Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 4 - Témoignages du 9 décembre 2004
OTTAWA, le jeudi 9 décembre 2004
Le Comité sénatorial permanent de l'Agriculture et des Forêts se réunit à 8 h 2 aujourd'hui pour discuter de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Messieurs et mesdames les sénateurs, je vous remercie d'être présents aujourd'hui. Je souhaite aussi la bienvenue à nos observateurs à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'Agriculture et des Forêts. Nous nous pencherons sur les difficultés, et les perspectives, j'ose espérer, de l'industrie céréalière dans les provinces de l'Ouest.
Nous avons entamé des discussions sur les questions de la crise du bétail et de la fermeture de la frontière américaine, que nous poursuivrons lors de réunions ultérieures. Il ne faut cependant pas oublier que la saison estivale a été fort pénible, dans certains cas catastrophique, pour les artisans de l'industrie des céréales et des graines oléagineuses. Je sais que le climat défavorable a beaucoup nui aux agriculteurs, et à ceux de l'Ouest canadien particulièrement.
Aujourd'hui, nous entendrons M. Murray Downing, président de l'association Grassroots Producers of Manitoba; M. Lynn Jacobson, président de la Alberta Soft Wheat Producers Commission, ainsi que son directeur exécutif, M. Andrew Kovacs. Nous entendrons aussi le président de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, M. Neal Hardy, ainsi qu'un directeur de l'Association, M. Jim Hallick.
Bienvenue à tous et merci d'être venus de si loin. Nous sommes très intéressés par ce que vous avez à nous dire aujourd'hui. Comme nous disposons d'une heure et demie seulement, et comme j'aimerais que tous aient le temps de poser autant de questions et de recevoir autant de réponses que possible, je vous demande de rester concis et précis. Je donne la parole à M. Downing pour commencer.
M. Murray Downing, président, Grassroots Producers of Manitoba : Je suis membre d'une association populaire de producteurs dans la province du Manitoba et j'habite tout en bas, au sud-ouest du territoire.
C'est la septième fois que nous comparaissons devant des comités à Ottawa. Chaque fois que nous venons ici, nous entretenons l'espoir de revenir à la maison avec la certitude que les choses vont bouger, mais nous avons toujours été déçus. La situation n'a cessé de se détériorer. Mère nature n'a pas été clémente avec nous, et nous voici maintenant en situation de crise dans l'Ouest du Canada.
On nous a proposé des programmes pour les fermes, mais toujours au mauvais moment, et les collectivités n'en ont rien retiré. Les familles vivent sous une pression difficile à imaginer. Nous nous tournons toujours vers les gouvernements pour obtenir de l'aide parce que ce sont les gens qui forment le gouvernement. Nous constatons que nos gestes n'ont eu aucune utilité. Que devons-nous faire maintenant pour résoudre les problèmes?
Depuis le début, nous participons au PCSRA, et c'est de certains aspects de ce Programme dont nous voulons parler aujourd'hui. Je rage quand j'entends les bureaucrates d'Agriculture Canada me dire qu'ils sont d'accord avec nous mais qu'ils doivent d'abord obtenir l'appui des provinces. Je sais que la tâche est énorme : plus les parties sont nombreuses, plus il est difficile d'obtenir un consensus. C'est ce qui arrive avec beaucoup de programmes fédéraux ou qui relèvent à la fois du fédéral et du provincial.
Pourquoi l'agriculture ne pourrait-elle pas être de compétence fédérale, pour que le fédéral puisse prendre ses propres décisions? Il semble que l'on se tourne naturellement vers le fédéral en temps de crise. Pourquoi le fédéral ne serait-il pas seul à prendre les décisions? Cela m'apparaît une solution au problème.
La Saskatchewan compte 46 p. 100 de la superficie cultivée au Canada, mais elle n'arrive pas à dénouer la crise parce que la province n'a pas assez de contribuables pour régler à elle seule les problèmes.
Quelles sont les solutions possibles à ces problèmes? J'imagine que c'est le but de ce genre d'audiences.
Nous avons déjà témoigné devant quatre comités, sans résultat. Nous tournons en rond. À un moment donné, il faut savoir dire : « C'est assez! ». C'est là où nous en sommes. Je m'arrête ici parce que je veux vous donner le temps de poser des questions.
La présidente : Merci. Nous allons commencer avec le sénateur Gustafson.
Le sénateur Gustafson : Quelle a été la gravité du gel?
En Saskatchewan, il a été très important, et il a touché aussi durement la partie ouest du Manitoba. Ce gel a sans doute été la goutte qui a fait déborder le vase. J'aimerais entendre les représentants de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta à ce sujet.
M. Downing : Là où je vis, l'Autoroute 1 a sans doute servi de frontière; la partie au nord a été dévastée par le gel. Au sud de l'Autoroute 1, les dégâts sont plus dispersés. Un champ de canola a été épargné, alors que celui du voisin n'a même pas pu être récolté. Et c'est pareil pour beaucoup d'autres céréales. Nos champs n'ont pas été dévastés, mais les conséquences sont quand même terribles. Au nord, on a récolté en masse parce que l'assurance-récolte l'exige. Le portrait n'est pas rose chez nous non plus.
Le sénateur Gustafson : Et en Saskatchewan?
M. Neal Hardy, président, Association des municipalités rurales de la Saskatchewan : Comme vous faites de l'agriculture en Saskatchewan, vous avez une petite idée des dommages. Nous vous avons soumis des documents. Nous avons fait une enquête rapide sur trois thèmes : les dommages causés aux cultures; la situation financière des agriculteurs, et ce dont nous aurons besoin pour ensemencer en 2005.
La présidente : Je suis désolée, messieurs et mesdames les sénateurs. J'aurais dû demander à tous les témoins de nous présenter leur exposé en premier lieu, pour que nous ayons tous les faits en main.
Nous allons donc entendre M. Hardy et M. Jacobson dès maintenant. Les membres du Comité auront ainsi une base pour adresser leurs questions à tous les témoins en même temps.
M. Hardy : Je voudrais remercier le Comité de l'agriculture de s'intéresser à la situation dans les zones rurales de la Saskatchewan. Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Nous avons remis des documents au greffier, dans lesquels se trouvent des cartes indiquant les zones à problème.
Nous avons aussi préparé un sondage rapide, que nous avons fait parvenir à 296 municipalités rurales. En moins de 4 jours, 209 ont répondu, et nous n'avons pas eu le temps de vérifier si les autres l'avaient fait — je suis certain qu'elles répondront.
J'aimerais aborder la question des systèmes de mise en marché des céréales, qui préoccupe nos membres. Je vous parlerai aussi des recommandations issues de l'Examen du secteur des semences, de la disposition proposée du parc de wagons trémies du fédéral, de la conjoncture économique de l'industrie céréalière et de la situation financière de 55 000 agriculteurs de la Saskatchewan.
Je vais laisser M. Hallick vous parler de l'Examen du secteur des semences et du parc de wagons trémies, puis je vous tracerai le portrait de la situation agricole. Nous serons brefs.
M. Jim Hallick, directeur, Secteur 4, Association des municipalités rurales de la Saskatchewan : Nous aimerions soulever la question de l'Examen du secteur des semences, que l'on appelle communément l'ESS. Cette initiative, menée conjointement par l'Association canadienne des producteurs de semences, l'Association canadienne du commerce des semences, l'Institut canadien des semences et Les producteurs de grain du Canada, porte sur les règlements en vigueur dans le domaine de l'industrie des semences.
Selon ce que nous en avions déduit à la SARM, l'Examen devait se faire indépendamment du gouvernement fédéral, mais il semble que l'Agence canadienne d'inspection des aliments tiendra compte des recommandations en vue de la mise à jour des règlements applicables à l'industrie des semences. La SARM a examiné les recommandations issues de l'examen et soumis ses commentaires au Comité. Ce sont les producteurs qui font l'ensemencement et ils sont très fortement touchés par ces recommandations.
La SARM appuie la recommandation visant la rationalisation de l'industrie des semences et de ses règlements, ainsi que celle qui propose de créer un organisme consultatif permanent chargé de la surveillance de l'industrie. Nous sommes aussi d'accord avec la poursuite des analyses en matière de distinction visuelle des grains (DVG), et la mise en oeuvre de mesures visant à augmenter la traçabilité afin de garantir la sécurité alimentaire et de préserver l'accès des producteurs canadiens aux marchés mondiaux.
Notre premier sujet de préoccupation vient de ce que les producteurs céréaliers de l'Ouest n'ont pas été consultés pendant le processus d'ESS. Les producteurs de grain du Canada ont été consultés tout au long de l'examen, et on a présumé qu'ils pouvaient représenter adéquatement l'ensemble des producteurs céréaliers du pays. Selon nous cependant, ils ne sont pas les meilleurs représentants des producteurs de l'Ouest. La SARM insiste et insiste encore sur la nécessité de consulter des producteurs de tous les horizons sur les grands enjeux en matière de semences, comme la DVG et la traçabilité, qui auront une incidence majeure sur l'avenir des marchés et notre capacité d'y avoir accès.
Notre deuxième point de préoccupation concerne l'a priori sur lequel repose implicitement la plupart des recommandations du rapport final sur l'ESS. Dans ces recommandations, il semble implicite que les producteurs céréaliers seront fortement incités à faire plus grand usage des semences sélectionnées. Nous n'avons rien contre l'utilisation de semences sélectionnées, dans la mesure où les producteurs puissent les utiliser les années suivantes sans frais supplémentaires. Ces recommandations feront augmenter nos coûts si nous utilisons des semences ordinaires. Il est proposé de prélever des droits sur les semences ordinaires, et de lier les semences sélectionnées à l'accès aux marchés.
Je vais donner trois exemples qui expliquent pourquoi nous sommes inquiets. L'Examen propose de resserrer la réglementation liée à l'utilisation des semences ordinaires. Il s'ensuivra un coût plus élevé pour l'ensemencement et la mise en marché.
Le rapport établit un lien entre l'utilisation des semences certifiées et l'assurance-récolte : il propose d'élever les primes si des semences ordinaires sont utilisées, et de fonder le programme de cultures contractuelles de la CCB sur l'utilisation de semences certifiées.
L'Examen mentionne en outre que toutes les semences devraient être vendues selon la désignation. Une telle pratique risque en bout de ligne d'empêcher totalement les producteurs d'acheter et de vendre des semences ordinaires. La dénomination des variétés exigerait l'inspection des champs, la tenue de documents et d'autres moyens pour garantir la pureté variétale et le respect des normes.
Le rapport final explique également que l'un des résultats de tels règlements serait de rendre les semences ordinaires beaucoup trop coûteuses, ce qui donnerait l'avantage commercial aux semences certifiées.
C'est l'une de nos principales préoccupations. Nous vous avons souligné les deux autres, dont vous pourrez prendre connaissance.
Je voudrais maintenant parler de la disposition des wagons trémies du fédéral. La SARM détient un intérêt direct dans les 13 000 wagons trémies du fédéral. Nous estimons que nos membres méritent d'être entendus avant le rendu de la décision. Nos membres sont les agriculteurs qui ont utilisé ces wagons au cours des 30 dernières années pour distribuer leurs produits dans les marchés, et ils continueront d'avoir besoin de wagons en nombre suffisant et bien entretenus dans les prochaines années.
Les produits agricoles de l'Ouest canadien doivent être transportés sur des milliers de kilomètres pour atteindre les ports. Actuellement, le parc fédéral sert à la manutention et au transport des céréales de l'Ouest canadien. Les agriculteurs paient le coût d'entretien des wagons trémies à même le tarif de fret.
En 1996, le gouvernement canadien annonçait son intention de vendre le parc de wagons. Il proposait à l'époque de les vendre aux sociétés ferroviaires au coût de 100 millions de dollars, et d'ajouter 1 $ au tarif de fret par tonne de marchandise, pendant 5 ans, pour couvrir le coût des wagons. Autrement dit, la facture était transférée aux agriculteurs. Les agriculteurs ont refusé. À nos yeux, si c'est nous qui payons pour ces wagons, nous devons en devenir propriétaires.
Cette réaction des agriculteurs a donné naissance à la Farmer Rail Car Coalition (FRCC), dont la SARM est l'un des membres fondateurs. Nous participons à l'exercice depuis huit années et demie, parce que nous savions que, si les wagons trémies étaient vendus aux sociétés ferroviaires, les producteurs paieraient pour les wagons sans avoir la garantie qu'ils seraient exclusivement réservés pour le transport des céréales produites dans l'Ouest, ni que le parc serait bien entretenu.
Les agriculteurs tiennent mordicus à ce que les wagons soient bien entretenus. Transports Canada a affirmé à la FRCC que seulement 49 p. 100 des wagons trémies sont en assez bon état pour être chargés, parce que les barrières et les trappes de chargement sont mal entretenues. Cela signifie que l'autre moitié du parc a besoin de réparations.
La FRCC dispose d'estimations fiables émanant des ateliers d'entretien ferroviaire, lesquelles nous indiquent que l'entretien des wagons à long terme coûte 1 500 $ environ par année par wagon. C'est un peu moins de 2 800 $ de moins par année que ce que les sociétés ferroviaires peuvent imputer sur la base du plafond de revenu. La FRCC et les producteurs pourraient donc faire des économies considérables, et utiliser cet argent pour améliorer et remplacer des wagons, et pour les entretenir afin qu'ils restent en bon état.
Les agriculteurs savent très bien qu'ils ont payé beaucoup trop pour l'entretien des wagons à même les tarifs de fret. Ils ne souscriront à aucune proposition qui maintiendrait ces abus.
La SARM a participé aux réunions du 1er novembre de Transports Canada, qui a eu lieu à Winnipeg. Après avoir pris connaissance des plans d'affaires du CN, de CP et de la FRCC, nous maintenons notre soutien indéfectible aux propositions de la FRCC. C'est le seul groupe dont le plan d'affaires est sensé et professionnel.
Si les wagons sont vendus sur une base commerciale, comme le propose l'industrie, les règlements de l'OTC autorisent une dépense d'immobilisation unique intégrée au plafond des revenus, de sorte que les producteurs devront payer de nouveau, ce qui augmentera les tarifs de fret, comme il avait été proposé en 1996.
La proposition de la FRCC est la seule qui garantisse une utilisation exclusive pour le transport des céréales de l'Ouest, l'amélioration sur une base permanente et année après année, sans frais supplémentaires pour les agriculteurs et le gouvernement.
La SARM est fortement en faveur de l'acquisition des wagons trémies du fédéral par les agriculteurs. Nous maintenons notre appui à la FRCC pour ce qui est de l'acquisition du parc fédéral. Si vous désirez avoir plus de renseignements à cet égard ou pour consulter le plan d'affaires intégral, visitez notre site Web.
M. Hardy : J'aimerais ajouter quelques commentaires concernant notre vision de la situation rurale en Saskatchewan. Cette année, les producteurs céréaliers de la Saskatchewan sont aux prises avec des conditions qui provoquent un déclassement très important des cultures, telles que l'humidité et les gels excessifs. La qualité des cultures en 2004 a été très mauvaise.
Les dommages subis cette année s'ajoutent à ceux de l'année précédente, qui étaient le fruit de la sécheresse, du gel et de la situation du marché, ainsi que de l'incapacité de nos producteurs à bénéficier de programmes internationaux de subventions. La SARM craint que, quand il sera temps d'ensemencer en 2005, les producteurs n'auront pas les reins assez solides financièrement.
Pour en revenir aux ravages subis en Saskatchewan, ils sont extensifs partout dans la province en 2004. La SARM a mené une enquête après la première vague de gels d'août 2004, afin de dénombrer les municipalités rurales touchées. Selon les résultats obtenus, plus des trois quarts des municipalités rurales de la province ont été touchées par le gel. Parmi elles, 46 p. 100 ont affirmé que le gel avait touché la totalité du territoire rural. L'extrémité sud-ouest a été la seule épargnée par le gel.
Nous avons mené une autre enquête voilà quelques jours afin d'évaluer les dommages causés aux cultures et l'assistance financière requise en vue de l'ensemencement des cultures en 2005. Les résultats montrent que plus de 70 p. 100 des 205 exploitations agricoles ont subi d'importants dommages aux cultures, et que plus de 80 p. 100 estimaient avoir besoin d'une aide financière pour ensemencer les champs en 2005.
De nombreux producteurs essuient un refus aux élévateurs parce que leurs céréales ont perdu toute leur valeur marchande. Le marché du blé fourrager est saturé. Beaucoup de producteurs restent avec du blé fourrager 45 livres parce qu'il n'y a pas d'acheteurs, malgré le fait que la Canada Saskatchewan Crop Insurance lui attribue une cote de qualité de 0,32. La cote de qualité devrait tenir compte du fait que le blé n'est pas commercialisable, ce qui équivaut à une cote de 0, pour que les producteurs puissent être indemnisés pour cette classe de blé.
Même notre blé vitreux de printemps, de grade 1, n'est pas vendu au prix qu'il devrait. De plus, seulement 13 p. 100 de notre blé est classé dans les catégories 1 ou 2. Nous n'arrivons pas à produire de qualité supérieure. Les producteurs n'ont plus aucune marge de crédit. Nous avons discuté avec beaucoup d'entre eux, et tous nous affirment qu'ils ne savent plus où emprunter. Plusieurs établissements de crédit ont instruit leurs gérants de ne pas accepter les transactions à risque. Mais tous les comptes sont à risque, ou à peu près! Les établissements de crédit ont resserré leurs critères, en raison de la piètre qualité et de la piètre valeur du blé. Nos producteurs n'auront bientôt plus aucune autre issue que de solliciter les gouvernements provincial et fédéral à l'approche des semences.
Un groupe de notre province, l'APAS, a proposé comme stratégie à court terme un système de versements ciblés par acre, selon les données de l'assurance-récolte. J'ai parlé à leur président hier, et ils travaillent encore sur cette proposition.
Une autre stratégie à court terme serait un programme de retrait, qui permettrait aux producteurs de bénéficier d'une indemnité pour retirer volontairement une partie de leurs terres en culture pour une année. Un tel programme de retrait des superficies ensemencées devrait avoir les mêmes avantages pour l'industrie céréalière que pour celle de l'élevage bovin. Le retrait de terres de culture diminuerait les stocks de céréales et graines oléagineuses, ce qui aurait un effet haussier sur les prix. Non seulement cette mesure permettrait-elle de rétablir les prix des céréales et des graines oléagineuses à des taux acceptables mais, si les producteurs touchent un certain montant par acre de superficie non ensemencée, ils auront de la liquidité en vue de l'ensemencement en 2005. Deux conséquences positives sont attendues d'une telle mesure. Pour que ce programme de retrait comble une bonne partie des besoins financiers, la SARM propose certains paramètres : il devrait durer une année et chaque producteur devrait être autorisé à retirer 35 p. 100 de sa superficie ensemencée. Le gouvernement verserait 40 $ par acre retiré aux producteurs qui participent au programme.
En Saskatchewan, une ferme moyenne a une superficie qui oscille entre 1 500 et 2 000 acres. Nous proposons que le nombre maximal d'acres ouvrant droit à une indemnité du programme soit 30 p. 100 de 2 000 acres, soit 600 acres environ. Nous proposons que le programme de retrait soit distinct de celui du CSA et qu'il soit financé à 80 p. 100 par le fédéral et 20 p. 100 par le provincial.
Pour trouver des solutions à long terme, il faudra revoir de fond en comble le Programme canadien de stabilisation de revenu agricole (PCSRA). Nous savons qu'il est nouveau et qu'il fait l'objet de critiques de toutes parts, mais c'est le seul programme de soutien du revenu offert aux producteurs pour l'instant. Nous avons des assurances-récoltes et des assurances prévention, mais le seul mécanisme de soutien du revenu est le PCSRA.
La SARM est d'avis que le PCSRA n'a pas réussi à combler la chute des revenus agricoles. Les statistiques sur l'inscription démontrent que les producteurs ne font pas confiance au PCSRA. En 2003-2004, 30 p. 100 des producteurs de la Saskatchewan ne se sont pas inscrits, et 20 p. 100 de ceux qui l'ont fait n'ont pas soumis les formulaires supplémentaires avant l'échéance du 30 novembre 2004. Nous avons vérifié ces pourcentages auprès de la province. Sur les 50 p. 100 de producteurs qui n'ont pas soumis de demande ni de dépôt, beaucoup n'ont pas de marge de référence. Ils sont à mettre sur pied leur cheptel et à produire des céréales et des graines oléagineuses. Ils ne réussissent pas à tirer un revenu net de ces activités parce qu'ils réinvestissement toujours le bénéfice en immobilisations. Beaucoup n'ont pas l'argent nécessaire pour payer un comptable, dont les honoraires sont de 1 000 $ environ.
Les producteurs des secteurs bovins et céréaliers sont les plus mal en point. On dénombre en Saskatchewan quelque 23 000 producteurs dans les secteurs de l'élevage bovin, des céréales et des graines oléagineuses. C'est un double coup dur pour eux. Ces producteurs qui ont le plus besoin de soutien font chou blanc parce que leur marge de référence a été durement attaquée par des années de mauvaises récoltes ou les efforts consacrés à la constitution des troupeaux.
Il est déraisonnable d'exiger un dépôt des producteurs pour obtenir une aide gouvernementale quelconque. Ils ne peuvent pas emprunter parce que les prêteurs leur ferment leurs portes. C'est facile de nous dire d'aller emprunter de l'argent aux banques, mais la réalité est toute autre.
Voilà la situation dans les parties rurales de la Saskatchewan. C'est ce que j'ai vu de pire depuis 50 ans d'exploitation agricole.
M. Lynn Jacobson, président, Alberta Soft Wheat Producers Commission : Nous ne présenterons pas les six mémoires aujourd'hui. Nous manquons de temps. Mais, si vous nous en donnez le temps, nous aborderons trois thèmes : la disposition des wagons trémies du gouvernement; le Cadre stratégique pour l'agriculture — ou le PCSRA — et la recherche.
Tout d'abord, une question qui nous préoccupe au plus haut point et qui ne cesse de s'aggraver. M. Kovacs vous en fait le compte rendu avant que nous ne commencions.
M. Andrew Kovacs, directeur exécutif, Alberta Soft Wheat Producers Commission : Il est rare qu'un Albertain se présente ici. Nous nous en réjouissons et nous en profitons pour vous transmettre les salutations de nos concitoyens et les solutions spéciales que notre petite organisation peut offrir. Ces outils coûtent environ 6 $. Nous avons deux articles. Le premier est un outil de détente Alberta véritable, un rouge pour les libéraux et un bleu pour les conservateurs. Leur rôle est de détendre les tensions. Ceux d'entre vous qui n'êtes pas tendus pourront transformer ce jouet en un arbre ou en une maison, mais ceux qui sont très tendus pourront l'utiliser comme cela.
Nous transmettons des salutations spéciales aux honorables sénateurs. Il semblerait que des sénateurs élus attendent leur tour en Alberta. Nous vous les enverrons à Ottawa et ils seront payés pour attendre, probablement pour répondre au groupe présent aujourd'hui. En Ontario, il y a eu l'épidémie de SRAS. À Lethbridge, nous avons eu l'épidémie du DARS.
La présidente : Nous sommes toujours contents de recevoir un peu des rayons de soleil albertains ici. Je pense que votre matériel anti-stress nous sera fort utile. Et transmettez nos plus chaleureuses salutations au sud de l'Alberta.
M. Jacobson : Je vous épargne l'historique de la coalition des wagons trémies. Je vais commenter l'exposé préliminaire et certains propos que nous lisons dans la presse concernant la collision entre les agriculteurs et les wagons de train. Je vais commencer au bas de la première page de notre mémoire.
C'est un secret de polichinelle que les couteaux ont commencé à voler, pour ainsi dire, dès qu'on a su que le gouvernement fédéral étudiait très sérieusement la proposition d'acquisition de parc de wagons trémies par la FRCC. Des opposants représentant la Western Grain Elevator Association, la Western Canadian Wheat Growers et la Saskatchewan Canola Growers Association ont tour à tour mis en doute le plan d'affaires et les motivations de la FRCC.
Nous aimerions nous prononcer sur certaines des déclarations des opposants à la proposition de la FRCC.
Des groupes opposés à l'offre de la FRCC prétendent que le système de transport des grains est loin d'être parfait, qu'il est complexe et qu'il faudra soupeser longuement tout changement éventuel. La Alberta Soft Wheat Producers Commission et tout autre organisme membre de la FRCC ne peut qu'abonder dans le même sens.
Cependant, nous ne pouvons pas souscrire à l'argument de la Western Grain Elevator Association voulant que l'acquisition par la FRCC du parc de wagons à céréales rende leurs affaires trop incertaines et, en bout de ligne, qu'elle serait fatale pour le système de transport des grains. La prétention voulant que des objectifs sociaux, le programme politique et des facteurs non commerciaux interféreraient avec la gestion du parc de wagons trémies est tout simplement fausse. La FRCC a affirmé lors de réunions et dans son plan d'affaires qu'elle entendait administrer les wagons de la même manière que toute autre entreprise locatrice de wagons.
Si la FRCC prévoit entretenir et remplacer des wagons de grains à partir de revenus d'exploitation, comme l'indiquent ses plans, elle devra agir de façon responsable et tenir compte des facteurs commerciaux.
Il irait contre l'intérêt des producteurs et de la FRCC de s'adonner à un jeu de gagnants-perdants dans le système de manutention du grain. Pour ce qui est de la responsabilité, nous comptons rendre la FRCC imputable de ses actions devant les producteurs de grains de l'Ouest canadien.
On comprend mieux l'opposition des chemins de fer à la proposition de la FRCC si les chiffres obtenus sur l'entretien sont exacts. Si on lit les mémoires lus en témoignage devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire, on constate que les sociétés ferroviaires ont éludé toutes les questions relatives aux coûts réels de l'entretien des wagons. Elles préfèrent pérorer sur les réparations des trains, les wagons avariés, le transport des wagons dans les ateliers et la complexité générale du système de transport.
La Alberta Soft Wheat Producers pense que les chiffres présentés par la FRCC sur les coûts d'entretien sont assez exacts, sinon les sociétés ferroviaires seraient montées aux barricades.
La Alberta Soft Wheat Producers est devenue membre à part entière de la FRCC récemment — nous occupons un siège au conseil d'administration provisoire. L'annonce dans les journaux de notre adhésion récente à la FRCC n'a suscité aucun commentaire négatif de la part de nos membres. Mes conversations avec nos voisins et les producteurs céréaliers lors de réunions se sont presque toutes terminées sur cette conclusion : « Il est tout à fait normal que les wagons nous appartiennent. »
Toutes les autres propositions, que ce soit de la WGEA, des sociétés ferroviaires ou de groupes agricoles opposants, auraient pour conséquence de faire payer les producteurs céréaliers de l'Ouest canadien pour un bien qui appartient à quelqu'un d'autre.
Selon nous, la meilleure solution est d'acquérir le parc de wagons trémies si le gouvernement fédéral décide de le vendre. À nos yeux, le plan de la FRCC offre la meilleure option pour le maintien ou le remplacement du parc au moindre coût pour les producteurs céréaliers.
La recherche a toujours eu une importance immense pour les agriculteurs, de toutes les régions du pays et de tous les secteurs. S'il est difficile d'obtenir l'unanimité sur divers enjeux dans le monde agricole, tout le monde s'entend sur l'importance et la valeur de la recherche.
Les installations de recherche de l'ancien ministre de l'Agriculture du Canada, rebaptisé ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, jouissent d'une réputation solide pour ce qui est de leur expertise et de leur apport pour l'ensemble des producteurs. Les recherches sont menées depuis plus d'un siècle — les premières fermes expérimentales remontent à 1886. Il faudrait des pages et des pages pour énumérer chacune des découvertes et des contributions de la recherche dont les producteurs ont bénéficié. L'apport de la recherche appliquée dans le domaine de la diversification des cultures et de la production animale est incommensurable. Cet apport a été reconnu durant le processus de consultation qui a mené à la création du Cadre stratégique pour l'agriculture, qui fait la part belle à la recherche. Le gouvernement a rappelé la nécessité d'intensifier la recherche en matière de santé, de sécurité et d'environnement, ainsi que la recherche d'amont, sur les bioproduits notamment. Le secteur agricole a donné son appui à cette proposition, en tenant pour acquis que de nouveaux fonds seraient dégagés en ce sens. Le gouvernement s'est engagé à favoriser l'émergence d'un secteur agricole à la pointe de la technologie. Les producteurs ont souhaité que ces nouveaux domaines de recherche rapporteraient autant en amont dans l'industrie alimentaire que la recherche appliquée pour leurs exploitations.
Il a été admis que la recherche en amont serait avantageuse pour les producteurs si tous pouvaient en bénéficier. La recherche en amont profite au secteur agro-alimentaire et au pays dans son ensemble, mais pas nécessairement aux producteurs agricoles.
Si tout cela semble très positif, j'aimerais tout de même mettre un bémol : jusqu'à maintenant, il semble que la recherche en agriculture n'ait pas eu à subir d'aussi importantes compressions que les autres domaines.
On nous a dit que la recherche, la science et la technologie faisaient partie des grandes priorités du gouvernement. Mais nous avons été catastrophés de constater que les nouveaux budgets de recherche en santé, en sécurité et en environnement, ainsi que les budgets de recherche en amont sur les bioproduits, damaient le pion aux budgets de recherche sur l'amélioration des cultures, la production animale et d'autres domaines de recherche appliquée en production agricole. Ces domaines de recherche qui entraînent des avantages pour les producteurs à l'échelon individuel sont mis de côté parce que la recherche en amont est devenue prioritaire. C'est ce qui se passera au cours des dix prochaines années.
AAC n'a pas encore annoncé publiquement que la recherche appliquée en agriculture risquait de disparaître, et plus particulièrement les recherches sur la diversification des cultures. Peut-être l'annonce ne sera-t-elle jamais faite, mais des sources nous indiquent que c'est la décision qui a été prise. Nous espérons qu'elle sera renversée étant donné l'importance vitale de l'amélioration des plantes et de la recherche appliquée en général pour les producteurs.
Le meilleur moyen d'illustrer le caractère essentiel de ce type de recherche pour moi est de vous décrire comment se déroule la recherche dans mon industrie et les répercussions de telles compressions sur l'industrie du blé tendre blanc de printemps. Les producteurs d'autres secteurs feront certainement écho à mes propos.
Les producteurs de blé tendre blanc de printemps ont bénéficié des retombées de la recherche appliquée et de la production dans les domaines de la fertilisation, de la lutte contre les ravageurs, des maladies des céréales et de l'amélioration des plantes.
Le domaine où les avantages sont les plus manifestes est celui de l'amélioration des plantes. Tout le blé tendre blanc de printemps produit au cours des dix dernières années provient de variétés mises au point par AAC. Il n'existe aucune autre variété de blé tendre blanc de printemps dont l'usage est autorisé dans les Prairies. Il n'existe aucune autre variété de blé tendre blanc de printemps dont la qualité ou le rendement agronomique rivalise avec ceux des variétés développées par AAC. C'est pourquoi l'amélioration des plantes recèle une telle importance pour les Prairies. Le blé élevé et développé à des fins de production dans les Prairies canadiennes a nécessairement un meilleur rendement agronomique que les variétés conçues aux États-Unis, en Australie ou en Europe. La même chose pour le blé tendre blanc mis au point en Ontario. C'est pour cela qu'on a installé des fermes expérimentales dans les diverses régions du Canada, et il faut conserver ces installations de recherche. Pour justifier cet abandon de la recherche appliquée et de l'amélioration des plantes, on prétend que l'industrie privée reprendra le flambeau quand AAC se retirera.
Dans les faits, cette relève sera limitée. L'industrie privée fera un peu de recherche, mais elle en fera payer le prix aux producteurs. Et elle s'intéressera uniquement aux cultures extensives. Dans le cas du blé tendre blanc de printemps, pour lequel le marché est restreint, il serait très étonnant que les recherches se poursuivent. Les producteurs perdront peu à peu de terrain par rapport à leurs concurrents, parce que la recherche se poursuivra dans d'autres pays. La production du blé tendre blanc ne survivra pas sans la recherche.
Le ralentissement d'une production crée un effet de domino. Dans l'Ouest canadien, rien ne peut remplacer le blé tendre blanc de printemps pour la production de la farine à pâtisserie, que l'on utilise pour cuisiner des biscuits, des beignets et des gâteaux. Toute notre production de blé tendre blanc de printemps est actuellement vouée à l'usage domestique. Les conséquences pourraient aller beaucoup plus loin que la simple perte de terrain de cette culture.
Comment les moulins pourront-ils remplacer cette variété de blé? Nous pouvons seulement supputer les effets d'une rupture des stocks de blé tendre blanc de printemps pour les utilisateurs finals comme la grosse usine de fabrication de biscuits située à Edmonton, en Alberta.
Les autres catégories de blé seront moins touchées que la nôtre, mais toutes subiront les contrecoups de l'arrêt de la recherche. Chaque année, la Commission canadienne du blé publie une liste des variétés de blé cultivées dans les Prairies. Cette liste est composée en grande partie de variétés mises au point par AAC. Pendant des années, la variété la plus commune de blé de force roux de printemps a été la variété AC Barrie. Maintenant, c'est l'AC Superb qui a pris les devant. Les deux sont l'oeuvre de scientifiques d'AAC.
La recherche appliquée compte tout autant dans d'autres domaines. Les institutions et les entreprises ne disposent pas des scientifiques, des terres ni des compétences pour arriver même à la cheville d'AAC. L'arrêt des travaux d'amélioration des plantes et d'autres travaux de recherche appliquée à AAC sera catastrophique pour les producteurs, voire fatale pour certains.
La Alberta Soft Wheat Producers Commission recommande de préserver la recherche appliquée sur la diversification des cultures et la production animale, et dans d'autres domaines. Elle demande que le gouvernement s'engage à maintenir ses activités, son infrastructure et ses installations de recherche pour permettre que les travaux de recherche se poursuivent. Enfin, elle demande l'augmentation du financement de base en science et technologie afin de maintenir les activités de recherche en cours et de permettre de nouvelles recherches en amont.
M. Kovacs : J'aimerais ajouter quelques recommandations visant le PCSRA. Nous avons recommandé la création d'un comité national, composé des producteurs, de représentants du gouvernement et d'autres parties intéressées, ce qui est en train de se faire. Nous voulons nous assurer que le PCSRA continue d'être conforme aux principes sous- jacents fondées sur les exigences de l'ACSA et de l'OMC. De concert avec les provinces et les territoires, nous recommandons d'assouplir les règles pour faciliter l'accès des producteurs à des versements provisoires du PCSRA, qui leur assurerait une meilleure liquidité. Nous recommandons également l'abolition du dépôt sur la marge de référence des producteurs, et de le remplacer par une exigence de dépôt présumé. Nous avons eu des réunions sur la question en Alberta et tout laisse croire que cet objectif sera bientôt atteint. Et notre dernière recommandation est d'offrir aux producteurs la possibilité de fonder le calcul des marges de référence sur une moyenne pour cinq ans.
Ces recommandations visent une amélioration des conditions à court terme.
La présidente : Merci beaucoup. Soyez assurés que le Comité prendra connaissance des autres documents que vous nous avez soumis. Ils sont d'un grand intérêt pour nos travaux.
Le sénateur Gustafson : Je me réjouis que l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan propose des solutions à la situation de crise, qui est tout de même assez surprenante. Hier, les grands titres des journaux nous annonçaient que plus de gens meurent de faim dans le monde que jamais dans l'histoire. Un enfant meure toutes les cinq secondes. Quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde. Il faut trouver une solution mondiale au problème. Les fermiers peuvent produire de la nourriture, mais ils ont eux-mêmes des difficultés. Il me semble que notre mode moderne accorde de l'importance à tout sauf aux choses de base.
Je ne m'attends pas à ce que vous puissiez répondre rapidement, mais il est certain qu'une intervention planétaire s'impose. Il faudra peut-être se tourner vers les Nations Unies. Je sais que la malnutrition a plusieurs causes, mais il est difficile de comprendre pourquoi, alors que nous envoyons des hommes sur la lune, nous sommes incapables de voir à ce que tous aient de la nourriture et que les producteurs soient payés en retour.
C'est une déclaration très large, mais il faut bien commencer quelque part. Nous sommes aux prises avec un problème mondial grave et il faut trouver une solution.
M. Hardy : C'est en effet une déclaration très large, qui dépasse de loin les moyens de notre organisme. Nous admettons tous que le besoin dans le monde est immense, et les producteurs de la Saskatchewan sont au nombre de ceux qui sont dans le besoin. Des agriculteurs qui se voient en train de tout perdre et qui ne réussissent pas à obtenir de l'argent des établissements de crédit se suicident. Cela commence bien avant avril ou mai, quand nous commençons à ensemencer.
Nous avons rédigé une proposition visant à préserver la capacité des agriculteurs. Les problèmes ne sont pas dus à des mauvaises pratiques agricoles. À l'échelle locale, nous avons subi des gels graves le 20 août, qui ont anéanti la grande partie des cultures de blé et la moitié des cultures de canola. Le malt et l'orge ont été vendus comme plantes fourragères de qualité inférieure.
Pour aider les agriculteurs, nous proposons entre autres un programme de retrait. Bien entendu, il y a deux côtés à la médaille. Le bon côté est que les producteurs qui ont des chances de survie auront de la liquidité au printemps s'ils acceptent de retirer un certain nombre d'acres. Ce programme provoquerait aussi une baisse de la production l'année prochaine, et donc une légère hausse des prix.
Deux facteurs ont été fatals pour les agriculteurs. Le premier est le gel subi cette année et le deuxième a été le prix qu'ils ont obtenu. Ils ne reçoivent pas de subventions du fédéral ni du provincial. Nous recevons un peu du PCSRA et d'autres programmes, mais il n'existe pas de subventions aux prix. Nous devons nous contenter de très peu.
Nous travaillons à cette proposition depuis quelques jours seulement. Nous avons tenu des téléconférences et des réunions, et nous avons discuté la semaine dernière avec le sénateur Gustafson, le sénateur Tkachuk et le sénateur Mercer. Nous recevons des appuis. Il faut faire quelque chose pour nos producteurs parce qu'ils sont rendus au bout du rouleau, notamment les producteurs de bétail pour qui les grains et les graines oléagineuses sont aussi en jeu. Il ne leur reste rien.
Le sénateur Gustafson : Otto Lang avait instauré le programme de réduction des stocks de blé, qui a bien marché pour ma ferme. Je sais que M. Lang a été fort critiqué pour ce programme, mais la situation était très difficile. Il est difficile de trouver la solution parfaite, mais je confirme qu'elle a été efficace pour mon exploitation.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur Downing, vous proposez que le fédéral soit seul responsable en matière d'agriculture. C'est intéressant. Et si vous faites cette recommandation, c'est entre autres parce que lors de vos discussions avec le gouvernement fédéral, on vous dit qu'il faut obtenir l'appui des provinces.
Qu'est-ce qui empêche le gouvernement fédéral de financer le programme de l'agriculture tout seul?
M. Downing : À ma connaissance, rien n'empêche le gouvernement fédéral de le faire. C'est une question de tradition, mais il arrive que les traditions se trompent.
Le sénateur Tkachuk : C'est une question d'habitude. Quand on vous dit qu'il faut obtenir l'appui des provinces, est- ce par habitude ou pour éviter de s'attaquer au problème?
M. Downing : C'est probablement un peu des deux. Nous savons tous que plus le nombre de personnes à convaincre est élevé, plus la situation se complique.
La présidente : Je crois que, à un moment donné dans les abysses de la Constitution, on a dit que l'agriculture était de compétence partagée. Toutefois, dans ce domaine et dans bien d'autres aussi, les choses ont beaucoup changé au cours des années. Nous accueillons votre suggestion avec le plus grand sérieux, monsieur Downing.
Le sénateur Tkachuk : L'environnement est aussi de compétence conjointe, comme l'agriculture. Autrement dit, les gouvernements provinciaux et fédéral ont tous deux adopté certains secteurs d'activités. Nous faisons l'inspection de la viande. Nous faisons beaucoup de choses en collaboration, et d'autres chacun chez nous.
Je souligne que rien n'empêche un gouvernement provincial ou le fédéral d'instaurer un programme de son propre chef, sans demander l'avis des autres.
M. Downing : Il semble que les provinces aient pris le Programme d'assurance-récolte sous leur aile. Le PCSRA est bel et bien d'envergure nationale. Peut-être vaut-il mieux que le PCSRA soit administré par le fédéral et l'assurance- récolte par les provinces.
Le sénateur Tkachuk : Dans plusieurs cas, un programme fédéral convient mieux parce que les circonstances sont si différentes d'une province à l'autre qu'elles ont besoin du gouvernement fédéral pour la mise en oeuvre.
Monsieur Hardy, vous avez parlé d'un programme de retrait. Avez-vous des prévisions sur ce qu'il en coûterait au gouvernement fédéral si tous les producteurs retiraient le taux maximal de superficie?
M. Hardy : Nous avons fait des estimations très sommaires. Si tous les producteurs s'inscrivaient, la superficie retirée serait de 8 millions d'acres au maximum, ce qui coûterait 320 millions de dollars. Les producteurs de petite et moyenne envergure en bénéficieraient. Le plafond contribue à réduire considérablement la superficie retirée, et certains ne participeront pas parce qu'ils ne veulent rient savoir du gouvernement. Ils s'en tiennent le plus loin possible.
Nous estimons que la superficie maximale retirée serait de 8 millions d'acres dans notre province, où se trouvent la moitié des terres agricoles au pays. Un tel programme aidera ceux qui en ont vraiment besoin pour ensemencer au printemps.
Le sénateur Callbeck : Vous nous avez tracé un portrait de la situation extrêmement difficile et tendue qui prévaut dans votre province. Vous avez aussi parlé des wagons trémies. Je crois, monsieur Downing, que vous avez été le seul à ne pas aborder ce sujet. Êtes-vous en faveur de la coalition des agriculteurs?
M. Downing : Les producteurs ont cédé la maîtrise de leurs affaires aux multinationales à la porte de leurs fermes. J'appuie toute proposition qui leur permettra de recouvrer cette maîtrise.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que vous êtes d'accord parce que les prix vont baisser? Vous avez parlé de la réunion de novembre, au cours de laquelle la Coalition a présenté un plan d'affaires très professionnel.
Est-ce qu'il montrait que vos coûts de transport diminueraient ou êtes-vous en faveur pour des raisons d'efficacité?
M. Hallick : Ma réponse aura deux ou trois volets. Nous ne prétendons pas que les coûts baisseront de façon énorme. Ils se maintiendront, au pire. Nous voulons améliorer l'entretien et garantir les stocks, parce que les wagons appartiennent au fédéral depuis tant d'années. Il n'y a eu aucune stratégie de remplacement, et rien ne laisse présager qu'il y en aura une après la vente. Qui plus est, les wagons sont réservés au transport des grains de l'Ouest. Ils ont été achetés pour favoriser la vente du grain canadien. Dans le pire des scénarios, nous maintiendrons la capacité et l'entretien sera amélioré considérablement. C'est pourquoi nous sommes intéressés.
Comme je l'ai déjà dit, si c'est nous qui payons, il est normal qu'ils nous appartiennent. C'est le gros bon sens.
Le sénateur Callbeck : La Alberta Soft Wheat Producers Commission a parlé du PCSRA et du dépôt au compte. D'autres témoins avant vous, y compris la Fédération canadienne de l'agriculture, souhaitent qu'il soit remplacé ou éliminé. Vous avez vous-même demandé qu'il soit remplacé par une exigence de dépôt présumé. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela veut dire au juste?
M. Jacobson : S'il est admis au titre du PCSRA ou de l'AFSC en Alberta que la marge de production d'un agriculteur est de 100 000 $, 22 p. 100 de cette marge serait considérée à titre de contribution. Beaucoup d'agriculteurs doivent emprunter l'argent pour verser la contribution exigée au programme. La grande partie de l'argent du gouvernement est utilisée à d'autres fins. Cet argent ne dort pas dans un compte. Il n'est pas vraiment utilisé tant qu'il n'y a pas réclamation.
Les agriculteurs devraient être traités comme des égaux du gouvernement. Leur argent devrait recevoir le même traitement que celui du fédéral. Si l'agriculteur a fait une contribution présumée et qu'il touche 50 000 $, alors le montant de la contribution serait soustrait du chèque qui lui est versé. De cette façon, les agriculteurs n'auraient pas à emprunter d'argent à la banque. Certaines personnes voulaient transférer leur compte CSRN au PCSRA, ce qui n'allait pas non plus sans problème.
M. Kovacs : Messieurs et mesdames les sénateurs, selon les estimations, si les producteurs agricoles devenaient des participants à part entière du Programme, ils devraient emprunter des sommes allant jusqu'à 5 milliards de dollars. Ils devraient assumer l'écart entre le taux d'intérêt proposé par le Conseil du Trésor sur ce dépôt et le taux de la banque, ce qui équivaudrait à quelque chose comme 2 p. 100.
Mais ce n'est pas nécessaire. Le mécanisme de contribution présumée fonctionnerait selon les mêmes modalités que le dépôt au programme CSRN. La partie empruntée du dépôt du producteur lui sert seulement pour avoir accès à l'argent du fédéral.
Il n'est pas possible d'emprunter de l'argent sans frais. Il faut toujours payer pour emprunter. Selon les nouvelles modalités, la banque certifie au gouvernement que l'argent est réputé accessible aux fins de ce programme, sans frais.
M. Jacobson : Un autre élément entre en ligne de compte. Il en coûtera plusieurs millions de dollars au gouvernement pour l'administration des dépôts présumés. C'est du gaspillage. Le gouvernement économiserait aussi.
Le sénateur Oliver : Avez-vous pensé au billet à ordre?
M. Jacobson : On a déjà eu recours aux lettres de crédit, pour lesquelles les banques imposent des frais. C'est comme si on empruntait de l'argent. Un billet à ordre serait l'équivalent du dépôt présumé.
Le sénateur Oliver : Mais on n'a pas besoin de liquidités.
M. Downing : Les banques y sont favorables. Si je dois emprunter de l'argent, elles peuvent imposer des intérêts de 6 p. 100 et m'octroyer 4 p. 100 en boni d'intérêt sur le compte. Les banques sont les gagnantes, pas nous.
Le sénateur Gustafson : Et encore plus si le gouvernement offre une garantie.
M. Downing : C'est exact. Les établissements financiers ont fait des pressions pour avoir cette garantie. Elle n'est pas nécessaire.
Le sénateur Oliver : Je vous assure que je comprends bien toute la pression qui pèse sur les agriculteurs. Ma question porte sur ce que j'appelle la ``politique des semences''. M. Hardy a abordé un thème qui m'intéresse au plus haut point dans son exposé. Il nous a parlé des semences sélectionnées, des semences certifiées, des semences ordinaires, des semences génétiquement modifiées, et cetera.
Si je comprends bien, le coeur de la crise est votre incapacité à vous procurer des semences pour le printemps 2005. Si vous n'y avez pas accès, vous ne pourrez pas semer et récolter. Le Comité doit absolument se pencher sur des solutions possibles à la politique des semences.
Avant que M. Hardy me fasse la description de la crise actuelle concernant les semences sélectionnées, les semences communes et les semences génétiquement modifiées, j'aimerais entendre vos commentaires sur les agissements de Monsanto Canada.
En janvier dernier, la compagnie Monsanto annonçait qu'elle mettait en veilleuse le développement de son blé génétiquement modifié en raison des conditions du marché.
Pensez-vous que les compagnies semencières vont réessayer d'introduire des semences génétiquement modifiées d'ici deux ou trois ans?
Pensez-vous que les conditions du marché auront changé, et que feront alors les compagnies semencières?
Quelles sont les conséquences de l'absence de semences génétiquement modifiées sans l'Ouest?
M. Hardy : Comme nous n'avons pas utilisé ces semences, il est difficile pour nous de faire des comparaisons. Depuis le début, nous craignons par-dessus tout le mélange de semences modifiées avec nos semences communes, et notamment pour ce qui concerne les marchés d'exportation. Beaucoup de pays n'acceptent pas les céréales génétiquement modifiées. Ils refusent qu'elles soient mélangées aux autres céréales. Nous ne nous opposons pas à cette percée scientifique, mais nous n'avons aucun moyen d'empêcher les mélanges. La plupart des pays européens refusent les céréales issues d'un mélange contenant des semences génétiquement modifiées.
Je présume que Monsanto Canada nous reviendra avec ces semences à un moment donné parce que la compagnie a beaucoup investi dans leur développement. Si c'est le cas, j'espère que nous disposerons d'un moyen de ne pas les mélanger.
Le sénateur Oliver : Le vent transporte les semences sur de longues distances.
M. Hardy : En effet. On trouve du canola Roundup Ready partout.
Le sénateur Oliver : Pour revenir au problème des semences sélectionnées, quel est l'enjeu principal d'ici le printemps 2005?
M. Hardy : Je ne sais pas s'il y aura des conséquences directes en 2005. Nous sommes préoccupés par le fait que, si les changements liés aux semences sélectionnées obligent les agriculteurs à utiliser des semences certifiées ou sélectionnées, et à les acheter auprès d'un fournisseur de semences au lieu d'utiliser leurs propres semences, les coûts grimperont de façon importante. Nous achetons tous à l'occasion des semences sélectionnées et certifiées pour rétablir notre stock de semences, mais beaucoup d'entre nous les réutilisons d'une année à l'autre. C'est ce que je fais moi- même, pour diverses raisons. La première est que c'est beaucoup plus rentable et que le taux de germination est très élevé. Deuxièmement, les semences sont acclimatées aux conditions de ma région. Je vis dans le nord de la province, où les saisons sont plus courtes. D'aucuns affirment le contraire, mais la saison est plus courte. Si j'achète des semences dans le sud, elles seront conçues pour une période de cinq ou six jours de plus que les semences provenant de ma région.
[Français]
Le sénateur Gill : Monsieur Downing, vous avez dit que la situation des agriculteurs de la Saskatchewan et du reste du pays se détériore. Vous avez évoqué plusieurs problèmes dont le gel des prix. Vous avez également suggéré que le secteur de l'agriculture devrait être davantage géré par le gouvernement fédéral.
Je reviens un peu à la question du sénateur Tkachuk. Sans vouloir modifier la Constitution, est-ce que vous croyez qu'une délégation de responsabilité vers le gouvernement fédéral pourrait résoudre les problèmes des agriculteurs? Au Québec, entre autres, en dehors de la question politique, vous croyez vraiment que ce transfert de responsabilité pourrait modifier l'efficacité et la rentabilité agricoles? La situation pour les agriculteurs se dégrade depuis maintenant plusieurs années. Est-ce que cette disposition serait suffisante pour améliorer la situation?
[Traduction]
M. Hardy : Quand le gouvernement fédéral instaure un programme qui peut être avantageux, il se tourne vers les provinces, qui invariablement disent qu'il coûte trop cher. Alors, certains aspects positifs du programme sont retirés, sans quoi il ne serait jamais mis en oeuvre.
Nous participons au PCSRA depuis le début. Il a été édulcoré pour que les provinces acceptent de signer et qu'il devienne une bonne affaire pour le Canada. Dans la province du sénateur Gustafson, la Saskatchewan, les coûts sont répartis selon une proportion de 60 p. 100 pour le fédéral et de 40 p. 100 pour le provincial. Le gouvernement provincial négocie donc le retranchement de certains éléments du programme pour économiser.
Un exemple frappant de cette situation est l'assurance contre la grêle et l'assurance-récolte auxquelles souscrivent les producteurs. Si on pouvait retrancher du PCSRA les produits et les indemnités de l'assurance contre la grêle, les producteurs jouiraient d'une bien meilleure protection, parce que le programme serait beaucoup plus axé sur les coûts de production. Les provinces affirment que c'est au-dessus de leurs moyens. C'est considéré comme une dépense. C'est un exemple.
Les régimes d'assurance-récolte varient d'une province à l'autre. C'est plutôt un programme général de soutien au revenu, un domaine de compétence nationale.
Le sénateur Hubley : Après les conditions climatiques difficiles qui ont malmené l'industrie du blé, la Commission canadienne du blé s'est-elle impliquée dans la commercialisation?
A-t-elle pris des mesures particulières pour améliorer le sort des agriculteurs?
Qu'arrive-t-il dans les marchés internationaux si vous ne pouvez les approvisionner? Avez-vous des réserves que vous utilisez pour remplir vos obligations quand de telles circonstances vous frappent?
M. Hardy : Un représentant de la CCB serait beaucoup mieux placé que moi pour répondre. Les agriculteurs ne maintiennent pas de stocks à la ferme d'une année à l'autre. Nous faisons pousser le blé, nous le vendons, et nous ne le voyons plus. Je ne crois pas que la CCB ait beaucoup de réserves non plus, mais je ne peux répondre à cette question.
Le sénateur Hubley : La Commission canadienne du blé n'a aucune obligation d'acheter votre blé?
Si c'est une bonne année, elle achète beaucoup. Mais si l'année a été mauvaise, elle n'achète pas?
M. Hardy : Les consommateurs outre-mer demandent probablement du blé de première qualité.
Le sénateur Hubley : Qui sont vos concurrents?
M. Jacobson : Je pense que le rôle de la CCB n'est pas bien compris. Tout d'abord, elle n'achète pas notre blé. Elle en assure la manutention, une distinction fort importante. Elle joue un rôle de représentant; nous ne sommes pas ses clients. Notre client est l'utilisateur final de la céréale.
Pour ce qui est des réserves de blé, comme M. Downing l'a déjà dit, tout ce que nous avons se trouve dans les stocks à la ferme, ou dans les silos-élévateurs à la fin de l'année.
Le programme de vente, dans une certaine mesure, vide les réserves. M. Weisensel, de la CCB, pourra mieux répondre à certaines questions techniques. Les agriculteurs ne s'occupent pas du fonctionnement courant du système. Nous avons donc peu à dire sur la question.
Le sénateur Hubley : Pouvons-nous lui demander de nous en dire un peu plus?
La présidente : La CCB comparaîtra plus tard.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais vous entendre au sujet de la production d'éthanol.
M. Jacobson : Nous avons examiné la question de l'éthanol dans notre industrie. Certaines de nos variétés de blé tendre produisent plus de biomasse ou d'amidon que d'autres céréales produits au Canada. Elles sont très concurrentielles. Cependant, le bilan de l'éthanol est négatif. Il en coûte plus à produire.
À moins que le Canada n'adopte une loi contre la pollution de l'air semblable à celle des États-Unis, l'éthanol ne deviendra pas une industrie viable. L'industrie de l'éthanol a besoin de biomasse ou d'amidon, elle ne s'intéresse pas à la qualité ni au grain. Tout ce qu'on peut produire sera toujours de moindre valeur pour cette industrie. Il faudrait produire plus pour obtenir le revenu que nous avons présentement.
M. Hardy : La Saskatchewan a amorcé timidement le virage vers la production d'éthanol. Nous avons deux grandes usines : Husky Energy Inc., située à Lloydminster, a commencé ses activités et produira 15 millions de litres par année. Une autre usine sera située à Weyburn.
Avec l'éthanol, la principale difficulté est de trouver un bon prix, comme l'a déjà mentionné M. Jacobson. Le coût de production dépasse le prix qu'on obtient du produit. Il faudra des subventions.
Une autre petite usine, située à Foam Lake, produit du biodiésel. Certains autobus scolaires et des autobus du réseau de transport en commun de Saskatoon fonctionnent au biodiésel. On a fait un petit pas dans cette direction, mais il reste beaucoup à faire. Au moins, la Saskatchewan a amorcé le virage.
M. Kovacs : J'ajouterai que le blé tendre offre des débouchés intéressants. Notamment, si le Manitoba se dotait de 3 usines d'envergure mondiale — le fédéral devrait adopter une loi — et que l'éthanol représentait 10 p. 100 des carburants utilisés dans la province, nous pourrions consacrer 30 p. 100 de la production céréalière totale pour approvisionner les consommateurs d'éthanol. Ce serait très avantageux dans une province sans accès à la mer, où les coûts de transport sont les plus élevés au pays.
Le sénateur Tkachuk : Vous nous avez affirmé que le Cadre stratégique pour l'agriculture visait l'accroissement de la recherche dans les domaines de la santé, de la sécurité et des questions environnementales, ce qui risque de faire disparaître la recherche appliquée.
Faut-il en conclure que les centres de recherches en agriculture seront fermés?
Avez-vous entendu quoi que ce soit à ce sujet? Y a-t-il eu une annonce officielle?
Est-ce que c'est ce que les taupes du Ministère vous ont dit?
M. Jacobson : Nous faisons un peu partie des taupes dans ce dossier. Rien n'est officiel, mais nous avons vu un classement des centres. On les a classés dans trois catégories : bonne, correcte et de piètre qualité. Par exemple, un centre de recherche d'Ottawa a été classé comme étant en piètre état, sur le plan des bâtiments et de l'infrastructure. Celui de Swift Current et d'autres sont aussi en mauvais état. Le gouvernement est en réflexion, en raison des coûts d'entretien de certains de ces centres. Nous pensons que les centres de recherche seront déclassés.
J'ai également un plan d'action pour les 10 ou 20 prochaines années, axé sur la biorecherche. C'est ce qu'on appelle la recherche en amont sur le matériel biologique et génétique. Du point de vue de l'agriculteur, ce secteur de l'industrie n'a aucun intérêt. Ces recherches ne produisent pas de plante, mais le matériel génétique. Qui produira des plantes?
Actuellement, les recherches en cours à AAC visent essentiellement à produire des plantes et des variétés que nous utiliserons. Selon les plans, c'est la recherche en amont qui aura la préséance, qui sera utile aux université et aux grosses compagnies.
Si on se fie à notre expérience des grosses compagnies, si elles font la recherche en matière de développement de nouvelles plantes, elles obtiennent le brevet de ces plantes et des semences. Comme l'agriculteur est l'utilisateur final de toutes ces semences, il devra payer encore des coûts supplémentaires pour utiliser la technologie.
Le sénateur Tkachuk : Dans le cadre de ce programme, même si les compagnies font le travail du gouvernement fédéral, elles collaborent avec les universités. Cette collaboration a été une réussite depuis de longues années au Canada. C'est du moins ce que je comprends.
M. Jacobson : Dans une certaine mesure, notre industrie fait des envieux partout dans le monde. Mais un changement de fond s'est produit. Nous avons un représentant à la WGRA, la Western Grain Research Association, que vous connaissez. Elle obtient des subventions de contrepartie, et elle doit s'adresser au fédéral pour ce qu'on appelle des subventions AMI. Elle a eu très peu de succès pour ce qui est des ententes avec le gouvernement fédéral en matière de recherche. Son domaine est celui du développement des plantes, qui relève de l'agronomie. Elle développe de nouvelles variétés à l'intention des agriculteurs. Très peu d'ententes ont été signées jusqu'à maintenant, et normalement cela se fait avant novembre.
M. Kovacs : Les institutions publiques qui font de la recherche sur la sélection des plantes — on ne cherche pas longtemps d'où vient l'argent — ne sont pas intégralement financées par le fédéral. Au cours des 15 dernières années, on s'est tourné vers l'industrie pour du financement précaire, et les producteurs ainsi que l'industrie fournissent dorénavant 60 p. 100 en contrepartie des subventions. Donc, le gouvernement fournit à peine 40 p. 100 de l'argent.
Il est important de rappeler que le financement public de la recherche profite à tous. Certes, c'est le producteur qui en bénéficie le premier parce qu'un tel cultivar a des caractéristiques agronomiques particulières, qu'il est plus productif ou de meilleure qualité. Mais en réalité, tout le pays en tire des avantages. C'est pourquoi le financement de la recherche a toujours fait partie du mandat du fédéral, parce que c'est tout le pays qui en bénéficie. C'est 60 p. 100 de cette recherche qui est dorénavant financée à même des sources précaires. Et selon nos sources, le gouvernement fédéral veut maintenant supprimer la partie de 40 p. 100 qui lui reste.
Le sénateur Tkachuk : Peut-être pourrons-nous faire un suivi et obtenir la position officielle dans une période de questions.
La présidente : Peut-être pourrons-nous demander à un représentant du Ministère de nous en dire plus. C'est une question très importante.
Le sénateur Tkachuk : Je crois qu'il faudrait plutôt le demander à un politicien.
La présidente : Vous pouvez le faire aussi, mais nous pouvons nous adresser à un fonctionnaire.
Le sénateur Tkachuk : Si j'ai le temps, j'aimerais parler brièvement de la question de l'éthanol avec M. Hardy.
Le sénateur Gustafson : Monsieur Jacobson, combien recevez-vous pour un boisseau de blé tendre? Quel est le prix provisoire ou initial?
M. Jacobson : Nous recevons 130 $ par tonne.
Le sénateur Gustafson : Combien cela fait-il pour un boisseau?
M. Jacobson : Je vais devoir faire des calculs.
M. Kovacs : Cela fait 4 $ environ du boisseau. On enlève 1,40 $ pour le fret, l'élévateur, la manutention et autres frais. Au final, il nous reste environ 2,60 $ par boisseau. On touche un paiement initial, puis le paiement final. Le paiement initial s'élève à un peu plus de 2,50 $ par boisseau.
Le sénateur Gustafson : Est-ce que c'est moins que pour le blé dur?
M. Jacobson : Nous sommes bloqués au prix d'équivalence du blé dur de grade 2 à 12,5 p. 100 de protéine. Nous sommes à quelques sous de la déclaration PDR.
Notre industrie se compare avantageusement à celle de l'industrie du blé dur, à cause du rendement supérieur.
Le sénateur Gustafson : Ce prix couvre-t-il le coût des intrants?
M. Jacobson : À l'heure qu'il est, non.
Le sénateur Gustafson : Vous perdez de l'argent pour chaque boisseau de blé que vous cultivez?
M. Jacobson : Quand ils reçoivent le paiement initial, tous les agriculteurs sont en déficit.
M. Kovacs : On peut réaliser un profit sur les derniers 10 p. 100 du dernier paiement provisoire et du paiement final. C'est la marge de profit à laquelle peuvent s'attendre les producteurs, même ceux dont les terres sont irriguées.
Le sénateur Gustafson : Est-ce le cas pour la majorité des productions de blé tendre?
M. Jacobson : La majorité du blé tendre est cultivée dans le sud de l'Alberta, sur des terres irriguées. Une partie est produite en Saskatchewan, et les terres sont irriguées également.
M. Kovacs : Pour répondre aux questions précédentes du sénateur, on a mis une nouvelle variété à l'essai, le AC Andrew. Cette variété est cultivée à Lanigan, en Saskatchewan, par la bande PoundMaker. On a préféré cette variété à la variété roux de printemps des Prairies canadiennes en raison de la qualité de son amidon, en vue de la production d'éthanol. Nous nous intéressons au potentiel pour la production d'éthanol, en privilégiant les variétés à haut rendement à forte teneur en amidon.
Le sénateur Gustafson : Pour ce qui est de la proposition de M. Downing concernant un programme national, c'est une idée que proposait John Wise il y a 20 ans. Elle est restée lettre morte. L'Ontario ou l'Alberta se retirent toujours.
Quelle est la contribution de chacune de vos provinces au PCSRA?
M. Downing : Ma province contribue sa part prévue de 40 p. 100, selon ce que j'en sais.
M. Jacobson : L'Alberta aussi. La province remplit entièrement son engagement provincial à l'égard du PCSRA à l'heure qu'il est.
M. Hardy : La Saskatchewan a imposé un plafond de 99 millions de dollars, ce qui est en deçà des 40 p. 100. Pour 2003, sa contribution était d'à peine 10 p. 100. Le fédéral a fourni 60 p. 100, et la province 10 p. 100. C'est tout ce que les fermiers ayant fait une demande au PCSRA ont touché en 2003.
Le sénateur Gustafson : Est-ce qu'on a demandé au gouvernement de la province, bien nantie maintenant, de contribuer sa juste part?
M. Hardy : Bien entendu! J'ai parlé à M. Wartman il y a quelques jours à peine. C'est notre ministre de l'Agriculture en Saskatchewan. Nous avons fait beaucoup de pressions auprès de lui et de son Ministère. Je ne sais pas s'ils bougeront ou non. J'ai l'impression que oui. Ils ont suffisamment d'argent pour se commettre, cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Oliver : Ma question portera sur la recherche. Vous nous avez tous parlé des gels hâtifs, des dommages irréversibles sur une bonne partie des récoltes.
Des travaux de recherche ont-ils déjà démontré la possibilité de valeur ajoutée même si les récoltes sont mauvaises, par des moyens différents?
On entend beaucoup parler de l'éthanol. Qu'en est-il des autres produits à valeur ajoutée à partir de céréales ou de graines oléagineuses de moins bonne qualité?
M. Hardy : Tout dépend de la teneur en protéine. Si elle est très faible, la récolte perd quasiment toute valeur. Même l'industrie du porc et toute industrie qui en fait un usage secondaire n'en veut pas si la teneur en protéine est trop faible.
Certaines des cultures endommagées à moindre échelle ont une bonne teneur en protéine. Ces cultures peuvent intéresser l'industrie du porc. Pas l'industrie avicole. Personne d'autre n'en veut. On trouve partout au pays des tonnes et des tonnes de ce blé et de cette orge. On ne veut même pas les ensiler parce qu'on sait qu'il faudra détruire ces céréales.
Le sénateur Oliver : On ne peut vraiment rien faire avec ce produit?
M. Hardy : Non, pas que je sache. Les seuls types d'utilisateurs secondaires sont les industries porcine, de l'élevage bovin et avicole. Ce produit ne convient pas pour la production d'éthanol. C'est un produit perdu, du moins à notre connaissance.
Le sénateur Oliver : Des gens de l'industrie de la pêche utilisent les têtes, les queues et les abats pour fabriquer la nourriture pour les chats et les chiens. C'est une industrie multimilliardaire.
Vous nous dites qu'aucune recherche n'est faite pour trouver des débouchés. Est-ce qu'on envisage de telles possibilités?
M. Jacobson : Nous n'avons entendu parler d'aucuns travaux de recherche concernant l'utilisation de produits de piètre qualité. Cela ne nous arrive pas souvent. Mais quand cela se produit, c'est catastrophique pour notre industrie. Même si vous avez 30 ou 40 livres de blé, il est vide. Le blé n'a pas de chair; il y a seulement l'écale.
Le sénateur Oliver : La majorité des Canadiens qui ne sont pas agriculteurs comprennent maintenant mieux la gravité de la situation. Même le blé coupé pour être indemnisé par l'assurance n'a aucune valeur.
M. Jacobson : C'est un des problèmes de l'assurance-récolte. Ils paient selon le nombre net de boisseaux, et non selon le nombre d'acres. C'est réellement un problème. On est payé au boisseau. Dans notre région, nous sommes indemnisés pour le blé irrigué. La couverture est de 65 boisseaux. Si on récolte 65 boisseaux, un escompte est prélevé sur une ou deux récoltes. Mais si on produit 100 acres de blé qui n'est bon à rien, on n'obtient pas d'indemnité pour l'assurance-récolte, parce qu'il y a eu production. On n'a rien à vendre, et on n'a pas d'argent.
M. Downing : D'autres propositions concernaient des mesures d'aide en vue du printemps 2005.
Il existe déjà un programme d'avance printanière fondé sur l'assurance-récolte. Il est imparfait, avec un plafond fixé à 50 000 $. Même si j'ai souscrit une assurance-récolte de 110 000 $ pour ma ferme, le plafond reste à 50 000 $.
Peut-être ai-je besoin d'un crédit de 100 000 $ pour cette récolte. Mais je peux obtenir seulement 50 000 $ du fédéral à titre d'avance printanière. Je devrai peut-être faire appel à la multinationale céréalière pour le reste. Et c'est là que nous mettons le pied dans le piège. La multinationale avance le crédit, mais à condition qu'on signe une entente de livraison de canola à l'automne, au prix qu'elle aura décidé. Ce prix ne fait pas mon affaire, mais j'ai besoin du crédit. Alors je signe et je m'engage.
Hier, nous avons demandé à Agriculture Canada de lever ce plafond. On nous a répondu qu'il n'y avait aucune raison de ne pas le lever, mais qu'il faudrait faire des pressions avant.
Ma police d'assurance-récolte est un document gouvernemental. Je n'invente rien. Pour moi, cela revient à une protection pour mes récoltes, alors il faut enlever le plafond.
Nous sommes unanimes à réclamer une autre forme d'aide. J'aimerais que l'on mette en place un programme de financement temporaire en prévision d'une baisse de la marge établie au titre du PCSRA. Si ma période de référence est fixée à 100 000 $ et que je me retrouve à zéro, c'est ce qui s'appelle une diminution de 100 p. 100. Le programme couvre seulement 70 p. 100 de cette diminution, c'est-à-dire 70 000 $. Le programme de financement temporaire permettrait de combler la différence jusqu'à 100 p. 100.
Les paiements pourraient être accordés au secteur touché. Ils pourraient être destinés aux personnes qui ont véritablement subi les dommages. Tous les autres programmes ont été établis en fonction des critères du CSRN qui consistent à utiliser les ventes nettes admissibles. Plus la récolte est importante, plus les VNA sont élevées, et plus le chèque est conséquent. Personne n'a reçu de chèque vraiment intéressant dans les régions où il y a eu trois mauvaises années de suite, et pas de VNA. Cette approche aurait eu le mérite de cibler les zones problématiques.
Ma suggestion est la suivante : si l'on doit mettre en place un système de paiement ponctuel, pourquoi ne pas l'établir en fonction de la baisse de la marge et la compenser entièrement jusqu'à concurrence de 100 p. 100.
La présidente : En avez-vous parlé avec Agriculture Canada?
M. Downing : Oui.
Le sénateur Tkachuk : M. Hardy a mentionné les usines d'éthanol en Saskatchewan. Le Canada a déployé beaucoup d'efforts en vue de diversifier les produits de l'agriculture, et nous sommes bien placés pour le savoir en Saskatchewan; Peckford a eu ses concombres et Romanow ses pommes de terre, et les deux furent des désastres. J'aimerais poursuivre sur l'éthanol.
Est-ce que le gouvernement en subventionne directement la production, ou est-ce par l'entremise de crédits d'impôt?
Quel est le mode de fonctionnement?
Vous avez mentionné Husky Energy Inc. et Weyburn. Est-ce que Weyburn est une coopérative, une société privée ou s'agit-il d'une société d'État?
M. Hardy : L'usine de Weyburn appartient à une entreprise privée. Celle de Husky, comme vous le savez, appartient à Husky Energy Inc. Les deux sont subventionnées par l'élimination de la taxe sur l'essence. Ces entreprises ne paient aucune taxe sur l'essence provinciale. Nous devons payer 15 cents le litre, mais pas eux. Cela constitue une partie de leur financement croisé. C'est le moyen qu'a choisi la province pour réaliser son financement croisé; la société PoundMaker, elle aussi, a fonctionné de cette manière durant des années à Wynyard.
Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement fédéral imposera-t-il une taxe d'accise sur ce produit?
M. Hardy : Je l'ignore.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que ce serait comme de l'essence détaxée?
M. Hardy : C'est détaxé.
M. Kovacs : La taxe d'accise provinciale est éliminée pour faciliter les choses. Mais je pense qu'une partie de la taxe d'accise fédérale est éliminée aussi afin d'encourager la production de l'éthanol, mais la taxe d'accise s'applique toujours à l'éthanol.
M. Hardy : Puis-je faire un commentaire?
La présidente : Pendant que vous faites votre commentaire, brièvement s'il vous plaît, le sénateur Gustafson aimerait ajouter quelque chose au sujet de la proposition que vient de faire M. Downing.
M. Hardy : Concernant la suggestion de M. Downing au sujet d'un programme qui servirait à combler la différence par rapport à la marge de référence, le problème que nous avons en Saskatchewan tient justement à la marge elle- même. En effet, la majorité des producteurs, en tout cas beaucoup, ne sont pas visés par le programme, parce qu'ils n'ont aucune marge de référence pour commencer. Vous auriez beau combler la différence, en ce qui les concerne, cela n'avancerait à rien. C'est ça le problème.
Notre industrie est passée de la culture des céréales et des graines oléagineuses à l'élevage du bétail. Toutes les marges de référence ont été réinvesties dans les immobilisations, et cela ne figure pas dans les marges de référence. En Saskatchewan, notre principal problème en ce qui concerne le PCSRA tient justement au fait que nous ne disposons pas de marges de référence. Cette situation a pour effet de réduire énormément les liquidités. Je tiens à apporter cette précision, parce que notre situation est différente de celle du Manitoba.
La présidente : Messieurs, les représentants de la Commission canadienne du blé attendent, et leur tour est arrivé. Je me demande si vous ne pourriez pas accélérer un peu, monsieur Downing.
M. Downing : J'ai parlé de « baisse de la marge ». Aujourd'hui, le programme assure les marges négatives, de sorte qu'il compense pour la baisse de la marge.
La présidente : Merci à tous de vous être déplacés. Ce fut une matinée des plus instructives, et tous vos documents et commentaires seront distribués.
M. Hardy : Je tiens à remercier tous les sénateurs, ainsi que vous-même, madame la présidente, de nous avoir permis d'exprimer les points de vue de nos provinces respectives. Il est important pour nous de nous faire entendre dans cette Chambre, et je suis persuadé que vous faites tout votre possible pour nous venir en aide.
La présidente : Il est en effet important que vous veniez directement nous expliquer la situation.
Mme Jacobson : Nous apprécions énormément que vous nous ayez permis aujourd'hui de vous faire cet exposé. Nous n'avons pas souvent l'occasion de venir ici, et nous considérons cela comme un privilège.
La présidente : Honorables sénateurs, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de la Commission canadienne du blé. Il s'agit de M. Dwayne Anderson, administrateur, de la Saskatchewan, et de M. Ward Weisensel, chef de l'exploitation.
Officiellement, nous devons conclure à 10 h 30, mais nous pouvons déborder un peu vers la fin, si vous avez le temps aussi.
M. Dwayne Anderson, directeur, région Fosston/Rose Valley en Saskatchewan : Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs. Merci de nous donner la possibilité de vous présenter notre déclaration ce matin.
Je suis le directeur élu pour le district sept qui représente une grande partie du centre est et nord-est de la Saskatchewan. Je représente des agriculteurs ayant été considérablement éprouvés par la gelée précoce de cet automne. Je suppose que c'est la raison pour laquelle le président de notre conseil d'administration m'a demandé de venir témoigner à titre de représentant des agriculteurs ayant été touchés par cette gelée. Depuis 22 ans que je cultive la terre, c'est de loin la plus belle récolte que je n'ai pas eue. En effet, c'était la plus grosse récolte que nous ayons jamais vue dans notre ferme. Elle était merveilleuse à voir jusqu'au 20 août. Mais en une nuit, nous avons perdu une partie importante de sa valeur sur le marché.
Nos cultures de blé et de canola ont subi des dommages importants. Il y a eu moins de dégâts dans les champs d'avoine et de pois vert. Toutefois, étant donné que l'impact de la gelée varie tout dépendant de l'étape de maturité de la culture, ma récolte d'orge était exceptionnelle.
Les dommages occasionnés par le gel, la sécheresse et la grêle peuvent varier beaucoup dans la même petite région. Même sur notre ferme, qui ne s'étend que sur 15 kilomètres, d'une extrémité à l'autre, les dégâts causés par la gelée ont été variables. La maturité des cultures peut avoir une incidence importante, mais l'impact, dépend aussi beaucoup de l'élévation.
Je répondrai avec plaisir à vos questions après l'exposé de M. Weisensel. Il est venu vous donner un aperçu de l'état des cultures produites au Canada, de la production mondiale et des perspectives de marché pour les céréales de l'Ouest canadien.
M. Ward Weisensel, agent en chef des opérations, Commission canadienne du blé : Je vais me référer aux graphiques qui vous sont distribués pendant que je vous parle. Le deuxième graphique est intitulé « Facteurs généraux liés au marché ». Pour bien comprendre les prix à la ferme au Canada, il est essentiel de comprendre que la hausse du dollar canadien, qui a eu une incidence sur toutes les industries, a également eu des répercussions importantes sur le secteur du blé et de l'orge. Pour mettre les choses en perspective, jetons un coup d'œil sur les taux de change durant les trois dernières campagnes agricoles. Il faut comparer un dollar canadien qui valait 82,7 cents US le 7 décembre, à un dollar dont la valeur se situait en moyenne à environ 74 cents durant la campagne agricole précédente. Durant la campagne agricole de 2002-2003, la valeur du dollar canadien a oscillé autour de 67 cents.
Le commerce international des céréales, à l'instar de bien d'autres marchés, s'effectue en dollars américains. À titre d'exemple, cela signifie qu'une vente dont la valeur est de 150 $US au port à Vancouver représente 181 $CAN aujourd'hui. Avec le taux de change moyen en vigueur durant la campagne 2003-2004, la même vente représente 203 $CAN, et avec le taux de change moyen durant la campagne de 2002-2003, elle représente 224 $CAN. Juste pour vous donner une idée de l'impact que peut avoir le taux de change sur le rendement net pour les agriculteurs de l'Ouest canadien.
Le troisième graphique est intitulé « Production mondiale par rapport à la consommation ». La barre verte, à l'extrême droite, sert à illustrer que nous avons produit une récolte de blé exceptionnelle cette année. Six cent quinze millions de tonnes de blé, ce qui est un record historique. Ce résultat survient après plusieurs années durant lesquelles nous avons assisté à une baisse de la production, mais pour la première fois depuis plusieurs années, la production dans le monde entier a dépassé la consommation. L'écart est d'environ 10 millions de tonnes, ce qui signifie que les stocks en fin d'année seront plus élevés de 10 millions de tonnes par rapport à l'année précédente.
C'est d'ailleurs le sujet du graphique suivant qui s'intitule « Stocks mondiaux de blé (clôture) ». Ce graphique montre que, depuis la campagne agricole de 2000-2001, les stocks mondiaux de blé étaient à la baisse. Cette année, nous assisterons au renversement de cette baisse et à de légères augmentations, ce qui a exercé une certaine pression sur les prix. Cette augmentation des stocks et cette augmentation générale de la production sont le résultat direct des cultures sur une très vaste échelle dans l'Union européenne. En effet, on y est passé d'une production d'un peu plus de 100 millions de tonnes l'année dernière à plus de 130 millions de tonnes cette année. Pour mettre les choses en perspective, cette année, dans l'Ouest canadien, nous avons produit environ 23 millions de tonnes de blé. Leur augmentation de production équivaut à notre récolte entière. Cela vous donne une idée de la taille de l'agriculture dans cette région du monde.
Il ne faut pas considérer cette production mondiale exceptionnelle de blé isolément. En ce qui concerne la situation des céréales fourragères sur la scène mondiale, cette année, les États-Unis enregistreront une production exceptionnelle de mas. On s'attend à ce que les États-Unis produisent environ 260 millions de tonnes ou 11,8 milliards de boisseaux de mas, ce qui constitue une récolte exceptionnelle. L'année dernière aussi on a enregistré une récolte exceptionnelle avec 10,6 milliards de boisseaux. Cette augmentation à elle seule est l'équivalent de la production totale des six principales céréales dans l'Ouest canadien. Il y a une offre abondante sur ce marché.
La qualité toutefois présente un problème, non seulement ici, au Canada, mais aussi aux États-Unis. Les Américains ont eu de la pluie pendant toute la durée de la moisson de leur culture d'hiver, ce qui en a détérioré la qualité, et la Russie et l'Ukraine ont également éprouvé des problèmes avec la qualité de leur production. Cela signifie que l'on dispose d'abondants stocks de blé de qualité moyenne à inférieure sur le marché mondial, et c'est un facteur à considérer.
En revanche, un facteur joue en notre faveur, et il s'agit de la sécheresse ayant sévi en Australie qui a entraîné une diminution de leur production. L'année dernière, les Australiens ont produit 24 millions de tonnes de blé. Cette année, nous prévoyons qu'ils en produiront environ 20 millions de tonnes, ce qui est un facteur positif pour nous.
Malgré ces augmentations, à la page quatre, nous montrons un ratio stocks/consommation de 23 p. 100, ce qui est relativement restreint historiquement. Nous allons nous retrouver avec un stock en fin de campagne plus élevé que par les années passées, mais il ne s'agit pas d'un stock qui pose énormément de difficultés si on adopte une perspective historique à long terme, et qui soutient le marché.
Le cinquième graphique illustre la situation de nos cultures. En effet, ce graphique montre la teneur moyenne en protéines de toutes les cultures de blé roux de printemps dans l'Ouest canadien. Cette année, la teneur moyenne en protéines était de 13,3 p. 100, ce qui est inférieur à la moyenne des dix dernières années. Pour vous donner une idée de la gravité de la situation, cette année, en raison de la gelée et de la pluie au moment de la moisson, seulement 30 p. 100 de cette production de blé se classera dans les deux premières catégories de qualité. Depuis dix ans, environ 65 p. 100 de cette récolte se classait dans les deux premières catégories de qualité en moyenne. L'année dernière, 90 p. 100 de cette récolte s'était classé dans les deux premiers rangs. On peut en conclure que nos résultats sont très maigres en ce qui concerne la première qualité, la teneur élevée en protéines, et cela nous a posé des défis assez uniques pour ce qui est de la commercialisation de cette récolte en particulier, cette année. Le défi consistait, et il le demeure, à amener les clients à acheter un produit à plus faible teneur en protéines et de qualité inférieure, ce qui représente un changement radical par rapport à l'année dernière.
Nous nous concentrons sur les minoteries nationales. Le Japon et le Royaume-Uni sont des marchés clés pour les céréales de haute qualité pour des quantités aussi limitées. Nous essayons de convaincre certains clients d'accepter un produit de qualité inférieure et des spécifications inférieures concernant le taux protéique. Nous essayons de convaincre des clients qui ont toujours acheté du blé de classe no 2 d'acheter du blé de classe no 3 en nous fondant sur les spécifications plus rigoureuses dans ces catégories.
Une chose nous a posé un problème : étant donné qu'en plus d'avoir eu une récolte de qualité inférieure et de sérieux problèmes de production, comme vous le savez, nous avons moissonné très tard dans la saison, aussi il a été très difficile de prélever les échantillons dans les champs pour nos clients. Lorsque l'on veut convaincre des clients de se tourner vers un produit différent de celui qu'ils ont acheté dans le passé, il faut être capable de le faire en leur procurant des échantillons afin qu'ils puissent se faire une idée en l'essayant dans leurs minoteries et leurs boulangeries. Nous avons finalement réussi à obtenir ces échantillons, et à convaincre certains clients de modifier leurs habitudes de consommation, mais cet exercice représente un élément clé de la stratégie durant la présente période de vente.
Évidemment, comme vous l'avez entendu, cette année en particulier, nous avons d'importants stocks de blé fourrager à vendre. Nous estimons qu'environ 30 p. 100 de cette récolte de blé se classera dans le fourrager. Les principaux marchés pour le blé fourrager se situent largement dans l'Asie du Sud-Est. Nous avons un très bon programme de ventes pour le blé fourrager aujourd'hui, mais nous ignorons s'il y aura davantage d'efforts à consentir dans cette catégorie en particulier.
Le graphique 6 donne une idée de nos prévisions en ce qui concerne les perspectives de rendement. Ce graphique montre les prix aux agriculteurs depuis la campagne agricole de 1983-1984 jusqu'à aujourd'hui afin de vous présenter un long historique de la situation.
Nous estimons que, pour la présente campagne, le blé roux no 1, à 13,5 p. 100, se situera à 202 $ la tonne en entrepôt, à Vancouver. Le blé roux no 3 se situera à environ 165 $ la tonne en entrepôt à Vancouver. Nous n'avons pas indiqué le prix pour le fourrager, mais nous prévoyons qu'il tournera autour de 118 $ la tonne en entrepôt à Vancouver.
Le graphique 7 décrit la production de blé dur, une culture assez unique en son genre. Il s'agit d'un produit qui convient particulièrement à la fabrication des pâtes et du couscous. Les pâtes sont un aliment de grande consommation au Canada et aux États-Unis, mais en Afrique du Nord, c'est le couscous qui se classe au premier rang des aliments consommés; et les pays de toute l'Afrique du Nord représentent entre 30 p. 100 et 50 p. 100 de la demande annuelle mondiale de blé dur à l'importation. C'est une région de la planète extrêmement importante en ce qui nous concerne.
Les chiffres qui apparaissent dans ce graphique en particulier vous montrent que la récolte de blé dur a été exceptionnelle en 2004-2005, et ce, à l'échelle mondiale. L'un des principaux aspects de cette récolte exceptionnelle est la production de l'Union européenne qui se chiffre à 11,4 millions de tonnes de blé dur. Au Canada, par comparaison, nous avons produit environ 4,8 millions de tonnes de blé dur cette année. Cela vous donne une idée de l'ampleur de la production de ce côté-ci de l'équation. La production européenne est en hausse de 8,3 millions de tonnes par rapport à l'année précédente. Vous pouvez constater que la seule augmentation de production en Europe correspond à près de 60 p. 100 de notre récolte annuelle.
Je vous ai mentionné à quel point l'Afrique du Nord était importante pour nous en ce qui concerne ce produit en particulier. Nous nous attendons à ce que la demande soit inférieure à la normale depuis cinq ans parce que l'année dernière, on a obtenu des récoltes supérieures à la moyenne dans cette région du monde. Ces résultats sont problématiques.
Même si l'Union européenne a produit une récolte très importante, il reste qu'elle a éprouvé aussi des difficultés sur le plan de la qualité, et en se basant sur la moyenne sur 10 ans, on peut s'attendre à ce qu'elle importe davantage de blé dur qu'elle ne l'a fait dans le passé. Habituellement, l'Europe importe près d'un million de tonnes de blé dur d'un peu partout dans le monde, et elle deviendra un fournisseur de premier plan pour ce marché. Cette année, nous prévoyons qu'elle importera entre 1,4 et 1,5 million de tonnes.
Le graphique 8 vous décrit la qualité de la récolte de blé dur; et ce que je vous ai dit au sujet du blé est également vrai pour le blé dur. Vous pouvez voir que l'on prévoit que juste un peu moins de 35 p. 100 de la récolte de blé dur se classera dans les deux premiers rangs. Ce résultat se situe bien en deçà de notre moyenne depuis dix ans. En effet, cette moyenne sur dix années est supérieure à 60 p. 100. Vous pouvez voir les résultats obtenus l'année dernière, alors que 92 p. 100 de notre blé dur s'est classé dans les deux premiers rangs. Vous pouvez d'ores et déjà voir les difficultés qui se profilent à l'horizon.
La méthode que nous préconisons pour le blé dur s'apparente à celle qui a été retenue pour le blé en raison de la qualité inférieure de la récolte. Nous discutons avec nos clients dans le but de les convaincre d'acheter une qualité inférieure d'un rang, la même chose pour la teneur en protéines, et nous leur fournissons des échantillons afin de les aider à prendre leur décision. Manifestement, nous encourageons les acheteurs traditionnels de blé dur no 1 à se tourner vers les classes no 2 et no 3, et maximisons évidemment les ventes de blé dur de classe no 3 et no 4 aux clients pour qui le prix est un facteur plus important, parce qu'une très vaste portion de la récolte se situe dans ces rangs.
Ce qui est problématique, c'est que nous avons aussi d'importants stocks de blé dur de classe no 5. Nous vendons le blé dur no 5 au même titre que le fourrager. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nos carnets de commande sont bien remplis en ce qui concerne le fourrager. Il y a encore beaucoup à faire, mais nous avons bon espoir étant donné la situation où nous sommes à cette étape de la campagne.
Le graphique 9 décrit les perspectives de rendement pour les agriculteurs qui cultivent le blé dur. Nous prévoyons que le blé dur no 1, à 13 p. 100 de protéines, se situera à 214 $ la tonne métrique en entrepôt à Vancouver; le blé dur no 3 à 174 $, et le no 5 à 118 $.
Le graphique 10 porte sur la culture de l'orge. Vous voyez que la production mondiale d'orge est en hausse par rapport aux années passées. En effet, cette culture est passée de 140 millions de tonnes l'année dernière à 151 millions de tonnes cette année. Contrairement au blé et au blé dur, cela ne représente pas une récolte exceptionnelle. Mais c'est somme toute un aspect positif.
Le graphique 11 décrit la situation de la production de l'orge canadienne. Il montre que cette production se situe légèrement au-dessus de la moyenne de 12,6 millions de tonnes au cours des dix dernières années à près de 13,1 millions de tonnes.
Pour ce qui regarde la culture de l'orge, il est intéressant de constater qu'en dépit des énormes quantités de céréales disponibles dans l'Ouest canadien, la demande intérieure pour l'orge fourragère demeure ferme; elle est même en réalité assez ferme par rapport à ce qu'il est possible de réaliser sur les marchés étrangers.
Le fret au long cours représente une difficulté importante pour ce segment du marché parce que la vaste majorité de la demande vise l'orge fourragère. Avec un marché mondial se situant autour de 13 millions à 14 millions de tonnes chaque année, la vaste majorité de ces échanges se font avec le Moyen-Orient, la région de l'Afrique du Nord, ce qui représente un désavantage marqué pour nous au chapitre du fret au long cours par rapport à l'Europe, à la Russie et à l'Ukraine. C'est un facteur à considérer.
Notre stratégie est concentrée sur la commercialisation de l'orge dans les marchés où nous ne sommes pas désavantagés au chapitre du fret au long cours. C'est pourquoi nous concentrons nos efforts sur les marchés du Sud- Est asiatique, et en particulier sur le Japon pour ce qui est de l'orge fourragère.
Les perspectives de rendement figurent sur le graphique 12. Elles montrent que l'orge fourragère se situe à 117 $ la tonne métrique en entrepôt à Vancouver.
Le graphique 13 montre les échanges mondiaux en orge brassicole depuis 1994-1995. Il indique que l'on prévoit que les échanges mondiaux totaux pour 2004-2005 se situeront aux alentours de 4 millions de tonnes. Ils se répartissent entre l'orge à six rangs et l'orge à deux rangs, vis-à-vis la barre bleue et la barre rouge.
Le graphique 14 décrit le rôle du Canada dans ce marché particulier. Vous voyez que jusqu'ici, nos stocks d'orge brassicole ont subi des dommages en raison des conditions climatiques présentes au moment de la moisson. L'orge brassicole doit être de très haute qualité et présenter un taux de germination élevé. Lorsqu'il pleut durant toute la période des moissons, cela a une incidence négative sur le taux de germination, et entraîne une diminution des stocks à commercialiser par rapport aux années passées.
Malgré ces embûches, vous voyez sur le graphique 14 que nous nous attendons à exporter environ 850 000 tonnes d'orge brassicole dans le monde entier. La vaste majorité de ces céréales seront acheminées vers la Chine, parce que c'est le marché qui affiche la plus forte croissance pour l'orge brassicole, et il s'agit certainement d'un marché important pour le Canada et qui comporte des perspectives de progrès.
En ce qui concerne la stratégie à adopter pour l'orge brassicole, nous nous inquiétons au sujet de la possibilité que le taux de germination diminue pour l'orge brassicole de deuxième rang qui pourrait être expédiée plus tard dans l'année, et plus particulièrement, pour les expéditions de mars et avril et par la suite. Nous nous concentrons sur la vente des premières expéditions afin d'essayer d'éviter d'avoir à envisager cette éventualité.
Pour ce qui est des perspectives de rendement de l'orge brassicole, vous voyez sur le graphique 15 que nous prévoyons que l'orge brassicole de deuxième rang se situera à 179 $ en entrepôt à Vancouver, et celle de sixième rang, à 163 $ en entrepôt à Vancouver.
J'aimerais faire quelques commentaires concernant les échanges de céréales. Pour vous situer, nous prévoyons que d'ici la fin de décembre nous aurons exporté 40 p. 100 de la quantité de céréales que nous nous étions fixée comme objectif, à la Commission. Nous avions en effet prévu exporter 16 millions de tonnes au total de toutes ces marchandises. Nous nous attendons à ce que 40 p. 100 de ces stocks soient expédiés et exécutés à nos clients d'ici la fin de décembre. Et nous nous attendons aussi à ce que 80 p. 100 de ce volume ait été expédié et exécuté aux clients d'ici la fin de mai.
J'espère que ces renseignements vous seront utiles et je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
La présidente : Merci beaucoup à tous les deux. Nous sommes très intéressés, en effet. Certains, autour de cette table, et le sénateur Gustafson en particulier, ont vécu ce qui s'apparente vraiment à une tragédie en raison des conditions climatiques dans l'Ouest canadien. C'était une année de rêve pour les récoltes, même dans ma région, et puis soudain, elles se sont retrouvées au sol.
Merci de vos commentaires.
Le sénateur Gustafson : Merci de vous être déplacés pour venir témoigner durant ces temps difficiles pour l'industrie.
L'année dernière, l'un des problèmes que m'ont confiés les producteurs était que lorsqu'ils indiquaient à la Commission canadienne du blé qu'ils étaient prêts à vendre un nombre « X » de boisseaux de blé dur, celle-ci revenait à la charge en leur disant qu'elle ne prendrait que 70 p. 100 de ce qu'ils avaient en main. Beaucoup d'agriculteurs se sont retrouvés coincés avec des céréales dont ils n'arrivaient pas à se départir, et plus particulièrement du blé dur. Cette année, il semble que la CCB n'accepte que 60 p. 100 de la quantité de boisseaux que le producteur déclare vouloir vendre.
C'est ce qui a poussé certains agriculteurs à fixer un prix élevé, et à déclarer à la Commission une quantité de céréales inférieure à celle qu'ils détiennent en réalité parce que la CCB ne le prendra pas de toute manière. Ils ont fixé leur prix moyen très haut, et en conséquence, ils pensent pouvoir le livrer.
Mais l'agriculteur qui est honnête avec vous se trouve pénalisé, et celui qui a pris un risque ne l'est pas. Je dois expliquer qu'il existe une pénalité de 15 p. 100. Je pense que cela a déjà été mentionné, n'est-ce pas? On a augmenté la pénalité pour ceux qui sont incapables de livrer la quantité promise de céréales.
M. Weisensel : Il existe en effet des dommages-intérêts fixés à l'avance dans ces contrats qui se situent entre 6 $ et 25 $ la tonne, tout dépendant de l'impact. C'est exact.
M. Anderson : Désormais, la livraison doit respecter 90 p. 100 de ce qui avait été annoncé, plutôt que 85 p. 100.
Le sénateur Gustafson : Cela a eu pour effet de resserrer les règles, en fait. J'essaie de vous faire comprendre que cette situation suscite beaucoup d'inquiétude.
M. Weisensel : Oui. C'est en effet une question très importante. Tout d'abord, j'aimerais mettre toute la situation du blé dur en perspective, afin que vous compreniez les raisons qui nous ont motivés sur cette question particulière.
Cette année, les provinces de l'Ouest ont produit 4,8 millions de tonnes de blé dur, et on prévoit que les échanges mondiaux se chiffreront à 6,1 millions de tonnes. La consommation intérieure de blé dur au Canada est de 300 000 tonnes. C'est la quantité qui correspond à la consommation de pâtes alimentaires sur une base quotidienne. Alors j'encourage tous ceux d'entre vous qui aiment les pâtes à en manger encore davantage. Donc, nous aimerions que cette consommation intérieure dépasse les 300 000 tonnes. Toutefois, en dehors de ça, il nous faut trouver un marché d'exportation pour ce produit.
Sur le marché d'aujourd'hui, le Canada et la Commission canadienne du blé représentent entre 50 p. 100 et 60 p. 100 des échanges mondiaux de blé dur. Si les échanges mondiaux se situent à 6,1 millions de tonnes, le Canada est responsable de 3,5 millions de tonnes. Aller au-delà de ce chiffre entraîne de telles répercussions sur le prix que nous ne jugeons pas cette avenue prudente.
Lorsque vous avez une production de 4,8 millions de tonnes, et un marché de 3,5 millions de tonnes, il est facile de voir que nous ne nous trouvons pas en situation d'accepter tout le blé dur qui nous est offert, surtout dans le contexte actuel.
En fait, nous avons bien l'intention d'accepter davantage que ce qui est prévu dans les contrats de la série A. C'est pourquoi nous avons accepté 60 p. 100 de la production des agriculteurs qui ont offert plus que ce qui est prévu dans la série A. Nous avons bon espoir de pouvoir en accepter davantage dans le cadre des contrats des autres séries, mais tout dépendra des résultats obtenus par le programme de commercialisation durant la campagne.
Nous reconnaissons que la possibilité que des agriculteurs « s'engagent à fournir plus que ce qu'ils ont en main » puisse créer un problème. En effet, ces agriculteurs prennent la chance que nous acceptions 100 p. 100 de ce qu'ils avancent, et c'est un risque à courir. Si nous acceptions 100 p. 100 de leur offre, ils se retrouveraient dans la situation de devoir nous verser des dommages-intérêts pour le motif de défaut de livraison. Vous soulevez un point très intéressant.
Le sénateur Gustafson : Quels sont vos commentaires concernant la position de l'Alberta sur la commercialisation mixte et de façon générale sur toute la question de la commercialisation mixte?
M. Anderson : La Commission canadienne du blé a décidé, suivant les instructions de son conseil d'administration, qu'il incombait à l'agriculteur de décider s'il souhaitait transiger à partir d'un guichet unique la production de blé et d'orge pour le compte des agriculteurs de l'Ouest canadien. Si la province d'Alberta souhaite mettre en place un marché à l'essai, cela aura vraiment une incidence sur l'option retenue par tous les Canadiens de l'Ouest en matière de commercialisation. La position qu'a adoptée le conseil d'administration est que l'on devrait demander l'avis de tous les agriculteurs plutôt que seulement celui de la province.
Le sénateur Gustafson : Par conséquent, à votre avis l'idée d'avoir le choix du guichet de commercialisation ne revient pas à donner à chaque agriculteur le privilège de décider? Il y aura un vote. Si le résultat est que 80 p. 100 des agriculteurs ne veulent pas qu'il y ait deux guichets, alors cela aura une incidence sur l'agriculteur individuellement ou bien cela lui enlèvera la possibilité de choisir son guichet.
M. Weisensel : Lorsque le gouvernement fédéral a pris la décision de modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé en 1988 et de mettre en œuvre une nouvelle loi qui prévoyait un conseil d'administration formé de 15 membres, dont 10 sont élus par les agriculteurs de l'Ouest canadien, il a appliqué le principe démocratique voulant que ce soit le conseil d'administration qui prenne la décision, parce que chacun de ses membres a été élu parmi les agriculteurs dans son propre district.
Ces dernières années, nous avons pris quelques décisions très importantes en vue d'assouplir davantage les mesures d'établissement des prix aux agriculteurs qui ne font pas partie du compte de mise en commun et du système de paiement. Nous pensons qu'avec le temps nous parviendrons à offrir aux agriculteurs un plus grand éventail de possibilités dans le cadre de ce système qu'avec l'autre.
Le sénateur Gustafson : Quel pourcentage de nos céréales est vendu à Archer Daniel Midland, Cargill, ConAgra ou les grands acteurs sur la scène mondiale?
M. Weisensel : Voulez-vous dire en tant qu'exportateur à leur propre compte?
Le sénateur Gustafson : Non, quel pourcentage de vos céréales est vendu par la Commission canadienne du blé à ces grands acteurs?
M. Weisensel : Voulez-vous dire en tant que minoteries pour leur propre compte?
Le sénateur Gustafson : Non, juste en général.
M. Weisensel : Je n'ai pas ce renseignement sous la main. Je ne pense pas me tromper en vous disant que ce chiffre de ventes doit être très important. ADM est propriétaire d'un important segment de l'industrie meunière au Canada et d'un segment tout aussi important aux États-Unis. ConAgra aussi en possède une grande part. Mais ces entreprises jouent un rôle plus modeste au chapitre des exportations à l'étranger. Elles détiennent probablement plus de 70 p. 100 du marché nord-américain. À l'étranger, je dirais qu'elles détiennent moins de 20 p. 100 de la part de marché. Mais c'est une réponse approximative.
Le sénateur Gustafson : L'un des irritants que doivent affronter les agriculteurs de l'Ouest est le fait que l'Ontario détient une situation plus favorable en étant capable de vendre sur le marché américain. Les agriculteurs de l'Ouest n'arrivent pas à comprendre pourquoi les producteurs ontariens ont ce privilège, et pas eux.
M. Weisensel : Cela s'explique par l'approche retenue par deux organisations entièrement différentes. L'Ontario Wheat Board a toujours axé davantage ses efforts sur le marché américain parce que la province se trouve à proximité de ce marché. Elle administre un petit programme de commercialisation à l'étranger et un petit programme de commercialisation aux États-Unis.
Dans l'Ouest canadien, le marché américain ne représente que 7 p. 100 de la totalité du programme. C'est une proportion beaucoup plus petite du programme. Il faut tenir compte de divers intérêts lorsque l'on aborde le marché collectivement.
Le sénateur Callbeck : Merci de votre exposé. J'aimerais poser une question au sujet de la teneur en protéines. À la page 5, nous constatons une forte diminution; en 2001, elle est passée de 14,7 p. 100 à 13,3 p. 100. Vous avez mentionné que les conditions climatiques jouent un rôle sur cette diminution.
Mais est-ce qu'il s'agit du principal facteur pour cette diminution?
M. Weisensel : Oui, en effet, et je vais vous expliquer pourquoi.
Comme M. Anderson vous l'a expliqué tout à l'heure, la récolte de cette année était la meilleure qu'il ait jamais eue. Jusqu'au 20 août, c'était une récolte tout à fait remarquable.
Si on enregistre un rendement élevé parce que l'humidité est abondante, on a tendance à obtenir une plus faible teneur en protéines. Il se produit une plus grande accumulation d'amidon et il y a moins de protéines dans le grain. Nous avons obtenu une excellente récolte. Les pluies sont tombées juste assez. La récolte n'en a pas souffert. Mais lorsqu'une telle situation se produit, la teneur en protéine a tendance à baisser.
Le sénateur Callbeck : Merci. J'ai lu hier que la Commission canadienne du blé avait annoncé ses paiements finals pour l'exercice 2003-2004.
Est-ce que les agriculteurs ont une idée approximative du montant qu'ils vont recevoir?
M. Weisensel : Les agriculteurs devraient avoir une idée assez juste des montants en cause parce que nous avons publié régulièrement les perspectives de rendement durant cette période. Ils n'ont qu'à comparer les perspectives de rendement aux paiements qu'ils ont reçus jusqu'à maintenant et à faire la différence. Ce calcul leur donnera une bonne idée du montant du paiement. Aussi, ce ne devrait pas être une grosse surprise pour lorsque le chèque arrivera par la poste.
Le sénateur Tkachuk : Quel pourcentage des échanges commerciaux de blé s'effectue par l'entremise de la Commission canadienne du blé au Canada?
M. Weisensel : Vous voulez parler du commerce du blé au Canada?
Le sénateur Tkachuk : Autrement dit, quelle est la part des autres provinces à part celles des Prairies?
M. Weisensel : Elle est très restreinte. Cette année, la production du blé au Canada se situera dans les environs de 26 millions de tonnes, et nous allons en exporter près de 14 millions de tonnes. Le blé dur est inclus dans ce chiffre. Nous allons exporter dans les environs de 14,5 millions de tonnes de ces produits, et nous en commercialiserons tout près de 3 millions de tonnes sur le marché intérieur.
Ce qui nous donne un total de 17 tonnes vendues sur les 26 tonnes produites. La majorité de cette différence, en ce qui concerne le blé, sera consommée dans l'Ouest à titre de céréale fourragère.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez dit quelque chose d'intéressant, monsieur Weisensel. Vous avez mentionné que nous serons en mesure d'offrir davantage de choix aux agriculteurs. Ce pouvoir de donner le choix aux agriculteurs est conféré par la loi. Je ne voudrais pas dramatiser la situation outre mesure, mais c'est de cette manière que les pays communistes avaient l'habitude de gérer leur production de blé.
C'est vraiment une déclaration assez étrange que ce « nous serons en mesure d'offrir ». Est-ce que les agriculteurs n'ont pas de plein droit le choix? Est-ce que ce n'est pas un droit intrinsèque que de pouvoir vendre à qui bon me semble les biens que je cultive sur ma terre? Est-ce que ce droit intrinsèque n'appartient pas au producteur, ou bien ce droit a-t-il cessé d'exister?
M. Weisensel : Les agriculteurs ont toute latitude pour cultiver ce qu'ils veulent. Ils peuvent faire pousser du canola, du blé, de l'orge, du blé dur ou d'autres choses et les vendre sur le marché. Ils le font en fonction du rendement qu'ils espèrent tirer de ce marché.
Dans un pays comme le Canada, les agriculteurs ont le droit, comme tout individu, de décider qu'ils veulent s'organiser différemment en vue de se rendre sur le marché. Cette approche particulière est intégrée à la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Nous voyons notre rôle comme étant celui d'une organisation chargée de répondre à tous les besoins des agriculteurs au moyen de diverses options sur le plan de la livraison et de l'établissement des prix que nous mettons à leur disposition. Nous sommes convaincus que les agriculteurs d'aujourd'hui disposent d'un bien plus grand éventail de possibilités qu'il y a deux ans, et d'encore beaucoup plus qu'il y a cinq ans. Et cet éventail devrait continuer d'aller en s'élargissant au fil du temps.
M. Anderson : J'ai été élu au conseil d'administration en défendant une plate-forme de commercialisation mixte, et non une plate-forme à guichet unique. Au sein de la Commission canadienne du blé, je représente un groupe d'agriculteurs dans mon district désireux d'aller de l'avant et d'avoir le choix.
Mais je respecte aussi le processus démocratique. Je crois que deux membres du conseil sur 15 voteraient en faveur de l'élimination de la commercialisation à guichet unique. Je suis déterminé, en tant qu'administrateur élu, à travailler au sein du système à guichet unique afin que le plus grand nombre possible d'améliorations voient le jour et à faire en sorte que les agriculteurs de l'Ouest canadien se voient offrir le plus grand éventail possible d'options. Je me suis engagé à le faire, et je respecte toujours le processus démocratique.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que tous les membres du conseil sont élus?
M. Anderson : Dix sur 15 sont des membres élus.
Le sénateur Tkachuk : Cinq ne sont pas élus?
M. Anderson : Quatre membres sont nommés par le gouvernement.
Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement fédéral?
M. Anderson : Oui, et un autre est nommé en commun sur la recommandation du conseil d'administration, et il s'agit du président directeur général. Il y a dix membres du conseil élus, et je suis l'un d'entre eux.
Le sénateur Tkachuk : Il est évident que cinq d'entre eux ne se montreront pas en faveur de la commercialisation mixte, n'est-ce pas?
M. Anderson : Je ne pense pas que l'on puisse faire cette hypothèse.
Le sénateur Tkachuk : C'est toute une hypothèse. Je pose la question d'un membre du conseil.
Le sénateur Gustafson : Il s'agit de contrôle.
Le sénateur Tkachuk : J'aurais d'autres questions à poser en ce qui concerne le choix. La Commission canadienne du blé devrait être en mesure de convaincre ses clients, tant du point de vue de la vente que de celui de la production.
Quel problème la commercialisation mixte pourrait-elle poser?
M. Weisensel : L'un des principaux aspects expliquant pourquoi nous sommes en mesure d'obtenir un meilleur prix pour les agriculteurs sur le marché international est que nous sommes le seul vendeur de ce produit de marque canadien.
Le sénateur Tkachuk : Oui, vous détenez le monopole.
M. Weisensel : Nous sommes le seul vendeur de ce produit de marque canadien sur le marché. Nous sommes convaincus, et nous l'avons démontré, que c'est ce qui explique que nous puissions obtenir des prix plus élevés que si les choses étaient différentes, parce que selon nous, dès qu'il y a plus d'un vendeur pour le même produit, le prix ne peut qu'augmenter. Nous considérons que c'est notre principale raison d'être et que c'est la première chose que nous perdrions en nous engageant dans la commercialisation mixte.
Le sénateur Tkachuk : C'est illogique parce les agriculteurs eux-mêmes pourraient former un monopole en vue de vendre leur produit, sans que le gouvernement les ait mandatés pour que cela se produise, parce qu'il est dans leur propre intérêt de maintenir ce prix élevé. Il est illogique de dire que si d'autres agriculteurs étaient en concurrence avec moi, cela aurait automatiquement pour effet d'entraîner une baisse des prix. Pourquoi un agriculteur ferait-il ça? Je ne veux pas laisser entendre que vous traitez les agriculteurs avec condescendance, mais quel intérêt un agriculteur aurait- il à faire cela?
M. Anderson : C'est le syndrome du seau qui fuit. Il suffit qu'il y ait un tout petit trou dans le seau pour que toute l'eau disparaisse. Ce sont précisément ces tout petits trous qui sont à l'origine du problème.
Sur les dix membres du conseil qui ont été élus, deux sont très clairement en faveur de l'approche dont nous sommes en train de discuter, et les huit autres sont d'un autre avis. Cette situation démontre que notre organisation respecte la démocratie. Les membres ont été élus en fonction de la plate-forme qu'ils défendaient. Je suis fier d'être Canadien et de posséder des droits démocratiques. J'espère que nous réussirons à conserver ces droits.
Les discussions concernant la commercialisation à guichet unique sont toujours présentes à mon esprit, mais je n'ai pas l'intention d'aborder le sujet devant ce comité aujourd'hui, avec notre personnel de l'exploitation, qui accomplit un travail exceptionnel au sein du système dans lequel nous évoluons. Il me semble que nous devrions passer à autre chose, parce que nous ne règlerons rien en en discutant ici.
Le sénateur Tkachuk : C'est juste.
Le sénateur Hubley : J'aimerais poser une question au sujet du graphique de la page 3 de votre déclaration. Est-ce que les 615,3 millions de tonnes de blé qui sont produites incluent toutes les classes de blé?
M. Weisensel : Il s'agit de la production totale de blé dans le monde.
Le sénateur Hubley : Est-ce que le blé est classé de la catégorie un à cinq, de façon générale?
M. Weisensel : Oui. Tous les systèmes ne classent pas le blé de la même manière. Par exemple, nous avons le blé de classe un, deux, trois, quatre et le blé fourrager, tandis qu'aux États-Unis le blé porte les noms de Dark Northern Spring et Northern Spring. Ils se servent aussi d'autres noms pour les catégories. Donc, il s'agit de la production totale de blé de toutes qualités.
Le sénateur Hubley : Quelle est la part de la production canadienne?
M. Weisensel : La production canadienne totale devrait se situer aux alentours de 25 millions à 26 millions de tonnes.
Le sénateur Hubley : Ce doit être difficile cette année d'essayer de convaincre les clients d'accepter un blé de qualité inférieure alors que la récolte de blé est abondante sur le marché mondial.
Comment arrivez-vous à convaincre les clients d'acheter un blé d'une qualité inférieure?
Est-ce que cela aura une incidence sur les échanges commerciaux futurs avec ces clients s'ils se trouvent satisfaits avec un blé moins cher et d'une qualité inférieure?
M. Weisensel : Cela s'est révélé très difficile. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos clients dans ces situations. Ils comprennent que nous n'exerçons aucun contrôle sur la production et la qualité; ces aspects sont contrôlés par dame nature et nous essayons de tirer le meilleur parti possible de la qualité qui est disponible.
Nous croyons avoir remporté quelques succès importants avec notre programme de commercialisation. Nous avons en effet réussi à convaincre nos clients de se satisfaire d'une qualité inférieure d'une classe. Il faut vraiment travailler de très près avec eux, parce que, vous avez tout à fait raison, nous ne voudrions pas les perdre à long terme en raison d'une situation qui échappe au contrôle de tout le monde. Il s'agit donc de maintenir un contact étroit. Dans certains cas, il se peut qu'ils n'achètent pas leurs céréales de nous cette année, mais nous gardons néanmoins le contact avec eux durant la période afin de leur faire connaître notre situation, et ainsi nous espérons qu'ils reviendront vers nous lorsque nos stocks seront revenus à des niveaux plus normaux.
Le sénateur Hubley : Si vous vendez le blé à un prix inférieur, est-ce que cela se reflétera en bout de ligne sur le prix que vous payez aux agriculteurs?
Je ne veux pas vous critiquer. J'aimerais seulement comprendre le fonctionnement du système.
M. Weisensel : Oui, si les prix sont plus bas sur le marché, cela se reflètera dans les prix payés aux agriculteurs.
Le sénateur Ringuette : Je suis originaire du Canada Atlantique, et j'ai entendu des commentaires positifs de la part des producteurs laitiers et d'autres producteurs dans la région de l'Atlantique en ce qui concerne la dernière position adoptée par le gouvernement fédéral concernant les négociations de l'OMC.
Les producteurs laitiers surtout ont fait savoir qu'ils sont très satisfaits de la position que le gouvernement a adoptée concernant l'agriculture à l'OMC.
Que pensez-vous des récentes discussions ayant eu lieu à l'OMC?
M. Weisensel : Nous collaborons étroitement avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne les principales questions et les répercussions potentielles pour cette organisation. On s'y montre très enclin à soutenir que l'approche fondée sur le guichet de commercialisation unique est l'un des facteurs primordiaux pour améliorer le sort des agriculteurs.
Cependant, nous éprouvons des inquiétudes à l'égard de certains points ayant fait l'objet de l'accord-cadre plus tôt cette année, et en particulier le fait que l'on a fait des concessions en ce qui concerne les cautions des emprunts et les garanties de paiement initial, qui sont les outils à notre disposition pour gérer le risque au sein de cette organisation. Donc, nous avons fait connaître nos préoccupations à cet égard au gouvernement fédéral en adoptant le point de vue qu'il est essentiel que le Canada et les Canadiens ne fassent aucune autre concession. Nous en avons déjà consenti de très importantes au cours de ce cycle.
Le sénateur Ringuette : J'avais cru comprendre que lorsque l'on présentait une proposition à l'OMC, tous les pays membres étaient tenus de l'adopter de manière à ce garantir l'uniformité du cadre. Je soupçonne que si le gouvernement fédéral a agi de la sorte en ce qui vous concerne, c'est parce que d'autres pays accordent probablement des subventions encore plus importantes par l'entremise d'une structure semblable à la vôtre.
Est-ce que mon hypothèse est valable?
M. Weisensel : Vous avez raison lorsque vous dites que ces négociations tournent autour de cadres qui s'appliquent uniformément à toutes les parties. Nous avons exprimé des inquiétudes au sujet de deux éléments ayant été mentionnés dans l'accord-cadre; la garantie de paiement initial et la garantie de prêt. Nous considérons que ces deux éléments font partie de la catégorie des mesures de soutien interne, et d'après le présent accord-cadre, elles devraient faire l'objet d'une réduction, et non de l'élimination. Toutefois, on a accepté qu'elles pourraient éventuellement être éliminées, ce qui est totalement incompatible avec le cadre appliqué aux autres acteurs. C'est le sujet de notre préoccupation.
La présidente : Il nous reste encore 15 minutes si nos témoins souhaitent demeurer avec nous encore pour 15 minutes.
M. Weisensel : Pas de problème.
Le sénateur Gustafson : De façon générale, les agriculteurs s'inquiètent de ce qu'ils vont semer ce printemps parce qu'une bonne partie du grain gelé ne va pas germer.
Quels sont les chiffres concernant les céréales hors-Commission et celles de la Commission?
M. Weisensel : Je n'ai pas les chiffres concernant les céréales hors-Commission sous la main, mais je peux essayer de les trouver.
La production de blé dans l'Ouest canadien pour cette année se chiffre à 18 millions de tonnes. La production de blé dur est d'environ 4,8 millions de tonnes. La production d'orge, telle que nous l'avons mentionnée dans notre exposé, est de 13,1 tonnes. Faites l'addition, et vous obtenez une production de 36 millions de tonnes en production.
Cette année, la production des six principales céréales dans l'Ouest a atteint 48 millions de tonnes. Donc, il faut calculer 36 millions de tonnes par rapport à 48 millions de tonnes, mais il faut reconnaître qu'une bonne partie de l'orge produite est transigée ici même au Canada.
Le sénateur Gustafson : Si je ne m'abuse, nous avons exporté, à un certain moment, environ 31 millions de tonnes de blé seulement. Ce chiffre a chuté à 18 millions de tonnes.
La tendance se maintient parce que les agriculteurs n'arrivent pas à récupérer les coûts de leurs facteurs de production. Par exemple, les agriculteurs me confient qu'après soustraction des frais de transport par camion et de fret, il leur reste environ 87 cents. C'est le chiffre le plus bas que l'on m'a donné, mais la plupart se situent au-dessous de 1 $. Ils commencent à remettre en question le recours à la livraison, parce qu'ils ne récupèrent pas suffisamment.
Combien de temps encore les agriculteurs vont-ils continuer à exploiter leurs fermes avec des coûts de facteurs de production supérieurs au montant qu'ils obtiennent en retour pour leurs céréales?
D'après ce que me disent les agriculteurs, cette situation est assez répandue. Nous entendons la même chose de la part des municipalités rurales du Manitoba et de l'Alberta, et ce, même lorsque les récoltes sont bonnes.
Dans quelle direction la Commission du blé pense-t-elle que les choses vont évoluer, si on adopte un point de vue global?
M. Weisensel : De toute évidence, nous nous inquiétons très sérieusement de la situation pour cette culture en particulier. Si je prends pour exemple une exploitation semblable à celle de mon père, dans les environs de Saskatoon, où avant le 20 août, il pouvait contempler une récolte de blé qui lui rapporterait un montant brut de plus de 200 $ l'acre, et à ce prix, il ne fait aucun doute qu'il aurait fait de l'argent. Mais après la gelée, son champ le plus endommagé lui rapportera environ 70 $ l'acre. Si vous faites le calcul sur plus de 2 000 acres, c'est un rude coup sur le plan individuel.
De notre point de vue, il est essentiel de continuer à nous concentrer sur le marché haut de gamme. Le Canada possède un avantage comparatif en ce qui concerne les blés de printemps de haute qualité à teneur élevée en protéines. Mais nous ne réussirons pas à les produire chaque année; cette année, en l'occurrence. La récolte était au rendez-vous, mais le gel a modifié toute la donne. L'avantage comparatif du Canada tient à ses blés de printemps de haute qualité à haute teneur en protéines.
Tout va dépendre de la manière dont le blé va se comparer aux autres cultures sur le plan de la rentabilité. Nous avons pu voir d'autres types de culture obtenir de bons résultats parce que l'on a adopté un comportement innovateur dans l'Ouest en optant pour un éventail de cultures qui diversifient l'exploitation. Cette diversification continuera d'exister, au fil du temps.
Le sénateur Gustafson : Si une société céréalière expédie un boisseau de blé gelé ou un boisseau de blé no 1, elle obtient le même prix pour le transport de cette céréale, qu'elle soit gelée ou non. Il me semble que les sociétés céréalières réalisent de bons profits.
Je surveille de très près le terminal de Weyburn. L'entreprise a fait des bonds en avant. Elle a obtenu d'excellents résultats. L'une des critiques que j'entends est que la Commission canadienne du blé est la meilleure chose qui soit arrivée aux sociétés céréalières pour leur garantir un revenu.
M. Weisensel : Tout dépend de la société céréalière dont vous parlez. Ce ne sont pas toutes ces entreprises qui font des profits. Bon nombre ont plutôt perdu de l'argent. Mais je suis d'accord avec vous que le terminal de Weyburn a obtenu de très bons résultats.
Le sénateur Gustafson : Tous font de l'argent, sauf le Saskatchewan Wheat Pool.
M. Weisensel : Vous avez raison, en ce sens que les sociétés céréalières réalisent une marge sur la manutention, peu importe s'il s'agit de blé fourrager ou de blé roux no 1. Les sociétés céréalières ne réalisent pas nécessairement la même marge bénéficiaire. À titre d'exemple, nous allons en appel d'offres pour une partie de nos mouvements. Les sociétés céréalières ne réalisent pas complètement leur marge avec le fourrager. Aussi les sociétés ont-elles présenté des propositions assez incisives. Elles étaient prêtes à se priver de cette marge afin de stimuler le secteur. Tout dépend de la dynamique en cause, à un moment donné.
Le sénateur Gustafson : Le blé vendu à partir de Vancouver rapportait 8 $ le boisseau sur le marché international.
D'où vient qu'il y ait un tel écart entre le montant qui revient à l'agriculteur et le prix qui est transigé sur le marché international?
M. Weisensel : Aujourd'hui, le blé roux no 3 de la côte Ouest se vend autour de 145 $US franco bord. Ce prix se rapproche étroitement des prix aux agriculteurs que nous publions.
Le sénateur Gustafson : Quel serait le prix pour le blé de force roux de printemps no 1?
M. Weisensel : Je veux parler du blé sur le marché concurrentiel. Le DNS 14 en provenance des États-Unis se transige autour de 181 $US franco bord. Ce prix se compare à celui du blé de printemps de haute qualité et à haute teneur en protéines.
Le sénateur Gustafson : Pour moi, il est évident que depuis l'abolition de la subvention du Nid-de-corbeau nous n'avons pas réussi à mettre en place une culture rentable dans les Prairies.
Le sénateur Tkachuk : Lors de la réunion du conseil général de l'Organisation mondiale du commerce du 27 au 31 juillet dernier, les membres se sont entendus sur un cadre en vue des futures négociations.
Dans un document d'information publié le 31 juillet de cette année, le ministre du Commerce international a déclaré que certaines dispositions concernant les entreprises commerciales d'État comme la Commission canadienne du blé avaient une plus grande portée que ne l'aurait souhaité le gouvernement canadien, et que ce cadre en vue des négociations futures menaçait l'utilisation des prêts garantis par le gouvernement ce qui risquait par ricochet d'avoir une incidence sur la capacité d'emprunt de la Commission canadienne du blé.
Pensez-vous que la Commission canadienne du blé pourra continuer d'exercer ses activités si le gouvernement ne peut plus garantir ses prêts?
M. Anderson : La Commission canadienne du blé pourra continuer d'exercer ses activités même si le gouvernement fédéral n'accorde pas sa caution aux emprunts, toutefois elle devra mettre en place des bénéfices non répartis. À l'heure actuelle, nous remboursons aux agriculteurs chaque cent produit par la vente du blé, moins les frais d'exploitation. Afin d'avoir la capacité d'emprunter de l'argent, il faut avoir constitué des bénéfices non répartis ou un fonds de prévoyance si on veut que les affaires marchent.
Cette question figure en tête des priorités lors de nos discussions, au sein du conseil. Nous avons l'intention de produire un plan de très grande envergure visant à régler un certain nombre de préoccupations, non seulement à l'échelle mondiale, mais aussi dans l'éventail politique, même dans l'Ouest canadien, en ce qui concerne le débat entre la commercialisation à guichet unique et la commercialisation mixte. Il y aura une élection. Notre ministre, Reg Alcock, a annoncé la tenue d'une révision du processus électoral. Le processus démocratique suit son cours maintenant, et l'élection est en train de se dérouler. Dimanche, nous connaîtrons les résultats dans quatre des 10 districts. Dans un des districts ouverts à la tenue d'une élection, un administrateur a été élu par acclamation. Dimanche, il se peut qu'il y ait quatre nouveaux visages à la table du conseil. Ces nominations sont entre les mains des agriculteurs de l'Ouest canadien.
Le sénateur Gustafson nous a demandé pendant combien de temps nous pensions tenir le coup. C'est un problème sérieux pour les producteurs canadiens. Nous explorons d'autres possibilités de réaliser des revenus. En Saskatchewan en particulier, le secteur de l'élevage bovin avait donné l'impression d'être en passe de devenir l'épine dorsale du secteur agricole, jusqu'à ce que l'épidémie d'EBS frappe. Cette catastrophe a creusé une brèche importante dans la sécurité de l'agriculture de la Saskatchewan.
Le monde produit 615 millions de tonnes, et nous en produisons 26 millions. Par conséquent, nous ne sommes que du menu fretin. Nous représentons 14 p. 100 du marché d'exportation du blé roux de printemps, mais nous ne figurons pas parmi les très grands acteurs dans l'ensemble de la production mondiale. Le producteur de céréales peut s'attendre à traverser quelques années difficiles. Nous pourrions exiger la mise en place de programmes comme celui du Farm Bill aux États-Unis, un programme qui a ménagé quelques filets de sécurité pour les agriculteurs, mais il n'appartient pas à la Commission canadienne du blé de s'en occuper.
Je crois qu'il nous faut un solide programme d'assurance-récolte pour le gel, la sécheresse et la grêle. Et aussi, un programme très élaboré d'avance de fonds. Je pense qu'il est possible d'apporter de très sérieuses améliorations au programme d'avance de fonds afin de nous aider à faire le pont jusqu'à l'année prochaine en ce qui concerne le blé fourrager. On pourrait éviter les manquements au chapitre des avances de fonds s'il était permis de les reporter sur l'année suivante. Ceux qui le désireraient pourraient reporter une partie de leur blé fourrager, et ainsi étaler un peu le problème qui découle du fait d'avoir à vendre 70 p. 100 de la production dans les trois catégories inférieures à titre de blé fourrager. Nous pourrions opter pour quelques-unes de ces solutions. Nous devons aussi améliorer les programmes à moyen terme comme le PCSRA. À plus long terme, j'ignore quelle forme prendra la solution, mais à mon avis ce ne sera pas facile.
La présidente : Merci beaucoup à tous pour votre contribution.
La séance est levée.