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ANTT - Comité spécial

Antiterrorisme (Spécial)

 

Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste

Fascicule 2 - Témoignages du 21 février 2005 - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le lundi 21 février 2005

Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste se réunit aujourd'hui, à 13 h 30, afin de procéder à un examen approfondi des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste (L.C. 2001, ch.41).

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous sommes maintenant prêts à poursuivre notre examen de la Loi antiterroriste. Nous avons commencé ce matin par entendre le ministre de la Justice, Irwin Cotler. Même si le ministre n'a pas pu rester parce qu'il devait se rendre à la Chambre des communes, nous pouvons poursuivre la discussion cet après-midi avec les hauts fonctionnaires de son ministère, MM. Breithaupt, Cohen et Dolhai. Nous leur sommes reconnaissants d'avoir accepté de rester.

Il y a eu beaucoup de questions et de réponses ce matin, et il y a des sénateurs ici présents qui sont impatients de poursuivre la discussion avec vous sur certaines de ces questions et réponses.

Le sénateur Lynch-Staunton : Quand j'ai demandé au ministre quels étaient les éléments de la loi qui avaient été jugés utiles et pourquoi certaines dispositions n'avaient pas été utilisées, il a invoqué dans sa réponse, si je me souviens bien, la liste des entités, de même que la disposition autorisant la saisie de fonds — j'oublie quel est l'acronyme qu'il a utilisé — et qui a permis de saisir 70 millions de dollars, montant impressionnant. Il ne semblait pas y avoir grand-chose d'autre dont il pouvait se souvenir. Quelqu'un d'autre pourrait-il nous dire quelles autres dispositions de la loi ont été utiles dans la lutte judiciaire contre le terrorisme?

M. Stanley Cohen, avocat général principal, Section des droits de la personne, Ministère de la Justice Canada : Honorables sénateurs, il a été souligné que le fait que la loi n'ait pas été utilisée ne doit pas servir à en déterminer l'importance. Il convient de bien insister là-dessus.

Par ailleurs, je comprends que l'on veuille se faire une idée de ce qui est ou de ce qui a été utilisé. Chose certaine, les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada ont été utilisées et ont été jugées conformes à la Constitution par les tribunaux.

Il y a aussi eu une poursuite qui a été intentée en vertu d'une des dispositions concernant les infractions prévues au Code criminel. Les dispositions relatives au blocage des biens ont également été invoquées. La disposition relative aux investigations a été invoquée dans la poursuite concernant Air India. Ce sont là certaines des dispositions de cette loi assez volumineuse qui ont été invoquées.

D'autres, comme celle concernant la Loi sur la protection de l'information, qui a remplacé la Loi sur les secrets officiels, traite de notions depuis longtemps reconnues en droit canadien. La refonte de la Loi sur les secrets officiels préoccupait déjà les parlementaires depuis au moins les années 80, c'est-à-dire depuis l'époque de la commission Macdonald. C'est là une autre loi dont l'importance est indéniable.

Le sénateur Lynch-Staunton : Le ministre a expliqué assez longuement les mesures de sauvegarde que prévoient les dispositions autorisant l'arrestation préventive. Ces dispositions n'ont pas été utilisées, mais les certificats de sécurité que prévoit la Loi sur l'Immigration l'ont été.

Si la procédure prévue dans le projet de loi C-36 semble équitable — rien ne pourrait être moins équitable qu'un certificat de sécurité —, pourquoi n'y a-t-on pas eu recours? Suis-je en train de confondre des pommes avec des oranges? La détention, c'est la détention.

M. George Dolhai, directeur/avocat général principal, Section de l'élaboration des politiques stratégiques en matière de poursuites, ministère de la Justice Canada : Honorables sénateurs, les deux visent des situations différentes. Le certificat de sécurité — dont je n'ai pas à m'occuper dans le cadre de mes fonctions — vise les situations où l'objectif ultime est le renvoi de la personne du Canada. Par contre, la disposition concernant l'arrestation préventive est destinée à répondre à une préoccupation bien précise à un moment bien précis, c'est-à-dire dans des cas où l'on a des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera perpétrée et que l'on a des soupçons raisonnables au sujet d'une personne qui doit être détenue à un moment bien précis et pour une durée limitée.

L'article en question stipule que la détention, si elle est ordonnée, ne peut durer plus de 72 heures. Les conditions qui sont imposées à la personne visée sont fixées en fonction du risque pour la sécurité, ne tiennent absolument pas compte du statut de la personne sur le plan de l'immigration et ne sont pas destinées à régler la question de son statut. La détention préventive ne se fonde que sur le risque pour la sécurité, tandis que le certificat de sécurité tient compte aussi bien du statut de la personne au titre de l'immigration et du risque qu'elle pose au chapitre de la sécurité.

Le sénateur Lynch-Staunton : Je vois la différence, mais je ne comprends pas pourquoi ils veulent renvoyer un non- citoyen. Pourquoi cela ne peut-il pas se faire sous le régime du projet de loi C-36, pour que la personne puisse savoir de quoi elle est inculpée. Après 72 heures, le gouvernement serait forcé de l'inculper ou de ne pas l'inculper ou de suivre la filière judiciaire normale.

M. Dolhai : Il n'y a pas de mécanisme dans le projet de loi C-36 qui prévoit le cas d'immigration de cette personne. On ne peut que s'occuper de l'aspect sécurité du cas actuellement. Pour ce qui est du critère, on doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste sera commis et avoir des soupçons raisonnables au sujet de l'individu.

Le sénateur Lynch-Staunton : J'imagine que je suis le seul à ne pas voir la nuance mais je ne vais pas m'attarder là- dessus.

Je sais que cette histoire de certificat de sécurité ne relève pas directement de vous, mais il est évident que cela vous touche. Quelle sorte de garantie le gouvernement demande-t-il à un pays où un citoyen sera renvoyé que la torture ou d'autres méthodes jugées inacceptables ici ne seront pas employées contre lui?

Si vous dites que cela ne relève pas de votre service et qu'il vous faudra demander aux fonctionnaires compétents, je suis prêt à attendre qu'ils viennent comparaître devant nous.

M. Daniel Therrien, avocat général principal, ministère de la Justice Canada : Honorables sénateurs, une partie de mes fonctions est de conseiller, entre autres ministères, l'Agence des services frontaliers du Canada, qui s'occupe des certificats de sécurité.

Avant de parler de garanties, quand quelqu'un prétend qu'il y a risque de torture, l'allégation selon laquelle une personne il risque la torture est évaluée par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en fonction du pays de destination, de la situation particulière de l'individu et des probabilités que la personne risque la torture, par opposition au fait qu'un pays a des antécédents en matière de droits de la personne qui sont moins que parfaits. Il y a une évaluation des faits du cas pour déterminer si la personne risque effectivement la torture.

Dans la décision concernant la question de savoir s'il y a risque de torture, il arrive dans certains cas que des assurances sont demandées au pays de destination que les droits de la personne seront respectés. Cela fait partie du processus diplomatique, si bien que les assurances vont varier, mais il y a un certain degré de spécificité de l'assurance demandée pour que ce qui est obtenu n'est pas une confirmation générale que les droits de la personne seront respectés mais que l'individu sur le point d'être renvoyé verra ses droits respectés, et parfois il y a même une assurance que la torture ne sera pas infligée.

Ces assurances sont demandées dans très peu de cas. Évidemment, même si une assurance est demandée et obtenue, l'évaluation du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration tient compte de la fiabilité de ces assurances, toutes les circonstances étant étudiées. Nous avons vu des évaluations du risque par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui n'ont pas accordé tout le crédit à l'assurance reçue et qui ont été faites malgré cela.

Des assurances sont données et elles sont pondérées dans l'évaluation du risque, mais les assurances ne sont pas acceptées sans que l'on tienne compte de leur fiabilité.

Le sénateur Lynch-Staunton : Rien ne garantit que les assurances seront tenues.

M. Therrien : Non. Elles sont évaluées au cas par cas.

Le sénateur Lynch-Staunton : Cela signifie que si vous voulez renvoyer quelqu'un dans son pays d'origine et que ce pays ne donne pas d'assurances, la personne peut être détenue indéfiniment. Je ne conteste pas la raison pour laquelle vous voulez expulser quelqu'un vers son pays d'origine. Vous voulez vous assurer que ses droits fondamentaux sont respectés, mais vous n'obtenez pas cette assurance. Vous le considérez comme une menace pour notre société, alors qu'en faites-vous? Le gardez-vous en détention indéfiniment?

La tournure que cela prend m'inquiète. Je ne conteste pas les raisons qui motivent la détention. Je vais contester la méthode mais je veux savoir comment cela aboutit dans le cas d'un pays qui refuse l'individu ou lorsque le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration juge insuffisantes les assurances que la personne sera protégée après avoir été renvoyée.

M. Therrien : Même si les personnes qui ont fait l'objet de certificats ont été détenues pour des périodes relativement longues, il n'y a pas de détention indéfinie ici.

Le sénateur Lynch-Staunton : Non, mais ils sont quand même détenus indéfiniment.

M. Therrien : Certains ont été détenus pour des périodes relativement longues.

Le sénateur Prud'homme : Cela veut dire quoi « longues »? Est-ce que c'est cinq ans, 10 ans ou toujours?

M. Therrien : J'admets que certaines personnes ont été détenues pendant de longues périodes. Une décision de la Cour d'appel fédérale rendue la semaine dernière seulement ou la semaine précédente le dit précisément : Elle reconnaît qu'il n'y a pas de détention indéfinie ici. Nous détenons des gens en vertu d'un certificat de sécurité dans le but de les renvoyer. C'est l'aboutissement. Cela peut prendre un certain temps, mais ce n'est pas indéfini en ce sens que nous ne pourrons pas les renvoyer pour l'instant de sorte que nous les détenons.

Telle était la situation au Royaume-Uni qui a été examinée par la Chambre des lords. Le gouvernement britannique était incapable de renvoyer et détenait sans que l'on puisse savoir quand prendrait fin cette détention. Nous ne pouvons pas dire quelle est la date exacte, mais la fin en vue pour nous, c'est la date du renvoi. J'admets tout à fait que le processus qui mène au renvoi peut être long et se traduit par de longues périodes de détention, ce qui est une question qui inquiète. Toutefois, je fais respectueusement une distinction entre une longue détention pendant le processus de renvoi et une détention indéfinie, comme c'était le cas au Royaume-Uni.

M. Cohen : Vous avez mis le doigt sur un dilemme pour toutes les démocraties occidentales. La question est de savoir comment nous assurons notre sécurité tout en étant fidèles à notre conviction que les gens ne doivent pas risquer la torture ou la peine de mort, par exemple.

On se débat avec cette question ici, mais ce n'est pas la première fois que les parlementaires se penchent dessus. Ce tournant, nous l'avons déjà pris quand il s'agissait de traiter le cas des délinquants dangereux. Nous avons un régime pour la détention indéfinie de délinquants dangereux; la marche à suivre comporte des règles strictes. Nous sommes appelés à trouver un mécanisme qui permette de faire face à un dilemme nouveau pour les démocraties en pareilles circonstances.

Le sénateur Lynch-Staunton : Ces gens-là n'ont pas droit à un véritable procès, contrairement aux délinquants dangereux.

M. Cohen : Ce n'est pas une analogie exacte. La décision qu'il s'agit d'un délinquant dangereux se prend à l'occasion d'une audience après déclaration de culpabilité pour un crime antérieur. Ici, une audience est tenue pour déterminer la nature du danger que l'individu pose pour l'État. C'est essentiellement ce qui se fait pour l'obtention du certificat de sécurité. Je ne mettrais pas les deux procédures tout à fait sur le même pied.

Le sénateur Lynch-Staunton : Dans le cas de M. Charkaoui, nous l'avons finalement libéré. Après avoir pris connaissance des conditions de sa libération, je crois qu'il passe d'une forme de détention à une autre. Il respirera bien un peu d'air frais, mais il devra quand même se présenter aux autorités. Il ne peut pas se servir d'un téléphone cellulaire, il doit être chez lui au plus tard à une certaine heure, et cetera. Je conviens que c'est préférable à l'isolement cellulaire, mais il n'est pas plus avancé. Son cas sera revu dans six mois et peut-être retournera-t-il en prison.

Cela n'a pas de fin tant que vous n'aurez pas convaincu un juge que les assurances données sont telles qu'il faut le relâcher.

M. Cohen : Comme je l'ai dit, c'est un dilemme que doivent trancher les parlementaires, et pas seulement au Canada. Il faut réfléchir autrement et coordonner l'action internationale pour décider comment procéder dans certains de ces cas. Tout ne peut peut-être pas être réglé à l'intérieur des frontières d'un pays donné.

Le sénateur Lynch-Staunton : Je suis heureux que le représentant du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration soit venu sans prévenir. J'aimerais que la présidente recommande vigoureusement de faire comparaître le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et ses collaborateurs pour que nous puissions en discuter avec les premiers responsables. Je remercie les aimables représentants du ministère de la Justice de leur indulgence à notre endroit.

La présidente : J'ai noté votre suggestion, sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Day : Pourrais-je avoir une précision? Le certificat de sécurité relève-t-il du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ou s'agit-il aujourd'hui d'une question de sécurité frontalière qui relève du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile?

M. Therrien : Les certificats sont signés par deux ministres : le ministre de la Sécurité publique et le ministre de l'Immigration.

Le sénateur Day : Il faudrait les faire venir tous les deux pour discuter de cette question.

Le sénateur Fraser : J'aimerais en savoir davantage sur les dispositions du projet de loi C-36 concernant les audiences d'investigation. On y a peu recours et je m'en réjouis. Néanmoins, la loi est là. D'autres pays démocratiques occidentaux ont-ils autorisé ce genre de mécanisme dans leurs lois ou leurs méthodes de lutte contre le terrorisme?

M. Doug Breithaupt, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : D'après nos renseignements, le Royaume-Uni a créé l'infraction de dissimulation de pièces et de renseignements en rapport avec une enquête sur le terrorisme. Les États-Unis ont le système du « grand jury ». L'Australie a une audience d'investigation équivalente mais sans les garanties législatives qui existent au Canada — par exemple, interdiction de l'usage connexe de l'immunité. L'Afrique du Sud a une loi antiterroriste qui a été adoptée au Parlement mais qui n'a pas été promulguée, et qui prévoit ce pouvoir.

M. Dolhai : Même si le Royaume-Uni n'a pas de mécanisme semblable à l'audience d'investigation et impose obligation d'informer la justice, les autorités ont le pouvoir de détenir des suspects pour des infractions reliées au terrorisme. Une des raisons pour lesquelles une personne ne peut pas être détenue par la police est la facilitation du rassemblement de la preuve par interrogatoire par la police. Ils n'ont pas d'audience d'investigation en soi et ne font pas intervenir le judiciaire, mais ils ont le pouvoir d'arrêter, qui comprend le pouvoir d'essayer d'obtenir de l'information au moyen d'interrogatoires.

Le sénateur Fraser : C'est un mélange de notre arrestation préventive et de l'audience d'investigation.

Vous avez parlé du système américain du grand jury qui existe depuis l'aube des temps. Comment le mécanisme prévu dans le projet de loi C-36 se compare-t-il à ce système? Quelles sont les similitudes; quelles sont les différences?

M. Dolhai : Certaines des similitudes sont que les deux peuvent être utilisés ou sont utilisés pour obtenir une information ou rassembler des éléments de preuve. Dans les deux cas on peut obliger des individus à venir et à parler. Une des différences c'est que le grand jury est présidé par le procureur. S'il y a des différences sur certains points, le juge peut intervenir, mais c'est le procureur qui préside. Le rôle des avocats est plus circonscrit à bien des égards que ce qui est accordé dans l'audience d'investigation, ou même si le représentant du procureur général participe, c'est présidé par un juge. C'est une des questions qu'a tranchées la Cour suprême du Canada : est-ce que cela enlève à l'indépendance judiciaire des juges? La Cour a statué à la majorité que ce n'était pas le cas.

Le juge est là pour garantir les intérêts de la personne interrogée et de l'investigation et de tout autre tierce partie. De plus, la personne a expressément droit à un avocat. Cet avocat a un rôle à jouer à l'audience et peut notamment s'opposer à des questions. Les règles normales concernant l'affirmation des privilèges s'appliquent également.

Nous avons aussi eu un grand jury au Canada à un moment. Il y a une certaine similitude entre les deux processus mais, en fin de compte, ils mènent à des résultats différents. Dans la structure du grand jury, les résultats, si tout se termine bien, c'est une mise en accusation. Or, cette structure ne mène pas nécessairement à une condamnation contre quiconque parce qu'elle peut consister à réunir des informations et pas seulement des preuves.

Le sénateur Fraser : J'aimerais un peu d'éclaircissements sur une question légèrement différente : la question des arrestations préventives. Vous avez tous parlé du fait que — et la ministre l'a également dit — la détention est possible pour une période de 72 heures. J'avais fait allusion à une détention qui pouvait se prolonger jusqu'à un an. Je dis ceci autant pour la télévision que pour autre chose. Je parlais de la détention qui devient possible si, après avoir été entendu par le juge, on n'accepte pas les conditions fixées pour sa libération, quelles que soient les raisons. On peut alors être gardé en détention pour un maximum d'un an, même s'il n'y a toujours pas eu de procès, même si l'on n'a pas été accusé de quoi que ce soit, même si l'on n'a peut-être rien fait. On est détenu parce que quelqu'un pense qu'il y a un critère de soupçon raisonnable. C'est un système dont nous n'avons pas l'habitude dans ce pays.

J'ai essayé de clarifier ce que j'avais dit tout à l'heure mais si quelqu'un veut faire un commentaire, je ne demande pas mieux que de l'entendre.

M. Dolhai : Je dirais simplement que la capacité d'imposer la détention et l'incarcération, si la personne ne veut pas accepter les conditions, se retrouve dans d'autres dispositions similaires : les dispositions touchant l'engagement à ne pas troubler l'ordre public, qu'il s'agisse des dispositions ordinaires ou de celles qui s'appliquent au crime organisé. Elles donnent le même pouvoir pendant le même temps.

J'ajouterais aussi qu'il y a un élément de critère de soupçon raisonnable mais également un élément « motif raisonnable de croire ». C'est un critère double. L'élément « motif raisonnable de croire » est important quand on soupèse ce qui se passe.

Le sénateur Fraser : Un engagement à ne pas troubler l'ordre public n'est habituellement demandé qu'après un procès, n'est-ce pas?

M. Dolhai : C'est le même genre de chose. Le seuil pour un engagement à ne pas troubler l'ordre public est lié aux motifs raisonnables de craindre qu'une personne commettra un acte.

Le sénateur Jaffer : Lorsque nous avons terminé notre étude et que le sénateur Fairbairn a fait rapport au Sénat en notre nom, nous avions suggéré un comité consultatif. J'ai une lettre d'un de vos collègues précédents; je n'entrerai pas dans les détails sauf pour dire qu'il ne s'agissait pas d'un processus satisfaisant. Je crois comprendre maintenant que la table ronde interculturelle a été mise sur pied et qu'il doit y avoir une réunion la semaine prochaine.

J'aimerais savoir quel est le mandat de cette table ronde. Ces gens sont-ils payés? Combien de fois se réunissent-ils? Auront-ils des réunions? Que feront-ils exactement?

M. Breithaupt : Je suis désolé, sénateur, nous sommes en train d'essayer d'obtenir ces renseignements. C'est dans le cadre de la politique de la sécurité nationale que cette table ronde interculturelle a été annoncée et constituée — voici le communiqué de presse à ce sujet.

Le sénateur Jaffer : Je ne veux pas le communiqué de presse. Je l'ai et je ne suis pas très impressionnée. Je m'inquiète qu'aucun de vous quatre n'ait de détails sur ces tables rondes interculturelles.

Ce n'est pas de votre faute, mais chaque fois que ces deux ministres sont en public, ils parlent avec grande éloquence de la constitution de ces tables rondes culturelles. C'est là que les groupes ethniques vont pouvoir faire entendre leurs points de vue, toutefois personne n'a pu me dire si ces gens-là sont payés, combien de fois ils se réunissent et qui ils ont consulté.

J'ai le communiqué de presse qui ne me dit pas grand-chose, sauf le nom de ces gens-là. Cette table ronde a été promise en juillet dernier. Nous n'avons aucun détail et c'est pourquoi je vous demanderais de bien vouloir fournir ces détails à notre comité.

M. Breithaupt : Nous pouvons essayer d'obtenir davantage de détails que ce qui figure au site Web. En effet, cette table ronde est une initiative qui a été annoncée dans le cadre de la politique de sécurité nationale en avril dernier. C'est une tribune où on peut discuter des tendances et enjeux nouveaux dans le contexte de la sécurité nationale et qui devrait faciliter un large échange d'information entre l'administration et les diverses communautés quant à l'incidence des questions de sécurité nationale. Cela permettra de mieux informer les décisionnaires en leur indiquant en quoi les mesures de sécurité nationale peuvent avoir une incidence sur différentes communautés canadiennes et cela permettra de mieux protéger l'ordre public, le respect mutuel et la compréhension mutuelle. Les ministères de la Justice ainsi que de la Sécurité publique et de la Protection civile Canada ont participé aux préparatifs qui ont amené la création de la table ronde interculturelle. Nous nous ferons un plaisir de vous donner d'autres précisions à ce sujet.

Le sénateur Jaffer : Pouvez-vous me dire quand? Puis-je demander à la présidence quand nous recevrons ces renseignements, parce que nous poursuivons notre étude et qu'il faudra peut-être que certains des fonctionnaires reviennent. Combien de temps vous faudra-t-il pour nous fournir ces renseignements?

M. Dolhai : Sénateur, on vient de m'informer que les membres de la table ronde ne sont pas rémunérés et que l'on prévoit qu'ils se réunissent quatre fois par an.

Le sénateur Jaffer : Avec qui et pour combien de temps? Il s'agit de bénévoles.

M. Dolhai : Oui.

Le sénateur Jaffer : Si je ne m'abuse, il y a d'autres comités du renseignement ou autres que l'on est en train de mettre sur pied à propos de toute cette question de sécurité. Ce sont tous des gens qui vont être rémunérés mais les membres des communautés ethniques ne seront pas rémunérés. Est-ce bien cela?

M. Dolhai : C'est ce que l'on m'indique, sénateur.

La présidente : Sénateur Jaffer, nous examinerons cette question plus à fond.

Le sénateur Jaffer : Vous savez combien j'ai eu du mal à obtenir ces informations depuis trois ans que je les demande. J'ai demandé aux membres du comité qu'on ne laisse pas encore passer trois ans avant que le problème ne soit réglé.

La présidente : En effet, je comprends bien, sénateur, et nous nous assurerons d'en discuter à fond pendant que nous poursuivons nos audiences.

Le sénateur Jaffer : Madame la présidente, je suis très déçue. Je veux vous signaler que c'est toujours aux membres de la communauté ethnique que l'on demande de travailler pour rien. On ne demande à personne d'autre dans le contexte de la sécurité de travailler pour rien. Je pense que le moment est venu de prendre position, nous, sénateurs qui respectons et examinons les problèmes des minorités et de dire qu'on ne devrait pas encore une fois demander à la communauté ethnique de travailler pour rien.

La présidente : Sénateur, nous prendrons grand soin de discuter convenablement de la question et, avec votre aide, nous soulèverons toutes ces questions. Je vous remercie d'en avoir parlé parce que ce sont des questions, certes, importantes alors que nous continuons nos audiences au sujet de ce projet de loi. Nous allons les considérer comme prioritaires et nous assurer d'aller au fond des choses.

Le sénateur Prud'homme : À ce sujet, nous savons le débat que nous avons eu au Sénat et la vigueur avec laquelle certains sénateurs se sont exprimés. Ce comité est comme une concession que l'on nous a faite pour faire avaler le projet de loi. Je suis surpris moi-même, tout comme le sénateur. Lorsque nous avons posé la question, on nous a dit qu'on allait nous donner ces renseignements et j'ai demandé ce qu'il en était ce matin à mon bureau, car je ne suis pas membre du comité.

Tout d'abord, j'espère que l'on va nous dire précisément quand nous pouvons obtenir les réponses aux questions posées par madame. Deuxièmement, je suis extrêmement surpris de voir des gens pour qui j'ai la plus haute estime qui ne savent pas par cœur ce que tout sénateur pourrait vous dire : 12 personnes, nomination d'un an, quatre réunions par an. Ils ne semblent pas savoir comment fonctionne ce comité. C'est comme si on nous avait donné un os pour nous faire avaler le projet de loi. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il est étrange que nous traitions parfois — du moins c'est l'impression que l'on a — assez mal ces gens-là en passant outre et je sais de quoi je parle puisque j'étais membre du groupe multiculturel à Montréal.

Elle a posé une question très précise. J'espère, et c'est ma seule intervention, qu'elle recevra une réponse très précise quand elle demande quand, comment et qui va lui répondre au sujet de l'importance de ce comité. Je ne suis pas plus satisfait des réponses qu'elle ne l'est et je vous remercie de votre amabilité.

La présidente : Sénateur Prud'homme, vous pouvez être sûr que l'on a pris note de la question et que cela fera partie des audiences de notre comité parce qu'il s'agit là de questions qui nécessitent une réponse et qui obtiendront une réponse.

Le sénateur Day : Avant de commencer, je crois que M. Dolhai voulait à nouveau intervenir.

M. Dolhai : Si vous permettez, je voulais simplement signaler que les membres des autres comités ne sont pas rémunérés non plus. Les frais encourus par les membres de ces différents comités sont évidemment remboursés mais les membres des autres comités ne sont pas bien sûr rémunérés. Nous vous fournirons les autres renseignements que vous avez demandés.

Le sénateur Jaffer : Je vous répondrai en toute déférence qu'en comité parlementaire, nous sommes rémunérés et je ne pense pas que votre réponse soit exacte.

Le sénateur Day : De quel autre comité parlez-vous?

M. Dolhai : Du comité consultatif sur la sécurité nationale, sénateur.

Le sénateur Day : En ce qui concerne la détention préventive, l'arrestation préventive ou l'engagement avec conditions — je crois que ce sont les trois termes qui ont été utilisés aujourd'hui pour désigner la même chose — et en ce qui concerne les audiences d'enquête, n'y a-t-il pas dans le projet de loi une disposition de temporarisation? Après cinq ans, si le gouvernement ne demande pas de prolongation, cela n'est pas prolongé, n'est-ce pas?

M. Cohen : Cela exige une résolution des deux Chambres.

Le sénateur Day : Toutefois, l'initiative doit vraisemblablement venir du gouvernement, du ministre responsable pour ce qui est de ces deux procédures particulières. C'est d'ici environ un an et demi. Savons-nous dès aujourd'hui s'il est probable que la ministre demande une prolongation pour cinq ans de plus de ces deux procédures?

M. Cohen : Je crois qu'on peut dire qu'il n'y a pas encore eu de décision à ce sujet. Rien n'indique si ces procédures seront ou non prolongées ou renouvelées. Votre examen permettra peut-être d'échanger certains points de vue avec la ministre à ce sujet.

Le sénateur Day : Avons-nous une recommandation du ministre de la Justice ou d'autres fonctionnaires là-dessus? On a recouru une fois à une des procédures mais pas à l'autre. Avons-nous une indication quelconque?

M. Cohen : Je reviens à ce que je disais tout à l'heure, à savoir que ce n'est pas parce que ces dispositions n'ont pas été utilisées ou ne l'ont été que très rarement qu'elles ne sont pas importantes ou qu'elles ne pourraient pas l'être, si des circonstances se présentaient dans lesquelles il devenait nécessaire de les utiliser. La disposition concernant l'arrestation préventive peut très bien ne pas être invoquée. Il pourrait toutefois se produire une circonstance dans laquelle on ne pourrait avoir d'autre moyen légal que de recourir à ce pouvoir extraordinaire. L'objet de la disposition touchant les arrestations préventives est de tenter d'interrompre toute activité terroriste embryonnaire. Si cela peut nous permettre d'agir dans de telles circonstances, si on n'y recourt que très rarement et si ça peut permettre d'éviter que quelque chose de sérieux ne se produise, je pense que c'est un bon argument en soi pour la maintenir.

Ce n'est pas forcément la façon dont le gouvernement verra la chose mais il faut certainement se demander si c'est une disposition qui peut être nécessaire.

Le sénateur Day : Savez-vous si le gouvernement demandera une prolongation, demandera à chacune des Chambres de présenter une résolution visant à prolonger ces deux dispositions, dont le délai d'application prend fin dans un an et demi?

M. Cohen : Les deux ministres se sont engagés à revenir témoigner devant vous et ils seront mieux à même que moi de vous répondre.

Le sénateur Day : Si les dispositions ne sont pas renouvelées par une résolution des deux Chambres, cela risque-t-il de nous faire manquer à certaines de nos obligations internationales ou à l'une des 12 résolutions des Nations Unies?

M. Cohen : Je ne suis pas certain, mais je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit dans nos engagements internationaux qui porte directement sur ces deux points particuliers.

Le sénateur Day : Outre les dispositions des conventions internationales touchant les bombardements et le blanchiment d'argent, qui sont deux conventions internationales couvertes par la Loi antiterroriste, on nous a également dit que cette loi nous aidait à satisfaire à nos obligations internationales. Y a-t-il d'autres aspects de cette loi qu'il nous faut conserver pour respecter nos obligations internationales, en particulier les 12 résolutions des Nations Unies?

M. Cohen : Ces 12 conventions auxquelles vous faites allusion entrent toutes dans la définition d'« activité terroriste ». Elles constituent une forme de mise en œuvre de nos engagements dans le contexte de cette définition et entrent dans la disposition du Code criminel qui traite des activités terroristes. Les infractions liées à cette définition sont également comprises là-dedans. Dans une certaine mesure, on peut dire que la façon dont nous avons couvert le domaine du terrorisme et des activités terroristes est liée à ces 12 conventions.

Le sénateur Day : Si cette loi antiterroriste n'existait plus en ce qui concerne les dispositions touchant les organismes de bienfaisance et la liste de ces organismes exerçant des activités terroristes, la saisie de fonds, le crime haineux — toutes ces dispositions particulières — ne respecterions-nous pas nos obligations internationales en vertu d'autres conventions?

M. Breithaupt : Avec la Loi antiterroriste, nous avons donné suite à un certain nombre d'obligations internationales qui nous permettaient de ratifier, comme vous le mentionnez, la Convention internationale pour la suppression des attentats terroristes à l'explosif et la Convention internationale pour la suppression du financement du terrorisme. Nous avons créé des infractions et des mesures dans cette loi qui nous permettent de ratifier ces obligations internationales.

En outre, la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l'ONU, dont a parlé la ministre, comporte un certain nombre d'obligations. Le Canada doit faire rapport au Comité antiterroriste de l'ONU sur la façon dont nous avons mis en œuvre cette résolution.

Nous avons d'autre part appliqué la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé en prévoyant des infractions dans la Loi antiterroriste.

Cette loi a permis au Canada de se conformer en gros aux exigences du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) et à ses recommandations spéciales sur le financement du terrorisme. Il y a certaines obligations internationales touchant la loi sur les organismes de charité mais je ne puis vous dire précisément ce qu'elles sont. Cela fait aussi partie d'un effort international global.

Le sénateur Day : L'article 145 nous confie la responsabilité de réexaminer l'ensemble de cette loi. Cela pourrait mener à ce que nous déclarions que nombre de ces dispositions ne sont pas forcément nécessaires. Plutôt que de simplement analyser l'effet que cela pourrait avoir sur notre société, quelles autres obligations internationales avons- nous qui pourraient influer sur les décisions touchant l'une ou l'autre de ces recommandations que nous pourrions faire?

Si quelqu'un a effectué une analyse au ministère de la Justice qui a permis de conclure que cet article est nécessaire non seulement pour atteindre son objectif international mais également parce que cela satisfait à une de nos obligations internationales, il serait utile que nous le sachions et que nous voyions ladite analyse.

Je veux considérer la loi dans son ensemble ainsi que nombre de ses différentes dispositions. Quelles sont celles que nous devons examiner face à nos obligations internationales et pas seulement dans le contexte national?

M. Cohen : Je ne répondrai pas directement à cela mais j'aimerais insister sur l'autre côté de la médaille, si vous permettez, qui serait de vous poser la question de savoir si les principaux éléments de la Loi antiterroriste sont des éléments nécessaires, non pas au regard des circonstances extraordinaires du 11 septembre 2001 mais dans le contexte d'un bon environnement de sécurité publique et d'une bonne politique pour notre ère.

Ainsi, on prendrait en considération des choses qui ne font pas partie de nos engagements internationaux. Il y a notamment notre réforme de la Loi sur les secrets officiels et de la Loi sur la preuve, le recours que nous faisons de dispositions qui trouvent leurs origines dans l'optique criminaliste que nous avons adoptée, par exemple, dans le domaine de la lutte contre banditisme ou du blanchiment de capitaux.

La provenance de ces éléments de la loi a déjà été mise à l'épreuve d'autres façons, et pas nécessairement par rapport au fait que le Canada aurait ou non signé un accord international. Il n'y a pas d'accord international sur les secrets officiels ou sur la preuve, par exemple. Ce sont des choses qui intéressent depuis longtemps notre pays et qui ont été examinées par d'autres commissions d'enquête ou d'autres forums de politique publique.

Certes, la dimension internationale est importante. Votre question mérite une réponse complète, mais ce n'est que d'une partie de l'équation dont il faut tenir compte.

Le sénateur Day : Monsieur Cohen, quelqu'un s'engage-t-il à me faire parvenir ce genre d'analyse?

M. Breithaupt : Nous vous promettons de vous faire parvenir cette information.

Le sénateur Joyal : Je voudrais revenir à la question du groupe consultatif qui travaille auprès des organismes ethnoculturels. Pour commencer, quel est le statut du comité consultatif dont vous parlez?

M. Dolhai : J'ai appris, sénateur, que la création du comité en question a bien été annoncée, mais pas sa composition. Voilà où en est la situation. Le comité n'a pas encore été constitué.

Le sénateur Joyal : Il n'a donc aucune existence légale?

M. Dolhai : D'après ce que je sais, non.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, si j'ai bien compris, l'ancienne ministre de la Justice qui est devenue depuis la ministre de la Sécurité publique avait promis par écrit de créer ce comité avant la fin de 2002, et il a fallu trois ans au ministère pour sortir un communiqué de presse pour en faire l'annonce. Ai-je raison?

M. Dolhai : Lorsque vous parlez du temps qu'il a fallu pour le faire, je crois que oui.

Le sénateur Joyal : Vous savez certainement que le comité spécial qui avait étudié le premier projet de loi, le projet de loi C-36, recommandait dans son rapport du 10 décembre 2001, il y a donc plus de quatre ans, que soit crée un groupe consultatif permanent extraordinaire, groupe dont feraient partie des représentants des organismes ethnoculturels, lesquels pourraient avancer des faits et relater des événements pour illustrer la façon dont le projet de loi serait appliqué et conseilleraient éventuellement des modifications à y apporter.

Vous devez bien comprendre que le comité a dit très clairement qu'il accordait beaucoup d'importance au contrôle de l'impact que cette mesure législative aurait sur les groupes qui, veut veut pas, seraient ainsi ciblés. La ministre a parlé de profilage racial. Nous savons que la communauté musulmane canadienne s'est sentie visée par ce projet de loi. Ne serait-il pas préférable pour nous de recommander que le projet de loi C-36 soit modifié et que le conseil consultatif est une existence légale si nous voulons que ce projet de loi demeure en l'état comme nous l'a dit la semaine passée la ministre de la Sécurité publique et comme l'a déclaré dans le même contexte l'actuel ministre de la Justice?

M. Dolhai : C'est effectivement quelque chose dont le comité pourrait se saisir, tout comme il pourrait déterminer si une recommandation s'imposerait.

Le sénateur Joyal : Madame la présidente, à ce stade-ci de nos discussions, nous devrions peut-être nous ménager un peu de temps à un moment donné pour réfléchir à la tournure à donner aux modifications à proposer au projet de loi, de manière à donner une existence légale au fonctionnement et à la composition du Conseil consultatif sur la sécurité nationale. C'est ce que je voulais commencer par dire à notre témoin.

[Français]

Monsieur Therrien, pourrions-nous revenir à cette question des « délais » à l'intérieur desquels les certificats de détention ont été utilisés dans le passé? Quelle est la période de temps maximum pendant laquelle une personne a fait l'objet d'une détention dans le passé?

M. Therrien : À ma connaissance, la période la plus longue a été de neuf ans environ. Présentement, parmi les personnes qui font l'objet d'un certificat de sécurité, la période de détention s'étend de moins de deux ans, dans le cas de M. Charkaoui, à moins de cinq ans, dans le cas d'un autre individu.

Le sénateur Joyal : Nous sommes donc dans une période qui couvre, environ, entre deux et cinq ans. Je ne veux pas commenter la décision concernant M. Charkaoui puisque ce cas est devant les tribunaux. Il ne serait pas approprié de proposer des questions à cet égard. Restons-en sur le fonctionnement du système. Est-ce que vous n'êtes pas surpris, d'une certaine manière, de l'esprit de la décision de la Chambre des Lords et de Lord Bingham, selon lequel une personne peut être détenue pendant une période de temps indéterminée en Angleterre, et dans le cas de la décision de la Chambre des lords et annexe, la période de temps en considération était de trois ans, si je me rappelle bien, quand j'ai lu la décision. On parlait d'une période de temps de trois ans et les lords en sont arrivés, à huit contre un, à la conclusion qu'il était disproportionné de détenir quelqu'un indéfiniment, même pour une période de trois ans.

Est-ce que cela ne vous laisse pas songeur, le fait de détenir une personne de deux à cinq ans, sans que cette personne ait la chance de revenir devant le tribunal ou que les autorités du ministère de l'Immigration aient l'obligation de revenir devant le tribunal pour expliquer le changement de circonstances qui peuvent survenir à l'intérieur d'une période de deux à cinq ans? Si on lit la décision rendue la semaine dernière, c'est l'élément clé de l'appréciation du tribunal; des circonstances changent et, par conséquent, on peut être amené à réviser le statut d'une personne.

Est-ce que, en vertu du principe de « due process », il ne serait pas préférable qu'on amende la loi pour prévoir des périodes au terme desquelles, de façon automatique, les autorités de l'immigration auraient à se représenter devant un tribunal pour faire état de la durée pendant laquelle une personne est détenue?

M. Therrien : Le système est complexe. Je vais devoir prendre un peu de temps pour répondre à votre question. La loi actuelle sur l'immigration fait la distinction, quant à la détention de gens qui font l'objet d'un certificat de sécurité, entre les résidents permanents et les étrangers qui ne sont pas résidents permanents. Dans le cas des résidents permanents, un examen est prévu par la loi, tous les six mois. La personne qui fait l'objet d'un certificat, pendant l'examen par la Cour fédérale du caractère raisonnable ou non du certificat, fait l'objet d'un examen de détention au moins tous les six mois. Cet examen régulier dont vous parliez existe déjà pour les résidents permanents.

Pour les étrangers qui ne sont pas résidents permanents, et la plupart des personnes qui font l'objet d'un certificat à l'heure actuelle ne sont pas des résidents permanents, il n'y a pas de révision judiciaire de la détention pendant la période au cours de laquelle le certificat est examiné par la Cour fédérale. Cette période peut être relativement longue — mais on ne parle pas de la période de cinq ans pour l'un des individus qui font l'objet d'un certificat. Cette période est toujours plus courte; cela peut durer un an ou deux, cela peut être plus long, mais l'examen par la Cour du caractère raisonnable du certificat prend un an ou deux généralement. Pendant cette période, pour les étrangers, il n'y a pas d'examen régulier de la détention comme telle.

On peut prétendre que l'examen du certificat comme tel est une forme d'examen judiciaire de la détention. Lorsque la cour s'est prononcée sur le caractère raisonnable du certificat, après cette période d'un an ou deux, même dans le cas d'un étranger qui n'est pas résident permanent, s'il n'est pas expulsé dans les 120 jours de la décision de la cour — ou dans les quatre mois, si mes mathématiques sont bonnes — cette personne peut s'adresser à la cour pour juger si la détention doit être maintenue ou pas.

Il y a donc déjà une forme d'examen judiciaire de la détention. Ce n'est pas le cas, à l'heure actuelle, pour les étrangers qui ne sont pas résidents permanents. C'est un examen à intervalle régulier, pendant l'examen par la Cour fédérale du caractère raisonnable du certificat. Après la décision de la cour quant au caractère raisonnable, il y a un examen après 120 jours et la loi est silencieuse quant à d'autres examens judiciaires de la détention.

Le sénateur Joyal : Je vous remercie de nous avoir expliqué le mécanisme car, comme vous le dites bien, il y a des nuances. Est-ce que cela ne vous frappe pas qu'une personne puisse être détenue jusqu'à cinq ans, pour ne pas mentionner neuf ans, sans qu'on en arrive à statuer sur les droits de cette personne de manière définitive?

M. Therrien : Même dans le cas des étrangers, l'examen du caractère raisonnable du certificat par la Cour fédérale est une forme d'examen judiciaire du caractère fondé en droit de la prétention du gouvernement selon laquelle la personne doit être éventuellement expulsée et détenue. Cette décision sur le caractère raisonnable du certificat est une forme d'examen judiciaire. Je reconnais que, dans la loi actuelle, il n'y a pas d'examen sur la détention, comme tel, pour ce qui est des étrangers, par opposition aux résidents permanents. Il ne faut pas pour autant minimiser l'importance de la décision de la cour quant au caractère raisonnable du certificat. Ce n'est pas une décision purement exécutive.

Le sénateur Joyal : Je ne parle pas de la décision de se prononcer sur le mérite du certificat. Je pense que, si on voit ce qui se passe actuellement, se prononcer sur le mérite d'un certificat et sur la détention de la personne sont deux décisions qui sont prises en parallèle, qui cheminent ensemble. Ce qui me semble aberrant, ce n'est pas que cela prenne du temps pour se prononcer sur le mérite du certificat, mais sur le statut de la personne en attendant.

Comme vous le dites vous-même, être détenu sans savoir où on se situe pendant un à deux ans, c'est quand même une procédure exceptionnelle par rapport à ce que nous acceptons dans une société libre et démocratique comme la nôtre. C'est ce que j'essaie de comprendre dans le fonctionnement du système; est-ce qu'il n'y a pas un moment où, dans le système, nous devons placer des balises pour nous assurer qu'on n'utilise pas le système judiciaire pour détenir la personne sans avoir à démontrer le bien-fondé de sa détention?

M. Therrien : Sur ce sujet je dirais deux choses. Je reviendrai sur le point selon lequel l'examen du mérite est quand même une forme d'examen judiciaire du caractère raisonnable et juridiquement fiable de la position du gouvernement. Il y a une distinction entre les résidents permanents et les étrangers. Dans le cas des résidents permanents, il y a une forme d'examen judiciaire de la détention comme tel, à intervalles réguliers, qui n'existe pas pour les étrangers. Ce que vous laissez entendre, peut-être, c'est de savoir s'il y a moyen de se pencher sur la détention. Dans le cas des résidents permanents, il y a un examen tous les six mois. On ne peut que constater, à l'heure actuelle, qu'il n'y en a pas pour les étrangers.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk : Pendant les dernières audiences, lorsque nous avions commencé à examiner ce texte de loi, on avait beaucoup discuté de la définition. Le gouvernement, à l'époque, persistait à dire : « mais en tout ou en partie au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique ». En d'autres termes, il semblait important pour le gouvernement que les motifs du terroriste soient politiques, religieux ou idéologiques.

Certains pays ont des dispositions semblables et d'autres non. J'entendais le ministre dire ce matin qu'il ne voulait pas commencer à parler de distinction entre un terroriste et un combattant de la liberté.

En rétrospective, trois ans plus tard, si cette disposition n'existait pas, cela ferait-il une différence? Peu importe pour moi, pour ma propre sécurité, que je sache si un terroriste agit pour des motifs politiques, religieux ou idéologiques. Or, si j'épousais les opinions politiques, religieuses ou idéologiques du terroriste en question et si je ne me livrais pas moi- même à des activités terroristes, cela m'inquiéterait. Et je pense que c'est précisément ce qui se produit actuellement au Canada. Les gens qui partagent ces opinions religieuses et idéologiques passent pour des terroristes uniquement parce qu'ils ont les mêmes opinions.

Serait-il préférable d'abroger cette disposition? Elle ne semble pas nous avoir été utile. Ce que nous voulons, c'est empêcher les actes terroristes et les tentatives d'attentats terroristes. Pourquoi faire reposer cela sur ces trois éléments? Il y a trois ans, je m'étais élevé contre cela, mais je pensais que peut-être y avait-il des raisons impérieuses qui justifiaient cette disposition. Mais je n'ai trouvé aucun texte, aucune jurisprudence qui aurait étayé l'opinion selon laquelle cette disposition permet de mieux définir ce qu'est une « activité terroriste ».

Si vous voulez, vous pouvez y réfléchir et nous répondre plus tard. Mais je pense que c'est là le fond même du problème qui existe toujours.

M. Cohen : Pour répondre en partie à votre question, il faut absolument comprendre pourquoi cette phrase est là. Ce matin, le ministre a fait tout ce qu'il pouvait pour nous expliquer que ces mots ne sont pas là dans l'abstrait dans cette disposition, mais au contraire qu'ils prennent un sens lorsqu'on les considère en même temps que le reste de la disposition en question.

En d'autres termes, il faut avoir un dessein politique, religieux ou idéologique en plus d'une intention d'intimider le public, et cela conjointement avec les conséquences escomptées qui doivent exister, par exemple, l'intention de causer la mort ou d'infliger des blessures graves, de mettre des vies en danger, de compromettre gravement la santé ou la sécurité de la population ou perturber gravement le fonctionnement d'un service public essentiel. Cela veut dire qu'une simple conviction idéologique, religieuse ou politique n'est pas suffisante en soi pour être considéré comme un crime. Il faut avoir une conviction en plus de ces autres intentions, tant en ce qui concerne l'effet que vous recherchez que les conséquences qu'elles peuvent produire.

Voilà le fondement de la chose. Si on supprime cela, dans une certaine mesure on facilite la tâche du ministère public. C'est peut-être souhaitable du point de vue de la politique publique, mais il y a des conséquences plus lourdes lorsqu'on songe aux sanctions correspondantes. Il y a donc cet autre élément qui est le traitement proportionnel qu'on réserve aux gens qui sont accusés de ce genre de chose.

Voilà qui crée un délit qu'on appelle « l'intention spécifique », ce qui veut dire que le ministère public doit en fait prouver qu'il y a un motif pour pouvoir obtenir une condamnation. Voilà donc le fondement de la chose. Si on se demande quel serait l'effet de l'élimination de ce critère du point de vue de la procédure, peut-être serait-il plus facile alors de cibler d'autres membres de la société pendant une enquête antiterroriste, étant donné qu'un des éléments nécessaires pour pouvoir procéder à une inculpation en bonne et due forme ne devra plus être prouvé. Si le ministère public ne doit plus assumer ce fardeau de preuve, il est tout à fait possible que cela permette de multiplier les champs d'enquête.

Je comprends que la chose est complexe.

Le sénateur Andreychuk : Par ailleurs, nous pourrions faire disparaître ce profilage racial et faciliter un ciblage tout à fait injustifié d'une partie de la société.

M. Cohen : Cela n'a aucun impact sur le profilage racial. Ce qui entre en ligne de compte ici, c'est le fait qu'on voit ces termes qui parlent de politique, de religion ou d'idéologie, alors que cela ne veut pas dire que c'est en fonction de cela qu'on cible telle ou telle personne. Il faut toujours que le ciblage repose sur des renseignements précis et valables, des renseignements reposant sur des motifs raisonnables et probables plutôt que sur ce que tout le monde s'accorderait selon moi à prendre pour du profilage racial.

Le sénateur Andreychuk : Je m'en tiens là pour mes questions à ce propos. Peut-être entendrons-nous d'autres témoins qui nous diront comment nous avons mêlé l'activité terroriste au crime international, et cetera, et que pour cette raison le motif pourrait sembler moins clair que ce que nous en a dit le témoin.

Pour ce qui est de cette loi, la Loi antiterroriste, je sais que la Loi sur la preuve a été modifiée après l'affaire O'Neill. Cette loi antiterroriste modifie beaucoup d'autres lois, mais y en a-t-il parmi elles qui ont été modifiées ces trois dernières années de façon telle que cela pourrait avoir un effet sur la Loi antiterroriste? En d'autres termes, il est question de beaucoup de lois. Je ne siège pas à tous les comités et je ne sais donc pas si l'on aurait apporté des modifications à ces autres lois, modifications qui pourraient avoir un effet sur cette loi-ci.

Je crois que vous pouvez étudier cela et y donner la suite que vous voudrez, sénateur Day.

Le sénateur Day : Quelqu'un va s'en occuper pour nous. Nous avons demandé que cela se fasse le dernier jour.

Le sénateur Andreychuk : Il ne s'agissait pas tout à fait de la même question. Peut-être pourrions-nous obtenir cela?

M. Breithaupt : Nous pouvons vous donner une idée des modifications subséquentes apportées à la Loi antiterroriste. Par exemple, il y a eu le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois qui a reçu la sanction royale le 22 avril 2004.

On y a révoqué l'exigence en matière de règles spéciales concernant les audiences en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada et on a aussi apporté quelques modifications mineures à certains articles de la Loi sur la protection de l'information et la Loi sur la preuve au Canada qui ont été promulguées. Par exemple, à l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, il est question de protéger les renseignements susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. Avant l'existence de la Loi antiterroriste, l'article 38 existait. Il y avait des dispositions dans la Loi sur la preuve au Canada qui protégeaient ce genre de renseignements. Cependant, il était question de renseignements concernant les relations internationales et la défense ou la sécurité nationales. Le mot « national » ne se trouvait pas devant le mot « security » dans le texte anglais, contrairement à ce qu'il y avait dans le texte français.

Lorsque la Loi antiterroriste a reçu la sanction royale, le mot « national » devant le mot « security » manquait à quelques endroits. Cela fut corrigé. On a aussi changé la définition de « special operational information » en anglais afin d'épouser le mot français; le mot « was » manquait et cette correction a été apportée au texte.

Il y a aussi une modification mineure supplémentaire qui n'est pas encore en vigueur, mais qui a été apportée à la Loi sur la protection de l'information par l'entremise du projet de loi C-25, la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Si j'ai bien compris, il s'agit d'une question de terminologie et aussi d'une modification mineure apportée à l'article 5 de la Loi sur les cours fédérales ajoutant les précisions à la composition de la Cour fédérale.

D'autres dispositions sont aussi devenues lois. Par exemple, l'article concernant les canulars terroristes est entré en vigueur le 2 décembre 2004. Il ne s'agissait pas d'une modification à la Loi antiterroriste; on ajoutait plutôt un nouveau paragraphe, le 83.23(1), sauf erreur. Cela vous donne une idée de certaines des modifications qui ont été apportées après le 18 décembre 2001.

Le sénateur Andreychuk : Une dernière question : le sénateur Lynch-Staunton avait une série de questions concernant la sécurité et le renvoi de personnes vers d'autres pays ainsi que les engagements que prenaient les divers pays même s'ils n'étaient pas contraignants. Nous pouvons, ou non, accepter ces assurances.

Avons-nous demandé des engagements portant que si nous retournions ou permettions à nos citoyens canadiens de relever des instances d'un autre pays qu'on ne pourrait pas alors les renvoyer tout simplement à un troisième pays? En d'autres termes, si nous renvoyons quelqu'un aux États-Unis ou en Syrie, qu'est-ce qui nous assure que cette personne ne sera pas alors renvoyée vers un autre pays? Nous ne nous sommes jamais servis de cette disposition. En théorie, un pays donné prend un engagement, mais nous ne savons pas vraiment si la personne visée est alors détenue dans ce pays ou si elle est envoyée ailleurs; nous ne nous préoccupons pas de cette question.

M. Therrien : Je veux être sûr de bien comprendre la situation que vous nous décrivez, sénateur. Il s'agit donc d'un contexte de renvoi : on renvoie quelqu'un du Canada vers un autre pays. Cherchons-nous à obtenir des garanties de la part de ce pays qu'il n'enverra pas ensuite cette personne ailleurs?

Le sénateur Andreychuk : En d'autres termes, vous avez dit que vous cherchiez à obtenir l'assurance que ces gens ne seraient pas soumis à la torture ou à la peine de mort, mais cherchez-vous à obtenir l'assurance qu'on ne les renverra pas immédiatement vers un autre pays où ce genre de chose pourrait se produire? Un tel pays respecterait ses engagements envers nous, mais cette personne pourrait quand même avoir à subir les conséquences que nous nous efforçons d'éviter.

M. Therrien : Voici comment je réponds à cette question : lorsque le Canada cherche à renvoyer des personnes qui risquent la torture, nous ne les renvoyons pas vers n'importe quel pays. La Loi sur l'immigration nous permet de renvoyer du Canada une personne dans certains pays seulement : dans le pays dont elle détient la citoyenneté, le pays d'où elle est arrivée au Canada, et cetera. Il y a une liste restreinte de ces pays.

Si nous renvoyons une personne dans un pays où elle risque la torture, nous cherchons à obtenir des garanties. Cette question de renvoyer la personne dans un tiers pays, qui serait ni le Canada ni le pays où on la torturerait, est une des solutions que nous envisageons afin de minimiser le risque de torture. Si, sur cette liste de pays, il y a un troisième pays où l'on peut renvoyer la personne sans qu'elle risque la torture, alors nous chercherons à l'y envoyer plutôt que de l'envoyer là où elle risquerait la torture. Cela nous préoccupe moins que la possibilité que le Canada pourrait se débarrasser du risque potentiel que représente un terroriste sans exposer cette personne à la torture.

Pour répondre à votre question précise, je ne crois pas que nous cherchons à obtenir des assurances du pays destinataire dans le contexte que je vous explique parce que le renvoi vers un troisième pays ne nous préoccuperait pas. On chercherait plutôt à renvoyer vers un tiers pays si cela pouvait minimiser le risque de torture.

Le sénateur Andreychuk : J'ai compris à propos du troisième pays. Il s'agit pour nous d'en arriver à un accord avec un pays qui nous donne certaines garanties raisonnables; cependant, lorsque ce pays se sera saisi de la personne, il pourra la renvoyer ailleurs pour arriver à ses fins sans violer notre accord.

M. Therrien : Je ne crois pas que nous ayons été témoins de cette pratique.

Le sénateur Jaffer : Je tiens à remercier tout le monde d'avoir écouté la question de la table ronde culturelle. Je sais qu'aucun de vous n'a été mêlé à ma lutte avec le comité consultatif et il y a maintenant la table ronde.

Le conseil consultatif sur la sécurité nationale dont vous parlez est composé de spécialistes de la sécurité, si j'ai bien compris. C'est leur profession et ils s'occupent de questions concernant la sécurité contrairement aux tables rondes culturelles. Cependant, j'attendrai d'avoir entendu ce que vous avez à dire.

J'ai deux ou trois questions à propos de certaines choses que je ne comprends pas clairement et vous pourrez peut- être me fournir des réponses. Question de surveillance, je crois que la surveillance du SCRS est assurée par le CSARS et que le mécanisme de plainte joue le même rôle auprès de la GRC. Qui s'occupe de l'équipe de sécurité nationale intégrée? Y a-t-il un mécanisme de surveillance ou pas?

M. Dolhai : L'équipe intégrée de la sécurité nationale est une équipe multidisciplinaire réunissant différents membres venant de différents organismes et ministères. L'organisme de la GRC s'occupe de l'élément de la GRC et la surveillance des autres membres du groupe est assurée par leurs mécanismes idoines.

Le sénateur Jaffer : Et qui d'autre ferait partie de cette équipe de la GRC, s'il vous plaît?

M. Dolhai : L'équipe est composée de membres des forces policières provinciales et municipales et on peut aussi y trouver des membres de l'Agence du revenu ou de l'Agence des services frontaliers du Canada.

Le sénateur Jaffer : Et qui assure la surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada?

M. Dolhai : Il s'agit d'une surveillance ministérielle.

Le sénateur Jaffer : L'autre question portait sur les éléments de motivation dans la définition. Certaines personnes m'ont dit qu'en incluant tout simplement les trois éléments — politique, idéologie ou religion — et rien d'autre, il pourrait y avoir contestation en vertu de la Charte parce qu'on ne tient compte que de ces trois motifs en laissant de côté tous les autres.

Je sais que la ministre McLellan et le ministre Cotler ont dit que cette loi avait été étudiée à la lumière de cela. Cette définition du terrorisme est-elle à l'épreuve de toute contestation en vertu de la Charte?

M. Cohen : Je crois que le ministre a précisé que la loi avait été évaluée pendant les diverses étapes de son élaboration — notamment lorsqu'il s'agissait du projet de loi C-36 — et que tous les éléments en avaient été évalués à la lumière de leur compatibilité avec la Charte. Dans cette mesure, je peux répondre oui à votre question, l'évaluation a été faite.

Le sénateur Jaffer : L'évaluation a été faite? Merci.

On entend beaucoup parler de gestion du risque. Qu'est-ce que c'est, la gestion du risque? Nous n'en avons pas entendu parler ici aujourd'hui, mais je vois l'expression « gestion du risque » partout, dans tous les documents. Je vais préciser ma pensée.

La semaine dernière, lorsque la ministre comparaissait, et je comprends qu'il ne s'agit peut-être pas de votre domaine, mais elle a dit qu'on ne faisait pas de profilage racial, mais bien de la gestion du risque. Alors, la gestion du risque, c'est quoi?

M. Cohen : Loin de moi de mettre des paroles dans la bouche de la ministre, mais si elle a fait le lien avec le profilage racial, alors il s'agit de cibler les personnes en se fondant sur des facteurs de risque calculés en fonction des renseignements reçus plutôt que de tenir simplement compte de la race ou de l'ethnie.

Le sénateur Lynch-Staunton : J'ai une question qui en reprend une de ce matin. Quand j'ai dit que j'avais certaines préoccupations, lors de notre étude préalable et de notre étude du projet de loi C-36, concernant certaines parties du libellé et certains articles vu la façon dont on pourrait les appliquer, je me rends compte que nos inquiétudes étaient mal fondées. Le projet de loi C-36 n'a presque pas abordé les articles les plus controversés et donc, puisque le sénateur Day en a parlé, peut-être en viendrons-nous à la conclusion que certaines des dispositions ne sont pas nécessaires parce que ce dont on a besoin se trouve ailleurs, dans d'autres lois.

Je reprends ce que vous avez écrit dans les documents que vous avez préparés pour la Chambre et le Sénat : « Les mesures prévues dans la Loi antiterroriste nous fournissent les outils législatifs additionnels nécessaires pour décourager, handicaper, identifier, poursuivre, condamner et punir les terroristes ». Voici ma question : est-ce que le projet de loi C-36 a vraiment fait tout cela? Si c'est le cas, comment?

M. Dolhai : Sénateur, je crois que les policiers et les agents du renseignement seraient les mieux placés pour répondre à cette question. Je vous dirais que la loi nous fournit les outils additionnels que les policiers peuvent puiser à même une plus grosse boîte d'outils pour ce qui est de ce phénomène précis du terrorisme.

Sénateur, il est vrai que d'autres dispositions du Code criminel peuvent aussi servir à certaines fins : les dispositions concernant la possession d'explosifs; toute une série de choses qui peuvent avoir des liens avec le terrorisme ou non. Cependant, les dispositions précises que l'on trouve au projet de loi C-36 concernent certaines menaces ou des dangers précis posés par le terrorisme et qui se sont cristallisés après le 11 septembre, sans oublier ces autres choses dont vous et beaucoup de témoins ont parlé. Il y a la question de la prévention, celle de pouvoir agir le plus tôt possible, d'agir dans le cas d'une situation qui constitue un danger et de pouvoir donner aux forces de l'ordre un outil qui respecte la règle de droit, mais qui permet de voir à l'application de la loi un peu plus tôt dans la partie. Il y a, par exemple, l'idée de participer à une infraction, d'y contribuer ou de la faciliter, ce qui requiert l'intention criminelle, c'est-à-dire que l'on veut participer à ce qui se fait, mais qu'il y a aussi l'acte coupable concernant l'activité précise dans laquelle la personne s'engage.

Le sénateur Lynch-Staunton : Je propose que vous parliez à quiconque a rédigé ce document et que vous vous employiez à calmer un peu son enthousiasme, parce que c'est bien la réponse à laquelle je m'attendais. Cette déclaration est exagérée et laisse l'impression que grâce au projet de loi C-36 nous avons tout ce dont nous avons besoin. Ce n'est pas exact; nous n'aurons jamais tous les outils dont nous avons besoin pour nous battre contre ce genre d'ennemi. Deuxièmement, je vais demander aux responsables du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de nous dire quelles parties de cette loi ont été utiles et j'espère que ces gens seront plus convaincants que ne l'a été la ministre ce matin, par exemple.

Le sénateur Fraser : Ce matin, le ministre, en réponse à une question du sénateur Jaffer, je crois, a indiqué continuer de voir d'un bon œil l'idée d'insérer dans la loi une disposition de non-discrimination. Sauf erreur, on a estimé à l'époque qu'une disposition de ce type n'était pas nécessaire, l'ensemble de la loi tombant sous l'application de la Charte des droits et des libertés, qui garantit à tous les Canadiens l'absence de discrimination.

D'un point de vue politique, il est évidemment très tentant de réitérer officiellement la détermination de notre pays à lutter contre la discrimination, même dans le contexte du terrorisme. Existe-t-il, par contre, des raisons juridiques de s'abstenir d'insérer une disposition de ce type? Je ne vous demande pas ici d'aller à l'encontre de votre ministre : lui sait exactement ceux qui militent contre ou en faveur d'une telle insertion; moi, pas. Y a-t-il donc des arguments juridiques allant à l'encontre de cette insertion?

M. Cohen : C'est une question à laquelle je serais en peine de répondre sans exemple concret. Il faudrait que je voie la disposition. On peut toujours imaginer une situation où un article conçu pour avoir une signification positive de pure forme devient, au fil de la politique ou par méfait, un instrument d'interprétation servant à des fins qui n'étaient pas les siennes; mais je vois mal, dans l'abstrait, comment on pourrait arguer d'un tel danger pour la disposition en question. Il faudrait vraiment que j'aie le libellé sous les yeux.

Le sénateur Fraser : J'ai une question supplémentaire, à laquelle j'espère que vous répondrez « non ». Pourrait-on avancer que l'insertion d'une disposition de ce type dans la loi risque peut-être d'amoindrir la portée de la Charte sur d'autres lois ne comportant pas de dispositions de ce type?

M. Cohen : Ici encore, j'hésite à me prononcer sans exemple concret, mais je vois mal comment on pourrait amoindrir la portée d'une disposition de la Charte en insérant dans une loi une disposition réaffirmant simplement un droit dont disposent tous les Canadiens.

Le sénateur Joyal : Je voudrais revenir à la question de Guantanamo. Combien de citoyens canadiens étaient détenus au départ, à Guantanamo?

M. Dolhai : C'est une question à laquelle j'aimerais répondre plus tard. Pour l'instant, nous ne sommes pas en mesure d'y répondre.

Le sénateur Joyal : Dans ce cas, je vais vous poser une série de questions. Combien de personnes étaient détenues au départ? Combien ont été relâchées? Combien restent emprisonnées? Quel est le statut de ceux qui restent à Guantanamo? Pourquoi le gouvernement canadien ne s'est-il pas présenté à la Cour suprême des États-Unis pour demander que prévale pour les Canadiens la suprématie du droit, comme le fait le ministère de la Justice, à titre d'intervenant des intéressés, quand on applique la peine de mort à des personnes de moins de 18 ans? Dans ce cas, vous déposez un mémoire auprès de l'Union européenne à la Cour suprême, pour contester la constitutionnalité d'une peine de ce type appliquée à une personne de cet âge.

Si la primauté du droit tient tant à cœur au gouvernement canadien, il devrait s'en préoccuper à tous les niveaux, d'autant que le Canada comptait parmi les pays ayant parrainé l'établissement de la Cour pénale internationale. Nous croyons à la justice internationale, ce qui implique que la primauté du droit prévaut pour quiconque, n'importe où.

J'aimerais avoir une réponse à ces questions, si possible.

M. Dolhai : Nous ferons de notre mieux pour vous en fournir une.

La présidente : Merci beaucoup. Vous avez fait preuve d'une belle résistance. Vous êtes là depuis 10 h 30 ce matin. Nous vous savons vraiment gré du temps que vous nous avez consacré. Il va sans dire que c'est une question épineuse, à bien des égards. Nous avons un très bon comité qui se préoccupe de cette question depuis 2001.

Je ne vous présenterai pas d'excuses pour l'âpreté des questions, car je suis plutôt fière du comité. Toutefois, je remercie les témoins de leur patience et de leur générosité. Je suis sûre que si nous devons assurer un suivi, après aujourd'hui, vous nous y aiderez. Nous espérons avoir l'occasion de vous entendre à nouveau. Merci encore.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant passer à notre budget.

Le sénateur Stratton : Puis-je suggérer que l'on parle brièvement des affaires à venir, avant de passer au budget, vu que nous devrons alors être à huis clos?

La présidente : Non, on discute du budget en séance publique.

Honorables sénateurs, la raison pour laquelle il est urgent d'adopter le budget est qu'il faut le présenter d'ici le 25 février pour l'exercice actuel. La plupart d'entre vous se souviennent sans doute que c'est ce que l'on nous a dit. Vous voyez devant vous le type de services que nous utilisons actuellement, dans la façon dont le comité fonctionne : repas, recherche, et cetera.

Nous avons ensuite inclus, à la suite de nos discussions plus tôt, une autre section visant à permettre au comité de se trouver dans une situation, dans quelques semaines, où nous pourrons tous partir, dans la mesure du possible. C'est pourquoi il y a urgence.

Le montant total est de 129 692 $. Je voudrais une motion d'approbation du budget.

Le sénateur Jaffer : Quand nous avons été chargés d'étudier le projet de loi, j'étais convaincue que nous pourrions parcourir le Canada et nous entretenir avec différents groupes. Notre mandat précise que nous pouvons rencontrer des gens au Canada et hors du pays. Quand nous avons parlé de ce mandat, j'avais cru comprendre que nous nous rendrions dans différentes villes. Le sénateur Austin avait dit, en plaisantant, que nous commencerions en mars par Vancouver, où il ferait beau.

Je n'ai pas d'objection au déplacement envisagé, mais je ne veux pas qu'il soit dit que nous nous abstiendrons de parcourir le Canada et d'entendre ce que les collectivités ont à dire. À mon sens, cela fait clairement partie de notre mandat.

La présidente : Je vais demander à la greffière d'éclaircir la question. A priori, c'est à nous qu'il appartient de décider comment dépenser les montants que nous avons sous les yeux. Au cours des nos discussions s'est fait jour le désir marqué d'une visite à Washington, à un moment ou à un autre, afin d'avoir des audiences et des discussions aussi directes que possible avec nos collègues au sud de la frontière. Mais je vais demander à notre greffière de parler de la question que le sénateur Jaffer a posée.

Mme Heather Lank, greffière du comité : Honorables sénateurs, le pouvoir de voyager au Canada et à l'étranger figurait dans l'ordre de renvoi du Sénat. Le pouvoir ainsi accordé ne contraint pas pour autant le comité à voyager; le comité est simplement libre de le faire, si tel est son bon plaisir. C'est à vous de décider si vous souhaitez effectuer d'autres déplacements, auquel cas il faudrait présenter un autre budget.

La présidente : Quand faudrait-il présenter cet autre budget?

Mme Lank : Nous savons que le Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration a demandé à ce que le budget soit présenté à la fin de la semaine. N'empêche que le comité resterait libre, je suppose, de présenter un budget supplémentaire plus tard, quand le comité le souhaiterait.

Pour l'instant, le comité s'est entendu sur le voyage à Washington. Si vous envisagez d'autres déplacements, il faudra alors présenter un autre budget au Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration.

La présidente : Présenter maintenant le budget que nous avons sous les yeux ne nous empêche pas de voyager plus tard. Est-ce exact?

Le sénateur Jaffer : C'est une approche qui me préoccupe. Lors de notre première réunion, nous étions tous d'accord pour parcourir le Canada. Il ne s'agissait pas de s'arrêter dans chaque ville, mais d'aller dans plusieurs villes. Je n'ai rien contre le voyage à Washington (D.C.). C'est une importante visite. Mais il est important aussi que, dans cette enceinte, je ne sois pas la seule voix qui s'élève contre le profilage racial ou qui mentionne les répercussions de certaines mesures sur les collectivités. Quand je reçois des appels provenant de diverses collectivités, je dis aux personnes qui téléphonent qu'il est très important que le comité entende leurs points de vue. Je ne devrais pas être seule à me battre. Avec l'assurance du sénateur Austin et le mandat confié au comité, j'affirme aux gens depuis le début que nous voyagerons. Je me demande maintenant si on m'a entendue ou si on a fait la sourde oreille. Rien ne nous garantit que nous obtiendrons un budget supplémentaire. En tant que membre du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, je connais bien les dangers d'un tel recours.

Pourquoi ne pouvons-nous inclure les voyages dans notre budget? Je ne demande pas que nous nous rendions dans toutes les villes. Cela dit, et malgré le fait qu'on me critiquera peut-être, à mon avis, nous devrions nous rendre tout particulièrement à Vancouver, Montréal et Toronto. Nous devrions inscrire cela dans notre budget dès maintenant, plutôt que de devoir demander des crédits supplémentaires plus tard, et risquer de voir notre demande rejetée par le Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, car de toute façon, cela est explicitement inscrit dans notre mandat.

La présidente : J'aimerais entendre l'avis des autres membres du comité, savoir s'ils seraient prêts à ajouter un autre poste budgétaire qui nous permettrait de voyager au Canada. Il nous reste encore assez de temps pour le faire. Les prévisions budgétaires doivent être présentées d'ici la fin de la semaine. Si nous réussissons à nous entendre là-dessus aujourd'hui, nous pourrons aller de l'avant et présenter un budget qui couvrira nos voyages au pays et à l'étranger.

Le sénateur Lynch-Staunton : Je ne parle pas de la caractérisation raciale en tant que telle, mais est-ce une raison suffisante de voyager à travers le pays? Il me semble que nous pouvons certainement inviter des représentants des divers groupes s'estimant ciblés à venir à Ottawa et à faire valoir leurs points de vue. Je ne vois pas pourquoi il nous faudrait aller à Vancouver ou à Toronto, tout simplement pour entendre quelqu'un nous raconter qu'il a fait l'objet d'une caractérisation raciale.

Le sénateur Jaffer : Je me suis servie de cela seulement à titre d'exemple. Si nous affirmons que tout le monde peut venir ici, alors aucun comité ne devrait voyager. Tous les témoins devraient tout simplement venir ici. Cependant, pourquoi traitons-nous des groupes différents d'une manière différente? Les comités du Sénat voyagent. Pourquoi celui-ci serait-il différent du Comité des affaires sociales, ou de celui des sciences et de la technologie, ou encore de celui de la défense nationale et de la sécurité? C'est le sénateur Kinsella qui a demandé que nous ayons le choix de voyager. Pourquoi notre comité devrait-il être traité différemment des autres? J'ai seulement utilisé la caractérisation raciale comme exemple. Il y aura certainement d'autres sujets sur lesquels le comité voudra entendre l'avis des Canadiens.

Le sénateur Lynch-Staunton : Là est justement la question. Sur quoi voulons-nous entendre les témoignages des gens, à part ce que nous pouvons entendre ici? C'est un libellé tout à fait courant. Chaque comité a ce droit, tout comme il a celui de téléviser ses audiences, mais ça ne signifie pas qu'il soit obligé de le faire.

Je n'ai rien contre les déplacements des comités; je me demande simplement ce que nous entendrions ailleurs que nous ne pouvons entendre ici et qui nous aidera à examiner le projet de loi. Quels sont les sujets?

Le sénateur Jaffer : On dirait que je suis la seule à être favorable à cela. Je crois qu'on rejette notre proposition. Je sais quand j'ai perdu la partie.

Je ne peux pas vous dire ce que nous entendrions. Si je le savais, je serais omnisciente. Je n'ai pas une boule de cristal. Quoi qu'il en soit, l'étude que nous entreprenons est importante et elle exigera un an d'efforts. Or, ce budget va jusqu'en 2006. Je pense donc que nous devrions inclure cette possibilité. Lorsque je suis devenue membre de ce comité, j'étais tout à fait sûre que nous nous déplacerions. Si on rejette ma proposition en ce sens, eh bien, qu'il en soit ainsi, mais je vous répète que je croyais bien que nous voyagerions, mais notre budget ne prévoit aucun crédit pour les déplacements.

Le sénateur Andreychuk : Le gouvernement nous dit que le risque de terrorisme est aussi élevé maintenant qu'il l'était il y a trois ans, qu'il a donc besoin de tous ces pouvoirs redoutables qu'il s'est donnés, et que les Canadiens semblent à l'aise avec cela. À cet égard, la ministre McLellan a cité des statistiques obtenues par voie de sondage, mais telle n'est pas l'impression que je retire de mes déplacements au Canada. J'estime au contraire que beaucoup de gens sont très mal à l'aise, estiment que nous payons un prix très élevé et que malgré cela, nous ne sommes pas plus en sécurité aujourd'hui que nous l'étions il y a trois ans; par conséquent, il me paraît assez justifié de vouloir nous déplacer dans notre pays pour aborder cette question.

À un moment donné, il a été dit que nous terminerions notre étude en juin. Avons-nous décidé maintenant de poursuivre nos travaux pendant une année entière? Si tel est le cas, quel sera notre calendrier de travail pendant cette période, et pouvons-nous en profiter pour nous déplacer?

Le sénateur Stratton : Je ne suis pas contre les déplacements; je n'ai tout simplement pas d'idée très précise de ce que nous pourrions entendre. Si nous estimons avoir besoin de nous déplacer, à mon avis, nous devrions demander des crédits supplémentaires au Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration à cette fin précise. Je suis sûr qu'une telle demande sera reçue de façon favorable; toutefois, en attendant de donner des raisons qui justifieraient de tels déplacements, j'estime qu'il faut en rester au statu quo, c'est-à-dire de faire une demande ultérieurement, le cas échéant.

Le sénateur Jaffer : Ce projet de loi est aussi appliqué par les forces policières municipales. À titre d'exemple, lorsqu'une audience d'enquête sur l'explosion de l'avion d'Air India a été tenue en Colombie-Britannique, les forces municipales y ont participé. Les procureurs généraux des provinces sont aussi touchés par cette loi. J'ai toujours pensé que nous entendrions le témoignage de certains des procureurs généraux des provinces et de certaines des forces policières municipales, parce que ce projet de loi s'applique aussi bien au niveau provincial que fédéral. Si nous siégeons à Ottawa, nous entendrons certainement le point de vue du gouvernement fédéral, mais non celui des autorités provinciales, bien que je reconnaisse qu'il y a toujours moyen de les inviter à venir témoigner.

J'ai fait valoir mes arguments, et je sais fort bien que nous pouvons demander des crédits supplémentaires. Ce qui me préoccupe, c'est que le Comité de la régie interne peut rejeter une telle demande, mais notre budget demeure très raisonnable.

Le sénateur Fraser : Spontanément, j'ai de la sympathie pour la position énoncée par le sénateur Jaffer, même si elle n'a pas donné de raisons précises pour la soutenir. Toutefois, je peux moi-même penser à certaines raisons. Premièrement, notre comité s'apprête a suspendre ses travaux, et nous ne prévoyons pas nous réunir de nouveau avant la date limite de présentation des budgets au Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration. Or, nous ne pouvons tout simplement pas rédiger une demande de crédits budgétaires en trois minutes. C'est un véritable problème.

En second lieu, si nous estimons devoir nous déplacer, une fois que nos travaux seront commencés, à mon avis, une demande de crédits supplémentaires de la part de ce comité sera mieux accueillie que de la part de n'importe quel autre, car tout le monde au Sénat, de haut en bas, connaît l'importance de notre mandat.

Je ne pense vraiment pas que nous sommes en train de nous fermer certaines possibilités, mais pour le moment, nous sommes coincés. Sur le plan concret, nous ne réussirons jamais à rédiger un autre budget à temps, mais à mon avis, cela ne constituera pas un obstacle plus tard.

Le sénateur Jaffer : Est-ce que nous ne pourrions pas dire que les détails précis du voyage doivent être approuvés par le comité de direction?

La présidente : Selon les renseignements que j'ai reçus, si le comité souhaite voyager et s'entend sur les villes où il veut se rendre, il y a moyen d'autoriser le comité de direction à approuver le montant nécessaire, et donc ensuite de présenter un budget d'ici vendredi.

Le sénateur Joyal : À l'intention de mes collègues autour de cette table, je ne suis pas membre du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense. Je n'ai assisté à aucune de ses réunions. Je sais cependant que le sénateur Day est membre de ce groupe. Est-ce qu'on peut nous donner une idée de son budget annuel? Est-ce qu'on peut savoir aussi combien de fois il fait des voyages dans notre pays? Je sais qu'il a un calendrier et qu'il est en train d'examiner la politique de la défense. Quant à nous, nous sommes en train d'examiner un projet de loi.

Le sénateur Stratton : Cela n'a rien à voir avec ce genre de choses.

Le sénateur Joyal : Je le sais. J'essaie tout simplement de comprendre la façon dont cet autre comité conçoit son mandat en comparaison de ce que nous faisons chez nous. Je ne dis pas que nous devrions nous déplacer parce qu'eux se déplacent — pas du tout. J'essaie simplement de comprendre la méthodologie choisie par cet autre comité par opposition à la nôtre afin que nous puissions nous renseigner avant de nous décider à faire des voyages ou non.

Le sénateur Day : Trois comités ont demandé la permission de voyager. Il s'agit du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, du Comité sénatorial des transports et des communications et du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense, et tous les trois ont d'importants budgets de déplacement cette année.

La présidente : Qu'est-ce que vous entendez par important?

Le sénateur Day : Pour l'instant, aucun n'a été approuvé, bien entendu, mais ils prévoient un programme bien chargé, alors dans chaque cas il s'agira de plus d'un demi-million de dollars.

Le sénateur Jaffer : Le sénateur Lynch-Staunton demande : « Quel est notre programme? » Je sais que je suis un nouveau sénateur, mais j'ai quand même acquis une certaine expérience. Si j'ai bien compris, c'est la tâche du comité de direction de nous proposer un programme de travail et c'est ce que nous attendons. Je pense que c'est ainsi que travaillent nos comités. Quant à notre programme de travail et nos objectifs, nous pouvons avoir un groupe de travail et je peux certainement vous proposer des choses à faire. Je le ferai volontiers mais personne ne me l'a demandé car je ne fais pas partie du comité de direction. Mais voici qu'on arrive à la réunion d'aujourd'hui pour entendre dire que nous ne savons pas ce que nous allons faire, ce n'est pas le rôle de ce comité, c'est au comité de direction de décider. C'est ainsi que je l'ai compris et corrigez-moi si je me trompe, car je me suis déjà trompée souvent. Je pense que c'est le rôle du comité de direction. Mais de dire aujourd'hui que nous ne savons pas ce que nous allons faire, et que par conséquent nous ne pouvons pas le faire, ne convient tout simplement pas.

Le sénateur Lynch-Staunton : Soyons clairs. Personne ne m'a laissé entendre qu'il sera nécessaire à ce moment-ci de faire des déplacements au Canada. À ma connaissance, il n'existe aucune nécessité, je n'en vois pas du tout. Nous pensions à la possibilité d'aller à Londres mais nous avions décidé que ce ne serait peut-être pas important à ce moment-ci. Washington serait une destination évidente. Nous avons parlé aussi de déplacements à l'intérieur du Canada, mais rien n'en est sorti. Maintenant vous soulevez ce sujet. Ne dites pas que nous l'avons rejeté car il n'y avait rien à rejeter. Il n'y a pas eu de proposition concrète.

Le sénateur Jaffer : J'ai évoqué avec la présidente la proposition d'une tournée canadienne. Je ne peux pas le faire tout de suite mais je peux vous préparer une proposition. N'étant pas membre du comité de direction, je n'estimais pas que c'était mon rôle de le faire, mais je peux vous présenter une proposition. Le sénateur Fraser dit que nous aurons un bon accueil mais il se trouve que je fais partie aussi du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Je sais comment les choses s'y passent et je ne veux pas recevoir la réponse. Je suis très surprise que nous ayons cette discussion parce que je partais du principe que le comité allait faire cette tournée canadienne. C'est vraiment une surprise pour moi.

Le sénateur Lynch-Staunton : Je suis désolé aussi mais ce n'était pas mon impression. Si je vous ai induite en erreur, je m'en excuse.

Le sénateur Jaffer : À la première réunion, sénateur, si vous consultez les délibérations, il a certainement été question que le comité se déplace. En fait, le sénateur Austin avait dit à la blague que nous commencerions notre tournée à Vancouver. Je vous le dis pour montrer jusqu'à quel point c'était resté clair dans mon esprit.

La présidente : Sénateur Jaffer, tout ce que je peux vous dire, c'est que nous examinons maintenant, peut-être de façon un peu trop étroite, les premiers travaux du comité sans une idée détaillée des travaux futurs. Nous voulions établir les bases de notre programme compte tenu du genre d'audiences que nous avions eues au cours de la dernière quinzaine. Je n'ai rien contre des déplacements au Canada mais je me rappelle que lors de cette réunion, on avait aussi évoqué l'éventualité, et même la probabilité, de déplacements à l'étranger.

À la réunion, nous avions conclu que pour la première partie de nos travaux, c'est-à-dire notre effort de rassembler les renseignements fondamentaux, un voyage à Washington serait le seul voyage à l'étranger absolument nécessaire, et les autres autour de la table étaient d'accord. Le reste pourrait se faire par vidéoconférence si cela nous intéressait. Cela ne nous empêche pas de faire des voyages à l'intérieur du pays.

Évidemment, je prends l'entière responsabilité de ce comité, et si une erreur a été commise, eh bien j'en assumerai la responsabilité. J'avoue que j'avais cru comprendre que tout déplacement additionnel serait prévu dans un budget ultérieur. Je ne crois pas que cela soit impossible. Je suis portée à croire qu'on nous autoriserait à procéder ainsi. C'est au comité de prendre une décision. Je sais que le sénateur Jaffer craint qu'on ne nous donnera pas la permission — et je ne suis pas sûre d'être d'accord avec elle — mais si on voulait tout de même procéder ainsi, il y a deux voies qu'on pourrait prendre. Ou bien, nous adoptons le budget tel quel. De nombreux témoins vont comparaître devant ce comité et vont parfois nous dire tout à fait le contraire de ce qu'on nous a dit au cours des deux dernières semaines. Nous serions alors mieux placés pour décider où nous voulons aller au Canada et pourrions à ce moment-là déposer une nouvelle proposition devant le comité. Ou bien — et c'est la seule autre solution qui se présente — on trouve l'argent je ne sais où et fait adopter le budget à toute vapeur par le comité de direction sans avoir préalablement discuté de nos objectifs comme comité. Ce serait un peu délicat.

Le sénateur Lynch-Staunton : Peut-être pourrions-nous déposer le budget tel quel en l'accompagnant d'une lettre qui explique qu'en raison des échéanciers, et du fait que nous sommes un tout nouveau comité, qu'il est impossible d'établir un plan ferme pour l'année prochaine. Il faudrait préciser dans la lettre que nous avons l'intention de voyager à travers le Canada, mais qu'à ce moment-ci nous ne pouvons rien préciser de plus. Au lieu de demander un montant global, nous demanderions l'indulgence du sous-comité pour pouvoir lui présenter des projets plus concrets d'ici un mois ou deux.

Le sénateur Joyal : J'appuie entièrement le sénateur Lynch-Staunton. C'est raisonnable comme approche.

La présidente : C'est l'impression que j'avais moi-même de l'approche qu'on préconisait. D'ailleurs, je suis tout à fait prête à me battre jusqu'au bout pour y parvenir.

Le sénateur Joyal : Je pense que le sénateur Lynch-Staunton devrait rédiger une lettre d'accompagnement. La lettre doit préciser que nous réservons notre décision plus détaillée jusqu'à ce que le comité se saisisse de la question au cours du prochain mois. De cette façon, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pourra s'attendre à recevoir des précisions de la part de notre comité en temps et lieu. La décision demeure la vôtre.

La présidente : Pour faire suite à ce que vous avez dit, le sénateur Joyal et moi vous remercions d'avoir soulevé cette question. En effet, nous sommes toujours en train d'apprendre toutes sortes de choses qui nous préoccupent à chacune de nos réunions. Justement, les leçons que nous en avons tirées serviront peut-être à résoudre certaines des difficultés que nous présente ce travail fort compliqué. Pour ma part, je sais qu'il y a encore du chemin à parcourir avant de parvenir à ce qui pourrait être, je l'espère du moins, un voyage très productif aux endroits où on aura l'occasion de rencontrer les bonnes personnes. Et tout comme le sénateur Jaffer, je sais que nous ne parviendrons pas à faire tout ce qu'il faut depuis Ottawa. Je ne veux pas vous faire croire, du fait qu'aucun voyage n'est prévu au budget, qu'il y a eu des oublis. Il faut que cela soit clair.

Le sénateur Stratton : Un autre comité se réunit ici dans quelques instants. Nous sommes censés quitter la pièce à 15 h 40.

Le sénateur Lynch-Staunton : Je propose que le budget soit adopté en autant qu'une lettre d'accompagnement y soit ajoutée.

Le sénateur Stratton : Nous avions l'intention de discuter également de l'ordre du jour. Il y avait deux questions dont il fallait discuter, et nous avons pris 40 minutes pour discuter d'une question qu'on aurait dû régler en 15. Je m'excuse de mon impatience; cependant j'ai encore trois réunions. En regardant le programme des travaux futurs du comité, j'ai l'impression que notre approche auprès des fonctionnaires est un peu à la va comme je te pousse. J'aimerais d'abord savoir comment d'autres pays effectuent leurs examens. Quels fonctionnaires devrions-nous faire comparaître devant nous pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe?

Lorsque nous nous penchons sur la question des examens, il faudrait tenir compte non seulement de ce projet de loi, mais d'autres projets de loi et règlements, n'est-ce pas? Il faudrait avoir un compte rendu de la situation, afin de faire comparaître les bons témoins qui pourront faire état, à leur tour, de la situation à l'extérieur. Il faut donc poser les bonnes questions aux bonnes personnes plutôt que de poser un fusil sur la tempe d'un fonctionnaire qui ne sait que répondre, « Je ne sais pas » ou « Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question; il faudrait la poser à quelqu'un d'autre ». Ce sont des facteurs dont il faudrait absolument tenir compte.

La présidente : Sénateur Stratton, c'est justement ce dont nous allons discuter à notre comité de direction. Bref, nous nous attaquons déjà à cette question.

Le sénateur Prud'homme : Je tiens à rappeler à mes collègues que le Conseil interparlementaire mixte nous a autorisés à voyager quatre fois à Washington sur nos 64 points, toutes dépenses payées : transport, hébergement, taxis, et cetera. Je sais pertinemment que la majorité des députés ne se servent pas de tous leurs points. C'est donc une suggestion que je fais au comité. J'imagine que certains députés vont pouvoir nous accompagner à Washington, malgré le fait qu'ils ne soient pas membres du comité, en utilisant leurs 64 points. Qu'on me corrige si j'ai tort.

La présidente : Nous en discuterons davantage à une prochaine réunion.

La séance est levée.


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