mécanismes redditionnels, il serait d'autant plus facile d'accéder au processus. Nous sommes tenus de soumettre des rapports annuels à l'égard des projets, de tous les projets, y compris ceux qui touchent le développement économique. Or, personne ne lit jamais ces rapports.

Le sénateur St. Germain : Vous dites qu'il n'y a plus de financement par capitaux propres, de toute façon.

M. Kappo : Ils l'ont éliminé. C'est l'un des programmes qu'ils ont changés.

Le sénateur St. Germain : Alors, comment pouvez-vous accéder à du financement s'il n'y a aucun financement par capitaux propres. Le faites-vous par l'entremise d'Entreprise autochtone Canada?

M. Kappo : C'est ce que nous avons essayé de faire, oui. Il s'agit davantage d'un organisme prêteur, mais il est également soumis à des règles rigoureuses.

Les banques font la sourde oreille à l'égard des demandes de toute bande qui ne dispose pas des fonds nécessaires, alors on n'a que faire des programmes de financement du gouvernement. Si une banque ne vous fait pas suffisamment confiance, vous perdez votre temps.

Le sénateur St. Germain : Ces banques ne se sont pas enrichies pour rien. Elles ne prennent aucun risque, que vous soyez Autochtone ou non, cela n'a pas d'importance.

M. Kappo : Nous avons essayé de diverses façons. Nous travaillons actuellement sur des projets de coentreprise, par l'entremise de notre conseil tribal, lequel à son tour aide les bandes. Il y a des sociétés qui sont disposées à établir des coentreprises avec nous, en vue de projets d'envergure, mais, encore une fois, nous avons peu de capitaux propres, alors nous tentons d'y arriver par des moyens détournés, en vue d'acquérir un temps soit peu de légitimité.

Le sénateur St. Germain : Si vous êtes en coentreprise avec une société privée, est-ce que cela accélère le processus?

M. Kappo : Oui, cela aide à accélérer le processus.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que cela vous aiderait si AINC bougeait plus rapidement?

M. Kappo : Oui, cela nous aiderait énormément, selon le nom de la société.

Laissez-moi vous donner un exemple concernant ma bande. Une entreprise de Vancouver, Ainsworth Engineered Canada LP, projette d'agrandir de façon importante une usine de panneaux OSB à Grande Prairie. Je ne me souviens pas de la valeur totale des travaux d'expansion. Cette société a offert de bâtir une scierie à quatre milles de ma réserve. Le coût est de trois millions, en vertu d'une entente particulière avec la ville. On est venu me parler et m'offrir une proposition : si j'investis un million de dollars, je pourrais devenir associé de cette scierie.

Ce ne sont là que de faux espoirs et des illusions : on cherche seulement à se servir de moi pour obtenir du bois. Ainsi, j'ai répondu que, même si j'avais un million de dollars, je n'investirais pas dans cette scierie. Depuis cette discussion, ils ont changé d'attitude, et ils évoquent maintenant la possibilité d'établir la scierie dans ma réserve. Cela créerait une assise territoriale.

À l'occasion, c'est ça qu'il faut faire : il faut jouer du coude pour avancer. Je ne suis pas batailleur. J'essaie de trouver des solutions et de régler les problèmes. Je suis à l'aise avec les gens. Je n'aime pas me battre.

Le sénateur St. Germain : Vous êtes un homme d'affaires intelligent, vous négociez en vue de renforcer votre position. C'est ce que vous avez à faire.

M. Kappo : Je suis un homme d'affaires pauvre, je n'ai pas d'argent. Comme l'a dit mon ami : « Il faut avoir de l'argent pour faire de l'argent. »

Le sénateur St. Germain : Si on n'apporte aucun changement à AINC, votre situation critique va se poursuivre? Rien ne change? Dans le genre de « plus ça change, plus c'est pareil »?

M. Kappo : En fait, cela n'a pas d'importance de savoir quel programme s'adresse à la bande, puisque tous les programmes sont interreliés. Nous sommes tous comptables à AINC en ce qui concerne les logements, l'éducation, Dieu sait quoi.

La seule autre source importante de développement économique dont je dispose sur ma réserve à l'heure actuelle, outre une petite entreprise, c'est le logement. Alors, nous avons recours à la SCHL pour mettre en place des programmes de logements locatifs et créer des emplois liés à la construction de maisons.

Le sénateur St. Germain : Alors, tout est lié à l'aspect social des choses plutôt que d'être entièrement axé sur l'économie?

M. Kappo : C'est exact. Je ne fais que régénérer l'argent dont je dispose actuellement et mettre de plus en plus ma bande en situation de déficit, car je dois fournir des logements et du travail pour mon peuple. C'est la seule façon d'y arriver.

Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ai une question concernant la coentreprise de votre collectivité. Quel pourcentage la collectivité recueillerait-elle de cette coentreprise?

M. Kappo : Parlez-vous du pourcentage de bénéfices?

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.

M. Kappo : Je ne connais pas le pourcentage exact, mais cela représenterait tout un boni pour nous puisque la coentreprise a un certain nombre de postes à offrir et que, lorsque vous êtes propriétaire d'une entreprise, vous avez votre mot à dire, ce qui n'est pas le cas lorsque vous êtes seulement un employé.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je croyais simplement que vous pourriez nous donner un chiffre approximatif.

M. Kappo : Je n'ai pas encore vraiment commencé à examiner sérieusement la question, alors je n'ai pas vérifié les chiffres.

Le président : J'aimerais vous poser des questions concernant les habitants de votre région et leur attitude à l'égard du développement des ressources.

Je sais que dans le Nord, d'où je viens, on est sensibilisé à la terre et aux ressources et qu'on s'en préoccupe. Souvent, lorsque des parties intéressées proposent d'exploiter la terre et les ressources, on les regarde de façon suspicieuse. Certaines personnes ne veulent pas que l'on procède à cette exploitation. Certaines personnes sont heureuses qu'on laisse la terre et les ressources tranquilles, tandis que d'autres considèrent une telle entreprise comme une occasion de faire de l'argent, de créer des emplois et ainsi de suite.

Comment décririez-vous la principale attitude des habitants de votre région à cet égard?

S'intéressent-ils vraiment aux affaires ou hésitent-ils, comme s'ils trouvaient la situation un peu louche ou qu'ils n'étaient pas totalement convaincus que le développement économique représente nécessairement la voie de l'avenir?

M. Kappo : Dans notre région, nous avons informé notre peuple au moyen de rencontres communautaires. Si une grande entreprise, une société pétrolière, une usine de pâte ou toute autre entreprise vient dans notre région, nous veillons à ce qu'elle visite chaque membre de notre conseil tribal et explique son projet. Les membres peuvent alors poser les questions suivantes : A-t-on mené une évaluation environnementale? Combien d'arbres allez-vous abattre? Des questions comme celles-là. Elles obtiennent les renseignements directement de la source plutôt que des membres du conseil.

Souvent, les gens veulent soutenir ces projets, car ils voient la lumière au bout du tunnel. Lorsque nous travaillons avec certaines entreprises, dans les cas où les membres de notre bande acceptent, nous tentons de négocier avec ces entreprises pour travailler sur notre terre traditionnelle. Cela semble fonctionner. Nous commençons à voir les résultats. Il y a un gros pipeline qui doit traverser notre région, pas aussi imposant que celui de la vallée du Mackenzie, mais semblable, qui relancerait notre économie puisqu'il nous permettrait d'embaucher des gens et de générer des revenus.

Les gens soutiennent des projets comme celui-là, car ils y voient un avantage direct au bout du compte. Il s'agit parfois d'un lent processus.

Le président : Je remarque que vous dites qu'il y a bon nombre de personnes ou d'entreprises non autochtones qui communiquent avec votre bande et vous offrent de prendre part aux partenariats, mais vous ne pouvez pas y participer, car vous n'avez pas le capital nécessaire.

M. Kappo : Il y a des personnes auxquelles on ne peut se fier. Nous sommes connus comme une source d'« or rouge ». C'est courant sur les champs de pétrole. Grande Prairie se trouve à 60 milles de ma collectivité. Certaines entreprises ont besoin de nous pour ajouter du contenu lié aux Premières nations dans leurs contrats.

Le sénateur St. Germain : Quelle est la superficie de votre territoire et quelle est votre population?

M. Kappo : Notre territoire compte 2 500 personnes. Horse Lake en compte environ 800, et Duncan, 400. En tout, cela tourne aux alentours de 3 500 personnes.

Le sénateur St. Germain : Quelle est la superficie de votre territoire.

M. Kappo : Il est vaste; 100 milles carrés de terre traditionnelle reconnus par la province de l'Alberta.

En ce qui concerne le processus de consultation, nous sommes supposés recevoir un avis concernant tout développement dans notre région.

Le président : Merci beaucoup, grand chef Kappo. Merci d'être venu ici et d'avoir pensé que notre comité pourrait vous aider à régler vos problèmes. Nous vous avons écouté, et peut-être que quelque chose de bien pourrait découler de notre rencontre d'aujourd'hui.

Nous ferons certainement tout notre possible pour intégrer ce que vous avez énoncé à nos constatations.

M. Kappo : Merci. Je suis vraiment heureux d'avoir participé.

Larry Hutchinson, agent principal d'administration, nation crie de Little Red River : Merci, sénateur.

J'aimerais remercier le comité d'avoir invité la nation crie de Little Red River à participer à l'étude sur le développement économique. Habituellement, ce travail est accompli par un chef ou l'un de nos conseillers, mais ils tiennent actuellement une rencontre communautaire, alors ils m'ont demandé de venir ici et de participer aux travaux de votre comité.

Je suis l'agent principal d'administration de la nation crie de Little Red River, la NCLRR. Je suis accompagné aujourd'hui de Patrick Clearly, un conseiller socio-économique de la NCLRR.

La nation crie de Little Red River est située dans le nord de l'Alberta, près du parc national Wood Buffalo. Elle comprend trois collectivités : Fox Lake, qui compte une population de 2 125 personnes; John D'or Prairie, dont la population compte 1 265 personnes; et Garden River, dont la population se chiffre à environ 485 personnes. La population totale est de quelque 3 875 membres. Nous employons environ 300 personnes.

Il est également important de souligner qu'environ 90 p. 100 des membres résident dans une réserve de l'une des trois collectivités de la nation.

La nation crie Little Red River est propriétaire d'un certain nombre d'entreprises, notamment de deux magasins dans les réserves, du camp de pêche Caribou Mountain Wilderness, de Little Red Air Service Ltd. et de Little Red River Wildland Firefighters Inc., et les exploite.

Little Red Air Service Ltd. fournit un transport aérien vers les régions nordiques du Canada et a pris une expansion considérable au cours des deux dernières décennies. Nous exploitons actuellement une flotte diversifiée d'aéronefs multimoteurs à turbine et plusieurs aéronefs monomoteurs polyvalents.

Au cours de l'exposé, nous ferons allusion à deux études de cas conçues par la nation crie de Little Red River qui contribuent à la réalisation de l'autonomie économique et au bien-être de la collectivité.

Le premier cas découle d'une entente officielle conclue avec la Ainsworth Lumber Company Limited. Le deuxième cas est toujours en attente d'approbation; nous avons choisi de le présenter au cours de notre exposé en raison des obstacles qu'a rencontrés la NCLRR au cours de ses efforts visant à améliorer l'infrastructure routière reliant les collectivités de la nation.

Pendant que vous écoutez l'exposé, j'aimerais que vous gardiez à l'esprit trois idées connexes. La première vient de Henry Thoreau après qu'il est « devenu autochtone » et qu'il a quitté l'enseignement pour expérimenter la vie en pleine nature à Walden Pond. Thoreau a livré la réflexion suivante : « À action ou inaction, risque égal. »

La deuxième idée vient de L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme de Max Weber. Voici ce que pense Max Weber de l'esprit du capitalisme : « Le temps, c'est de l'argent. »

Cela m'amène à parler de la troisième idée découlant de notre concept moderne du coût de renonciation. En économie, ce terme représente le coût d'un article auquel on a renoncé et les avantages qui découleraient de cet article, ou la contrepartie délaissée qui a le plus de valeur. Par exemple, si une ville décide de construire un hôpital sur un terrain vague dont elle est propriétaire, le coût de renonciation représente les autres options dont on aurait pu se prévaloir avec le terrain et les fonds destinés à la construction dont elle dispose.

Si nous réunissons ces trois idées, nous pouvons tous reconnaître ici que la situation suivante est inévitable : nous nous rendrons compte qu'il est possible que nous passions à côté d'autres options importantes dans lesquelles nous pourrions investir notre temps; à moins que, bien sûr, ici, notre attention ne soit pas portée vers des points autres que ceux à l'ordre du jour du comité.

Le premier cas auquel j'aimerais faire allusion découle d'une entente conclue en avril de cette année entre Askee Development Corporation, une entreprise possédée en propriété exclusive par la nation crie de Little Red River, et Ainsworth Lumber Company Ltd.

Cette entente oblige Askee à fournir une quantité importante de bois d'œuvre à Ainsworth au cours d'une période de 20 ans et à fournir à la NCLRR des possibilités économiques connexes pour la prestation de services, comme la planification de la gestion forestière, la reforestation, l'exploitation, la mise en marché, le chargement et le transport.

Cette entente permettra de générer des recettes annuelles de plusieurs millions de dollars; on s'attend à ce que les possibilités d'emploi à valeur ajoutée pour les membres de la bande CLRR soient importantes. Actuellement, plus de 180 membres de la nation crie de Little Red River travaillent dans l'industrie forestière.

Le facteur important qui a permis à la NCLRR de profiter des avantages économiques découlant de sa participation à l'industrie forestière est la vision de nos dirigeants selon laquelle il fallait exercer un meilleur contrôle sur la plus grande partie possible de notre terre traditionnelle. L'une des façons d'y arriver consistait à garantir des offres de bois d'œuvre pour permettre à la nation de contribuer aux pratiques accrues de gestion durable des ressources. Sans cette vision, nous n'aurions probablement pas profité des possibilités économiques qui en découlent aujourd'hui.

Le deuxième facteur qui a permis à la NCLRR de conclure l'entente avec Ainsworth était un énoncé de politique dans lequel la nation crie de Little Red River présentait sa vision axée sur la gestion des ressources et le développement communautaire. Voici certaines des politiques pertinentes qui en faisaient partie : la stratégie nationale sur les forêts, la stratégie albertaine de conservation des forêts, les engagements du Livre rouge, l'accord politique du conseil des chefs avec l'Alberta, la stratégie du MAINC concernant l'entente de cogestion avec les signataires du Traité no 8 et le projet de loi albertain sur la gestion des eaux, entre autres.

Le troisième important facteur était la capacité de la NCLRR de nouer des partenariats avec des parties partageant la même vision économique. En 1995, la nation crie de Little Red River et la Première nation de Tallcree ont signé une entente de cogestion, une ECG, qui comprenait la province de l'Alberta et l'industrie. Elles ont négocié la nouvelle ECG, laquelle contient un protocole d'entente qui étend la région géographique pour qu'elle englobe sept unités d'aménagement forestier.

On a augmenté le nombre de membres siégeant au comité de planification de la cogestion; il comprend maintenant, comme membres votants, la province de l'Alberta; la nation crie de Little Red River; la Première nation de Tallcree; l'arrondissement municipal de Mackenzie; Daishowa International Ltd., maintenant Tolko; Footner Forest Products; Askee Development Corporation; et Netaskinan Development Corporation.

En mai 2002, la National Forest Association a publié une analyse des initiatives liées aux forêts mises en place par la nation crie Little Red River et par la Première nation de Tallcree. L'auteur du rapport a formulé des commentaires sur le rôle du gouvernement fédéral au chapitre du soutien offert à l'ECG. Le commentaire suivant pourrait intéresser les membres du comité :

[traduction] (Le gouvernement fédéral) a été en mesure de fournir le soutien en capital nécessaire afin que les collectivités puissent accroître leur participation à l'industrie forestière en garantissant une participation au droit de propriété dans l'usine Footner (une coentreprise Ainsworth) ou en mettant en place l'incubateur d'entreprises[...] Les représentants des Premières nations ont tenté, en vain, de négocier du soutien en fonction des revendications particulières en suspens auprès du gouvernement fédéral. On a estimé la valeur des revendications présentées au gouvernement et cherché à obtenir une part de cette indemnisation sous la forme de financement d'immobilisations à l'égard de l'initiative mentionnée ci-dessus.

La nation crie de Little Red River espère que le gouvernement du Canada et la province de l'Alberta soutiendront rapidement son désir de créer un groupe de discussion qui pourrait régler les questions relatives à l'autonomie gouvernementale et aux revendications particulières existantes, ce qui permettra d'atteindre les objectifs de la NCLRR axés sur un avenir florissant et prospère.

Le deuxième cas que j'aimerais porter à l'attention des membres du comité concerne les efforts déployés par la nation crie de Little Red River en vue d'établir des liens entre les collectivités de John D'or Prairie, de Garden River et de Fox Lake au moyen d'une route tous temps.

En 1958, la nation crie de Little Red River a tenté de permettre aux collectivités de Garden River et de Fox Lake d'avoir accès à des routes ouvertes à l'année pour diverses raisons socio-économiques, et, cette année-là, une emprise des routes a été établie à partir de l'extrémité de la route 58 jusqu'aux collectivités de Garden River et de Peace Point, situées à l'intérieur du parc national Wood Buffalo. L'emprise a été nettoyée et utilisée comme route de transport d'hiver dans les années 60. Dans le parc national Wood Buffalo, la portion de route qui va de Garden River à Peace Point n'a plus été utilisée à partir du moment où on a établi un accès routier de Fort Smith à Peace Point.

Au cours des années 80, la province de l'Alberta a prolongé la route 58, ce qui a fourni un accès en toute saison à la collectivité de John D'or Prairie. On a construit une route d'accès d'hiver menant à la collectivité de Fox Lake, et la route menant à Garden River servait toujours au transport d'hiver.

Au printemps, l'état de la route de Garden River est si exécrable que, pendant la saison des pluies, on ne peut qu'y marcher. L'accès à la collectivité de Fox Lake n'est pas uniquement limité par l'hiver ou les périodes sèches; en effet, la rivière de la Paix représente également un obstacle qui limite l'accès et isole la collectivité.

En 2001, Robert Nault, le ministre du MAINC, a visité Fox Lake et s'est engagé à fournir des routes d'accès ouvertes à l'année aux collectivités de Garden River et de Fox Lake. Un peu plus tard cette année-là, on a élaboré le mandat et une évaluation environnementale, et AINC a retenu les services d'une firme d'ingénierie pour mener une étude de faisabilité.

En mai 2003, en compagnie de représentants de la province et des districts municipaux, le ministre Nault a annoncé son intention d'investir dans la construction d'une route permanente, ouverte à l'année. Le coût d'un tel projet était estimé à 18 millions de dollars, et les deux ordres de gouvernement prévoyaient partager ce coût. On estimait embaucher 258 personnes, dont 78 résidents locaux et 180 employés provinciaux.

En annonçant le projet, le ministre Nault a souligné que la création d'un partenariat fructueux entre les Premières nations et les autres ordres de gouvernement représentait l'un des principaux objectifs de la stratégie de développement économique du MAINC.

Le ministre des Transports de l'Alberta, Ed Stelmach, a mis l'accent sur le fait suivant :

Un système routier sécuritaire et efficace est essentiel au succès économique de l'Alberta et a également pour effet d'améliorer notre qualité de vie.

Jusqu'à maintenant, la nation crie de Little Red River a fait face à un certain nombre d'obstacles importants qui l'empêchent de réaliser sa vision relative à une route tous temps permanente reliant les collectivités de la nation à l'infrastructure économique du Canada. Ces obstacles ont fait en sorte que la NCLRR a dû communiquer de nouveau avec les ministres fédéraux et les ministres de l'Alberta pour mettre à jour l'orientation ministérielle fournie en 2001 et en 2003.

Je vais maintenant parler des obstacles rencontrés par la NCLRR qui l'ont empêchée d'obtenir cette importante contribution à l'infrastructure de la nation.

La prise de mesures servant à réaliser des progrès en ce qui concerne la conception de la route proposée et l'évaluation environnementale a exigé la participation de nombreuses parties, notamment celle des représentants d'AINC, de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, de Pêches et Océans Canada, du ministère des Transports de l'Alberta, de la NCLRR et de trois firmes d'ingénierie : EXH Engineering Services Ltd., Stewart Weir and Co. et AMEC Infrastructure Ltd.

Nous avons connu des problèmes de communication en ce qui concerne les deux questions importantes de la conception du projet et de l'évaluation environnementale. En ce qui concerne la conception du projet, EXH Engineering Services a proposé l'utilisation d'un traversier, plutôt qu'un pont, pour traverser la rivière de la Paix. Les particularités techniques tout d'abord proposées à l'égard du franchissement de la rivière comprenaient la modification d'un navire conçu pour servir de barge. EXH Engineering a proposé cette particularité technique au gouvernement du Canada, mais le MPO et Environnement Canada s'y sont opposés pour des raisons environnementales évidentes.

Pour faire progresser le projet, AINC a assigné à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada la tâche de terminer l'évaluation environnementale du projet et l'étude de documents détaillée. La personne qui assumait cette tâche ne connaissait vraisemblablement pas le processus d'évaluation puisqu'elle a exigé une forme d'évaluation insatisfaisante pour le ministère des Pêches et des Océans, Transport Canada et Environnement Canada. Par conséquent, dans le cadre du projet, on a connu des retards importants et on a dû couvrir des frais supplémentaires découlant des problèmes de formatage d'énoncés sur les incidences environnementales.

Ces obstacles, dont nous avons déjà parlé, nous mènent à l'analyse des obstacles organisationnels. Selon la NCLRR, les trois sujets relatifs à l'organisation d'un projet sont importants. Le premier sujet concerne la capacité opérationnelle des régions et de l'administration centrale ou de leurs rôles au sein d'AINC. Le deuxième sujet est lié à la nécessité de la continuité du projet et au personnel qui y est assigné. Le troisième sujet concerne le fait que le gouvernement doit gérer le projet pour garantir que l'on tient compte des orientations ministérielles de façon rentable et opportune.

Je vais parler des problèmes relatifs à la continuité du personnel et à la régie du projet. Il semble que les activités menées par les régions et l'administration centrale du MAINC à Edmonton soient limitées par l'incapacité d'accélérer le parachèvement de ce projet. Le rôle du bureau régional semble être limité à l'administration des fonds alloués par l'administration centrale pour permettre à la NCLRR de participer au processus.

Il serait souhaitable que le MAINC passe en revue la portée de la participation du bureau régional à un projet en tenant compte du bien-fondé de la nomination d'un coordonnateur de projet fédéral décrite ci-dessous.

Compte tenu de la durée de ce projet, AINC a connu un roulement de personnel important, et la perte de cette mémoire organisationnelle a tendance à compliquer la dynamique du projet; par conséquent, il est important qu'un projet axé sur le développement économique franchise les diverses phases afin que l'on ne perde pas cette mémoire organisationnelle et cette mémoire intersociétés. La perte de cette mémoire entraîne d'autres retards, pendant que les nouveaux participants prennent conscience du projet et du cadre institutionnel général dans lequel ils doivent interagir.

Selon notre expérience, le projet d'une route menant à Fox Lake et à Garden River a semblé, à divers moments, être un orphelin institutionnel, abandonné et voué à voguer à la dérive dans le système.

La nation crie de Little Red River croit qu'il est important que le gouvernement assume un rôle d'intendance en vue de s'assurer qu'un projet comme celui-là progresse dans le système de façon efficiente et opportune.

Dans mon introduction, j'ai fait allusion aux concepts de risques et du coût de renonciation et j'aimerais formuler un certain nombre d'observations concernant le projet de route d'accès à Garden River et à Fox Lake à la lumière de ces concepts.

Tout d'abord, selon la nation crie de Little Red River, le fait de retarder inutilement un projet consiste en fait à s'asseoir sur un projet. Je vais vous rappeler la remarque de Henry Thoreau : « À action ou inaction, risque égal. »

Dans le cas de notre projet de route d'accès, il est manifeste que le fait de retarder le projet entraîne des risques, puisqu'on estimait, en 2003, le coût d'un tel projet à 18 millions de dollars et qu'on l'estime actuellement à plus de 25 millions de dollars, ce qui représente une augmentation d'environ 75 p. 100.

Ensuite, comme la NCLRR a dû agir à titre d'intendant du projet et le faire passer par toutes les étapes du processus d'approbation, elle n'a eu d'autre choix que d'épuiser des ressources limitées pour profiter de ce que la plupart des collectivités du Canada tiennent pour acquis : un transport routier sécuritaire et fiable reliant les collectivités de la NCLRR aux artères économiques du Canada.

Enfin, comme la NCLRR a dû déployer des efforts exceptionnels pour surmonter les obstacles, il semble qu'elle soit bien plus exposée à des coûts de renonciation importants que tout autre participant à ce projet. Nous engageons ces coûts car nous renonçons à la capacité d'allouer notre temps et nos ressources à d'autres possibilités de développement économique conformes à notre objectif d'atteindre l'autonomie économique.

Encore une fois, au nom de la nation crie de Little Red River, j'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir invité à présenter ces réflexions aujourd'hui.

J'aimerais également remercier mon associé, M. Pat Cleary, d'avoir participé aux réunions en fin de soirée qui ont permis de préparer ce mémoire.

Le sénateur St. Germain : Afin que nous puissions mieux comprendre, votre nation est située juste à l'ouest des Premières nations crie Mikisew et de la Première nation de Fort McKay.

M. Hutchinson : Nous sommes situés au nord de Fort McKay. Garden River se trouve dans les limites du parc national Wood Buffalo. Nous sommes environ à deux heures de Hay River.

Le sénateur St. Germain : Avez-vous accès à Fort McMurray par la route?

M. Hutchinson : Non.

Le sénateur St. Germain : Alors, vous devez passer par Hay River?

M. Hutchinson : Non, nous devons passer de l'autre côté, par High Level.

Le sénateur St. Germain : Une nouvelle route pourrait devenir un moteur de l'économie. Cette route vous permettrait de transporter des ressources naturelles. Est-ce bien cela?

M. Hutchinson : Si vous êtes déjà allé dans la région du Nord de l'Alberta, vous savez que, si vous allez à l'ouest de High Level, il y a beaucoup d'exploration pétrolière et gazière. Il y a beaucoup d'activité dans cette région.

Par exemple, la Première nation Dene Tha', située à l'est de l'Alberta, fait partie du projet gazier du Mackenzie. À l'est, où nous nous trouvons, nous participons davantage au secteur forestier.

La faible exploration est liée au manque d'infrastructure. Nous pensons que, une fois la route construite, il y aura de l'exploration pétrolière.

Nous ne nous plaignons pas du bois d'œuvre; il est très bon pour notre économie.

Le manque d'infrastructure limite notre collectivité, qui compte près de 2 200 personnes. Elles sont emprisonnées car il n'existe aucune route d'accès.

Le sénateur St. Germain : Alors, quel est le moteur de l'économie? Est-ce le piégeage et la chasse?

M. Hutchinson : Je ne vais pas vous dire que ces personnes font du piégeage, non. Il y a quelques territoires de piégeage traditionnels, mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'une façon de gagner sa vie. Le secteur forestier est important pour nous.

Le sénateur St. Germain : La nation que vous représentez cherche à créer une économie fondée sur les ressources forestières.

M. Hutchinson : Je crois que nous avons créé cette économie. Je crois que les membres de la nation cherchent à avoir accès au reste du monde en raison d'un engagement formulé en 1958.

Le ministre Nault nous a visités en 2001 et a annoncé un engagement financier par l'entremise d'une initiative axée sur le développement économique, mais, d'une quelconque façon, cet engagement s'est perdu dans le système. Nous avons dû attendre encore quatre ans avant que la construction ne commence.

Le sénateur St. Germain : Que pensez-vous de vos chances maintenant que l'estimation des coûts est passée de 18 millions de dollars à 75 millions de dollars? Pensez-vous qu'il y a toujours une lumière au bout du tunnel?

M. Hutchinson : Le ministre Scott dit qu'il y a peut-être encore une chance, peut-être pas si le MAINC travaille seul, mais si l'ensemble du gouvernement fédéral met la main à la pâte. Le gouvernement provincial a affirmé son engagement, même malgré l'augmentation des coûts, mais il doit faire de la route 58 une route provinciale secondaire plutôt qu'une route municipale.

Maintenant que nous savons comment faire avancer le projet en ce qui concerne le processus environnemental, je crois qu'il y a de bonnes chances que le projet soit terminé.

Le sénateur Peterson : Vous n'êtes pas les seuls à avoir rencontré des obstacles créés par des évaluations environnementales. J'ai participé à certaines évaluations qui ont duré trois ans, même plus.

Il est très difficile, et plutôt malheureux, d'avoir à traiter avec ces différentes administrations, dont les compétences se chevauchent et qui souhaitent toutes recevoir un rapport qui leur est propre.

Peut-être pouvons-nous préciser quelque peu cette question parce que nous perdons le fil. Merci.

M. Hutchinson : J'aimerais faire un bref commentaire qui concerne les communications entre les ministères intergouvernementaux et l'intendance du projet.

C'est un bon exemple des problèmes de communication qui existent au sein du gouvernement fédéral et du manque de communication intergouvernementale.

Le sénateur Christensen : Merci d'être venu et d'avoir présenté votre exposé.

Même s'il est évident que le commencement de la construction routière entraîne de nombreuses difficultés, votre bande et groupe a manifestement réussi à créer un développement économique au sein de votre territoire.

Vous dites que 90 p. 100 de vos membres résident dans l'une des trois collectivités. Vous avez deux magasins, le camp de pêche et le transporteur aérien.

De quelle façon vos collectivités ont-elles créé ces entreprises?

Quels sont certains des problèmes que vous avez rencontrés?

Nous avons entendu parler du manque de capacité et d'éducation. Veuillez nous donner un bref aperçu des trois collectivités. Combien de personnes travaillent dans les différentes entreprises? Comment avez-vous lancé ces entreprises et qu'ont-elles changé pour vos collectivités?

M. Hutchinson : Elles ont commencé à dépendre d'Affaires indiennes pour la partie économique de leur programme de financement il y a 16 ans.

Le plus grand changement à l'égard de la nation crie de Little Red River est survenu au moment où on a commencé à s'intéresser à la planification de l'aménagement forestier, à la reforestation, puis, bien sûr, au fait d'assurer l'exploitation du bois d'œuvre. La gestion de l'exploitation du bois d'œuvre a créé de nombreuses occasions permettant d'étendre les activités aux collectivités.

Nous avons maintenant un bureau principal à High Level, et nous embauchons certains professionnels, principalement des forestiers. Nos membres s'occupent uniquement de la reforestation, de l'abattage et du transport.

Comme la plupart des autres Premières nations, nous n'avons pas formé une quantité suffisante de professionnels. Je suis sûr que vous avez entendu le même commentaire de la part d'autres groupes. Un jour, nous espérons que des professionnels autochtones remplaceront les personnes qui travaillent actuellement pour nous. Les magasins dans les réserves sont là pour aider ceux qui ne peuvent sortir de la collectivité et agissent davantage à titre de fournisseurs de services.

Le sénateur Christensen : Est-ce les membres de votre nation qui exploitent ces magasins?

M. Hutchinson : Les membres de notre nation exploitent ces magasins. Notre participation au secteur forestier nous a fourni le capital pour le faire.

Le sénateur Christensen : Qu'en est-il du camp de pêche?

M. Hutchinson : Le camp de pêche est ouvert environ quatre mois par année.

Le sénateur Christensen : Est-ce les membres de votre nation qui exploitent cette entreprise?

M. Hutchinson : Oui, ce sont les membres de notre nation qui exploitent le camp de pêche. Nous n'avons pas pu nous fier aux mesures de développement économique du gouvernement fédéral pour mener ces activités.

Le sénateur Christensen : Vous l'avez fait vous-même?

M. Hutchinson : Nous avons pris et mené ces initiatives nous-mêmes.

Le sénateur Christensen : Avez-vous agi de la même façon pour mettre sur pied le transporteur aérien?

M. Hutchinson : Oui, nous avons fait la même chose avec le transporteur aérien.

Le sénateur Christensen : Faites-vous appel à des pilotes des Premières nations?

M. Hutchinson : Nous avons quelques pilotes en formation à l'heure actuelle. Des membres du personnel de service suivent également la formation.

Le succès du transporteur aérien dépend de l'endroit où nous sommes situés et, en partie, de notre capacité d'obtenir des contrats pour des services d'ambulance aérienne. Nous transportons également des membres des Premières nations qui ont besoin de services médicaux.

Encore une fois, nous avons rencontré les représentants du gouvernement fédéral à quelques reprises pour leur demander de soutenir l'expansion du transporteur aérien, mais le secteur aérien n'est pas très populaire à l'heure actuelle.

Le sénateur Christensen : De quelle façon la route aura-t-elle des répercussions sur ce secteur aérien?

M. Hutchinson : Elle aura des répercussions sur le nombre de personnes que nous déplaçons de Fox Lake vers High Level ou Fort Vermilion, mais le service d'ambulance aérienne sera toujours présent.

Même si on construit une route, il faut tout de même trois heures pour conduire un patient à l'hôpital, même si vous empruntez une belle route. On aura toujours besoin d'un contrat pour les services d'ambulance aérienne.

Le transporteur aérien permettra-t-il de déplacer des membres provenant des plus petites collectivités? Probablement pas, mais il s'agit d'un processus de planification de trois ans.

Le sénateur Christensen : Quelle sorte d'écoles y a-t-il dans vos collectivités?

M. Hutchinson : Nos trois collectivités comprennent des écoles où l'on enseigne de la maternelle à la douzième année.

Le sénateur Christensen : Comme vous avez connu tous ces changements au cours des 18 dernières années, avez-vous remarqué qu'un plus grand nombre d'enfants poursuivaient leurs études et obtenaient leur diplôme?

M. Hutchinson : Cette année, les collectivités de Garden River, de Fox Lake et de John D'or Prairie présentaient toutes des statistiques éloquentes concernant le taux de réussite de la 12e année.

Nous pourrions parler pendant longtemps de l'infrastructure; la situation dans nos écoles constitue un enjeu différent. Il faut constamment se démener pour tenir les installations à jour.

La collectivité de Fox Lake compte 687 élèves, mais l'école ne peut en accueillir qu'environ 375. Par conséquent, il y a des problèmes liés à l'exécution de programmes, mais les membres de la nation crie de Little Red River sont casaniers.

Le sénateur Christensen : Je ne sais pas si vous étiez présent pendant l'exposé sur l'enseignement électronique présenté un peu plus tôt. L'enseignement électronique représente peut-être une bonne solution de rechange pour vos enfants.

M. Hutchinson : Nous n'avons reçu notre connexion Internet haute vitesse que cette année.

Le sénateur Christensen : Avez-vous remarqué une amélioration de la qualité de vie et de la position sociale dans votre collectivité en ce qui concerne l'alcoolisme, la toxicomanie et les choses comme ça?

M. Hutchinson : Le facteur d'éloignement a protégé Fox Lake des drogues, mais il y a, bien sûr, des problèmes d'alcoolisme.

Nous avons des problèmes sociaux, comme toute autre collectivité des Premières nations. Toutefois, je crois que la vision du conseil, c'est que, si nous prospérons sur le plan économique, nous nous occuperons de nos propres problèmes sociaux, car nous ne pouvons dépendre des divers organismes fédéraux. Ils ont toujours préféré mener des négociations axées sur l'autonomie économique, l'autonomie gouvernementale et les ressources.

Le sénateur Christensen : C'est un long processus. Le développement économique est essentiel, et vous avez besoin des outils pour réussir. Cela ne se produira pas du jour au lendemain.

M. Hutchinson : Non, cela ne se produira pas du jour au lendemain.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Si le projet est retardé, les besoins en matière d'éducation et d'emploi seront-ils également repoussés?

M. Hutchinson : Le retard dans le projet routier fait en sorte qu'il est beaucoup plus difficile de faire travailler les gens, oui. La nation croit qu'un jour la route sera terminée. Nous devons contourner la bureaucratie, j'imagine.

Le retard dans le projet routier limite les possibilités économiques au sein de la collectivité elle-même. Je crois que les gens s'efforcent d'offrir davantage de possibilités au sein des collectivités en raison de l'accès à la collectivité.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez répondu à ma question. Merci, monsieur le président.

Le sénateur St. Germain : Pouvez-vous abattre des arbres dans le parc?

M. Hutchinson : Non, nous ne le pouvons pas, mais Canfor l'a fait en 1960.

Le sénateur St. Germain : Était-ce un parc en 1960?

M. Hutchinson : Oui.

Le sénateur St. Germain : J'observe la carte, et tout est situé à l'ouest des limites du parc.

M. Hutchinson : Parcs Canada possède un document qui arrivera bientôt au MAINC à Edmonton. La nation crie de Little Red River a tenté de faire reconnaître cette réserve à l'intérieur des limites de ce parc. C'est un lent processus.

Le sénateur St. Germain : L'une de vos terres traditionnelles se trouve-t-elle à l'intérieur des limites du parc?

M. Hutchinson : Toute la collectivité de Garden River se trouve dans les limites du parc, et au cours des trois prochaines années, elle sera reconnue comme une réserve à l'intérieur des limites du parc. Le levé sur le terrain sera effectué; nous mènerons les évaluations. On nous a dit qu'il faudrait environ encore trois ans avant que cela ne se produise.

Le sénateur St. Germain : Serez-vous en mesure de tirer parti des ressources qui se trouvent là-bas?

M. Hutchinson : Dans tout le parc?

Le sénateur St. Germain : Non, dans la partie que l'on a désignée comme une réserve.

M. Hutchinson : Je crois que ce sera le cas pour certaines. Je ne sais pas si l'on effectuera beaucoup d'exploration minérale dans les limites du parc. Actuellement, on parle de mettre en place un régime de cogestion semblable à ce qui se fait dans les territoires, par l'entremise des offices des terres et des eaux et des offices d'examen des répercussions environnementales. Prenez les données démographiques de la carte; si vous partez de Fort Smith pour vous rendre jusqu'à Garden River, vous constaterez que cela couvre un important territoire. C'est vaste.

Le sénateur Christensen : La collectivité de Garden River a-t-elle voix au chapitre ou obtenu des emplois en ce qui concerne le parc et sa gestion?

M. Hutchinson : Nous croyons que nous devrions en profiter.

Le sénateur Christensen : Mais ce n'est pas le cas?

M. Hutchinson : Cela fait partie des négociations actuelles.

Le sénateur Christensen : Le sénateur Sibbeston et moi avons élaboré des politiques pour les trois territoires et avons aidé à élaborer des politiques à l'intention des Premières nations qui sont situées à côté de parcs nationaux ou qui en font partie. Les Premières nations concluent actuellement des ententes conjointes avec Parcs Canada. Cela fonctionne très bien.

M. Hutchinson : Nous espérons participer à ces ententes.

Le président : Là-dessus, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant notre comité.

Je crois que l'on devrait souligner que vous provenez d'une région très éloignée de la province. Je sais que cela prend sept ou huit heures pour se rendre d'Edmonton à High Level, puis probablement deux ou trois autres heures pour arriver dans votre région. C'est un endroit très éloigné.

M. Hutchinson : J'aimerais encore une fois remercier le comité de nous avoir invités. C'était bien de vous revoir, sénateur Sibbeston. Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Roy Fox, bienvenue à notre comité. Je remarque que vous êtes accompagné de deux personnes. Je vois leur nom ici et leur occupation, mais peut-être êtes-vous mieux placé pour expliquer leur participation à votre conseil.

Roy Fox, président, Conseil des ressources indiennes :

[M. Fox parle en langue autochtone.]

Monsieur le président, membres du Sénat, c'est un honneur pour nous de comparaître devant vous pour discuter de certaines questions importantes qui pourraient vous aider à régler quelques-uns des problèmes rencontrés par les membres des Premières nations et par les Autochtones au Canada.

Aujourd'hui, je suis accompagné de mon assistant, Larry Kaida, de même que de notre partenaire d'affaires, Kirk Purdy, de Overlord Financial Group.

Le Conseil des ressources indiennes est un organisme qui représente environ 130 tribus et nations membres des Premières nations au Canada. Notre mandat consiste à représenter nos tribus membres sur leurs terres de réserve et sur leurs terres traditionnelles.

La question que vous examinez actuellement, et que vous examinez depuis un certain temps déjà, a des répercussions sur nos tribus et nations membres de partout au Canada.

Certains peuvent penser que, puisque nous sommes actifs dans le secteur pétrolier et gazier, nous réussissons mieux que d'autres membres des Premières nations et Autochtones du Canada. Eh bien, une fois que j'aurai terminé mon exposé, je crois que vous commencerez à voir certaines des iniquités et certaines des choses qui empêchent les Premières nations et les Autochtones d'obtenir les mêmes avantages découlant du secteur de l'énergie que ceux que reçoivent d'autres Canadiens et Nord-américains.

Je crois que je vais passer directement à mon résumé.

Il existe un lien entre la création de richesse et l'accès au capital, et des obstacles empêchent le mouvement de capitaux vers les collectivités des Premières nations. Au lieu de participer à l'économie générale, les Premières nations, soutenues par les lois et les politiques publiques, se sont retirées dans leurs collectivités pour défendre leur autonomie et les droits des Autochtones.

Les Premières nations devront regarder à l'extérieur de leurs collectivités pour créer des emplois, accroître leurs revenus et engendrer des richesses. Elles doivent travailler en collaboration avec des intervenants généraux et nouer des partenariats avec eux en vue d'accéder à l'économie canadienne, d'y participer et d'en profiter.

Les marchés financiers traditionnels font circuler des ressources financières au moyen d'une infrastructure des marchés financiers élaborée. Cette infrastructure réunit les fournisseurs et les utilisateurs de capital au moyen d'un réseau d'intermédiaires qui facilitent les mouvements de capitaux et leur affectation. Les bailleurs de fonds, les banques d'investissement, les investisseurs en capital-risque et les autres intermédiaires sont les principaux fournisseurs de capital. Ces institutions évaluent les profils des risques et des avantages et avancent le capital. Elles déterminent le profil de l'utilisateur et obtiennent le capital d'investisseurs qui présentent des besoins semblables.

La plupart des intermédiaires généraux n'établissent pas les profils des collectivités des Premières nations. Les problèmes relatifs à la stabilité, à la capacité, à la sécurité et à la culture, qu'ils soient réels ou perçus, représentent des risques que l'on ne peut quantifier d'emblée ni atténuer au moyen d'outils de gestion des risques traditionnels.

L'accès des Premières nations aux marchés des capitaux généraux se limite aux transactions sur le marché primaire dans les cas où des intermédiaires généraux offrent des produits d'emprunt traditionnels aux utilisateurs ayant la capacité d'offrir des garanties ou d'autres formes d'assurance qui permettent d'atténuer les risques.

Comme les membres des Premières nations n'ont que peu profité, voire pas du tout, du financement par capitaux propres consenti par l'entremise d'intermédiaires généraux, comme des investisseurs en capital-risque et des banques d'investissement, ils ont peu recours aux marchés des capitaux secondaires.

Les gouvernements fédéral et provincial ont prévu des mesures d'intervention et y ont recours pour améliorer l'accès des Premières nations au capital, mais il y a des lacunes. L'intervention est, de façon générale, directe. Le gouvernement du Canada est devenu un intermédiaire financier.

Cela n'aide pas vraiment les Premières nations à établir des liens avec des marchés des capitaux généraux. En fait, l'intervention directe favorise la dépendance et l'isolement et ne permet pas vraiment d'améliorer les profils des risques et des avantages des Premières nations.

Le capital provient en grande partie du financement du gouvernement. Comme la source est limitée, l'accès aux marchés des capitaux traditionnels est essentiel pour répondre aux besoins en capital à long terme de la collectivité des Premières nations.

Le réseau financier autochtone a montré les avantages des institutions communautaires. Les établissements de prêt axés sur le développement des IFA font actuellement appel à des intermédiaires généraux pour régler le problème des risques liés aux Premières nations. Le réseau des IFA devrait continuer à mettre l'accent sur ses initiatives d'intervention relatives à l'atténuation des risques de façon à trouver davantage de sources de capitaux d'emprunt généraux et à en tirer parti.

Les capitaux propres se trouvent principalement sous la forme de contributions. Ils sont essentiels pour qui veut avoir accès à du financement par emprunt, puisque les contributions publiques représentent une source de financement limitée.

Les Premières nations doivent avoir accès à de nouvelles sources importantes de capitaux propres pour accroître leur réserve de capitaux. Une nouvelle approche novatrice est requise pour attirer des investisseurs généraux. Tout d'abord, on doit accroître le montant des capitaux propres auquel a accès la collectivité des Premières nations. Ensuite, on doit mobiliser les marchés des capitaux généraux, régler les problèmes relatifs aux risques des Premières nations et nouer une nouvelle relation qui améliorera le mouvement des capitaux. Enfin, l'accès à davantage de capitaux propres entraîne un plus grand effet de levier financier. Cela suppose davantage de capitaux d'emprunt, et, dans le cas où les marchés généraux participent aux deux produits, on devrait pouvoir établir le profil des risques et des avantages.

On doit repenser la politique d'intervention actuelle en matière de capitaux propres. De moyennes entreprises en croissance et de vastes partenariats régionaux axés sur les ressources exigent des investissements qui transcendent le but et la capacité des sources de contribution actuelles.

Compte tenu de la création et de la croissance rapides des entreprises des Premières nations et de la récente expansion des occasions régionales axées sur les ressources, on doit mettre en œuvre une nouvelle politique d'intervention qui soutiendra l'accès aux sources de capitaux propres générales.

Au Canada, le fonds de solidarité de la FTQ a ouvert la voie puisqu'il a permis de créer des réserves de capital de risque communautaires. L'intervention du gouvernement prend la forme d'un investissement direct et de crédits d'impôt au moyen de lois relatives au fonds de capital de risque de travailleurs.

Dans les collectivités des Premières nations, on a mis en place des projets pilotes axés sur les capitaux propres. Au Québec, on trouve la société de capital de risque des Premières nations du Québec, au Yukon, les Dana Naye Ventures, et dans le reste du Canada, le Indian Resource Capital Fund.

Deux de ces initiatives pilotes représentent des fonds régionaux qui ciblent toutes les industries dans une région particulière. Le Indian Resource Capital Fund est un fonds sectoriel qui financera les activités relatives au pétrole, au gaz naturel et à l'énergie menées partout au Canada. Cette initiative pilote est conçue pour créer des réserves de capitaux propres avec la participation des Premières nations, des secteurs public et privé et du secteur quasi-privé.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a fourni la mise de fonds initiale pour accroître l'investissement des Premières nations et l'investissement général dans les fonds. Les projets du Québec et du Yukon sont actuellement en voie d'exécution, et, dans le cadre du projet de l'Alberta, on cherche actuellement à obtenir du capital privé pour compléter l'investissement des Premières nations.

Le gouvernement du Canada n'est pas le seul à reconnaître le problème de l'accès au capital. L'existence de marché des capitaux élaborés et très évolués ne garantit pas d'emblée l'accès à du capital à toutes les personnes qui en ont besoin. Les intermédiaires financiers généraux hésitent à recommander ou à fournir du capital dans les cas où le profil des risques et du rendement ne correspond pas aux attentes de l'investisseur.

Dans la plupart des pays industrialisés, les gouvernements ont mis en œuvre des mesures d'intervention visant à améliorer le mouvement de capitaux vers des collectivités moins riches.

De façon générale, le Canada utilise des mécanismes publics d'exécution pour régler le problème de l'accès au capital, tandis que d'autres administrations ont adopté des politiques pour combler les écarts entre les établissements généraux, les institutions financières et les collectivités ciblées.

Les capitaux propres servent à créer un effet de levier financier et à le conserver. Les bailleurs de fonds cherchent à atténuer les risques, et les capitaux propres du promoteur sont fondamentaux au moment de déterminer les risques. Comme la collectivité des Premières nations possède peu de richesse, la capacité d'investissement du promoteur est faible.

L'octroi de subventions et de contributions par le gouvernement est également limité et sert principalement à atteindre des objectifs particuliers. C'est pourquoi les capitaux des entreprises proviennent actuellement de l'apport de compétences et de contributions, et les bailleurs de fonds pour le développement fournissent le levier financier.

Comme cette réserve de capitaux est faible, on met l'accent sur le financement des petites entreprises qui démarrent ou qui en sont au début de leur phase de croissance.

La réserve de capitaux actuelle a une capacité limitée d'aider les moyennes entreprises qui ont besoin de plus de capitaux ou de soutenir des partenariats régionaux axés sur les ressources qui peuvent apporter des contributions importantes à l'économie des Premières nations et à leur marché du travail.

Si l'on vise à accroître le montant total de capital disponible, on a besoin de davantage de capitaux propres. La réserve de capitaux propres serait contrôlée par une institution ou des institutions des Premières nations et servirait d'intermédiaire dans le cadre des interventions puisqu'elle permettrait d'établir des liens entre les utilisateurs des Premières nations et les marchés des capitaux généraux.

Les intervenants participeraient par l'entremise d'entités qui comprennent les besoins et les préoccupations de toutes les parties. Les sources de capital comprendraient les promoteurs des Premières nations, le gouvernement et les investisseurs généraux.

Il est essentiel d'avoir recours à des sources générales pour répondre aux besoins en capital à long terme de la collectivité des Premières nations. On utiliserait des fonds publics pour atténuer les risques des Premières nations ou pour accroître le rendement économique des investisseurs.

L'intervention égaliserait les chances puisqu'elle permettrait d'établir des profils des risques et des avantages acceptables tout en soutenant des objectifs doubles à l'égard des résultats. La politique d'intervention mettrait l'accent sur l'intégration de l'investissement général à une réserve de capitaux propres renouvelable. On administrerait la réserve de capitaux propres et on l'investirait en utilisant des critères relatifs à l'investissement général.

La réserve permettrait d'établir des profils des risques et des avantages conformes aux normes générales. Elle permettrait également de conclure des ententes de partenariat, de syndication et de coinvestissement. Elle apporterait de la crédibilité et un sentiment de sécurité aux entreprises générales et aux institutions financières. La réserve favoriserait de nouvelles occasions. Les Premières nations profiteraient des institutions partenaires qui tirent parti des nouvelles occasions. De plus, des investisseurs généraux remarquent les occasions possibles dans les régions où habitent les membres des Premières nations, et la réserve leur permettrait de tirer parti de ces occasions. Elle permettrait d'offrir des services à tous les secteurs et à toutes les régions.

En tant qu'institution nationale, elle pourrait être considérée comme un défenseur, un organe de réglementation, un fournisseur de services, un organisme de normalisation, un expéditeur de ressources et un fonds. Au besoin, la réserve pourrait créer des réserves sectorielles régionales servant à cibler des régions particulières et des industries spécialisées.

Nous proposons la création d'un nouvel intermédiaire financier qui fournirait des capitaux propres en vue de financer de jeunes entreprises viables dans la collectivité des Premières nations.

Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Sénat.

J'aimerais maintenant céder la parole à M. Purdy, qui dira quelques mots en tant que représentant du secteur de l'investissement; par la suite, Larry prendra la parole pendant quelques instants.

Kirk Purdy, secteur de l'investissement, Conseil des ressources indiennes : Merci, Roy. Merci de me donner l'occasion de m'adresser à votre groupe.

Aujourd'hui, je crois que je représente Marcel Tremblay, qui n'était pas en mesure de participer à cette rencontre. Marcel Tremblay, pour ceux d'entre vous qui ne le connaissent pas, est connu un peu partout pour avoir créé le secteur de la fiducie de redevances au Canada. Ce secteur s'est épanoui jusqu'à représenter 10 p. 100 de la Bourse de Toronto, et, bien sûr, il est très controversé à l'heure actuelle puisque vos collègues, notre collègue, M. Goodale, examinent de façon approfondie le secteur. On ne saurait contester sa popularité ou la discipline qu'il impose à certains secteurs, des secteurs fortement capitalistiques qui avaient besoin de capital et qui se le procurent principalement à partir de la réserve des épargnants.

À Overlord Financial, nous avons fait connaissance, par l'entremise du Conseil des ressources indiennes, avec Roy et son équipe, qui souhaitaient vraiment faire appel à notre expertise du secteur pétrolier et gazier. M. Tremblay est membre du Conseil des ressources indiennes et apporte son expertise aux projets. Nous sommes enthousiasmés par l'investissement axé sur le pétrole et le gaz naturel qui permettra de tirer parti de certaines des occasions qui s'offraient, mais dont on ne s'occupait pas.

Lorsque nous avons rencontré Roy et ses collègues, nous avons pris conscience d'une série de projets non financés qui n'étaient pas exploités. Roy a déterminé que l'ensemble de ces projets valait près de 500 millions de dollars aujourd'hui. À partir de ces projets, nous avons envisagé d'attirer des capitaux que nous pourrions investir dans un groupe de projets choisis qui pourraient probablement nous permettre d'obtenir un rendement commercial.

Notre plan consistait à rendre des projets comme ceux-là accessibles aux investisseurs généraux et aux épargnants par des moyens traditionnels et à obtenir un rendement qui attirerait de plus en plus d'investisseurs dans ce fonds intermédiaire. Si nous y intégrions d'emblée certains éléments d'atténuation des risques en vue d'attirer les capitaux, nous pourrions, à l'aide d'un bon rendement précoce, attirer de plus en plus de capitaux et imposer une certaine discipline aux investissements. Nous pourrions mener à bien de nombreux projets dans un secteur qui ne recevrait pas de capitaux autrement. C'est notre travail.

M. Tremblay est un très grand entrepreneur et un penseur novateur, et je suis chanceux de faire partie de son équipe et, j'imagine, d'être assigné à ce projet.

Le sénateur St. Germain : Parlez-vous des fiducies de revenu?

M. Fox : C'est ce dont il parle.

M. Purdy : Un produit comme celui-là ressemble à une fiducie de revenu ou à une fiducie de redevances. Nous croyons que la transparence et la discipline du produit de la fiducie de revenu pourraient attirer des capitaux que l'on pourrait investir sur les terres des Premières nations, oui.

Si vous réunissez le caractère unique de l'ensemble des occasions d'investissement non exploitées et la taille du bassin des épargnants qui souhaitent obtenir un rendement, vous pourriez probablement créer un fonds de 100 millions de dollars en quelques jours. Cela ne prendrait vraiment pas beaucoup de temps pour attirer ce type de capitaux dans un fonds spécialisé comme celui-là, s'il est créé par de solides gestionnaires au moyen d'un plan d'affaires raisonnablement bon.

Lorsque nous en avons discuté de façon très générale avec Roy et ses collègues et que nous avons transmis l'idée à quelques-uns de mes collègues du secteur bancaire de l'investissement, nous avons reçu un important soutien.

On nous disait vraiment : « Regardez, vous êtes venus nous présenter des projets, une structure, une équipe de gestion, vous nous avez donné l'impression que, d'une certaine façon, on peut atténuer la perception des risques et qu'il faut être créatif à cet égard; nous trouverons le capital qui servira à des investissements ciblés précis sur les terres des Premières nations. » C'était un message très fort de la part de nos collègues.

M. Kaida, adjoint du président, Conseil des ressources indiennes : Merci, monsieur le président. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à l'exposé de Roy. Je suis ici pour aider à préciser des choses ou pour répondre à des questions, si on me le demande.

J'aimerais simplement dire aux sénateurs que le secteur que nous exploitons, c'est-à-dire le secteur pétrolier et gazier, est immense. Je suis sûr que vous le savez déjà. Et il devient de plus en plus important chaque jour.

Malheureusement, les Premières nations n'ont jamais connu beaucoup de succès dans ce secteur ou n'y ont pas participé de façon efficace. La participation a plutôt été passive, extrêmement passive.

Je ne sais pas si vous entendrez d'autres exposés principalement axés sur le pétrole et le gaz naturel, mais simplement à titre informatif, les Premières nations n'ont été, depuis toujours, qu'une sorte de bénéficiaires de redevances, de primes, de ce genre de choses, et c'est pas mal tout.

Notre organisme est un organisme de défense. Nous demandons que les Premières nations participent davantage à ce vaste secteur et qu'elles ne soient pas seulement des bénéficiaires de redevances, mais qu'elles agissent à titre de propriétaires, d'entrepreneurs, d'actionnaires, ce genre de choses, car c'est là que l'on réalise de véritables gains.

En raison de cette approche, un très grand nombre de Premières nations mettent sur pied des coentreprises avec l'industrie, où elles peuvent obtenir un intérêt économique direct ou un intérêt dans l'entreprise et faire un peu d'argent, comme tout le monde.

Malheureusement, ce type de participation est très limité pour les raisons invoquées par Roy dans son document. La capacité limitée et l'accès au capital représentent des problèmes importants. En raison des exigences réglementaires, les Premières nations, contrairement à la société générale, éprouvent des problèmes en ce qui concerne l'accès au capital.

Ce que nous tentons d'accomplir au moyen de cette approche, cette approche non traditionnelle, c'est de trouver une façon d'attirer des capitaux privés, des capitaux propres, afin que les jeunes coentreprises des Premières nations aient accès à un autre outil qui leur permettra de faire prospérer leurs entreprises. Selon notre expérience, l'industrie est très intéressée à le faire, mais elle a besoin d'aide pour y arriver.

Nous avons constaté que l'on connaît très peu les Premières nations. On reconnaît très peu certains des éléments culturels uniques des Premières nations. En tant qu'organisme des Premières nations, notre responsabilité consiste à accroître la sensibilisation à cet égard.

Cela commence à porter fruit. M. Purdy et son organisme sont prêts à travailler avec notre organisme pour aider à tirer parti de ce capital. Nous demandons aux gouvernements de ne pas avoir recours à leur mécanisme de réglementation pour nous empêcher d'obtenir ce capital, mais plutôt de mettre en œuvre des politiques qui soutiennent cette nouvelle approche face au monde des affaires.

Le sénateur Peterson : Vous semblez avoir une vision. Vous savez où vous vous dirigez, vous l'avez déterminé, mais il semble y avoir un obstacle, et vous ne nous dites pas vraiment ce dont vous avez besoin.

Vous avez parlé de politiques. Manifestement, vous avez besoin d'aide. De quoi avez-vous besoin?

M. Fox : Nous n'avons qu'à regarder la Loi sur les Indiens, qui énonce de façon très précise la façon dont les membres des Premières nations, leurs gouvernements et leurs entreprises peuvent utiliser les sommes que leur accorde Ottawa.

Je veux dire, j'étais le chef de la Tribu des Blood avant que je ne prenne ma retraite il y a neuf ans. Je n'ai pas été défait; j'ai pris ma retraite. J'ai passé 22 ans avec les Blood, et, pendant cette période, il y a eu d'innombrables occasions, pas seulement dans le secteur pétrolier et gazier, pour lesquelles nous aurions dû pouvoir utiliser l'argent d'Ottawa qui nous revenait, mais les politiques nous ont empêchés de le faire. Les sages personnes d'Ottawa et d'Edmonton, surtout les avocats du ministère de la Justice, avaient l'impression que nous ne devions pas utiliser notre argent pour l'investir dans ces entreprises, car nous pouvions perdre de l'argent.

Je vais vous donner un exemple d'une occasion ratée. Il y a environ 15 ans, lorsque je faisais encore partie des Blood, la pétrolière Shell déménageait ses installations de ses petits champs jusqu'à ses champs plus vastes. L'un des petits champs se situait à Lookout Butte, qui se trouve dans la réserve indienne des Blood, dans la concession forestière bordant le parc national des Lacs-Waterton.

Nous avons eu l'occasion d'acquérir les biens de Shell. L'entreprise extrayait du gaz corrosif. Ce champ était là auparavant, on en extrayait du pétrole brut. Lorsque les réserves de pétrole brut se sont épuisées, on a commencé à extraire du gaz corrosif. Il restait environ dix puits.

Bien sûr, nous avons fait preuve de diligence raisonnable avant de nous engager et de nous apercevoir que le champ était encore là et que les réserves pouvaient durer encore 45 ans.

Nous avons élaboré un bon plan d'affaires, avons fait preuve de diligence raisonnable et avons présenté tous les faits au gouvernement. Il ne voulait toujours pas nous laisser utiliser notre argent. Nous aurions pu acheter ces biens pour quatre millions de dollars. La dernière fois que ces biens ont été vendus, il y a quelques années, ils coûtaient 26 millions de dollars.

C'est un exemple de la façon dont nous voulions utiliser notre argent, mais, en raison des politiques, des règles et des lois gouvernementales, nous n'avons pas été en mesure de tirer parti de cette occasion d'affaires.

Le sénateur Peterson : Ce qui est bien, car je présume que les investisseurs externes attendent que vous mettiez votre argent en jeu pour entrer dans la danse.

M. Fox : Le fonds du Conseil des ressources indiennes, en collaboration avec Overlord, a déjà attiré des investissements de la collectivité autochtone. Nous avons attiré des investissements provenant du secteur de l'investissement général et nous prévoyons commencer à investir les fonds avant la fin de l'année civile.

Bien sûr, nous voulons accroître un peu plus le montant de l'investissement, car il s'agit pour l'instant d'un fonds très modeste, si vous le comparez à d'autres fonds du secteur pétrolier et gazier.

Nous voulons être en mesure de prouver que, au moyen de ce fonds, il est possible pour les Premières nations et les Autochtones de tirer pleinement parti des occasions d'affaires qui existent, non seulement dans le secteur pétrolier et gazier, mais également dans l'ensemble du secteur de l'énergie, qui englobe quelques éléments de plus.

Oui, nous acceptons des investissements non seulement de la collectivité autochtone, mais également du milieu de l'investissement général et nous espérons être prêts le mois prochain.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Monsieur Fox, j'ai entendu parler de toutes vos entreprises, mais je n'ai pas entendu parler une seule fois du fait que les capitaux propres retournent dans la collectivité et permettent de mettre en œuvre des programmes à l'intention des membres et des Aînés, des programmes éducatifs et d'autres programmes.

M. Fox : Sénateur, nous avons le privilège et la responsabilité de nous occuper de un ou deux aspects de ce problème relatif aux membres des Premières nations.

Nous voulons aider les gouvernements des Premières nations, leurs institutions et leurs entreprises à tirer parti du milieu des affaires du secteur de l'énergie.

Grâce à leur sagesse, ces dirigeants rendront cet argent à la collectivité afin que les Aînés, les jeunes, les gens dans le besoin puissent se servir des profits découlant de ces entreprises.

Je crois que les chefs d'entreprise et les chefs politiques particuliers de nos tribus membres doivent assumer cette responsabilité. Nous ne pouvons vraiment pas leur dire ce qu'ils doivent faire des profits qu'ils ont réalisés.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je comprends cela, mais puis-je mentionner que cela pourrait faire partie des négociations?

M. Fox : Oui, bien sûr, cela fera partie des négociations.

M. Kaida : L'une des exigences que nous devons respecter dans le cadre de ce fonds, c'est que, peu importe l'entreprise dans laquelle nous investissons, elle doit rapporter des avantages directs aux Premières nations. Il existe toutes sortes d'avantages. Vous pouvez les définir de la façon dont vous le voulez. Cela pourrait comprendre les profits, les occasions liées à l'emploi ou les occasions d'affaires. Les avantages comprennent un ensemble de choses.

La réponse à la question est la suivante : nous nous attendons à ce que ces avantages, peu importe comment vous les définissez, reviennent aux collectivités.

Cela n'est pas de notre ressort, car, lorsque nous faisons un investissement conjoint ou que nous soutenons des entreprises détenues par les membres des Premières nations, ces entreprises sont composées de membres autochtones des Premières nations, et, manifestement, cela représente un avantage.

Le fait que ces avantages soient affectés ou non aux programmes sociaux, au logement et à ce genre de chose est, selon moi, la responsabilité d'une personne de la collectivité, car les entreprises de cette collectivité sont encore au tout début de leur expansion. Elles ont une capacité très limitée. Elles ont très peu de capital. Si nous pouvons les aider à prendre de l'expansion au moyen de ce genre de partenariats, nous nous attendons à ce que ces avantages reviennent aux collectivités.

Le président : Merci. S'il n'y a aucune autre question, j'aimerais vous remercier, monsieur Fox, monsieur Kaida et monsieur Purdy d'être venus aujourd'hui. Merci beaucoup.

Vous abordez manifestement une question critique pour l'avenir des entreprises autochtones, alors je vous remercie beaucoup d'avoir présenté votre exposé.

M. Fox : Merci beaucoup, monsieur le président et sénateurs.

Je remarque qu'il y a une cabine là-bas et je suis sûr qu'elle sert à des fins de traduction. Normalement, j'aime bien commencer mes exposés publics dans ma propre langue. Aux fins de la traduction, j'ai dit : « Bonjour, mes amis et parents. »

[M. Fox parle en langue autochtone.]

Merci.

Le président : Merci beaucoup. Sur ce, sénateurs, nous suspendrons nos travaux.

La séance est levée.


Haut de page