Aller au contenu
ANTT - Comité spécial

Antiterrorisme (Spécial)

 

Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste

Fascicule 17 - Témoignages - Séance de l'après-midi


 [Note de l'éditeur]

CORRECTIONS

À la page 17:43 du fascicule imprimé, le cinquième paragraphe de la version anglaise se lit :

There is a small budget.

Le texte devrait se lire :

This is a small budget.

—————

À la page 17:46 du fascicule imprimé, le quatrième paragraphe se lit :

Je suis sûr que cette décision a été prise par des représentants officiels.

Le texte devrait se lire :

Je suis sûr que cette décision n'a pas été prise par des représentants officiels.

Les versions html et pdf qui paraissent sur ce site ont été modifiées pour refléter ces corrections.


OTTAWA, le lundi 24 octobre 2005

Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste se réunit aujourd'hui, à 13 h 35, pour procéder à un examen approfondi des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste (L.C. 2001, ch.41).

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la 38e séance du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste. Il y a des témoins présents.

Pour nos téléspectateurs, je vais expliquer le but du comité. En octobre 2001, en réaction directe aux attaques terroristes de New York, de Washington et de Pennsylvanie et à la demande des Nations Unies, le gouvernement canadien a présenté le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. Étant donné l'urgence de la situation à l'époque, on avait demandé au Parlement d'étudier rapidement ce projet de loi, ce que nous avons accepté de faire. L'échéance pour l'adoption de cette mesure législative avait été fixée à la mi-décembre 2001. Cependant, certains se sont inquiétés du fait qu'il était difficile d'évaluer convenablement l'impact potentiel de cette loi en si peu de temps. Pour cette raison, on a convenu que, trois ans plus tard, le Parlement examinerait les dispositions de la loi et son effet sur les Canadiens, avec le recul et dans un contexte moins chargé émotivement pour la population.

Les études canadiennes s'inscrivent dans le travail accompli par le présent comité spécial, qui représente les efforts déployés par le Sénat pour s'acquitter de cette obligation. Quand nous aurons terminé cet examen, nous présenterons un rapport au Sénat exposant chacun des problèmes à résoudre. Les résultats de notre rapport seront présentés au gouvernement du Canada et à l'ensemble des Canadiens. La Chambre des communes effectue la même démarche en ce moment.

Jusqu'à maintenant, le comité a rencontré des ministres et des représentants du gouvernement, des experts nationaux et internationaux en matière de menace terroriste, des juristes, des responsables de l'application des lois et de la collecte de renseignements de sécurité ainsi que des représentants de groupes communautaires. Des membres du comité se sont rendus à Washington pour participer à des rencontres et, dans environ une semaine, d'autres membres iront à Londres, en Angleterre. Nous avons tenu des vidéoconférences avec des personnes de partout dans le monde.

Au cours de nos audiences, nous avons entendu beaucoup de préoccupations concernant ce qui est arrivé à des groupes communautaires dans le cadre du nouveau processus. Nous avons grandement discuté de la Table ronde transculturelle sur la sécurité. Nous avons très hâte d'entendre ce que le comité a à dire et, aujourd'hui nous avons la chance de recevoir son président, Dr Zaheer Lakhani. Il est accompagné de M. Marc Whittingham, sous-ministre adjoint, Relations interorganisationnelles et publiques du portefeuille, Sécurité publique et Protection civile Canada.

Comme toujours, honorables sénateurs, je vous demande de poser des questions concises et de donner des réponses énergiques, autant que possible.

Dr Lakhani, veuillez commencer.

Zaheer Lakhani, président, Table ronde transculturelle sur la sécurité : Honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à parler au nom de la Table ronde transculturelle sur la sécurité (TRTS), que j'ai la chance de présider depuis sa création un peu plus tôt cette année, activité qui représente pour moi un travail stimulant. J'aimerais reconnaître l'une de mes condisciples de l'Ouganda avec qui j'ai étudié il y a quelques années — le sénateur Jaffer. À cette époque, qui aurait pu croire que, bien des années plus tard, elle deviendrait un sénateur canadien et que nous l'admirerions comme nous l'avons toujours fait, même à l'école. Pendant l'un de mes récents voyages en Ouganda, où j'agissais à titre d'examinateur externe de l'Université Makerere, je me suis rendu compte que, même à Kampala, les gens parlent de l'excellent travail accompli par le sénateur Jaffer au Soudan.

La création même, par le gouvernement du Canada, de ce groupe de bénévoles, qui participent à notre table ronde et qui ont tous établi des liens avec un grand nombre de collectivités diversifiées du Canada, dénote un engagement authentique du gouvernement à poursuivre un dialogue avec l'ensemble de la collectivité. Je crois que cela permet également de reconnaître que les préoccupations relatives aux mesures en matière de terrorisme et d'antiterrorisme au sein de nos collectivités peuvent éventuellement mener à la division et créer un stress excessif dans différents segments de notre population, ce qui aura des répercussions disproportionnées sur certains groupes. Des mesures comme la création de cette table ronde font du Canada un pays à valeur ajoutée, pour emprunter l'expression de M. Lloyd Axworthy.

Cela nous a distingués des autres et nous a permis de promouvoir et de mettre en œuvre ce que certains ont appelé la révolution «polie», une révolution qui nous permet de rester créatifs, d'avoir l'esprit ouvert et de nous tourner vers l'avenir à la suite de nos importants discours.

Quinze personnes très différentes forment la TRTS. Elles proviennent de milieux uniques et différents, et leur vie a été façonnée par différentes expériences de vie, comme vous pouvez le constater à partir des données biographiques que j'ai fournies au comité.

Moi-même, j'ai étudié en médecine. Je suis professeur clinicien à l'Université de l'Alberta. J'ai été président de la Edmonton Multicultural Society. J'ai été membre et président de cette société au cours d'une période de cinq ans et j'ai été président-fondateur de l'Association canadienne des commissions de police. À cette époque, nous nous préoccupions d'enjeux comme le profilage racial, les possibilités d'équité en matière d'emploi dans les services de police, la formation sur la diversité et la sensibilisation interculturelle. Tous ces enjeux demeurent aussi importants et pertinents aujourd'hui qu'ils l'étaient à l'époque.

Nos membres représentent diverses confessions, et une majorité d'entre eux proviennent de différentes régions du monde.

La diversité d'opinions à notre table et l'étendue des sujets abordés au cours de nos discussions correspondent à la diversité et aux préoccupations de tous les Canadiens. Toutefois, nous considérons que cette diversité d'opinions constitue une force. Je sais que les représentants de la justice, du SPPCC, du multiculturalisme, et cetera, tirent parti de ce spectre d'opinions et d'observations dans le cadre de toutes nos réunions.

Même si nous adoptons des opinions divergentes sur certaines questions, nous nous entendons parfaitement sur un sujet, soit la profonde affection que nous portons à ce pays et aux valeurs canadiennes, notamment en ce qui concerne l'énorme respect du Canada à l'égard de la dignité des êtres humains et des droits de la personne, non seulement ici, mais partout ailleurs. Comme je suis arrivé au Canada à la suite de l'expulsion des ressortissants des Indes orientales de l'Ouganda, moment où nous avons pratiquement perdu tout d'un coup nos moyens de subsistance, nos maisons, nos entreprises et notre identité, je partage avec les Canadiens qui ont vécu des expériences semblables un profond respect envers l'équité, la démocratie et un gouvernement juste.

Dans ce contexte, tout soupçon d'une menace perçue par le gouvernement ou ses institutions envers la liberté personnelle ou les droits de la personne nous cause un grand stress, car bon nombre d'entre nous avons déjà connu les conséquences de l'érosion de ces libertés personnelles et les effets d'entraînement qui en ont découlé.

Toutefois, à la lumière des événements du 11 septembre, les membres de notre TRTS sont de tout cœur avec nos décideurs pendant que ceux-ci se battent pour établir le bon équilibre entre les mesures et les intérêts relatifs à la sécurité sociale et nos droits individuels en tant que citoyens canadiens. Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de travailler avec le gouvernement et l'ensemble de la collectivité et souhaitons être en mesure de changer les choses.

Le mandat de la table ronde est clairement énoncé dans les documents distribués un peu plus tôt. Je crois que ce qui saisit le mieux l'esprit de ce qui a mené à la création de notre groupe est la déclaration prononcée par l'honorable Anne McLellan devant votre comité en février dernier, où elle a dit :

Elle a été établie dans le cadre de notre Politique de sécurité nationale pour nous permettre de rencontrer les représentants des groupes multiculturels du Canada, de les entendre nous parler de leurs craintes, de leurs aspirations, de la façon dont des choses comme cette loi, comme l'Agence des services frontaliers du Canada, sont perçues dans leurs communautés et de la façon dont cela les touche. Nous voulons établir un dialogue pour leur expliquer pourquoi nous prenons ces mesures pour protéger tous les Canadiens y compris eux, mais aussi pour comprendre nous-mêmes les répercussions involontaires que ces dispositions peuvent avoir sur ces communautés.

Que s'est-il passé depuis notre première rencontre le 7 mars 2005? En tant que président, j'avais pour priorité d'encourager les membres à apprendre à se connaître les uns les autres. La table ronde est formée de 15 personnes, dont la plupart ne se connaissaient pas avant de se joindre au groupe. Ma priorité consiste donc à les encourager à se souder en tant que groupe, à faire preuve d'une confiance et d'un respect mutuels, à connaître davantage les antécédents de chaque membre et à établir une vision commune et partagée.

En peu de temps, nous avons déjà tenu deux tables rondes officielles. Au cours de la première, qui a eu lieu à Ottawa en mars dernier, nous avons été mieux informés de l'infrastructure, des politiques et des programmes gouvernementaux en matière de sécurité, de même que des problèmes auxquels font face ces groupes et organismes, grâce à la participation de représentants principaux du SCRS, de la GRC, de l'Agence des services frontaliers du Canada, et cetera.

Au cours de la deuxième table ronde, tenue à Vancouver en mai dernier, nous avons mis l'accent sur la sécurité à la frontière. Nous avons visité l'aéroport international de Vancouver pour mieux connaître les mesures de sécurité en place et les problèmes relatifs à la protection des Canadiens et des voyageurs, tout en facilitant le passage des gens et des biens.

Nous nous sommes réunis en petits groupes à Edmonton et à Halifax, et plusieurs sous-comités ont déjà accompli certains travaux. L'un de ces sous-comités examine actuellement des mécanismes de sensibilisation pratiques pour rejoindre les collectivités de partout au Canada. Un autre sous-comité analyse actuellement les questions relatives à l'équité en matière d'emploi, aux méthodes de recrutement et à la formation axée sur la diversité offerte dans nos divers organismes.

Grâce à l'initiative de membres provenant de partout au Canada, nous avons organisé des rencontres entre le gouvernement et des groupes communautaires locaux pour assurer la tenue de dialogues, surtout avec des membres de la collectivité musulmane, laquelle a le plus ressenti les répercussions de ces mesures de sécurité.

J'aimerais souligner que nous ne nous faisons pas les apologistes des lois gouvernementales, mais que nous pouvons catalyser les communications entre la collectivité et le gouvernement. Nous prévoyons tenir d'autres réunions au cours des prochains mois dans le cadre de notre initiative de sensibilisation. Nous ne voulons pas accomplir le même travail que votre comité; c'est pourquoi nous suivons attentivement ce que vous faites. Nous voulons mobiliser les Canadiens à l'égard d'enjeux plus précis. Nous voulons connaître les opinions des membres de diverses collectivités concernant la façon dont ils peuvent prendre en charge les questions relatives à la sécurité dans leur propre collectivité pour ne pas simplement laisser le gouvernement s'en occuper.

Nous voulons animer des groupes de discussion à l'intention des jeunes pour discuter de questions qui les intéressent et aborder de façon particulière les conditions menant au terrorisme intérieur, l'enseignement de la haine, les aspirations des jeunes hommes et femmes faisant partie de nos différentes collectivités et le rôle qu'ils aimeraient jouer en assumant certaines des responsabilités visant à tenir le terrorisme en échec. Nous espérons également mener quelques discussions avec diverses collectivités de partout au pays en mettant l'accent sur des enjeux plus précis.

Au cours de conférences, nos membres ont été invités à prendre la parole, à titre de membres de la table ronde, ce qui laisse croire que les gens commencent à connaître notre groupe. Il y a eu quelques résultats tangibles. Je peux parler de certaines questions soulevées par des membres de la table ronde au cours de nos réunions et de celles soulevées par divers groupes communautaires. Peut-être pourrons-nous en discuter un peu plus tard.

Pour respecter l'échéancier prévu, je terminerai en vous rappelant que notre groupe n'existe que depuis peu de temps, c'est-à-dire sept mois. Nous avons très hâte de faire les choses de façon adéquate et réfléchie. Nous reconnaissons que cette table ronde fera partie du contexte de la sécurité canadienne pendant encore bon nombre d'années, longtemps après l'expiration du mandat du présent groupe. Jusqu'à maintenant, nous avons obtenu un excellent soutien du gouvernement lorsque nous avons établi le cadre de notre mandat. De même, chacun de nos membres s'est fermement engagé à jouer pleinement son rôle.

Au cours de notre prochaine réunion, qui aura lieu à Ottawa en novembre prochain, nous mettrons l'accent sur deux volets : tout d'abord, nous examinerons les événements internationaux qui ont eu des répercussions sur les mesures de sécurité canadiennes et qui ont permis de les mettre en contexte; ensuite, nous discuterons de l'intervention du Canada dans le cas où un acte terroriste se produirait au pays. Au cas où un tel événement se produirait au Canada, nous devons avoir des mesures en place pour soutenir un climat de respect envers diverses collectivités et faire face de façon proactive aux réactions indésirables, à la discrimination et aux actes haineux éventuels qui, d'habitude, suivent de tels événements.

M. Whittingham et moi serons heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le sénateur Andreychuk : J'ai lu votre mandat. Je suis toutefois un peu confuse en ce qui concerne votre rôle. Peut- être pourriez-vous me dire la façon dont vous percevez votre rôle. Êtes-vous un défenseur des personnes qui croient être ciblées à tort et assujetties à la loi antiterroriste ou vous considérez-vous comme un facilitateur et un diffuseur de renseignements relatifs à l'ensemble de la sécurité au Canada? Je vois ces deux rôles dans votre mandat, mais je crois qu'ils entrent en conflit. De quelle façon composez-vous avec cela?

Dr Lakhani : En tant que président, je n'ai pas l'impression que les membres y voient un conflit. Tout d'abord, nous voulons donner, comme le mandat le souligne, l'occasion au gouvernement d'interagir directement avec la collectivité. Il est devenu évident pour nous qu'il existe un écart véritable entre le gouvernement et les collectivités. Ces modifications législatives ont beaucoup plus de répercussions sur certaines collectivités que d'autres, et les collectivités veulent comprendre pourquoi ces mesures ont été mises en place. Elles veulent connaître la justification qui sous-tend l'imposition de ces mesures. Comme nous faisons partie des collectivités en question, je considère que nous sommes en mesure de faciliter les communications. Nous pouvons expliquer le fonctionnement du gouvernement aux personnes et expliquer les problèmes de ces personnes au gouvernement afin que celui-ci soit sensibilisé aux préoccupations de la collectivité. Je ne crois pas que le gouvernement connaît ou reconnaît pleinement ces préoccupations. Les représentants gouvernementaux doivent être au courant de ces préoccupations pour y être sensibilisés.

Au fil des ans, le rôle de la table ronde peut changer. Toutefois, le mandat immédiat consistait à expliquer le gouvernement aux collectivités et vice versa et à encourager un dialogue entre les deux groupes. L'une des choses que nous aimons en tant que membres d'une collectivité, c'est que tous nos membres entretiennent des liens étroits avec diverses collectivités, présentent les préoccupations de ces dernières aux autres membres et sensibilisent les organismes frontaliers, le gouvernement, SPPCC, et cetera aux préoccupations de la collectivité. Il s'agit de se connaître davantage les uns les autres et, espère-t-on, de jeter les fondements de l'élaboration de modifications législatives éventuelles au moment où elles sont envisagées. C'est la façon dont je vois les choses.

Le sénateur Andreychuk : Vous vous considérez comme des facilitateurs d'une façon ou d'une autre. Je me préoccupe du fait que, dans une démocratie, le gouvernement devrait parler directement au peuple, particulièrement aux minorités qui sont touchées par les modifications législatives. Je pense à certains des effets ultérieurs des attentats à la bombe dans le métro de Londres, quand le Premier ministre a entrepris de parler directement avec les chefs musulmans et arabes en vue d'obtenir leur soutien à l'égard du programme relatif à la sécurité et de les rassurer quant au fait qu'il ne s'agissait pas de cibler un groupe. Par conséquent, le dialogue se tenait, comme je crois que cela devrait être le cas, entre le gouvernement en place et les gens touchés.

Vous vous considérez comme des facilitateurs. Pourquoi en avons-nous besoin au Canada? Pourquoi les gens n'ont- ils pas l'impression qu'ils peuvent parler directement au gouvernement?

Dr Lakhani : Lorsque vous interagissez avec les groupes minoritaires, vous vous rendez compte qu'ils proviennent tous de différentes régions du monde. Ils ont différents niveaux de confort, d'alphabétisation et de confiance. Certains groupes sont plus éloquents. Ils savent à qui parler, comment communiquer avec les personnes et comment traiter de questions particulières.

Toutefois, la majorité de ces personnes, dont bon nombre sont de nouveaux arrivants au pays, se sentent marginalisées. Les gens d'Edmonton qui ont eu l'impression d'être harcelés ou intimidés étaient des immigrants qui n'étaient pas arrivés au Canada depuis longtemps. C'est un pays de nouveaux immigrants. Bon nombre de ces personnes ne savent pas vers qui se tourner. Elles ne savent pas à qui exprimer leurs préoccupations. Bien sûr, si une personne lit les journaux chaque jour, elle sera plutôt bien informée. Toutefois, bon nombre de ces immigrants n'ont pas la capacité ni le temps de mieux s'informer.

Ce que vous dites a du sens. Toutefois, comme j'ai travaillé dans le domaine du multiculturalisme et que j'ai notamment été président d'un organisme multiculturel, je sais que de nombreux groupes défavorisés de nos collectivités ont besoin de toute l'aide qu'ils peuvent recevoir. Notre groupe fournit ce genre de soutien.

Je crois que le gouvernement fait tout ce qu'il peut. Je sais que le ministre rencontre actuellement des chefs de divers groupes et de diverses collectivités. Il n'est pas toujours évident de savoir qui représente le chef communautaire dans certaines de ces collectivités. Il existe des collectivités disparates, qui ne sont pas nécessairement toutes représentées à chaque table.

En tant que membres d'une table ronde qui ont des racines dans différentes collectivités, nous connaissons bon nombre de groupes différents et nous tentons de veiller à les écouter à tout moment, d'interagir avec eux, de connaître leurs sentiments, leurs peurs et leurs préoccupations. Nous tentons de tenir compte de ces enjeux et d'informer les représentants gouvernementaux de ces préoccupations.

Dans la mesure où nous pouvons leur faciliter la tâche ou prendre des dispositions en leur nom afin qu'ils rencontrent ces groupes particuliers, c'est ce que nous faisons. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas des apologistes de la loi gouvernementale. Le gouvernement doit expliquer lui-même ses modifications législatives et expliquer pourquoi il a pris ces mesures. Toutefois, nous pouvons veiller à ce que tous les groupes qui doivent être rencontrés le soient. M. Whittingham pourra peut-être vous en dire davantage.

Marc Whittingham, sous-ministre adjoint, Relations interorganisationnelles et publiques du portefeuille, Sécurité publique et Protection civile Canada : Je travaille pour le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile depuis trois mois, ce qui n'est vraiment pas long. Toutefois, j'ai rencontré les membres de la Table ronde transculturelle sur la sécurité à Halifax et à Edmonton. Depuis, j'ai eu l'occasion de rencontrer les 15 membres.

Le mot clé ici est « facilitation » plutôt que « substitut ». Il ne fait aucun doute que la Table ronde transculturelle n'est pas un substitut du gouvernement et qu'elle n'élimine pas la nécessité pour les représentants officiels de rencontrer toutes les collectivités ethnoculturelles de partout au pays. La Table ronde transculturelle nous offre encore une fois une façon d'aider à faciliter les choses et de nous assurer que rien ne nous échappe. Cela garantira que nous ne négligerons pas par inadvertance un groupe ou une préoccupation. La table ronde nous permet d'avoir 15 autres paires d'yeux et d'oreilles et des conseillers qui nous aident à mener nos vastes initiatives de sensibilisation et à mettre en œuvre les vastes programmes que nous tentons d'exécuter pour faciliter le dialogue. C'est simplement un autre outil qui nous aide à faire cela.

Au même moment, nous disposons d'un groupe de personnes qui, au fil des ans, deviendront de plus en plus informées sur ce que nous faisons et seront en mesure de nous donner des conseils. Nous pouvons leur faire part des mesures que nous nous proposons de prendre et leur demander comment, d'après eux, les gens réagiront. Nous recevrons une rétroaction immédiate et nous serons donc en mesure de gagner la confiance des gens et d'établir un rapport.

Le sénateur Andreychuk : Comme je viens d'une famille d'immigrants, je vous remercie de cette précision. Ayant travaillé auprès de personnes de la collectivité immigrante pendant de nombreuses décennies, je sais que, si elles hésitent à rencontrer le gouvernement ou à apprendre à le connaître, elles sont également réticentes à l'égard de toute création du gouvernement. Vous êtes assis à la même table. Cela renforce cette image.

Les organismes qui tenteront de communiquer avec le gouvernement feront également, sans aucun doute, la même chose en ce qui concerne votre table ronde. Je me préoccupe de ces personnes qui ne sont pas organisées et qui éprouvent des problèmes quotidiens liés à la survie, comme obtenir un emploi et élever leurs enfants. Je suis préoccupée par le fait que l'on profilera ces personnes, qu'on les marginalisera ou les ciblera d'une certaine façon. Comment allez- vous régler ce problème? Nous devons tout d'abord nous assurer que les membres de la collectivité ordinaires ne sont pas ciblés de façon injuste. C'est le sentiment que la plupart des gens éprouvent aux échelons moins organisés de ces collectivités. Comment rejoindrez-vous ces personnes?

Dr Lakhani : Je ne connaissais pas la plupart des personnes qui participent à la table ronde avant qu'elles ne deviennent membres. À mesure que j'apprends à connaître les membres de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario, je reconnais qu'ils ont établi des liens étroits non seulement avec leur collectivité, mais également avec d'autres. Bon nombre d'entre eux ont déjà travaillé pour des organismes multiculturels. Ils ont été les porte-parole des personnes défavorisées de nos collectivités. Il nous incombe notamment de connaître la situation des personnes opprimées et défavorisées. Il est de notre devoir, en tant que membres de la table ronde, de faire connaître leurs préoccupations au gouvernement. C'est ce que font nos membres. Ayant participé à ces deux réunions et entendu ces personnes à la table, j'ai sincèrement l'impression que nos membres sont sensibilisés à la question et préoccupés par celle-ci. Je vous remercie d'avoir soulevé cette question. Elle vous préoccupe, et elle me préoccupe.

Toute ma vie, j'ai lutté pour des personnes qui ne peuvent parler pour elles-mêmes. Je crois que quelqu'un doit le faire. Ce genre de personnes participent à la table ronde, et j'espère qu'elles accomplissent leur travail de façon adéquate en soulevant des questions au nom de ceux qui ne peuvent parler pour eux-mêmes.

Le sénateur Andreychuk : Au cours de la période où vous avez participé à la table ronde et rencontré des chefs communautaires et les membres affectés de la collectivité, avez-vous conclu qu'il y avait du profilage racial au Canada?

Dr Lakhani : Je ne suis pas certain qu'il y en ait, mais il y a certainement une perception importante de profilage racial. J'ai des amis qui disent que, si votre nom semble musulman et que vous portez la barbe, vous aurez tendance à vous faire arrêter dans les aéroports. Vous vous ferez poser davantage de questions. J'ai entendu ces commentaires. J'ai également entendu des arguments contraires, c'est-à-dire que les gens ne croient pas qu'il existe un profilage racial. Les personnes qui vivent cette expérience de façon répétée peuvent avoir l'impression d'être victimes de profilage racial.

Nous sommes heureux d'entendre le gouvernement et les organismes dire qu'il n'existe aucun profilage et qu'ils prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce qu'il n'y en ait pas. Nous avons pris la responsabilité de collaborer avec ces divers organismes. Nous avons des comités qui travaillent avec eux et parlent de recrutement, d'éducation et de formation en matière de diversité. Nous voulons savoir ce que l'on enseigne aux personnes en position d'autorité. Comment font-elles leur travail? La visite à l'aéroport de Vancouver et dans les organismes frontaliers était rassurante, car, comme nous avons examiné les mécanismes qu'ils utilisent pour évaluer les gens, cela nous permettait certainement de constater qu'ils n'ont pas recours au profilage racial. Toutefois, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il existe une telle perception. Pour certaines personnes de la collectivité, elle est très réelle.

Le sénateur Fraser : Nous sommes heureux que vous soyez ici. Nous étions heureux lorsque votre groupe a enfin été créé. Nous espérions que cela se produise avant. Il nous a toujours semblé qu'un tel organisme serait une partie extrêmement importante de notre réaction nationale au terrorisme.

J'aimerais approfondir ma pensée concernant la façon dont les choses fonctionnent. De qui relevez-vous, monsieur Lakhani? À qui rendez-vous des comptes?

Dr Lakhani : À qui est-ce que je rends des comptes? Notre groupe a été nommé par SPPCC. Notre mandat est tel qu'il est énoncé. Nous en avons parlé. Des représentants ministériels chevronnés participent à nos rencontres. Ils écoutent la conversation et entendent nos préoccupations. Nous parlons au nom de la collectivité. Nous soulevons les préoccupations de la collectivité à la table ronde. Nous en apprenons également davantage sur d'autres enjeux.

Nous mettons un résumé de nos débats à la disposition de la ministre McLellan, du ministre Cotler et du ministre d'État, M. Chan. Nous préparons un précis de chacune de nos rencontres, où nous exprimons nos préoccupations. C'est ce que vous appelleriez le mécanisme de reddition de comptes. Nous sommes nommés par SPPCC, alors je présume qu'il s'agit de l'organe auquel nous devons rendre des comptes. Nous mettons certainement un précis de nos discussions à sa disposition.

Le sénateur Fraser : Avez-vous le pouvoir de rédiger des rapports à l'intention du public, de fournir des rapports annuels publics ou quoi que ce soit de cette nature?

Dr Lakhani : Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le faire. Je suis certain que, en tant que groupe, nous pourrions choisir cette option, une fois que nous aurons établi une meilleure vision de ce que nous voulons accomplir, de même que la direction dans laquelle nous voulons nous diriger. C'est une possibilité. Nous avons parlé de la publication d'un bulletin. Nous devons avoir un profil au sein de la collectivité. Nous ne l'avons pas encore, car notre groupe est encore récent. Imaginez 15 personnes qui se rencontrent pour la première fois. Nous tentons d'apprendre à nous connaître. Au cours de la première réunion, tout le monde semblait avoir des idées différentes concernant l'orientation que nous devions prendre. Maintenant, nous nous sommes soudés et nous avons appris la façon la plus efficace d'utiliser nos ressources et notre temps et la façon dont nous pouvons faire profiter au maximum la collectivité, de même que le gouvernement.

Un des mécanismes dont nous avons parlé concerne la création d'un bulletin régulier. Nous avons un site Web, où nous pourrions soulever certaines de ces questions. Au cours de la prochaine année, je crois que nous ferons davantage ce genre de choses. Nous publions actuellement des rapports.

Le sénateur Fraser : Qui assume les frais du site Web? En fait, ma question est la suivante : avez-vous un budget que vous pouvez allouer à un site Web, un bulletin ou des études que vous jugez nécessaires ou vous tournez-vous vers SPPCC pour lui demander d'accomplir ces choses? Je m'excuse si je semble cynique.

M. Whittingham : Dans le cadre de la création de la table ronde, on a établi un secrétariat au sein de SPPCC, au sein du ministère, pour soutenir la table ronde. Un budget annuel de 600 000 $ y est alloué. Il comprend le salaire de trois employés à temps plein, de même que les frais liés au site Web et tous les frais de déplacements des membres.

C'est un petit budget. Nous tentons actuellement de trouver d'autres façons de financer des initiatives de sensibilisation particulières et d'autres mesures connexes. La reddition de comptes est claire. Comme l'a mentionné Dr Lakhani, nous rendons des comptes aux deux ministres qui ont créé la table ronde.

Le sénateur Fraser : Je tente de comprendre comment cela fonctionne. Sur le plan administratif, il y a une table ronde dont les membres sont bénévoles, et il y a une petite unité au sein de SPPCC qui est comptable à SPPCC, qui lui fait rapport, qui est financée par lui et qui fait partie du cheminement de carrière de SPPCC.

Je vais avoir d'autres questions à poser, mais celle-ci sera la dernière pour l'instant. Est-ce que de deux à quatre réunions suffisent?

Dr Lakhani : Nous sommes des gens très occupés dans notre vie personnelle. Nous faisons également d'autre travail de sensibilisation communautaire. Nous nous rassemblerons au cours de trois ou quatre réunions officielles, mais cela n'empêche pas la tenue de conférences téléphoniques. Nous en tenons également. Cela n'empêche pas non plus la création de sous-comités, qui peuvent se réunir à leur guise. Les sous-comités comprennent trois ou quatre personnes qui traitent de questions particulières. Elles se sont rencontrées et ont discuté d'enjeux dans le cadre de conférences téléphoniques. Nous avons également tenu ce que l'on appelle des réunions en petits groupes, c'est-à-dire où les personnes vivant dans l'Ouest ont l'occasion de communiquer avec celles vivant dans l'Est. Les déplacements sont ainsi moins exigeants, et nous pouvons accomplir le travail qui doit être fait. Les rencontres prennent de nombreuses formes.

Le concept de la table ronde réunissant 15 personnes a bien sa place dans le cadre de ce processus, mais ce n'est que l'une des façons dont nous nous proposons de travailler. Quatre réunions, où nous nous rencontrons en personne, selon moi, c'est bien suffisant. Nous avons besoin de davantage de séances en petits groupes et de conférences téléphoniques entre des groupes particuliers. Nous nous dirigeons dans cette direction puisque nous établissons la voie que nous voulons emprunter. Pour l'instant, quatre réunions par année me satisfont.

Le sénateur Jaffer : Je vous remercie de vos bons mots, Dr Lakhani.

Tout d'abord, j'aimerais poser une question au sous-ministre adjoint concernant ce que l'on pensait au moment de la création du comité. Pourquoi les membres sont-ils bénévoles? Pourquoi demande-t-on à la collectivité de travailler gratuitement pour le gouvernement?

Ensuite, les membres relèvent non pas de la collectivité, mais de deux ministres. Avez-vous mis un mécanisme en place afin qu'ils puissent rencontrer régulièrement la collectivité?

Les membres de notre comité ont souvent entendu dire qu'il n'y a aucun représentant musulman de Toronto et de Montréal.

Dr Lakhani : Je vais dire quelques mots, puis M. Whittingham pourra continuer.

Sénateur Jaffer, en ce qui concerne le fait d'être remboursé, je peux vous dire que, lorsque j'étais président de la commission de police et président de l'Association canadienne des commissions de police, je n'ai jamais été rémunéré. C'était entièrement du travail bénévole. Moi, je préférais ne pas être payé. Tout d'abord, vous ne pouvez pas payer bon nombre de membres à leur juste valeur. Ce sont des gens qui travaillent beaucoup, et leur rémunération représenterait un coût important. Ensuite, les gens apprécient le sentiment de faire ce travail à titre de Canadiens et de bénévoles puisqu'il s'agit de l'un de leurs engagements et de l'une de leurs obligations bénévoles en tant que citoyens. Il y a un moment où le fait d'être remboursé devient un problème. J'en ai pris connaissance dans le cadre de mon travail à la commission de police.

Par exemple, lorsqu'un enseignant prend un congé, un autre enseignant doit être rémunéré pour son travail de substitut. Nous ne voulons certainement pas ennuyer les gens avec ce genre de coûts. Je serais le premier à dire que, si une personne doit payer de sa poche les dépenses relatives à nos réunions, qui durent deux ou trois jours et qui ont lieu deux ou trois fois par année, cette personne devrait peut-être être remboursée. Je n'ai reçu aucune demande de ce genre de la part de mon groupe. Je crois parler pour la plupart des personnes participant à la table ronde lorsque je dis que nous sommes très heureux de ne pas être payés. Nous avons un sentiment d'indépendance. Nous n'avons pas l'impression qu'un payeur mène la danse. Personnellement, je ne voudrais pas que quelqu'un me paie.

En ce qui concerne la reddition de comptes à la collectivité, si cette dernière a l'impression que Dr Lakhani ou toute autre personne ne fait pas son travail de façon adéquate, les représentants gouvernementaux seront les premiers à en entendre parler. Les membres de la collectivité iront voir la ministre McLellan, ou leur député, et diront peut-être : « Nous ne voyons jamais cette personne. Elle prétend être un membre de la collectivité, mais nous ne le voyons pas. » Je suis sûr que les administrateurs responsables de notre nomination et vous entendriez ces commentaires.

Selon moi, il y aura un roulement puisque les personnes sont nommées pour une période minimale d'un an et une période maximale de trois ans. Je serai président pendant une autre année, au maximum. Il existe un concept intégré de roulement, et le gouvernement peut exercer des recours. En tant que président, si j'avais l'impression que certains membres ne se rapprochaient pas des collectivités et n'acceptaient pas leurs responsabilités, je porterais cette situation à l'attention des personnes responsables des nominations suivantes. Nous voulons nommer des personnes qui s'engagent à fond. Nous avons besoin du soutien de tous les membres.

En ce qui concerne la reddition de comptes, je dirais que les membres de la collectivité parleraient des problèmes à cet égard.

Je vais demander à M. Whittingham d'aborder la situation de Toronto.

M. Whittingham : En ce qui concerne le raisonnement qui sous-tend la décision prise, je n'étais pas ici à ce moment- là, alors je ne sais pas pourquoi cette décision a été prise.

Le sénateur Jaffer : Puis-je vous demander, en votre qualité de représentant du ministère, de trouver l'information et de nous la fournir?

M. Whittingham : En ce qui concerne le bien-fondé de la décision, oui. Je sais que bon nombre de candidats ont subi le processus. Il y avait plus de 230 candidats, selon les critères d'un organisme bénévole.

En ce qui a trait à la reddition de comptes à la collectivité, l'ensemble des membres du comité ont de vastes antécédents diversifiés et proviennent de partout au pays. Ils sont ici à titre personnel; ils ne représentent pas un groupe particulier ni une collectivité particulière. Ils agissent à titre de personnes. C'est pourquoi notre raisonnement est le suivant : nous examinons les opinions de ces personnes et tenons compte de leurs antécédents et de leur expérience.

En ce qui concerne les représentants, je sais de quelle collectivité chaque personne provient et je crois qu'il y avait quelqu'un de Toronto.

Le sénateur Jaffer : Il ne vient pas de Toronto.

M. Whittingham : Il vient de Hamilton. Le nom de toutes les personnes et leur lieu d'origine ont été envoyés au gouvernement. Encore une fois, cela s'est produit avant que je n'occupe ce poste. Les ministres ont choisi les personnes qu'ils nommeraient au comité. Je ne sais pas pourquoi il n'y avait personne venant de Toronto.

Le sénateur Jaffer : Vous serez d'accord avec moi pour dire que les plus grandes collectivités musulmanes sont situées à Toronto et à Montréal. Comme cela fait trois mois que vous occupez ce poste, je suis certaine que vous vous en êtes rendu compte.

M. Whittingham : Oui.

Le sénateur Jaffer : Peut-être pourriez-vous également poser des questions et nous laisser savoir pourquoi ces deux régions ont été laissées de côté.

M. Whittingham : Je suis sûr que cette décision a été prise par des représentants officiels. Je crois qu'elle a été présentée aux ministres, qui ont pris cette décision. Ce sont eux qui devraient répondre à cette question.

Le sénateur Jaffer : Nous pourrions peut-être continuer sur ce point un peu plus tard.

Dr Lakhani, ma collègue, le sénateur Andreychuk, vous a posé une question sur le profilage racial. Vous vous êtes trouvé dans une position difficile, mais vous nous avez mentionné que les représentants officiels vous ont dit qu'il n'y avait aucun profilage racial. Nous les avons entendus dire la même chose. Nous avons également vu des rapports provenant des services de police de Kingston, et maintenant des services de police d'Ottawa, qui travaillent directement auprès des collectivités; ces rapports révèlent qu'il existe bel et bien un profilage racial. Avez-vous rencontré les membres des forces policières? Vous ont-ils dit quelque chose, surtout les membres des services de police de Kingston, en ce qui concerne le pourcentage de personnes touchées par cette question? Ils ont accompli un vaste travail à ce sujet.

Dr Lakhani : Sénateur Jaffer, depuis que j'ai terminé mon travail auprès de l'association des services de police et auprès de l'Association canadienne des commissions de police, j'ai entretenu beaucoup moins de liens officiels avec eux, mais je connais quelques personnes de haut niveau dans ces services, alors j'ai surtout parlé de façon officieuse avec elles. Dans la région d'Edmonton, on m'a assuré qu'il n'y avait rien de tel. Ils considéreront certainement l'affaire comme importante s'ils remarquent qu'une personne au sein du service de police fait du profilage racial.

Bien sûr, nous avons entendu d'autres rapports. Il s'agit d'une responsabilité que nous devons accepter en tant que collectivité et pas nécessairement la responsabilité unique de notre table ronde. De nombreux organismes servent de conseillers à la GRC ou aux services de police ou leurs membres siègent aux commissions pour garantir que nos services de polices sont mieux informés. C'est une question d'éduquer les gens, de leur enseigner la diversité raciale et la nécessité d'être inclusif dans le processus de recrutement. On peut dire la même chose notamment des services frontaliers.

Nous avons formulé les mêmes observations. Certains de nos comités qui travaillent auprès d'organismes frontaliers déclarent que ces derniers doivent être inclusifs dans la façon dont ils offrent des possibilités d'emploi aux personnes. Si quelqu'un n'est pas né au Canada, mais qu'il est citoyen canadien, il a le droit de poser sa candidature, et on en tiendra compte.

Cela va toujours être le cas. Les collectivités et les organismes responsables de l'exécution de la loi doivent collaborer. Il s'agit d'un long processus éducatif. Les lois ne nous permettront pas de nous débarrasser du profilage racial. Elles n'élimineront pas les perceptions et les préjudices humains. Je le vis moi-même dans les aéroports. Le seul fait d'avoir une barbe et un nom musulman augmente probablement les possibilités que l'on me pose quelques questions secondaires supplémentaires. J'ai confiance : avec le temps, cela changera. Le Canada apportera certainement les modifications nécessaires.

Le sénateur Jaffer : L'une des situations qui nous préoccupent le plus, et, en passant, nous nous rendrons à Londres pour étudier cette question, concerne les attentats à la bombe survenus en juillet dans ce pays. Pour vous, qui vivez ici depuis un bon moment, les événements survenus au R.-U. changeront-ils votre approche par rapport à la table ronde? Diriez-vous que la situation des musulmans au Canada est très différente de celle des musulmans en Angleterre? Je sais que vous avez fait vos études là-bas.

Dr Lakhani : Les événements de Londres nous ont poussés à penser quelque peu différemment aux problèmes de sécurité. Ce qui nous dérange le plus, c'est que les personnes nées dans un pays particulier, qui ont été élevées dans cette culture, sont soudainement capables de commettre des crimes contre leurs propres concitoyens. C'était extrêmement dérangeant.

J'ai lu des documents concernant certains des événements qui ont mené à cela, à la disparité et aux écarts entre la première et la deuxième génération. Les premiers immigrants sont arrivés, ont travaillé fort et ont accepté les choses comme elles étaient. La deuxième génération est si désillusionnée. En Angleterre, il y a bien sûr des problèmes relatifs à l'emploi. J'ai étudié à Leeds et j'ai travaillé à Bradford. Je connais très bien les collectivités immigrantes. Il y a beaucoup de désillusion. Les parents peuvent s'adapter à certaines choses, mais pas les enfants. Il n'y a aucune raison de croire que la situation canadienne est différente.

À la fin de la première table ronde, nous avons nommé les membres d'un comité chargé de traiter de la question de la sensibilisation. Comment pouvons-nous sensibiliser tous les groupes? C'est exactement la question que l'on a posée un peu plus tôt. Comment nous assurer que nous établissons un lien avec les personnes défavorisées et celles qui ne viennent pas vers nous? Nous devons établir des liens avec les jeunes provenant de différents groupes minoritaires et leur poser des questions concernant leurs préoccupations. Par exemple, nous devons en connaître davantage sur le problème de l'enseignement de la haine. Nous avons entendu dire que, à Londres, on demandait aux personnes habituées d'aller dans certaines mosquées de se rendre ailleurs. Des journalistes ont infiltré ces groupes et ont rédigé des articles à ce sujet.

Ce n'est pas un problème unique au R.-U. Nous serions naïfs de croire que nos jeunes sont immunisés contre ce genre de choses; nous devons mieux connaître leurs préoccupations. À ce sujet, nous devons parler avec nos homologues britanniques. Lorsque j'étais là-bas, j'ai eu l'occasion de rencontrer personnellement l'imam Zaki Badawi. Il est préoccupé par l'éducation des jeunes musulmans dans certaines écoles, car il a l'impression que bon nombre de leurs enseignants n'ont pas été élevés au R.-U. ou n'ont pas étudié dans des établissements britanniques. Par conséquent, ils ne font pas partie de la culture.

Est-ce que cela se produit également au Canada? Je présume que oui, mais je ne sais pas. Il y a peut-être des personnes qui éduquent nos jeunes dans des écoles confessionnelles, des écoles entièrement musulmanes et d'autres écoles, qui proviennent de cultures différentes et qui ne savent pas ce que c'est d'être canadien ou qui ne connaissent pas nos valeurs. Qu'est-ce qui nous unit autour de cette table? Nous provenons tous de différentes parties du monde. Ce sont nos valeurs. Si vous avez été élevé dans une culture totalement différente, que vous éduquez le jeune enfant d'une personne et que vous ne connaissez pas le contexte culturel, je crois qu'il y a un grave problème.

C'est le genre de chose dont nous devons discuter de plus en plus avec les collectivités. J'espère que certains de nos homologues britanniques, surtout les chefs musulmans qui reconnaissent ces problèmes, viendront ici pour nous parler au cours de rencontres éventuelles ou que, à un certain moment, trois ou quatre membres de la table ronde se rendront là-bas pour parler aux différents groupes. En médecine, nous disons qu'il est toujours bon d'apprendre des erreurs des autres. Si vous ne le faites pas, c'est difficile pour vos patients. Nous voulons tirer des enseignements de l'expérience britannique.

Le sénateur Jaffer : À quelques reprises, vous avez soulevé la question des préoccupations de la collectivité. Je sais que vous êtes bien établi à Edmonton. Que vous disent les musulmans d'Edmonton concernant leurs préoccupations à l'égard de cette Loi antiterroriste?

Dr Lakhani : J'ai préparé une liste que je ne voulais pas, tout d'abord, passer en revue. Il est intéressant de souligner que les préoccupations qu'ils ont soulevées à la table ronde sont les préoccupations mêmes qu'ils ont soulevées devant vous. Le certificat de sécurité représente un problème important. Ils se sentent intimidés par ce genre de mesures législatives. Il y a également la question des organismes caritatifs. Certains d'entre eux qui entretiennent des liens perçus avec le terrorisme ne peuvent être financés, et bon nombre de groupes musulmans qui soutiennent des organismes caritatifs authentiques ont l'impression que ces derniers sont maintenant remis en question. Ils trouvent cela injuste.

La question du profilage racial est toujours soulevée. Mon ami a dit que, si votre nom est Mahmoud et que vous avez une barbe, vous serez toujours arrêté. C'est l'une de leurs préoccupations.

En ce qui concerne la question du harcèlement pratiqué par les agents du SCRS, ou des agents présumés du SCRS, des musulmans ont été interpellés, et des gens les ont intimidés. Nous avons soulevé cette question auprès de M. Judd, du SCRS.

Nous leur avons dit qu'une brochure ou qu'un genre de document serait disponible dans le plus grand nombre de langues possible. Ce document devrait être placé dans chaque église, mosquée, synagogue, et ainsi de suite afin que les gens connaissent leurs droits en tant que Canadiens. Puis, lorsque des gens à la base ont l'impression que personne ne se soucie d'eux, que personne ne les connaît, ils peuvent au moins lire ce document qui les avisera que, s'ils croient avoir été confrontés ou abordés, ils peuvent téléphoner à un certain numéro, et quelqu'un leur expliquera ce qui arrive.

C'est le genre de problèmes que les gens soulèvent. Bon nombre d'entre eux se sentent marginalisés et ont l'impression d'être ciblés de nombreuses façons différentes.

Il y a un autre problème, dont je ne veux pas parler en détail, mais qui a été soulevé lorsque je parlais avec certains de mes amis musulmans. Récemment, je participais à une soirée Iftar, et un jeune homme, qui est avocat, m'a dit qu'il était arrivé au Canada à l'âge de cinq ans. Il m'a dit qu'il avait reçu la meilleure éducation qu'il aurait pu recevoir au Canada. Il possédait de nombreux diplômes et il a déclaré être très reconnaissant envers le Canada. Il m'a dit que, s'il était demeuré au Liban, il ferait un travail manuel. Il a déclaré que le Canada lui avait tout donné. Toutefois, il m'a aussi dit qu'il se demandait pourquoi les gens doutaient de ses paroles lorsqu'il leur disait qu'il aimait le Canada. Il a dit que, s'il croyait qu'il y avait un terroriste dans sa collectivité, il serait le premier à attirer l'attention des autorités. Il a dit que les gens présument que, parce qu'il est musulman et qu'il vient du Liban, c'est là qu'il a grandi. Il a mentionné qu'il a l'impression que les gens ne le respectent pas en tant que Canadien. J'ai été très touché par ses commentaires. Nous devons écouter des gens comme lui.

En ce qui concerne la question de l'internationalisation de la torture, des personnes ont parlé du terrorisme d'État par procuration. Des cas dont on entend parler actuellement dans les journaux concernent des personnes qui ont été expulsées vers des pays où la torture est pratiquée; il s'agit de situations que, de façon légitime, s'il y avait des préoccupations, l'on devrait régler ici même. Même s'il n'existe pas des centaines de cas de ce genre — il y en a peut-être seulement un ou deux — ces situations affectent l'ensemble de la collectivité. Des membres de certaines collectivités se rendent pratiquement tous aux mêmes mosquées ou au même lieu de culte, où ils parlent du fait qu'une certaine personne a été intimidée. Puis, le sentiment de ne pas être totalement en sécurité dans son propre pays se perpétue.

Nous avons beaucoup de travail à accomplir pour régler certaines des préoccupations soulevées. À la lecture de certains des documents que l'on a présentés ici, vous faites face à des situations semblables. Votre comité sénatorial a entendu des personnes parler de ces problèmes.

Le sénateur Joyal : Monsieur Lakhani, je me demande si vous ne vous êtes pas trouvé dans une situation impossible en tant que président de la table ronde. Lorsque j'écoutais les réponses que vous avez données aux sénateurs Andreychuk, Fraser et Jaffer, il me semblait que votre table ronde était, en même temps, un groupe de consultation pour le ministère, puisque celui-ci teste certaines mesures sur vous, et vous réagissez. Par conséquent, votre table ronde est un groupe de consultation pour le ministère. Il me semble également que l'on pourrait vous considérer comme un groupe de relations publiques pour le ministère. Le fait que vous soyez accompagné du responsable des relations publiques du ministère me donne cette impression, c'est-à-dire que vous êtes présent pour transmettre les opinions et les politiques du ministère et que vous représentez, en termes généraux, un groupe de défense des droits puisque vous transmettez ce que vous percevez du milieu.

Vous venez à l'instant de décrire la réaction des diverses collectivités musulmanes ou arabes, où résident les principaux problèmes en ce moment. Ne tournons pas autour du pot. Le problème se trouve dans la collectivité musulmane, qui se sent ciblée par la loi antiterroriste, sujet aujourd'hui étudié par le présent comité. Dans cinq ou dix ans, il pourrait s'agir d'un problème différent, mais, à l'heure actuelle, c'est celui de la collectivité arabe. Nous le savons tous. Nous avons entendu, je ne sais pas, environ 65 témoins depuis le début, et tous les noms que l'on entend semblent arabes. La collectivité a donc l'impression qu'elle est ciblée.

Des représentants du Congrès du travail du Canada ont comparu devant nous ce matin, et, de ce qu'ils nous ont dit, il n'y a aucun doute : le ciblage se produit non seulement dans les aéroports et à la frontière, mais également dans certaines collectivités de façon générale. Vous avez abordé ce sujet lorsque vous nous avez dit que les citoyens canadiens d'origine libanaise ne se sentent pas les bienvenus dans leur propre pays, et cela survient non pas uniquement lorsqu'ils voyagent par avion ou traversent une frontière, mais également, de façon générale, parce qu'ils sont d'origine arabe.

Je me demande si vous n'êtes pas dans une position impossible pour accomplir votre travail. Selon moi, votre travail véritable consiste à représenter un élément essentiel qui intégrera cette collectivité qui se sent ciblée au reste du Canada. Avez-vous l'indépendance nécessaire pour faire ce travail? Comme vous êtes si près du ministère, on doit se demander si vous disposez de toute la liberté et de tous les moyens nécessaires pour répondre aux besoins, ce qui est important en ce moment à l'égard de la loi antiterroriste. Je ne suis pas certain que vous ayez tout ce qu'il faut pour faire votre travail à temps partiel. Vous êtes une personne qui a des responsabilités professionnelles très importantes, mais il n'y a que 24 heures dans une journée et sept jours dans une semaine, moins un jour de repos, alors que pouvez-vous accomplir au cours de la période où vous êtes disponible? Vous rendiez-vous compte à quel point il vous serait difficile de remplir le mandat que devait exécuter la table ronde?

Dr Lakhani : Vous avez raison, c'est un poste où l'on doit régler de nombreux problèmes. Nous n'avons pas établi le mandat. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas des apologistes des décisions du gouvernement en ce qui concerne la voie qu'il décide de suivre. Toutefois, en tant que citoyens canadiens ayant des liens étroits avec des collectivités différentes, nous aimerions faire de notre mieux pour aider à moduler et à modifier le processus en place et à influer sur celui-ci. Bien sûr, nous devons exécuter un certain mandat.

Je n'ai jamais été intimidé par la proximité du gouvernement. Toutefois, la plupart des membres de la table ronde ont dit que, s'ils avaient un jour l'impression que la création du groupe était en fait un exercice de relations publiques, ils seraient heureux de dissoudre le groupe. Nous ne sommes pas ici en tant qu'agents de publicité du gouvernement. Nous ne sommes pas ici en tant qu'apologistes. Il y a de nombreux éléments que je déteste personnellement concernant cette loi, mais nous ne sommes pas responsables de la modifier. Ce n'est pas notre mandat. Notre mandat consiste à donner l'occasion à la collectivité et au gouvernement de dialoguer afin que ce dernier puisse connaître les répercussions et les incidences de la loi sur la collectivité, dont quelques-unes ont pu être négatives. La collectivité doit également savoir pourquoi le gouvernement agit de la sorte, et nous facilitons ce processus.

Dans la mesure où nous comprenons le processus, nous partageons nos réflexions avec les deux parties, en reconnaissant que rien n'est coulé dans le béton. Les choses peuvent changer au fil des ans, et nous voulons être en mesure d'influer sur ces processus. Cette loi hâtive a été un réflexe à la suite d'un très malheureux événement. Toutefois, nous sommes au Canada et nous avons besoin d'adopter une approche proprement canadienne.

Je ne sais pas vraiment ce que les gens avaient en tête au moment de la création de notre groupe, s'il devait y avoir ou non un autre genre d'organe. Je ne connais pas l'histoire. Je sais que nous avons été invités à contribuer, et nous avons dit que nous aimerions le faire, car c'était, selon nous, un domaine très important. Nous nous réunissons non seulement pour mieux comprendre les opinions du gouvernement, mais également pour nous assurer que celui-ci comprend bien ses rôles et responsabilités. Comme je l'ai dit, des représentants du SCRS et de la GRC participent à chaque réunion. Ils nous écoutent. Nous tenons compte des préoccupations des membres de la collectivité.

En ce qui concerne le fait de modifier la loi et d'en comprendre les répercussions, je crois que c'est l'organe qui procédera de la sorte. Vous entendez parler toutes ces collectivités différentes au sujet des problèmes particuliers relatifs à la loi. J'ai l'impression que cet organe n'est pas en place uniquement pour cette question particulière. Il poursuivra ses activités, et la composition des membres changera.

Une question est digne d'intérêt : on pourrait penser que les préoccupations relatives à la sécurité dans la collectivité sont grandement liées au terrorisme; c'est ce que je croyais. L'un des membres a dit que les habitants de la C.-B. sont préoccupés par la grippe aviaire et les inondations dans la vallée. Il se demande s'il ne s'agit pas également là de questions relatives à la sécurité. C'est un vaste mandat, mais il permet d'informer le gouvernement du stress vécu par les collectivités.

Nous n'avons pas le pouvoir d'insister auprès du gouvernement afin qu'il mette en œuvre nos recommandations. Nous pouvons simplement donner nos opinions et partager nos préoccupations. En ce qui concerne le recrutement, l'embauche et la formation relative à la diversité, des organismes gouvernementaux communiquent déjà avec les membres de la table ronde et leur demandent de proposer des idées sur ce qu'ils prévoient faire. Nous représentons une ressource pour eux. Le fait qu'ils nous sondent est intéressant en soi.

Il est également intéressant de remarquer le changement qui s'est produit en ce qui concerne la culture. Depuis toujours, des organismes comme le SCRS ont des cultures fermées et secrètes. Tout d'un coup, le gouvernement leur a dit qu'ils devaient rencontrer diverses personnes et divers groupes et leur parler. Il y a un changement de paradigme dans la culture. Ce changement ne se produira pas du jour au lendemain. Notre organisme ne s'occupe que d'une question.

On constate un mouvement visant à se rapprocher des jeunes de cette collectivité et à leur demander de parler des problèmes qu'ils vivent. Après avoir vu ce qui s'est passé au R.-U., nous voulons nous assurer que nous sommes mieux informés.

Nous voulons faire une enquête pour savoir ce que le Canada ferait si un événement se produisait ici. Nous voulons nous assurer que les collectivités collaborent les unes avec les autres et avec le gouvernement pour atténuer les effets négatifs.

Cet organe peut mettre en œuvre de nombreuses mesures importantes, mais nous ne prétendons pas être en mesure d'influer immédiatement sur la loi. Nous sommes heureux de faire notre possible et nous reconnaissons nos contraintes. Le gouvernement nous a offert du soutien. Nous préparons nos propres programmes. Nous décidons des participants, des discussions que nous aurons et de la façon dont nous procéderons. Nous sommes responsables. Nous disons ce que nous voulons. Nous avons la liberté de rencontrer les médias. Nous nous sentons relativement indépendants au sein de ce cadre.

Le sénateur Joyal : Comme votre statut de membre est temporaire, vous devez décider des priorités que vous souhaitez aborder chaque année.

Dr Lakhani : Nous sommes membres pendant trois ans.

Le sénateur Joyal : Au cours de cette période, vous devez apprendre les complexités du système et établir des initiatives pour vous rapprocher des collectivités, surtout des collectivités musulmanes et arabes, ce qui me semble être l'une des priorités que doit aborder la table ronde. Des représentants des collectivités arabes ont participé à une rencontre avec nous. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le compte rendu des délibérations. Ils ne sont pas heureux puisqu'ils ont l'impression qu'ils ont été laissés de côté par la table ronde, qui ne comprend aucun membre de leur collectivité de Toronto et de Montréal. J'ai l'impression qu'ils ne font pas partie des initiatives. Vous devez spécialement vous rapprocher de ce groupe.

Pourrions-nous recevoir votre plan organisationnel afin que nous puissions voir ce que vous avez l'intention de faire au cours de la prochaine année en ce qui concerne cette collectivité? De cette façon, nous pourrions décider si nous devons formuler une recommandation dans notre rapport qui pourrait vous aider à atteindre votre objectif.

Dr Lakhani : Je suis désolé si un groupe a l'impression que ses préoccupations ne sont pas les nôtres. Notre groupe comprend plusieurs personnes provenant de collectivités musulmanes. Il y a Ashraf Ghanem, qui vient de l'est du Canada, mais pas de la région de Toronto, qui est arabe. Nous n'avons pas choisi les participants à la table. S'il s'agit d'un problème majeur, nous espérons que, au moment du changement de la composition de la table ronde, il y aura des représentants provenant de ces groupes. Ils nous connaissent; nous sommes accessibles. Le groupe auquel j'ai parlé à Edmonton est un organisme-cadre qui comprend également un représentant de la collectivité arabe. Nous tenterons de répondre à toutes leurs demandes. S'ils souhaitent que nous facilitions d'autres réunions, nous serons heureux de le faire. Nos membres de l'Ontario sont ici et sont immédiatement mis à la disposition de ce groupe.

Les groupes ne devraient pas avoir l'impression que nous ne prêtons pas attention à leurs problèmes simplement parce que personne ne les représente à la table. Dans le cadre de la table ronde, nous avons discuté des problèmes qu'ils ont soulevés concernant le profilage, le sentiment d'intimidation et le fait d'être harcelés. Lorsque le moment sera venu de nommer d'autres membres, le gouvernement devrait garder cela à l'esprit. Ce n'est pas quelque chose que je peux faire.

Quant à notre plan pour l'avenir, comme vous pouvez l'imaginer, nous comprenons mieux les problèmes. La question était de savoir si nous devions tenir des audiences dans une seule ville ou partout au pays et si nous invitions ou non des groupes à venir s'exprimer. Il arrive souvent que les mêmes groupes soient représentés dans divers groupes de discussion. Peut-être nous faut-il tenir davantage de groupes de discussion avec les collectivités. Nous travaillons certainement en ce sens. Au cours de notre prochaine réunion, nous parachèverons la façon de procéder à cet égard.

Je peux nous voir dans différents centres partout au pays et demander à deux, trois, quatre ou cinq membres de passer deux ou trois jours en réunion pour discuter de réponses précises à des questions précises. Je préférerais cette option plutôt que de dire : « Regardez, nous avons tout entendu à l'égard de la loi antiterroriste. Vous traitez la question de façon efficace. Cela ne vaut pas la peine de faire le même travail que vous. » Nous aimerions entendre la façon dont les collectivités peuvent faire partie de la solution. Comment s'approprient-elles le fait de faire face au terrorisme éventuel? De quelle façon les écoles abordent-elles l'éducation des jeunes?

L'ensemble de la question de l'enseignement de la haine dans certaines écoles confessionnelles est une question potentiellement grave, au moins si nous nous fions à ce que nous ont dit les habitants du R.-U. Les jeunes enfants, qui sont vulnérables, peuvent facilement s'enflammer. Est-ce que cela se produit ici? Nous devons savoir si c'est ce qui arrive dans ces collectivités. Pouvons-nous faire quelque chose? Le gouvernement devrait-il commencer à financer l'éducation de certains de ces enseignants à l'égard du contexte canadien? Dans ce cas, leur enseignement tiendrait compte du contexte canadien.

Des participants à notre table ronde animent déjà des discussions dans leur propre collectivité. Notre membre de Regina a invité des groupes interconfessionnels et des chefs de la collectivité musulmane à rencontrer la ministre McLellan. Ces personnes lui ont posé toutes les questions qui les préoccupaient. En d'autres mots, on leur offre une tribune afin qu'ils puissent soulever les questions qui les préoccupent. Oui, c'est arrivé à Regina.

Notre membre de Hamilton travaille sur un projet semblable pour certaines parties de la collectivité musulmane de l'Ontario. Je crois que l'on répète actuellement l'expérience partout dans la province.

Une partie de la stratégie consiste à se rapprocher des collectivités pour s'assurer qu'elles ont l'occasion de rencontrer des personnes clés du gouvernement, du SCRS, de la GRC ou de tout autre organisme. Elles veulent obtenir l'information directement du gouvernement. L'écart est grand, comme vous l'avez entendu de personnes qui ont présenté des exposés devant votre comité. Nous espérons combler cet écart et au moins leur donner l'occasion de se parler face à face. Le gouvernement a désespérément besoin de cette occasion. Ces collectivités souhaitent également disposer de cette tribune.

Le sénateur Joyal : Par conséquent, vous n'avez pas encore défini ce plan d'action.

Dr Lakhani : Tout n'est pas encore complètement parachevé.

Le sénateur Joyal : Diriez-vous que, pendant une certaine période, votre priorité consistera à établir un lien avec toutes les collectivités musulmanes et arabes du Canada? Dans ce contexte, vous croyez que la première approche consiste à définir les priorités et ainsi de suite et vous dites que c'est ce que nous avons proposé comme priorité à l'égard de la perception générale des Canadiens en ce qui concerne le profilage racial. Puis, nous pourrions avoir l'impression, au moins moi en tant que membre du comité, qu'il existe une mesure qui, à un certain moment, produira un résultat. Comme vous l'avez dit vous-même, le Canada est vaste.

D'après la provenance de vos membres, je vois que de nombreuses collectivités de divers groupes culturels ont participé à votre table ronde. La priorité de la table ronde concerne les répercussions de la loi antiterroriste et la façon dont les collectivités réagissent par rapport à cette loi. Afin que nous puissions formuler des recommandations à la ministre concernant l'opportunité de vous offrir davantage de soutien, c'est ce que nous devons savoir. Nous devons avoir la conviction que, au cours des prochaines années, cela sera mis en œuvre.

Ce que je tente de vous faire dire, c'est qu'il existe une institution en place qui obtient le soutien adéquat, présente une bonne composition et souhaite atteindre les bons objectifs, et qui n'est pas placée dans une situation impossible, car elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour réaliser ses résultats escomptés. Personnellement, je dois tirer ces questions au clair lorsque je vous écoute. Autrement, il est injuste de s'attendre à ce que vous mettiez en œuvre quelque chose que vous ne pouvez pas réaliser puisque cela va au-delà des moyens mis à votre disposition chaque jour.

Dr Lakhani : Si vous dites que nous avons uniquement mis l'accent sur une collectivité, vous faites erreur. Les collectivités manifestent de l'intérêt. Nous avons constaté que la collectivité musulmane est celle qui se sent le plus vulnérable. Je le sais parce que je parle tout le temps à ces groupes à Edmonton. En fait, nous fixons actuellement un rendez-vous pour tenir une réunion officielle à Edmonton avec la ministre McLellan en vue de rencontrer ce groupe- cadre. Au bout du compte, nous réunirons des gens de la GRC et du SCRS, qui rencontreront également ce groupe.

Même si nous n'avons pas souligné ce point, il s'agit du premier groupe que nous devons cibler. C'est ce que nous faisons actuellement. Notre membre de Regina tient une importante conférence sur la sécurité nationale et la mosaïque canadienne en novembre. Des chefs musulmans clés parleront au cours de la réunion à laquelle participeront des délégués musulmans. Des représentants de notre comité seront présents pour rencontrer ces chefs de diverses collectivités, parler avec eux et en apprendre davantage sur eux.

En tant que membres d'une table ronde, nous reconnaissons que ce genre de répercussions disproportionnées est davantage perçu par les collectivités arabes et musulmanes. Elles font partie intégrante du groupe musulman auquel nous parlerons. Ce dernier représente l'un des groupes clés avec lesquels nous parlerons. Toutefois, cela n'empêche pas d'autres groupes de formuler également des commentaires.

Le sénateur Joyal : Je vous demande si vous avez un plan concernant toutes les autres collectivités dont on doit tenir compte. Vous en avez mentionné d'autres, ce qui souligne la réalité du Canada, qui est si diversifié. Je voulais déterminer si l'on tient compte de la collectivité qui se sent la plus ciblée par la loi antiterroriste de façon que, au cours des deux ou trois prochaines années, lorsque nous aurons réalisé des progrès en vue d'éliminer cette perception, les citoyens canadiens d'origine libanaise ne se sentiront pas marginalisés dans leur propre pays. Ce sont des citoyens honnêtes et respectueux de la loi qui veulent contribuer au bien-être du Canada. Vous devez également vous rapprocher de ces personnes. Le plus important, c'est de rassembler toutes les autres collectivités.

Je tente de connaître votre plan stratégique pour vous rapprocher de cette collectivité qui, selon moi, représente la collectivité prioritaire en ce qui concerne la loi antiterroriste.

Dr Lakhani : Nous sommes conscients des répercussions sur cette collectivité. Comme je l'ai déjà dit, nous avons déjà tenu plusieurs rencontres. J'ai participé à des rencontres à Edmonton. La ministre rencontrera bientôt ce groupe- cadre musulman. À Regina, la ministre a rencontré des groupes interconfessionnels, essentiellement des groupes musulmans. Nous mettons en œuvre des événements semblables partout au pays.

À l'heure actuelle, nous n'avons pas arrêté le plan dans ses moindres détails. Toutefois, des travaux sont certainement en cours. Dans environ un an, nous serons en mesure d'examiner ce que nous avons fait et de savoir combien de groupes nous avons rencontrés et nous saurons à quel point nous sommes rendus à l'égard de ces différents organismes.

M. Whittingham : Par ailleurs, une partie de mon titre contient le terme « Relations interorganisationnelles et publiques du portefeuille », ce qui englobe plusieurs choses. L'une d'entre elles concerne la planification et les politiques stratégiques du portefeuille. Je suis responsable du Rapport sur les plans et les priorités, de même que du Rapport sur le rendement du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada.

Je suis également responsable des communications. À ce titre, je suis responsable de la sensibilisation des citoyens et des membres de la collectivité et de leur mobilisation. Au sein du portefeuille, la priorité consiste à mobiliser les gens et à participer à des discussions entre les différents services du portefeuille, notamment avec la GRC à l'égard du travail qu'elle accomplit en ce qui concerne ses services de police impartiaux. Cela comprend des discussions avec les représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada concernant son initiative en matière d'équité et l'initiative du SCRS visant à travailler en étroite collaboration avec la GRC en vue de se rapprocher des collectivités musulmanes. De même, le ministère met actuellement en place une vaste stratégie communautaire. Je crois que tout s'enchaîne.

Pendant que vous parliez, sénateur, une des choses qui m'ont frappé concernait le fait que, si nous ne disposions pas d'une Table ronde transculturelle sur la sécurité à l'heure actuelle, nous voudrions probablement en créer une. Elle nous permet de mettre en commun certaines des réflexions que nous émettions au sein du portefeuille à l'égard de la ministre. De même, elle nous permet de voir des représentants officiels se rapprocher de diverses collectivités, surtout les collectivités musulmanes, et tenter de les connaître en tenant compte de la réalité actuelle. En ce qui concerne les personnes travaillant au ministère, que ce soit des représentants de la GRC, du SCRS ou du ministère, cela leur donne l'occasion de connaître les préoccupations des musulmans. Actuellement, l'échange bilatéral est critique. Nous travaillons à mettre en œuvre ces initiatives.

Nous collaborons actuellement avec les membres de la Table ronde transculturelle pour nous aider à connaître les éléments sur lesquels nous devons nous fonder. Cela comprend, par exemple, la publication d'une brochure à l'intention de toutes les collectivités concernant le mandat de toutes ces différentes agences de sécurité et les raisons pour lesquelles elles pourraient interagir avec les membres de ces collectivités. Nous pourrions offrir cette brochure en plusieurs langues, et elle serait grandement accessible aux personnes de partout au pays. Tout s'enchaîne.

Ce n'est pas comme si les membres de la Table ronde transculturelle avaient la responsabilité de mettre en œuvre toutes les activités découlant des services d'approche. Ils nous aident en animant des rencontres et en nous donnant des conseils sur certaines préoccupations.

Le sénateur Joyal : Je vous remercie de cette explication. Je ne veux pas faire de politicaillerie ici, mais la table ronde a été créée en mars 2005, et la loi a été adoptée en décembre 2001. Il a fallu trois ans au ministère pour créer la table ronde. Au cours du débat que nous avons mené ici à l'égard du premier projet de loi, on a mentionné que la table ronde était une nécessité. Ma collègue, le sénateur Jaffer, était l'une des personnes qui avait exprimé cette opinion, et des personnes de l'autre côté ont exprimé des opinions semblables. Nous croyions que c'était important. Vous êtes arrivé dans le portrait au cours des trois derniers mois. Bienvenue à bord.

En plus des plans de la table ronde, le ministère doit tenir compte d'autres plans. Certaines situations dépassaient la capacité de la table ronde. C'est pourquoi je pense que Dr Lakhani s'est trouvé dans une position impossible en ce qui concerne ce que nous pouvons attendre de lui.

Le ministère doit être responsable de la planification stratégique du but et des objectifs généraux du gouvernement que nous devons atteindre. Nous sommes heureux de constater qu'il y a actuellement une personne responsable qui comprend l'aspect très sérieux, et je devrais dire la nature délicate, du rendement de la loi antiterroriste. Allez-vous élaborer un plan?

M. Whittingham : À l'heure actuelle, c'est exactement ce que nous faisons.

La présidente : Pour ajouter un addenda à la discussion, je crois qu'il pourrait être utile pour nous d'identifier certains des témoins qui ont fait part de l'existence de votre table ronde à notre comité. Certaines personnes ont collaboré d'une façon ou d'une autre avec vous et aimeraient le faire encore une fois.

Nous avons entendu les témoignages des représentants de la Canadian Muslim Lawyers Association, du Conseil canadien pour les réfugiés, de la Fédération canado-arabe, du Conseil sur les relations américano-islamiques du Canada, du Canadian Islamic Congress, de la Coalition of Muslim Organizations, de la African Canadian Legal Clinic et de l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada. Les représentants des deux derniers organismes ont passé une soirée ici au cours de la semaine dernière.

Nous les avons assurés du fait que nous comprendrions mieux le but de cette table ronde après avoir entendu votre témoignage, mais nous étions certains qu'elle avait été créée pour représenter une source positive visant à régler ce problème très difficile. Si nous n'avions pas établi ce lien et mené ce dialogue jusqu'à maintenant, nous étions sûrs que les membres de la table ronde auraient aimé agir de la sorte à l'avenir.

Cela a représenté une question importante au cours de cette série d'audiences, qui a commencé en décembre dernier. C'était également une question importante il y a trois ans; nous l'avions clairement reconnu dans le rapport que nous avions produit à ce moment-là. La semaine dernière, les témoins ont certainement montré qu'ils étaient intéressés à participer à ce que vous faisiez.

Le sénateur Day : J'aimerais vous remercier, Dr Lakhani, d'être présent et d'avoir expliqué votre perception du rôle de la table ronde. Je présume que votre rôle principal au cours des prochains mois consistera à vous occuper des attentes relatives à ce que vous pouvez réaliser, compte tenu de votre mandat.

Notre mandat à nous, au sens strict, découle de la loi antiterroriste. Nous nous sommes tous entendus pour dire que nous devrions examiner les vastes programmes gouvernementaux relatifs à la lutte contre le terrorisme. C'est pourquoi, au départ, un grand nombre de nos questions portaient sur vos recommandations à l'égard d'une modification de la loi antiterroriste.

Comme elle a été créée il y a plus d'un an, la table ronde nous préoccupait considérablement. On a mentionné que, avant sa création, on avait reçu 238 candidatures, que l'on a dû passer en revue. De ce nombre, 15 ont été retenues. Pouvez-vous nous préciser les critères utilisés pour choisir ces 15 personnes? Je crois que vous avez mentionné que c'était probablement les ministres qui avaient fait ce choix. Je ne comprends pas.

Nous tournons autour du problème concernant le fait qu'il n'y a aucun représentant provenant des grandes collectivités musulmanes de Toronto et de Montréal, mais Dr Lakhani a souligné qu'il y avait une représentation importante de membres de la collectivité musulmane parmi ces 15 personnes. Pourquoi les membres des collectivités musulmanes de Toronto et de Montréal n'ont-ils pas l'impression d'être représentés à la table ronde?

M. Whittingham : On a utilisé quatre critères, que l'on a fait connaître. Tout d'abord, il y avait la sensibilisation aux questions en matière de sécurité liées à la collectivité et à sa dynamique pertinente. Ensuite, on tenait compte des connaissances et de l'expérience en ce qui concerne le fait de mobiliser diverses collectivités pluralistes. De plus, on jugeait la capacité de faciliter l'échange de renseignements avec les collectivités. Enfin, il y avait un engagement à renforcer la capacité communautaire et à bâtir des collectivités plus sûres.

Après avoir respecté tous les critères et envoyé leur demande, les 238 candidats ont été avisés du fait que l'on tiendrait également compte de la représentation des régions, du sexe et des groupes linguistiques au moment de choisir les membres de la table ronde.

Un comité interministériel, comprenant Patrimoine canadien, le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et le Bureau du Conseil privé, je crois, a passé en revue les 238 candidatures et a, essentiellement, produit une grille. Les membres du comité l'ont envoyée aux ministres en disant : « Voici les collectivités, les milieux et les régions qu'ils représentent. » Je ne crois pas que quiconque ait mentionné de façon particulière la ville de Toronto, mais on aurait précisé les provinces, c'est-à-dire l'Ontario, les Maritimes, le Québec et ainsi de suite. Cela aurait compris le nombre de personnes musulmanes ou d'une autre confession, comme les Sikhs. Deux des membres sont sikhs. Les ministres ont choisi les membres de cette façon.

Il y a de nombreux représentants musulmans dans le groupe de 15 personnes, mais pourquoi n'y en a-t-il pas de Toronto? Je ne sais pas vraiment pourquoi c'est comme ça.

Le sénateur Day : Pouvez-vous vous renseigner à ce sujet pour nous?

M. Whittingham : C'est au-delà de ma capacité. Les ministres ont fait ce choix.

Le sénateur Day : Je comprends. Vous pouvez demander au ministre, et, s'il ne veut pas répondre à votre question, nous pouvons lui demander. J'ai déjà lu quelque part que, si un candidat éventuel était membre d'un organisme qui reçoit du financement du gouvernement, cette personne serait en conflit d'intérêts et ne pourrait pas siéger à la table ronde. Étiez-vous au courant? A-t-on déjà refusé des candidats parce qu'ils étaient membres d'organismes qui recevaient du financement du gouvernement? A-t-on déjà demandé à un candidat de se retirer d'un organisme particulier pour cette raison?

M. Whittingham : Je ne suis pas certain, mais je vous fournirai des précisions sur ce sujet, de même que notre réponse concernant l'aspect du financement. Il y a des membres de notre groupe qui font partie d'un organisme qui reçoit du financement public, et le gouvernement se trouverait en conflit d'intérêts s'il tentait d'influencer les membres de la table ronde de façon à faire profiter cet organisme.

Le sénateur Day : Oui.

M. Whittingham : Les derniers mots sont importants : « ...à faire profiter cet organisme. » Je ne sais pas si on a déjà refusé une candidature en raison du financement, mais je vais obtenir ce renseignement pour le comité.

Le sénateur Day : Ma dernière question s'adresse à Dr Lakhani. Je vais tenter de l'exprimer de façon à faire preuve d'une certaine sensibilité, mais elle découle du point que vous avez soulevé concernant les chefs d'une collectivité particulière qui enseignent la haine aux jeunes. Un nouvel article de la loi proposée en Angleterre énonce que ces chefs, qu'ils soient des pédagogues ou des religieux, peuvent être expulsés du pays en raison d'une activité qui incite à la haine. Une partie de votre mandat au Canada consiste-t-elle à déterminer si ce genre d'activité a lieu ici? Dans le cadre de votre mandat, devez-vous tenter d'encourager les gens à avoir d'autres opinions afin qu'ils ne croient pas que tout le monde lit le Coran, la Bible ou toutes autres écritures saintes ou les interprète de façon à promouvoir l'intolérance envers ceux qui ne se conforment pas à un schème de pensée particulier?

Dr Lakhani : Je comprends certainement la diversité de l'Islam, car je suis musulman. Il y a des musulmans dans chaque région du monde — en Indonésie, en Arabie saoudite, en Afrique, et cetera — et nous sommes tous différents sur le plan culturel. Je reconnais ce fait.

Le sénateur Day : Puis-je vous interrompre pour dire que nous ne ciblons pas uniquement le Coran et la diversité de la collectivité musulmane. La même diversité existe dans les collectivités chrétiennes, qui pourraient même être encore plus diversifiées. Je ne veux pas parler d'une seule écriture sainte en ce qui concerne cette question.

Dr Lakhani : L'une des questions que nous devons aborder avec les différentes collectivités est la capacité de les habiliter à reconnaître que certains aspects exigent qu'on y porte attention. Au R.-U., c'est peut-être un peu plus extrême. De nombreuses personnes ont fui leur pays d'origine en raison de la menace de persécution causée par leurs opinions arrêtées. Elles ont peut-être prêché certaines philosophies, et ainsi de suite, mais ce sont les deux ou trois seules dont nous avons entendu parler. Certes, on peut tous penser qu'un prêcheur prêche nécessairement la haine. C'est une conclusion facile et simpliste que l'on peut tirer, mais c'est ce que les gens font.

Notre rôle consiste entre autres à nous rapprocher des collectivités — qu'elles soient musulmanes ou juives — pour leur demander comment nous pouvons garantir, surtout après les événements de Londres, que nos jeunes comprennent ce que cela signifie que de faire partie d'un pays et d'une collectivité qui leur donne la liberté de pratiquer leur foi. J'aimerais voir les collectivités régler leurs propres problèmes. Je ne crois pas que notre rôle consiste à dire aux gens quoi faire, en leur disant par exemple ce qui suit : « Voici ce que vous devriez faire et voici ce qui se produit. » Notre travail vise à encourager le dialogue et à reconnaître ce qui s'est produit ailleurs, tout en nous assurant que nous abordons certains des problèmes avec ces collectivités.

Un jeune homme libanais m'a dit que, s'il croyait que quelque chose n'allait pas, il serait le premier à en parler. Voilà qui montre à quel point ces collectivités musulmanes tiennent au Canada et l'apprécient. Dans leur collectivité, les musulmans doivent participer au dialogue avec nous pour cerner des problèmes occasionnels et déterminer la façon de les régler. Je considère que notre rôle consiste non pas à désigner des coupables ou à faire des propositions irréfléchies, mais à faciliter la communication.

Le sénateur Day : Si ce jeune homme libanais vous a mentionné qu'il ne parlerait pas en public de la même façon dont il vous a parlé, car il craint pour sa vie et sa sécurité et celles de sa famille, est-ce que le gouvernement et vous avez un rôle à jouer pour lui fournir une certaine protection afin qu'il puisse parler ou est-ce que cela dépasse votre mandat?

Dr Lakhani : Le mieux que je pourrais faire serait de soulever la question auprès des autorités afin qu'elles soient informées. Je ne crois pas que notre mandat va au-delà de cette mesure.

Le sénateur Day : Soulèveriez-vous cette question?

Dr Lakhani : Oui, je soulèverais certainement la question. En tant que chef, je considérerais cela comme ma responsabilité. Si une personne qui arrive au Canada, comme moi, se sent écartée, potentiellement persécutée ou marginalisée, alors il m'incombe de soulever la question auprès des membres de la table ronde et des autres personnes qui écoutent.

Le sénateur Jaffer : Monsieur Lakhani, au cours des sept mois qui ont suivi la création de la table ronde, avez-vous eu l'occasion de parler avec le Premier ministre?

Dr Lakhani : Non, je n'ai pas rencontré le Premier ministre.

Le sénateur Jaffer : Avez-vous parlé avec la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada?

Dr Lakhani : J'ai eu l'occasion de rencontrer Mme McLellan il y a quelques semaines pour l'informer de ce qui c'était produit. Je lui ai dit que, si notre comité arrêtait un plan d'action particulier — par exemple un dialogue pancanadien — je ne voulais pas que le financement soit un problème. Je voulais m'assurer qu'il y aurait un financement disponible pour le plan d'action que nous choisirions, et nous avons obtenu carte blanche.

Donnons crédit au gouvernement : il n'a pas dit aux membres du comité quel plan d'action mettre de l'avant. En tant que groupe, nous tentons de déterminer la meilleure utilisation possible des ressources de la table ronde, la meilleure façon d'interagir avec les membres de la collectivité, de connaître leurs pensées et de faire en sorte qu'ils règlent leurs problèmes.

J'ai mentionné à la ministre que je ne voulais pas que le financement soit une contrainte. Je sais que des comités, comme le vôtre, travaillent avec la ministre et le ministère pour garantir qu'il y a un financement en place afin que l'argent ne soit pas un problème.

Je lui ai également dit que nous voulons que des gens d'autres pays, comme des pays européens, viennent au Canada pour mener un dialogue avec nous. Certains de mes collègues de la table ronde pourraient même se rendre au R.-U. pour rencontrer leurs homologues. C'est important. Nous devons partager nos expériences afin que nous puissions apprendre les uns des autres. De façon officielle, j'ai eu cette discussion avec la ministre.

Comme les sénateurs le savent, la ministre McLellan et le ministre Cotler ont assisté à la première réunion. Tous les participants ont eu l'occasion de dialoguer avec eux. Nous avons conclu un engagement : au moins une fois par année, chacun d'entre eux participera à l'une de nos réunions avec l'ensemble du groupe. Nous avons accès aux ministres.

Le sénateur Jaffer : Depuis la première réunion de la table ronde, les ministres ont-ils rencontré le comité?

Dr Lakhani : Non, ils ne nous ont pas rencontrés en tant que groupe. Certaines personnes ont peut-être rencontré les ministres, et j'ai rencontré la ministre McLellan à ce sujet.

Le sénateur Jaffer : Une question a été soulevée, celle de la politique d'approche du gouvernement et du mécontentement des collectivités à l'égard de cette politique. Chacun d'entre vous pourrait peut-être aborder cette question. Au cours d'une rencontre du comité de la Chambre des communes, j'ai lu un document concernant une approche du SCRS à Toronto, où on a montré des images d'attentats terroristes pour faire comprendre les enjeux relatifs à la sécurité à la collectivité. Le sous-ministre adjoint Whittingham pourrait peut-être nous mentionner le genre d'approche mis en place auprès de collectivités et les plans relatifs à une approche future.

M. Whittingham : Je ne suis pas certain de savoir tout ce qui se produit, car la GRC mène certaines activités d'approche de son côté, tout comme l'Agence des services frontaliers du Canada et le SCRS. Au sein du portefeuille, nous tentons de déterminer les priorités pour ensuite choisir les initiatives qui permettraient de les mettre en œuvre. Nous mettrons de l'avant plusieurs événements ce mois-ci et quelques autres en novembre. Nous en avons déjà tenu quelques-uns auprès de certaines collectivités — certaines dont les membres participaient à la table ronde, et d'autres non.

Nous tentons actuellement d'élaborer à l'intention du gouvernement une proposition qui réunirait tout cela en quatre principales catégories : nous mènerons certaines recherches pour trouver ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, les approches à utiliser auprès de diverses collectivités et celles à éviter. Nous tentons de veiller à ce que des événements comme ceux que vous venez de décrire ne se reproduisent pas afin que les gens comprennent l'impact de leurs messages.

Un deuxième élément nous permet d'examiner le type de produits de communication que nous réalisons. Bon nombre de nos préposés aux communications sont dans ce domaine depuis plusieurs années et se sont intéressés non pas à un grand nombre de cultures, mais uniquement à deux ou trois cultures. Nous examinons actuellement ce que cela signifie et la façon dont nous pouvons changer les langues dans lesquelles nous diffusons nos renseignements, ce qui comprend ce que nous faisons sur notre site Web en vue d'apporter des améliorations à cet égard. Nous examinons ensuite la possibilité d'une stratégie de mobilisation. Comment pouvons-nous garantir que nous améliorons nos activités d'approche? Nous pensons demander aux Canadiens d'un océan à l'autre de jeter un coup d'œil à nos politiques avant qu'elles soient rendues officielles afin qu'ils nous aident à les élaborer, en tenant compte des commentaires provenant d'un certain nombre de collectivités différentes.

Nous élaborons actuellement ce genre de proposition en tenant compte du financement qui en découlerait. Nous espérons être en mesure de présenter cette proposition aux ministres plus ou moins au cours du prochain mois.

Le sénateur Jaffer : Quelles sont vos priorités en ce qui concerne les activités d'approche?

M. Whittingham : Cette proposition à l'intention des ministres souligne ces priorités. Actuellement, il ne fait aucun doute que certaines des activités que nous menons sont effectuées par la GRC, le SCRS et les agences des services frontaliers, qui ont énoncé clairement que les collectivités musulmanes représentent une priorité pour eux. Ils ont mené plusieurs initiatives. Le Premier ministre a rencontré des imams, ce qui a mis en lumière la nécessité de tenir d'autres rencontres du genre. La ministre a participé à plusieurs rencontres avec des secrétaires parlementaires, où certaines activités ont été organisées.

Nous ne pouvons pas dire que nous savons exactement ce qui se produira au cours de la prochaine année. Nous en sommes encore au stade de l'élaboration.

Le sénateur Jaffer : Votre programme d'approche est-il en deux volets? C'est-à-dire, tout d'abord, vous rapprocher de la collectivité et, ensuite, garantir que celle-ci est bien représentée au sein du SCRS et de la GRC, ou est-ce le travail de quelqu'un d'autre?

M. Whittingham : Dans le cadre du programme d'approche, nous parlons de toute la question du recrutement et de la formation. Le chef de chacun de ces organismes est responsable du recrutement. Nous ne déterminerons pas la politique de recrutement de la GRC ni sa portée. Toutefois, dans le cadre de la stratégie de mobilisation, nous pourrions déterminer quelques-uns des messages et des éléments importants pour les collectivités et donner ces renseignements à la GRC, au SCRS et aux agences des services frontaliers, qui mènent le processus général.

Le sénateur Jaffer : Monsieur Lakhani, la politique étrangère du Canada représente-elle l'une des préoccupations soulevées par les membres de la collectivité?

Dr Lakhani : J'ai rencontré les groupes à Edmonton. Les gens n'aiment pas vraiment parler tout haut de cette question, mais ils diront : « Regardez, c'est très bien de faire tout ce que nous faisons, mais plus nous harmonisons nos politiques avec celles de nos voisins du Sud, plus cela nuit à la perception que les membres de nos collectivités ont du Canada. » C'est assez préoccupant.

Il y a des régions du monde où des événements surviennent, par exemple en Palestine, dont vous ne pouvez vous échapper. Ces événements vont bien au-delà de notre mandat, alors je ne peux pas en parler.

Selon moi, le fait que nous n'ayons pas participé à la guerre en Irak a été l'une des décisions les plus remarquables que le Canada ait prises pour s'affirmer.

Si nous parlons de certains des problèmes auxquels nous faisons face, nous pouvons soulever la question de la double citoyenneté au Canada. Les gens possèdent une citoyenneté canadienne et peuvent avoir la citoyenneté d'autres pays. Parfois, cette situation peut mettre à l'épreuve votre allégeance. Imaginez si vous avez la citoyenneté d'un pays du Moyen-Orient et la citoyenneté d'un autre pays, et que ces deux pays sont en guerre. À quel pays offrirez-vous votre allégeance? Nous jouons avec les sentiments des gens. Il y a plutôt deux poids, deux mesures. Je ne sais pas si cela est correct ou non, mais si vous êtes un Israélien juif qui s'est établi ici et que vous détenez un passeport israélien, pouvez- vous toujours aller là-bas et offrir vos services? Imaginez si cela comprend du travail en Palestine. Ce sont de grandes questions. Elles dépassent notre mandat en tant que membres d'une table ronde.

Ce que nous faisons à l'étranger en vertu de notre politique étrangère et des décisions que nous prenons joue sur les sentiments des gens. Cela fait partie intégrante des répercussions des politiques gouvernementales sur une société multiculturelle. La plupart de nos immigrants sont ici depuis une génération. Ils n'ont pas oublié. Ce qui est arrivé en Ouganda me touche encore. J'ai quitté ce pays quand j'étais adolescent, mais je n'ai pas oublié. Cela s'applique à bon nombre d'autres personnes, peu importe d'où elles viennent. À cet égard, nous avons un enjeu intéressant à régler.

Le sénateur Fraser : Je vais tenter d'être brève. Je n'ai qu'un commentaire à formuler et qu'une question à poser. Le commentaire s'adresse à M. Whittingham. Je suis certaine que vous ne souhaiterez pas répondre et je ne vous demanderai pas de le faire. Si un doute subsistait encore dans l'esprit de quelqu'un, laissez-moi vous expliquer pourquoi on a été surpris de l'absence de musulmans de Montréal à la table ronde. Tout d'abord, il y a des milliers — je crois que c'est plus de 100 000 — de musulmans à Montréal. Il y a de nombreux autres musulmans ailleurs. Qu'est-ce qui différencie ceux de Montréal? La vaste majorité d'entre eux viennent de pays où l'on parle français et sont intégrés au Canada non pas par l'entremise de la collectivité anglophone, mais de la collectivité francophone. Il existe d'importantes différences culturelles entre ces deux collectivités.

Ensuite, nous savons également, grâce à M. Assam et à d'autres bonnes personnes comme lui, qu'il y a eu des activités, des plans et des complots hostiles qui se sont tramés à Montréal et qui menaçaient la sécurité nationale. Pour moi, il est étrange que, dans un tel programme, cela n'ait pas représenté l'une des priorités principales, c'est-à-dire de nommer au moins un représentant de ces milliers de personnes à la table ronde. Vous n'avez pas besoin de commenter, monsieur Whittingham.

Le sénateur Day : Vous devriez prendre une note.

Le sénateur Fraser : Oui, et envoyer une note de service.

Monsieur Lakhani, je reconnais qu'un seul organisme ne peut pas tout faire, surtout s'il est formé de bénévoles qui ont peu de temps et de ressources, comme vous nous l'avez souligné. Malheureusement, on vous cible puisque vous représentez des collectivités minoritaires dans le contexte de la sécurité nationale.

J'ai l'impression que bon nombre de personnes faisant partie des collectivités minoritaires — à l'heure actuelle, il s'agit principalement des collectivités musulmanes, mais l'on peut certainement envisager d'autres situations — veulent avoir non pas simplement un programme axé sur l'approche et l'éducation, même si l'on sait très bien que ces aspects sont importants, mais également un défenseur au sein du gouvernement, c'est-à-dire quelqu'un qui parlera en leur nom avec aplomb et autorité; les membres des collectivités sauront que cette personne peut le faire et ils disposeront d'éléments qui le prouvent. Selon vous, est-ce de cette façon que l'on peut ou que l'on devrait interpréter votre mandat?

Dr Lakhani : Je crois qu'il s'agit d'une façon raisonnable d'interpréter le mandat. Je peux vous dire que ce que vous proposez, c'est exactement ce qui se produit.

J'aimerais que l'on conserve sur bande audio une partie de ce qui a été dit afin que les gens puissent entendre quelques-uns des commentaires formulés, surtout ceux exprimés par les membres musulmans de notre table ronde. Ils ne sont pas gênés d'exprimer leurs plus grandes préoccupations. Ce sont de solides porte-parole en ce qui concerne les préoccupations de leur milieu, de la collectivité d'où ils viennent.

Je vous remercie d'avoir précisé cette question concernant les différences culturelles entre les collectivités musulmanes de Montréal et de l'Est.

Le sénateur Fraser : De Montréal.

Dr Lakhani : Oui, j'apprécie que vous en ayez parlé.

L'autre point que vous soulevez concerne le fait qu'ils doivent savoir que cela se produit. Selon moi, c'est sur cette question que nous devons mettre l'accent, car je peux vous assurer que nous nous considérons comme des défenseurs des besoins des collectivités.

Cela ne veut pas dire que le gouvernement fait tout ce que nous lui demandons de faire ou qu'il modifie sa stratégie, mais ces questions sont soulevées. Nous faisons en sorte que des organismes comme la GRC et le SCRS s'éloignent d'une culture axée sur le secret.

En réponse à une question posée un peu plus tôt par le sénateur Jaffer, ce que j'aimerais voir personnellement — et je ne suis qu'un membre de la table ronde, je suis peut-être le président, mais il y a 14 autres voix — c'est un groupe dans chaque ville qui rencontre toutes ces collectivités musulmanes pour écouter leurs préoccupations. Cela leur donnerait l'impression que quelqu'un les écoute. Il faut simplement savoir comment nous pourrions y arriver, dans le contexte des autres activités que nous aimerions également mener.

Pour répondre au sénateur Fraser, nous devons faire savoir que nos gens, même s'ils ne viennent pas d'une région particulière, s'intéressent aux problèmes dans toutes les régions. Ce sont les mêmes questions qui sont soulevées de vive voix auprès du gouvernement. Nous n'y allons pas de main morte. Lorsque Jim Judd, du SCRS, s'est présenté devant nous, certaines des questions étaient très dures. Nous posons des questions. Les attentes sont là. Nous devons faire savoir à la collectivité que nous faisons cela pour elle.

La présidente : C'est un point critique. Dans le cadre de nos audiences, plusieurs témoins ont mentionné qu'ils ne connaissaient pas les activités de la table ronde et le genre de discussion que vous meniez. La communication à cet égard est extrêmement importante.

Le sénateur Andreychuk : Je vais poursuivre dans le sens de quelques questions que le sénateur a posées à nos témoins. Si je vous ai bien compris, monsieur, vous avez dit que les personnes qui se sont présentées devant vous ne souhaitaient pas être associées étroitement avec les États-Unis. Est-ce bien ce que vous avez dit?

Dr Lakhani : Non. Certaines personnes disent que, en déterminant notre politique étrangère — et je ne suis pas politicien, j'entends simplement différentes choses de différents groupes — nous devons faire attention à la façon dont nous tenons compte d'autres puissances pour nous orienter. L'un des exemples était notre réaction à la guerre en Irak. Ils sont canadiens et ils sont fiers de l'être. Ils ont l'impression que nous devrions être indépendants en ce qui concerne la façon dont nous prenons nos décisions et les activités que nous menons dans un contexte politique. C'était évident au cours d'une conversation personnelle que j'ai eue avec des personnes représentant certains groupes.

Le sénateur Andreychuk : Dans le cadre de vos conversations, quelqu'un a-t-il mentionné que nous devrions collaborer étroitement avec les États-Unis au profit de notre sécurité? Êtes-vous en train de dire que ces personnes vous disent que nous devrions prendre nos distances au chapitre de la sécurité? Nous sommes justement ici pour en discuter.

Dr Lakhani : Ces conversations n'étaient pas vraiment axées sur la sécurité, mais les gens avaient l'impression que les activités du Canada à l'échelle mondiale peuvent avoir des répercussions sur les sentiments à l'échelle locale. Nous savons ce qui arrive aux États-Unis en ce moment. Vous devez faire très attention. La guerre en Irak était l'un de ces exemples. Bon nombre de personnes ont mentionné que le fait de ne pas participer à cette guerre était une bonne chose pour nous.

Le sénateur Andreychuk : Ma question était la suivante : avez-vous entendu les personnes avec lesquelles vous avez parlé dire que nous ne devrions pas coopérer encore plus étroitement avec les États-Unis en ce qui concerne les questions de sécurité?

Dr Lakhani : Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un commentaire particulier que j'ai entendu.

Le sénateur Andreychuk : Vous avez formulé certains commentaires sur la double citoyenneté. Vous avez exprimé une certaine crainte concernant le fait que, si vous détenez une double citoyenneté, votre allégeance soit mixte. Quelle conclusion en tirez-vous? Vous avez laissé cette question en suspens, et j'aimerais savoir ce que vous avez voulu dire par là.

Dr Lakhani : Ce sont des préoccupations tant sociales que personnelles. Dans un monde où les immigrants proviennent d'un peu partout sur la planète — nous acceptons des gens provenant de nombreux pays différents — lorsque ce genre d'événements se produit à l'échelle mondiale, certaines personnes peuvent ressentir des sentiments puissants concernant certains enjeux. J'ai l'impression que cela peut diviser l'allégeance des personnes.

Nous devons apprendre qu'il s'agit de notre pays. Nous sommes des Canadiens avant tout. Nous affichons des valeurs canadiennes. C'est une discussion qui dépasse mon expertise. J'ai simplement partagé avec vous certaines des préoccupations des personnes avec lesquelles j'ai parlé, des discussions que j'ai eues avec elles. C'est le genre de problèmes qui sont soulevés.

Le sénateur Andreychuk : Je suis encore confuse. Les soulevez-vous pour déclarer que certaines personnes disent que nous ne devrions pas avoir une double citoyenneté? Est-ce bien ce que vous dites?

Dr Lakhani : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Merci.

La présidente : Merci à tous. Nous sommes parvenus à la fin d'une discussion très intéressante. Nous avions bien hâte de vous rencontrer, Dr Lakhani, et d'avoir cette discussion. J'espère que vous tirerez une leçon de la rencontre, c'est-à-dire que la participation de ces collectivités est extrêmement importante à la lumière de cette loi adoptée à la suite d'une situation difficile. Cette participation devrait se faire de la façon la plus collégiale possible.

Au cours des derniers mois, les membres du comité ont entendu dire qu'on avait l'impression que les gens ne participaient pas et qu'ils ne comprenaient pas le but exact de la table ronde.

Aujourd'hui, vous nous avez dit que vous travaillez fort pour régler la situation. Je crois qu'il est important de communiquer avec l'ensemble de nos provinces.

Nous vous souhaitons, à vous et à votre comité, beaucoup de succès. Nous espérons vous rencontrer de nouveau, peut-être en d'autres circonstances. Grâce à votre témoignage aujourd'hui, vous avez soulevé une question sur laquelle nous avions hâte d'en connaître davantage, car nous ne savions pas de quelle façon la table ronde progressait et fonctionnait. Merci beaucoup d'être venu.

Si vous avez l'impression, après avoir réfléchi à la rencontre, qu'il y a autre chose que vous aimeriez partager avec nous, veuillez communiquer avec nous, et nous distribuerons à tous les membres les renseignements que vous nous fournirez.

Dr Lakhani : Merci beaucoup et merci de m'avoir donné l'occasion de tous vous rencontrer. J'ai appris certaines choses auxquelles je dois réfléchir et que je dois partager avec mes collègues.

Le comité suspend ses travaux.


Haut de page