Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 11 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 19 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 15 pour examiner l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous sommes sur le point d'entreprendre une autre bonne discussion avec notre ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, M. Andy Mitchell. Ce n'est pas la première fois qu'il vient nous rendre visite.
Avant que je ne vous demande de commencer, monsieur le ministre, j'aimerais présenter de nouveaux sénateurs qui se sont joints à nous ce soir, en l'occurrence le sénateur Bob Peterson de Regina et le sénateur Elaine McCoy de l'Alberta. Merci d'être là.
Monsieur le ministre, merci de la lettre que vous avez fait parvenir au comité, par mon entremise, laquelle constitue votre réponse à notre rapport sur la valeur ajoutée.
Bien que M. le ministre puisse répondre à toutes les questions que nous pourrons lui poser, il mettra néanmoins l'accent ce soir sur des enjeux d'actualité comme la capacité d'abattage ici au Canada. Il sera avec nous pendant une heure. Je vous propose de commencer, monsieur Mitchell. Nous aurons sans aucun doute des questions à vous poser une fois votre déclaration d'ouverture terminée.
L'honorable Andrew Mitchell, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je suis content d'être ici. Je vous remercie de m'avoir invité.
J'aimerais vous présenter mes deux collègues, M. Richard Fadden, président de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ACIA, et M. Len Edwards, sous-ministre de l'Agriculture, qui m'aideront peut-être à répondre à certaines de vos questions.
Je vais parler de la situation de la vache folle en général et ensuite tenter de m'en tenir spécifiquement à la question de la capacité d'abattage. Je répondrai ensuite à vos questions.
Dans l'ensemble, l'approche du gouvernement à l'égard de la maladie de la vache folle depuis mai 2003 se divise en deux grands pôles. Le premier concerne la question des liquidités à l'industrie, car nous voulons nous assurer que les producteurs aux prises avec d'importantes réductions de leurs revenus disposent de capitaux, afin qu'ils puissent continuer à exploiter leurs fermes pendant que nous cherchons à régulariser le marché et jusqu'à ce que nous puissions réaliser des changements à long terme.
Cela, madame la présidente, m'amène au deuxième volet de la stratégie, lequel consiste à entreprendre des transformations au sein de l'industrie de sorte que l'on puisse lui redonner sa rentabilité et que cette rentabilité existe avec ou sans l'ouverture de la frontière américaine aux animaux vivants. C'est-à-dire que nous chercherons à adopter une solution typiquement canadienne. Nombre des mesures que nous avons prises consistent à nous assurer que notre industrie puisse, en fait, être rentable.
En ce qui concerne les liquidités, il y a eu différents programmes au cours de ces deux années qui ont permis de faire des investissements importants dans l'industrie. Mentionnons entre autres le Programme d'aide transitoire à l'industrie (PATI), que mon prédécesseur a annoncé il y a environ un an, et qui proposait des investissements importants dans l'industrie bovine. Quant au Programme canadien du revenu agricole (PCRA) que j'ai annoncé il y a quelques semaines, il offre des capitaux supplémentaires. Bien sûr, le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA) assure une stabilisation des revenus de tous les producteurs, y compris les producteurs de bœuf. En septembre dernier, nous avons effectué une avance de fonds spéciale à l'aide du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, le PCSRA, pour accélérer la rentrée de capitaux. Nous avons agi de concert avec les provinces, et avec succès. Nous avons été capables de fournir, dans un très court laps de temps, provinces et gouvernement fédéral inclusivement, quelque 300 millions de dollars l'automne dernier. Les programmes de marché réservé que nous avons mis en place, plus particulièrement le programme fédéral à cet égard, ont permis de réaliser une reprise importante du prix comparativement à ce qu'il était en août dernier, de même qu'un raffermissement certain du marché durant l'automne et l'hiver. Cela a fait une différence majeure dans les revenus des producteurs.
Cependant, la stratégie de repositionnement est tout aussi importante parce que ce n'est pas simplement un problème de liquidités. Il faut repositionner l'industrie pour qu'elle puisse recouvrer sa rentabilité. Je me dois de mentionner quelque chose que nous avons mis au point en étroite collaboration avec l'industrie. Celle-ci a contribué de façon remarquable à tous les programmes que nous avons mis en place. Je tiens également à mentionner que nous avons travaillé en très étroite collaboration avec nos homologues provinciaux pour améliorer la situation.
La stratégie que nous avons annoncée en septembre comporte plusieurs éléments. L'un d'eux consistait à continuer de travailler pour obtenir à nouveau l'accès au marché américain. Aussi important soit-il de nous structurer pour que nous n'ayons pas à dépendre absolument de ce marché, c'est un marché important pour le Canada, un marché important pour nos producteurs et nous voulons le reconquérir, et pas seulement élargir l'exportation de notre viande, ce que nous avons actuellement, mais aussi l'exportation des animaux vivants et des animaux de reproduction, ce qui constitue un volet important de l'industrie qui est touché par cette question d'accès au marché.
Le deuxième volet de la stratégie consiste à chercher de nouveaux marchés autres que ceux des États-Unis. Nous avons obtenu certains succès, et nous continuons de déployer de valeureux efforts en ce sens. Hong Kong nous a rouvert son marché de la viande. Nous avons constaté des progrès en Chine en ce qui concerne notre matériel génétique. Plus récemment, nous avons constaté des progrès à Cuba qui a ouvert la totalité de son marché. Au cours des dernières semaines, nous avons, dans ce pays, effectué des ventes importantes de produits agricoles en général, mais de bœuf et de bétail en particulier.
Pour répondre à la demande de ces nouveaux marchés, nous travaillons actuellement à accroître notre capacité d'abattage. Il est important, comme stratégie à long terme pour l'industrie, que nous puissions transformer davantage notre bétail ici même. Outre le fait d'avoir des marchés, c'est important que nous soyons capables de transformer davantage de notre bétail ici au Canada, et nous avons réalisé des progrès à cet égard également. Comme vous pouvez le constater, il y a aussi toute la question de la gestion du cheptel, tant en ce qui concerne la taille que l'âge des bêtes. Nous continuons de travailler à cette question avec l'industrie.
Pour répondre spécifiquement aux questions que le comité m'a demandé de traiter, soit une capacité accrue, du point de vue du gouvernement fédéral, nous avons établi quelques principes que nous considérons les plus importants — c'est ma marotte — et l'un de ces principes est que toute proposition visant à accroître la capacité doit reposer sur un plan d'affaires rigoureux et solide. Économiquement parlant, ce plan d'affaires doit nous permettre d'aller de l'avant. Il doit également être durable, même après que nous aurons obtenu à nouveau l'accès aux marchés américains. Il nous faut un plan d'affaires rigoureux et les idées proposées doivent être elles aussi solides.
Cependant, nous ne pouvons négliger plusieurs autres considérations si nous voulons accroître notre capacité. De toute évidence, il y a toute la question du grand nombre de bêtes. Nous devons être en mesure d'abattre, toutes les semaines, un nombre suffisant d'animaux pour être capables d'établir un équilibre sur notre marché de même que desservir des marchés externes que nous pourrions avoir.
Au-delà de la quantité, nous devons considérer d'autres éléments et d'autres enjeux. L'un de ceux-là est le type d'animal que les abattoirs sont capables d'abattre, que ce soit ceux qui ont moins de 30 mois ou plus de 30 mois. Avec ce qui s'est produit depuis 2003, c'est là une considération importante.
Il y a aussi la question de la répartition régionale. Que tous les abattoirs soient logés dans une seule région du Canada, même si cela pourrait nous permettre d'atteindre la quantité, en soi, cela ne nous permettrait pas d'atteindre tous nos objectifs. Il doit y avoir une bonne répartition régionale de la capacité d'abattage dans tout le pays.
Il faut également tenir compte du modèle d'affaires qui pourrait exister eu égard au type d'installations qui pourraient être créées, par exemple, des abattoirs qui appartiennent aux producteurs comme modèle d'affaires particulier, ce qui a suscité beaucoup d'intérêt. Il y a aussi la question de savoir si cette capacité d'abattage sera développée en fonction de produits spécialisés qui pourraient offrir des possibilités de commercialisation sur le marché international.
En ce qui concerne les progrès que nous réalisons actuellement, nous avons réussi au Canada à passer, en termes de quantité, d'une capacité d'environ 75 000 têtes à un tout petit peu plus de 85 000 aujourd'hui. C'est plus qu'une augmentation en termes de quantité parce que, même lorsque nous abattions 75 000 bêtes, nous n'atteignions pas notre pleine capacité. Nous étions bien en deçà. Nous avons réalisé des progrès importants pour accroître notre capacité d'abattage ici au Canada. Compte tenu du sommet que nous avons actuellement, nous pourrions raisonnablement atteindre les 90 000 têtes d'ici à la fin de l'année, et je pense que nous allons probablement y arriver avant.
Des spécialistes du marché me disent que nous atteindrons probablement 105 000 têtes par semaine, ce qui semble être un objectif raisonnable. Les chiffres peuvent varier selon les personnes, mais il semble y avoir consensus général en ce qui concerne les chiffres vers lesquels nous nous dirigeons.
L'augmentation de cette capacité d'environ 5 000 têtes s'est produite depuis la stratégie de positionnement mise en place en septembre 2004. Plusieurs installations en sont responsables. Notamment, deux nouvelles usines ont vu le jour depuis le mois de septembre, une à Salmon Arm en Colombie-Britannique, l'autre à l'Île-du-Prince-Édouard. Les gouvernements fédéral et provincial ont accordé un financement appréciable pour la création de cette dernière. Les producteurs y ont également beaucoup participé.
Actuellement, mis à part ces deux nouvelles usines, plusieurs autres ont été capables d'accroître leur capacité. C'est ainsi que nous avons réalisé les augmentations. Actuellement, nous, et par « nous », je veux dire l'ACIA, avons cinq demandes officielles d'accroissement de capacité. Ces demandes sont actuellement traitées par l'Agence. En outre, plusieurs usines existantes ont présenté des demandes pour accroître leur production. C'est un dossier dynamique. Plusieurs personnes et plusieurs groupes de différentes régions du pays examinent actuellement le potentiel commercial qu'offriraient nos nouvelles capacités d'abattage.
Du point de vue fédéral, nous avons mis au point certains outils, et je voudrais prendre quelque temps pour vous parler de l'un d'eux. Il s'agit de notre Programme de réserve pour pertes sur prêts en vertu duquel nous travaillons en collaboration avec les institutions financières pour accorder une réserve pour pertes sur prêts d'environ 40 p. 100 des avances. À ce jour, nous avons conclu deux ententes formelles avec les institutions financières, une avec la Société du crédit agricole (SCA), l'autre avec le gouvernement de l'Alberta. Cette entente permet aux institutions financières de travailler avec les clients mêmes. Nous travaillons également en étroite collaboration avec six banques à charte pour conclure des ententes avec elles. C'est en voie de règlement.
D'après ce que je comprends, certaines des cinq nouvelles usines en vue travaillent avec des institutions financières et envisagent d'utiliser le Programme de réserve pour pertes sur prêts. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cependant, c'est important d'avoir un plan d'affaires solide qui témoigne d'une durabilité pour l'avenir et, de toute évidence, il faut faire vite.
Mes collègues auront peut-être remarqué que dans le dernier budget, des crédits supplémentaires ont été affectés au développement d'une nouvelle capacité d'abatage. Nous sommes en train d'examiner différentes idées provenant de différentes sources, des parlementaires, de l'industrie, des producteurs, sur d'autres façons dont le gouvernement fédéral pourrait souhaiter établir des partenariats pour le développement de la capacité d'abattage. Nous travaillons actuellement avec plusieurs partenaires pour examiner des outils additionnels qui pourraient être utiles.
Je m'en voudrais également de ne pas mentionner que l'Agence canadienne d'inspection des aliments est un acteur important dans l'établissement d'une nouvelle capacité d'abattage. Elle a adopté diverses mesures pour aider à rationaliser ses processus et pour aider les gens qui envisagent de créer de nouveaux abattoirs. Par exemple, elle a délégué l'examen des plans aux régions plutôt que de faire tout ça ici à Ottawa. Pour accélérer les choses, elle a créé une équipe chargée d'approuver les nouvelles usines. L'Agence a également affecté de nouvelles ressources humaines en ligne pour s'assurer de pouvoir traiter la question.
De concert avec les entreprises, elle tente de rendre le processus de réglementation le plus convivial possible. Du même souffle, toujours en se rappelant que sa responsabilité principale est de protéger la santé animale et la santé des Canadiens — elle a fait un excellent travail à cet égard dans le passé, et continuera sans doute de le faire — elle est en train d'adopter des accommodements pour que l'on puisse accélérer le processus le plus possible.
Voilà pour ce bref aperçu. Je ne voulais pas prendre beaucoup de temps avec mes observations d'ouverture, puisque je pense que les membres du comité auront l'occasion de poser des questions et de ne pas écouter un ministre se lamenter.
La présidente : Vous ne vous lamentez pas, monsieur le ministre. Nous vous remercions de cette présentation. Les nouveaux sénateurs se doivent de connaître les enjeux d'actualité, j'en vois un troisième qui arrive maintenant. Je vous présente le sénateur Grant Mitchell de l'Alberta.
Le sénateur Mercer : Bonsoir, monsieur le ministre. Soyez le bienvenu. C'est un plaisir de vous revoir et c'est toujours agréable de vous entendre. En ce qui concerne votre discussion sur la capacité d'abattage, vous avez parlé d'une nouvelle usine à Salmon Arm et d'une autre à l'Île-du-Prince-Édouard. La semaine dernière, des représentants des producteurs du Québec nous ont dit qu'ils envisageaient d'élaborer un plan d'affaires pour faire quelque chose chez eux.
Je m'inquiète au sujet de l'usine de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle est relativement petite et comme c'est une coopérative, de toute évidence, elle n'est disponible que pour les membres de la coopérative. Je m'inquiète au sujet d'autres agriculteurs, particulièrement de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, qui ne sont pas membres de la coopérative. Est-ce que le ministère envisage des mesures pour faire en sorte que tout le monde ait un accès à peu près égal à cette capacité d'abattage partout au pays?
M. Mitchell : Vous avez tout à fait raison. L'une des questions que j'ai abordées dans ma déclaration d'ouverture, c'est que ce n'est pas simplement une question de grands nombres. Il y a aussi des préoccupations régionales. J'étais notamment content de voir se construire cette usine à l'Île-du-Prince-Édouard parce que c'était absolument essentiel. Mes fonctionnaires pourront me corriger si j'ai tort, mais je crois savoir que cette usine continue de chercher de nouveaux produits ou d'autres produits qui pourraient être transformés chez elle. Cette usine a la capacité de le faire. Personne n'est exclu. Elle se concentre actuellement sur sa chaîne de production, et elle est consciente qu'elle doit développer d'autres marchés. Ce projet sera réalisé soit au sein d'une entité distincte, qui pourrait être située ailleurs dans la région de l'Atlantique, soit en mettant en place une deuxième chaîne de production dans l'usine actuelle. Pour déterminer la meilleure méthode, il faudra prendre une décision d'affaires.
L'une des caractéristiques particulières de l'usine de l'Île-du-Prince-Édouard est qu'elle témoigne de la coopération de trois provinces. Même si l'usine est à l'Île-du-Prince-Édouard, elle a l'aval des producteurs de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Les trois gouvernements ont travaillé en étroite collaboration. C'est un bon exemple d'initiative régionale. Il reste encore du travail à faire, plus particulièrement en ce qui concerne la viande de boeuf de plus de 30 mois.
Le sénateur Mercer : Les journaux nous ont appris que le Japon a maintenant confirmé son quinzième cas de maladie de la vache folle et son premier cas de maladie de Creutzfeldt-Jacob après la mort d'un homme dans ce pays.
Les Américains continuent de nier que deux cas d'animaux malades étaient des cas de vache folle. J'ai dit ceci publiquement et je vais le répéter. Je ne crois pas les Américains. Je pense qu'il y a eu des cas de vache folle dans leur troupeau depuis de nombreuses années et ils font comme Ralph Klein, ils tuent la bête, l'enterrent et ne disent rien.
Qu'est-ce que va faire le ministère pour protéger les cheptels canadiens? Nous avons entendu dire que les Américains s'acharnent à protéger les leurs. Que faisons-nous actuellement pour protéger nos cheptels de ce que je considère être les cheptels relativement peu sûrs des Américains? En quoi la situation japonaise influe-t-elle sur les cheptels?
M. Mitchell : Du point de vue canadien, c'est mon opinion, et je pense qu'elle est partagée par la plupart des experts dans le monde, le Canada possède l'un des meilleurs systèmes de réglementation en place. Il respecte les lignes directrices et les normes de l'OIE. Nous avons entrepris un certain nombre de choses que l'on juge adéquates pour protéger la santé animale et humaine. Premièrement, nous avons imposé cette interdiction de nourrir des ruminants avec des dérivés de ruminants en 1997. Cette mesure a été considérée et continue d'être considérée comme l'un des moyens les plus efficaces de stopper la propagation de l'ESB dans un troupeau. Depuis ce temps, et plus récemment, nous avons examiné la situation au Canada. Et des personnes de l'extérieur sont venues examiner notre système. Dans les deux cas, la conclusion a été que nous avons un bon système.
Mis à part la nécessité de protéger la santé humaine, nous enlevons tous les abats à risque spécifiés (ARS) de la chaîne alimentaire humaine. Je suis certain que mes collègues autour de cette table le savent, si un animal est infecté, cette infection se retrouve en fait dans ces abats; nous avons donc pris des mesures pour empêcher complètement que cela ne se transporte pas dans la chaîne alimentaire humaine.
En outre, nous avons annoncé en juillet que nous interdisons de nourrir les animaux avec des ARS. Nous travaillons là-dessus. Nous venons de terminer une période de consultations auprès de l'industrie et nous sommes en train d'évaluer ses commentaires. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les provinces. Vous aurez peut- être remarqué dans le budget que nous avons consacré 80 millions de dollars à cette question. Nous possédons un régime réglementaire solide au Canada. Comme vous le savez, nous avons effectivement publié une ordonnance d'interdiction concernant les États-Unis, et nous sommes en train de la lever en conformité avec la norme américaine que les trois pays ont adoptée au sujet de l'importation d'animaux vivants.
Vous savez aussi que les Japonais ont adopté plusieurs mesures ces derniers temps, la moindre n'étant pas qu'ils reconnaissent une situation nord-américaine et non plus une situation distincte pour le Canada et les États-Unis. Ils considèrent ce marché comme un seul marché intégré. Ils nous ont dit que lorsqu'ils rouvriraient leur marché, ils le rouvriraient à l'Amérique du Nord. C'est un point que nous avons soulevé auprès des Japonais. Vous savez peut-être aussi que les Japonais sont en train d'examiner un processus interne sur la façon dont ils traitent leur bétail. Ils prévoient faire des tests sur tous les animaux et adopter plutôt une vérification selon l'âge des animaux. Une fois qu'ils auront adopté cette norme intérieure, ils pourront rétablir les échanges commerciaux avec des pays qui respectent leurs règlements.
Le sénateur Gustafson : Merci, monsieur le ministre, d'être venu témoigner aujourd'hui.
Il me semble que les deux nouvelles usines de transformation sont bien situées. Celle de la Colombie-Britannique compte un marché captif de 4 millions de personnes dans le Lower Mainland, celle de l'Île-du-Prince-Édouard, compte tenu des considérations de transport, est naturellement bien située.
J'aimerais poser certaines questions au sujet de la surcapacité. Il est difficile de faire concurrence aux Tysons et Cargill. Il y a trois ou quatre semaines, notre comité s'est rendu aux États-Unis. L'une des questions que j'ai posées à l'association des éleveurs consistait à savoir combien de temps cela leur prendrait pour ramener leurs cheptels à leur niveau d'avant. Étant donné les prix élevés aux États-Unis, ils ont vendu tout ce qui était vendable. La réponse a été six ans. Je pense que lorsque la frontière ouvrira — et elle ouvrira — les États-Unis vont acheter beaucoup de génisses de moins de 30 mois pour la reproduction. Nous pourrions nous retrouver en situation de pénurie. Je suis peut-être optimiste, mais lorsqu'on regarde les chiffres, la contribution du Canada à l'Amérique du Nord pour ce qui est du nombre de têtes de bétail est faible comparativement à celle des États-Unis.
Sur le marché international, la dernière chose que nous devrions faire, c'est de nous engager dans une guerre de prix avec les Américains. Si nous le faisons, nous ne survivrons probablement pas sur ce marché. Qu'en pensez-vous?
M. Mitchell : Votre observation sur la surcapacité est excellente. C'est pourquoi nous avons tenté de déterminer un niveau de capacité raisonnable. Même si les experts ne sont pas d'accord, le chiffre de 105 000 têtes semble recueillir un semblant de consensus général. Il faut faire attention à la surcapacité et c'est la raison pour laquelle nous avons établi un plan d'affaires solide et des principes de durabilité. Le type de modèle d'affaires que l'on a peut aider en ce sens. Créer un modèle d'affaires, habituellement un modèle qui appartient aux producteurs, qui garantit votre approvisionnement pour une certaine période, pourrait être une façon de régler le problème.
Essentiellement, plus on a une capacité de transformer les animaux ici, plus on jouit d'une souplesse pour les produits de la viande — pas simplement pour les expédier aux États-Unis, mais aussi vers d'autres marchés sur lesquels nous avons un certain succès — cela donne aux producteurs une certaine marge de manœuvre qu'ils ne voudront peut- être pas abandonner une fois qu'il y aura eu régularisation du commerce. Ce ne serait pas prudent de ne pas tenir compte de certains des points que vous avez soulevés, sénateur. Il faut tenir compte du potentiel.
En ce qui concerne les marchés internationaux, l'agriculture canadienne a toujours eu tendance à développer certains secteurs du marché où elle fait bonne figure. Notre réputation dans ce domaine est un avantage. Les possibilités qui s'offrent à l'industrie du bœuf nous permettent de le faire.
Vous avez raison de dire que notre industrie est plus petite que celle des États-Unis. Cela nous donne la possibilité d'être un peu plus souples et un peu plus agiles quand nous envisageons de pénétrer des marchés. Les producteurs de boeuf canadiens sont des personnes et des gens d'affaires aguerris. Ils en ont fait la preuve à maintes reprises au moment où ils ont bâti leur industrie durant la première partie de cette décennie. J'ai bien confiance en leur capacité au moment où nous leur offrons les conditions nécessaires pour leur permettre d'avoir du succès.
Le sénateur Gustafson : Le secteur du bétail est l'un des joyaux de notre industrie qui fait du libre-échange avec les États-Unis depuis 1930.
Mon autre question concerne le faible prix des denrées dans le secteur du grain. Je reconnais que je dévie un peu du sujet, mais récemment, nous avons été témoins des prix les plus faibles dans l'histoire. Au cours des dernières semaines, j'ai assisté à plusieurs ventes de fermes. La situation est très grave. Je pense que c'est probablement une situation plus sérieuse, en dernière analyse, que celle à laquelle fait face actuellement l'industrie bovine. Les difficultés auxquelles fait face cette industrie peuvent être réglées.
Le blé surgelé se vend à 70 cents le boisseau. Les animaux adorent ce blé. Il ne fait aucun doute que les faibles prix des denrées généreront une marge de revenu. Les Américains parlent d'une banque de bovins qui viendrait au Sud, mais je dirais que, à cause du faible prix du grain, le bétail va peut-être venir au Nord.
À l'échelle mondiale, comment entrevoyez-vous le prix des denrées aujourd'hui et demain? Nous savons que nous ne pouvons pas survivre avec 2 dollars pour le blé et des prix plus bas que cela, selon la catégorie.
M. Mitchell : Sénateur, le faible prix des denrées est une question importante. En tant que ministre, je ne classerai pas toutes les questions que je dois régler et dire qu'une est plus importante que l'autre, elles sont toutes importantes. Elles représentent toutes des défis auxquels font face les producteurs. Comme vous le savez, sénateur, la question ne se limite pas aux producteurs, aussi importants soient-ils, mais nous devons tenir compte également des collectivités qui les entourent et de l'effet multiplicateur des problèmes dans toute les régions rurales du Canada.
Je vais répéter certains de mes commentaires de ma déclaration d'ouverture. Il y a deux approches, et les deux sont importantes. Une est de toute évidence une approche axée sur les revenus. Nous allons travailler fort pour continuer d'offrir des liquidités à l'industrie, dont les plus récentes ont été versées il y a trois semaines. Après l'annonce que nous avons faite il y a trois semaines, d'après ce que je crois comprendre, la première série de chèques a été envoyée hier.
Nous comprenons que les producteurs ont besoin de liquidités. Nous disposons d'un programme de stabilisation du revenu qui porte sur cette question. Je sais que nombre de mes collègues ont dit que nous devons l'améliorer. Les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent avec nos producteurs pour régler certains des problèmes.
En outre, nous devons apporter des changements structurels, mais il est difficile d'affronter certaines situations. Il faut, par exemple, réagir à une sécheresse comme celle qui s'est produite en Saskatchewan le 20 août dernier. Il y a des situations difficiles.
En ce qui concerne le milieu commercial actuel, les négociations de l'OMC sur la viabilité à long terme de l'industrie sont importantes pour nous. Le Canada dépend d'un système d'échanges commerciaux qui repose sur des règles. Nous vendons 80 p. 100 de ce que nous produisons. L'élimination des subventions à l'exportation de la part de nos partenaires commerciaux et la réduction de leur soutien chez eux sont des questions essentielles qui touchent la viabilité à long terme.
Mon collègue, M. Peterson, le ministre du Commerce international, et moi sommes très occupés cette année avec la ronde de pourparlers de Doha. J'ai rencontré des pays du groupe Cairns il y a quelques semaines. Une petite réunion ministérielle aura lieu en mai, une autre est prévue pour juillet, et une autre pour septembre. Ensuite, nous allons essayer de trouver une première entente à Hong Kong en décembre.
Cela est essentiel parce que, comme je l'ai dit en parlant du bœuf, cela est important pour assurer la stabilisation des revenus. Il n'est pas question d'en minimiser l'importance. C'est une chose qu'on ne peut pas faire. Il faut aborder les enjeux structurels. Pour les céréales et les oléagineux, nous devons tenir compte du milieu commercial dans lequel nos producteurs évoluent.
Le sénateur Gustafson : J'ai reçu un appel il y a quelque deux semaines d'un producteur de maïs ici en Ontario qui me disait avoir vendu son maïs 1,20 $. Ce prix est impensable.
Le sénateur Callbeck : Je vais peut-être dévier du sujet de l'ESB, monsieur le ministre, mais j'aimerais avoir votre opinion sur quelques questions pour que je puisse répondre lorsqu'on m'interroge dans ma province natale.
L'une de ces questions porte sur les consultations que le secrétaire parlementaire a menées en janvier lorsqu'il a parcouru le pays et s'est entretenu avec les producteurs au sujet des problèmes concernant le revenu agricole. Je crois savoir qu'un plan d'action est en voie d'élaboration et sera présenté aux ministres de l'Agriculture en juillet. Pouvez- vous faire des commentaires sur ce que l'on peut attendre de ce plan? Une fois qu'il sera présenté, quand les producteurs peuvent-ils s'attendre à avoir certaines mesures concrètes?
M. Mitchell : Merci de cette remarque, sénateur. Vous avez tout à fait raison de dire que le secrétaire parlementaire est en train d'examiner la question. D'ailleurs, la priorité concerne l'aspect structurel, c'est-à-dire que nous essayons de repérer quelques-uns des problèmes relatifs à la chute à long terme des revenus agricoles, particulièrement dans certains secteurs de production.
Le secrétaire parlementaire, M. Easter, a tenu une première série de consultations auprès des producteurs, consultations sur lesquelles il se fondera pour concevoir ce que je pourrais appeler un « menu » d'idées. Il vient de terminer une deuxième tournée dans l'Ouest où il a présenté cet ensemble d'idées à un petit groupe de producteurs, auxquels il a demandé de tenter de mieux définir ce qui devrait être fait, à la fois au regard de ce qui est faisable et des principales conséquences de ces actions. Il effectuera le suivi de ces questions. Voilà pour l'Ouest. Il se rendra également dans l'Est. Je ne connais pas les dates mais je me ferai un plaisir de vous les fournir. Par la suite, il se rendra dans le Centre du Canada. Il aura visité trois régions du pays.
À partir de ces consultations, il établira un plan comportant une liste de mesures qui devraient être envisagées ou même entreprises. À ma connaissance, il divisera les mesures selon qu'elles doivent être prises à court, à moyen et à long termes. Il est certain que la mise en œuvre de quelques-unes des recommandations demande du temps alors que d'autres peuvent être réalisées à court terme. À mon avis, nous devons essayer de travailler sur ce qui peut être fait rapidement, et nous devrions nous y mettre le plus tôt possible, avant de poursuivre sur cette lancée.
Quelqu'un m'a dit : « Pourquoi procéder à un tel exercice? Il pourrait mener à un échec, puisque la chute des revenus agricoles existe depuis longtemps. » J'ai répondu que, si on ne commence pas par le début, je suis certain qu'on ne pourra résoudre aucun des problèmes. C'est pourquoi nous sommes déterminés à entreprendre cet exercice.
Pour ce qui est de savoir quelles sont précisément ces mesures, je vais attendre de connaître les propos que M. Easter tiendra lors des deux réunions supplémentaires. Un élément clé du processus ou de l'exercice concerne le fait que les idées ne viennent pas du gouvernement fédéral ni des gouvernements provinciaux. À partir de la base, nous essayons d'élaborer ce processus de concert avec les producteurs et de faire en sorte que nous nous identifions à eux. D'après l'information dont j'ai pris connaissance et les discussions auxquelles j'ai participé avec les producteurs et M. Easter, les producteurs se sont montrés très intéressés non seulement par la question des revenus, un aspect qu'ils connaissent, mais également par l'aspect structurel. Ils font de l'excellent travail. Je m'en voudrais de ne pas mentionner que la Fédération canadienne de l'agriculture appuie grandement le processus.
Le sénateur Callbeck : Merci, monsieur le ministre. Ai-je raison de dire qu'après la réunion du mois de juillet, les producteurs pourront escompter l'annonce de mesures à court terme?
M. Mitchell : C'est ce que nous espérons. Nous verrons quelles sont les recommandations. Vous comprenez, sénateur, que certaines mesures peuvent être mises en œuvre assez rapidement et que d'autres exigent plus de temps. Évidemment, sur le plan constitutionnel, l'agriculture est un domaine de compétence fédérale-provinciale, ce qui s'ajoute à la complexité de la situation. Je pense que nous avons clairement démontré par le passé notre volonté d'agir face aux problèmes, qu'il s'agisse de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ou du programme de soutien du revenu que nous avons lancé il y a trois semaines. Nous sommes résolus à prendre des mesures pour régler les problèmes que doivent affronter les producteurs.
On vient de me donner une note m'indiquant que la réunion dans les provinces de l'Atlantique se tiendra le 22 avril et que celle dans le Centre du pays aura lieu le 25 avril.
Le sénateur Callbeck : J'ai une autre question sur l'apport de un milliard de dollars que vous avez annoncé dans le cadre du Programme de paiements relatifs au revenu agricole. Les provinces ont-elles joué un rôle dans la mise en œuvre du programme ou dans le processus de paiements? Est-ce que certaines participent au financement?
M. Mitchell : Il s'agit d'un programme strictement fédéral. Toutes les sommes investies proviennent du gouvernement fédéral. C'est un programme fédéral. Dans le passé, les gouvernements fédéral et provinciaux ont collaboré dans le cadre de nombreux programmes. Nous avons également administré des programmes de manière unilatérale.
Je pense qu'on peut affirmer honnêtement que tant le gouvernement fédéral que les provinces ont beaucoup travaillé pour répondre aux besoins des producteurs. J'ai rencontré la semaine dernière neuf de mes collègues provinciaux sur dix, et je peux vous confirmer personnellement que tous ont la volonté de relever les graves défis auxquels font face les producteurs canadiens.
Le sénateur Oliver : Merci pour votre excellente présentation. Elle a été très instructive. Vous avez beaucoup parlé de la capacité d'abattage. Je me demande ce qui adviendra le jour où cette capacité atteindra 105 000 bêtes, comme vous l'avez indiqué, et que, le même jour, le marché américain s'ouvrira à l'exportation du bétail vivant. Avez-vous préparé des scénarios sur ce qui pourrait se passer alors? Ma question pourrait être reformulée autrement : Combien de bêtes compte le Canada actuellement? Et combien de bêtes pouvons-nous nous permettre de laisser traverser la frontière tout en répondant à une capacité d'abattage de 105 000 bêtes? Cette situation provoquera-t-elle une crise?
M. Mitchell : J'en doute, sénateur. De mon point de vue, l'ouverture de la frontière aurait dû se faire il y a longtemps. Je tiens à le dire clairement. L'ouverture surviendra non pas parce que nous le souhaitons, mais en raison des faits, et elle se fera par étapes. D'abord, elle touchera les animaux de moins de 30 mois, puis ceux de plus de 30 moins. Par la suite, probablement, ce seront les animaux reproducteurs, bien que j'espère que les États-Unis ouvriront leur frontière aux deux dernières catégories en même temps. Il y aura donc une période de transition.
Les hypothèses sont nombreuses. Nous n'avons pas de gros troupeau en attente devant la frontière pour passer aux États-Unis. Je sais que cette inquiétude a déjà été soulevée. Toutefois, elle ne correspond pas à la réalité. Nous avons pu montrer aux producteurs que ce n'était pas le cas.
La création de cette capacité d'abattage suppose également que nous avons la capacité ou le désir de développer de nouveaux marchés internationaux, ce qui entraînerait, entre autres, que la production, c'est-à-dire les produits finis, serait exportée partout dans le monde. Nous faisons de grands efforts pour rétablir le marché avec les Japonais. C'est un marché rentable ou, du moins, il l'a été dans le passé. Lorsque nous y aurons de nouveau accès, nous devrons reconquérir notre part de marché.
Je ne prétends pas qu'il n'y aura pas de période d'ajustement, mais je pense que nos producteurs sont dans une phase d'expansion, et c'est pourquoi nous parlons de repositionnement de l'industrie. Le marché sera différent de ce qu'il était avant 2003. Le marché se sera développé et aura progressé. Dans une certaine mesure, l'industrie s'orientera plutôt vers la viande que vers les animaux vivants, sans exclure les derniers, mais les proportions auront changé. C'est la réalité. Les Américains comprennent que l'industrie canadienne sera différente.
Le sénateur Oliver : Lorsque le sénateur Gustafson vous a parlé, il a oublié de vous demander quelles seront les conséquences des variations dans le prix du carburant, qui a doublé, sur le coût réel de production. À la lecture du magazine The Economist et d'autres revues internationales, il semble que le coût du carburant ne diminuera pas prochainement. Quelles en seront les conséquences?
M. Mitchell : Le coût du carburant fait partie du coût réel de production. Le pétrole est un produit brut utilisé dans la production d'autres biens. L'industrie agricole n'est pas la seule qui soit touchée par la variation du prix du carburant, de nombreux autres secteurs d'activité en subissent les conséquences. Toutefois, en ce qui concerne l'agriculture, celles-ci sont de nature différente.
Dans une large mesure, les producteurs agricoles sont des preneurs de prix plutôt que des fixeurs de prix. Leur capacité de transférer leur coût de production est beaucoup plus limitée que dans d'autres secteurs. C'est en partie pourquoi les programmes de stabilisation du revenu que nous offrons ainsi que les autres programmes, tels les paiements relatifs au revenu agricole, s'avèrent des investissements importants à faire. Ils constituent l'un de nos défis, et l'une des choses auxquelles s'affaire M. Easter présentement. L'exploitation dans le secteur agricole est en quelque sorte unique en soi, et il est important que nous comprenions cette particularité de l'industrie. Bien qu'il soit possible de faire de nombreuses comparaisons avec ce qui se passe dans d'autres secteurs, les défis spécifiques au secteur sont aussi fort nombreux, et, dans le cadre de l'élaboration d'une politique nationale, il faut en tenir compte. C'est en partie ce que nous sommes en train de faire, ce que M. Easter essaie de formuler et de quantifier sur une plus grande échelle.
[Français]
Le sénateur Gill : La semaine dernière, nous avons reçu des représentants de l'industrie agricole du Québec. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas leur juste part des revenus dans cette industrie. Ils ont invoqué — si je les interprète bien — le contrôle des prix et le contrôle du nombre de têtes qui est exercé par les abattoirs.
Ces représentants semblaient dire que c'est totalement injuste et que cela ne favorise pas les agriculteurs eux-mêmes. Quelles sont vos impressions à ce sujet? Selon vous, est-ce un problème majeur que d'avoir le contrôle exercé par les abattoirs au Québec? La même chose se produit probablement ailleurs au pays; le contrôle des prix et du nombre de têtes. Les abattoirs eux-mêmes ont un certain nombre de têtes. Donc, ils peuvent contrôler l'abattage et, évidemment, les prix.
[Traduction]
M. Mitchell : Sans connaître le contenu du témoignage, permettez-moi de vous donner mon opinion. Premièrement, une grande partie des commentaires provenant du Québec concernent les animaux plus âgés dans les troupeaux de vaches laitières plutôt que ceux des troupeaux de bovins et de ruminants. En ce qui concerne le dernier type de troupeau, l'apport des producteurs québécois est exactement le même que celui des producteurs du reste du pays. Le montant total en dollars est moins élevé au Québec étant donné que l'industrie bovine y est moins importante qu'ailleurs. Toutefois, cette situation influe sur l'industrie laitière, puisque, en raison de la fermeture de la frontière au bétail plus âgé, les producteurs laitiers obtiennent un prix moins élevé pour les vaches plus âgées.
Cette situation a été étudiée sous plusieurs angles. Comme vous le savez probablement, sénateur, en fixant le prix du lait en décembre, la Commission canadienne du lait a accordé une augmentation de 5 $ l'hectolitre. De cette augmentation, 1,66 $ par hectolitre correspond précisément à la chute du prix des vaches réformées. Cette mesure a pour but d'aider les producteurs à faire face à cette baisse des prix. Nous ne pouvons pas ne pas prendre ces faits en considération.
Deuxièmement, il faut tenir compte de la question de l'accroissement de la capacité d'abattage. Tant que le nombre d'animaux offerts est supérieur à votre capacité de les abattre, le marché se trouve dans une certaine situation. L'une des solutions consiste à mieux équilibrer le marché. À cette fin, nous avons mis sur pied un programme gouvernemental en vue d'accroître la capacité — et j'emploie les mots « accroître la capacité » dans le sens de s'occuper des différences de prix.
Nous comprenons également, et c'est important, que l'une des composantes dont nous devons tenir compte concerne la gestion des animaux plus âgés ainsi que l'âge et la taille de notre cheptel. Nous collaborons étroitement avec les provinces, y compris le Québec, ainsi qu'avec les producteurs sur ce que devrait être la meilleure approche à adopter concernant ces questions.
Nous recevons du Québec des suggestions sur un prix minimum. Nous avons donné la possibilité, notamment à l'Union des producteurs agricoles, de faire des interventions auprès des sous-ministres adjoints des divers gouvernements au Canada en ce qui a trait à la nécessité d'établir un prix minimum national. Il ne semble pas que ce soit le cas. Cela étant dit, il faut certainement résoudre la question de l'âge du cheptel ainsi que celle de l'élimination des animaux plus âgés. Nous sommes actuellement à étudier ces questions.
[Français]
Le sénateur Gill : Que pensez-vous de l'initiative au Québec de devenir propriétaire, en partie ou en totalité, des abattoirs? Je parle des agriculteurs et des éleveurs eux-mêmes. On nous a dit qu'au Québec, une des solutions pour permettre un juste partage, ce serait d'être propriétaire des abattoirs.
[Traduction]
M. Mitchell : Comme je l'ai mentionné au début de ma présentation, différents types de modèles pourraient être retenus. Les producteurs du Québec doivent décider s'il s'agit du modèle le plus adéquat. Si l'on en juge par leurs actions, il semble évident qu'ils en sont venus à la conclusion que c'est ce qu'ils veulent faire.
Comme je leur ai dit, s'ils veulent envisager d'accroître leur capacité, il est certain qu'ils pourront avoir accès au programme que nous avons mis en œuvre à cet effet. Notre programme n'existe pas seulement pour modifier la propriété de la capacité existante. S'ils entreprennent d'accroître leur capacité, je leur ai clairement indiqué qu'ils seront admissibles à notre programme, à la condition qu'ils en respectent tous les critères et qu'ils se conforment à tous les autres aspects.
Le sénateur Mitchell : Pour commencer, je dois mentionner que c'est le premier comité sénatorial auquel je participe. De fait, je n'en suis pas un membre officiel, je ne suis qu'observateur. Et c'est la première fois que je pose une question dans le cadre d'un comité sénatorial. De plus, je viens de la ville. Ces trois éléments vous sembleront peut-être évidents une fois que j'aurai posé ma question.
Il est clair que certains gouvernements provinciaux se sont montrés ouvertement agressifs et critiques envers vos relations avec le gouvernement des États-Unis. Ces critiques et ces attitudes agressives pourraient être interprétées comme une façon de miner vos efforts de négociation avec les États-Unis en vue d'ouvrir la frontière à notre cheptel.
Si la fermeture de la frontière en raison de l'ESB relève de la politique intérieure des États-Unis, ce qui, selon moi, est largement le cas, alors les propos auxquels a fait allusion le sénateur Mercer, « on tue, on enterre et on se tait », s'avèrent non seulement inutiles mais ils donnent à ces politiciens de puissantes munitions pour continuer de s'opposer à l'ouverture de la frontière avec des arguments de nature politique.
Je désire savoir quel genre de relations vous avez établies avec les provinces afin de former un front commun, et si vous avez réalisé des progrès à cet effet.
M. Mitchell : Concernant le dossier de l'ESB, nous avons établi d'excellentes relations avec nos homologues des provinces. Je peux les décrire de la façon suivante : nous partageons la même certitude. Nous sommes tous déterminés à œuvrer pour l'ouverture de la frontière.
Je dois vous signaler que, relativement à la situation actuelle avec les États-Unis, les deux pays sont en définitive engagés dans la même voie. Le gouvernement américain, le département de l'Agriculture des États-Unis et mon homologue, Mike Johanns, gouverneur du Nebraska et secrétaire à l'Agriculture, s'occupent à faire ouvrir la frontière. Le 29 décembre, je crois, ils ont présenté une modification à la réglementation, qui entrerait en vigueur le 7 mars. Le gouvernement a clairement indiqué que le règlement se fonde sur l'hypothèse valable que le Canada est un pays où les risques sont minimes, et que, par conséquent, la frontière devrait être ouverte. Au cours de ma visite de février, le secrétaire s'est engagé publiquement, une fois que le règlement prendra effet, à ce que les États-Unis en déposent rapidement un deuxième qui régira les produits non couverts par le premier. Le secrétaire Johanns a fait cette déclaration devant la Chambre des représentants et le Sénat. Le département de l'Agriculture des États-Unis en a appelé de l'injonction temporaire émise au Montana. Le Département défend donc énergiquement son règlement. Nous, les gouvernements fédéral et provinciaux — et nous devrions inclure les gouvernements territoriaux également — partageons assurément le point de vue du département de l'Agriculture des États-Unis.
Les positions de la Chambre des représentants et du Sénat sont-elles de nature politique? Certainement. Bien que le Sénat ait adopté une résolution, le président a clairement dit qu'il y opposerait son droit de veto. La Chambre des représentants, qui doit également donner son approbation, n'a pas jusqu'à maintenant pris action, bien qu'on ne puisse jamais préjuger de son action future.
Le sénateur Mercer : Je félicite le sénateur Mitchell pour sa première question. Comme je suis à cette table l'autre citadin, je crois qu'il s'en est bien tiré.
Monsieur le ministre, je passerai à d'autres sujets concernant les vaches laitières et les problèmes de cette industrie. Je rassemblerai mes trois questions en une seule de sorte que je ne perdrai pas de temps en préambule.
Comment nous retrouvons-nous dans la situation où la question de la concentration des protéines du lait perturbe une industrie qui, selon moi, a déjà été très rentable? Je sais que des négociations sont en cours. Pourquoi devons-nous invoquer l'article 28 des accords du GATT, comme d'autres pays songent à le faire, pour protéger nos producteurs laitiers?
Il s'agit d'une question importante pour les producteurs de ma province, la Nouvelle-Écosse, mais elle est probablement encore plus importante pour ceux du Québec où l'industrie laitière a une si grande envergure.
M. Mitchell : Manifestement, sénateur, il s'agit d'une question importante pour tout le pays, puisque toutes les provinces ont une industrie laitière, bien qu'elle soit plus concentrée dans certaines provinces, notamment au Québec.
Comme représentants du gouvernement fédéral, nous soutenons fortement la gestion de l'offre dans l'industrie laitière. Le Canada a été l'objet d'une campagne de marketing réussie, ce dont l'industrie a bénéficié.
Il y a des problèmes au sujet de certains barèmes de prix et certains produits correspondants. J'ai clairement indiqué à l'industrie que, bien que je n'exclue pas de prendre une action en vertu de l'article 28, je désire poursuivre les négociations en cours avec nos partenaires de l'Organisation mondiale du commerce. Tout le long de l'année, nous aurons à traiter de nombreuses questions complexes et cruciales.
À un moment donné, j'ai pensé que nous devrions recourir à l'article 28. Toutefois, pour l'instant, j'aimerais saisir l'occasion de négocier. Permettez-moi d'être clair, nous soutenons fortement la gestion des stocks. C'est la position que nous défendons dans les négociations. Nous y travaillons fortement.
Je ne pense pas qu'il existe un désaccord fondamental dans les politiques. Nous avons des discussions concernant la meilleure stratégie à adopter et le meilleur moment pour la mettre en œuvre, et il s'agit d'une discussion honnête.
Le sénateur Mercer : Avez-vous une idée des échéances?
M. Mitchell : Selon moi, nous devrions attendre de connaître le type de résultat des présentes négociations. À un certain moment, en continuant dans la même direction, nous pourrons évaluer le succès ou, espérons que ce ne sera pas le cas, l'insuccès de nos démarches. Mon évaluation de la situation est très ouverte. Ce n'est pas une question politique. Nous sommes tout à fait d'accord quant à l'importance de la gestion des stocks. Nous discutons de la meilleure stratégie à retenir.
La présidente : Monsieur le ministre, je constate que nous allons manquer de temps. Je vous remercie beaucoup de nous avoir accordé du temps, alors que, je le sais, c'est une soirée occupée et une semaine difficile.
Nous aimerions savoir si nous pourrons vous recevoir et, je dirais, plus fréquemment. Notre comité est actif. Nous surveillons la situation de près depuis un certain temps. Nous aimerions que vous reveniez afin que nous puissions suivre votre travail. Notre comité représente bien la population du pays, et nous souhaitons vous revoir très bientôt.
M. Mitchell : Madame la présidente, c'est toujours un plaisir de me présenter devant votre comité et de vous tenir au courant de nos négociations avec l'OMC ou de tout autre sujet. Je sais que vous formez un comité très actif, et je vous félicite pour le travail que vous accomplissez.
La présidente : Merci, et bonne chance dans vos pourparlers.
Le sénateur Mercer : Madame la présidente, nous n'avons pas eu de discussions concernant les études que nous avons proposées il y a quelque temps. Figureront-elles à l'ordre du jour d'une réunion subséquente?
La présidente : Oui. Je vais maintenant mettre fin à la réunion.
La séance est levée.